Mercredi 3 juin 2009

- Présidence de M. Jacques Legendre, président, puis de Mme Béatrice Descamps, secrétaire -

Enseignement agricole - Audition de M. Jean-Louis Buër, directeur général de l'enseignement général et de la recherche du ministère de l'agriculture et de la pêche

La commission a tout d'abordé procédé à l'audition de M. Jean-Louis Buër, directeur général de l'enseignement général et de la recherche du ministère de l'agriculture et de la pêche.

Brossant à titre liminaire un état des lieux de l'enseignement agricole, M. Jean-Louis Buër a mis l'accent sur cinq points :

- l'offre de formation de l'enseignement agricole est en voie de transformation dans le cadre du cinquième schéma prévisionnel national des formations, dont les contours avaient été esquissés par le groupe consultatif présidé par Mme Françoise Férat. Un équilibre doit être trouvé entre les formations en lien avec le secteur de la production, qui représentent environ 40 % des effectifs, celles conduisant aux métiers des services, qui accueillent une proportion sensiblement équivalente d'élèves, et, enfin, celles qui préparent aux autres professions, notamment de l'aménagement paysager, et qui sont fréquentées par environ 20 % des effectifs de l'enseignement agricole. Cette transformation est conduite sous l'autorité des directeurs régionaux de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) qui sont en charge de l'ouverture et de la fermeture des classes, à l'exception des sections de techniciens supérieures dont la carte demeure gérée au niveau national. Le développement des autres missions de l'enseignement agricole est également une priorité ;

- la prochaine rentrée scolaire sera marquée par la mise en place du baccalauréat professionnel en trois ans. Pour permettre le bon fonctionnement de ces cursus, des classes de seconde professionnelle vont être créées. Le brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA) demeurera et les épreuves correspondantes seront passées durant la formation au baccalauréat professionnel. De plus, des classes spécifiques seront créées afin de permettre aux élèves qui ne parviendraient pas à suivre ces nouveaux cursus d'obtenir un BEPA. En fin de seconde professionnelle, les élèves concernés pourront donc les rejoindre pour obtenir le diplôme, avant, s'ils le souhaitent, de réintégrer une classe de première professionnelle ;

- l'enseignement agricole a connu des difficultés budgétaires, auxquelles l'amendement adopté par le Sénat à l'initiative de la commission des affaires culturelles et de son rapporteur, Mme Françoise Férat, a permis de répondre. Sur les 38 millions d'euros supplémentaires finalement votés en loi de finances initiale pour 2009, 8 millions ont été destinés à l'enseignement public, afin notamment de financer les assistants d'éducation et de garantir la solidité financière des centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA). 11,6 millions ont permis d'apurer le contentieux naissant avec l'enseignement privé du temps plein, un protocole ayant été signé par le ministre de l'agriculture et de la pêche et visé par le contrôleur budgétaire. De même, 12,6 millions supplémentaires ont été affectés à la réduction du report de charges qui pesait sur l'enseignement du rythme approprié. Un accord a également été trouvé pour poursuivre cette diminution. 5 millions d'euros sont enfin utilisés pour les bourses qui bénéficient tant aux élèves du public que du privé ;

- la loi de finances pour 2009 prévoyait que deux agents administratifs sur trois et un enseignant sur deux partant à la retraite dans l'enseignement agricole ne seraient pas remplacés. Dans ces conditions, la dotation globale horaire (DGH) allouée aux DRAAF devait baisser de 1,8 % en moyenne, avec des variations entre - 1,2 % et - 2 % selon les régions. Une analyse plus fine de la situation budgétaire du programme 143 et des redéploiements effectués au sein du ministère a toutefois permis de rétablir 132 postes et d'ouvrir une enveloppe de 90 000 heures supplémentaires. Ces modifications ne concernent cependant que les seuls personnels enseignants, les suppressions de postes d'agents administratifs n'ayant pas été revues à la baisse ;

- à moyen terme, ce contexte budgétaire imposera une réflexion sur la dimension et le positionnement des établissements, dès lors qu'un large accord se fait sur les finalités éducatives de l'enseignement agricole et sur ses missions de coopération internationale, d'expérimentation et de développement du territoire. La fermeture de certains sites devra être envisagée, puisqu'elle est le seul moyen de ne pas avoir à choisir entre la mission d'enseignement et les autres missions.

Un large débat a suivi l'intervention de l'orateur.

Après s'être réjouie de cette audition inédite, la commission n'ayant jamais reçu jusqu'ici le directeur général de l'enseignement et la recherche, Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole, a noté que le rétablissement de 132 postes d'enseignants donnait raison rétrospectivement à la commission et au Sénat, qui avaient souligné l'impossibilité de supprimer des emplois supplémentaires dans l'enseignement agricole public, sans parvenir à convaincre le Gouvernement.

Après avoir rappelé que l'amendement voté par le Sénat avait été « arraché », elle a ensuite formulé une première série de questions sur l'exécution de la loi de finances pour 2009. Ainsi, elle s'est interrogée sur l'effet des suppressions de postes administratifs dans les établissements, qui lui semblent être sources de risques. Elle a également souhaité savoir si des mesures de régulation budgétaire étaient envisagées, le programme 143 étant coutumier des annulations liées à l'ouverture de crédits supplémentaires destinés à la gestion de crises et de calamités agricoles. Enfin, elle a demandé des informations sur le montant des crédits destinés aux organismes de formation des personnels de l'enseignement agricole.

