Mercredi 30 septembre 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Projet de loi de finances pour 2010 - Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

La commission a procédé à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur le projet de loi de finances pour 2010.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a souligné que la diminution du produit intérieur brut (PIB) en volume, de 2,8 %, entre les deuxièmes trimestres de 2008 et de 2009, a été nettement inférieure à celle de nos principaux partenaires. Ce résultat est dû au plan de relance de l'économie, et montre que le choix d'axer celui-ci autour de l'investissement public était justifié. La France a connu une croissance de 0,3 % au deuxième trimestre 2009 par rapport au premier trimestre, et le Gouvernement espère que l'évolution du PIB sera également positive aux troisième et quatrième trimestres. Si l'économie française détruit toujours des emplois, le nombre de ceux qui ont été supprimés au deuxième trimestre a été inférieur à celui du premier trimestre.

Les primes des dérivés sur événement de crédit (CDS, ou « Credit-Default Swaps ») à cinq ans sur les banques des principaux pays ont fortement diminué depuis leurs « pics » de septembre 2008 et de mars 2009. Les sommes engagées par l'Etat à travers la société de financement de l'économie française (SFEF) et la Société de prises de participation de l'Etat (SPPE) l'ont toujours été en contrepartie de l'acquisition d'actifs qui devraient lui rapporter 1,4 milliard d'euros cette année. La SFEF et la SPPE seront progressivement « mises en sommeil » à mesure que les banques rembourseront l'Etat. Le 29 septembre, BNP Paribas a ainsi annoncé qu'elle allait rembourser, dès octobre 2009, les 5,1 milliards d'euros d'actions de préférence souscrites le 31 mars dernier par l'Etat, grâce à une augmentation de capital de 4,3 milliards d'euros.

Le projet de loi de finances s'appuie sur des prévisions de croissance du PIB de - 2,25 % et 0,75 % en 2009 et en 2010, des prévisions d'inflation de, respectivement, 0,4 % et 1,2 %, et des prévisions de taux de prélèvements obligatoires de 40,7 points de PIB pour chacune des deux années.

Le Gouvernement prépare dès aujourd'hui l'après-crise, avec une politique construite autour de trois axes : maintenir « dans » l'emploi et stimuler la création d'emplois (grâce à la prolongation de la mesure dite du « zéro charge », au soutien à l'activité partielle, à l'extension des contrats de transition professionnelle et aux mesures en faveur de l'emploi des jeunes et de la formation professionnelle) ; soutenir l'investissement des entreprises et la compétitivité (à travers les investissements publics, la réforme de la taxe professionnelle et la prolongation du remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche) ; favoriser une « éco-croissance » (avec la création de la taxe carbone et le « verdissement » des dispositifs d'aide au logement). La suppression de la taxe professionnelle, qui comprend deux volets (la réforme fiscale stricto sensu, et la compensation de la perte qu'elle entraîne pour les collectivités territoriales), conduira à un allégement de la fiscalité des entreprises de 11,7 milliards d'euros en 2010. Aux 5,8 milliards d'euros de coût de la mesure en « année pleine » (hors impact sur l'impôt sur les sociétés) s'ajoutera le paiement aux entreprises des remboursements et dégrèvements dus en 2009 au titre du dispositif actuel.

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, est revenu sur les conditions d'exécution du budget de 2009. Il a observé que le « taux de récession » de la France est environ deux fois inférieur à celui constaté en 2009 chez ses principaux partenaires. Il a attribué cette performance à la qualité de la construction du plan de soutien à l'économie, qui procure des recettes à l'Etat, au choix du Gouvernement de ne pas enrayer la baisse des recettes fiscales, permettant ainsi aux stabilisateurs automatiques de jouer leur rôle, et au plan de relance, qui, à hauteur de 39 milliards d'euros en 2009, comprend à la fois des mesures budgétaires, fiscales et de trésorerie. S'agissant de la chute des recettes fiscales en 2009, il a précisé que le produit de l'impôt sur les sociétés (IS) s'établira à 19 milliards d'euros contre 49 milliards l'année précédente, que le produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) s'élèvera à 117 milliards d'euros contre 129 milliards en 2008 et que le produit de l'impôt sur le revenu représentera 48 milliards d'euros contre 52 milliards, cette diminution s'expliquant notamment, pour 1,1 milliard d'euros, par l'allègement accordé aux contribuables modestes dans le cadre du plan de relance. Il a souligné les effets de la politique du Gouvernement tant sur la croissance du produit intérieur brut (PIB) que sur le climat social. Au total, les recettes fiscales de l'Etat, au lieu d'augmenter d'environ 10 milliards d'euros, comme c'est le cas en temps normal, diminueront de 53 milliards d'euros.

Le ministre du budget a expliqué que le déficit budgétaire de l'Etat désormais prévu pour 2009, de 141 milliards d'euros, provient pour 45 milliards d'euros d'un déficit « structurel », antérieur à la crise, pour 57 milliards d'euros, de la diminution spontanée des recettes du fait de la crise, et, pour 39 milliards d'euros, du plan de relance de l'économie et de diverses autres mesures, comme le passage au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des activités du secteur de la restauration.

M. Michel Charasse s'est interrogé sur la pertinence de cette dernière mesure.

M. Eric Woerth a estimé qu'en 2010 le déficit budgétaire « structurel » diminuera très légèrement, pour passer à 44 milliards d'euros, alors que le déficit « de crise » lié à la baisse spontanée des recettes sera stable, à 57 milliards d'euros, et que l'amélioration du solde budgétaire proviendra donc en quasi-totalité de la réduction du déficit lié au plan de relance, qui passera de 39 milliards à 15 milliards d'euros, dont 7,4 milliards d'euros de surcoût temporaire lié à la réforme de la taxe professionnelle. Comme l'inflation et la hausse des impôts ne sont pas des solutions envisageables, la stratégie du Gouvernement pour réduire le déficit consiste à susciter un supplément de croissance - celle-ci devant être de 2,5 % du PIB en 2011 - et à maîtriser la croissance des dépenses.

