Mercredi 30 juin 2010

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Travaux de la mission - Echange de vues

La mission commune procède à un échange de vues sur le déroulement de ses travaux.

M. Philippe Marini, président. - La mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque a été créée à la fin de l'année 2007 et a publié en juillet 2008, après beaucoup d'auditions et de déplacements, un rapport d'étape comportant de nombreuses propositions en vue de la construction du cinquième risque.

Après la publication de ce rapport, la mission a souhaité pouvoir prolonger son existence, afin de suivre la préparation d'un projet de loi, dont le dépôt était alors considéré comme imminent, et de pouvoir se transformer en commission spéciale pour son examen. Le rapport sur le projet de loi devait ainsi marquer l'aboutissement de ses travaux. Toutefois, l'élaboration de ce texte législatif sur la dépendance a pris beaucoup de retard et il n'existe encore aucun avant-projet. Il est vraisemblable que l'examen du projet de loi par le Parlement ne pourra intervenir qu'en 2011.

Dans ce contexte, le Bureau du Sénat, qui avait accepté de prolonger l'existence de la mission, a décidé, lors de sa réunion du 23 juin, de fixer au 31 octobre le terme de ses travaux.

Compte tenu de ce calendrier, qui n'empêchera pas la constitution d'une éventuelle commission spéciale lorsque le projet de loi sera déposé, la mission commune pourrait compléter ses travaux par quelques auditions complémentaires afin, d'une part, de recueillir les observations des principaux intervenants du secteur de la dépendance sur ses propositions, d'autre part, de prendre en compte les évolutions intervenues depuis la publication du rapport d'étape. En effet, si l'élaboration du projet de loi a pris du retard, les lois de financement de la sécurité sociale et la loi HPST ont modifié de nombreux aspects du fonctionnement du secteur médico-social.

A l'issue de ces auditions, la mission commune pourrait faire un point de la situation et clôturer ses travaux en présentant un rapport complémentaire actualisant ses propositions dans l'attente du projet de loi.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - La mission commune d'information a rendu son rapport en juillet 2008 et projetait de se transformer en commission spéciale dès le dépôt d'un projet de loi par le Gouvernement. Toutefois, après deux ans, aucun texte n'a encore été présenté. Il est donc utile de rappeler les principales propositions de la mission d'information et de faire le point sur les évolutions intervenues depuis la publication du rapport.

La mission est partie du constat que la création de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) au début des années 2000 a été un succès, complété par un effort important de médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Dans ce contexte, la dépense publique en faveur des personnes âgées dépendantes a suivi une courbe extrêmement dynamique.

Néanmoins, beaucoup reste à faire dès lors que les plans d'aide à domicile sont fréquemment saturés pour certaines catégories de personnes et que le reste à charge en établissement peut atteindre plusieurs centaines d'euros par mois.

Partant de ce constat, la mission a formulé un grand nombre de propositions. Elle s'est en particulier prononcée pour :

- un effort collectif plus équitable en direction des bénéficiaires de l'Apa à domicile, notamment en relevant les plafonds d'aide de façon ciblée pour les personnes isolées et les patients atteints de maladies neurodégénératives (notamment Alzheimer), ainsi qu'en permettant une revalorisation de ces plans d'aide ;

- une diminution sensible des restes à charge supportés par les personnes placées en institution.

Pour assurer le financement pérenne de ces deux mesures, la mission a proposé trois axes de réforme :

- solliciter les patrimoines les plus élevés en créant un mécanisme de prise de gage sur patrimoine, très différent de la récupération sur succession. Le schéma repose sur les principes suivants : les demandeurs d'Apa auraient le choix, au moment de leur entrée en dépendance, entre opter pour une allocation à taux plein ou une allocation diminuée de moitié. Dans le premier cas, le département pourrait effectuer une prise de gage anticipée sur le patrimoine du bénéficiaire pour la fraction de l'actif excédant un certain montant. La prise de gage serait elle-même partielle et ne concernerait qu'une faible part de la succession à venir. Si le bénéficiaire acceptait d'emblée une Apa diminuée de moitié, aucune mesure conservatoire ne serait prise ;

- développer un étage de financement assurantiel pour les ménages disposant du patrimoine et des ressources leur permettant d'accéder à ce type de couverture. Il s'agit, autrement dit, d'organiser un financement mixte du cinquième risque ;

- accroître l'efficience de la dépense en établissement en agissant dans trois directions principales : la généralisation des forfaits globaux, la résorption des écarts de coûts par la mise en place d'une convergence des tarifs soins, la reconversion des lits de court séjour en lits Ehpad.

La mission s'est enfin penchée sur un autre élément essentiel : la gouvernance du cinquième risque qu'il convient de renforcer et de simplifier. Ceci suppose de clarifier les champs de compétences des différents acteurs suivant une logique de responsabilisation, de conforter les conseils généraux dans leur rôle de chef de file dans le domaine de cette politique et de réajuster les modalités de financement de l'Apa en veillant à un partage à égalité Etat (CNSA)/départements et en révisant les règles actuelles de péréquation interdépartementale.

