Mercredi 3 juin 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Caisses de congés payés du bâtiment et des travaux publics - Communication

La commission des finances a entendu une communication de M. Jean Arthuis, président, sur les caisses de congés payés du bâtiment et des travaux publics au cours d'une réunion ouverte aux membres des commissions des affaires économiques et des affaires sociales.

Il a précisé que cette communication fait suite à un engagement pris lors de la discussion du premier projet de loi de finances rectificative pour 2009, le 22 janvier, tout entier consacré à la mobilisation de fonds disponibles pour financer le premier plan de relance. Il avait alors déposé un amendement qui tendait à instituer une contribution de 100 millions d'euros à la charge des caisses de congés payés des bâtiments et des travaux publics (BTP), au profit du programme de soutien à l'emploi du plan de relance, et qui prévoyait également la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur le fonctionnement, la gestion financière et les règles d'affiliation des caisses de congés payés du BTP, avant le 30 octobre 2009. Cet amendement d'appel, retiré en séance publique, n'avait pas vocation à être voté. Il visait à explorer des pistes, afin de rendre utiles, pour l'économie, les entreprises et leurs salariés, les sommes collectées par les caisses de congés payés du bâtiment et des travaux publics.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que trente-deux caisses de congés payés, dont trente et une caisses pour les entreprises du bâtiment et une caisse nationale pour le secteur des travaux publics, gèrent plus de 6 milliards d'euros de cotisations patronales de congés payés. Ces sommes font l'objet de placements financiers à propos desquels il convient de faire toute la lumière, tant sur leur gestion que sur leur destination, afin de préciser le montant des résultats financiers et l'ampleur du fonds de roulement de ce régime spécial.

Il a souligné que ses travaux n'ont pas emprunté la voie d'un classique contrôle sur place et sur pièces, dans la mesure où les caisses de congés sont des associations d'employeurs, à but non lucratif, régies par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901. A ce titre, elles ne gèrent pas de fonds publics, mais des cotisations patronales destinées à payer des indemnités ayant le caractère de salaires. Même s'il ne s'agit pas d'un contrôle budgétaire à proprement parler, il a considéré que le législateur est fondé à intervenir dans une matière d'intérêt général, régie par la loi.

M. Jean Arthuis, président, a ensuite rappelé que les missions des caisses de congés payés du bâtiment et des travaux publics trouvent leur origine dans la loi du 20 juin 1936 qui a institué le droit aux congés payés. A la différence du régime général, où les employeurs prennent directement en charge le paiement des congés payés, certaines professions, dites à « travail discontinu » sont soumises au régime des caisses de congés payés : celle du bâtiment, des travaux publics, de la manutention, des transports, du spectacle et des dockers. La gestion et la prise en charge de l'indemnité de congé des salariés concernés sont assurées par ces caisses, qui assurent la fonction d'organismes de compensation se substituant aux employeurs.

Depuis 1937, les caisses sont garantes de la prise effective des congés et de l'exactitude des droits à congés des salariés. Elles remplissent également de multiples missions d'ordre social et conventionnel, certaines obligatoires, d'autres facultatives. Au titre des tâches justifiant le versement de cotisations obligatoires par les entreprises adhérentes, elles assurent depuis 1947 la collecte des fonds et le remboursement de l'indemnisation des salariés au chômage pour cause d'intempéries - pour un total de 72 millions d'euros en 2008, ainsi que le recouvrement des cotisations en faveur de l'organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) qui finance les actions visant à diminuer les risques d'accident du travail dans le BTP, pour un montant de 40 millions d'euros. Elles procèdent également à la perception des cotisations facultatives d'adhésion aux organismes professionnels du BTP tels que la fédération française du bâtiment (FFB), pour 63,6 millions d'euros, et la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), pour 6,5 millions d'euros.

L'union des caisses de France congés-intempéries du BTP (UCF) remplit une fonction de caisse nationale de surcompensation de congés payés entre les caisses régionales, dans les cas où les salariés sont amenés à se déplacer dans des entreprises qui sont affiliées dans des caisses différentes, et assure la mutualisation du régime intempéries ainsi que le reversement aux organisations professionnelles des cotisations collectées par les caisses. Enfin, les caisses ont diversifié leurs actions en direction de la lutte contre le travail illégal en collaboration avec les services de l'inspection du travail, avec la mise en place de la carte d'identification professionnelle (CIP), le suivi des salariés étrangers en détachement en France sur les chantiers de BTP et la participation à la mise en application des règles de concurrence par la délivrance de certaines attestations prévues par le code des marchés publics.

Revenant sur la mission de financement des congés payés, M. Jean Arthuis, président, a décrit les règles d'application et de gestion du régime prévues par les articles D. 3141-12 et suivants du code du travail. En contrepartie d'un encadrement particulièrement strict, l'employeur qui est affilié et à jour de ses cotisations est déchargé du paiement de toute indemnité de congés payés. Par ailleurs, les cotisations ne sont appelées que sur quarante-sept semaines puisque les cinq semaines de congés payés sont « neutralisées » sur les bulletins de salaires.

Il a ajouté que le régime des congés payés du BTP présente un surcoût car il se caractérise par des prestations et un mode de calcul des indemnités pour les salariés plus avantageux que le régime général. Les indemnités de congés payés comprennent, en effet, outre le congé principal de quatre semaines et la cinquième semaine, des droits propres aux conventions collectives du secteur du BTP : une prime de vacances de 30 % calculée sur les indemnités du congé principal, ainsi que des congés supplémentaires de fractionnement et d'ancienneté. Selon la sociologie de chaque région, ces droits spécifiques expliquent non seulement le surcoût global du régime des congés payés du BTP, mais aussi les disparités régionales des taux de cotisation, ces dernières étant fonction de l'ancienneté plus ou moins élevée des salariés.