S'agissant des dépenses, M. Eric Woerth a considéré que l'objectif de stabilisation en volume est tenu grâce à la baisse des taux d'intérêt, qui permettra de constater une charge de la dette de 38,5 milliards d'euros, inférieure de 4,5 milliards d'euros aux prévisions. Il a considéré que les dépenses supplémentaires - dues notamment au montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, aux achats de vaccins contre la grippe A ou à diverses dépenses sociales - seront d'un montant évalué à plus de 2 milliards d'euros, et a proposé d'utiliser une partie de la différence avec le montant des gains procurés par l'allègement de la charge de la dette pour rembourser partiellement les dettes de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale.

Le déficit des administrations publiques sera de 8,2 points de PIB en 2009. Ce résultat proviendrait pour 3,4 points de PIB du déficit de 2008, pour 2 points de la diminution des recettes qui aurait « normalement » résulté de celle du PIB, pour 1,6 point de la « surréaction » des recettes à la crise, et, pour seulement 1,2 point, de l'impact du plan de relance.

Evoquant la situation relative de la France par rapport à celle de ses partenaires, en matière de croissance du PIB et de besoin de financement des administrations publiques, il a jugé qu'elle est meilleure en 2009 qu'en 2007. En moyenne, la crise a accru de 6 points de PIB le déficit des pays membres de l'OCDE, contre une augmentation de 5,5 points en France. Il a cependant insisté sur la nécessité d'accompagner la sortie de crise en 2010, pour atteindre en 2011 un taux de croissance de 2,5 %, en premier lieu en reconduisant, à hauteur de 4,1 milliards d'euros, une partie des mesures du plan de relance et notamment la prime à la casse ou les mesures de politique de l'emploi dans le cadre du Fonds d'investissement social (FISo). Ensuite, le Gouvernement souhaite consolider la trésorerie des entreprises en reconduisant les remboursements anticipés au titre du crédit impôt-recherche pour un montant de 2,5 milliards d'euros et en supprimant la taxe professionnelle de façon à alléger la charge des entreprises de 5,8 milliards d'euros en année pleine. En outre, les remboursements aux entreprises de sommes dues par l'Etat au titre de la taxe professionnelle leur permettront de bénéficier de 7 milliards d'euros supplémentaires l'an prochain. Il a rappelé que 2010 sera la deuxième année de la disparition progressive de l'imposition forfaitaire annuelle (IFA), et que cette mesure se traduira par un allègement d'un milliard d'euros des charges pesant sur les entreprises. Il a souligné la priorité donnée par le Gouvernement à l'économie de la connaissance, qui se traduit par l'attribution de 1,8 milliard d'euros de moyens supplémentaires à la mission « Recherche et l'enseignement supérieur ».

Evoquant le plan en faveur des jeunes annoncé par le Président de la République, M. Eric Woerth a indiqué que, en l'état, il n'est pas pris en compte par le projet de loi de finances et sera introduit par amendement du Gouvernement en cours de discussion devant le Parlement. Son coût, de l'ordre de 500 à 600 millions d'euros, ne dégradera pas le solde car les mesures de « décrochage » telles que les contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) seront financées par le FISo à moyens constants, le budget prévu pour le revenu de solidarité active (RSA) assumant les autres charges.

Le ministre du budget a insisté sur la volonté du Gouvernement de valoriser le travail, notamment en soumettant aux mêmes impositions les revenus d'activité et les revenus de substitution. Ainsi, les indemnités de départ en retraite seront intégralement fiscalisées, de même que les indemnités journalières d'accident du travail, sous réserve de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire (UMP). Il a ajouté que le projet de loi de financement de la sécurité sociale comprendra des dispositions destinées à élargir la participation des revenus du capital au financement de la protection sociale, notamment en soumettant à la contribution sociale généralisée (CSG) les contrats d'assurance-vie en cas de décès, en appliquant la CSG dès le premier euro aux plus-values de cessions mobilières et en doublant le forfait social, qui passera de 2 % à 4 %. Il a souligné l'importance des mesures de nature à favoriser le « basculement » vers une croissance plus « verte », citant la création de la taxe carbone et la montée en puissance des crédits d'impôts incitant aux comportements écologiques.

M. Eric Woerth a affirmé l'attachement du Gouvernement à la maîtrise des dépenses, tout en soulignant la nécessité de réduire le déficit structurel par des réformes de fond. Après avoir indiqué que les dépenses progresseront en 2010 de 4,3 milliards d'euros, hors plan de relance, il s'est félicité que le projet de loi de finances respecte sur ce point le budget triennal issu de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009 et qu'il n'ait pas été besoin, lors de la préparation du projet de budget pour 2010, de discuter le montant des crédits pour plus de la moitié des missions. Il a salué l'effort de diminution des dépenses de personnel, permis par le non remplacement de près de 34 000 départs en retraite en 2010, ce nombre s'établissant à 100 000 depuis 2007. Il a rappelé que la moitié des économies réalisées par ces non remplacements se traduisent par des revalorisations de traitement pour les fonctionnaires. Il s'est félicité de la baisse des dépenses de fonctionnement de l'Etat.

Evoquant les autres catégories d'administrations publiques, M. Eric Woerth a indiqué que les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales progresseront de 0,6 % en 2010, hors Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), dont le montant augmentera pour sa part de 6 %. Il a souligné que l'objectif national de dépense d'assurance maladie (ONDAM) sera respecté en 2009, pour la première fois depuis longtemps. Le besoin de financement des administrations publiques s'établira à 8,5 % du PIB en 2010, proportion qui peut être ramenée à 8,2 % si l'on exclut le surcoût transitoire de la suppression de la taxe professionnelle. S'agissant de la dette publique, qui atteindra 84 % du PIB, elle représente une part dans le PIB équivalente à celle de la dette allemande et est inférieure à la moyenne constatée tant dans les pays de l'OCDE que dans la zone euro.