En réponse à ces interrogations, M. Jean-Louis Buër a apporté les précisions suivantes :

- la régulation budgétaire est un fait inévitable. Il est vrai que le ministère de l'agriculture et de la pêche, qui doit faire face à des crises agricoles soudaines et violentes, doit parfois annuler les crédits de certains de ses programmes pour gager des ouvertures sur d'autres. Pour autant, les mesures de régulation budgétaire pour 2009 semblent devoir porter essentiellement sur les lignes destinées au financement des assistants d'éducation et à la prise en charge des subventions aux organismes. En tout état de cause, il y aurait une certaine contradiction à prendre acte, d'une part, du souci du législateur de réduire les reports de charge et de pratiquer, d'autre part, des annulations de crédits systématiques qui conduiraient à leur reconstitution ;

- les crédits de formation progresseront en 2009, afin, en particulier, d'accompagner les enseignants dans la mise en place des nouveaux cursus en trois ans ;

- s'agissant des personnels administratifs, force est de constater que les établissements sont désormais confrontés à de véritables difficultés ;

- le rétablissement de 132 équivalents temps plein dans l'enseignement agricole était le maximum autorisé. Transformer 90 000 heures supplémentaires en emplois aurait exposé le ministère de l'agriculture et de la pêche à un refus de visa de la part du contrôleur budgétaire. Pour autant, les heures supplémentaires permettent de répondre à de vrais besoins locaux de manière souple et efficace, en évitant notamment de proposer aux enseignants des services partiels ou éclatés entre plusieurs établissements.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole, a mis l'accent sur la préparation du projet de loi de finances pour 2010, en souhaitant connaître l'état des discussions budgétaires et le ratio de remplacement des départs en retraite anticipé par la direction générale de l'enseignement et de la recherche. Elle a également souligné que l'essentiel de l'amendement adopté par le Sénat devait être reconduit pour 2010. Elle s'est ensuite interrogée sur le point de savoir si la deuxième tranche de la revalorisation de la subvention versée aux établissements du temps plein serait effectivement versée en crédits de paiement. En outre, elle a demandé à connaître les intentions du ministère de l'agriculture et de la pêche vis-à-vis du processus de masterisation de recrutement des enseignants. De plus, elle a souhaité savoir si, pour la direction générale de l'enseignement et de la recherche, les effectifs de l'enseignement agricole étaient appelés à progresser au cours des années à venir ou si une stabilisation était envisagée. Elle a conclu son propos en affirmant que les effectifs devaient déterminer les moyens, alors que la politique suivie par le ministère semble rigoureusement inverse. Il y a là de quoi faire naître un certain agacement dans la communauté de l'enseignement agricole, les élèves et leurs familles n'ignorant pas les tergiversations budgétaires dont font l'objet chaque année leurs établissements. Il serait donc souhaitable que le ministère de l'agriculture et de la pêche assume toutes ses responsabilités à l'égard de l'enseignement agricole.

En réponse à ces questions, M. Jean-Louis Buër a formulé les réflexions suivantes :

- comme M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) est parfaitement consciente de la valeur de l'enseignement agricole, qui permet à des jeunes issus de catégories sociales modestes de trouver un cadre scolaire accueillant, de suivre une formation, d'obtenir un diplôme et, bien souvent, d'accéder à un emploi. Mais nul ne peut s'exonérer de l'effort budgétaire qui est demandé à l'ensemble des services de l'État. L'amendement adopté par le Sénat a permis d'éviter que certains problèmes majeurs ne surviennent dans l'enseignement privé. Il a bénéficié également à l'enseignement public, même s'il ne comportait au final pas de crédits de personnel ;

- la DGER souhaite qu'un nombre significatif des éléments de l'amendement voté par le Sénat servent de base de calcul au budget du programme « Enseignement technique agricole ». Les discussions à ce sujet avec le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique sont en cours. De manière générale, il faut noter que la préparation du budget de l'enseignement supérieur agricole se fait dans un cadre réellement interministériel, l'unité de la mission « Recherche et enseignement supérieur » prévalant. Tel n'est pas le cas pour le programme 143, dont les budgets sont élaborés en tenant compte des crédits attribués au seul ministère de l'agriculture et de la pêche ;

- les ratios de remplacement des départs à la retraite ne sont pas encore connus. Il n'y a toutefois pas de raison de penser qu'ils puissent être substantiellement différents. Sur un plan purement technique, il n'est pourtant pas certain qu'il soit possible d'aller plus loin en matière de suppression de postes de personnels administratifs. De fait, la charge de travail correspondante se reporte désormais sur les directeurs d'établissements ;

- s'agissant des effectifs d'élèves, la stabilité est sans doute souhaitable, du moins à court terme. En effet, la création des cursus en trois ans va entraîner un double flux d'élèves dans les filières conduisant aux baccalauréats professionnels, certains poursuivant dans un parcours en quatre ans, d'autres commençant une formation en trois ans. Par ailleurs, le maintien, dans la mesure du possible, de classes à faibles effectifs dans des secteurs cruciaux, comme la production ou la transformation, est une garantie pour l'avenir. Il arrive en effet régulièrement que des sections un temps délaissées redeviennent attractives. Dès lors que des classes existent encore, il est possible d'accueillir un flux soudain d'élèves ;

- l'enseignement agricole est partie prenante dans le processus de masterisation du recrutement des enseignants. Ses modalités restent encore à préciser, notamment pour les formateurs de l'enseignement du rythme approprié ;

- le ministère de l'agriculture et de la pêche et le ministère de l'éducation nationale travaillent de plus en plus ensemble. C'est le cas pour la masterisation du recrutement, et il en va de même, à l'échelon déconcentré, pour la création de classes communes décidée par les DRAAF et les recteurs ;

- les engagements pris vis-à-vis de l'enseignement privé du temps plein seront tenus, la revalorisation de la subvention qui lui est versée faisant partie intégrante du protocole récemment signé.