Depuis la publication du rapport, la présentation d'un projet de loi sur le cinquième risque a certes été retardée, mais d'importantes dispositions relatives à la prise en charge des personnes âgées dépendantes ont été introduites dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale ou de la loi HPST. Trois évolutions importantes peuvent en particulier être mentionnées :

- tout d'abord, l'effort consacré à la prise en charge de la dépendance s'est poursuivi. L'Ondam médico-social a connu une progression non négligeable et le secteur médico-social a bénéficié, à travers le plan de relance de l'économie, de financements supplémentaires destinés à accélérer la création de nouvelles places en Ehpad ;

- ensuite, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a modifié la tarification des Ehpad, en rendant en quelque sorte les « tarifs plafonds » opposables en matière de financement des soins. Le ministre chargé de la sécurité sociale est ainsi désormais autorisé à établir, au-delà de la définition des tarifs plafonds et de leurs règles de calcul, « les règles permettant de ramener les tarifs pratiqués au niveau des tarifs plafonds », c'est-à-dire de mettre en oeuvre un processus de convergence de tous les établissements vers les tarifs plafonds.

Cette loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a ensuite institué une tarification à la ressource des établissements, proche dans son esprit de la tarification à l'activité (T2A) mise en place dans le secteur sanitaire et se substituant, progressivement, à la tarification en vigueur, jusqu'à présent fondée sur les coûts historiques des facteurs de production.

L'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles, relatif aux règles de tarification des Ehpad, a ainsi été profondément remanié afin de préciser que le forfait global relatif aux soins sera dorénavant calculé, pour chaque établissement, à partir d'un barème et de règles établis au niveau ministériel ; le forfait global prendra ainsi en compte le niveau de dépendance moyen (le Gir moyen pondéré ou GMP) et les besoins en soins médico-techniques des résidents (le Pathos moyen pondéré ou PMP) ;

- troisième évolution importante : la loi HPST a bouleversé la gouvernance du secteur médico-social.

Elle a, tout d'abord, procédé à la mise en place des agences régionales de santé. Les ARS mettront en oeuvre les principes de la politique d'action sociale et médico-sociale. Elles seront chargées de définir, de financer et d'évaluer les actions visant à prévenir les handicaps et la perte d'autonomie. Elles auront pour mission d'autoriser la plupart des établissements et services médico-sociaux et de contrôler leur fonctionnement. Elles procéderont à des contrôles afin de veiller aux prises en charge et accompagnements médico-sociaux et contribueront, avec les services de l'Etat compétents, à la prévention et à la lutte contre la maltraitance dans les établissements et les services médico-sociaux.

La loi HPST a également procédé à une redéfinition des autorités compétentes en matière de planification médico-sociale, en distinguant trois échelons :

- un échelon national, avec un schéma national d'organisation sociale et médico-sociale, élaboré sur proposition de la CNSA ;

- un échelon régional, avec une double compétence pour élaborer les schémas régionaux d'organisation sociale et médico-sociale : le directeur de l'ARS, qui dispose dorénavant d'une compétence de principe en matière de planification sociale et médico-sociale ; le préfet de région, aujourd'hui le seul à arrêter les schémas régionaux, qui n'interviendra plus à l'avenir que dans les domaines régaliens (comme les centres d'accueil pour demandeurs d'asile ou les services mettant en oeuvre des mesures judiciaires d'aide) ;

- un échelon départemental, l'élaboration du schéma départemental étant de la compétence du président de conseil général.

Une commission de coordination des politiques publiques dédiée au secteur médico-social, composée des représentants des services de l'Etat, des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale, est créée et devrait permettre la participation des conseils généraux à l'élaboration d'un diagnostic territorial partagé des besoins. Elle a vocation à devenir le lieu privilégié de confrontation des démarches de planification des différentes autorités publiques.

La loi HPST n'a pas modifié le périmètre ni le contenu des programmes interdépartementaux d'accompagnement de la perte d'autonomie (Priacs), mais a transféré la compétence d'élaboration du Priac du préfet de région au directeur général de l'ARS. La loi ne prévoit plus la transmission pour information du Priac aux présidents de conseils généraux. Sur ce point, il faut cependant noter que le Priac sera élaboré et arrêté par le directeur général de l'ARS, après consultation de la commission de coordination au sein de laquelle siègeront des représentants des collectivités territoriales - et avis des présidents des conseils généraux compétents. Ces derniers seront donc bien associés à l'élaboration des Priacs, sans en être les cosignataires.

Enfin, la loi HPST a instauré une procédure d'appel à projet social ou médico-social.

Certaines des évolutions qui viennent d'être mentionnées figuraient parmi les propositions de la mission d'information, qu'il s'agisse de la convergence tarifaire ou de la mise en place de forfaits globaux de soins. La mission avait également évoqué la mise en place de procédures d'appels à projets devant permettre de faire émerger des solutions innovantes.

