Jeudi 4 février 2010

- Présidence de M. Serge Lagauche, vice-président -

Loi de finances rectificative pour 2010 - Audition de Mmes Jacqueline Lecourtier, directeur général, et Martine Latare, secrétaire général, de l'Agence nationale de la recherche (ANR)

La commission a procédé à l'audition de Mmes Jacqueline Lecourtier, directeur général, et Martine Latare, secrétaire général, de l'Agence nationale de la recherche (ANR), sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010.

Mme Jacqueline Lecourtier, directeur général, a expliqué que, dans le cadre du grand emprunt, l'ANR jouera un rôle de gestionnaire. Elle sera ainsi chargée de mettre en oeuvre les volets suivants : les campus d'excellence, la valorisation de la recherche avec la création d'entités spécifiques en région, les instituts technologiques visant à évaluer l'impact économique des recherches, les laboratoires et équipements d'excellence, les instituts hospitalo-universitaires et le développement des biotechnologies.

Elle a souligné que l'action de l'ANR, créée en 2005, a considérablement changé le mode de financement de la recherche en favorisant un processus sélectif sur appel d'offres faisant intervenir des jurys. 1400 à 1500 projets sont ainsi financés chaque année, pour 6000 dossiers reçus, soit un taux de sélection variant de 22 à 25 % selon les domaines. Cette dynamique permet à la France d'être un partenaire dans des projets de collaboration internationale, les autres pays ayant adopté les mêmes standards ;

Elle a relevé que la certification ISO 9001 de l'AFNOR obtenue par l'agence renforce son attractivité en garantissant des bases de transparence et d'équité.

M. Jean-Léonce Dupont s'est interrogé sur les raisons du recours à l'ANR pour la gestion des actions du grand emprunt, sur la coordination des missions de l'agence avec le ministère de l'enseignement et de la recherche et le commissaire à l'investissement, et enfin sur la problématique des conflits d'intérêt dans le fonctionnement des jurys de sélection.

Mme Jacqueline Lecourtier, directeur général, a apporté les éléments de réponse suivants :

- le choix de l'ANR semble résulter de l'action menée ces cinq dernières années et des changements évoqués précédemment lui ayant permis d'acquérir un véritable savoir-faire dans l'organisation de jurys et le lancement d'appels d'offres dans le domaine de la recherche ;

- la programmation de l'ANR est validée par le conseil d'administration où siègent, à côté de personnalités qualifiées, les représentants des ministères de tutelle, garantissant ainsi la nécessaire coordination ;

- pour éviter les conflits d'intérêts, l'ANR a mis en place une charte de déontologie contractuelle signée par tous les acteurs et un observateur de la qualité des jurys. En outre, si la participation de personnalités étrangères siégeant dans les jurys constitue un élément important, elle fait toutefois l'objet d'une attention toute particulière pour les projets ayant un intérêt industriel : la présence d'Européens est privilégiée dans ce cas. En outre, c'est le commissaire à l'investissement qui arrêtera la composition des jurys devant sélectionner les projets financés par le grand emprunt.

Mme Monique Papon a évoqué l'intérêt porté par une délégation de chercheurs taïwanais pour développer des projets de partenariat dans le domaine de la recherche médicale avec la France.

Mme Jacqueline Lecourtier, directeur général, a indiqué que dans le cadre d'un accord entre l'ANR et l'agence de recherche taïwanaise des appels à projet transnationaux étaient lancés tous les ans. Des accords similaires existent avec la Chine, le Japon, le Chili, le Mexique, les Etats-Unis, ainsi que l'ensemble des pays européens. Elle a ainsi précisé que l'activité internationale de l'agence se répartissait de la façon suivante : 70 % avec les pays européens et 30 % hors Europe. Elle a estimé que la pertinence d'un partenariat transnational relevait de la responsabilité des entités de recherche et de leurs chercheurs, tout en mettant en garde sur les projets relatifs à la recherche dans les secteurs à forte compétitivité.