Après avoir souligné les conséquences dévastatrices de la politique de réduction budgétaire poursuivie dans l'enseignement agricole public, comme dans l'éducation nationale, Mme Brigitte Gonthier-Maurin a mis l'accent sur les principales difficultés rencontrées dans les établissements. Ainsi, des filières complètes sont supprimées, empêchant les élèves engagés dans un cursus de le poursuivre jusqu'au bout ; de même, des élèves sont refusés et d'autres, parce qu'ils redoublent, peinent à rester dans le même établissement ; les fusions de lycées s'accélèrent. Au total, c'est un véritable cri d'alarme que lancent les personnels, les élèves et leurs familles. Il conviendrait de l'entendre enfin.

Mme Françoise Laborde a rappelé les inquiétudes que lui inspire la mise en place du baccalauréat professionnel en trois ans et s'est interrogée sur la place qu'aurait le BEPA dans les futurs cursus.

M. Yannick Bodin s'est élevé contre l'éternelle antienne de l'optimisation des moyens, qui n'est qu'une formulation technocratique destinée à masquer la réalité de la suppression de classes, de postes et désormais d'établissements.

Mme Marie-Christine Blandin a mis en exergue la mission de l'enseignement agricole en matière de développement durable. La réduction de l'usage d'insecticides prévue par le « Grenelle » suppose qu'une formation adaptée soit délivrée aux producteurs. A cet égard, il serait souhaitable que ceux-là mêmes qui commercialisent les produits phytosanitaires n'interviennent pas dans les établissements : cela relève de la confusion des genres.

Après avoir souligné les difficultés inhérentes aux rapprochements d'établissements, Mme Bernadette Bourzai a observé que les investissements consentis par les régions, souvent très importants, devraient être mieux pris en compte lorsque l'ouverture ou la fermeture de classes sont décidées. La cohérence doit être le maître mot de l'action publique en la matière.

M. Jacques Legendre, président, a constaté que la commission était unanime sur la nécessité de soutenir l'enseignement agricole. Le Sénat restera donc vigilant sur cette question et suivra avec une attention toute particulière le budget du programme 143. Les inquiétudes dans les régions sont en effet nombreuses : l'enseignement public y connaît des difficultés et, dans certains établissements, des filières entières sont supprimées. Il y a là un véritable sujet de préoccupation, dont témoigne la situation du lycée public Sains du Nord.

En réponse à ces interrogations, M. Jean-Louis Buër, directeur général de l'enseignement et de la recherche, a apporté les précisions suivantes :

- le plafond d'emplois du programme ne peut être dépassé par le ministère de l'agriculture et de la pêche. Mais, en tout état de cause, les heures supplémentaires offrent l'avantage de la souplesse. De fait, les enveloppes mises à disposition des DRAAF les années précédentes ont été utilisées. Il n'y a donc pas a priori lieu de s'interroger sur la possibilité de les consommer effectivement ;

- les 38 millions de l'amendement adopté par le Sénat ont été répartis entre les formes d'enseignement au prorata des effectifs qu'elles accueillent ;

- le BEPA restera un véritable diplôme professionnel, dont les épreuves s'appuieront sur un cadrage national. Un calendrier unifié sera également proposé pour l'examen ;

- les élèves qui peineront à suivre les enseignements de seconde professionnelle pourront, à l'issue de cette classe, rejoindre une section de préparation du BEPA. De fait, la possibilité de suivre une formation en deux ans demeurera ;

- les classes de seconde seront très professionnalisantes. C'était un point essentiel aux yeux de la DGER. Sur les vingt-neuf heures hebdomadaires que suivront les élèves, un tiers sera consacré aux enseignements professionnels. Par ailleurs, quatre heures seront laissées à l'initiative de chaque établissement pour renforcer la dimension professionnelle ou générale de la formation, trois de ces quatre heures pourront être dédoublées ;

- le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier, a pris des engagements très clairs en matière de développement durable. L'enseignement agricole jouera donc son rôle en la matière : lors de la rénovation des référentiels des diplômes, une place significative a été accordée à la sensibilisation des élèves à l'utilisation raisonnée des intrants et des produits phytosanitaires. De plus, tous les établissements doivent héberger au moins une parcelle en mode d'exploitation biologique, afin de permettre aux élèves de constater les différences existant entre les différents modes d'exploitation. Enfin, si les professionnels qui commercialisent des produits phytosanitaires interviennent légitimement dans les établissements, il est nécessaire de faire en sorte qu'ils ne soient pas les seuls interlocuteurs des élèves, mais, le plus souvent, tel n'est pas le cas ;

- à l'exception des STS, les ouvertures et les fermetures de classes sont de la compétence des DRAAF, qui sont les mieux placés pour prendre en compte la politique poursuivie par les conseils régionaux. Le travail en commun entre les DRAAF et les régions est au demeurant une réalité ;

- l'avenir du lycée Sains du Nord n'est pas en cause. En l'espèce, il s'agit de prendre acte de la très grande faiblesse des effectifs dans une filière donnée, alors même qu'il ne s'agit pas d'une formation extrêmement spécialisée. La décision prise par le DRAAF a toutefois donné lieu à des mesures d'accompagnement : tout a été fait pour que les familles et les élèves concernés disposent des moyens et des informations nécessaires pour poursuivre leur scolarité dans un autre établissement. La DGER est au demeurant prête à le vérifier sur place et se tient disponible à cet effet.