Parallèlement à ces avancées législatives, la prise en charge de la dépendance a continué à faire l'objet de nombreux travaux :

- à la demande du Premier ministre, Pierre Jamet, directeur général des services du département du Rhône a rédigé un rapport sur les finances départementales. Ce rapport fait notamment le constat que la situation des départements n'est pas homogène et que, si tous subissent l'effet de ciseaux entre dépenses et recettes, l'impact n'est pas le même partout, compte tenu de situations socio-démographiques et socio-économiques très différentes. Pierre Jamet formule une quarantaine de propositions visant à améliorer la situation financière des départements, parmi lesquelles quelques-unes concernent spécifiquement la dépendance et le secteur médico-social. Il propose ainsi d'apporter une garantie de la recette de la journée affectée à la dépendance. Il suggère également l'élaboration de référentiels sur les coûts des prestations et des services et recommande la mise en place d'un système de diffusion des bonnes pratiques. Il recommande le transfert au département de la compétence pour la création des Ehpad et autres établissements, et une simplification des relations avec les services de prestation à domicile ;

- par ailleurs, l'Assemblée nationale a créé une mission présidée par Valérie Rosso-Debord, qui vient de rendre ses conclusions. Sur l'Apa, les propositions de l'Assemblée nationales sont proches de celles de la mission sénatoriale, puisqu'elles prévoient un droit d'option pour les demandeurs possédant un patrimoine entre une allocation à taux plein pouvant donner lieu à récupération sur patrimoine et une allocation réduite de moitié sans récupération. Il existe cependant deux différences avec les propositions de la mission du Sénat : l'Assemblée nationale évoque un niveau de patrimoine de 100 000 euros pour le déclenchement du système d'option, tandis que le Sénat mentionnait plutôt un seuil de 200 000 euros. En outre, la mission de l'Assemblée propose une récupération sur succession, alors que la mission commune préconisait une prise de gage. Par ailleurs, la mission conduite par les députés suggère notamment de donner un caractère obligatoire à l'assurance dépendance sans l'assortir d'avantages fiscaux. Elle propose également un alignement du taux de CSG des retraités imposables sur celui des actifs. La Mecss du Sénat a récemment évoqué cette même piste dans le cadre de son rapport sur les retraites ;

- enfin, deux groupes de travail ont été mis en place par le ministère chargé du travail. Le premier porte sur les grilles d'évaluation de la perte d'autonomie et l'utilisation d'un référentiel commun. Le second doit examiner le contenu des garanties des contrats : la sélection médicale, les périodes de carence et de franchise, les règles de revalorisation des rentes, les conditions de transférabilité. Il doit élaborer un cahier des charges pour la labellisation des contrats.

Mme Bernadette Dupont. - Je m'interroge sur la pertinence de la préconisation formulée par la mission de l'Assemblée nationale consistant à donner un caractère obligatoire à l'assurance dépendance. Dans le contexte de crise économique actuel, il me paraît difficile de demander aux Français de fournir un effort financier supplémentaire.

M. Philippe Marini, président. - Peut-être pourrions-nous aborder la question du caractère obligatoire ou non de l'assurance dépendance à la suite de la table ronde que nous allons maintenant avoir avec les institutions d'assurance ? Il me semble, en tout cas, que l'idée d'une assurance obligatoire revient à faire financer la dépendance par l'impôt.

M. Paul Blanc. - Je suis totalement opposé à la proposition du rapport de Pierre Jamet concernant la journée affectée à la dépendance. Dans l'esprit de la loi du 30 juin 2004 qui l'a instituée, cette journée devait être consacrée à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées, mais aussi des personnes handicapées. Or, cet objectif initial a été en partie dévoyé puisque sur les 1,5 milliard d'euros initialement prévus pour la prise en charge des personnes handicapées, la moitié a été affectée à l'aménagement des structures d'accueil pour les personnes âgées. Il est vrai que la canicule de l'été 2003, au cours de laquelle de nombreuses personnes âgées sont décédées, avait révélé des défaillances dans les modes de prise en charge.

Je rappelle que dans l'esprit de la loi « Handicap » du 11 février 2005, le financement des actions en faveur des personnes handicapées relève de la solidarité nationale. Les recettes tirées de la journée de solidarité doivent donc aussi être affectées à la prise en charge du handicap. Cela permettrait d'alléger d'autant les conseils généraux, déjà chargés du financement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et de la prestation de compensation du handicap (PCH), qui connaît une montée en charge.

En ce qui concerne le financement de la dépendance, je suis favorable à un système assurantiel car c'est le seul qui permette de faire face à ce défi. En 2004, j'avais déposé, avec de nombreux collègues sénateurs, une proposition de loi sur cette question. Sans doute faut-il envisager de rendre l'assurance dépendance obligatoire et prévoir, parallèlement, une prise en charge financière, éventuellement par les conseils généraux, des personnes dont les faibles revenus ne leur permettent pas de souscrire un contrat d'assurance.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - J'estime, pour ma part, que ce système assurantiel devrait être très incitatif et responsabilisant. Ceux qui refuseront de s'assurer pour le risque dépendance devront assumer leur choix. En revanche, il est indispensable de réfléchir aux moyens permettant aux personnes percevant des revenus modestes d'accéder à un dispositif d'assurance. Peut-être pourraient-elles être prises en charge par les départements au titre de l'aide sociale ?

