Disponible au format PDF (297 Koctets)


Mardi 16 février 2010

- Présidence de M. Hubert Haenel -

Institutions européennes

Rencontre avec les membres français du Parlement européen1(*)

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. - Je vous remercie d'être venus si nombreux pour cette réunion, qui constitue une première. Certes, notre commission auditionne très fréquemment, sur les grands projets à l'ordre du jour de l'Europe, les présidents de commission et les rapporteurs du Parlement de Strasbourg ; dans un même esprit, les eurodéputés français sont systématiquement invités à participer à toutes nos réunions. Mais puisque aucun d'entre nous n'est doué du don d'ubiquité, la coïncidence de nos agendas ne nous permet pas de débattre tous ensemble.

C'est pourquoi j'ai pris l'initiative, en lien avec mon collègue Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes du Sénat, d'organiser des réunions pendant la semaine d'interruption des travaux du Parlement européen, durant lesquelles les eurodéputés français, dans leur circonscription, peuvent plus aisément nous retrouver à Paris. Nous renouvellerons ainsi cette expérience fin mars et fin mai. C'est une belle opportunité pour débattre des grands sujets, législatifs ou institutionnels, à l'ordre du jour de l'Europe afin de mieux défendre, ensemble, les intérêts et les aspirations des citoyens français.

Dans cet esprit, j'ai souhaité concentrer l'ordre du jour de ces réunions sur des projets concrets, afin que nous soyons en mesure de nous concerter sur les sujets d'actualité les plus importants. Notre programme aujourd'hui nous offre ainsi l'occasion, pour cette réunion de lancement, d'échanger sur les principaux chantiers européens, de la mise en place des nouvelles institutions aux suites de Copenhague en passant par la stratégie UE-2020 et la gouvernance économique, ainsi que par la gestion des fonds alternatifs. Je propose qu'à l'avenir nous examinions principalement des projets d'actes européens en discussion, ou des actes adoptés qui doivent être transposés. Une telle démarche a rencontré un net succès au cours de la réunion que notre commission, et c'était là aussi une première en Europe, a tenue le 26 janvier dernier, par visioconférence, avec la commission Marché intérieur et protection des consommateurs (IMCO) du Parlement européen sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs, dont les enjeux sont fondamentaux pour la protection des citoyens.

Parlements nationaux et Parlement européen peuvent jouer de concert, grâce au traité de Lisbonne, un rôle irremplaçable dans l'enracinement démocratique de l'Europe et les progrès vers une Europe politique : le Parlement européen, bien sûr, devenu législateur de plein exercice et autorité budgétaire de dernier mot ; les parlements nationaux aussi, qui contribuent désormais directement à la prise de décision européenne au travers notamment de la participation au contrôle et à l'évaluation de l'espace de liberté, de sécurité et de justice ou du contrôle de la subsidiarité, qui n'est pas seulement le pouvoir de dire non, mais aussi le droit d'exiger plus de l'Union en dénonçant, grâce à une « subsidiarité à l'envers », les projets européens qui n'apportent pas toutes les valeurs ajoutées que l'on est en droit d'attendre de l'Europe.

L'Assemblée nationale s'est mise en ordre de marche, en simplifiant et en élargissant à tous les sujets européens le droit de résolution dont l'initiative appartient à tout député, en renforçant les effectifs et les pouvoirs de la commission des affaires européennes, en consacrant une séance des semaines mensuelles de contrôle aux débats sur l'Union et en prévoyant que notre commission puisse apporter des éclairages européens sur les projets et propositions de lois nationales à l'ordre du jour de l'Assemblée.

Je sais que le Sénat s'est de même pleinement engagé dans l'approfondissement du contrôle des affaires européennes. Je salue à cette occasion les sénateurs membres de la commission des affaires européennes de la Haute assemblée qui sont venus en nombre pour échanger avec nous.

M. Jean Bizet. - Merci Monsieur le Président pour votre accueil. Le président Hubert Haenel, Président de la commission des affaires européennes du Sénat, n'a malheureusement pas pu se joindre à nous compte tenu d'un empêchement de force majeure. Mais nous sommes tous impatients de nous lancer dans les débats, puisque tant de feuilles blanches sont désormais à écrire en Europe !

Mme Pervenche Berès, députée européenne. - Au nom de tous les eurodéputés, je veux à mon tour, Monsieur le Président, vous remercier pour cette réunion et vous exprimer notre grande joie d'être aujourd'hui à vos côtés.

I. LA MISE EN oeUVRE DU TRAITÉ DE LISBONNE ET LA MISE EN PLACE DES NOUVELLES INSTITUTIONS

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. - Fin 2009, nous nous sommes tous réjouis de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui bouclait enfin le trop long chantier institutionnel dans lequel l'Europe s'embourbait. Grâce à cette nouvelle boîte à outils, grâce à l'affirmation de quelques principes clairs, nous avons pensé l'Europe en mesure de s'atteler à la seule tâche qui compte : agir pour répondre aux besoins des citoyens. A l'euphorie a succédé une certaine mélancolie qui, je l'espère, ne préfigure pas des déceptions. La nomination d'un président du Conseil européen, celle du Haut représentant, sont de puissants encouragements pour incarner l'Europe, du côté des priorités de l'action commune, du côté de la politique étrangère. Or leurs premiers pas sont prudents, pour ne pas dire modestes. La répartition des rôles entre le président du Conseil européen et le chef du Gouvernement présidant l'Union reste encore mouvante et floue. Et le périmètre exact des objectifs et des attributions de la Haute représentante demeure imprécis, tandis que s'engagent les premiers débats sur le futur service d'action extérieure. Dans un même esprit, vos opinions sur le futur rôle de la Commission européenne que vous venez d'investir seront particulièrement éclairantes.

Nos citoyens attendent du nouveau traité qu'il clarifie les responsabilités et les rôles à Bruxelles. La nouvelle « tétrarchie » européenne ne semble pas à ce jour répondre pleinement à leurs attentes.

Mme Sandrine Bélier, députée européenne. - Je m'associe à tous les eurodéputés pour vous remercier à mon tour de cette initiative. Le Parlement européen est en effet très attaché à approfondir ses relations avec les parlements nationaux. En témoigne notamment la mise en place, décidée par la Conférence des Présidents de septembre 2009, d'un groupe de travail consacré à ces relations, composé de douze députés auquel j'ai l'honneur de participer avec ma collègue Marie-Christine Vergiat.

M. Stéphane Le Foll, député européen. - Les citoyens ne sont pas les seuls à s'interroger face à la cacophonie européenne. Le traité de Lisbonne n'a pas simplifié les choses. Nous entendions, il y a quelques semaines, le Premier ministre espagnol, dont l'implication dans la définition des priorités suggérait clairement que la présidence tournante n'a guère l'intention de s'effacer derrière le nouveau président du Conseil européen. Ce « bicéphalisme » à la tête du Conseil complique un peu plus le jeu décisionnel au coeur même du moteur actuel de l'Europe, puisque la Commission semble se muer en secrétariat général du Conseil, notre investiture s'étant limitée à entériner les choix exclusifs des chefs d'État et de Gouvernement.

Au fond, la seule bonne nouvelle, c'est le renforcement des pouvoirs du Parlement européen, dont la récente résolution sur SWIFT prouve qu'il est déterminé à en faire un réel usage. Cela tombe bien, car, avec l'affaiblissement de la Commission, le Parlement devient le seul à porter l'intérêt général de l'Union contre des États déterminés à promouvoir leurs intérêts nationaux.

M. Michel Herbillon, député. - N'en oublions pas pour autant l'immense vertu du traité de Lisbonne : il a enfin clos le lancinant chapitre institutionnel qui empoisonnait l'Europe depuis si longtemps. Les outils sont désormais sur la table. Et je demeure persuadé qu'ils sont ceux dont on a besoin : un président du Conseil européen donnant cohérence et stabilité aux priorités de l'Europe et incarnant ses consensus, une politique étrangère identifiée, un Parlement européen législateur à part entière, une majorité qualifiée qui, dans cinquante domaines, met fin à l'impuissance de l'unanimité. Ces avancées sont considérables, et ne jugeons pas trop vite. Notre nouveau traité a deux mois, nous n'avons donc aucun recul ! Et chacun sait que la pratique compte plus encore que la lettre des institutions. Qui aurait pu juger aux premiers mois de 1959 des équilibres et des apports de la Ve République ?

M. Alain Lamassoure, député européen. - Il est en effet bien trop tôt pour former des jugements péremptoires sur le traité de Lisbonne. On jugera sur acte. Je remarque certes, puisque les premiers titulaires « font » traditionnellement les fonctions en inspirant pour longtemps leur style et leur portée, que le choix de M. Van Rompuy d'être un honnête courtier plutôt qu'un président « leader » pourrait figer l'avenir. Or, cette conception n'était pas celle des rédacteurs du nouveau traité, pas plus que celle qu'affichaient les dirigeants européens au moment de la ratification du traité de Lisbonne. Mais cette évolution ne me surprend guère. J'ai toujours pensé que les chefs d'État et de Gouvernement répugneraient à introniser un président susceptible de leur faire trop d'ombre, et que la logique de l'intégration européenne veut, à terme, que le vrai chef de l'exécutif soit le seul qui procède du suffrage universel, c'est-à-dire le président de la Commission investi par le Parlement européen. Face à la force de la démocratie, le président du Conseil européen pourra difficilement faire autre chose que de contribuer, modestement, à forger des compromis. Certes, nous sommes encore loin du but, le président actuel de la Commission ne jouissant pas encore d'une telle légitimité. Mais le profil bas adopté par M. Van Rompuy, qui n'a pas organisé une seule conférence de presse avant le sommet du 11 février, semble préfigurer ce nouvel équilibre.