Enseignement agricole - Audition de l'intersyndicale de l'enseignement agricole public

La commission a ensuite procédé à l'audition de l'intersyndicale de l'enseignement agricole public, représentée par MM. Jean-Marie Le Boiteux, Frédéric Chassagnette, Serge Pagnier, Mmes Sylvie Debord, Marie-Madeleine Dorkel, MM. Pascal Lepeltier et Michel Delmas.

Revenant sur les difficultés que traverse l'enseignement agricole public, qui ont conduit à la constitution de l'intersyndicale, M. Jean-Marie Le Boiteux, secrétaire général du syndicat national de l'enseignement agricole public - fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU), a insisté sur quatre points :

- la situation budgétaire de l'enseignement agricole public est particulièrement difficile, cinq années de restriction s'étant succédé. Au total, ce sont six cents emplois qui ont été supprimés et deux cents classes qui ont été fermées. Un étiage est désormais atteint et, sauf à asphyxier définitivement l'enseignement agricole public, il ne sera pas possible d'aller plus loin. A cet égard, l'amendement adopté par le Sénat n'a eu que peu d'effet sur l'enseignement public, puisqu'il ne visait que des crédits hors titre 2. Par ailleurs, si les 38 millions d'euros supplémentaires votés en loi de finances initiale avaient été répartis au prorata des effectifs scolarisés, l'enseignement agricole public aurait dû bénéficier de 14 millions d'euros supplémentaires. Or ce sont 8 millions d'euros seulement qui lui ont été attribués et cette somme n'a pas permis de renforcer les moyens d'enseignement, mais seulement de couvrir des sous-budgétisations qui n'avaient que peu de rapport avec l'activité des classes ;

- comme l'avait souligné Mme Françoise Férat lors d'une question orale adressée au ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier, l'enseignement agricole public a besoin non de crédits, mais d'emplois. Or sur ce point, aucune avancée réelle n'a été constatée. Certes, 132 équivalents temps plein ont été rétablis et 90 000 heures supplémentaires dégagées. Mais le recours à une enveloppe d'heures supplémentaires n'est pas une réelle solution. De plus, le ministère de l'agriculture et de la pêche s'est engagé dans une politique de forte réduction du nombre de contractuels, menaçant ainsi de priver d'emploi des agents, du jour au lendemain. Au total, la question du plafond d'emplois voté en loi de finances initiale reste décisive ;

- si l'intersyndicale n'a pas vocation à jeter l'opprobre de quelque façon que ce soit sur l'enseignement agricole sous contrat, il faut rappeler le rôle majeur de l'enseignement public dans la formation aux métiers de la production. Les établissements publics sont ainsi les piliers de l'identité de l'enseignement agricole ;

- la réduction de la dotation globale horaire (DGH) a des effets massifs dans l'enseignement agricole, car la différence d'échelle démultiplie les conséquences que cette même diminution aurait dans l'éducation nationale. Dans cinq régions, la seule manière pour les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) de respecter l'enveloppe qui leur est allouée est de supprimer toutes les options proposées jusqu'ici aux élèves, ce qui met à mal l'attractivité des formations. Quant à la réforme du baccalauréat professionnel, elle va à l'encontre de l'objectif de remédiation qui suppose que les élèves puissent prendre le temps de construire des parcours de réussite ;

- le ministère de l'agriculture et de la pêche semble désormais diriger son attention vers les décharges dont bénéficiaient certains personnels au titre de leur activité. Ainsi, les professeurs d'éducation socioculturelle, dont l'action contribue directement à faire des lycées agricoles des lieux vivants et accueillants, pourraient voir remises en cause les décharges dont ils bénéficiaient pour exercer certaines missions d'animation essentielles. L'enseignement agricole risque donc de voir sacrifiés ses atouts et les missions qui le singularisaient pour des raisons de pure économie budgétaire.

Concluant son intervention, M. Jean-Marie Le Boiteux, secrétaire général du syndicat national de l'enseignement agricole public - fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU), a indiqué que l'intersyndicale demandait le maintien des postes de contractuels menacés de suppression et, au-delà, le rétablissement des emplois d'enseignants et de personnels administratifs supprimés.

Après avoir rappelé que la commission venait d'entendre M. Jean-Louis Buër, directeur général de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'agriculture et de la pêche et qu'un message très clair lui avait été adressé, Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole, a observé que les difficultés de l'enseignement agricole public étaient désormais bien connues. La commission avait demandé le rétablissement d'emplois lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009. Elle n'avait pas été entendue, mais avait indiqué très clairement qu'elle souhaitait que l'enseignement agricole public bénéficie de manière substantielle des 38 millions d'euros supplémentaires finalement adoptés. En tout état de cause, le ministère de l'agriculture et de la pêche est à présent au pied du mur.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin a observé que la question du plafond d'emplois était centrale : c'est en effet le principal outil des réductions budgétaires au sein de l'enseignement agricole public. A l'évidence, le recours aux heures supplémentaires n'est qu'un pis-aller alors que les établissements ont besoin de s'appuyer sur des enseignants stables. Il est aussi regrettable que l'enseignement agricole public n'ait bénéficié qu'à la marge des crédits supplémentaires votés par le Sénat. Par ailleurs, il est insatisfaisant de devoir prélever les crédits de l'éducation nationale pour les verser à l'enseignement agricole, notamment privé. Certes, l'article 40 de la Constitution interdit qu'il en aille autrement à l'initiative des parlementaires, mais il revient au Gouvernement de prendre ses responsabilités et d'abonder sans contrepartie le budget de l'enseignement agricole. Enfin, il faut mieux prendre en compte l'action des régions, qui subissent régulièrement les décisions du ministère sans que leurs investissements et leurs projets n'aient été pris en considération.