Bureau de la mission

Puis, la mission commune d'information complète son bureau en désignant MM.  Paul Blanc (UMP) et Jean-Jacques Jégou (UC) vice-présidents.

Table ronde sur le financement de la dépendance

La mission procède ensuite à une table ronde sur le financement de la dépendance à laquelle participent M. Gilles Cossic, directeur des assurances de personnes, Mme Agnès Canarelli, sous-directeur, M. Gérard Ménéroud, président du bureau de la commission plénière des assurances de personnes, et Mme Annabelle Jacquemin-Guillaume, attachée parlementaire de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) ; MM. Jean-Louis Faure, délégué général, et Bertrand Boivin-Champeaux, directeur Prévoyance et retraite supplémentaire du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) ; le docteur Jean-Martin Cohen Solal, directeur général, Mme Isabelle Millet-Caurier, directrice des Affaires publiques, MM. Christophe Ollivier, directeur du département Expertise à la direction des relations avec les mutuelles, et Vincent Figureau, responsable du département Relations extérieures à la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF).

M. Jean-Louis Faure, délégué général du CTIP. - Le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) regroupe une cinquantaine d'entreprises d'assurance qui sont gérées paritairement par les représentants des salariés et les représentants des employeurs. Les institutions de prévoyance sont, en général, soit organisées au niveau de la branche professionnelle, soit au niveau interprofessionnel. Leur chiffre d'affaire, qui correspond au montant des cotisations perçues, s'élève à 11,7 milliards d'euros, dont 5,3 milliards au titre de la santé, 5,15 milliards au titre de la prévoyance dite lourde (incapacité, décès), un peu moins d'un milliard au titre de l'épargne retraite, et 19 millions au titre de la dépendance - principalement sous forme de contrats collectifs à adhésion obligatoire issus des négociations sociales d'entreprise.

M. Philippe Marini, président. - Je rappelle à nos interlocuteurs que notre mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque a été constituée par le Sénat en 2007. Elle a rendu son rapport d'étape voici près de deux ans. Elle souhaite désormais actualiser ses connaissances sur ces problématiques afin de préparer l'examen du futur projet de loi.

C'est pourquoi, il nous paraît utile que vous nous fassiez part de vos remarques et propositions, ainsi que des éventuelles études que vous auriez réalisées.

M. Jean-Louis Faure. - Nous observons un développement des dispositifs d'assurance dépendance à la fois dans les grandes entreprises, Thalès par exemple, et dans certaines branches professionnelles, comme les personnels salariés des cabinets d'avocats ou la poissonnerie. Ces dispositifs, créés sur le modèle des mécanismes d'assurance retraite, reposent sur le principe d'un versement de cotisations tout au long de la vie dans le but de constituer une épargne utilisable au moment de l'entrée en dépendance.

Toutefois, cet essor demeure modeste puisque les dispositifs d'épargne dépendance ne représentent, pour les institutions de prévoyance, que 19 millions d'euros. On peut néanmoins s'attendre, à l'avenir, à une montée en charge progressive : le mouvement commence généralement par les grandes entreprises avant de s'étendre, par capillarité, aux branches professionnelles, puis aux entreprises de taille moyenne.

L'une des difficultés réside dans le fait que ces mécanismes d'épargne dépendance ont tendance à être perçus comme entrant en concurrence avec les dispositifs d'épargne retraite. Je crois, au contraire, que tous les systèmes d'épargne quel qu'il soit (épargne retraite, épargne dépendance à proprement parler...) contribuent à couvrir le risque dépendance qui recouvre une réalité assez large.

M. Jean-Martin Cohen Solal, directeur général de la FNMF. - La Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), qui fédère les mutuelles santé, compte dix-huit millions d'adhérents, ce qui représente un chiffre d'affaires annuel de 20 milliards d'euros.

Ces mutuelles interviennent dans plusieurs domaines : la santé bien sûr, mais aussi, la prévention, la dépendance. A ce titre, elles peuvent être amenées à gérer des établissements pour personnes âgées ou pour personnes handicapées. Leur action est donc globale. En matière de dépendance stricto sensu, les mutuelles santé protègent un peu plus de trois millions de personnes via la souscription d'un contrat dépendance.

Les valeurs associées à la prise en charge de la dépendance sont identiques à celles qui président à la gestion du risque santé, à savoir la solidarité et la lutte contre les inégalités.

Je rappelle que le montant de la retraite moyenne mensuelle est de l'ordre de 1 200 euros par mois. Or, les dépenses liées à la perte d'autonomie peuvent s'élever à 2 300 euros par mois. Il y a donc un écart important à combler.

A la FNMF, nous regrettons les incertitudes des pouvoirs publics sur le dossier de la dépendance. Certes, des annonces ont été faites, des groupes de travail ont été créés, mais aucune ligne directrice n'a véritablement été donnée jusqu'à présent. Il est donc difficile, pour les acteurs du secteur, de se positionner.