Abordant la situation financière du régime des congés payés du BTP, M. Jean Arthuis, président, a précisé que l'UCF lui avait transmis pour chacune des caisses son bilan et son compte de résultat. En revanche, elle n'est pas en mesure de produire une synthèse et des comptes consolidés pour l'ensemble des caisses. Les chiffres-clés de l'exercice 2007 - 2008, arrêté au 31 mars, sont les suivants :

- le réseau des caisses de congés payés du bâtiment et des travaux publics (BTP) se compose d'une caisse nationale pour les entrepreneurs de travaux publics, d'une caisse nationale pour les sociétés coopératives de production du BTP, de vingt-huit caisses métropolitaines pour les entreprises du bâtiment, de deux caisses pour les entreprises du BTP des départements d'outre-mer (Réunion et Antilles-Guyane), soit au total trente-deux caisses, affiliées à l'UCF ;

- ces trente-deux caisses emploient 920 collaborateurs en équivalent temps plein et effectuent 4 millions de paiements par an auprès des 1,6 million de salariés répartis entre 210 000 entreprises, dont plus de 70 % de moins de 10 salariés ;

- les ressources des caisses de congés payés sont constituées principalement des cotisations patronales des employeurs pour assurer le fonctionnement du régime et des intérêts et revenus des biens et valeurs. Les principaux postes de dépenses sont le paiement des indemnités de congés payés et les frais de gestion des caisses et de l'UCF ;

- le taux moyen de cotisation est différent en métropole et dans les départements d'outre-mer (DOM), en raison des exonérations de charges spécifiques dont bénéficient ces derniers. Ces taux s'inscrivent dans une moyenne de 19,9 % en métropole, avec une fourchette qui va de 18,5 % à 20,6 %, et de 16,9 % dans les DOM, avec une fourchette allant de 16,75 % à 17,25 %. Il a remarqué que le différentiel de trois points entre la moyenne des taux des DOM par rapport à la moyenne des taux pratiqués en métropole ne correspond qu'à un différentiel de 15 %. Or, le taux des charges patronales exonérées outre-mer est de l'ordre de 30 %. Si cette diminution était intégralement appliquée aux taux de cotisations de congés payés, ceux-ci s'établiraient, en théorie, dans une moyenne de 13,9 % dans les DOM ;

- les caisses ont collecté 6,09 milliards d'euros de cotisations et versé 6,01 milliards d'euros de prestations de congés payés aux salariés, sur l'exercice 2007-2008.

Le résultat d'exploitation ayant atteint 114 millions d'euros et les placements financiers ayant produit un excédent de 134 millions d'euros, le résultat s'est élevé à 101 millions d'euros.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que ce résultat a été, pour partie, rétrocédé aux adhérents, pour un montant de 68 millions d'euros en 2008, et le reliquat est venu alimenter les réserves qui s'élevaient en 2008 à un total de 777 millions d'euros.

Tout en constatant que le régime des congés payés du BTP est non seulement géré à l'équilibre, mais qu'il est même largement excédentaire, il a considéré que la « bonne santé » du régime des congés payés du BTP est également largement construite sur le produit des placements financiers. Il a mis en exergue le fait que la constitution d'un niveau élevé de réserves est devenue une caractéristique de la gestion des caisses, pour deux motifs :

- le premier est d'ordre statutaire. Les caisses doivent maintenir une « réserve statutaire » d'un montant égal à 1/24ème des cotisations encaissées au cours du dernier exercice clos. En conséquence, le montant total des réserves constaté en 2008, soit 777 millions d'euros, est composé de 243 millions d'euros au titre de la « réserve statutaire » et de 534 millions d'euros de fonds disponibles ;

- le second usage des réserves répond à un motif de gestion. Ainsi, les fonds disponibles (534 millions d'euros) contribuent à donner une marge de manoeuvre aux gestionnaires pour amortir les effets conjoncturels pesant sur le niveau des recettes et des dépenses.

Il a alors relevé la « marge confortable » de gestion qu'offre le niveau élevé et croissant des fonds disponibles. Malgré la pratique des rétrocessions de cotisations, le niveau des réserves n'a cessé d'augmenter depuis cinq ans. Il a donc considéré qu'il y a matière à rediriger ces fonds en direction des entreprises du bâtiment et des travaux publics. Dans cet esprit, il a estimé que l'UCF doit, pour l'avenir, fournir un suivi mensuel de l'état de la trésorerie du régime et de la valeur du patrimoine immobilier des caisses afin de déterminer précisément le montant total des actifs du régime.

M. Jean Arthuis, président, a décrit les principales critiques formulées à l'encontre de la gouvernance et de la gestion des congés payés du BTP. Ainsi, il s'est interrogé sur l'opportunité de rapprocher par grandes régions, voire de fusionner les trente-deux caisses de congés payés afin d'harmoniser les méthodes de gestion et réduire les disparités en matière de frais de dossier, compris entre 15 et 75 euros, et de taux des cotisations.

Il a considéré que l'absence de publicité et de présentation consolidée et combinée des comptes de résultats de l'ensemble des caisses, qui ne sont communiqués qu'à la tutelle exercée par le ministère du travail, pose un problème de gouvernance à résoudre en priorité, notant à cet égard qu'aucune réponse ne lui a jusqu'à présent été apportée sur l'utilité et la destination des réserves et des excédents financiers des caisses de congés payés.

Il a évoqué le cas des entreprises, n'ayant qu'une activité minoritaire dans le bâtiment, en particulier les entreprises de plasturgie et de métallerie, qui font l'objet d'affiliations obligatoires dans des conditions qui demandent à être précisées. Il a ensuite exposé le problème que posent en période de crise les actions en recouvrement judiciaire pour non-respect de l'obligation de cotisation qui entraînent la mise en liquidation des entreprises. Il s'est également inquiété de l'étendue de la pratique de prélèvements présentés comme obligatoires au bénéfice des fédérations du bâtiment et des travaux publics, alors que ces versements sont d'ordre purement conventionnel.