En réponse à ces observations, M. Frédéric Chassagnette, secrétaire général adjoint du SNETAP-FSU, a fait les constats suivants :

- certains conseils régionaux, mis devant le fait accompli, ont refusé de signer les avenants au plan régional de développement des formations (PRDF) ;

- le ministère fait souvent sienne la stratégie consistant à concentrer les baisses de DGH sur un seul établissement. Pour la première fois depuis les années 1980, des lycées agricoles vont être fermés, alors même que la carte de l'enseignement agricole public a été largement rationalisée depuis vingt-cinq ans. Cette situation est symptomatique, puisque dans certains territoires, il n'y aura plus d'établissement public capable de répondre aux demandes des élèves et des familles. Deux régions sont particulièrement sources d'inquiétude : Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes ;

- les prévisions de Mme Françoise Férat dans son rapport pour avis sur la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2009 sont en passe de se réaliser : d'ores et déjà, soixante-deux classes ont été fermées ou gelées. Il est dès lors probable que les fermetures atteignent un ordre de grandeur de quatre-vingts à quatre-vingt-dix classes. Pour l'essentiel, ce sont les formations de production qui sont menacées et avec elles, l'identité de l'enseignement agricole. En tout état de cause, le fait que la carte de la rentrée 2009 ne soit toujours pas connue témoigne des incertitudes qui planent sur l'avenir des établissements ;

- les classes de 4e et 3e, auxquelles les parlementaires portent un intérêt particulier, sont également sur la sellette dans au moins cinq régions.

M. Yannick Bodin a indiqué que la commission serait très vigilante sur le budget 2010 de l'enseignement agricole, qui se trouve désormais sur une ligne de crête où se joue son avenir. Sa valeur de modèle doit être réaffirmée, car bien souvent l'enseignement agricole pourrait tenir lieu de source d'inspiration pour les politiques publiques menées au sein du ministère de l'éducation nationale. Pour autant, il n'est pas satisfaisant de devoir prélever sur le budget de ce dernier les crédits destinés à l'enseignement agricole. C'est cela qui a conduit les sénateurs de l'opposition à préférer l'abstention bienveillante à un vote en faveur de l'amendement présenté par la commission lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009.

M. Michel Delmas, secrétaire général du Syndicat Force Ouvrière de l'enseignement, de la recherche et des techniques agricoles (SFOERTA), a alors rappelé que l'enseignement agricole constituait un exemple, dont la valeur a d'ailleurs été reconnue par M. Richard Descoings au cours de sa mission sur le lycée. 

Mme Sylvie Debord, secrétaire générale adjointe du SNETAP-FSU, a témoigné du fait que la fermeture d'établissement apparaissait pour certains DRAAF comme la meilleure solution pour retrouver des marges de manoeuvre en matière de DGH. De tels calculs sont d'autant plus regrettables que les élèves qui reviendront dans les lycées de l'éducation nationale y ont déjà connu l'échec. Ce n'est donc pas la solution. Par ailleurs, il convient de prendre en compte les réalités locales dans la réorganisation de la carte des lycées : certains territoires peuvent paraître proches, mais les habitudes font que cette proximité n'est qu'apparente. Les flux de population sont des réalités géographiques et non administratives.

M. Jean-Marie Le Boiteux, secrétaire général du SNETAP-FSU, a indiqué à son tour que l'optimisation des moyens n'était qu'une manière de présenter la réduction de l'offre publique d'enseignement. Par ailleurs, le plafond d'emplois est sans doute contraignant, mais lorsqu'il y a sous-consommation des crédits de titre 2 dévolus à l'enseignement public, ceux-ci sont reversés à l'enseignement privé grâce aux mesures de fongibilité asymétrique.

M. Serge Panier, secrétaire général adjoint du SNETAP-FSU, a déploré que l'enseignement agricole public et l'enseignement agricole privé ne figurent pas dans deux programmes budgétaires séparés, comme c'est le cas dans la mission « enseignement scolaire ». Par ailleurs, il a observé que les projets de fusion et de fermeture d'établissements en cours d'examen concernaient bien souvent l'enseignement agricole public.

M. Frédéric Chassagnette, secrétaire général adjoint du SNETAP-FSU, a enfin mis l'accent sur la dimension concrète des réductions budgétaires. Outre la suppression de filières complètes, le plafonnement des effectifs, la suppression de nombre d'options, la fragilisation de la gestion administrative des établissements et les refus de réinscription opposés à des élèves redoublants, il faut également avoir conscience des conséquences de la réforme de la voie professionnelle. Le ministère de l'agriculture et de la pêche annonce qu'il maintiendra des classes spécifiques destinées aux élèves préparant le brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA) en deux ans. Mais à ce jour, aucune DRAAF ne connaît les crédits dont il disposera pour ce faire. Au mieux, semble-t-il, il y aura une seule classe pour l'ensemble d'une région. Par ailleurs, aucun programme ne sera défini. Au total, il y a tout lieu de s'interroger sur la réalité de la faculté qui sera offerte aux élèves de préparer un BEPA si, en cours de seconde professionnelle, le rythme d'enseignement ne leur convenait pas.

Mme Béatrice Descamps, présidente, a fait observer que la commission unanime tirait une même conclusion des nombreuses auditions auxquelles elle a procédé : l'enseignement agricole est un modèle qu'il convient de préserver dans des circonstances budgétaires difficiles.

Enfin, Mme Brigitte Gonthier-Maurin a souhaité attirer l'attention de la commission sur les projets de décret relatifs à la formation des enseignants. Ceux-ci ont été adoptés en comité technique paritaire ministériel, alors même que les représentants des personnels étaient absents ou s'abstenaient, ces derniers estimant à juste titre que la préparation de ces décrets empiète sur les prérogatives de la commission nationale de concertation sur la réforme du recrutement et de la formation des enseignants, dite commission « Filâtre-Marois ». Un tel passage en force n'est pas de nature à apaiser les tensions qui s'expriment légitimement dans la communauté éducative.