M. Philippe Marini, président. - C'est, pour ainsi dire, un processus glissant.

M. Jean-Martin Cohen Solal. - Parfaitement.

Sur la question du financement de la dépendance, la FNMF défend trois positions :

- elle plaide tout d'abord pour une couverture universelle la plus large possible. La prise en charge de la dépendance doit reposer sur la solidarité nationale, comme le risque santé actuellement. Cette solution suppose évidemment une implication des pouvoirs publics, mais aussi le développement d'un partenariat public-privé ;

- elle estime ensuite que l'offre en matière de dépendance doit être plurielle : versement de la prestation sous forme de rente viagère, actions de prévention, etc. ;

- enfin, elle ne privilégie aucun mécanisme technique a priori : peu importe que celui-ci soit annuel ou viager, dès lors que les bénéficiaires disposent du même niveau de protection.

En tout état de cause, la FNMF souhaiterait en savoir davantage sur le projet du gouvernement.

M. Gilles Cossic, directeur des assurances de personnes de la FFSA. - A la FFSA, nous ne sommes pas plus informés que nos collègues des intentions des pouvoirs publics.

Nous constatons que la couverture assurantielle de la dépendance a progressé en nombre, mais que celle-ci repose encore principalement sur des contrats collectifs. Il existe en effet un certain attentisme en matière de souscription de contrats individuels. Cela s'explique sans doute par les reports successifs de la réforme annoncée de la dépendance qui créent un sentiment d'incertitude chez les individus, peu propice à la conclusion de contrats.

Or, pour informer et protéger correctement les assurés, il est indispensable de disposer d'un cadre juridique stabilisé, ce qui n'est actuellement pas le cas.

La FFSA a régulièrement des échanges avec la CNSA et d'autres acteurs publics sur la prise en charge de la perte d'autonomie, en particulier sur la question du partenariat public-privé. Ces débats, qui n'ont pas totalement abouti, ont néanmoins permis de fixer deux objectifs :

- mieux définir les grilles d'accessibilité en dépendance (par exemple, la grille Aggir) ;

- réfléchir aux synergies possibles entre le corps public et le corps privé des évaluateurs du degré d'autonomie.

Force est aujourd'hui de constater qu'il existe un écart entre le revenu moyen des personnes âgées et le coût mensuel de la dépendance de l'ordre de 500 à 1 000 euros, selon les catégories socioprofessionnelles. Nous estimons donc que le contrat dépendance doit permettre à l'assuré de bénéficier d'une prestation d'environ 500 euros par mois.

Parallèlement à l'incitation à la souscription d'un contrat perte d'autonomie, la FFSA plaide pour le développement des services (aide à domicile, hébergement en établissement...) que cette prestation permettra de financer. La plupart des contrats individuels actuels comporte d'ailleurs la possibilité d'accéder à des plateformes d'assistance regroupant les différents intervenants du secteur.

Au 1er janvier 2010, cinq millions de personnes étaient couvertes par un contrat dépendance, dont trois millions sous forme collective et deux millions sous forme individuelle.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Un groupe de travail a été mis en place par le ministère chargé du travail en février dernier sur l'aspect assurantiel et financier du risque dépendance auquel vous avez participé. Pouvez-vous nous présenter l'objet précis de ce groupe de travail, la méthode suivie et un premier bilan des travaux menés ?

A l'occasion de son audition du 16 janvier 2008 par la mission commune d'information, M. Etienne Grass, inspecteur des affaires sociales, avait considéré que les produits actuellement commercialisés dans le domaine de l'assurance dépendance ne répondaient pas aux attentes de la population, dans la mesure où ils prévoient généralement des sorties en rentes alors que les assurés sociaux recherchent plutôt le financement de services. De nouveaux produits assurantiels ont-ils été proposés depuis lors ?

Dans son rapport d'étape, la mission avait indiqué que le développement des contrats d'assurance dépendance nécessitait un certain nombre de préalables, notamment :

- une information claire des assurés sur les produits proposés ;

- la mise en place éventuelle d'une table réglementaire d'incidence et de maintien en dépendance comme il existe une table réglementaire de mortalité en matière d'assurance-vie - mais les avis recueillis par la mission sur ce point divergeaient ;

- la résolution de la question de la portabilité des droits, point techniquement complexe mais essentiel pour les assurés.

Des avancées ont-elles été réalisées dans ce domaine depuis deux ans ? Le groupe de travail mis en place par le ministère chargé du travail devait être l'occasion de l'élaboration d'une sorte de cahier des charges pour la labellisation des contrats. Pouvez-vous nous faire part de l'avancement des travaux en la matière ?

La mission proposait également la mise en place d'une forme de « partenariat public-privé » en matière de dépendance qui aurait plusieurs implications, notamment, une définition commune de la dépendance - non seulement entre assureurs, mais aussi entre assureurs privés et évaluateurs publics -, et un processus conjoint de reconnaissance de l'état de dépendance entre les administrations publiques et les assureurs privés afin d'assurer un déclenchement commun des prestations offertes en cas de dépendance. Cette piste a-t-elle été évoquée dans le cadre du groupe de travail précité ?