M. Bruno Gollnisch, député européen. - Je suis heureux de constater que, bien que seul député aujourd'hui faisant partie de la mouvance minoritaire de l'euroscepticisme, je ne suis pas seul à constater que le traité de Lisbonne est une catastrophe. A Kissinger qui demandait ; « l'Europe, quel numéro de téléphone ? », nous voici en mesure de lui répondre en rajoutant encore des interlocuteurs au standard brouillon de Bruxelles ! Et quelle simplification pour les citoyens, entre MM. Barroso, Zapatero, Van Rompuy et Mme Ashton ! On a réussi l'exploit de compliquer encore les choses, le président du Conseil européen, par son comportement, réussissant encore à neutraliser un peu plus le Conseil européen tandis que la Haute Représentante aboutit dans les faits à affaiblir la haute main que le président de la Commission tenait sur les compétences extérieures de l'Union. Et je ne vois guère de présidence tournante prête à se résigner à jouer le rôle de super secrétariat du Conseil...

M. Jean-Pierre Audy, député européen. - Je suis étonné des réactions de mes collègues. Le traité de Lisbonne ne pouvait pas changer la nature même de l'Europe : l'Union n'est pas une nation, c'est une union d'États. Par définition, elle s'appuie sur des cohabitations entre intérêts et personnalités diverses. Certes, cette situation est difficile à expliquer à nos concitoyens. Il était déjà complexe d'identifier les responsabilités dans les cohabitations françaises ; ici, c'est une même situation multipliée par 27 ! Mais Lisbonne a une vertu essentielle : à l'avenir, plus rien ne sera possible sans les citoyens, puisque le Parlement européen décide désormais sur tous les sujets qui comptent. C'est à nous d'asseoir sur cet acquis décisif une action européenne ambitieuse et réaliste.

Au fond, dans ce nouveau triangle institutionnel formé du Conseil, donc des États, du Parlement européen et de la Commission européenne, l'avenir dépendra du comportement de cette dernière. Soit elle s'efface en secrétariat général du Conseil, et l'occasion de fonder une Europe politique sera, une nouvelle fois, manquée. Soit, à l'inverse, elle s'appuie sur la légitimité démocratique en s'alliant avec le Parlement européen et ce nouvel axe sera le moteur de l'intégration européenne. Les choses sont donc ouvertes, et je constate avec optimisme que plus du cinquième du nouveau collège des commissaires appartenait auparavant au Parlement européen.

M. Jérôme Lambert, député. - Je veux poursuivre sur ce qui a été précédemment dit, notamment par Jean-Pierre Audy et Alain Lamassoure. Ce qui nous intéresse, parlementaires français nationaux et européens, c'est le rôle que nous allons pouvoir jouer pleinement maintenant dans la construction de la nouvelle Union européenne. Il y a un vaste champ à explorer et cette réunion aujourd'hui en est un premier exemple ; mais il faudra aussi nous engager dans un travail quotidien fait de relations institutionnelles et personnelles.

Les parlementaires nationaux sont destinataires de tous les projets européens et peuvent donner leur avis avant que le Parlement européen ait à en décider et il nous faudra élaborer des stratégies politiques dans nos formations respectives.

Un enjeu européen essentiel est de rapprocher l'Union européenne des citoyens et il y a beaucoup à faire, comme l'a montré la forte abstention aux élections au Parlement européen. Cela vaut pour vous, mais cela vaut aussi pour nous, car on nous dit que nous ne servons plus à rien puisque l'Europe décide de tout. Mais on aura désormais plus de moyens pour construire quelque chose ensemble.

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. - L'objectif est que nous travaillions, ensemble, en amont, pour ne plus avoir de surprise du type « Bolkestein ». Nous avons vu récemment ensemble que la proposition de directive sur les droits des consommateurs comporte des avancées, mais aussi des dangers. Le dialogue entre députés européens, députés nationaux et sénateurs est nécessaire et vous pouvez nous aider beaucoup en attirant notre attention sur les sujets sensibles.

M. Pierre Bernard-Reymond. - J'ai été heureux que, au bout d'une décennie, on soit parvenu à élaborer le traité de Lisbonne, mais je ne voyais pas son application comme celle qui est en train de se développer depuis deux mois. Je ne sais pas si l'Union européenne sera en mesure de se servir des outils pour la gouvernance européenne que lui a donnés le traité et je me demande si, compte tenu de la situation internationale, l'Europe n'est pas en train de sortir de l'histoire. Lorsque la crise mondiale sera passée, je crains que les écarts de croissance entre l'Europe et l'Asie d'une part, entre l'Europe et les États-Unis de l'autre, n'augmentent et qu'il n'y ait pas de politique étrangère ni de défense européennes avant longtemps.

J'espérais, avec le traité, la naissance d'un pouvoir européen capable de conduire l'Europe dans la mondialisation et je considérais qu'il devait sortir du Conseil européen. Dans le débat sur le point de savoir si le pouvoir exécutif européen devait être issu du Conseil européen ou devait relever de la Commission, contrairement aux Européens historiques et à mon ami Lamassoure qui se prononcent en faveur de la Commission, j'ai toujours pensé, en partisan convaincu de l'Europe, peut-être influencé par les institutions de la Ve République, que la gouvernance européenne devait se situer au niveau du Conseil européen.

Or, au lieu de nommer une voix et un visage de l'Europe qui soit une référence et donne une impulsion, on a désigné un secrétaire exécutif. Les chefs d'État et de gouvernement l'ont décidé et sont allés chercher M. Van Rompuy qui n'était même pas candidat. Cette décision m'interpelle beaucoup sur l'image de l'Europe à l'extérieur, sa volonté et sa capacité d'agir et montre qu'elle n'a pas choisi d'exister dans la vie internationale et qu'elle reste empêtrée dans les débats institutionnels et la volonté de se rapprocher de l'opinion publique européenne. Nous bricolons, alors que le feu est là et que nous sommes en train d'être expulsés de toutes les décisions qui vont déterminer le monde de demain.

M. Jean Bizet. - Je voudrais rebondir sur les propos de nos collègues Pierre Bernard-Reymond et Michel Herbillon. Le traité de Lisbonne est ce qu'il est et il sera ce que nous en ferons. L'Europe a un visage et le monde bouge vite et n'attendra pas l'Europe, comme le montrent Copenhague et la décision du Président Obama d'annuler le sommet Union européenne-États-Unis.

Il y a urgence sur les thèmes à l'ordre du jour de notre réunion d'aujourd'hui - la stratégie de l'Union européenne-2020, la gouvernance économique, les fonds alternatifs - sur lesquels nous devons prendre position pour donner une vraie dimension économique et industrielle à l'Europe, si elle veut compter. Il y a quelques années, la commission des affaires européennes du Sénat avait réfléchi sur les différences entre la Fed et la BCE. Ce débat avait paru surréaliste à certains, mais il serait temps de le poser à nouveau car la crise en Grèce, et peut-être malheureusement dans d'autres États membres, pose le vrai défi que nous devons relever. Le traité de Lisbonne doit être envisagé avec pragmatisme et il n'y a pas d'autre choix que de l'utiliser au mieux.

Mme Sylvie Goulard, députée européenne. - Les questions internationales sont beaucoup plus importantes qu'il n'y paraît et l'événement majeur des deux dernières années n'est pas l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, mais la question de savoir comment sortir de la crise qui frappe un État membre de la zone euro et je propose qu'on passe assez vite à la stratégie EU-2020.

Le pouvoir est sorti du Conseil, M. Bernard-Reymond, et nous n'avons pas eu d'autre option que d'accepter ou de rejeter en bloc les commissaires désignés par les gouvernements en place dans les États membres. Ceux qui veulent un pouvoir issu du Conseil l'ont et on voit ce que ça signifie.

Je crois qu'il y a même eu une régression dans la qualité des commissaires par rapport à l'histoire communautaire. Ils sont plus nombreux, on a dénaturé l'organe avec un « représentant » de chaque État membre, contrairement à la fonction de la Commission. Par rapport à la Commission que j'ai eu l'honneur de servir, où, en plus, les grands États membres avaient deux commissaires, c'est un recul préoccupant. Ce sont les conséquences des traités de Nice et de Lisbonne, mais c'est extrêmement fâcheux parce que l'on a besoin de la défense de l'intérêt général européen.

M. Jean-Marie Cavada, député européen. - Ce que j'entends ici est à peine convenable. Préférez-vous Nice ou Lisbonne ? Nice était une foutaise ingouvernable selon l'immense murmure des parlementaires français, jugement auquel je me suis joint, et Lisbonne est infiniment mieux que Nice. Ce n'est pas parce qu'il présente des contradictions, qui sont le résultat des différentes majorités que nous soutenons, que nous ne saurons pas conduire le véhicule.

Par ailleurs, qui sommes-nous pour juger M. Van Rompuy ? Il a fait une belle carrière en Belgique et il n'est pas un imbécile en mouvement. De quel code génétique sommes-nous pourvus pour porter un tel jugement et combien d'entre nous réussiraient-ils cet examen ? Ce n'est pas parce que les gouvernements des États membres ont pris le pas et ont torsadé l'Europe d'une certaine manière qu'il faut le condamner, alors qu'il s'installe à peine. Par ailleurs, je sais que les premiers pas de Mme Ashton n'ont pas été faciles. Mais soyons sérieux, quel gaulliste accepterait une politique étrangère européenne unique qui ne serait pas alignée sur celle de la France ? Ce que nous avons est bien mieux que ce que nous avions, y compris ce que nous n'avions pas, un président du Conseil stable. Après, il y aura une bataille de pouvoir, puisque les chefs d'État n'ont pas tranché ce point.