Jeudi 4 juin 2009

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

La commission a entendu Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Jacques Legendre, président, a précisé à la ministre que l'objet principal de l'audition portait sur les conditions dans lesquelles seront organisés les examens de fin d'année au sein des universités. Il a insisté sur la nécessité, d'une part, que les étudiants puissent passer leurs examens et, d'autre part, que les conditions d'organisation de ces derniers garantissent la valeur nationale du diplôme, sans que puissent planer des doutes à ce sujet. A cet égard, il a cependant fait part de son inquiétude, compte tenu de témoignages d'étudiants recueillis directement ou par le biais des médias, faisant état d'examens portant sur des programmes allégés ou de modalités peu usuelles (comme la possibilité de travailler sur le sujet d'examen à son domicile...).

Partageant les mêmes préoccupations, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement supérieur, a jugé souhaitable une vérification des conditions de rattrapage des cours non délivrés. Il a demandé à la ministre de préciser les conséquences des récents événements sur les partenariats entre universités françaises et étrangères, et si l'on disposait d'informations sur les éventuels taux de réussite qui, s'ils s'avéraient élevés en dépit des circonstances, pourraient nuire à la crédibilité des diplômes.

Il a souligné que le blocage des universités était le fait de minorités extrémistes, comme souvent, alors même que la grande majorité des étudiants et des enseignants ne s'inscrivaient pas dans la même logique. Il a jugé anormal que de tels blocages les empêchent de travailler.

Après avoir indiqué que les dernières universités perturbées retrouvaient une activité normale, Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a rappelé que ce troisième épisode conflictuel depuis 2005 avait deux motifs : le nouveau statut des enseignants-chercheurs et la réforme de la formation des maîtres, sur fond de réformes plus globales du système d'enseignement supérieur. Elle a souligné que le Gouvernement s'était efforcé, tout au long de ces trois derniers mois, d'apaiser les tensions grâce à un dialogue constant avec l'ensemble de la communauté universitaire.

Elle a relevé que la détermination du Gouvernement à tenir le cap de la réforme attendue par les universités depuis vingt-cinq ans expliquait à la fois la longueur du mouvement et son caractère très hétérogène et disparate. Elle s'est réjouie d'avoir toujours pu compter sur l'appui du Président de la République et du Premier ministre pour conduire cette réforme, lourde et complexe, qui doit permettre de replacer l'université française au coeur de notre système d'enseignement supérieur et de recherche. A cet égard, elle a évoqué la décision du Premier ministre de ne pas supprimer d'emplois dans les établissements d'enseignement supérieur en 2010 et 2011.

Estimant que la négociation n'excluait pas la fermeté, notamment face aux occupations illégales et aux dégradations, Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a salué le professionnalisme des forces de police à l'occasion de la trentaine d'évacuations de sites universitaires, qui se sont déroulées dans de bonnes conditions.

Soulignant le caractère très hétérogène du mouvement dans sa forme d'expression et très variable selon les universités et selon les unités de formation et de recherche, la ministre a rappelé que près de la moitié des universités n'avaient connu aucune perturbation, et notamment celles ayant récemment accédé à l'autonomie. En revanche, seize universités ont connu des perturbations longues et affectant l'ensemble de leurs composantes, dix-sept ont subi un mouvement touchant le seul secteur des sciences humaines et sociales (SHS) et dix ont été faiblement concernées.

Après avoir indiqué que la plupart des étudiants ayant perdu entre une et douze semaines de cours sont retournés à l'université, elle a estimé à 30 000 le nombre d'étudiants devant être pris en charge. Evoquant ensuite l'organisation des plans de rattrapage, elle a précisé les consignes données aux recteurs en vue de garantir la validité des diplômes : pas de semestre « blanc », pas de moyenne automatique et des examens fondés sur des enseignements réels. Les plans de rattrapage reposent sur trois principes :

- un temps d'enseignement en présence de l'enseignant suffisant (soit l'équivalent de cinq semaines de cours) ;

- complété, autant que de besoin, par un soutien pédagogique en ligne ;

- au moins 80 % du programme du second semestre assuré.

Les universités sont accompagnées par le ministère pour la mise en oeuvre de leurs plans de rattrapage, sans que soient exclues des mesures plus sévères, telles que le fait de déférer au tribunal administratif les plans qui seraient défaillants.

Se déclarant préoccupée par la situation des étudiants, en particulier des plus modestes d'entre eux, la ministre a évoqué la mise en place de dispositifs complémentaires d'aides.

Relevant que les enseignants-chercheurs avaient largement compris l'enjeu et assumé leurs responsabilités, elle a indiqué que les présidents d'université seraient en mesure d'évaluer si leurs cours avaient été effectivement assurés.