La deuxième orientation forte de la mission consistait à utiliser certains dispositifs existants, notamment des produits d'épargne, afin de permettre une meilleure prise en compte du risque dépendance.

Elle proposait ainsi de permettre aux personnes qui le souhaitent d'orienter une part des sommes souscrites en assurance vie vers une garantie dépendance. La mission avait insisté sur le fait que cette transformation devait pouvoir s'effectuer sans qu'elle soit considérée comme une novation fiscale, le but étant - comme le principe de la transformation dite « Fourgous » - d'éviter qu'elle ne conduise aux conséquences fiscales d'un dénouement du contrat. Quelle appréciation portez-vous sur cette proposition ?

La mission avait enfin jugé nécessaire d'adapter le cadre actuel de l'épargne retraite afin de corréler davantage couverture du risque vieillesse et couverture du risque dépendance. Elle avait ainsi envisagé de permettre la déductibilité des cotisations dépendance versées sur un contrat adossé à un contrat d'épargne retraite, dans les mêmes conditions et sous les mêmes limites que les versements sur le contrat d'épargne retraite. Cette mesure était prioritairement destinée aux jeunes actifs qui ne songeraient pas spontanément à constituer une telle couverture s'ils n'y étaient pas incités au travers de mécanismes de retraite complémentaire. Quel regard portez-vous sur cette piste ?

Quelles sont, selon vous, les mesures prioritaires devant être prises afin de contrer les effets négatifs de l'application des nouvelles normes issues de la directive Solvabilité II ?

M. Gérard Ménéroud, président du bureau de la commission plénière des assurances de personnes à la FFSA. - La FFSA a peu de divergences de fond avec les propositions de la mission. L'amélioration de l'information des assurés sur les produits d'assurance est effectivement une nécessité. Cette question a été abordée dans le cadre du groupe de travail mis en place par le ministère chargé du travail, mais n'a pas constitué une priorité. Les axes de réflexion ont davantage porté, d'une part, sur l'amélioration de la grille Aggir - un rapport sur ce sujet devrait être rendu à l'automne prochain - et, d'autre part, le socle commun sur lequel devraient reposer les contrats dépendance à l'avenir, à savoir la garantie d'une rente viagère minimale de 500 euros, un pilotage commun du risque, notamment s'agissant des règles de provisionnement, et enfin le plafonnement des aides en nature pouvant être proposées, dans la limite du montant de la rente minimale garantie.

La mise en place d'une table réglementaire d'incidence et de maintien en dépendance est une idée également intéressante, mais ne pourra voir le jour que d'ici 10 à 15 ans, faute d'un nombre suffisant de sinistres. Ainsi, depuis la mise sur le marché du premier contrat dépendance en 1986, 30 000 sinistres ont été enregistrés, ce qui reste trop peu pour construire une table réglementaire d'incidence.

M. Jean-Louis Faure. - Il est en effet difficile aujourd'hui, pour les instituts de prévoyance, de s'engager sur la garantie d'un panier de services à un horizon de vingt ou trente ans, compte tenu des incertitudes pesant sur l'évolution du coût de ces services, l'évolution de la prévalence des pathologies à l'origine de la dépendance et l'impact que pourraient présenter d'éventuels progrès scientifiques en la matière.

En revanche, nous pouvons nous engager sur une rente transformable en prestations de services. Etant donné le caractère concurrentiel du secteur des services à la personne, le coût de ces aides devrait être assez faible. Cependant, la fixation d'une rente minimale de 500 euros risque d'être insuffisante pour couvrir les besoins des personnes aux revenus les plus modestes.

S'agissant de l'élaboration d'une table réglementaire d'incidence et de maintien en dépendance, nous partageons les observations de la FFSA. Il conviendrait, en outre, de s'assurer de la compatibilité de la mise en place d'une telle table au niveau national avec le droit communautaire.

Enfin, le développement des produits d'assurance dépendance, notamment des contrats collectifs, nécessite un encadrement clair, à l'instar de ce qui a pu être mis en place en matière d'épargne retraite.

M. Jean-Martin Cohen Solal. - Une définition commune de la notion de dépendance est essentielle et doit être au coeur du partenariat-public-privé.

Pour la FNMF, les contrats dépendance doivent pouvoir proposer à la fois une sortie en rente et une offre d'assistance et de services en cas de survenance de la dépendance.

L'accent doit également être mis, d'une part, sur l'amélioration de l'accompagnement des personnes âgées dépendantes, ce qui passe par une rationalisation des modes de prise en charge et, d'autre part, sur le développement des actions de prévention qui permettent de retarder l'entrée en dépendance.

M. Christophe Ollivier, directeur du département Expertise à la direction des relations avec les mutuelles à la FNMF. - Les modalités d'intervention des acteurs privés et publics en matière de prise en charge des personnes âgées dépendantes sont assez différentes : alors que les assureurs agissent très en amont pour couvrir un risque futur par le biais de provisionnements, les pouvoirs publics - notamment les conseils généraux - interviennent à un moment donné pour répondre à un problème devenu immédiat par le biais de budgets fixés chaque année. Il est essentiel que le partenariat-public-privé en matière de prise en charge de la dépendance repose sur une superposition de ces deux modes de fonctionnement, plutôt que sur leur confrontation.