Après avoir indiqué que l'ensemble de ces remarques a été communiqué à l'union des caisses de France et à l'autorité de tutelle, M. Jean Arthuis, président, s'est félicité que l'inscription de ce sujet au programme de contrôle de la commission des finances ait eu un « effet accélérateur » sur la volonté de la profession du bâtiment et des travaux publics de démontrer la légitimité et la qualité du service rendu par les caisses de congés payés. Par ailleurs, le Gouvernement a publié, le 29 avril, le décret n° 2009-493 afin de clarifier le régime d'affiliation des entreprises dont l'activité dans le bâtiment est minoritaire.

Ainsi, sur le premier volet relatif à l'utilisation des réserves des caisses de congés payés, il a confirmé que la fédération nationale des travaux publics et la fédération française du bâtiment ont proposé la constitution d'un fonds pour la réhabilitation des logements sociaux, doté de 100 millions d'euros, prélevés sur les réserves des caisses et mis à la disposition des établissements bancaires au profit des organismes HLM sous forme de prêt à taux réduit d'une durée de quinze ans à un taux de 1 %. Cette opération pourrait permettre la réalisation de 400 millions d'euros de travaux et fournir ainsi de l'activité pour une main d'oeuvre correspondant à près de 8 000 emplois. Toutefois, des effets d'aubaine ou de substitution, toujours très difficilement chiffrables, ne sont pas à exclure.

S'agissant du décret n° 2009-493 du 29 avril 2009 précité, M. Jean Arthuis, président, a précisé que celui-ci permet aux entreprises qui relèvent d'une autre convention collective que celles du bâtiment et des travaux publics, et sous réserve d'un accord des organisations d'employeurs représentatives des branches professionnelles concernées, de payer directement les congés payés à leurs salariés, dans les conditions de droit commun.

Enfin, il a exposé les principales observations de l'audit interne de fonctionnement réalisé à la demande de l'UCF par le cabinet KPMG en 2008. Cette étude fait mention de déficiences en matière de gouvernance, d'une qualité inégale du service rendu et de l'insuffisance du suivi budgétaire des caisses. Elle précise « que l'hétérogénéité des pratiques au sein des caisses, l'indépendance recherchée par certaines d'entre elles ainsi que l'insuffisance de coordination et de contrôle de la part de l'UCF ne permettent pas le fonctionnement de l'ensemble des caisses en véritable réseau. Cette situation génère un risque supplémentaire d'image d'inefficacité et constitue un frein à la transparence et à l'opportunité d'établir des comptes combinés au niveau du réseau ».

A cet égard, il a encouragé l'UFC à poursuivre la mise en oeuvre du plan d'action qu'elle a lancé fin 2008 pour renforcer la transparence au sein du réseau et homogénéiser la gestion des caisses, notamment grâce à l'harmonisation des taux de cotisation et au remplacement des dix-huit systèmes d'information actuels par un système unique.

Tout en se félicitant de la célérité des actions engagées tant par les caisses de congés payés que par le ministère du travail, il a néanmoins précisé que la mobilisation de 100 millions d'euros par les caisses du BTP ne représente que 20 % des fonds disponibles qui s'élevaient, en 2008, à 534 millions d'euros. Il a alors estimé que ce « juste retour » de trésorerie aux entreprises pourrait être amplifié.

Après avoir relevé la prise de conscience des caisses de congés payés devant la nécessité d'élever la transparence de la gestion et de la gouvernance au rang de leurs priorités, M. Jean Arthuis, président, a formulé cinq recommandations :

- si le régime des congés payés du bâtiment et des travaux publics n'est pas remis en cause dans son principe, l'objectif de transparence que se sont fixé les caisses doit se traduire par la présentation de comptes consolidés et synthétiques ainsi que par l'élaboration d'un suivi mensuel de l'état de la trésorerie et de la valeur du patrimoine, y compris immobilier, de l'ensemble des caisses ;

- le montant des réserves doit être réduit au strict niveau nécessaire au bon fonctionnement du régime, les excédents devant être redistribués en priorité aux adhérents pour l'exercice écoulé, et vers des actions d'intérêt général pour les excédents antérieurs ;

- la gouvernance des caisses de congés payés doit être améliorée non seulement en direction de l'ensemble des adhérents, mais aussi des salariés qui, in fine, bénéficient des indemnités de congés payés. Une réflexion sur une ouverture des conseils d'administration à des personnalités extérieures et, le cas échéant, à des représentants des salariés doit être engagée ;

- sans remettre en question les pouvoirs dévolus aux agents de contrôle ainsi que la nécessité d'assurer l'effectivité des congés payés, la mise en recouvrement des cotisations doit faire l'objet d'un examen approfondi des caisses, en liaison avec les services de la tutelle qui peuvent utilement intervenir au titre du recours gracieux, afin d'éviter que les poursuites engagées par les caisses ne conduisent, à elles seules, les entreprises vers des procédures de redressement et de liquidation judiciaires. Cette précaution est essentielle en période de crise, de baisse d'activité et de risques accrus de rupture de trésorerie ;

- les prélèvements effectués par les caisses doivent être clairement identifiés au regard de leur fondement et de leur affectation. Les adhérents doivent recevoir une information explicite sur leur caractère obligatoire ou facultatif.

Indiquant qu'il demeure dans l'attente de la parution des comptes, arrêtés au 31 mars 2009, de l'ensemble des caisses, qui lui permettront de se faire une opinion sur l'impact de la crise sur l'évolution des valeurs des placements financiers, M. Jean Arthuis, président, a proposé que sa communication soit d'abord soumise à un examen contradictoire par les différentes parties prenantes du régime, avant d'envisager, ultérieurement, la publication d'un rapport d'information.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que le contrôle de l'ensemble des prélèvements obligatoires est au coeur de la mission de la commission des finances et, en conséquence, s'est réjoui que l'occasion soit donnée d'examiner, même s'il ne s'agit pas de crédits budgétaires, le « cas pratique » d'une collecte de fonds effectuée en vertu de dispositions à la fois légales et conventionnelles. A l'heure où la plupart des analyses imputent le manque de compétitivité de la France au poids excessif des charges pesant sur les entreprises, il a considéré qu'il convient certes de s'interroger sur le niveau de prélèvements sociaux et fiscaux, mais qu'il est aussi opportun de rechercher toutes les pistes de réduction des frais de gestion, des « trésoreries dormantes » et des réserves des organismes collecteurs.