La ministre, après avoir évoqué la préoccupation et, parfois, l'indignation des Français, a jugé nécessaire une réflexion sur les modalités permettant d'assurer plus clairement la continuité du service dans les universités. Elle a relevé que, à chaque fois qu'un vote s'était déroulé par bulletin secret via Internet, une immense majorité des votants s'était manifestée pour une levée des blocages.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a souhaité, par ailleurs, que soit pris en compte le malaise particulier, ancien mais aigu, des filières de sciences humaines et sociales (SHS). Evoquant le manque de confiance des acteurs concernés, elle a relevé que ceux-ci ressentaient leurs disciplines comme étant sans valeur économique directe. Cette perception est sans doute alimentée par trois volets de la réforme : l'insertion professionnelle des diplômés résultant de la loi de 2007 relative à la liberté et aux responsabilités des universités, l'évaluation des enseignants-chercheurs portée par le décret sur leur statut et la réforme de la formation des maîtres. En effet, les universitaires des SHS perçoivent encore trop souvent les concours de l'éducation nationale comme le principal débouché de leurs étudiants, alors même qu'il n'y a pas de fatalité à enfermer les SHS dans la seule reproduction académique. En effet, les entreprises cherchent à diversifier leur recrutement, car elles ont besoin de compétences linguistiques, d'ouverture culturelle, de sens critique et de capacité créatrice. A cet égard, la ministre a annoncé la création d'un Haut conseil des humanités et des sciences sociales, devant avancer des propositions pour la fin de l'année 2009, pour à la fois renforcer le potentiel scientifique national et clarifier les enjeux de formation et d'insertion des diplômés concernés.

Enfin, répondant au rapporteur pour avis, elle a indiqué qu'elle allait réunir les ambassadeurs des principaux pays étrangers sur la question des partenariats internationaux afin notamment de restaurer l'image de l'université française.

M. Ivan Renar a évoqué les quatre sujets suivants à :

- la conduite du dialogue social ces derniers mois, estimant que les divers collectifs avaient été privilégiés au détriment des syndicats représentatifs ;

- l'inquiétude des familles, compte tenu de la suspicion qui pèse sur la valeur des examens ;

- le « manque de confiance de la communauté universitaire en elle-même », évoqué par la ministre dans un récent article : dans ces conditions, les déclarations du Président de la République, en janvier dernier, ont sans doute amplifié le mouvement ;

- les budgets pour 2010 et 2011, afin de savoir si le gel des postes concernait exclusivement les enseignants-chercheurs ou l'ensemble des personnels.

M. Yannick Bodin a posé deux questions concernant :

- la date et le contenu de la réforme de la formation des maîtres, la nécessaire professionnalisation du diplôme devant permettre une formation aussi bien pratique que théorique, ainsi que le permettait jusqu'à présent la dernière année au cours de laquelle les jeunes concernés étaient rémunérés en tant que stagiaires de l'éducation nationale ;

- la manière d'inciter les futurs bacheliers à s'orienter vers l'université, alors qu'un média avait relayé le fait que seulement 27 % d'entre eux la citaient en premier choix, les autres privilégiant les filières sélectives.

M. David Assouline a rappelé que, à l'occasion de l'examen de la loi de 2007 sur la liberté et les responsabilités des universités, son groupe avait demandé que soit abordée la question des objectifs et des moyens des universités avant celle de la réforme de la gouvernance, ce qui aurait permis une concertation préalable au lancement par la ministre des différents « chantiers ». Puis il a évoqué les points suivants :

- l'impact des déclarations du Président de la République sur une communauté universitaire qui attendait plutôt des signes positifs ;

- la grande inquiétude des filières de SHS, dont le malaise doit être écouté, car elles estiment que les politiques ne peuvent pas définir leur utilité sociale, par manque de capacité à anticiper celle-ci à l'horizon de vingt ans ;

- la crainte des chercheurs et universitaires d'être « sacrifiés », dans le contexte actuel de malaise général lié à la crise économique ;

- les risques liés à une dramatisation excessive des conditions de passage des examens de fin d'année ;

- le problème de la misère étudiante qui se posera avec acuité lors de la prochaine rentrée universitaire, compte tenu de la crise économique ;

- les perspectives d'emploi dans l'enseignement supérieur en 2012.

M. Jacques Legendre, président, a estimé que la commission ne faisait pas de catastrophisme, mais qu'il était utile de faire le point sur la situation, compte tenu des informations relayées par les médias, relatives aux inégalités des conditions de passage des examens. Ce souhait est lié à l'attachement des sénateurs à la valeur des diplômes.

Evoquant ensuite la prochaine rentrée universitaire, il a rappelé que la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes, qui vient de rendre ses travaux, a proposé la création d'un dixième mois de bourse.

Evoquant les filières universitaires courtes, Mme Maryvonne Blondin a relayé les inquiétudes liées à l'évolution de leurs crédits, alors même que leurs diplômés bénéficient d'un taux d'insertion professionnelle élevé - comme l'ont indiqué les personnes auditionnées par la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes - et qu'elles doivent continuer à investir dans des équipements performants pour rester en phase avec les attentes des entreprises. En outre, ces filières craignent de voir leurs spécificités disparaître ainsi que la valeur nationale de leurs diplômes.

Mme Marie-Christine Blandin a rappelé que, à l'issue d'une première phase de dialogue, tant les présidents d'université que les étudiants avaient été rassurés, mais que le mouvement avait repris car les premiers s'étaient heurtés à leur communauté d'enseignants-chercheurs et les seconds à la réalité de la vie étudiante. Evoquant ensuite le malaise des filières SHS, elle a relevé que leur sentiment de fragilité se trouvait renforcé par des procédures, telles que celles de l'Agence nationale pour la recherche, dont les rythmes ne leur sont pas adaptés, ou par les indicateurs de publications. Enfin, elle a mis en exergue un certain nombre de politiques gouvernementales relevant d'autres ministères et tendant à affaiblir ces filières (par exemple la politique du livre, l'archéologie préventive...).