Je soulèverai trois points fondamentaux.

Il est urgent de donner un gouvernement économique au gouvernement de la monnaie et pas l'inverse, et la France a bien agi. C'est mieux qu'avant et c'est la première fois que Mme Merkel prononce l'expression de « gouvernement économique », qui est de plus en plus acceptée en Allemagne.

Ensuite, l'Allemagne pourrait être un souci si l'on ne se saisit pas avec ardeur de la construction européenne ; et nous soutenons un Président de la République et une majorité qui doivent se remettre au travail pour arrimer l'Allemagne à notre pays, comme ils l'ont réussi une première fois. L'Allemagne, petit à petit, aura moins besoin de l'Europe et sera préoccupée par son hinterland. Elle est par ailleurs largement représentée au Parlement européen et le tropisme de ce pays vers la Russie, que nous ressentons en ce moment, est une préoccupation. Il faut d'ailleurs déplorer qu'il y ait de moins de moins de Français s'initiant à la culture allemande.

Enfin, le Parlement européen n'a jamais disposé d'autant de pouvoirs, notamment celui du dernier mot sur le budget ; et j'aimerais que le Parlement français fût doté des mêmes responsabilités.

II. L'ÉLABORATION DE LA STRATÉGIE UE-2020 ET LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE

M. Alain Lamassoure, député européen. - La stratégie de Lisbonne, lancée en 2000, visait à faire de l'économie européenne la plus compétitive du monde. Des objectifs ont été fixés, notamment en matière de taux d'activité, d'investissement dans la recherche, d'adaptation des systèmes d'éducation et de formation. En 2005, la stratégie fit l'objet d'une révision à mi-parcours visant à renforcer son efficacité. Même en faisant abstraction des effets de la crise, la stratégie de Lisbonne a échoué. Les objectifs et les critères de mesure ne sont pas en cause. La principale faiblesse de la stratégie de Lisbonne réside dans le décalage entre une politique décidée au niveau européen et des mesures d'application relevant essentiellement des États membres, alors que la stratégie n'a pas fait l'objet d'une véritable appropriation nationale.

Il faut profiter du nouveau contexte institutionnel pour redonner une impulsion politique forte à l'Union européenne. Il s'agit d'une responsabilité importante pour la nouvelle Commission européenne, qui devra définir un cadre de travail et des objectifs. Plusieurs échéances sont déjà fixées : la présentation par la Commission européenne au printemps de sa proposition de révision à mi-parcours des perspectives financières 2007-2013, le débat sur la future stratégie UE-2020 qui doit succéder à la stratégie de Lisbonne, pour laquelle la Commission sortante a déjà fait des propositions, la réflexion sur la réforme de la politique agricole commune et de la politique régionale, la préparation du prochain programme cadre de recherche et développement communautaire.

La priorité absolue doit être accordée à la croissance. Afin de résoudre les difficultés de l'Union européenne en matière d'emploi, de revenus et d'endettement, il faut créer les conditions pour atteindre 3 % de taux de croissance, soit un doublement du taux de croissance potentiel évalué par les économistes. Je suis préoccupé par les objections des partisans de la croissance zéro ou de la décroissance et je souhaite qu'un vaste débat sur la notion de croissance soutenable puisse avoir lieu.

Il est d'autre part essentiel de mener une réflexion sur le financement des politiques communautaires. Le traité de Lisbonne donne de nouvelles compétences à l'Union européenne, pour lesquelles des moyens financiers supplémentaires sont nécessaires. Compte tenu de leurs difficultés budgétaires, les États membres ne peuvent augmenter leurs contributions au budget de l'Union européenne. Il convient de créer de nouvelles ressources propres et de mieux utiliser le budget européen dans les domaines où l'essentiel des efforts repose sur les budgets nationaux. Je citerai deux exemples : la politique de la recherche et l'aide au développement, auxquels le budget de l'Union consacre 8 milliards d'euros et les budgets nationaux dix fois plus. Dans ce contexte, les financements de l'Union doivent avoir un rôle catalyseur sur la coordination des budgets nationaux, afin d'éviter les doublons.

La solidarité entre États membres de l'Union européenne doit s'exercer, en cas de catastrophe naturelle ou de choc économique, comme c'est le cas actuellement pour la Grèce. A cet égard, il serait contraire à l'esprit de l'Union européenne de faire appel au FMI : il convient de trouver des solutions compatibles avec le traité pour faire jouer la « préférence européenne ».

L'Union européenne doit avoir une réflexion sur les conséquences financières du vieillissement démographique. En l'absence de réforme du financement des retraites et des dépenses de santé, notre endettement va dramatiquement s'alourdir. Les données démographiques devraient également être prises en compte dans la définition des politiques migratoires. Il est paradoxal que, face à un phénomène pour lequel on dispose de prévisions scientifiques fiables, aucune politique spécifique ne soit envisagée.

L'échec de la conférence de Copenhague illustre la nouvelle configuration politique mondiale : les pays émergents veulent renforcer leur influence et sont prêts pour cela à exercer un véritable droit de veto. L'exigence de l'unanimité empêche toute décision globale, comme l'illustre également le blocage du cycle de Doha.

Mme Pervenche Berès, députée européenne. - Le débat sur la durabilité de la croissance est nécessaire et je souhaiterais que l'on rebaptise la stratégie UE-2020 « stratégie de solidarité et de durabilité ».

Concernant la gouvernance économique, il faut partir du constat qu'après 10 ans d'Euro, les économies des États membres sont divergentes. Le pacte de stabilité est un instrument inutile en l'absence d'union politique et de budget fédéral permettant des interventions contracycliques. La réaction de l'Union européenne face aux difficultés de la Grèce donne une apparence de solidarité. Cependant, compte tenu de la divergence croissante des économies, les comportements individuels des États ne sont plus les seuls déterminants de la situation financière de la zone euro dans son ensemble. L'intervention du FMI pour soutenir la Grèce s'opposerait aux perspectives d'émergence d'une gouvernance économique européenne. Il ne s'agit pas de rouvrir le débat sur le pacte de stabilité, que personne ne respecte, mais de définir un nouveau pacte permettant de lutter contre l'aggravation des divergences entre économies. La création d'un « Eurobond » - titre de dette obligataire qui réunirait progressivement l'ensemble des pays de la zone euro - telle que la propose une récente étude est intéressante si elle s'accompagne d'une surveillance multilatérale. Un véritable gouvernement économique devrait en effet s'intéresser à la nature des dépenses des États membres, or l'Union européenne se focalise sur les soldes budgétaires. Les questions fiscales devraient également être abordées au niveau européen.

On peut regretter que, lors des deux dernières négociations sur les perspectives financières, la position de la France se soit limitée à la défense de la politique agricole commune. Cependant, le contexte a évolué puisque la France est aujourd'hui contributeur net. La révision des perspectives financières doit permettre de définir la stratégie UE-2020 et de sortir des considérations sur le « juste retour ». J'ai évoqué avec Didier Migaud, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, la nécessité d'un débat démocratique ouvert associant le Parlement européen et les parlements nationaux et débouchant sur une initiative forte.

M. Michel Herbillon, député. - La stratégie de Lisbonne définie en 2000 n'a pas tenu ses promesses : les objectifs chiffrés - relèvement des taux d'emploi, investissement dans la recherche - n'ont pas été atteints. Par ailleurs, la méthode ouverte de coordination, c'est-à-dire la mesure régulière des progrès réalisés par les États dans des domaines relevant de leur compétence, a montré ses limites. Il convient de tirer les leçons de ces résultats décevants, tant sur le contenu de la stratégie que sur sa gouvernance.

L'Union européenne a besoin d'une stratégie économique globale de long terme. Le contexte de sortie de crise renforce ce besoin et doit nous inciter à être créatifs. La France a fait connaître ses cinq priorités pour la future stratégie UE-2020 : le renforcement du pilier européen ; la politique industrielle face au risque de désindustrialisation de l'Europe ; une dimension externe forte et opérationnelle ; le financement de l'économie et la stratégie de sortie de crise ; la cohésion sociale et le capital humain.

Quelles que soient les priorités de la future stratégie, elles auront une influence sur l'élaboration des prochaines perspectives financières.

Le renforcement de la coordination des politiques économiques est probablement le sujet le plus important des débats actuels et à venir : comme le souligne la France depuis plusieurs années, il s'agit d'une nécessité absolue pour les pays de la zone euro et d'une évolution souhaitable pour l'ensemble des États membres. L'évolution de la position de l'Allemagne sur ce sujet peut être décisive.

Les propositions de la présidence espagnole - l'adoption d'objectifs contraignants, éventuellement assortis de sanctions - ne font pas l'objet d'un accord, mais elles ont le mérite de relancer ce débat à un moment opportun. Il est en effet souhaitable de tirer pleinement parti des avancées du traité de Lisbonne en matière de coordination des politiques économiques.

Enfin, l'attribution d'un rôle moteur au Conseil européen dans la définition et la conduite de la stratégie UE-2020 est essentielle pour donner à celle-ci la dimension politique qui a fait défaut à la stratégie de Lisbonne.