Jugeant que l'affectation de 100 millions d'euros à la réhabilitation du secteur HLM s'apparente à une « mesure d'affichage », en raison des délais et incertitudes qui pèsent sur la réalisation effective de ces projets, il a estimé qu'une restitution globale des réserves inutiles, sous forme de baisse des cotisations, permettrait un retour plus direct de ces fonds dans la trésorerie des entreprises et dans le circuit économique.

Tout en précisant qu'il n'a pas obtenu de chiffrage précis sur le niveau moyen de la trésorerie détenue par les caisses de congés payés du BTP, qui serait de l'ordre de plusieurs milliards d'euros, M. Jean Arthuis, président, a exprimé la conviction que la mobilisation des caisses en faveur du plan de relance peut aller au-delà des 100 millions d'euros proposés. Il a soutenu le principe d'un retour aux « payeurs » des excédents les plus récents, au prorata de l'effort fourni par les cotisants, et celui d'un « fléchage » des excédents provenant des années antérieures vers des actions d'intérêt général, dans la mesure où les entreprises nouvellement installées n'ont aucune légitimité à bénéficier de ressources accumulées avant leur création.

M. Thierry Repentin, membre de la commission des affaires économiques, a confirmé que les travaux menés par M. Jean Arthuis, président, ont bien été à l'origine de l'accord en faveur du logement HLM obtenu entre l'union sociale pour l'habitat et la fédération française du bâtiment. Il a précisé que la mobilisation de 100 millions d'euros a pour but de soutenir des travaux de réhabilitation thermique et non la construction de nouveaux logements. Ce dispositif s'inscrit dans la logique du Grenelle I, qui instaure une aide fiscale sous la forme d'un éco-prêt pour des travaux d'isolation dans les logements de types E, F et G. La performance énergétique des habitations est mesurée sur la base d'un diagnostic noté sur une échelle de A à G. Il complète l'éco-prêt par la mise en place d'un prêt à taux bonifié pour des prestations relevant des catégories C et D. Cette opération n'est donc pas redondante avec l'éco-prêt, qui concerne 800 000 logements, et demeure modeste car elle ne financera la réhabilitation que de 10 000 logements, alors que le parc HLM s'élève à 4,2 millions d'unités. En conséquence, il a exprimé le voeu que cet accord soit complété par le déblocage de fonds supplémentaires.

M. Charles Guené s'est inquiété d'une baisse éventuelle du niveau des réserves sur l'équilibre d'ensemble du régime.

M. Jean Arthuis, président, a précisé que si dans le passé le montant des cotisations collectées a pu être inférieur à celui des prestations versées, tel n'est plus le cas depuis l'exercice 2006 - 2007. En tout état de cause, les résultats d'exploitation déficitaires qui ont été constatés certaines années n'étaient pas de nature à remettre en cause la bonne santé financière du régime, compte tenu du niveau déjà élevé des réserves et de la trésorerie courante.

Après que M. Alain Gournac, membre de la commission des affaires sociales, se soit félicité que le Sénat exerce son contrôle sur l'application concrète des dispositions du code du travail, il a suggéré que les caisses s'engagent dans la voie d'une diminution globale et durable de leur taux de cotisation afin de contribuer à l'allègement des charges des entreprises. Dans cette optique, il s'est prononcé pour une amélioration de la gestion des congés payés du bâtiment.

M. François Rebsamen a souligné que, en cette période de crise, le besoin premier des entreprises n'est pas tant la baisse des charges que le maintien de leurs carnets de commandes, notamment en ce qui concerne les adhérents de la CAPEB qui rassemble principalement des artisans et des très petites structures.

En réponse à M. Jean-Jacques Jégou, M. Jean Arthuis, président, a indiqué que les trente-deux caisses régionales de congés payés, qui emploient neuf cent vingt salariés, assurent le recouvrement des cotisations des entreprises et le paiement des congés payés en application des dispositions de l'article L.3141-30 du code du travail. Les indemnités versées ont la qualification de salaires et sont donc, à ce titre, soumises à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale.

M. Philippe Adnot a mis en garde contre la tentation de diminuer le montant des réserves dans une proportion telle que cela entraînerait ultérieurement une augmentation des taux de cotisation. Il a déploré la pénurie de salariés de l'encadrement qui frappe aujourd'hui le secteur du BTP.

M. Jean Arthuis, président, a souligné qu'il y a matière à réfléchir à des rapprochements régionaux, voire à une fusion de l'ensemble des caisses, afin d'améliorer l'administration de ce régime qui concerne 1,6 million de salariés et 30 milliards d'euros de masse salariale.

En réponse à M. Joël Bourdin qui s'est interrogé sur la nature des placements effectués par les caisses, M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'il attend la publication des comptes, arrêtés au 31 mars 2009, pour se faire une opinion sur la persistance ou non de quelques « placements interdits », en particulier dans des « fonds de fonds », et sur l'impact éventuel de la crise sur le portefeuille des valeurs de placements financiers.

M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité que la commission des finances étende son champ d'investigation à toutes les structures disposant d'une trésorerie excédentaire et dont l'existence ne semble justifiée que par la nécessité d'apporter les ressources nécessaires au financement de la dette publique. Un autre exemple de structure de ce type pourrait être donné par l'association pour la gestion du fonds pour l'indemnisation professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH).

M. Jean Arthuis, président, a rappelé son souhait que sa communication soit, dans un premier temps, soumise à la contradiction auprès de toutes les parties prenantes (la tutelle, l'UCF, les caisses et les organisations professionnelles) avant d'envisager ultérieurement la publication d'un rapport d'information.

La commission a approuvé cette démarche et donné acte, à l'unanimité, à M. Jean Arthuis, président, de sa communication.

Accès au crédit des petites et moyennes entreprises - Examen des amendements au texte de la commission

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 288 (2008-2009), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises (PME), dans le texte n° 443 (2008-2009) adopté par la commission le 27 mai 2009 sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur.