M. Eric Woerth a de nouveau plaidé pour la poursuite des réformes de structure, susceptibles d'améliorer la croissance française potentielle. Il a cité les exemples de l'autonomie des universités et de la réforme territoriale, la poursuite de la politique de non remplacement du départ en retraite d'un fonctionnaire sur deux, la réforme hospitalière, avec la mise en place des agences régionales de santé, et la volonté de réduire les réseaux, dans le respect de l'aménagement du territoire. Il a précisé que le projet de loi de finances ne comporte pas de dispositions sur les paradis fiscaux car celles-ci se trouveront dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009, qui comportera des mesures de rétorsion contre les Etats qui choisissent de rester sur la liste des paradis fiscaux.

En conclusion, M. Eric Woerth a évoqué les conditions auxquelles le déficit des administrations publiques pourrait revenir à 6 % du PIB en 2012 : la stabilisation en volume des dépenses de l'Etat, le respect d'un ONDAM maintenu à 3 %, la stabilisation du chômage et un taux de croissance de 2,5 % en 2011.

M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord excusé l'absence du rapporteur général, retenu à l'étranger pour une mission officielle. Evoquant l'organisation du travail pour la préparation de l'examen du projet de loi de finances, il a souhaité que les sénateurs disposent de simulations et d'études d'impact, notamment dans le domaine des finances locales. Il a déploré la parcimonie avec laquelle, depuis le début du mois de septembre, les informations parviennent à la commission des finances et a souhaité qu'il en aille différemment dans les semaines à venir. Il a demandé que les ministres confirment la disjonction des calendriers d'entrée en vigueur des volets « entreprises » et « collectivités territoriales » de la réforme de la taxe professionnelle. Il s'est félicité de la tenue prochaine du débat sur les prélèvements obligatoires, qui permettra d'aborder de manière globale et cohérente la politique fiscale du Gouvernement et s'est interrogé sur le caractère partiel, et donc la sincérité, du projet de loi de finances, dès lors qu'une loi de finances rectificative est déjà annoncée pour le début de l'année 2010, de façon à intégrer les modalités de financement de l'emprunt national.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, s'est engagée à remettre au président de la commission des finances, dès le 1er octobre 2009, des simulations financières de l'incidence de la suppression de la taxe professionnelle sur des « catégories type » de collectivités territoriales. Elle a appelé l'attention sur l'intérêt de la mission relative aux modalités de financement des collectivités territoriales, qu'elle a confiée au sénateur honoraire Yves Fréville. Elle a confirmé que, si la réforme de la taxe professionnelle entrera bien en vigueur en 2010 pour les entreprises, elle ne sera effective qu'en 2011 pour les collectivités territoriales, l'année 2010 étant mise à profit pour finaliser la répartition des ressources entre collectivités territoriales. Elle s'est déclarée ouverte à toutes les propositions sur ce sujet, dès lors que le projet initial du Gouvernement, fondé sur des principes de simplification et de spécialisation, ne sera pas considéré comme le meilleur par les parlementaires.

En réponse à M. Jean Arthuis, qui se demandait s'il ne serait pas pertinent, avant de créer un nouvel impôt local assis sur les bases foncières, de réviser les valeurs locatives périmées, Mme Christine Lagarde a indiqué que, avec ses collègues ministres des comptes publics et de l'intérieur, elle est chargée d'une mission sur ce sujet, dont les conclusions doivent être rendues rapidement.

M. Eric Woerth s'est réjoui de participer au prochain débat sur les prélèvements obligatoires et a expliqué ses nombreuses références aux mesures contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale par son attachement à la cohérence des orientations du Gouvernement en matière de finances publiques. Il a refusé de considérer l'absence de mention de l'emprunt national dans le projet de loi de finances pour 2010 comme une source d'insincérité. Au contraire, il aurait été curieux d'anticiper le résultat de travaux en cours, qui doivent conduire à déterminer le montant de l'emprunt, ses modalités et son utilisation. Il a assuré que, à ce stade, il est impossible de connaître la part de dépenses financées par l'emprunt national qui relèvera du périmètre « maastrichtien », ou celle qui aura le caractère de dépense publique.

M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur les causes de l'augmentation du déficit structurel des administrations publiques et sur les modalités d'indexation de la compensation aux collectivités territoriales de la suppression de la taxe professionnelle.

M. François Marc a exprimé son scepticisme à l'égard des affirmations selon lesquelles la France aurait été moins atteinte par la crise que ses principaux partenaires, et que le taux de prélèvements obligatoires passerait de 42,8 % en 2008 à 40,7 % en 2009. Il s'est interrogé sur le lien entre croissance du PIB et endettement public. En 2010, les allégements fiscaux des deux dernières législatures devraient réduire les recettes de l'Etat d'environ 50 milliards d'euros. La volonté affichée par les gouvernements successifs, depuis 2002, d'améliorer la compétitivité de l'économie française, ne paraît pas couronnée de succès.

M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité savoir comment le déficit de la sécurité sociale se décompose entre « déficit structurel » et « déficit de crise ». Il a demandé aux ministres de confirmer que les chiffres de 141 milliards d'euros et 116 milliards d'euros concernent bien le déficit du seul Etat, et non celui de l'ensemble des administrations publiques.

Mme Nicole Bricq a jugé le projet de loi de finances « douloureux », « vain » et « marqué au coin de l'idéologie ». En effet, la suppression de la taxe professionnelle sera, à terme, payée par les ménages, alors que les collectivités territoriales seront obligées d'alourdir la taxe d'habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties pour en compenser le coût. Elle constitue, en outre, un retour à une forme de centralisation. De plus, la taxe carbone sera non seulement inefficace, mais aussi injuste, l'énergie représentant une part plus importante de la consommation des ménages pauvres que de celle des ménages aisés. Enfin, la volonté affichée depuis plusieurs années par le Gouvernement de réduire les « niches » fiscales et sociales ne s'est traduite par aucune mesure concrète, bien au contraire. En réalité, la crise n'explique qu'une part minime des déficits publics.