Mme Marietta Karamanli, députée. - La Grèce n'est pas le seul État membre à rencontrer des difficultés budgétaires : l'Espagne, le Portugal, l'Irlande et l'Italie sont aussi concernés et la situation de la France elle-même pourrait être préoccupante.

Il est certes légitime de rechercher la croissance économique, mais, pour cela, des mesures concrètes sont nécessaires. La stratégie UE-2020 doit inclure des mesures de politique industrielle car la croissance ne peut reposer uniquement sur l'économie de la connaissance. Il serait notamment souhaitable de renforcer les financements du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation.

Mme Sylvie Goulard, députée européenne. - Il faut se garder de toute confusion à propos de la position de l'Allemagne sur le gouvernement économique. En effet, pour elle, cette notion implique un renforcement des règles et de la discipline, alors qu'en France nous considérons qu'elle doit permettre une appréciation politique au cas par cas des situations. D'autre part, en Allemagne, le concept de gouvernement implique la responsabilité devant un Parlement. La mise en place d'un gouvernement économique selon les conceptions de l'Allemagne pourrait donc aller beaucoup plus loin que ce que souhaite la France.

Enfin, je ne partage pas les opinions qui se sont exprimées sur le FMI, dont l'intervention peut devenir nécessaire pour éviter une attaque massive sur les marchés financiers. Il ne faut pas diaboliser le FMI, et je rappelle à cet égard qu'il est dirigé par un Français. Le FMI dispose de moyens renforcés, qui lui donnent une véritable capacité d'action. Je pense également que l'Union européenne devrait utiliser les nouvelles dispositions du traité de Lisbonne sur la représentation extérieure de la zone euro afin de renforcer son influence dans les institutions financières internationales.

M. Robert Lecou, député. - Je suis d'accord avec les propos de Jean-Marie Cavada. En voyageant, notamment dans les pays émergents, l'on se rend compte que l'Europe n'existe pas en tant que telle. En Inde, par exemple, on parle de l'Allemagne, de l'Italie, mais pas de l'Europe. C'est la raison pour laquelle il faut donner du contenu politique et de la chair à l'Europe en utilisant ses institutions. C'est la seule façon pour elle d'exister sur le plan international. S'agissant de la stratégie UE-2020, l'accent doit être mis non seulement sur l'outil de production industrielle, mais sur la production agricole qui permettra de relever le défi de la faim.

III. LES SUITES DE COPENHAGUE

M. Jérôme Lambert, député. - Il s'agit d'un sujet fondamental, au même titre que les recherches de solutions à la crise économique. Tout ce qui concourt à la résolution de problématiques liées au changement climatique aura un impact favorable, sur le plan mondial, sur la production, les échanges, la croissance et l'innovation.

Il est indéniable que la conférence de Copenhague n'a pas atteint les objectifs contenus dans le protocole de Kyoto et le plan d'action de Bali sur la réduction des gaz à effets de serre. La conférence de Copenhague a certes abouti à un accord politique, mais il n'y a pas eu de consensus sur des objectifs contraignants. Les responsables en sont essentiellement les États-Unis pour des raisons de politique intérieure ; d'autres pays, comme la Chine et l'Inde, ont également joué un rôle dans le blocage du processus. Il n'en demeure pas moins que, même s'il se situe très en retrait par rapport aux ambitions de l'Union européenne, un accord politique existe. Il fixe un objectif de limitation du réchauffement climatique en dessous de deux degrés, mais aucun objectif de long terme ni de moyen terme n'a été déterminé pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L'accord reconnaît en outre les efforts à consentir pour aider les pays les plus vulnérables, et notamment les pays en voie de développement, à lutter contre le changement climatique et à s'engager sur la voie d'un développement durable. L'accord prévoit également la création d'un mécanisme pour favoriser le développement et le transfert de technologies. Cependant, aucune précision n'est apportée sur la mise en oeuvre concrète de l'ensemble de ces points. Depuis l'adoption du paquet énergie-climat en décembre 2008, l'Europe exerçait en quelque sorte un leadership en matière de lutte contre le changement climatique. Elle n'a hélas pas pu avoir un effet d'entraînement suffisant sur les autres pays, notamment les États-Unis. Beaucoup reste donc à faire et la suite donnée à Copenhague déterminera l'avenir de notre plan de lutte contre le changement climatique. Les rendez vous de Bonn en juin et de Cancún fin 2010 devront être l'occasion de « relancer la machine ».

M. André Schneider, député. - Le Conseil « Environnement » du 22 décembre dernier a constaté que l'accord de Copenhague n'est pas totalement un échec dans la mesure où il constitue un premier pas vers les engagements de réduction, de financement, de mesure, de notification et de vérification, ainsi que de lutte contre la déforestation. La présidence espagnole souhaite travailler sur la base de cet accord et avancer vers un accord global et contraignant. La France souscrit à l'objectif de consolidation et d'élargissement de l'accord, en ralliant le plus grand nombre de pays possible, en l'ancrant au processus de négociation de l'ONU, en le complétant par l'introduction d'objectifs chiffrés d'ici 2050, l'agriculture, les transports aérien et maritime et en mettant en oeuvre des mécanismes de solidarité.

Depuis la fin de la conférence de Copenhague, cinquante cinq États, représentant 80 % des émissions de gaz à effet de serre ont communiqué leurs objectifs d'atténuation, mais les positions n'ont pas évolué. Il faut donc oeuvrer pour clarifier et élargir l'accord.

Dans cette démarche, sera particulièrement utile l'amitié franco-allemande sur laquelle M. Ronald Pofalla, chef de la Chancellerie fédérale allemande et ministre fédéral chargé des missions spéciales, a eu une réflexion d'ensemble aujourd'hui même à l'occasion d'un discours prononcé à Paris. En tant que député de Strasbourg, je souligne l'importance qu'il y a de fortifier la place du Parlement européen à Strasbourg.

Mme Françoise Grossetête, députée européenne. - Il était prévisible que la conférence de Copenhague se passe comme elle s'est passée. En effet, elle avait suscité trop de rêves, qui ont entraîné, au niveau européen, une course aux enchères sur le niveau des réductions des gaz à effet de serre. Sur les questions environnementales, il s'agit d'être réaliste et de ne pas se laisser prendre par des idéologies. Il faut suivre une voie concrète. L'intérêt de Copenhague a été de susciter des décisions intéressantes sur un nouveau type de croissance économique, de croissance verte et de développement de nouveaux secteurs économiques qui susciteront de nouveaux emplois. L'Europe se veut exemplaire, mais elle ne doit pas rêver. C'est en se montrant pragmatique qu'elle pourra convaincre ses partenaires.

M. Bruno Gollnisch, député européen. - Il ne suffit pas de montrer l'exemple pour être suivi : telle est la leçon de Copenhague. Je reprendrais les propos d'Alain Lamassoure sur le vieillissement, sur lequel il est possible de faire des prévisions scientifiques. Par contre, en matière de changement climatique, au risque d'être iconoclaste, je voudrais dire qu'il est nécessaire d'approfondir les analyses pour savoir si le réchauffement climatique justifie la mise en place des mesures envisagées. Il existe des zones d'ombre. Le méthane est un gaz qui se désagrège. Le Delta du Gange ne se réduit pas, mais au contraire augmente sous l'effet de l'accumulation des alluvions. La population des ours blancs n'est pas en diminution. Les glaciers fondent en Europe, mais pas dans d'autres parties du monde, comme l'Himalaya. La courbe exponentielle mettant en relation augmentation des températures et émissions de CO2 est une imposture graphique résultant de l'isolement de certaines données. Le climat est une succession de périodes de glaciations et de réchauffements. Il est survenu par exemple un réchauffement à l'ère quaternaire qui n'était pas lié à l'activité humaine. Je voudrais indiquer que le GIEC - groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat - s'il comprend des personnalités éminentes, n'est pas un organisme indépendant. J'en veux pour preuve son statut même qui pose comme un axiome l'impact de l'activité humaine sur le changement climatique. Il est nécessaire d'exercer son sens critique.

Mme Sandrine Bélier, députée européenne. - Je vois que vous appliquez votre scepticisme à tous les domaines. Lors de la conférence de Copenhague, l'Europe n'a pas eu un discours constructif et cela nous a conduits à l'inaction. Le pragmatisme n'est pas le contraire de l'ambition. Une des causes de l'échec de Copenhague a été l'incapacité des Vingt-sept à se positionner et à exister. L'Europe n'a pas été audible dans ses ambitions. Il y a eu des incohérences dans certaines interventions. Le Président Nicolas Sarkozy et le Premier ministre Gordon Brown ont évoqué l'hypothèse d'une taxation des transactions financières, alors même que le Parlement européen l'avait rejetée à la majorité. Si les Gouvernements avaient veillé à convaincre les parlementaires européens de la pertinence des idées émises au Conseil, l'Europe aurait parlé d'une manière unique. Le message porté par les différentes institutions de l'Union doit être cohérent.

La démarche qui sous-tend la stratégie UE-2020 n'est pas très différente de celle de Copenhague. Il y a d'ailleurs des éléments de cohérence. La stratégie contre l'érosion de la biodiversité va être renégociée. Le débat sur la croissance est l'occasion de parler de croissance verte et de croissance zéro. Au niveau de l'Union européenne, on parle d'économie verte. Je fais partie de ceux qui croient que l'on peut rediscuter des critères du pacte de stabilité et de croissance et de la notion de croissance. La Commission européenne travaille déjà en ce sens. A partir de là, on pourra également discuter des indicateurs. Dans les indicateurs classiques de la croissance, il manque un certain nombre d'éléments. Certains critères sociaux et environnementaux peuvent également contribuer à l'évaluation de la richesse des États membres et de l'Union.