A l'article premier (Préavis et motivation des réductions ou interruptions de crédits bancaires aux entreprises), elle a souhaité connaître l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 11 de M. Jean-Jacques Jégou, visant à prendre en compte les éventuelles obligations de secret imposées aux banques qui pourraient se heurter à l'obligation de motivation instituée par l'article. D'autre part, elle a préconisé le retrait de l'amendement n° 6 de M. Bernard Vera et des membres du groupe CRC-SPG, tendant à protéger les droits d'une entreprise qui se voit opposer un refus d'accès au crédit bancaire.

A l'article 3 bis (Sanction du non-respect par les établissements de crédit des conditions d'emploi de certains fonds d'épargne réglementés), elle a rendu un avis défavorable à l'amendement n° 3 de M. Bernard Vera et des membres du groupe CRC-SPG, tendant à augmenter la quote-part des dépôts sur les livrets A et livrets de développement durable (LDD) obligatoirement affectée au fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et à interdire aux banques de présenter un taux de centralisation à la CDC inférieur à 80 % du niveau moyen de centralisation des dépôts sur les livrets A et LDD.

Elle a également rendu un avis défavorable à l'amendement n° 4 de M. Bernard Vera et des membres du groupe CRC-SPG, tendant à rétablir un article 4 (initialement relatif à la publication mensuelle, par les établissements de crédit, du montant de leurs encours de crédits aux entreprises de moins d'un an, et supprimé par la commission des finances de l'Assemblée nationale) et visant à fixer au niveau législatif le plafond de versement sur les LDD actuellement déterminé au niveau règlementaire, ainsi qu'à indexer ce plafond sur l'évolution de la première tranche de l'impôt sur le revenu. A la demande de Mme Nicole Bricq, M. Philippe Marini, rapporteur, a précisé que le plafond de versement sur les LDD est actuellement fixé à hauteur de 6 000 euros.

A l'article 5 (Statistiques relatives aux crédits bancaires consentis aux jeunes entreprises et PME), la commission a rendu un avis défavorable sur l'amendement n° 2 de M. Jean-Jacques Jégou, tendant à limiter aux encours de crédits, à l'exclusion des nouveaux crédits, la publication trimestrielle, par la Banque de France, de statistiques relatives aux crédits bancaires consentis aux entreprises créées depuis moins de trois ans et aux PME. Elle a donné le même avis à l'amendement n° 5 de M. Bernard Vera et des membres du groupe CRC-SPG, visant à contraindre chaque réseau bancaire à rendre publiques ses propres statistiques en matière de crédit aux PME, parallèlement à la publication de données agrégées qu'assurerait la Banque de France, et à détailler davantage ces statistiques que ne le prévoit l'article.

Puis elle a souhaité connaître l'avis du Gouvernement sur trois amendements portant articles additionnels après l'article 6 bis :

- d'une part, l'amendement n° 8 de M. Philippe Dominati et l'amendement n° 12 de M. Gérard Longuet, identiques, proposant d'étendre à l'outre-mer le régime simplifié de l'auto-entrepreneur ouvert aux bénéficiaires de l'aide aux demandeurs d'emploi créant ou reprenant une entreprise (ACCRE) ;

- d'autre part, l'amendement n° 13 de M. Gérard Longuet, visant à préciser le traitement comptable de l'écart de valorisation qui peut exister lors de la cession d'une société par rachat de ses salariés avec création d'une société coopérative ouvrière de production (SCOP).

Elle a également souhaité connaître l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9 de M. Albéric de Montgolfier, portant article additionnel après l'article 6 quinquies et tendant notamment à aligner, en matière de lutte anti-blanchiment, le régime déclaratif des experts comptables sur celui des avocats, ainsi qu'à permettre aux services de l'Etat chargés des mesures de gel des avoirs de recevoir de l'administration fiscale toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Cette décision a été précédée d'un large débat.

Mme Nicole Bricq s'est déclarée défavorable à l'assimilation des fonctions d'expert comptable à celles d'avocat. Elle s'est également interrogée sur la nécessité d'adopter une disposition législative pour permettre aux agents de l'Etat mettant en oeuvre le gel des avoirs de bénéficier d'une information de la part de l'administration fiscale.

M. Philippe Marini, rapporteur, a précisé que cette dernière mesure doit permettre d'étendre à de nouveaux services de l'Etat le bénéfice du régime existant, fixé au niveau législatif. S'agissant de la distinction entre les fonctions d'expert comptable et celles d'avocat, il a indiqué que l'amendement tend à rétablir, pour ces professionnels, la situation qui préexistait sous l'empire de dispositions du code monétaire et financier supprimées, vraisemblablement par erreur, par l'ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, qui a transposé la directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005, dite « troisième directive anti-blanchiment ».

Mme Nicole Bricq a estimé que la méthode consistant à transposer des directives communautaires par la voie d'ordonnance porte préjudice à la qualité du travail législatif. M. Philippe Marini, rapporteur, a cependant fait observer que les contraintes inhérentes à la procédure parlementaire rendent souvent difficile de procéder autrement en la matière.

M. François Trucy a relevé que la rédaction de l'objet de l'amendement manque de pertinence pour mesurer sa portée. M. François Marc s'est en outre demandé comment serait appréciée, en droit, l'obligation de déclaration de soupçon en cas de consultation donnée à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. M. Philippe Marini, rapporteur, a précisé que le dispositif proposé rend possibles les requalifications juridiques nécessaires et, le cas échéant, l'application des sanctions pénales prévues par ailleurs.

La commission a ensuite rendu un avis défavorable sur l'amendement n° 1 de Mme Nicole Bricq visant à supprimer l'article 6 sexies A (Ratification de trois ordonnances en matière de droit financier).