Elle a observé que les projets internationaux de recherche se situaient en amont et concernaient essentiellement l'acquisition ou la mise en commun de connaissances scientifiques. Elle a ainsi cité l'exemple d'une coopération entre l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l'Académie des sciences de Chine sur l'étude du génome de l'intestin.

M. Ivan Renar s'est interrogé sur les quatre points suivants :

- la lisibilité de la recherche en France, compte tenu de la multiplication du nombre des structures ;

- les relations entre les opérateurs historiques, les nouveaux équipements d'excellence et les universités ;

- le positionnement des petites et moyennes entreprises au sein des structures nouvellement créées, en particulier les pôles de compétitivité ;

- les critères d'attribution et le montant des crédits versés à l'ANR dans le cadre de l'emprunt national.

Après avoir repris à son compte la question sur la place des petites et moyennes entreprises dans le domaine de la recherche, Mme Françoise Laborde a demandé des précisions sur le montant de l'enveloppe attribuée à l'ANR par l'emprunt national en proportion de son budget actuel.

Soulignant la complexité du dispositif actuel de recherche en France, Mme Jacqueline Lecourtier, directeur général, a affirmé que l'action conduite dans le cadre de l'emprunt national visait à simplifier son mode de fonctionnement. Elle a insisté sur la distinction qui doit être opérée entre les agences, qui constituent le mode standard de financement de la recherche au plan international, et les opérateurs. Elle a indiqué ainsi que la plupart des pays dans le monde disposaient d'un modèle de recherche s'appuyant sur l'existence de grands campus regroupant plusieurs entités, laboratoires de recherche, structures d'enseignement et de valorisation en lien étroit avec les chercheurs. Cette conception oriente la politique actuelle conduite par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Elle a encouragé la constitution de pôles d'excellence rassemblant les écoles d'ingénieurs, les opérateurs historiques et les laboratoires universitaires sous une gouvernance intégrée.

Elle a fait observer que les priorités dégagées par la commission sur les priorités stratégiques d'investissement et l'emprunt national, présidée par Alain Juppé et Michel Rocard, permettaient de s'engager vers une simplification du système actuel.

Rappelant le rôle de sélection des meilleurs projets de recherche par l'ANR, Mme Jacqueline Lecourtier, directeur général, a précisé que les relations entretenues par l'agence avec les opérateurs se situaient essentiellement en amont, lors de la phase de préparation des dossiers. Elle a indiqué, que dans le cadre de l'emprunt national, les cahiers des charges des différents appels à projet seraient rédigés par les services du commissariat général à l'investissement public.

Elle a ajouté que l'ANR développait un partenariat spécifique avec les pôles de compétitivité, attribuant ainsi au projet retenu un label « pôle » qui lui permet de bénéficier d'un abondement de 7 % du budget, afin que le pôle concerné bénéficie des résultats de la recherche. Ce partenariat permet de mesurer le rôle croissant des petites et moyennes entreprises (PME) dans la recherche initiée par les pôles de compétitivité. Les projets des pôles représentent environ 180 millions d'euros de soutien qui se répartissent à parts égales entre les grandes entreprises et les PME.

Elle a mis l'accent également sur les instituts Carnot, dédiés à la recherche partenariale, dont la politique d'ouverture en direction des PME constitue un des critères de leur labellisation et d'indicateur de résultats. Elle a considéré que la création d'instituts technologiques financés par le « Grand emprunt » devrait conserver comme critère de labellisation, de sélection et de performance l'interaction avec les petites et moyennes entreprises.

Mme Martine Latare, secrétaire général, a indiqué que l'attribution des crédits de l'emprunt national fera l'objet d'une convention par action négociée avec le commissaire général à l'investissement, qui précisera les modalités de versement et d'utilisation des fonds par l'ANR. La décision finale d'attribution incombera à l'Etat s'agissant des principales catégories d'investissement.

Mme Jacqueline Lecourtier, directeur général, a précisé que, à la fin du processus de sélection, l'ANR établira une liste classé des entités éligibles à l'emprunt national qu'elle remettra au commissaire général à l'équipement, lequel décidera de l'octroi des fonds.