Après avoir salué la « précautionneuse détermination » de la ministre, M. Jean-Claude Etienne a reconnu que le dialogue avec le milieu universitaire n'était pas aisé. Il a salué les préoccupations exprimées par les filières SHS et estimé que leur réelle utilité sociale était insuffisamment valorisée, notamment en termes d'insertion professionnelle. Puis il a abordé les points suivants :

- le fait qu'il est normal que la commission des affaires culturelles veille à la crédibilité des diplômes ;

- les conséquences financières de l'équivalence d'une heure de travaux pratiques et d'une heure de travaux dirigés, et le cadre de son financement (au sein du « plan licence » ou non) ;

- la nécessité de préparer la réforme de la première année d'études de santé et d'y consacrer les crédits nécessaires.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a apporté les éléments de réponse suivants :

- dans un premier temps, le dialogue avec les organisations représentatives sur le statut des enseignants-chercheurs n'a pas suscité de « tirs de barrage », d'autant que des concertations et négociations avaient été conduites pendant dix-huit mois. Les réactions de la communauté universitaire, en janvier, ont donc entraîné la prise de conscience de l'absence totale de reconnaissance du pouvoir de médiation des syndicats, ce qui constitue un vrai problème. Il a fallu alors nouer un dialogue avec un nombre important de personnes, les préoccupations étant différentes suivant les disciplines, les territoires et les populations concernés. Ce problème de médiatisation et d'absence de reconnaissance de la légitimité du mandataire pour négocier est réel et mérite une réflexion. Parallèlement, le dialogue a toujours été maintenu avec les organisations étudiantes et avec les organisations représentatives des personnels ;

- paradoxalement, alors que les réformes s'attaquent aux vrais problèmes, le fait de soulever en quelque sorte le « couvercle de la cocotte » a fait exploser l'amertume accumulée au cours des vingt-cinq dernières années, liée aux demandes de démocratisation auxquelles l'université peine à répondre, compte tenu de la dévalorisation du métier d'enseignant-chercheur, de la vétusté des locaux, etc. En définitive, l'évolution d'une situation, pourtant insatisfaisante, fait peur à ceux qui ont mis en place des expédients de nature à permettre au système de fonctionner en dépit de ses failles. Dans ces conditions, alors que le constat du Président de la République était certes un peu sombre mais proche d'une certaine réalité, et avait pour objectif de mieux faire rayonner l'université française, son message a fait l'objet d'une exploitation politique ;

- s'agissant de la réforme du statut des enseignants-chercheurs, le refus d'une gestion locale des promotions venait des pratiques antérieures de « localisme » que les réformes avaient pourtant pour but de corriger ;

- pour ce qui concerne le budget, la sanctuarisation des emplois concerne l'ensemble des postes de l'enseignement supérieur et le gel devrait aussi concerner désormais ceux du secteur de la recherche. Les suppressions marginales de 2009 n'ont concerné aucun emploi d'enseignant-chercheur ;

- la formation des maîtres sera professionnalisée et il conviendrait de maintenir une formation en alternance, sachant que c'est bien la première année d'enseignant - et non la dernière année de formation - qui est rémunérée ;

- s'agissant des voeux exprimés par les futurs bacheliers, 42 % des élèves en terminale générale souhaitent s'inscrire à l'université, ce qui marque néanmoins une baisse tendancielle. L'objectif du renforcement de l'autonomie des universités est bien de renforcer leur attractivité. Il est aussi proposé de créer des classes préparatoires au sein de l'université, afin d'estomper les frontières avec les grandes écoles ;

- par ailleurs, de nombreuses mesures vont dans le sens d'un renforcement de cette attractivité : le « plan licence » et la lutte contre l'échec en première année, le contrat doctoral, les moyens importants consacrés au patrimoine immobilier universitaire (deux fois supérieurs à ceux consacrés au « plan université 2000 »). Il convient d'y ajouter les restructurations en cours avec la constitution des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) et l'importante revalorisation de la rémunération des jeunes maîtres de conférences (entre +12 et +25 %) ;

- afin de préparer la rentrée 2009, une rencontre sera organisée d'ici au début du mois de juillet avec les organisations étudiantes et il n'est pas exclu d'accroître le nombre de boursiers, qui a déjà augmenté de 50 000 cette année. En revanche, la création d'un dixième mois de bourse, outre qu'elle coûterait 150 millions d'euros, ne correspond pas au rythme de l'année universitaire, qui est de neuf mois. Il serait donc préférable de consacrer des crédits à une revalorisation du montant des bourses ;

- les spécificités des instituts universitaires de technologie (IUT) doivent être prises en compte afin qu'ils disposent des moyens nécessaires ; les universités se sont engagées à ce que les moyens alloués aux IUT soient au moins constants et le ministère en sera garant ; en outre, dix millions d'euros seront spécifiquement consacrés au patrimoine immobilier utilisé par les IUT. En revanche, ces derniers ne doivent pas être autonomes car l'université doit disposer d'une identité et d'une collégialité réelles, au risque de revenir à l'université facultaire d'avant 1968. La pluridisciplinarité doit, au contraire, être renforcée, notamment dans le cadre des PRES ;

- l'autonomie doit permettre des initiatives et le développement d'identités différenciées, dans la transparence et tout en maintenant le caractère national des diplômes ;

- le dispositif d'orientation active a été mis en oeuvre avec succès cette année, avec 630 000 inscriptions et 130 000 demandes de conseils. M. Richard Descoings a néanmoins demandé l'évolution du calendrier concerné ;

- s'agissant du logement étudiant, les chantiers sont lancés et 70 millions d'euros de l'enveloppe consacrée au « plan licence » seront affectés au démarrage du « plan campus » ;

- afin d'encourager la mobilité internationale, les étudiants boursiers pourront bénéficier de 600 à 800 euros par mois ; des difficultés subsistent néanmoins pour les étudiants issus des classes moyennes ;

- les moyens consacrés à la réforme de la première année des études de santé s'inscrivent dans l'enveloppe consacrée au « plan licence ».