Enfin, elle a examiné deux amendements portant articles additionnels après l'article 6 septies. D'une part, elle a préconisé le retrait de l'amendement n° 10 de M. Pierre Hérisson, visant à apporter diverses précisions au dispositif introduit par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, en ce qui concerne les obligations des opérateurs de réseaux de communications électroniques en fibre optique. D'autre part, elle a donné un avis favorable à l'amendement n° 14 du Gouvernement tendant à autoriser le ministre chargé des finances à verser au Fonds monétaire international (FMI), sur les ressources du Trésor, une somme correspondant à des prêts remboursables dans la limite de 11,06 milliards d'euros. M. Philippe Marini, rapporteur, a précisé que cette mesure doit permettre la mise en oeuvre, par la Banque de France, des décisions arrêtées par le Conseil européen des 19 et 20 mars 2009 et par le G 20 du 2 avril 2009.

Contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé de bénéfices records - Examen des amendements

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements déposés en vue de la séance publique sur la proposition de loi n° 363 (2008-2009) visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records, présentée par MM. François Rebsamen, Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean Arthuis, rapporteur, a présenté les quatre amendements déposés par M. Foucaud et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche :

- l'amendement n° 1 à l'article 1er (création d'une contribution exceptionnelle de solidarité sur les entreprises bénéficiaires) dont la portée est rédactionnelle ;

- l'amendement n° 2 à l'article 4 (compensation financière), tendant à n'abroger que sept articles de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, alors que la proposition de loi prévoit l'abrogation complète de ce texte ;

- l'amendement n° 3 portant article additionnel après l'article 4, tendant à modifier le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune en majorant les tarifs et en créant une tranche supplémentaire d'imposition ;

- l'amendement n° 4 portant article additionnel après l'article 4, tendant à augmenter l'imposition des plus-values sur cessions à titre onéreux de valeurs mobilières.

Après que le rapporteur a rappelé l'opposition globale de la commission à la proposition de loi, celle-ci a émis un avis défavorable aux quatre amendements.

Caisses d'épargne et banques populaires - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

La commission a ensuite désigné MM. Jean Arthuis, président, Philippe Marini, rapporteur général, MM. Joël Bourdin, Charles Guené, Mme Nicole Bricq, MM. François Marc et Bernard Vera, en qualité de candidats titulaires, puis MM. Jean-Pierre Fourcade, Pierre Bernard-Reymond, Albéric de Montgolfier, François Trucy, Gérard Miquel, Michel Sergent et Yvon Colin, en qualité de candidats suppléants, pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires.

Certification des comptes de l'Etat et exécution budgétaire de 2008 -Audition de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, et de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes

La commission a enfin procédé à l'audition de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, et de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, sur les rapports relatifs à la certification des comptes de l'Etat et à l'exécution budgétaire de 2008.

A l'invitation de M. Jean Arthuis, président, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a présenté les observations de la Cour sur la certification des comptes, les résultats et la gestion budgétaire en 2008. Plusieurs nouveautés accompagnent cette présentation, parmi lesquelles la redéfinition de la mission constitutionnelle d'assistance au Parlement confiée à la Cour, et la primeur, réservée aux assemblées parlementaires, du rapport sur les résultats et la gestion. Conformément à la demande de la commission des finances, ce rapport est désormais accompagné des notes d'exécution budgétaire et des notes d'analyse par programme, la Cour partageant la volonté du Sénat de faire de l'examen du projet de loi de règlement un « moment de vérité » budgétaire.

Les circonstances exceptionnelles dues à la crise ne doivent pas occulter l'enjeu lié à la bonne application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Or, trois années après l'entrée en vigueur effective de cette dernière, le risque d'un « rendez-vous manqué » n'est pas à écarter. Les différents acteurs ne se sont pas pleinement approprié les nouveaux outils comptables, qui conditionnent pourtant l'analyse des coûts et des performances associés aux actions ainsi que celle de la soutenabilité des finances publiques. De même, la réforme a conduit à réviser en profondeur la maquette budgétaire et à désigner des responsables de programmes censés constituer le pivot de la nouvelle gestion. Ces derniers peinent toutefois à s'imposer face aux ordonnateurs, faute de définition précise de leurs missions et de leurs prérogatives. Enfin, la fongibilité des crédits et l'allocation des moyens budgétaires en fonction des résultats demeurent peu utilisés. Au total, si la Cour approuve sans réserve les orientations tracées par la LOLF, les modalités de son application, bien que mobilisant considérablement les administrations, ne permettent pas encore d'en tirer tous les bénéfices attendus. En la matière, seule une volonté politique sans faille peut surmonter les résistances de tous ordres qui font obstacle à la pleine application de la réforme budgétaire.

S'agissant de la certification des comptes de l'Etat pour 2008, M. Philippe Séguin a précisé que douze réserves avaient été émises, dont neuf substantielles. En certifiant les comptes, la Cour a toutefois adopté une démarche constructive afin d'accompagner l'Etat dans son processus de modernisation. Plusieurs progrès ont été constatés par rapport à l'exercice 2007, et deux réserves ont été intégralement levées, concernant le compte des procédures publiques gérées par la Coface et la section des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que les provisions pour risques de l'Etat. Ont également été réglés les désaccords entre la Cour et l'Etat sur la comptabilisation des déficits fiscaux reportables en avant et sur la valorisation des immobilisations incorporelles spécifiques. Au total, la Cour a formulé 283 observations d'audit et obtenu des corrections et ajustements à hauteur de 9 milliards d'euros au compte de résultat, de 27 milliards d'euros au bilan et de 33 milliards d'euros au titre des engagements hors-bilan.

Il convient de se féliciter de ce que la comptabilité générale favorise la diffusion d'une culture de maîtrise des risques au sein de l'Etat, ainsi qu'une plus grande transparence de l'information, s'agissant par exemple des stocks de déficits fiscaux qui viendront s'imputer sur les recettes futures ou de la valorisation des nouveaux actifs de l'Etat liés aux autorisations d'exploiter le spectre hertzien, aux quotas d'émissions de gaz à effet de serre ou à des opérations d'armement telles que la mise au point de l'A 400M.