Après avoir abordé le processus de sélection des projets en fonction de critères prédéfinis, Mme Martine Latare, secrétaire général, a déclaré que le budget actuel de l'ANR était de l'ordre de 850 millions d'euros par an, les fonds étant distribués sur la durée des projets. Plusieurs modalités de versement de l'emprunt national sont envisagées, d'une part, un fonds consomptible, sous la forme de dotations en capital ou de subventions d'investissement à des bénéficiaires, engagé sur trois à quatre ans pour un montant de 14 à 15 milliards d'euros et, d'autre part, un fonds, non consomptible, dont le produit procurera un financement autonome, de 150 à 200 millions d'euros annuels.

Mme Catherine Dumas a souhaité savoir si l'ANR serait associée au projet de Paris-Saclay figurant dans le projet de loi relatif au Grand Paris.

Reprenant cet exemple de pôle, M. Jean-Claude Etienne, rapporteur, a demandé si l'ANR, dont le rôle de conseil après du commissaire à l'investissement se situe en amont du processus de sélection des projets du grand emprunt, avait l'intention de promouvoir une logique de transversalité au sein des pôles d'excellence. Cet objectif semble notamment nécessiter la désignation d'un responsable unique pour la conduite des opérations. Il a également demandé comment seraient prises en compte les petites universités qui, malgré des compétences réelles, se sentent exclues des grands projets actuels. Il s'est enfin interrogé sur la définition du rôle des IHU (instituts hospitalo-universitaires).

Mme Jacqueline Lecourtier, directeur général, a apporté les éléments de réponse suivants :

- l'ANR n'est pas associée au processus de choix des projets du Grand Paris ; son rôle se limitera tout au plus, pour des raisons pratiques, au versement de financements ;

- l'ANR essaiera de peser sur la définition des critères d'évaluation des projets du grand emprunt, au titre desquels pourraient ainsi figurer la gouvernance unique, le choix de thématiques bien définies, et la valorisation immédiate des résultats de la recherche. L'expérience des instituts Carnot montre qu'un cahier des charges pertinent imposant des critères éliminatoires permet d'obtenir des résultats satisfaisants en termes de gouvernance et de coopération entre opérateurs ;

- l'ANR est très attachée aux liens entre recherche et enseignement supérieur. Aussi les petites universités devraient-elles pouvoir trouver leur place dans les réseaux se constituant autour des projets du grand emprunt, à condition qu'elles soient capables de définir leur créneau d'intervention et leur spécificité ;

- les IHU sont essentiels pour permettre une meilleure transmission des résultats de recherche des laboratoires vers les hôpitaux. Cependant leur rôle ne sera pas systématiquement corrélé aux pôles d'excellence et le lien s'appréciera au cas par cas.

M. Serge Lagauche, président, s'est demandé si la sélection rigoureuse opérée par l'ANR n'a pas pour effet d'éliminer des projets qui pourraient apporter une contribution importante. Il s'est également interrogé sur le niveau des crédits nécessaire à la recherche en France et sur les enjeux de la formation des corps intermédiaires dans les universités.

Mme Jacqueline Lecourtier, directeur général, a tout d'abord tenu à relativiser l'influence de l'ANR qui représente 8% du budget de la recherche hors masse salariale. Elle a ensuite observé que si les budgets semblent corrects dans le domaine de la recherche fondamentale, il en est autrement dans celui de la recherche dite partenariale dont le développement est très insuffisant. L'enjeu de la formation est donc réel dans ce domaine et devrait s'inscrire dans une logique de recherche de débouchés économiques afin de soutenir l'activité industrielle en France. La hausse de 30% de l'activité partenariale des instituts Carnot a montré qu'un tel mouvement, au coeur des enjeux de la recherche en France, était possible.

Nomination d'un rapporteur

Au cours de la même séance, la commission a demandé à être saisie pour avis de la proposition de loi n° 130 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit et a nommé M. Pierre Bordier rapporteur pour avis de cette proposition de loi.