Un autre débat porte sur le champ des risques devant être couverts par les contrats dépendance : faut-il uniquement couvrir les risques de dépendance lourde ou également les risques de dépendance partielle ? Il convient, selon nous, de ne pas négliger la prévention, et donc la dépendance partielle, qui permet d'éviter une accélération du basculement dans les situations de grande dépendance.

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Quel est l'état d'avancement de vos réflexions sur la question de la portabilité des droits acquis par les assurés ? Il convient en effet de garantir aux salariés bénéficiant d'un contrat dépendance obligatoire de groupe une continuité de ses droits lorsqu'ils sont amenés à quitter l'entreprise.

M. Jean-Louis Faure. - La portabilité des droits est une préoccupation importante du CTIP. Pour quasiment tous les contrats que nous proposons - notamment les produits commercialisés par l'organisme commun des institutions de prévoyance (Orcip) -, des accords permettent d'assurer la continuité des droits des assurés. Ainsi lorsqu'un salarié, couvert par un contrat collectif obligatoire, quitte son entreprise, il peut continuer à abonder son contrat à titre individuel.

M. Bertrand Boivin-Champeaux, directeur Prévoyance et retraite supplémentaire du CTIP. - Des progrès ont par exemple été réalisés pour les avocats-salariés. Comme le souligne Alain Vasselle, la question de la continuité des droits est essentielle s'agissant des contrats obligatoires d'entreprise. Le CTIP a fait valoir ce point au sein du groupe de travail mis en place par le ministère chargé du travail.

M. Gérard Ménéroud. - La FFSA est également favorable à la proposition de la mission tendant à permettre aux personnes - notamment les plus âgées - qui le souhaitent d'orienter une part des sommes souscrites en assurance-vie vers une garantie dépendance sans que cette transformation ne soit considérée comme une novation fiscale, le but étant - comme le principe de la transformation dite « Fourgous » - d'éviter qu'elle ne conduise aux conséquences fiscales d'un dénouement du contrat.

La FFSA approuve également la piste tendant à permettre la déductibilité des cotisations dépendance versées sur un contrat adossé à un contrat d'épargne retraite, dans les mêmes conditions et sous les mêmes limites que les versements sur le contrat d'épargne retraite. Nous avions proposé, pour sensibiliser les plus jeunes, la création d'une aide à la souscription d'un tel contrat sous la forme d'une « chèque - dépendance ». Mais cette proposition n'a pas été retenue.

M. Philippe Marini, président. - Comment financer une telle mesure dans le contexte budgétaire actuel ?

M. Gérard Ménéroud. - En ce qui concerne le partenariat-public-privé, il faut effectivement déterminer des critères d'éligibilité communs aux prestations offertes en cas de dépendance, ainsi qu'un socle minimal de portabilité des droits. Comme Christophe Ollivier, je pense que d'importantes différences existent entre les modalités d'intervention des acteurs privés et des acteurs publics, dont tout le monde n'a pas encore pris la mesure : les assureurs apprécient davantage un état de dépendance que les services dont a besoin une personne dépendante.

M. Paul Blanc. - Le coût lié à la prise en charge de la perte d'autonomie dépendra surtout des revenus des personnes âgées et de leurs familles. Peu est à attendre des progrès en matière de télémédecine, contrairement à ce qui a pu être évoqué précédemment.

En ce qui concerne les contrats collectifs, un Centre communal d'action sociale (CCAS) ou un conseil général peut-il souscrire un tel contrat ?

M. Guy Fischer. - L'enjeu au coeur des débats d'aujourd'hui est finalement celui de l'articulation entre, d'une part, un financement individuel de la prise en charge de la dépendance par le bais de l'assurance et, d'autre part, un financement par la solidarité nationale. C'est le point de divergence essentiel de notre groupe politique avec les conclusions de la mission dans son rapport d'étape.

Compte tenu de l'évolution de la structure des entreprises, notamment des grandes entreprises et du phénomène de « filialisation », comment évoluent les négociations collectives sur les contrats obligatoires de groupe ?

Il convient de ne pas s'orienter, en matière d'assurance obligatoire, vers des solutions qui accentuent les inégalités sociales et remettent en cause notre pacte social.

M. Jean-Louis Faure. - Un CCAS peut effectivement souscrire un contrat collectif à adhésion facultative.

M. Gérard Ménéroud. - Il suffit que le souscripteur ait le pouvoir de souscrire un tel contrat.

M. Jean-Louis Faure. - Pour revenir à la question du président Guy Fischer, le droit du travail oblige les entreprises à négocier avec les partenaires sociaux les avantages dits liés aux salaires, notamment tout ce qui a trait à la prévoyance.

Or, dans la plupart des cas, lorsqu'il y a création d'une filiale, c'est le régime de la société-mère qui s'applique. Lors de rapprochements d'entreprises, un certain alignement sur le régime le plus favorable est souvent proposé dans un souci d'équité.

M. Gérard Ménéroud. - Il convient cependant de ne pas oublier la part de la population qui ne travaille pas en entreprise et qui ne peut donc souscrire de tels contrats. Leur sensibilisation doit passer par l'offre de contrats dépendance à souscription individuelle ou l'offre de contrats adossés à la couverture d'autres risques - maladie ou vieillesse.

M. Jean-Martin Cohen Solal. - La question de la portabilité des droits est étroitement liée à celle du caractère obligatoire ou facultatif de l'assurance dépendance. Si l'on estime que la dépendance représente un enjeu sociétal majeur et si l'on ne souhaite pas accentuer les inégalités sociales, alors il convient de prévoir une assurance obligatoire qui permet une mutualisation large des risques et donc de moindres cotisations, ceci d'autant plus que la souscription intervient tôt. C'est une question de nature politique.

M. Philippe Marini, président. - Cette idée commence en effet à trouver un certain écho. Mais la mission n'a pas retenu cette orientation. Elle constituerait en tout cas une manne financière importante pour les compagnies d'assurance.

M. Jean-Martin Cohen Solal. - La préoccupation de la Mutualité française est de faire face aux besoins de ses adhérents. C'est pourquoi, elle gère d'ailleurs des établissements accueillant des personnes âgées ou propose des services à la personne.

M. Gérard Ménéroud. - Une couverture obligatoire n'aurait de sens que si la dépendance était susceptible de toucher toute la population. Or tel n'est pas le cas : seuls 15 % d'une génération de personnes âgées de soixante ans connaîtront une perte d'autonomie avant leur décès et seulement 40 % d'une génération de personnes âgées de quatre-vingts ans.

Par ailleurs, l'ensemble de la population n'a pas, compte tenu de ses revenus ou de son patrimoine, besoin d'une couverture spécifique contre le risque dépendance.

Enfin, il faut noter que le marché de l'assurance dépendance est en train de se développer : aujourd'hui cinq millions de personnes ont souscrit un contrat d'assurance, la cible potentielle étant de vingt millions d'assurés.

M. Philippe Marini, président. - Les déplacements effectués à l'étranger par la mission ont permis de constater que le marché français était, de ce point de vue, assez mature.

M. Gérard Ménéroud. - Nous ne sommes donc pas favorables à une assurance obligatoire qui conduirait, par ailleurs, à la mise en place d'un « bureau central de tarification » ou à la création d'une cinquième branche.

M. Philippe Marini, président. - Je vous remercie de ces propos qui font preuve, selon moi, d'un sens des responsabilités.

M. Paul Blanc. - Pourtant, en matière d'assurance automobile, celle-ci est obligatoire alors que les accidents de voiture ne concernent pas toute la population.

Si une assurance obligatoire n'est pas mise en place, le coût de la prise en charge des personnes âgées dépendantes risque d'obérer les finances de nos départements.

M. Jean-Jacques Jégou. - Pour compléter la question de Paul Blanc, quel est, chaque année, le pourcentage de la population qui connaît un accident de voiture?

M. Gérard Ménéroud. - Il faut rappeler que seule l'assurance responsabilité civile est obligatoire. Dans ce cadre, ce n'est pas le propriétaire du véhicule, mais les tiers, victimes du dommage lié à la conduite, qui sont protégés.

Pour les personnes qui n'ont pas encore souscrit de contrats dépendance, nous sommes favorables au développement d'une aide financière, accordée sous conditions de ressources, sur le modèle de la couverture maladie universelle-complémentaire (CMU-c).

M. Philippe Marini, président. - Pour ce faire, une partie des avantages fiscaux liés à l'assurance vie ne peut-elle pas être redéployée ?

M. Gérard Ménéroud. - Le coût global des dépenses fiscales liées à l'assurance-vie est bien moindre que le coût du taux réduit de TVA appliqué dans le secteur de la restauration.

M. Philippe Marini, président. - L'un n'empêche pas l'autre.

M. Jean-Martin Cohen Solal. - Je voudrais revenir sur les chiffres donnés par Gérard Ménéroud. Sur les cinq millions de personnes ayant souscrit à ce jour un contrat dépendance, une partie importante est en fait couverte par une mutuelle santé qui inclut, de façon obligatoire, une couverture dépendance. Il ne s'agit pas d'un contrat obligatoire mais d'un « contrat à inclusion obligatoire ».

En matière de prise en charge de la dépendance, la solidarité nationale ne peut se limiter à de simples incitations à la souscription de contrats d'assurance.

M. Christophe Ollivier. - In fine, la prise en charge des personnes dépendantes qui n'auront pas pu souscrire un contrat d'assurance sera supportée par l'Etat.

Il convient enfin de souligner le caractère démultiplicateur des cotisations d'assurance comparativement aux interventions des pouvoirs publics : 8 euros investis dans l'Apa par les départements auraient correspondu à une cotisation d'assurance de seulement 1 euro.

Mme Agnès Canarelli, sous-directeur à la FFSA. - La question de la portabilité des droits soulève des difficultés techniques très importantes. De ce point de vue, les contrats dépendance ne peuvent être assimilés à des contrats d'épargne retraite.