Des difficultés persistantes sont néanmoins à déplorer. Ainsi, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) devrait être incluse dans le périmètre des comptes de l'Etat, qui la contrôle et en assume les risques. Son reclassement en entité contrôlée aboutirait à grever la situation nette de l'Etat de 80 milliards d'euros. De même, plusieurs problèmes ayant donné lieu à la formulation de réserves substantielles en 2006 et 2007 peinent à trouver leur solution. Il en va ainsi de la valorisation exhaustive et fiable du patrimoine immobilier de l'Etat ou du recensement des opérateurs, dont les comptes sont par ailleurs de qualité médiocre et produits tardivement.

Au cours du prochain exercice de certification, la Cour fera preuve de compréhension à l'égard des chantiers qui ne peuvent raisonnablement aboutir à brève échéance, tels que la modernisation des systèmes d'information. Il n'en sera pas de même des domaines où les progrès sont à portée de main, à l'instar des comptes de trésorerie, des produits régaliens ou des passifs d'intervention. En la matière, la Cour devra tirer toutes les conséquences d'une éventuelle inertie, sous peine de priver la mission de certification de toute crédibilité.

M. Philippe Séguin a ensuite présenté les conclusions de la Cour sur les résultats et la gestion budgétaire pour 2008. Si l'exercice 2009 se caractérisera par un niveau de déficit et de dette sans précédent, la fin de l'exercice 2008 manifeste déjà une nette dégradation du solde. Selon le projet de loi de règlement, le déficit de l'Etat s'établit à 56,3 milliards d'euros en 2008, en augmentation de près de 47 % par rapport à 2007. Ce montant équivaut au quart des recettes annuelles de l'Etat.

Comme à l'accoutumée, le résultat affiché dans le projet de loi de règlement ne prend pas en compte certaines dépenses ou dettes pourtant exigibles, pour un total de 5,9 milliards d'euros. Par ailleurs, les « errements » traditionnellement constatés, tels que les sous-budgétisations, les contractions de recettes et de dépenses ou les reports de charges ne semblent ni plus ni moins importants que les années précédentes. La Cour, qui ne reprend à son compte aucun chiffre alternatif de déficit, n'est pas habilitée à statuer sur la sincérité du projet de loi de règlement, dont elle n'examine que l'exactitude. La portée du dernier alinéa du nouvel article 47-2 de la Constitution aura donc vocation à être précisée, afin de déterminer si les principes de régularité et de sincérité des comptes des administrations publiques qu'il définit s'appliquent à la seule comptabilité patrimoniale ou s'étendent aux résultats budgétaires.

Selon M. Philippe Séguin, la crise n'a eu qu'un impact limité sur la dégradation du déficit en 2008, dégradation dont les causes sont essentiellement structurelles. Celles-ci résident dans une diminution des recettes fiscales et non fiscales, indépendante de la conjoncture, et dans une croissance insuffisamment maîtrisée des dépenses, non imputable aux effets du plan de relance. Les recettes fiscales nettes diminuent, pour la troisième année consécutive, de 2,5 % par rapport à 2007. Une première baisse de 6,1 milliards d'euros résulte des transferts de recettes opérés vers les collectivités territoriales pour accompagner la dévolution de nouvelles compétences, ainsi que vers les administrations de sécurité sociale en compensation des politiques d'exonération et d'allègement de charges. Un second facteur d'érosion réside dans les allègements d'impôts, pour 7,8 milliards d'euros, dont 3,2 milliards d'euros au titre de la seule loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA). Hors transferts, allègements et aléas ayant affecté la prévision, l'impact de la crise sur les recettes de 2008 est, au total, inférieur à 4 milliards d'euros.

Parallèlement, les dépenses ont crû en valeur de 2,8 % au lieu des 1,9 % programmés en loi de finances initiale, et ce sans tenir compte de certaines dépenses irrégulièrement payées en dehors du budget de l'Etat. Figurent parmi ces dépenses les primes d'épargne logement financées au moyen d'avances rémunérées du Crédit foncier de France ou le remboursement de dettes à la sécurité sociale au moyen d'une contraction irrégulière de recettes et de dépenses. La réintégration de ces sommes conduit à une augmentation de 3,4 % de la norme de dépense, dont il convient de rappeler qu'elle exclut les charges des comptes spéciaux, les opérations de trésorerie, et surtout les dépenses fiscales, qui ont augmenté de 7 % par rapport à 2007 pour s'établir à un total de 73 milliards d'euros. Sur ce dernier point, l'amélioration de l'information contenue dans les projets et rapports annuels de performance, la création d'un objectif annuel de dépense fiscale et l'obligation de gager toute nouvelle création d'une telle dépense constituent toutefois d'indéniables avancées.

A l'instar du constat formulé sur les recettes, l'impact de la crise sur les dépenses est demeuré très faible en 2008. Le plan de relance pèsera essentiellement sur 2009 et le plan de soutien au secteur financier a reposé avant tout sur l'octroi de garanties n'ayant pas encore donné lieu à des déboursements de la part de l'Etat, hors prise de participation dans le groupe Dexia. La comptabilité patrimoniale contribue à affiner et à « assombrir » le diagnostic, en faisant apparaître un alourdissement de la dette financière de près de 100 milliards d'euros en 2008. En deux ans, le résultat comptable de l'Etat s'est dégradé de 131 %, traduisant la progression des charges financières, de fonctionnement et d'intervention de l'Etat.

M. Philippe Séguin a considéré que la nouvelle comptabilité générale doit désormais constituer le support privilégié de l'analyse de la soutenabilité des finances publiques. Comme l'illustrent les informations précieuses qu'elle fournit sur les conséquences des garanties accordées par l'Etat dans le cadre du soutien au secteur financier ou sur les engagements hors-bilan associés aux pensions, cette comptabilité permet de s'affranchir de la vision partielle et parfois en « trompe-l'oeil » de la comptabilité budgétaire. Il a conclu en jugeant nécessaire de porter un coup d'arrêt à la baisse des recettes, de mettre en oeuvre des réformes structurelles plus ambitieuses que celles qui sont en cours et de ne pas prendre prétexte de la crise pour renoncer à la pleine application de la LOLF.