M. Alain Lamassoure, député européen. - Il faut créer de la croissance, quelle qu'en soit la couleur, pour faire revenir à l'emploi les quelque 20 millions de chômeurs de l'Union européenne. Je suis d'accord avec une croissance verte, une croissance la plus verte possible, mais il faut atteindre un niveau de 3 %.

Sur Copenhague, on peut estimer que l'Union a mené sa négociation d'une manière un peu « pagailleuse ». Néanmoins, les Européens sont les seuls à avoir pris les décisions qui s'imposent, face à des pays qui ont d'autres objectifs. En schématisant, on peut dire que les Européens se sont trouvés vis-à-vis du reste du monde comme 500 millions de Nicolas Hulot face à 6 milliards de Claude Allègre. Pour les États-Unis, le président Obama doit tenir compte de l'opposition du Sénat américain. La Chine ne prend pas d'initiative si les Américains ne le font pas. L'Inde a indiqué dès le départ qu'elle ne voulait pas agir. Le Brésil a été ambigu. Les Africains étaient en revanche prêts à un accord, mais à condition de pouvoir être subventionnés. La vertu n'est malheureusement pas contagieuse ; et l'exemple du Costa Rica, qui a supprimé son armée permanente, n'a pas fait école.

Une telle situation ne signifie pas qu'il faille rien faire. On doit seulement se convaincre, après leur échec, que c'en est fini des grandes négociations du type Doha ou Copenhague. La conclusion du cycle de l'Uruguay round n'a pu intervenir que parce qu'à l'époque, dans le monde, il y avait en fait, pour les négociations, deux puissances derrière lesquelles les autres s'alignaient, l'Europe et les États-Unis, et aussi pour les questions agricoles, le groupe de Cairns.

Cela ne veut pas dire qu'il faut rester les bras ballants, mais que faute d'avoir un accord mondial qui règle tout, il convient, puisque nous avons déjà notre dispositif, d'encourager le président Obama à avoir un mécanisme qui soit acceptable par le Sénat américain, d'essayer, sur le plan technique de mettre au point, comme on le fait dans les Pyrénées atlantiques, le procédé de captage du CO2 ; c'est la seule solution au problème de la Chine, puisque celle-ci restera encore dépendante du charbon pour les 50 ans qui viennent. Il faut allier volonté et pragmatisme.

M. Jean Bizet. - Je partage l'opinion d'Alain Lamassoure. Sans vouloir être provocateur, je dirais que je suis satisfait de Copenhague, car c'est une étape, et il y en aura beaucoup d'autres, et il en faudra. Depuis le sommet, les positions se sont quelque peu rapprochées entre ceux qui étaient très pour et ceux qui étaient plus réticents.

Il faut beaucoup de pragmatisme. Ce qui est important, c'est que la transition comportementale est inévitable. L'économie de demain sera une économie d'excellence et sera forcément décarbonnée. Le consensus se fait progressivement, mais, à la lumière de l'expérience des précédentes négociations internationales, les grandes unanimités sont dorénavant impossibles.

Il y a un important écart dans l'approche des États-Unis et celle de l'Europe dans le contexte de la lutte contre le changement climatique. Les premiers se fondent sur la recherche et le développement et la protection de la propriété intellectuelle pour progresser, sans en partager les résultats, mais en les vendant chers. L'Union européenne est plutôt sur une solution de quotas, de taxation. Heureusement, on n'est pas en vue d'une situation de décroissance, mais on aurait beaucoup à gagner à remettre les sauts technologiques au coeur de l'approche européenne.

M. Gérard Voisin, député. - Avec l'expérience, le scepticisme n'est pas un état permanent chez les individus. Parfois, l'homme est sceptique, parfois il ne l'est pas, et il peut être optimiste. Copenhague, c'est un excès, mais c'est un excès qui permet d'aller plus loin, notamment sur les nouvelles technologies, celles dont on a besoin pour faire face à la situation environnementale et pour alimenter nos législations nationales et européennes. Comme cela a été dit, Claude Allègre a gagné la bataille contre Nicolas Hulot, et publie même un livre sur l'imposture climatique. Il est vrai que l'on est parti à l'excès jusqu'à Copenhague.

Il faut d'autres formes et niveaux de décision. Il y a les enjeux directs des législations nationales et européennes, notamment ceux qui concernent la mobilité urbaine ou le recours aux nouveaux modes de propulsion, même s'il faut veiller à ne pas aller trop loin dans la dépense.

Mme Sandrine Bélier, députée européenne. - Je souhaite attirer votre attention sur le fait que, sur la base des études du GIEC et des résultats du sommet de Copenhague, on pourrait dépasser les 3,5°C dès 2020. Ce qui a été démontré scientifiquement, c'est que le dérèglement climatique est déjà là et qu'il nous appartient de nous adapter. Le risque est que, si l'on dépasse les 2°C, toute l'intelligence humaine, toute notre capacité d'innovation technologique ne nous permettront pas de faire face à la situation. Il est encore temps de choisir. Quand bien même on doute, il ne faut pas prendre le risque d'une catastrophe.

M. Jean-Marie Cavada, député européen. - Nous voici mêlés entre législateurs. Pour l'avenir, je voudrais faire une suggestion de méthode complémentaire. Il conviendrait d'accorder le calendrier des questions européennes au sein du Parlement français en prenant les sujets les plus importants pour les examiner dans nos réunions communes en amont du débat européen. On ne peut pas désaccorder l'opinion nationale et l'esprit politique d'une directive européenne, sauf si l'on prend le risque d'un atterrissage difficile lors des transpositions, lequel encourage d'ailleurs certains populismes malvenus sur des sujets aussi fondamentaux.

Ce serait par ailleurs un signal important de communiquer devant l'opinion, pour notre prochain réunion, de manière à montrer que nous ne travaillons pas isolés chacun dans son coin, comme des ostrogoths, attendant l'amélioration de leurs sorts respectifs, mais que nous avons le souci du bien commun. Vu de l'extérieur, l'Europe fait par ailleurs toujours l'objet de lieu commun quant à l'admiration qu'on lui porte et quant à son inexistence politique. Cela va plutôt mieux maintenant qu'auparavant. Il faut se garder de tout état d'esprit qui aurait des relents inacceptables des années 36-37. Si l'on communique devant l'opinion, on pourrait instaurer une coprésidence ou une présidence alternée, et s'efforcer à une explication pédagogique, pour montrer que l'on n'est pas des « zozos » dispersés. Par ailleurs, il ne faut se faire aucune illusion. L'Europe est une idée qui est née sur le martyrologue des peuples lors de la deuxième guerre mondiale. Elle est née pour ça, et d'une certaine manière grâce à ça. Ceux qui pensent que l'Europe va sortir de l'histoire devraient aller jusqu'au bout et indiquer que la France serait alors dans le caniveau. Certes on peut déplorer Copenhague, mais à l'examen, ce n'est pas si mal que ça.

L'épicentre de la construction européenne est la relation franco-allemande, et, pardonnez-moi de le dire, celle-ci ne va pas très bien. Ce n'est pas que les chefs d'État et de Gouvernement des deux nations n'aient pas de points de connivence et de convergence. Ils y ont d'ailleurs du mérite. La culture de Mme Merkel était tournée vers l'hinterland, vers l'Allemagne protestante, vers la Russie, beaucoup plus que vers le Rhin et l'économie sociale de marché. Le Président français vient d'un autre horizon, bien que sa famille vienne en partie d'Europe centrale. Les sommets marchent plutôt bien, mais cela ne suffit pas. On est extrêmement loin de ce qui se passait aux époques antérieures. On ne peut plus se permettre d'avoir aux affaires des Français qui ignorent l'Allemagne et des Allemands qui ignorent la France. La chair de l'Europe est essentiellement franco-allemande, non qu'il s'agisse d'établir un condominium, mais si cette chair-là ne fonctionne pas, il y aura des tendances centrifuges en Europe. C'est devenu le fond de nos préoccupations politiques.

M. Jean-Pierre Audy, député européen. - En matière de gouvernance mondiale, commerciale et environnementale, je note l'absence de dimension parlementaire et, donc, citoyenne, de toutes ses instances. Le moment n'est-il pas venu d'avoir des organisations parlementaires ayant d'autres champs que l'Europe pour limiter la pression des ONG ? Sur tous ces sujets, il manque une dimension parlementaire.

M. Jean Bizet. - Je me félicite de l'exercice que nous avons conduit, à un double niveau. Le traité de Lisbonne existe, et je m'en réjouis, et il sera ce que nous en ferons. En second point, il existe un vrai consensus sur la nécessité d'un gouvernement économique européen, car le monde bouge et n'attend surtout pas l'Europe, mais permettez également à l'élu normand que je suis de souligner que l'Allemagne a pris ce thème de la gouvernance économique au pied de la lettre et développe aujourd'hui une filière agro-alimentaire qui va bientôt dépasser la France, faisant bouger le « deal » de 1957 qui permettait à la France de privilégier son agriculture et à l'Allemagne son industrie. Les Allemands ont une culture de l'ordre et du pragmatisme et il faudra tenir notre rôle. En troisième point, je note que la règle de l'unanimité au niveau international est en train de devenir caduque et que l'Europe devrait être novatrice en ce domaine et inventer d'autres approches de la gouvernance mondiale.