M. Jean-Jacques Jégou s'est félicité de ce que le Gouvernement soutienne le projet de fiscalisation des indemnités d'accident du travail, proposé par M. Jean-François Coppé, président du groupe Union pour un mouvement populaire (UMP) à l'Assemblée nationale. En tant que rapporteur spécial de la mission « Santé », il a rappelé qu'il a fait adopter à plusieurs reprises par la commission un amendement en ce sens, mais s'est jusqu'à présent toujours heurté à l'opposition du Gouvernement. Il a jugé inutile le passage au taux réduit de la TVA dans le secteur de la restauration, et a plaidé pour une réduction des exonérations de cotisations sociales.

M. Michel Charasse a souhaité obtenir des éclaircissements sur les modalités d'indexation de la compensation versée au titre de la suppression de la taxe professionnelle, et sur la prise en compte, pour le calcul de cette compensation, de la suppression des 2,2 milliards d'euros actuellement perçus par l'Etat au titre des frais d'assiette et de recouvrement. Il s'est inquiété de l'articulation de ces mécanismes avec les règles de liaison des taux des impôts directs locaux. Il a estimé que la suppression de la taxe professionnelle pourrait amener les collectivités territoriales à alourdir la fiscalité des ménages. L'Etat doit, plus que jamais, cesser de leur imposer de nouvelles dépenses ou le respect de normes coûteuses. La taxe carbone aurait été l'occasion d'opérer une redistribution. La révision des valeurs locatives cadastrales est politiquement impossible.

M. Alain Lambert a considéré que la notion de recettes publiques est plus pertinente que celle de prélèvements obligatoires, trop restrictive. Les déficits structurel et conjoncturel doivent être clairement distingués. Le fait de présenter séparément les comptes de l'Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales ne contribue pas à la lisibilité des finances publiques. Les normes imposées par l'Etat aux collectivités territoriales représentent un coût excessif pour celles-ci.

Mme Marie-France Beaufils a jugé que le déficit public actuel provient essentiellement d'allégements de prélèvements fiscaux et sociaux antérieurs à la crise. Elle s'est interrogée sur les modalités de financement de l'extension aux jeunes du revenu de solidarité active (RSA). Elle a souhaité que l'ensemble des commissaires soient le plus tôt possible destinataires du projet d'article relatif à la taxe professionnelle, et des simulations correspondantes.

M. Jean Arthuis, président, a déclaré qu'il transmettra ces documents aux commissaires dès qu'ils lui seront remis.

M. François Rebsamen a indiqué partager les remarques de Mme Nicole Bricq et de M. François Marc ainsi que, sur le plan de la méthodologie, de M. Alain Lambert. Evoquant les propos du ministre des comptes publics sur la nécessité de soumettre à l'impôt l'ensemble des revenus du travail ou de substitution au travail, il a demandé si le Gouvernement envisage, pour atteindre cet objectif, d'assouplir le bouclier fiscal et de sortir la CSG ou la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) de son périmètre. Il a constaté qu'une réduction de 1 % du montant total des niches fiscales permettrait à l'Etat de faire plus d'économies que le non remplacement de 34.000 départs en retraite annoncé pour 2010 et a souhaité savoir si le Gouvernement étudie cette piste. S'agissant de la taxe professionnelle, qui pénalise les industries lourdes, il s'est étonné de l'absence de mesure spécifiquement favorable à ce secteur.

M. Joël Bourdin a évoqué les déficits du commerce extérieur et de la balance des paiements. Il a souhaité connaître les incidences de la crise des derniers mois sur la situation de la France en matière de coûts et de productivité, par rapport à celle de ses principaux partenaires.

M. Serge Dassault s'est interrogé sur l'importance de la part des allègements de charges sociales dans le déficit. S'agissant de la taxe professionnelle, il a déploré la charge pour l'Etat et les conséquences sur les finances locales d'une réforme dont les entreprises ne sont pas demandeuses, l'existence de la taxe professionnelle ne les ayant jamais conduites à ne pas réaliser un investissement utile à leur activité. Il a jugé que le coût de la main d'oeuvre, dû à la législation sur la durée légale du travail et au montant prohibitif des charges sociales, est un obstacle au développement des exportations.

Mme Fabienne Keller a salué la qualité de la présentation des ministres et la clarté du pilotage de la préparation du projet de loi de finances. Elle s'est félicitée de la continuité de l'action du Gouvernement en matière de créations d'emploi, de formation professionnelle et d' « éco-croissance ». Elle a relevé que la charge de la dette devrait diminuer en 2010 mais a demandé à connaître l'incidence budgétaire d'un relèvement de 1 % des taux d'intérêt, de façon à évaluer le risque de dérapage du déficit. Elle a souhaité être informée des perspectives d'évolution du marché de l'emploi en 2010.

M. Eric Woerth est convenu de la nécessité d'améliorer la méthodologie pour mesurer les évolutions du solde structurel et a promis la remise d'un document présentant le détail des modalités de calcul des éléments associés au projet de loi de finances. Pour 2009, l'augmentation de 42 milliards d'euros à 45 milliards d'euros du déficit structurel s'explique principalement par la baisse du taux de la TVA sur la restauration et le coût plus important que prévu de certaines mesures fiscales, telles que le crédit d'impôt sur les chaudières. En 2010, le déficit structurel s'améliorerait d'un milliard d'euros en raison de l'effet conjugué, d'une part, des nouvelles baisses d'impôts ainsi que de la progression des dépenses au rythme de l'inflation et, d'autre part, de l'évolution spontanée des recettes.

Il a précisé que, pour les comparaisons internationales, le Gouvernement retient généralement les données issues de l'OCDE ou de la Commission européenne. Il a jugé statique la vision selon laquelle les baisses d'impôts accroissent mécaniquement le déficit, préférant se concentrer sur les effets de ces baisses sur la compétitivité des entreprises ainsi que sur leur capacité à faire face à la concurrence internationale, à créer des emplois et à développer le pouvoir d'achat.