M. Jean Arthuis, président, a partagé les constats établis par la Cour et souscrit à l'analyse selon laquelle la mise en oeuvre de la LOLF est affaire de volonté politique. Il a regretté que l'insuffisance des progrès accomplis en matière de modernisation des systèmes d'information financière compromette encore la possibilité de réaliser l'audit des comptes de l'Etat.

S'appuyant sur une brève analyse de la situation budgétaire du Royaume-Uni, M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur la pertinence des ratios utilisés pour analyser l'évolution des finances publiques, dans la mesure où ils apparaissent particulièrement sensibles aux changements de périmètre. Il a souhaité obtenir des précisions sur les modalités de comptabilisation des engagements hors-bilan par les organismes certificateurs européens, avant de solliciter des éclaircissements sur l'évolution de la norme de dépense en 2008, qui semble ne pas faire consensus entre la Cour et le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Philippe Séguin a indiqué que les chiffres avancés par la Cour sur l'évolution de la norme de dépense n'ont fait l'objet d'aucune observation de la part du Gouvernement au cours de la phase contradictoire précédant la parution du rapport. S'agissant de l'harmonisation des techniques de comptabilisation en Europe, il a estimé que la méthode « maastrichtienne » du calcul du déficit et de la dette, pour imparfaite qu'elle soit, a néanmoins le mérite de consolider l'ensemble des situations des administrations publiques.

M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, a précisé que les divergences apparentes d'interprétation constatées entre la Cour et le Gouvernement sur l'évolution de la norme de dépense résultent d'une incompréhension temporaire. En effet, le chiffre de 3,4 % correspond fortuitement à deux réalités différentes que sont l'évolution des dépenses brutes de l'Etat, incluant certains remboursements, dégrèvements et doubles comptes, et la progression de la norme proprement dite telle que reconstituée par la Cour des comptes. Les dépenses s'étant élevées à 270,6 milliards d'euros en 2007 et ayant augmenté de 7,5 milliards d'euros en 2008, leur taux de progression s'élève à 2,8 %. Il convient d'ajouter à ces montants deux opérations à tort non comptabilisées, relatives aux primes d'épargne logement et au remboursement de dettes à la sécurité sociale, respectivement pour 953 et 753 millions d'euros. L'agrégation de ces éléments conduit donc bien à l'augmentation de 3,4 % de la norme de dépenses calculée par la Cour.

M. Jean Arthuis, président, a regretté que le recours à certaines « astuces » alimente les doutes quant à la sincérité des comptes publics.

Mme Nicole Bricq a douté que la préparation du projet de loi de finances pour 2009 ait respecté la nécessité, posée par la Cour, de formuler des hypothèses de recettes réalistes et prudentes. Dans cette mesure, elle a souhaité connaître les recommandations méthodologiques formulées par la Cour, pour accroître la fiabilité des prévisions de recettes. Par ailleurs, le recours croissant aux opérateurs de l'Etat semble justifié par la volonté de débudgétiser certaines politiques publiques ; dans ces conditions, le recours à la Caisse de la dette publique, à la Société de financement de l'économie française (SFEF) et à la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) ont-elles participé, de cette logique dans le cadre du plan de financement de l'économie ? Enfin, à l'heure où le Gouvernement s'apprête à abonder la contribution de la France au Fonds monétaire international (FMI), à hauteur de 11 milliards d'euros, elle s'est interrogée sur les motifs qui ont conduit la Cour à émettre une réserve sur le traitement comptable des versements aux organismes internationaux.

M. Philippe Séguin a jugé que l'édiction de règles méthodologiques en matière de prévisions de recettes relève du constituant ou du législateur organique, et que la Cour n'est pas habilitée à se prononcer en la matière. S'agissant du recours aux opérateurs pour la mise en oeuvre de certaines politiques publiques, il est regrettable que leur recensement demeure très imparfait et que leurs comptes s'avèrent peu fiables, alors même que les effectifs qui y sont employés sont considérables. A cet égard, la Cour remettra, avant le 14 juillet 2009, un rapport spécifique sur le rôle des opérateurs du secteur bancaire dans la mise en oeuvre du plan de financement de l'économie. Enfin, la confusion entourant les relations financières de la France avec les organisations internationales trouve une illustration emblématique dans le cas du FMI. L'administration déclare aujourd'hui partager le constat de la Cour sur la nécessité de clarifier ces relations.

M. Jean Arthuis, président, a vu dans la SFEF une extension de la Banque de France susceptible de prendre des collatéraux de qualité approximative et de s'exposer à un risque de défaut. Il s'est demandé si la Cour était en mesure d'accomplir des diligences auprès de ces deux organismes.

M. Philippe Séguin a confirmé que la Cour a accès à la Banque de France et qu'une grande partie des réponses aux interrogations de la commission sera apportée dans le rapport d'étape rendu public au mois de juillet.

M. Adrien Gouteyron a souscrit aux analyses de la Cour sur la mise en oeuvre de la LOLF et, en particulier, celles portant sur l'absence de réelles marges de manoeuvre des responsables de programmes. Se félicitant de l'abondance des travaux de la Cour sur le thème des contributions internationales de la France, qui constituent une source précieuse d'informations pour les contrôles qu'il accomplit au nom de la commission des finances, il s'est interrogé sur l'évolution des parts respectives des contributions obligatoires et volontaires, ces dernières étant plus aisément contrôlables.

M. Philippe Séguin a observé que certains Etats diminuent leurs cotisations obligatoires et privilégient la conclusion d'accords bilatéraux afin de mieux maîtriser l'emploi des contributions par leurs attributaires. La France s'est elle-même engagée dans un processus de transformation de fonds de coopération en contributions volontaires au bénéfice des mêmes pays. Il est exact que les contributions volontaires sont plus facilement accessibles aux contrôleurs des Etats dont elles proviennent, dans la mesure où les contributions obligatoires constituent la propriété des institutions qui les reçoivent et sont, comme telles, du ressort exclusif de leurs contrôleurs internes. Mais il en résulte l'inconvénient que les organisations internationales changent progressivement de nature à mesure que leur mode de financement évolue.