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. - Je remercie infiniment les participants à cette réunion dont je tirerai plusieurs leçons : la première est qu'il ne faut pas avoir plus de deux sujets à notre ordre du jour. Aussi proposerai-je de mettre la transposition du « paquet Télécoms » et l'agenda numérique, ainsi que la proposition de directive sur la gestion des fonds alternatifs, au sommaire de notre prochaine rencontre. Ce sont des sujets d'actualité qui touchent tout le monde. Mais il était intéressant, aujourd'hui, d'avoir un débat plus général. Si vous en êtes d'accord, je proposerai que nous tenions deux séances, les mercredi 31 mars et 26 mai prochains - où nous aborderons le service extérieur commun - et ensuite début novembre.

Je suis également d'accord avec l'observation formulée par Jean-Marie Cavada sur l'intérêt qu'il y aurait à ouvrir ce type de séance à la presse. C'est d'ailleurs le cas actuellement de la plupart des réunions de notre commission et je vous propose donc que notre prochaine réunion soit ouverte à la presse. Nous nous sommes déjà rendus par le passé au siège du Parlement européen. S'agissant de la coopération franco-allemande sur le plan parlementaire, je tiens à souligner que nous faisons des efforts très importants dans ce domaine, conformément aux conclusions du dernier sommet franco-allemand. Nous avons par exemple décidé de mener des travaux conjoints sur divers sujets et d'effectuer en commun un déplacement en Islande pour analyser la demande d'adhésion à l'Union européenne de ce pays. De même, nous auditionnerons ensemble les ministres des affaires européennes français et allemand et nous envisageons de tenir à nouveau une grande réunion entre l'Assemblée nationale et le Bundestag.

Je me bats pour l'existence d'un « débat sur l'état de l'Union » au niveau européen, qui verrait le président permanent du Conseil, celui de la Commission, s'exprimer devant une assemblée composée des parlements nationaux et européens. Je pense que cela aurait de l'allure. La Haute représentante serait également conduite à participer à ce débat.

Je crois également que nous devons nous intéresser en amont aux textes les plus sensibles, par exemple à la directive sur la protection des consommateurs.

Mercredi 17 février 2010

- Présidence de M. Hubert Haenel -

Institutions européennes

Les relations entre l'Union européenne et la Suisse
Audition de M. Ulrich Lehner, ambassadeur de Suisse en France

M. Roland Ries. - Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation de la commission des affaires européennes et je vous prie d'excuser le président Hubert Haenel, qui se trouve éloigné du palais du Luxembourg pour quelques jours. Il m'a chargé d'établir un bilan des relations entre l'Union européenne et la Suisse après avoir constaté que la diversité et l'intensité de ces relations étaient souvent ignorées en France. Je dois avouer qu'à titre personnel, en tant que maire de Strasbourg, j'attache la plus grande importance à ces liens. Je me rendrai d'ailleurs bientôt en Suisse, en particulier à Zurich qui entretient des relations étroites avec Strasbourg depuis le Moyen Âge. Je veux rappeler notamment que les bateliers suisses amenaient dans notre ville un fameux potage, le « Hirsebrei », par le Rhin.

Après une période d'observation du processus de construction européenne, la Suisse a renforcé ses liens avec l'Union européenne par une méthode juridique originale, la voie des accords bilatéraux. Je citerai l'accord de libre-échange de 1972, l'accord sur les assurances de 1989, les accords de 1999 ayant permis l'ouverture réciproque des marchés, et les accords de 2004, qui concernent aussi bien la sécurité intérieure, l'asile, l'environnement et la culture.

Il faut souligner que la méthode politique utilisée est également originale car elle se caractérise par l'intervention fréquente de ce que l'on appelle en Suisse « le peuple souverain ». Les votations en matière européenne ont été nombreuses et ont déterminé le cadre et l'étendue des relations avec l'Union européenne.

Monsieur l'ambassadeur, nous avons souhaité vous entendre, non pas pour que vous nous fassiez un exposé technique sur les accords bilatéraux, mais pour que vous nous décriviez l'état des relations entre votre pays et l'Union, et, de manière générale, la perception du peuple suisse à l'égard de l'Union européenne.

M. Ulrich Lehner. - Je vous remercie pour votre invitation qui me permet de m'exprimer sur un sujet de première importance pour mon pays. Les circonstances ont amené la Suisse à choisir une approche pragmatique dans ses relations avec l'Union européenne, une approche connue sous l'appellation de « voie bilatérale », qui permet une forte intégration sans que la Suisse soit membre de l'Union. Les relations que nous entretenons sont vastes, intenses et mutuellement bénéfiques. Si elles sont globalement très bonnes, cela ne veut pas dire qu'elles ne rencontrent jamais de difficultés. Je vais donc m'efforcer de tracer un bilan de ces relations en répondant à plusieurs questions : Quels sont les enjeux de ces relations ? Quelles articulations existent aujourd'hui entre l'Union européenne et la Suisse ? Et quelles perspectives peuvent être tracées pour l'avenir de ces relations ?

Le premier enjeu pour la Suisse est d'assurer sa sécurité et sa prospérité, ainsi que sa capacité à défendre ses intérêts. Or, le processus de construction européenne a été pour mon pays un gage de paix, de démocratie et de prospérité. En outre, le potentiel de croissance économique ou le niveau de vie en Suisse ne peuvent plus être dissociés de l'environnement dans lequel nous évoluons. En effet, avec ses 7,8 millions d'habitants, notre pays a une taille modeste, comparable aux régions Aquitaine ou Rhône-Alpes. Et s'il est géographiquement au coeur de l'Europe, il se situe institutionnellement à l'extérieur de l'Union européenne et ses 500 millions d'habitants.

Cependant, l'économie suisse et celle de l'Union européenne sont très intégrées. A titre d'exemple, je rappellerai que l'Union européenne est aujourd'hui le premier partenaire économique de la Suisse, destinataire de 61 % de ses exportations et source de 80 % de ses importations. Elle est le deuxième partenaire économique de l'Union européenne après les États-Unis, son quatrième marché d'exportation, son quatrième partenaire commercial et le troisième investisseur étranger. Les investissements suisses en Europe représentent 1 million d'emplois dans l'Union européenne. Les échanges commerciaux entre la Suisse et l'Union européenne s'élèvent à 1 milliard de francs suisses par jour, soit 700 millions d'euros, avec un surplus de 23 milliards de francs suisses par an, soit 15 millions d'euros, en faveur de l'UE.

J'ajoute que 200 000 frontaliers, dont 112 000 Français, traversent chaque jour la frontière pour exercer leur profession en Suisse. Pour achever cette énumération, je rappelle que 1,3 million de personnes, 700 000 véhicules et 23 000 camions transitent chaque jour entre l'Union européenne et la Suisse. Cette densité de relations est le signe d'une prospérité partagée. En outre, la Suisse partage avec ce partenaire économique incontournable les mêmes valeurs de l'état de droit, de la démocratie, de la liberté individuelle et de l'économie de marché.

Nous sommes conscients que la relation de la Suisse avec l'Union européenne change en permanence. Ne serait-ce parce que l'Union évolue quant à sa composition et à sa gouvernance. La gestion des relations avec cette Union de 500 millions d'habitants constitue donc un défi quotidien pour la Suisse, et d'autant plus à un moment où élargie, l'Union risque d'être plus absorbée par sa propre gestion et donc, moins à l'écoute de ses voisins. Or, les négociations en cours entre la Suisse et l'Union européenne représentent des enjeux considérables.

Comment s'articule la relation entre la Suisse et l'Union européenne ? En pratique, ces relations sont encadrées par plus de 120 accords bilatéraux. L'accord de libre échange de 1972 a posé les fondements de nos relations économiques en permettant l'échange de produits industriels en franchise de douanes, sans contingents.

Aux côtés des autres membres de l'AELE, la Suisse a ensuite négocié, avec ce qui s'appelait alors la Communauté européenne, la création d'un Espace économique européen fondé sur les quatre libertés fondamentales que sont la libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des services. La Suisse avait même signé l'accord et déposé une demande d'ouverture de négociations d'adhésion à la Communauté européenne. Mais ce processus a été gelé à la suite du rejet de l'accord par votation populaire le 6 décembre 1992. L'intégration à l'Espace économique européen aurait permis un accès de la Suisse sur un pied d'égalité au marché intérieur européen. Aussi, pour que les entreprises suisses ne soient pas discriminées, le Conseil fédéral a déclaré en janvier 1993 que la Suisse renonçait à l'ouverture de négociations d'adhésion et qu'elle exprimait le souhait de poursuivre le développement de ses relations avec la Communauté par la voie bilatérale.

A la fin de cette même année, l'Union européenne s'est déclarée prête à entamer des négociations dans sept secteurs. Elle a posé plusieurs conditions. Conformément au principe du parallélisme, les accords devaient être négociés parallèlement, puis signés et mis en vigueur conjointement. Et par la clause « guillotine », l'Union européenne a imposé un lien juridique entre les différents accords, qui devaient donc être applicables globalement ou pas du tout. Ces accords, appelés bilatéraux I, ont en particulier concerné la libre circulation des personnes, la limitation des obstacles au commerce, l'agriculture et la recherche. Les accords bilatéraux II, qui ont été signés en 2004, ont eu notamment pour objet d'étendre à la Suisse les accords de Schengen et de Dublin, mais ont également concerné la fiscalité de l'épargne, l'environnement, la lutte contre la fraude ou encore l'éducation. Cette fois, les accords sont indépendants les uns des autres. Un seul référendum a été organisé contre la mise en oeuvre de l'accord d'association à Schengen-Dublin, et le peuple suisse a approuvé cet accord. Et à l'heure actuelle, seul l'accord relatif à la lutte contre la fraude n'est pas totalement entré en vigueur, car certains pays membres de l'Union n'ont pas encore terminé la procédure de ratification parlementaire. Parallèlement, la Suisse et l'Union européenne se sont mises d'accord sur l'extension de la libre circulation des personnes aux dix nouveaux États membres ayant adhéré à l'Union européenne en 2004, puis à la Bulgarie et à la Roumanie en 2007.