M. Eric Woerth a évalué le déficit structurel des comptes sociaux à 8,5 milliards d'euros en 2009, pour un déficit total de 24 milliards d'euros. En 2010, le déficit structurel devrait s'établir à 8,2 milliards d'euros, pour un déficit total de 31 milliards d'euros. Il a qualifié la chute des recettes d' « extraordinairement sensible ». Il a estimé que, pour revenir à un déficit du régime général de 10 milliards d'euros, il faudrait que la masse salariale augmente de 10 % par an dans les prochaines années. Compte tenu du caractère irréaliste de cette hypothèse, il a souligné la nécessité de contenir la progression des dépenses, de respecter l'ONDAM et de faire des efforts structurels, notamment en modifiant les périmètres respectifs d'intervention des assurances privées et de la sécurité sociale. En matière de retraites, il a appelé l'attention sur la nécessité de ne pas manquer le rendez-vous de 2010.

Evoquant l'objectif d'un taux de croissance de 2,5 % par an en 2011, il a précisé que d'autres pays sont plus ambitieux et que, en tout état de cause, le déficit ne pourra pas être comblé sans croissance du PIB. Il a jugé impossible d'augmenter les impôts et a appelé à la mise en place d'un autre modèle social. Il a précisé que les non remplacements de départs en retraite constituent bien une économie pour le budget de l'Etat, malgré le coût des pensions. Sur la consolidation des comptes publics, il a constaté que les ministères ont désormais compris qu'il est vain de chercher à améliorer le solde d'une catégorie d'administrations publiques au détriment d'une autre.

M. Eric Woerth a expliqué que le RSA « jeunes » sera financé, pour les aspects relatifs au « décrochage », par le FISo. S'agissant de l'extension du RSA aux jeunes actifs, dont la charge est évaluée à 250 millions d'euros, son coût sera absorbé, en 2010 au moins, par le budget de 2,9 milliards d'euros consacré au revenu de solidarité active dans le projet de loi de finances. Il a rappelé la position de principe du Gouvernement en faveur du bouclier fiscal. En matière de niches fiscales, il a souligné la difficulté de réduire le montant des plus coûteuses d'entre elles, qui portent par exemple sur le taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation, la prime pour l'emploi ou encore le crédit d'impôt en faveur des emplois à domicile. Il a indiqué qu'une évaluation précise, confiée à l'Inspection générale des finances, est en cours. Il a estimé à 42 milliards d'euros le montant des « niches sociales », dont 22 milliards au titre des allègements généraux dits « Fillon », 3 milliards d'euros liés aux heures supplémentaires, 7 milliards d'euros d'allègements spécifiques en faveur, par exemple, de l'outre-mer ou des zones franches urbaines et 9,5 milliards d'euros d'exemptions d'assiette. Un rapport sur le sujet a été confié à M. Jean-Luc Tavernier.

Mme Christine Lagarde a indiqué que les modalités de répartition entre les collectivités territoriales du produit de la future cotisation complémentaire des entreprises sur la valeur ajoutée (dont le taux sera fixé au niveau national) constitueront une incitation pour les collectivités territoriales à attirer des entreprises sur leur territoire. Le taux national sera fixé de manière à permettre une stabilité des ressources réelles des collectivités territoriales, et prendra donc en compte l'inflation. Elle a estimé qu'il n'existe pas de corrélation positive entre évolution de la dette publique et évolution du PIB. Elle a précisé que la suppression des 2,2 milliards d'euros actuellement perçus par l'Etat au titre des frais d'assiette et de recouvrement sera compensée par une intégration dans les taux de la future contribution économique territoriale. Elle a ajouté que l'article tendant à supprimer la taxe professionnelle est rédigé, et qu'elle le transmettra au président Jean Arthuis dans les plus brefs délais. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, l'industrie sera le premier bénéficiaire de la suppression de la taxe professionnelle, puisqu'elle en est actuellement le principal contributeur. S'agissant des facteurs de compétitivité des entreprises françaises, elle a souligné qu'elle va prochainement transmettre au Président de la République des propositions tendant à accroître les fonds propres des petites et moyennes entreprises (PME).

M. Michel Charasse s'est demandé pourquoi le Gouvernement prévoit de retenir comme référence l'année 2008, pour le calcul de la compensation aux collectivités territoriales de la suppression de la taxe professionnelle.

Mme Christine Lagarde a indiqué que ce choix se justifie par le fait que les chiffres relatifs à l'année 2009 ne sont pas disponibles.

Nomination de rapporteurs spéciaux

Puis la commission a désigné M. Jean-Paul Alduy en qualité de rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics » en remplacement de M. Henri de Raincourt, et M. Jean Arthuis en qualité de rapporteur spécial de la mission « Plan de relance de l'économie », créée en 2009.

Mission commune d'information consacrée à la prise en charge de la dépendance et à la création du cinquième risque - Désignation de deux membres

La commission a ensuite procédé à la désignation, en qualité de membres de la mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, de MM. Albéric de Montgolfier et Jean-Jacques Jégou, en remplacement de MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier.

Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics - Désignation d'un membre

La commission a enfin désigné M. Éric Doligé pour siéger au sein du Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, en qualité de membre titulaire. Elle a également désigné M. Pierre Bernard-Reymond en qualité de membre suppléant.

Jeudi 1er octobre 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président, puis de M. Yann Gaillard, vice-président et de M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes -

Audition de M. Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen

La commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires européennes, à l'audition de M. Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que cette audition prend place dans le contexte de la préparation de l'examen du budget communautaire pour 2010. Il a ensuite souligné le rôle prépondérant de la commission présidée par M. Alain Lamassoure en ce domaine.

M. Alain Lamassoure a tout d'abord distingué deux types de règles en matière de procédure budgétaire communautaire :

- d'une part, des règles de discipline budgétaire qu'il convient de conserver. Il a ainsi cité l'obligation d'équilibre entre les recettes et les dépenses, l'interdiction du recours à l'endettement et, enfin, l'encadrement du budget annuel par des perspectives pluriannuelles fixant des plafonds par grandes catégories de dépenses ;

- d'autre part, des règles relatives aux recettes, qu'il a estimées plus contestables. Ainsi, sans qu'une décision politique ait été prise en ce sens, le principe de financement par des ressources propres a été progressivement dénaturé : composées initialement de façon prépondérante par des recettes fiscales telles que les droits de douanes et les prélèvements agricoles, les ressources de l'Union européenne (UE) sont aujourd'hui très majoritairement issues de contributions des Etats membres (à hauteur de plus de 80 %). De plus, M. Alain Lamassoure a déploré la dualité entre un vote des recettes communautaires qui continue d'intervenir au niveau de chaque Etat membre et l'autorisation des dépenses qui relève du champ de compétence des institutions communautaires. Sur ce second volet, il a jugé peu pertinente la distinction, appelée à disparaître avec le Traité de Lisbonne, entre les dépenses obligatoires - principalement la politique agricole - et les dépenses non obligatoires : le Parlement européen a le dernier mot en ce qui concerne ces dernières, tandis que ses marges d'action sont réduites s'agissant des premières. Enfin, il a regretté la faiblesse du budget communautaire, qui décroît en valeur relative et ne correspond plus aujourd'hui qu'à 1 % du produit intérieur brut (PIB) de l'Union européenne. Ainsi, tandis que l'aide aux pays en voie de développement, en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, nécessiterait plusieurs milliards d'euros de financements communautaires chaque année, le budget de l'UE ne permet pas une telle prise en charge. Cette fragilité budgétaire contraste avec sa puissance politique et son influence dans le champ de l'édiction de la norme juridique.

M. Alain Lamassoure a ensuite présenté son analyse de l'articulation entre le budget communautaire et les budgets des Etats membres. Il a jugé utile de confier au Parlement européen, en relation avec les parlements nationaux, un rôle spécifique en matière de coordination des politiques budgétaires dans l'Union européenne. Dans le contexte de crise économique actuelle, une grande réactivité des politiques, appelées à définir des plans de relance efficaces, est indispensable. Une discussion devrait s'engager systématiquement entre les différentes autorités budgétaires en vue d'optimiser les effets sur l'ensemble de l'économie européenne des politiques conduites dans chaque pays.

Une telle discussion permettrait un contrôle réciproque sur les conditions du respect de la discipline budgétaire et d'identifier la part prise, dans chaque Etat membre, par les dépenses du budget national contribuant au financement d'objectifs communautaires. Des secteurs tels que la recherche, les politiques d'innovation ou la politique étrangère s'appuient ainsi encore largement sur les budgets nationaux, alors qu'ils correspondent assez souvent à des actions relevant de l'UE. En matière de défense par exemple, cette coordination serait à l'avantage de la France puisque celle-ci lui consacre 2 % de son PIB, soit près du double de la plupart de ses partenaires.

M. Alain Lamassoure a proposé, en particulier, qu'un débat portant sur les orientations budgétaires de l'UE, d'une part, et de chacun des Etats membres, d'autre part, soit organisé chaque année, sur la base d'un travail préliminaire qui serait réalisé par la Commission européenne. Ce débat se tiendrait simultanément au sein des commissions des finances de chaque parlement national, en fonction d'hypothèses macroéconomiques homogènes.

M. Jean Arthuis, président, a souligné le dialogue déficient entre les parlements nationaux et le Parlement européen, particulièrement en matière de coordination budgétaire. Il a jugé cette situation paradoxale dans la mesure où les politiques conduites par les Etats membres et les politiques communautaires sont souvent imbriquées les unes dans les autres.

M. Alain Lamassoure a ensuite évoqué les deux principaux sujets restant en débat dans les négociations sur le projet de budget communautaire pour 2010.

Le premier concerne le soutien à la production laitière. Multipliés par vingt par rapport à l'année dernière, les crédits communautaires destinés à cette filière seraient portés à 400 millions d'euros en 2010. Cette programmation, prévue dans le projet de budget adopté en juillet 2009 par le Conseil de l'Union européenne, vise le financement d'instruments classiques tels que les aides au stockage ou les restitutions à l'exportation. Le Parlement européen devrait proposer, lors de sa prochaine séance plénière consacrée à l'examen du projet de budget pour 2010, d'ouvrir 300 millions d'euros de crédits supplémentaires, de manière à créer un Fonds laitier.

Le second sujet de discussion porte sur le financement de la tranche 2010 du plan de relance. Suite aux conclusions du Conseil européen de décembre 2008, ce plan doit permettre d'injecter 200 milliards d'euros dans l'économie. Sur les trente milliards d'euros issus de ressources des institutions de l'Union européenne, seuls cinq milliards d'euros sont financés par le budget communautaire, le reste provenant de la Banque européenne d'investissement (BEI). Répartie sur deux ans, cette contribution budgétaire a laissé en suspens la question du financement de la tranche 2010, soit 2,4 milliards d'euros.

A propos des perspectives financières de l'UE, M. Alain Lamassoure a fait valoir que d'importantes évolutions rendent de plus en plus nécessaire une réforme des ressources communautaires. En effet, les principales dépenses sont consacrées à l'agriculture et aux fonds structurels alors que la priorité donnée à ces deux politiques perd de sa pertinence.

Le soutien apportée par la France à la politique agricole commune (PAC) sera remis en question lorsqu'elle en deviendra contributeur net, ce qui devrait se produire rapidement ; les termes des négociations sur cette politique en seront profondément modifiés. Par ailleurs, les règles du commerce international condamnent, à plus ou moins brève échéance, l'existence de la PAC sous sa forme actuelle. Plus généralement, les marchés agricoles mondiaux sont entrés dans une nouvelle phase, marquée par l'instabilité des prix et par la survenue de crises récurrentes. Ce contexte justifie une PAC refondée, plus adaptée à la libéralisation des échanges mondiaux et utilisant des instruments d'assurance permettant de faire face à la multiplication des aléas.

S'agissant des fonds structurels, leur existence et leur poids financier apparaissent de moins en moins justifiés. M. Alain Lamassoure s'est ainsi interrogé sur le sens de la politique régionale aujourd'hui. Créé dans le but d'aider les régions les plus pauvres à rattraper le niveau des autres régions, ce dispositif n'est plus adapté. Il a ainsi donné le cas, en Aquitaine, de 800 projets locaux financés par le Fonds européen de développement régional (FEDER). Les neuf milliards d'euros que la France perçoit au titre de la politique régionale gagneraient à être utilisés plus efficacement.

M. Alain Lamassoure a ensuite abordé la question de la réforme des ressources propres de l'UE. Appelant à considérer l'Union européenne comme une collectivité territoriale, il a donné l'exemple des communes dont les recettes reposent sur des taxes à l'assiette déterminée au niveau national mais dont le taux et, le cas échéant, les régimes d'exonération sont fixés par les autorités locales elles-mêmes. Dans la continuité d'un rapport qu'il a réalisé en 2007, il a donc plaidé pour l'affectation d'un impôt ou d'une fraction d'impôt au financement du budget communautaire. Un tel mécanisme conduirait à la diminution progressive, voire à la disparition, des contributions issues des budgets nationaux.

Trois pistes sont envisageables :

- le recours à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), seul impôt dont les bases sont réellement harmonisées entre les Etats membres ; un prélèvement à un taux inférieur à 2 % pourrait venir alimenter le budget communautaire ;

- l'utilisation de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, qui implique préalablement une harmonisation des bases d'imposition. Celle-ci présenterait l'intérêt d'apporter une réponse au problème de la concurrence fiscale entre Etats membres. En effet, la seule liberté laissée aux Etats membres serait alors celle de la fixation du taux, sans possibilité d'action sur l'assiette ;

- les nouvelles recettes liées aux politiques de lutte contre les changements climatiques. Ces politiques traduisent des priorités récentes, souvent inscrites dans un cadre juridique communautaire, et dévoilent des gisements de ressources financières appelés à se développer. M. Alain Lamassoure a rappelé que le système, mis en place à partir de 2013, de mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre devrait engendrer 30 à 60 milliards d'euros de recettes annuelles. Alors que cette nouvelle ressource doit, à ce stade, alimenter exclusivement le budget des Etats membres, une fraction, même modeste, de celle-ci pourrait avantageusement être affectée à l'UE.

Il a enfin proposé des éléments sur le calendrier de la réforme. La réflexion devrait ainsi être entamée dès l'année prochaine, en vue d'un accord politique en 2012, de l'adoption consécutive d'un nouveau traité et d'une entrée en vigueur dès 2014.

Soulignant la grande qualité de l'exposé de M. Alain Lamassoure, M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes, a souligné l'importance de l'implication personnelle et de la valorisation des compétences lors de la constitution des listes électorales pour les élections européennes.

Précisant que les Etats membres seront plus ou moins sollicités selon le scénario de financement retenu, il s'est ensuite interrogé sur les inégalités qui en résulteraient ; elles seraient, en effet, particulièrement avérées pour les recettes liées aux politiques de lutte contre les changements climatiques. Il a donné l'exemple de l'Allemagne, fortement productrice de gaz carbonique, et donc potentiellement importante contributrice, ce qui pose la question des nouvelles corrections qu'il conviendrait d'apporter au niveau des Etats membres.

Faisant un parallèle avec la réforme de la taxe professionnelle, M. Alain Lamassoure a reconnu que de telles réformes font inévitablement des gagnants et des perdants. Mais il a également remarqué que le système actuel des ressources propres est lui-même injuste : outre la Grande-Bretagne qui profite d'une correction de 4 milliards d'euros sur sa contribution nationale, de nombreux régimes de calcul spécifiques sont appliqués aux autres Etats membres. En vue de limiter les inégalités qui résulteraient d'une réforme des ressources propres de l'UE, il conviendra d'évaluer préalablement, par des simulations, les conséquences pour les Etats membres des différents scénarios.

M. Pierre Bernard-Reymond a souhaité savoir si la commission des budgets du Parlement européen est réellement en mesure d'évaluer les politiques budgétaires nationales, d'une part, et d'apprécier l'état de la coordination entre celles-ci et le budget communautaire, d'autre part.

M. Denis Badré a approuvé la démarche visant à mieux coordonner le budget de l'Union européenne et ceux des Etats membres. S'appuyant sur l'expérience de deux contrôles budgétaires qu'il a conduits successivement sur la politique de recherche en Europe et les agences européennes, il a relevé que la recherche d'une synergie entre le niveau communautaire et le niveau national fait souvent défaut. Les doublons lui semblent particulièrement problématiques. Il a déploré, à cet égard, la faible application du principe de subsidiarité.

Il s'est également prononcé en faveur d'une meilleure articulation entre la commission du contrôle budgétaire et la commission des budgets au sein du Parlement européen. S'agissant du budget communautaire lui-même, dont il a relevé l'ordre de grandeur équivalent au déficit public de la France, il a souligné l'incohérence entre la dévolution à des autorités différentes de la compétence sur les dépenses et sur les recettes. Cette situation révèle le non respect du principe de consentement à l'impôt dans l'UE.

M. Denis Badré a regretté ensuite la focalisation des négociations budgétaires sur la question des contributeurs nets alors que les dépenses communautaires présentent souvent un caractère horizontal marqué, à l'image de celles consacrées à la sécurité, à la liberté de circulation, ou, encore, à la recherche.

Pour ce qui concerne la PAC, il s'est étonné de l'absence de recours à des dispositifs de gestion des crises existants tels que l'instrument de flexibilité ou la réserve négative. De même, face à la crise économique, il s'est interrogé sur l'absence d'utilisation du fonds européen d'ajustement à la mondialisation, doté pourtant de 500 millions d'euros. De manière générale, il lui est apparu peu pertinent, dans les cas où plusieurs dispositifs existants restent inutilisés, de créer de nouveaux instruments.

Mme Bernadette Bourzai a regretté la tendance baissière des montants alloués au Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et au Fonds européen de développement régional (FEDER), ainsi que le fléchage de leurs crédits vers des priorités telles que la compétitivité, la recherche ou la formation. Elle a, en particulier, estimé que l'action communautaire en direction des régions rurales ou, à défaut, de zones plus ciblées caractérisées par des handicaps naturels, devait être renforcée.

M. Pierre Fauchon a exprimé ses craintes quant à la capacité d'action de l'UE, en particulier dans un contexte de crise. Il s'est interrogé sur le mode de financement d'actions ne regroupant pas l'ensemble des Etats membres, à l'image de l'espace Schengen, de l'union monétaire, des opérations militaires ou, encore, de certaines coopérations en matière pénale.

M. Aymeri de Montesquiou s'est dit favorable à la mise en place d'un véritable « impôt citoyen » à l'échelle de l'Union européenne. Il a ensuite évoqué la possibilité d'une taxation des transactions financières. Enfin, en matière de dépenses communautaires, il a relevé que le recours à la pratique de la subvention reste trop souvent une solution de facilité et qu'il conviendrait plutôt d'assainir le fonctionnement de certains marchés.

M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité connaître la destination précise des crédits communautaires consacrés au plan de relance. Il s'est interrogé sur les taux d'intérêt auxquels emprunte la Banque européenne d'investissement (BEI). En outre, il s'est inquiété des conséquences éventuelles, sur l'euro, de la transgression des règles de discipline budgétaire inscrites dans le Pacte de stabilité et de croissance.

M. Christian Cointat a regretté la dénaturation progressive du projet communautaire, dans la mesure où chaque Etat membre poursuit son intérêt financier particulier. Il s'est ensuite interrogé sur l'organisation pratique de la coordination budgétaire en Europe, en vue de mettre effectivement en oeuvre le principe de subsidiarité et de viser une plus grande efficacité économique.

En prenant l'exemple des fonds structurels, M. Jean Arthuis, président, a jugé nécessaire de recentrer l'Union européenne sur des actions qui correspondent réellement à ses compétences. Il a relevé le grand intérêt d'un financement de l'UE par une taxe carbone ou par le marché des droits à polluer : cette recette serait à la fois commune et issue des politiques mises en place au niveau de l'UE. Il s'est demandé, en outre, si un tel projet suscite un consensus assez large au sein du Parlement européen.

En réponse aux intervenants, M. Alain Lamassoure a apporté les précisions suivantes :

- le Parlement européen doit mieux s'organiser de manière à ce que le dialogue avec les parlements nationaux soit harmonieux et constructif. Il doit veiller, par exemple, à une articulation satisfaisante entre sa commission du contrôle budgétaire et sa commission des budgets. L'hypothèse d'un interlocuteur unique en matière budgétaire n'est d'ailleurs pas à écarter ;

- la problématique des agences européennes a été insuffisamment approfondie par la commission des budgets du Parlement européen. Celle-ci tiendra donc le plus grand compte de la réflexion de la commission des finances du Sénat en ce domaine ;

- le fonds européen d'ajustement à la mondialisation a été peu utilisé, à hauteur de 20 % environ. Son existence apparaît peu justifiée, surtout qu'il « doublonne » le Fonds social européen (FSE) ;

- s'agissant du FEDER et du FEADER, il a estimé que, à la lumière du principe de subsidiarité, les politiques régionales ne devraient pas faire l'objet d'un financement communautaire ;

- l'Union européenne n'est pas en décomposition. Elle a notamment démontré sa capacité à faire face à la crise économique, qu'il s'agisse de la monnaie unique ou des initiatives qu'elle a prises, sous l'impulsion de la France, sur les sujets débattus au sein du G20. De même, en matière de lutte contre les changements climatiques, elle joue un rôle moteur dans les négociations internationales, comme on l'a vu lors de la négociation des accords de Kyoto ou pour la préparation du sommet de Copenhague ;

- en ce qui concerne le mode de financement des coopérations entre Etats membres, l'exemple des opérations militaires montre que les charges pèsent inégalement sur les Etats membres, alors qu'il s'agit d'actions d'intérêt commun. Il apparaît donc nécessaire de mieux répartir les coûts, de façon à ce que les Etats ne mettant à disposition ni soldats ni matériel contribuent financièrement de manière plus conséquente ;

- plusieurs éléments rendent peu pertinente la mise en place d'un « impôt citoyen » européen. Tout d'abord, aucun parlement national ne soutient un tel projet. Ensuite, le fait de collecter 1 % du PIB par une taxe communautaire spécifique engendrerait des frais de gestion excessifs au regard du rendement de cet impôt. En ce qui concerne l'assiette des prélèvements, il faut prendre garde à ne pas la limiter aux activités non délocalisables en taxant excessivement les « sédentaires ». Il convient donc de cibler davantage les flux. Il serait ainsi envisageable de soumettre les activités « mobiles » à des droits de péage, en particulier les communications électroniques ;

- les 5 milliards d'euros consacrés au plan de relance par le budget communautaire sont destinés à hauteur de 80 % aux réseaux d'énergie. La part restante vise le développement de l'Internet haut-débit en zone rurale ;

- sans être en mesure de répondre à la question des taux auxquels emprunte la BEI, M. Alain Lamassoure a toutefois mis l'accent sur l'apport bénéfique de l'activité de cet organe. Il a souligné, en particulier, sa neutralité sur la dette des Etats ;

- s'agissant des conséquences de la transgression des règles de discipline budgétaire, un retour rapide à l'équilibre dans les Etats membres s'impose. A défaut l'euro risque de s'affaiblir ;

- sauf à se contenter d'une simple résolution sans valeur contraignante, aucune décision concernant la réforme des ressources propres de l'UE ne saurait être prise par le Parlement européen. En effet, celui-ci ne dispose d'aucune compétence propre à ce niveau. M. Alain Lamassoure a donc suggéré qu'une autorité budgétaire dont la compétence couvre le champ des recettes prenne, le cas échéant, une initiative en ce sens. La crise politique qui découlerait du refus par un parlement national de voter la contribution d'un Etat membre au budget communautaire pourrait être de nature à engendrer une évolution.