La voie bilatérale a donc permis de surmonter en grande partie les inconvénients de la non-participation de la Suisse à l'Espace économique européen. Cependant, la Suisse est aujourd'hui confrontée à des dossiers difficiles. En pratique, l'articulation de nos relations bilatérales est assez complexe. Les méthodes de coopération ont beaucoup évolué et peuvent être classées en trois catégories. En premier lieu, il y a les dossiers où la Suisse est dans une relation bilatérale avec l'Union européenne, c'est-à-dire ceux où notre pays est en négociation ou bien gère des accords existants. En deuxième lieu, je veux évoquer les dossiers où la Suisse développe un partenariat avec l'Union européenne. On peut citer la participation de la Suisse aux programmes de recherche, à l'agence européenne de l'environnement ou encore aux missions de police en Bosnie et au Kosovo. Dans cette hypothèse, la Suisse est associée aux organes pertinents avec droit de parole mais sans droit de vote, verse une contribution financière, et peut envoyer des experts. En troisième lieu, la Suisse est parfois étroitement associée au processus législatif de l'Union européenne. Il en va ainsi pour la mise en oeuvre de l'accord Schengen. Des représentants de la Suisse siègent dans les divers groupes de travail du Conseil à tous les niveaux. Dans ces enceintes, ils exercent un droit de parole mais ne disposent pas d'un droit de vote.

Je tiens aussi à souligner que la Suisse, dans la conduite de sa politique européenne, assume ses responsabilités vis-à-vis de ses voisins et partenaires européens. Dès 2004, elle a fourni une contribution en faveur de l'élargissement de l'Union européenne et au titre de sa politique de cohésion. Cette contribution s'élève à 1 milliard de francs suisses, soit 680 millions d'euros, pour les nouveaux États membres ayant adhéré en 2004, et 257 millions de francs suisses, soit 175 millions d'euros, pour la Roumanie et la Bulgarie. La Suisse prend ainsi sa part du fardeau financier représenté par l'élargissement de l'Union européenne. Autre exemple, en finançant sur son territoire de nouvelles infrastructures ferroviaires à hauteur de 24 milliards de francs suisses, soit 16,4 milliards d'euros, dans le cadre de son projet Nord-Sud, la Suisse contribue à la sécurité et à la prospérité de l'Europe et au bon fonctionnement du marché intérieur de l'UE.

Les priorités de la Suisse dans ses relations bilatérales avec l'Union européenne ont été définies par le Conseil fédéral. Elles tendent tout d'abord à une bonne application des accords conclus tels que celui sur la libre circulation des personnes. Elles visent ensuite à encourager la conclusion d'accords additionnels dans de nouveaux domaines d'intérêt commun tels que la santé publique, l'électricité, ou les assurances, le programme Galileo ou l'application de la directive Reach. Enfin, pour consolider les relations entre la Suisse et l'Union européenne, il s'agit de traiter des dossiers actuels, dont certains sont complexes. A titre d'exemple, je veux citer les régimes fiscaux cantonaux relatifs à certains types d'entreprises, l'extension du champ de la directive et de l'accord sur la fiscalité de l'épargne, la question de l'échange d'informations financières dans le cadre des conventions contre les doubles impositions déjà signées, ou encore la possibilité de négocier un accord-cadre qui couvrirait l'ensemble des accords bilatéraux existants pour en assurer la pérennité.

Ayant souligné que la méthode bilatérale était une réussite, je veux maintenant m'attacher à esquisser quelques perspectives. La reprise de l'acquis communautaire constitue aujourd'hui l'un des principaux défis pour la Suisse. Une reprise automatique de cet acquis est inacceptable au regard du respect de sa souveraineté. Toute reprise de l'acquis communautaire doit aller de pair avec la possibilité pour mon pays de participer de manière adéquate à la prise de décision et doit tenir compte de la durée des procédures suisses. Les adaptations des accords doivent être effectuées d'un commun accord. Dans les cas où la Suisse ne peut reprendre l'acquis, des mesures de compensation proportionnées doivent être prévues par l'Union européenne.

En juin 2006, le Conseil fédéral a affirmé que la politique d'accords bilatéraux était la meilleure pour préserver les intérêts de la Suisse à la triple condition que la Suisse jouisse de manière suffisante d'un degré de participation à la prise de décision dans ces accords et d'une marge de manoeuvre dans leur application, que l'Union européenne soit prête à trouver des solutions par des accords sectoriels bilatéraux, et que les conditions-cadres économiques entre les partenaires n'évoluent pas dans un sens défavorable à la Suisse. Et en septembre 2009, il a précisé que si des raisons d'ordre politique et/ou économique devaient exiger une nouvelle avancée d'envergure dans le sens de l'intégration, un choix s'imposerait au niveau des instruments appropriés, dont l'option de l'adhésion.

Alors, pourquoi ne pas adhérer à l'Union européenne me demanderez-vous ? Il n'existe pas aujourd'hui dans l'opinion suisse de sentiment majoritaire en faveur d'une adhésion de la Suisse à l'Union européenne. Les Suisses estiment qu'une telle adhésion affecterait la neutralité, le fédéralisme et la démocratie semi-directe auxquels ils sont très attachés.

La Suisse a, pour l'heure, atteint les objectifs qu'elle s'est fixés. Par la voie bilatérale, la Suisse peut encore choisir dans une certaine mesure ses sujets de négociations et elle conserve plus de souplesse pour sa politique de neutralité active. Cette politique lui a permis d'obtenir de l'Union européenne des solutions sur mesure, à l'exemple du système de taxe pollueur-payeur, qui sont parfois plus favorables que les règles applicables aux États membres. Cependant, les débats actuels sur notre régime fiscal et bancaire le soulignent, dans d'autres cas, on peut estimer que l'intégration de la Suisse à l'Union européenne aurait sans doute facilité la défense de ses intérêts. A l'avenir, des conflits plus nombreux pourraient opposer le respect de la souveraineté nationale suisse et l'accès non-discriminatoire au marché intérieur de l'Union européenne. Ce n'est qu'en menant un débat sérieux et sans préjugés qu'il sera possible de prendre les décisions correspondant aux intérêts du pays.

Pour conclure, je dirais que les relations entre la Suisse et l'Union européenne sont intenses, fructueuses et mutuellement bénéfiques. Les circonstances nous ont conduits à emprunter un chemin dans le développement de nos relations avec l'Union européenne qui s'apparente plus à un sentier de montagne qu'à une autoroute de plaine. Il y a cependant des intérêts mutuels considérables pour poursuivre la voie bilatérale - la seule praticable actuellement -, pour développer et approfondir notre coopération, dans un esprit de respect mutuel et de solidarité, tout en laissant l'option de l'adhésion ouverte pour l'avenir.

M. Roland Ries. - Je voudrais avoir plus de précisions sur un point auquel vous avez partiellement déjà répondu : l'idée d'une adhésion de la Suisse à l'Union européenne est-elle aujourd'hui totalement hors de propos ou existe-t-il des réflexions en ce sens ? Une partie de l'opinion suisse soutient-elle cette idée ?

M. Ulrich Lehner. - Oui, il y a débat aujourd'hui en Suisse sur l'avenir de nos relations avec l'Union européenne. Le Conseil fédéral procède en ce moment à une nouvelle réflexion sur le sujet. Certains parlementaires et groupes d'intérêt défendent le projet d'adhésion à l'Union européenne. Mais ce débat n'est pas mobilisateur dans l'opinion publique et les partisans de l'adhésion ne sont pas majoritaires.

Les citoyens suisses ont une image ambivalente de l'Europe. La pression actuelle des États membres de l'Union européenne sur la Suisse à propos de son régime fiscal et bancaire est une source d'inquiétude. Les jeunes, que l'on aurait pu croire plus pro-Européens que les générations précédentes, expriment au contraire une méfiance à l'encontre de l'Union européenne.

Et les Suisses se posent la question du coût que représenterait une adhésion de leur pays à l'Union. La Suisse verse déjà aujourd'hui des sommes importantes pour les politiques européennes. Or, a-t-elle intérêt à adhérer à l'Union pour préserver sa croissance économique et ses emplois ? La réponse ne semble pas évidente. La croissance de la Suisse est stable et le taux de chômage se maintient autour des 5 %.

Le débat en Suisse sur les rapports avec l'Union européenne n'est donc pas public, mais il est continu. Et la division entre adversaires et partisans d'une adhésion à l'Union européenne ne correspond pas aux lignes de fracture politiques : on constate en revanche que les citadins sont plus sensibles à une certaine ouverture de la Suisse que les habitants des zones rurales.

Mme Catherine Tasca. - La situation géographique de la Suisse a de facto impliqué des relations fortes entre cet État et l'Union européenne. Et, comme vous l'avez souligné, la Suisse tire profit de son appartenance physique à l'ensemble européen. Mais la politique bilatérale ne va-t-elle pas finir par montrer ses limites ? Et ne pensez-vous pas que l'Union européenne voudra tôt ou tard « forcer la main » à la Suisse pour son adhésion ?

Je voudrais aussi évoquer un sujet sensible : pourriez-vous nous faire part de l'état des relations entre la Suisse et la Libye ?

M. Ulrich Lehner. - Pour répondre à votre première question, nous constatons effectivement que l'Union européenne, qui a grandi et qui a donc plus de difficultés à régler sa gestion interne, paraît moins disponible qu'auparavant à répondre aux demandes de la Suisse par la voie bilatérale. Pourtant, il est dans l'intérêt de l'Union européenne de continuer à trouver des solutions communes avec la Suisse, par exemple en matière d'électricité.

Si les accords bilatéraux deviennent plus difficiles à obtenir de l'Union européenne, la Suisse évoluera peut-être vers une position plus favorable à l'adhésion, mais les électeurs, à travers les votations, sont les seuls qui peuvent trancher ce débat. Je constate que, au cours des dix dernières années, il y a eu cinq votations sur l'Europe et que les électeurs ont toujours manifesté leur volonté de se rapprocher de l'Union européenne.

Les relations entre la Suisse et la Libye ont connu une dégradation soudaine à l'été 2008 lorsque la police suisse a arrêté à Genève l'un des fils du colonel Kadhafi et son épouse, à la suite d'une plainte déposée par des membres de son personnel de maison pour lésions corporelles graves. Les deux personnes interpellées ont été relâchées et la plainte a été par la suite retirée. En réaction la Libye a toutefois décidé de refuser tout visa d'entrée aux citoyens suisses mais aussi et surtout, deux de nos compatriotes ont été arrêtés sur place. Après leur libération, ils se sont rendus à l'ambassade de Suisse. Sous un prétexte fallacieux, nos deux ressortissants ont été entraînés hors de l'ambassade et mis au secret pendant cinquante-deux jours. Les négociations diplomatiques entre les deux Etats ont incité le président du Conseil fédéral à se rendre en Libye en août 2009. A cette occasion et dans un souci d'apaisement, il y a présenté ses excuses pour l'arrestation à Genève..

Malheureusement, nos deux ressortissants ne peuvent toujours pas quitter le territoire libyen et séjournent encore à l'ambassade de Suisse. Nous avons donc décidé de réagir en mettant à l'index l'ensemble des personnes mêlées à cette affaire en prononçant une interdiction d'entrée et de transit pour un certain nombre de ressortissants libyens. Mais, en pratique, je ne peux laisser dire que la Suisse bloquerait l'accès à l'espace Schengen de tous les ressortissants libyens. En 2009, sur 30 000 demandes, elle en a refusé seulement 270, soit moins de 1 %. En représailles, la Libye vient d'annoncer qu'elle refuserait désormais tout visa aux citoyens de l'Union européenne. Le soutien de cette dernière à la Suisse, exprimé par la Commission européenne, a été très important pour nous. Il s'agit d'un dossier très délicat pour une démocratie qui fait face à un régime arbitraire. Et l'opinion publique suisse est choquée.

M. Jean Bizet. - Comment avez-vous surmonté les contingences récentes relatives au secret bancaire qui ont touché votre pays ? Ces évènements ont-ils eu un impact sur l'activité bancaire suisse ?

Par ailleurs, quel regard porte la Suisse sur les résultats de la conférence de Copenhague ? Et sur les projets de taxe carbone aux frontières, qui sont en discussion au sein de l'Union européenne ?

M. Ulrich Lehner. - Comme vous le savez, le secret bancaire est très important pour la Suisse. Mais je rappelle que le secteur des banques ne représente que 10 % du PIB de notre pays, derrière l'industrie, la chimie ou le tourisme. Par ailleurs, il faut préciser qu'il ne signifie pas que n'importe qui peut faire n'importe quoi en Suisse. Le banquier a un devoir de diligence et doit connaître l'identité de son client. Mais la Suisse opère une distinction juridique entre la fraude fiscale, qui constitue une infraction pénale, et la soustraction fiscale, c'est-à-dire l'omission de déclaration de certains revenus, qui constitue une infraction administrative sanctionnée d'une amende pouvant atteindre trois fois le montant des sommes soustraites.

Cette distinction n'est désormais plus comprise par nos partenaires comme l'ont souligné les déclarations récentes du G20 et l'établissement de la liste « grise » de l'OCDE. Le 13 mars 2009, le Conseil fédéral a donc décidé de supprimer cette distinction dans ses relations avec plusieurs États en négociant de nouvelles conventions bilatérales contre les doubles impositions. Avec dix-huit États, la Suisse a donc accepté l'échange d'informations. Elle refuse cependant la « pêche » aléatoire dans les données de ses banques. L'autorité du pays demandeur devra fournir l'identité du titulaire du compte, le numéro du compte visé, le nom de la banque, les motifs de sa demande et d'autres informations précises pour que l'on accède à sa demande.

Cet échange d'informations va se mettre en place avec la France. Les négociations ont cependant été suspendues à la suite de l'affaire du vol des données de la banque HSBC par l'un de ses employés, qui est venu s'installer en France. A la demande de la Suisse, dans le cadre d'une commission rogatoire, les locaux de l'intéressé ont été perquisitionnés et des documents ont été saisis sur place. Et puis, après un an, notre pays, n'ayant aucune nouvelle des suites de la procédure, s'est interrogé car quatre chefs d'inculpation ont été retenus contre l'employé de la banque. Le Conseil fédéral a donc recommandé au Parlement de surseoir à la ratification de la nouvelle convention bilatérale avec la France. L'entretien du Président de la République française avec la présidente de la Confédération à Davos a contribué à la résolution de cette affaire. La France a rendu à la Suisse une copie des données volées à la banque HSBC. Votre pays a toutefois souhaité conserver les données en vue d'éventuelles poursuites. Cependant, la France a reconnu qu'elle ne déposera pas de demande d`échange d'informations à la Suisse sur la base de ces données. De même, si la France devait transmettre ces données un État tiers, elle en informera notre gouvernement et, là encore, il ne pourra y avoir échange d'informations avec la Suisse sur la base de ces fichiers volés. Désormais, la ratification de l'accord franco-suisse va pouvoir aller de l'avant. Elle pourrait être conclue à la fin de l'année.

Cette affaire, qui faisait suite au cas UBS aux États-Unis, a soulevé un nouveau débat interne sur le secret bancaire. Ceci étant, en Suisse, le respect de la vie privée s'oppose aux intrusions du fisc dans vos relations bancaires. La relation que chacun développe avec son banquier est semblable à celle qui existe avec son avocat ou son pasteur.

Grâce à la décision du Conseil fédéral du 13 mars et à la signature d'aux moins 12 « nouvelles » conventions contre la double imposition, la Suisse ne figure plus sur les listes « grises » de l'OCDE. Quant aux relations sereines que nous entretenons d'ordinaire avec votre pays, elles ont pu être rétablies.

Comme les États membres de l'Union européenne, la Suisse a considéré la conclusion du sommet de Copenhague avec un peu de déception, tout en saluant les résultats atteints. L'idée d'une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne pourrait être cohérente mais, pour l'heure, le Conseil fédéral n'a eu à examiner aucun projet européen instituant une telle taxe.

Mme Colette Mélot. - Vous avez souligné la richesse et la complexité des relations existant entre l'Union européenne et la Suisse. La Suisse est constituée de divers cantons et régions à l'identité marquée. Je voulais savoir si le fait de parler français, allemand ou italien avait une influence sur le sentiment des Suisses à l'égard de l'Union européenne ?

M. Ulrich Lehner. - Il est vrai que, pendant longtemps, on considérait que dans la partie germanophone du pays, les habitants étaient plus réservés tandis qu'il existait une plus grande tradition d'ouverture sur l'extérieur en Suisse romande et dans le Tessin. Ce clivage était appelé familièrement la « barrière des rösti », du nom de ce plat suisse bien connu.

Mais cette barrière n'existe plus. Les Suisses italiens sont également devenus plus méfiants à l'égard de l'Europe. Et, comme je le précisai, on constate aujourd'hui plutôt une différence entre des urbains plus ouverts et des habitants des zones rurales plus réservés. Ainsi, même dans l'affaire de la votation sur l'interdiction des minarets, les grandes villes ont clairement voté contre une telle prohibition.

Je rappelle par ailleurs que notre pays, en raison de l'étroitesse de son territoire, a une tradition d'ouverture sur le monde extérieur, que les Suisses s'informent quotidiennement de l'actualité de leurs voisins en regardant leurs télévisions ou en écoutant leurs radios.

M. Roland Ries. - Je constate toutefois que l'appartenance régionale peut avoir une influence sur les comportements. Ainsi, les villes de Suisse alémanique sont des modèles de répartition modale pour les transports publics. En moyenne, les habitants y effectuent 500 à 600 voyages en transport public chaque année, contre 150 à 200 dans les villes françaises les plus en pointe comme Strasbourg. En revanche, sur ce point, les villes de Suisse romande ont des résultats comparables aux villes françaises.

M. Ulrich Lehner. - Les infrastructures ferroviaires de la Suisse romande sont aujourd'hui insuffisantes pour faire face à un trafic croissant de pendulaires.

Il existe bien évidemment des différences régionales. Les villes alémaniques, telles que Zurich, ont été également pionnières en matière de tri des déchets.


* Cette réunion est en commun avec la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale.