Mercredi 6 octobre 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Contrôle budgétaire du financement et de l'organisation de la délocalisation de l'INSEE à Metz - Communication

Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission entend une communication de M. François Rebsamen, rapporteur spécial, sur le financement et l'organisation de la délocalisation de l'INSEE à Metz.

M. François Rebsamen, rapporteur spécial. - La délocalisation de l'INSEE à Metz a été annoncée il y a un peu plus de deux ans, en 2008, et j'en ai un souvenir très précis car j'étais avec son directeur général, Jean-Philippe Cotis, au moment où il apprenait la nouvelle. Il s'agit à présent d'examiner les conditions de financement et d'organisation d'une opération dont les enjeux peuvent être perçus sous deux aspects : d'une part la compensation légitime des effets de la révision générale des politiques publiques (RGPP) sur des territoires durement touchés par la restructuration des armées, la Moselle en particulier, et d'autre part le maintien de la qualité et de l'indépendance de la statistique publique. Dans un contexte où l'INSEE a perdu plus de 40 % de ses crédits de fonctionnement depuis 2008 et subi une diminution de 5,75 % de ses effectifs, le projet de loi de finances pour 2011 permet d'entrevoir un redressement des dotations de l'institut par une augmentation de 41 % des crédits de fonctionnement et une relative stabilité du plafond d'emploi, hormis le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux.

Après m'être entretenu de ce projet avec le directeur général et la secrétaire générale de l'INSEE, et après avoir visité la direction générale et les locaux de l'INSEE à Malakoff, je me suis rendu à Metz le 23 juin dernier afin de mieux évaluer l'état d'avancement du projet. J'ai pu mesurer toute l'importance donnée à cette opération par la ville de Metz et par les services de l'Etat. J'ai également reçu les organisations représentatives du personnel. Il m'a semblé utile de présenter ce point d'étape à l'heure où doit enfin se décider le choix de l'implantation immobilière du centre statistique de l'INSEE à Metz.

C'est le 2 septembre 2008 que le Président de la République a annoncé l'installation à Metz de 1 500 nouveaux emplois publics (dont 750 en provenance de l'INSEE et des services de la statistique dans les ministères) pour compenser, en partie, le départ de deux régiments et d'une base aérienne avant 2012 dans le cadre de la restructuration des forces armées.

La création d'un tel pôle statistique s'inscrit dans le cadre d'une opération de délocalisation plus vaste, impliquant des établissements publics et différents ministères : la défense, l'éducation nationale, la sécurité sociale, un centre interministériel de renseignements administratifs, etc. En application de cette décision présidentielle, le Premier ministre a demandé le 17 septembre 2008 à Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE, et à Jean-Pierre Duport, vice-président du conseil national de l'information statistique (CNIS), de réaliser un rapport pour préciser les contours, les effectifs et l'organisation d'un centre statistique à Metz.

Le rapport « Cotis-Duport » a été remis le 2 décembre 2008 au Premier ministre qui a décidé, en janvier 2009, la création du centre statistique de Metz sur la base de ces propositions : il ne s'agit pas d'une délocalisation de la direction générale de l'INSEE située à Malakoff, où plus de 1 000 personnes travaillent pour la production de données, les études et la recherche, mais plutôt de la création d'une nouvelle entité. La partie la plus importante du centre de Metz serait constituée à partir du transfert de services spécialisés dans plusieurs types de travaux actuellement réalisés à l'INSEE, mais également de services statistiques ministériels. Ils seront regroupés et organisés autour de quatre piliers : les statistiques sociales et locales, la gestion des ressources humaines, l'informatique avec la mise en place d'un « data center » et les produits de diffusion avec la création d'un centre de conservation du patrimoine. En outre, il était également prévu de créer directement sur place un centre de collecte multimodal (plateforme d'enquêtes) et un centre de formation aux statistiques européennes afin de bénéficier de la proximité géographique avec EUROSTAT situé au Luxembourg.

Un objectif de 750 délocalisations de postes à Metz avait été annoncé, dont environ 625 pour l'INSEE (500 provenant du service statistique public et 125 recrutés sur place). Le calendrier de déploiement prévoit une installation progressive : tout d'abord, 15 personnes dès 2010 et trois vagues successives de 270 personnes en 2011, puis 170 en 2012 et en 2013. En outre, environ 125 postes dits « en adhérence » avec l'INSEE sont prévus, en provenance des ministères en charge du travail et de la santé.

La satisfaction du besoin immobilier, évalué dans le rapport « Cotis-Duport » entre 9 000 et 11 000 m2 de surface utile pour accueillir de 625 à 750 personnes (entre 12 000 et 15 000 m2 de surface hors oeuvre nette), était orientée de préférence vers la construction d'un bâtiment neuf dans la ZAC de l'Amphithéâtre qui jouxte la gare et le centre Pompidou-Metz.

Afin de lancer le projet dans sa phase opérationnelle, l'INSEE a nommé, en février 2010, un directeur de programme pour la création du centre statistique de Metz. Parallèlement, le service des affaires budgétaires et immobilières du secrétariat général des ministères en charge de l'économie et du budget assure le pilotage de l'implantation immobilière. In fine, c'est lui qui assumera la charge financière de l'opération immobilière, avec toutefois un impact à prévoir sur les crédits de personnels et de fonctionnement de l'INSEE. Je précise que cet impact n'est pas encore chiffré et que la programmation triennale des finances publique devra donc tenir compte de cet élément, s'agissant des crédits du programme « Statistiques et études économiques » de la mission « Economie ».

Dans la perspective du déploiement d'une première vague consistante de postes dès 2011, soit 270 personnes selon le schéma initial, l'INSEE a organisé, le 15 septembre dernier, un comité directeur qui est venu redéfinir le rythme des affectations à venir : d'abord 93 postes en 2011, puis 179 en 2012 et 163 en 2013. Soit au total 435 postes au lieu des 625 prévus en 2013. Dans ce nouveau calendrier, ni le centre de collecte multimodale, ni le centre de formation aux statistiques européennes ne sont prévus au cours de la période 2011-2013, leur installation n'étant envisagée que dans le cadre du bâtiment définitif. De fait, l'absence à ce jour de locaux identifiés et disponibles pour accueillir les agents de l'INSEE, dès 2011, est un obstacle au déroulement de la délocalisation dans le calendrier initialement prévu. Ce problème immobilier, que j'ai déjà soulevé l'année dernière lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, se pose de manière cruciale car toutes les parties prenantes (Etat, municipalité et INSEE) constatent que l'offre de locaux de bureaux à louer manque à proximité de la gare de Metz. Or, ce critère est essentiel pour les premières années de la délocalisation où les déplacements vers Paris demeureront nombreux.

En outre, l'INSEE prévoit également que les délocalisations de postes devront s'adosser à un «  dispositif d'accompagnement de grande ampleur » : notamment des mesures de nature financière (primes de restructuration et reconversion, allocations d'aide au conjoint, indemnités temporaires de mobilité, etc.).

Pour en venir plus précisément au volet immobilier de l'installation, j'ai constaté que l'administration s'était très tôt engagée dans la voie de la réhabilitation de locaux anciens au détriment de l'étude d'une construction neuve. J'ai eu confirmation de cette orientation lors de ma visite à Metz et de l'audition du chef du service des affaires budgétaires et immobilières de Bercy.

Parmi les solutions possibles, le rachat de la direction régionale de la SNCF a fait l'objet d'un arbitrage interministériel favorable face à deux autres options de reprise (la caserne Asfeld ou les bâtiments de la SEITA), et à la proposition de construction d'un bâtiment neuf dans la ZAC de l'Amphithéâtre dont le dossier, alors présenté par la Ville de Metz et estimé à 55 millions d'euros, n'était pas encore finalisé.

Pour l'heure, le coût immobilier global de l'implantation de l'INSEE dans les locaux de la direction régionale de la SNCF est estimé à environ 50 millions d'euros, pour une surface utile de 8 331 m2 (au lieu de 9 000 à 12 000 m2 prévus dans le rapport « Cotis-Duport »). En outre, la durée de l'opération s'étalerait sur 51 mois, y compris le déroulement des études et le choix des prestataires. La difficulté réside dans le fait qu'il s'agit d'une opération à « tiroirs », dans laquelle l'on déménagerait 400 personnes de la SNCF, qui devraient être également relogées ailleurs à Metz, pour accueillir ensuite 625 personnes de l'INSEE, à la fin des travaux, en 2014. Tout ceci donnerait lieu à un chassé-croisé dans un contexte où l'offre de locaux de bureau en location est rare.

Plus précisément, l'opération de réhabilitation des locaux de la SNCF, sur laquelle j'ai émis des réserves, implique d'une part une acquisition auprès de la SNCF (8 millions d'euros), d'autre part des travaux de restructuration très importants, de démolition d'un bâtiment de type « Pailleron », de construction d'un bâtiment neuf avec des parkings en sous-sol (34,3 millions d'euros) et également la location de bureaux pendant toute la durée des travaux (7,2 millions d'euros). Ce coût total est estimé à 49,5 millions d'euros sur la base d'un coût de travaux évalué par France Domaine à 1 300 euros/m2 (SHON).

Or, pour connaître les risques qui entourent toute opération de réhabilitation dans l'ancien, votre rapporteur spécial ne peut s'empêcher de considérer qu'il s'agit d'une estimation basse du coût des travaux. De plus, la visite des lieux a mis en évidence, pour le directeur du programme de l'INSEE, la nécessité de revoir très substantiellement l'organisation et le cloisonnement des bureaux. J'ai pu constater que les agents de la SNCF travaillent dans de grands bureaux prévus pour quatre personnes, alors que l'organisation du travail de l'INSEE fait davantage appel à des bureaux individuels ou prévus pour accueillir deux personnes. Cette source de surcoût ne me semble pas avoir particulièrement été prise en compte par France Domaine dans l'estimation des travaux. Néanmoins, on m'a opposé l'argument selon lequel le choix de l'ancienne gare SNCF était motivé par le seul critère financier, l'emplacement de celle-ci et celui de la ZAC de l'Amphithéâtre par rapport à la gare étant équivalent. Pour autant, ce choix ne garantit ni la meilleure utilisation des deniers publics, ni la meilleure adéquation aux besoins de l'INSEE.

Il me semble donc que la nouvelle proposition de la Ville de Metz devrait présenter des atouts déterminants : une synergie évidente en terme d'attractivité avec la proximité immédiate du centre Pompidou-Metz, une réalisation emblématique pour l'INSEE à travers une construction neuve (de nombreux exemples locaux montrent que les budgets contraints n'empêchent pas une certaine originalité architecturale et des bâtiments à basse consommation énergétique). Il convient de rappeler que le rapport « Cotis-Duport » préconisait d'emblée une telle solution. Le développement économique local et l'attractivité du territoire militent également en ce sens.

Naturellement, une telle implantation doit être financièrement soutenable. De ce point de vue, ce projet présenterait les avantages suivants : il serait réalisé dans des délais plus courts (la première pierre pourrait être posée avant la fin 2010 et une partie des locaux serait achevée dès septembre 2012 pour accueillir la seconde vague de délocalisation directement dans les locaux définitifs) ; il serait réalisé sur une surface plus conforme à l'objectif initial du projet (environ 12 000 m2 de SHON pour 35,5 millions d'euros hors taxes, soit 42,5 millions d'euros toutes taxes comprises) et son coût global serait inférieur à 50 millions d'euros, notamment si l'on considère les économies qui seraient réalisées sur la location de locaux de bureaux. L'ensemble de ces éléments nouveaux mérite un réexamen sérieux du choix de la construction neuve pour l'implantation du futur centre statistique de l'INSEE.

M. Jean Arthuis, président. - Pourquoi la reprise d'une des casernes a-t-elle été écartée ?

M. François Rebsamen, rapporteur spécial. - Le ministère de la défense souhaite conserver les casernes Ney et Séré de Rivière, cette dernière devant être occupée par un régiment actuellement stationné en Allemagne. Il restait la caserne Asfeld, mais l'exigüité des lieux exigeait une profonde réhabilitation ainsi que l'acquisition de terrains supplémentaires en centre ville, avec un délai de réalisation estimé à 57 mois.

Pour en revenir à l'orientation de mes travaux, je voudrais souligner qu'il ne s'agit pas de remettre en cause le projet de délocalisation de l'INSEE à Metz. Quelles qu'en soient les motivations politiques, il apparaît légitime que l'ensemble des services de l'Etat se mobilise pour l'application, au profit des territoires, d'une telle décision gouvernementale. Toutefois, je souhaite formuler quelques constats et recommandations sur les conditions de mise en oeuvre de cette opération. Il faut, en la matière, veiller à la meilleure utilisation des moyens financiers, mais également à ne surtout pas désorganiser la statistique publique par un calendrier de délocalisation trop complexe et étiré dans le temps.

S'agissant de mes premiers constats, il apparaît très nettement que la manière dont se déroule le projet ne répond pas complètement aux préconisations du rapport « Cotis-Duport », ni en termes de calendrier de transfert des effectifs, ni de contenu fonctionnel de la future implantation. Les objectifs ont été revus à la baisse, en grande partie à cause de la présélection des locaux de la SNCF qui ne seraient pas disponibles avant 2014 et trop exigus pour accueillir certains « éléments phares » du futur pôle statistique, tels que le centre de valorisation du patrimoine documentaire de l'INSEE (il manque 2 000 m2) ou, simplement, un restaurant pour le personnel.

J'en viens maintenant à mes recommandations d'étape. En premier lieu, il m'apparaît sage de suspendre en l'état la reprise des locaux de la SNCF pour étudier les conditions dans lesquelles une construction neuve répondrait mieux aux besoins de l'INSEE. A cet égard, il importe que tous les acteurs du dossier disposent des mêmes critères de sélection, tout en veillant à la meilleure utilisation des deniers publics. Ensuite, cette opération complexe et « à tiroirs » justifie que le calendrier des travaux soit le plus réduit possible, voire que la délocalisation des agents s'effectue à partir de 2012, directement dans des locaux neufs, afin d'éviter les phases de transition et de déménagements, et afin également de dénouer la crise sociale qui agite l'INSEE sur ce projet.

Enfin, je conclurai cette communication d'étape en indiquant que les conditions de réussite de ce projet restent à réunir. En effet, les trois objectifs assignés par le Premier ministre en septembre 2008 demeurent pleinement d'actualité. Il s'agit, premièrement, d'apporter de l'attractivité au territoire, deuxièmement, de réduire le coût de gestion, notamment immobilière de l'administration, troisièmement, d'améliorer le fonctionnement des services publics par une meilleure efficacité et une meilleure efficience.

Si le premier point ne semble pas soulever d'objection - la création du centre statistique de l'INSEE à Metz est certainement une chance pour la Moselle -, en revanche, les perspectives de réduction du coût de gestion et d'amélioration du fonctionnement des services publics ne me semblent pas encore perceptibles. Aucune des libérations de locaux planifiées à Malakoff n'est liée à la délocalisation à Metz. A la décharge de l'administration, celle-ci est légitimement trop accaparée par la conduite de l'opération de délocalisation proprement dite pour être en mesure de chiffrer de tels objectifs à moyen ou long termes.

A court terme, il n'est, en revanche, pas exclu qu'une telle opération soit source de surcoût. C'est pourquoi, je veillerai à ce que le financement du projet soit garanti en loi de finances et en loi de programmation des finances publiques avant de me prononcer sur le budget de la mission « Economie ». Il s'agit de garantir le maintien de la qualité et de l'indépendance de notre statistique publique. Dans la suite de ma mission et lorsque le lieu d'implantation sera connu, je suivrai attentivement les conditions d'organisation de la délocalisation des agents ainsi que son impact sur les implantations régionales de l'INSEE.

M. Jean Arthuis, président. - Ce rapport illustre les difficultés de mise en oeuvre d'une décision politique.

M. Philippe Dallier. - Qu'adviendra-t-il des bâtiments de l'INSEE situé à Malakoff et est-il possible de rechercher des économies sur la libération de locaux ?

M. François Rebsamen, rapporteur spécial. - La direction générale de l'INSEE demeurera dans le principal immeuble situé à Malakoff, le long du périphérique, qui reste la propriété de l'Etat. En revanche, un second bâtiment en location, dit « MK2 », sera libéré pour des raisons qui ne sont pas liées à l'implantation à Metz mais à la réorganisation du groupe des écoles nationales d'économie et statistique (GENES) que l'école nationale de la statistique et de l'administration économique (ENSAE) rejoindra sur le plateau de Sarclay.

Mme Nicole Bricq. - Je souscris aux constats et aux recommandations de notre rapporteur et partage sa crainte sur les surcoûts qui entourent généralement les projets de réhabilitation dans l'ancien, sans compter l'impact financier des mesures d'accompagnement qu'il conviendra de chiffrer. J'ajoute, sur la base de mon expérience en tant que rapporteure sur la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat, que le pilotage de telles opérations demeure mal maîtrisé par France Domaine.

M. Éric Doligé. - Effectivement, il conviendra de s'assurer du contenu de ces mesures d'accompagnement et notamment de leur coût.

M. Jean Arthuis, président. - Il ne faut pas sous-estimer le prix à payer pour vaincre les résistances au changement. Par ailleurs, il faut reconnaître que la gestion patrimoniale de l'Etat n'est pas optimale.

M. François Rebsamen, rapporteur spécial. - Un comité directeur de l'INSEE s'est réuni le 15 septembre et a fait part aux syndicats, le 22 septembre, des conditions de montée en charge de la délocalisation. Il y est question, je cite, « d'un dispositif d'accompagnement de grande ampleur » en matière financière, avec toute une gamme de primes, et d'appui à l'installation des familles. Cela demeure, semble-t-il, en négociation.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Quel est le différentiel du coût du logement entre Metz et Paris ?

M. François Rebsamen, rapporteur spécial. - D'évidence, la différence est considérable. J'ajoute que cet élément ne jouera pas pour tous les agents de l'INSEE car 120 personnes seront recrutées sur place.

M. François Fortassin. - Il me semble que le coût du projet de réhabilitation est prohibitif et que celui de la construction neuve reste élevé, même s'il est globalement plus réduit. Ne pourrait-on pas fixer une limite en termes de prix au m2 ?

M. François Rebsamen, rapporteur spécial. - Effectivement, le prix proposé par les promoteurs demeure élevé. En revanche, le sérieux de leur offre ne peut être remis en cause, d'autant qu'il comprend une livraison « clé en main », incluant le foncier. Toutefois, il y a, me semble-t-il, des marges d'ajustement sur ce dossier car je précise que la ville de Metz n'a reçu que très tardivement, le 22 septembre dernier, le cahier des charges élaboré par l'administration.

M. Jean Arthuis, président. - Ne risque-t-il pas à terme d'y avoir plus d'emplois à cause des recrutements ?

M. François Rebsamen, rapporteur spécial. - La délocalisation des agents est basée sur le volontariat ; c'est pourquoi l'INSEE a prévu des recrutements locaux notamment pour les agents de catégorie C. Le plafond d'emplois n'augmentera pas et il reste soumis à la règle de non remplacement d'un départ à la retraite sur deux.

M. Adrien Gouteyron. - Il sera intéressant de chiffrer le montant des loyers des locaux libérés par l'INSEE.

M. François Rebsamen, rapporteur spécial. - Après ce rapport d'étape, je poursuivrai mes travaux afin de répondre à ces questions. Mais je voudrais insister sur le fait que l'ensemble de ces problèmes ne trouvera de solution qu'à la condition que se débloque le dossier immobilier de la délocalisation.

A l'issue de ce débat, la commission des finances donne acte à M. François Rebsamen, rapporteur spécial, de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Conventions fiscales - Examen du rapport

Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Adrien Gouteyron, rapporteur, sur les projets de loi :

- n° 741 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Grenade relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 742 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 743 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Vincent-et-les-Grenadines relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 744 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Christophe-et-Niévès relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 745 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Vanuatu relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 746 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- et n° 2587 (AN - XIIIème législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d'Antigua et Barbuda relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur. Comme l'écrivait Marcel Proust, « les vrais paradis sont les paradis qu'on a perdus »... Notre commission a déjà examiné, depuis le début de l'année, vingt et un accords ou avenants à des conventions relatifs à l'échange de renseignements en matière fiscale. Elle est aujourd'hui saisie de sept nouveaux projets de loi visant à ratifier autant d'accords d'échange d'informations conclus, respectivement, avec Antigua et Barbuda, la Grenade, Saint Christophe et Niévès, Sainte Lucie, Saint Vincent et les Grenadines, l'Uruguay, enfin le Vanuatu.

Il s'agit de territoires ou d'Etats à la fiscalité très allégée. Ils ont passé avec la France un accord d'échange de renseignements en vue de satisfaire à la norme établie par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui requiert la signature de douze accords ou clauses équivalentes pour ne plus apparaître sur la liste, dite « grise », des Etats non coopératifs.

Les accords en cause sont identiques. Chacun d'entre eux tend à donner à la France la possibilité de demander, aux autorités de l'autre Etat contractant, tous les renseignements pertinents pour la bonne application de notre droit fiscal par nos administrations ou nos tribunaux. Il convient de préciser que notre pays, dans le cadre de la négociation, n'a accordé aucune contrepartie à ses cocontractants.

Il n'est pas possible d'estimer, même en termes d'ordre de grandeur, la part de la fraude fiscale qui impliquerait des opérateurs profitant de la faiblesse actuelle du dispositif d'échange de renseignements. Toutefois, on peut raisonnablement supposer que le risque d'évasion est significatif, eu égard à la structure de l'économie et à l'organisation fiscale des pays en cause. La ratification de ces accords est donc nécessaire.

Je signale que l'obligation de transmettre des renseignements pertinents à la partie requérante ne se déclenche que sur la demande écrite de celle-ci. L'objet de cette demande doit être relatif à la détermination, à l'établissement, au contrôle ou à la perception des impôts, au recouvrement ou à l'exécution des créances fiscales, aux enquêtes ou aux poursuites en matière fiscale. Les accords prévoient quelques dérogations, strictement encadrées, qui interdisent toute transmission de renseignements qui violerait, notamment, l'ordre public ou le secret commercial. Les droits des contribuables sont protégés, car l'échange doit respecter la confidentialité des données transmises et celles-ci ne peuvent être utilisées qu'aux fins fixées par l'accord, c'est-à-dire pour résoudre un problème fiscal.

Ce dispositif est conforme à l'accord cadre de l'OCDE publié en 2002. Sur certains points, ils sont même plus exigeants que ce modèle, à la demande de la France. Notre pays, en particulier, a imposé une définition plus exhaustive des impôts visés.

Cependant, comme vous l'aurez compris, si je me félicite que, dans le contexte de la crise financière, le Gouvernement français ait entrepris de lutter contre les paradis fiscaux, je me garde, bien sûr, de tout angélisme face aux accords signés. Il conviendra de rester vigilant sur le caractère effectif de la mise en oeuvre de ces accords par nos partenaires.

Dans cette perspective, les évaluations que conduit actuellement le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements en matière fiscale constituent un outil précieux. En effet, il est apparu indispensable que le principe de transparence fiscale fixé par l'OCDE ne soit pas détourné de sa finalité par les Etats figurant sur la liste « grise », grâce à la simple signature formelle de douze accords, notamment entre paradis fiscaux. En conséquence, un contrôle par les pairs, destiné à apprécier l'effectivité des accords signés ces derniers mois, a été lancé par le Forum mondial en 2009.

Il s'agit d'évaluer les progrès effectués par les Etats en deux phases. En premier lieu, sont examinées la pertinence du réseau conventionnel, la sincérité des accords ainsi que l'adaptation du cadre législatif aux échanges d'informations. Dans une seconde phase, un bilan qualitatif et quantitatif des échanges effectués est dressé.

Depuis mars 2010, dix-huit Etats font l'objet d'une telle évaluation, dont la France. Les premiers résultats, concernant la première phase d'évaluation, ont été publiés le 30 septembre dernier ; ils visent les Bermudes, le Botswana, les Iles Caïman, l'Inde, la Jamaïque, Monaco, le Panama et le Qatar. La seconde phase de l'évaluation, qui se conclura par un bilan, devrait avoir lieu d'ici 2012.

C'est au bénéfice de ces observations que je vous propose d'adopter dès aujourd'hui six des sept projets de loi tendant à autoriser les accords précités. En effet, l'examen par l'Assemblée nationale du septième projet de loi, relatif à l'accord entre la France et Antigua et Barbuda, qui devait être adopté avec les autres le 30 septembre dernier, a été reporté au 7 octobre, c'est-à-dire demain. En accord avec le Président Arthuis, je n'ai pas souhaité différer l'examen en commission de ce projet de loi, mais nous ne pourrons l'adopter, formellement, que la semaine prochaine. Pour ce texte, je vous propose donc, aujourd'hui, une adoption « sous réserve ».

Je vous indique, par ailleurs, que la Conférence des présidents a décidé que ces textes seront examinés, en séance publique, selon la procédure d'examen simplifié prévue par l'article 47 decies du règlement du Sénat.

M. Jean Arthuis, président. Merci, cher collègue. J'indique à la commission que nous devrions auditionner, dans les prochaines semaines, François d'Aubert, président du groupe d'évaluation du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements en matière fiscale, dont le rapporteur vient d'évoquer les travaux.

Mme Nicole Bricq. Le débat que le Sénat a tenu lors de sa séance du 30 septembre dernier, à l'occasion de l'examen d'avenants aux conventions fiscales qui lient la France au Luxembourg, à la Belgique et à la Suisse, a permis de faire le point sur la politique de notre pays en faveur de la lutte contre les paradis fiscaux. J'ai bien entendu les arguments du Gouvernement, invoquant la nécessité d'un accord européen, en ce qui concerne la mise en place d'échanges automatiques de renseignements ; je le conçois parfaitement. En revanche, je répète ici qu'il est possible de progresser sur le terrain de la transparence, notamment en matière comptable.

À ce titre, le Parlement devrait être mis à même de contrôler les travaux de la cellule de régularisation des situations de fraude fiscale, installée par le ministre du budget et placée sous l'autorité d'un magistrat. On devrait pouvoir disposer d'un bilan en ce domaine, par exemple en annexe au prochain projet de loi de finances. Quels ont été les résultats de l'opération, notamment quant à l'application des sanctions prévues par le législateur ?

Nous avions la possibilité d'avancer utilement dans cette direction, lors de l'examen par le Sénat du projet de loi de régulation bancaire et financière. Or l'amendement que j'avais déposé afin d'exiger des banques une certaine transparence comptable a été rejeté. J'observe que c'est à présent l'Assemblée nationale qui se saisit du sujet, en approfondissant l'examen de la convention concernant Antigua et Barbuda.

M. Jean Arthuis, président. Cette convergence de l'intérêt des deux chambres du Parlement me paraît constituer un encouragement à poursuivre nos propres travaux relatifs aux paradis fiscaux. Cependant, il ne faut pas perdre de vue les exigences du secret fiscal et de la protection de certaines données, dont la divulgation pourrait nuire fortement à la réputation et, par suite, à l'activité des entreprises. Notre démarche, à cet égard, doit rester empreinte de toute la prudence requise.

En revanche, il revient naturellement au rapporteur de mettre en oeuvre les diligences de contrôle qui lui permettront de rendre compte à la commission du degré d'effectivité des conventions conclues, par la France, en vue d'assurer un échange d'informations en matière fiscale.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur. Je rejoins tout à fait votre avis, Monsieur le Président. Je suis bien évidemment disposé à entreprendre ce contrôle et à mener, avec vous-même et, le cas échéant, ceux de nos collègues qui s'intéressent de près au sujet, les investigations nécessaires.

Mme Nicole Bricq. Il va de soi que la confidentialité est souvent de mise, en la matière ; et les rapporteurs spéciaux savent la respecter ! Dans l'annexe au projet de loi de finances que j'envisageais, il ne s'agirait pas de livrer des noms d'établissements financiers, mais de fournir des statistiques sur l'activité de la cellule de régularisation : quelle a été l'étendue du contrôle, pour quelles suites ? Ce rapport du Gouvernement est nécessaire au Parlement pour fonder son appréciation de la politique de lutte menée contre les paradis fiscaux.

M. Jean Arthuis, président. Je pense, pour ma part, que c'est aux parlementaires d'établir des rapports, à partir des contrôles qu'ils mènent. Poursuivons donc nos investigations, et nous pourrons alors faire les recommandations et propositions utiles.

La commission adopte le rapport.

Elle adopte les six projets de loi tendant à autoriser l'approbation des accords relatifs à l'échange de renseignements en matière fiscale entre la France et la Grenade, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Saint-Christophe-et-Niévès, le Vanuatu et l'Uruguay.

Elle décide de surseoir à l'adoption du projet de loi tendant à autoriser l'approbation de l'accord relatif à l'échange de renseignements entre la France et Antigua et Barbuda, dans l'attente de sa transmission par l'Assemblée nationale.

Contrôle budgétaire sur la réorganisation administrative des services centraux du ministère de l'outre-mer - Communication

La commission entend ensuite une communication de M. Marc Massion, rapporteur spécial, sur la réorganisation administrative des services centraux du ministère de l'outre-mer.

M. Marc Massion, rapporteur spécial. - Le contrôle sur pièces et sur place dont je vous rends compte aujourd'hui a une double origine.

D'une part, en tant que rapporteur spécial de la mission « Outre-mer », co-rapporteur avec notre collègue Eric Doligé de la loi pour le développement économique des outre-mer - la LODEOM - et membre de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer, je me suis confronté à de multiples reprises à des difficultés pour obtenir des informations fiables et précises sur nos territoires ultramarins. L'administration centrale du ministère ne semblait pas, en effet, en mesure de les apporter.

D'autre part, la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques - la RGPP - mérite en soit d'être étudiée. Et elle s'est appliquée avec force à l'administration centrale de l'outre-mer.

Le rapport que je vous présente aujourd'hui a donc pour but de faire le point sur la réforme de cette administration, qui a été mise en oeuvre de 2007 à 2009. Il confronte les objectifs affichés initialement par la RGPP avec ses résultats effectifs. Il vise également à faire le point sur la capacité de l'administration centrale de l'outre-mer à satisfaire les besoins exprimés tant par les parlementaires que par les élus locaux et les populations locales en matière de gestion des politiques outre-mer.

Je vais donc articuler mon propos en trois parties :

- premièrement, je reviendrai rapidement sur la genèse de la réforme de l'administration centrale de l'outre-mer, dans le contexte de la RGPP ;

- puis, après avoir décrit les modalités, et notamment les lacunes, de la mise en oeuvre de la réforme, je détaillerai en quoi elle s'est éloignée des préconisations initiales de la RGPP ;

- enfin, je vous présenterai des pistes de réflexion pour donner à l'administration centrale de l'outre-mer les moyens de ses ambitions.

Comment est née la réforme de l'administration centrale de l'outre-mer ?

La nécessité de réformer l'administration centrale de l'outre-mer préexistait à la RGPP. Cette administration présentait des défauts régulièrement pointés tant par les rapports parlementaires que par la Cour des comptes.

Premier défaut : l'administration centrale était composée de deux directions : la direction des affaires politiques, administratives et financières (la DAPAF) et la direction des affaires économiques, sociales et culturelles (la DAESC). Or, en pratique, il n'y avait aucune répartition claire des sujets entre les deux directions, qui intervenaient souvent de manière concurrente.

Deuxième défaut : cette administration était d'une extrême complexité. S'ajoutaient aux deux directions des secrétariats, bureaux, départements, missions, services, divisions, etc. Autant de structures ad hoc mal identifiées et peu efficaces.

Troisième défaut : l'administration centrale outre-mer était dans l'incapacité persistante d'évaluer les politiques publiques en outre-mer. C'était le constat de notre commission sur l'évaluation des dispositifs de défiscalisation. La mission commune d'information sur la situation des DOM a constaté un manque général d'évaluation.

Enfin, dernier défaut : l'administration centrale dans son ancienne version s'est avérée incapable d'exercer sa mission de coordination interministérielle. Elle n'était pas reconnue et mal intégrée aux ministères techniques, alors même qu'elle a une vocation interministérielle évidente.

Une première réforme, amorcée en 2007, a avorté du fait de l'élection présidentielle. En effet, le choix a alors été fait de rattacher les deux directions de l'outre-mer au ministère de l'Intérieur. L'ancien projet de réforme était donc caduc.

La RGPP a relancé la réforme de cette administration centrale avec des objectifs à la fois qualitatifs et quantitatifs. D'une part, faire de cette administration une administration de mission, c'est-à-dire la décharger de la gestion de dispositifs budgétaires techniques qu'elle n'a pas les moyens d'assurer. Cette évolution devait s'accompagner d'une réorientation et d'une réduction des dépenses de fonctionnement de l'administration. D'autre part, si, dans un premier temps, les auteurs de la RGPP avaient fait le choix d'un rattachement de l'outre-mer au Premier ministre, ils n'ont finalement pas affiché, dans les conclusions de la RGPP, cette préconisation, qui avait pourtant leur préférence.

Les objectifs de la réforme apparaissaient donc louables. Comment a-t-elle été mise en oeuvre en pratique par rapport à ces objectifs ?

Premier constat : la réforme a été d'une très grande ampleur et s'est faite en seulement treize mois, entre le 31 mai 2007 - date de publication du décret relatif aux attributions des ministres - et le 9 juillet 2008 - date de création officielle de la nouvelle « Délégation générale à l'outre-mer » - la DéGéOM - qui remplace les deux anciennes directions.

Deuxième constat : le manque de préparation de la réforme. Le ministère reconnaît un manque d'anticipation des conséquences de la réforme, un dispositif de suivi individualisé des agents sous-dimensionné et l'absence d'instance de pilotage de la réforme. Tout cela alors que, pendant cette période, l'ensemble des postes de l'ancien périmètre de l'administration outre-mer faisaient l'objet d'un avis de vacance, ce qui traduit bien l'ampleur de la réforme. Il en a résulté des absurdités, comme certains fonctionnaires qui apprenaient par mail l'appel à candidatures sur le poste qu'ils occupaient depuis des années.

Ces difficultés ont été accrues dans un contexte difficile : trois délégués généraux qui se succèdent en quinze mois à la tête de l'administration, la crise sociale aux Antilles avec la mise en oeuvre des Etats généraux de l'outre-mer et l'examen au Parlement de la LODEOM, qui aurait nécessité une administration de soutien pleinement mobilisée.

Il a résulté de ce processus une mise en oeuvre de la réforme qui s'est largement éloignée des préconisations initiales de la RGPP.

Le choix d'une administration de mission a été abandonné. Au total, avec les mesures décidées suite aux Etats généraux, le montant des crédits gérés par la DéGéOM a même augmenté par rapport à l'avant-réforme.

Malgré cela, les moyens humains affectés à la DéGéOM pour le pilotage et la gestion des crédits ont été rationalisés, passant de 25 à 8,5 en équivalents temps plein travaillé. Le ministère indique toutefois que compte tenu de l'inscription de nouvelles dépenses au budget de la mission « Outre-mer », cet effectif devra vraisemblablement être augmenté.

Enfin, malgré une préférence des auteurs de la RGPP pour un rattachement de la DéGéOM au Premier ministre, préconisé depuis plusieurs années par les rapports de notre assemblée, l'administration outre-mer se retrouve finalement ancrée auprès du ministère de l'Intérieur, ce qui rend plus difficile l'exercice de sa mission interministérielle.

Suite à ce constat, et pour terminer ma présentation, je souhaiterais formuler des préconisations pour donner à l'administration centrale de l'outre-mer les moyens de ses ambitions.

Sur le plan financier, la réforme est un succès. Le rattachement de la DéGéOM au ministère de l'Intérieur a produit des économies d'échelle. On peut les chiffrer à 4 millions d'euros en autorisations d'engagement, 2 millions d'euros en crédits de paiement et 37 emplois. Au-delà des effets mécaniques de ce rattachement, l'administration centrale outre-mer a vu ses effectifs diminuer de plus de 30 %, passant de 190 à 132.

Il en résulte toutefois une administration qui peut difficilement exercer les missions que la RGPP voulait lui confier. Elle est aujourd'hui déstabilisée par un taux de remplacement global des effectifs qui s'est élevé à 44 %. A terme, seuls 3,5 équivalents temps plein devraient être en charge de l'évaluation des politiques publiques, alors que la RGPP visait l'objectif d'un service entier consacré à cette mission et regroupant trente personnes.

Comment remédier à ces effets pervers de la réforme ?

Je maintiens le souhait que la DéGéOM soit rattachée au Premier ministre, sur le mode du secrétariat général aux affaires européennes. Cela paraît essentiel à l'exercice d'une réelle mission interministérielle. Le ministère de l'Intérieur s'avère en pratique très peu impliqué dans les sujets ultramarins.

Il faut également améliorer la coopération entre la DéGéOM et les ministères référents, en créant un réseau de l'outre-mer formalisé et stable de correspondants, qui fait aujourd'hui gravement défaut.

Les leçons doivent être tirées de la désastreuse gestion des ressources humaines lors de la réforme. Elle doit faire place à une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, d'autant plus indispensable que la nouvelle DéGéOM fait largement appel à l'expertise de fonctionnaires issus d'autres ministères.

Enfin, il me paraît encore possible et fortement souhaitable de faire avancer la DéGéOM sur le chemin d'une administration de mission. Comment expliquer, par exemple, que l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna soit intégralement gérée par des fonctionnaires de la DéGéOM, qui reconnaissent n'avoir aucune expertise en ce domaine, plutôt que par le ministère de la santé ? Cela permettrait de dégager des effectifs pour les missions essentielles d'évaluation des politiques publiques et notamment des dispositifs de défiscalisation.

En conclusion, je souhaitais vous indiquer que l'ensemble des interlocuteurs que j'ai rencontrés, qu'ils fassent partie de la DéGéOM, du cabinet de la ministre ou des inspections générales, ont plaidé pour un renforcement des effectifs de la délégation. Evidemment, dans le contexte budgétaire actuel, cette orientation semble difficile à mettre en oeuvre.

Il faut toutefois souligner que l'administration outre-mer a particulièrement contribué aux économies prévues par la RGPP et ne pas se bercer d'illusions, en l'état actuel, sur la capacité de cette nouvelle administration centrale à remplir efficacement l'ensemble de ses missions, notamment en matière d'évaluation.

M. Jean Arthuis, président. - A l'issue de ce témoignage, les conditions de mise en oeuvre de la RGPP paraissent largement perfectibles. Il ne faut pas que chaque ministère fasse sa RGPP « dans son coin » ; une collaboration est nécessaire, notamment pour éviter, au niveau local, le regroupement de tous les services dans les mêmes municipalités.

La commission des finances ne prescrivant pas de dépenses supplémentaires, seule une réduction des niches fiscales ultramarines pourrait être mise à profit pour financer une augmentation des effectifs de la DéGéOM.

M. Marc Massion, rapporteur spécial. - Le renforcement des effectifs est le souhait de l'ensemble des interlocuteurs que j'ai pu rencontrer. Ils n'ont pas aujourd'hui les moyens de faire face à la nécessité d'évaluer les politiques publiques. Je rappelle que seuls 3,5 équivalents temps plein seront affectés à cette tâche au lieu de 30 dans les projets initiaux de la RGPP !

M. Jean Arthuis, président. - Il est vrai qu'une expertise renforcée est nécessaire parce que les dispositifs applicables à l'outre-mer coûtent parfois cher. Il faut donc veiller à l'utilité des dépenses budgétaires et fiscales.

M. Marc Massion, rapporteur spécial. - L'enjeu primordial me semble être celui du rattachement de la DéGéOM au Premier ministre. L'existence d'un ministère chargé de l'outre-mer se justifie pour des raisons d'affichage politique mais ne se révèle pas, en pratique, la structure la plus efficace.

Mme Michèle André. - La nécessité d'un rattachement au Premier ministre me semble une évidence. Il est d'ailleurs déjà arrivé qu'un ministre ou un secrétaire d'Etat dispose de services rattachés à Matignon. Et cette proposition faisait partie des conclusions de la mission sénatoriale sur la situation des DOM.

Par ailleurs, l'accession de Mayotte au statut de département est un projet de grande envergure. Des moyens supplémentaires, notamment en termes de personnels, sont-ils prévus pour y faire face ? Je rappelle par exemple que l'Etat civil mahorais n'est toujours pas stabilisé.

M. Marc Massion, rapporteur spécial. - Les personnels que j'ai rencontrés à la DéGéOM m'ont indiqué que la départementalisation de Mayotte était aujourd'hui le sujet qui leur demandait le plus d'implication. Aucun effectif supplémentaire n'est prévu et ils se sentent quelque peu dépassés par l'ampleur du travail à accomplir.

Mme Michèle André. - Mme Penchard nous a indiqué que le processus de départementalisation durerait vingt-cinq ans, mais il me semble qu'il faut, dès maintenant, une mobilisation active dans l'ensemble des domaines concernés.

M. François Fortassin. - Je me réjouis que l'on essaie d'apporter des réponses techniques aux problèmes rencontrés par l'outre-mer, mais il me semble qu'il faut tout d'abord veiller à mieux contrôler les dépenses qui y sont engagées pour éviter le risque de gaspillage.

M. Jean Arthuis, président. - Je rappelle, à titre d'exemple, que l'indemnité temporaire de retraite versée dans certaines collectivités d'outre-mer continue de coûter près de 300 millions d'euros par an à l'Etat.

A l'issue de ce débat, la commission des finances donne acte à M. Marc Massion, rapporteur spécial, de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Contrôle budgétaire des conséquences des délais de traitement du contentieux de l'asile par la Cour nationale du droit d'asile - Communication

La commission entend enfin une communication de MM. Pierre Bernard-Reymond et Jean-Claude Frécon, rapporteurs spéciaux, sur les conséquences budgétaires des délais de traitement du contentieux de l'asile par la Cour nationale du droit d'asile.

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », et moi-même, rapporteur spécial des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat », avons mené une mission de contrôle sur les enjeux budgétaires des délais de traitement des recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Cette question est à la confluence des deux missions budgétaires, car si la CNDA est rattachée, depuis le 1er janvier 2009, au programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives », son activité a des répercussions directes et majeures sur les crédits du ministère de l'immigration.

Avant d'exposer notre diagnostic commun et les pistes d'améliorations envisageables, il paraît utile de rappeler brièvement les grandes étapes du parcours d'un demandeur d'asile, ainsi que la place occupée par la CNDA dans ce long et délicat processus.

Le statut de réfugié demeure, aujourd'hui encore, en grande partie régi par les principes édictés par la convention de Genève du 28 juillet 1951, pour le respect desquels la loi de 1952 a créé un établissement public, l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et une juridiction administrative, la Commission des recours des réfugiés.

Toute personne sollicitant ce statut de réfugié par une demande d'asile sur le territoire français doit, en tout premier lieu, se rendre en préfecture afin d'obtenir une autorisation provisoire de séjour d'un mois, obligatoire pour saisir l'OFPRA. Le demandeur d'asile est ensuite convoqué à un entretien. A l'issue de la phase d'instruction du dossier, le demandeur peut soit se voir reconnaître le statut de réfugié, soit être admis au bénéfice de la protection subsidiaire, soit enfin voir sa demande rejetée.

Dès l'origine, une possibilité de recours contre les décisions de rejet a été prévue par le législateur, qui a crée la Commission des recours des réfugiés.

D'abord rattachée, pour sa gestion budgétaire et financière, à l'OFPRA, puis rebaptisée en 2007 « Cour nationale du droit d'asile », ses crédits sont désormais inscrits sur le programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ».

En sa qualité de juridiction administrative spécialisée, la CNDA dispose d'une compétence d'attribution contentieuse contre les décisions de l'OFPRA, pour lesquelles le requérant dispose d'un délai de recours d'un mois.

Le recours peut être jugé en audience publique devant une formation collégiale, ce qui est la procédure normale, ou bien par voie d'ordonnances, signées par un président.

En 2009, le taux de recours contre les décisions de rejet de l'OFPRA a atteint 81 %, ce qui est une proportion considérable pesant sur la CNDA. En outre, 26,5 % des recours ont conduit à une annulation par la CNDA de la décision de l'OFPRA, soit un taux d'annulation nettement supérieur à celui des autres juridictions administratives (entre 15 % et 17 %).

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. - En 2002, il fallait à la Cour en moyenne 6 mois et 21 jours pour traiter un dossier. Sept ans plus tard, ce délai est en moyenne de 12 mois et 17 jours. C'est donc près d'un doublement du délai de jugement que la Cour a connu. Aucune modification de procédure ne justifie pourtant cet allongement.

Pourquoi donc alors ces délais ont-ils ainsi « dérapé » ?

L'évolution du nombre de dossiers transmis à la CNDA ne suffit pas, à lui seul, à expliquer l'allongement des délais. Certes, la hausse de plus de 16 % des demandes transmises à la CNDA, entre 2008 et 2009, n'est pas étrangère au retard pris par la juridiction l'année dernière. Toutefois, entre 2006 et 2008, les délais de jugement ont régulièrement augmenté, alors même que le nombre de recours enregistrés par la Cour avait diminué de près d'un tiers...

La raison de l'allongement des délais est donc plus vraisemblablement à chercher dans l'activité même de la CNDA. Ainsi, par exemple, le nombre de décisions rendues par la Cour a augmenté de près de 60 % entre 2004 et 2005, du fait notamment d'une politique de recrutement massif de rapporteurs contractuels. A l'inverse, entre 2008 et 2009, le nombre de dossiers traités par la Cour est passé de 25 029 à 20 240, soit une diminution de 19,1 %. Naturellement, cette baisse du nombre de dossiers traités pèse lourdement sur les délais de jugement.

L'un des enseignements de notre contrôle a été de découvrir que les modalités de mise en oeuvre de l'aide juridictionnelle devant la CNDA sont responsables d'une grande partie de l'allongement des délais. Avant la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, les demandeurs d'asile devaient prouver qu'ils étaient rentrés régulièrement sur le territoire français pour bénéficier de l'aide juridictionnelle. Souvent, ça n'était pas le cas ; il y avait donc peu de demandes d'aide juridictionnelle devant la CNDA. Suite à la loi de 2006, qui transposait une directive européenne, cette condition a été supprimée. Par conséquent, les demandes d'aide se sont généralisées, ainsi que la présence d'avocats, ce qui rallonge logiquement les débats.

En outre, un effet pervers caractérise l'application de ce dispositif. En effet, les requérants peuvent demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle à n'importe quel moment. En pratique, ils le font souvent devant la Cour, le jour de leur convocation pour l'examen de leur dossier. Dans ce cas, la juridiction est obligée de renvoyer l'affaire et d'attendre la décision du Bureau d'aide juridictionnelle. Cela rallonge d'autant la procédure, et il apparaît que 20 % des renvois prononcés par la CNDA résultent de ces demandes tardives.

La Cour est également amenée, pour d'autres raisons, à prononcer des renvois qui sont à chaque fois des facteurs d'allongement des procédures. C'est le cas notamment des renvois pour indisponibilité de l'avocat. Nous avons constaté que le tarif des aides juridictionnelles ne fait pas du contentieux de l'asile une activité très rémunératrice pour les avocats (182 euros par dossier). Par conséquent, peu d'avocats plaident devant la CNDA et ceux qui acceptent de le faire sont extrêmement sollicités. Il arrive donc relativement fréquemment qu'ils ne soient pas disponibles et, dans ce cas, ils rencontrent des difficultés pour se faire substituer par d'autres avocats. Par conséquent, de nombreux renvois d'affaires sont prononcés pour ce motif.

Enfin, les renvois pour raisons de santé sont également fréquents, du fait d'une fragilité certaine de la population des requérants.

Ces délais de jugement devant la CNDA ont des conséquences budgétaires majeures sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

Tout d'abord, le stock des demandes d'asile en cours de traitement pèse sur le financement de la politique d'hébergement des demandeurs d'asile. Ceux-ci bénéficient en effet, dans l'attente du jugement de la CNDA, soit d'un hébergement dans des Centres d'accueil des demandeurs d'asile (les CADA), soit, dans certains cas ou s'il n'y a pas de places disponibles, dans des dispositifs d'hébergement d'urgence également financés par le ministère de l'immigration.

Or, le coût mensuel d'hébergement en CADA des demandeurs en attente d'une décision de la CNDA s'élève à 8,6 millions d'euros. Par ailleurs, le coût de l'hébergement d'urgence pour les mêmes bénéficiaires se monte à 3,1 millions d'euros, soit au total 11,7 millions d'euros par mois.

Par ailleurs, ceux qui ne peuvent pas bénéficier du dispositif d'hébergement perçoivent une Allocation temporaire d'attente (ATA) fixée à 325 euros par mois et par demandeur d'asile adulte. Au total, le coût mensuel de l'ATA atteint 4,55 millions d'euros.

S'ajoutent à ces lignes budgétaires facilement identifiables des coûts annexes, que l'on ne peut chiffrer. Ainsi, les demandeurs d'asile bénéficient de l'aide médicale d'Etat (AME) pour la prise en charge de leurs frais de santé. Les enfants de demandeurs d'asile sont par ailleurs, et fort heureusement, accueillis dans les établissements scolaires, ce qui a également un coût.

Au total, sans compter ces dépenses sociales et d'éducation, le coût mensuel de la prise en charge des demandeurs d'asile en attente d'une décision de la CNDA s'élève à environ 16,25 millions d'euros. Il ressort donc de nos travaux qu'une réduction de six mois des délais de traitement des dossiers - réduction que la Cour estime possible - permettrait une économie de 97,5 millions d'euros sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - Dans ces conditions, l'enjeu apparaît clairement : comment réduire de manière substantielle le délai de traitement des recours devant la CNDA ?

D'ores et déjà, la Cour a défini une feuille de route autour de trois objectifs :

- poursuivre la résorption du stock des dossiers les plus anciens pour tendre graduellement vers un traitement des affaires en flux ;

- maîtriser le délai moyen de traitement des ordonnances nouvelles ;

- expérimenter une réduction des délais de lecture des jugements à 15 jours.

Cette stratégie passe, tout d'abord, par des mesures de réorganisation interne : l'expérimentation d'une nouvelle organisation de la procédure d'instruction des ordonnances dites  « nouvelles », la remise à niveau d'un logiciel informatique et la dématérialisation de la transmission des actes avec l'OFPRA. La CNDA a également annoncé à vos rapporteurs spéciaux la mise en place d'un audit interne, pour réviser les circuits de traitement des dossiers et des productions des avocats avant la clôture de l'instruction.

Le deuxième levier réside dans le renforcement des moyens humains de la juridiction avec la création de dix emplois de magistrats permanents et de dix emplois de rapporteurs en 2011, de vingt emplois de rapporteurs en 2012, et de dix emplois de rapporteurs en 2013.

De ce point de vue, vos rapporteurs spéciaux veulent toutefois souligner que la logique d'accroissement des effectifs de la CNDA ne peut en aucun cas constituer la seule réponse à la performance sérieusement dégradée de cette juridiction.

Nous considérons, en revanche, particulièrement nécessaire de rationaliser la procédure de demande d'aide juridictionnelle s'appliquant aux requérants devant la CNDA. Plus précisément, il conviendrait d'imposer un délai au requérant pour déposer une demande. Il apparaît raisonnable et cohérent de porter ce délai à un mois. Au cours de nos auditions, nous avons pu constater que ce délai rencontre l'adhésion tant du responsable de programme, Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, que de la présidente de la CNDA, Martine Denis-Linton.

Cet ajustement de la procédure de l'aide juridictionnelle nous paraît essentiel pour remédier à la dégradation alarmante de la performance de la CNDA en termes de délai de traitement des dossiers. Nous sommes prêts à faire prospérer cette idée, y compris par exemple lors de l'examen prochain du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

M. Jean Arthuis, président. - Ce travail de contrôle a le grand mérite de tirer un signal d'alarme. L'accroissement des délais de jugement devant la CNDA pénalise en effet les demandeurs d'asile, tandis que la procédure instaurée fait parfois l'objet de détournements, voire d'abus. Une telle situation nourrit beaucoup d'incompréhensions.

Mme Michèle André. - L'approche des rapporteurs spéciaux est intéressante dans la mesure où elle se fonde sur l'analyse des taux de recours devant la CNDA et des taux d'annulation des décisions de l'OFPRA, l'un et l'autre particulièrement importants. On peut en déduire notamment que les magistrats de la CNDA attachent un réel soin à l'examen des dossiers. Je souhaiterais connaître les effectifs de cette juridiction.

M. Pierre Bernard-Reymond. - En 2009, les effectifs physiques de la Cour étaient de 225 personnes ; ils sont ensuite passés à 223 en janvier 2010 et s'élevaient à 235 en avril 2010. En emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT), ils se montaient aux mêmes dates à respectivement 219,9 ETPT, 215,8 ETPT et 227,6 ETPT. On observe donc une augmentation assez sensible au cours de la période.

M. Jean Arthuis, président. - Les décisions de l'OFPRA connaissent un fort taux d'annulation et ce constat tend à remettre en question le travail de cet office.

M. Jean-Claude Frécon. - Il faut effectivement reconnaître que le taux d'annulation des décisions de l'OFPRA se situe dans une fourchette haute au regard du taux habituel enregistré devant les juridictions administratives.

M. Pierre Bernard-Reymond. - On peut aussi s'interroger sur ce qu'il advient du demandeur d'asile débouté devant la CNDA.

M. Philippe Adnot. - Quel est le coût lié à l'allongement du délai de traitement des dossiers devant la CNDA et à combien s'élèverait l'économie résultant des propositions formulées par nos rapporteurs spéciaux ?

M. Jean-Claude Frécon. - Ainsi que nous l'avons indiqué dans notre exposé liminaire, une réduction de six mois des délais de traitement des dossiers permettrait de dégager une économie de 97,5 millions d'euros.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Cette économie serait nette dans la mesure où le délai de recevabilité préconisé en matière d'aide juridictionnelle ne fait supporter aucun coût supplémentaire aux services de l'Etat.

M. Philippe Adnot. - Les augmentations d'effectifs prévues pour renforcer la Cour jusqu'en 2013 ne doivent-elles pas venir en déduction de cette économie potentielle ?

M. Jean-Claude Frécon. - Le renforcement d'effectifs est d'ores et déjà prévu dans le cadre de la programmation triennale des finances publiques et doit donc faire l'objet d'un traitement distinct des propositions présentées à l'issue de notre mission de contrôle budgétaire. Le but de ces recrutements est surtout d'épuiser le stock de demandes d'asile en attente.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Ces propositions s'articulent essentiellement autour, d'une part, d'une réduction du délai accordé aux demandeurs d'asile pour solliciter l'aide juridictionnelle et, d'autre part, d'une extension du nombre de barreaux pouvant intervenir au titre de l'aide juridictionnelle devant la CNDA. Par ailleurs, s'agissant des avocats, une revalorisation de l'unité de valeur (UV) servant au calcul de l'indemnisation pour les missions accomplies au titre de l'aide juridictionnelle devant la CNDA est probablement souhaitable.

M. Jean Arthuis, président. - Si 81 % des décisions de refus de l'OFPRA font l'objet d'un recours devant la CNDA, cela signifie que 19 % seulement de ces décisions sont acceptées par les demandeurs d'asile. Ce résultat amène à s'interroger sur l'application effective des refus opposés aux demandeurs d'asile. 

M. Pierre Bernard-Reymond. - En la matière, il est très difficile d'obtenir des statistiques. Une donnée établie, concernant les clandestins, indique que seule une obligation de quitter le territoire sur quatre est effectivement appliquée.

Mme Michèle André. - Il ne faut pas confondre les demandes d'asile avec les autres questions touchant à l'immigration. Il arrive souvent que les préfets décident du maintien temporaire sur le territoire d'un demandeur d'asile débouté, et cela pour des raisons humanitaires ou de santé.

M. Pierre Bernard-Reymond. - On pourrait effectivement demander les statistiques relatives à ces décisions des préfets, mais leur nombre reste probablement peu élevé. Je veux toutefois préciser que le taux d'admission des requérants par l'OFPRA était de 14,3 % en 2009 contre une moyenne de 29 % dans les pays de l'Union européenne (UE). L'Office est donc restrictif dans les décisions favorables qu'il rend.

M. Jean Arthuis, président. - De ce point de vue, encore faudrait-il estimer le degré d'ouverture de la France au regard des pays comparables.

M. Pierre Bernard-Reymond. - A cet égard, la France est devenue en 2009 le premier pays d'accueil des demandeurs d'asile en Europe et le deuxième dans le monde, derrière les Etats-Unis.

M. Jean Arthuis, président. - On peut supposer que les demandeurs d'asile tentent leur chance auprès des pays dans lesquels ils imaginent avoir le plus de probabilités de réussite.

Mme Michèle André. - Nous aurons certainement l'occasion de prolonger ce débat lors de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. Il faut toutefois souligner les relations historiques qu'entretient la France avec certains pays qui étaient autrefois ses colonies. Je m'interroge enfin sur l'efficacité d'une extension du nombre de barreaux pouvant être sollicités au titre de l'aide juridictionnelle devant la CNDA. Tous les barreaux ne peuvent pas utilement faire l'objet de cette extension.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Parmi les pays d'origine des demandeurs d'asile, on ne retrouve pas que d'anciennes colonies de la France. On peut citer notamment la Russie ou la Turquie.

A l'issue de ce débat, la commission des finances donne acte à MM. Pierre Bernard-Reymond et Jean-Claude Frécon, rapporteurs spéciaux, de leur communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

- Présidence commune de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -

Contrat d'objectifs et de moyens de Radio France - Audition de M. Jean-Luc Hees, président-directeur général

Au cours d'une deuxième séance tenue le matin, la commission procède, conjointement avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, à l'audition de M. Jean-Luc Hees, président-directeur général de Radio France.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous voici réunis, conjointement avec nos collègues de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour entendre M. Jean-Luc Hees, président-directeur général de Radio France, à l'occasion de l'exercice annuel consistant à dresser le bilan du contrat d'objectifs et de moyens (COM). Le contrat précédent couvrait la période de 2006 à 2009. Un nouveau COM pour la période allant de 2010 à 2014 a été présenté en conseil des ministres, le 16 juin dernier, et a fait l'objet d'un avis de la commission de la culture.

Votre audition nous permettra, Monsieur le Président, d'apprécier, après une année de présidence, votre vision stratégique pour Radio France, ainsi que les moyens déployés afin de renforcer l'identité des antennes, d'une part, et l'innovation des formats radiophoniques, d'autre part.

Vous aviez déclaré l'an dernier « vouloir faire entrer le multimédia en résonance » avec l'offre de Radio France et non dupliquer ce qui est déjà diffusé. Où en êtes-vous ? Pourriez-vous par ailleurs nous indiquer comment sera mise en oeuvre la radio numérique terrestre (RNT), grand absente de votre contrat d'objectifs et de moyens ? La rénovation de la Maison de la Radio, qui a démarré en juin 2009 devrait s'achever en 2016. Le calendrier et les coûts sont-ils maîtrisés ? Où en est la négociation du nouvel accord collectif d'entreprise ? Enfin, la maîtrise de la masse salariale figure dans les objectifs du plan. Quelles sont vos marges de manoeuvre face à l'ensemble des défis auxquels Radio France doit faire face ?

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Une délégation de la commission de la culture et de la communication, que j'ai l'honneur de présider, s'est rendue la semaine dernière sur le site de la Maison de la radio et a pu constater l'ampleur du chantier et ses enjeux pour le groupe. Mais pouvez-vous donner davantage de précisions sur l'exécution de votre contrat d'objectifs et de moyens en 2009 ?

M. Jean-Luc Hees, président-directeur général de Radio France. - L'ensemble des objectifs inscrits dans le COM a été respecté. L'axe de travail est le renforcement du coeur de métier avec la rénovation de toutes les grilles de programmes, qui a conduit à la consolidation des audiences du groupe :

- les grilles de France Inter (2006) et de France Info (2007 et 2009) ont été profondément renouvelées et les audiences cumulées respectives ont été de 10,2 % et 8,8 % en 2009, pour des cibles fixées en 2006 à 9,2 % et 8,9 % ;

- France Bleu poursuit sa stratégie de renforcement de son ancrage local. L'audience a été de 6,8 % en 2009, pour une cible de 6,1 % ;

- pour France Culture, priorité a été donnée à la lisibilité de la grille et l'audience cumulée, à hauteur de 8,1 % sur trois semaines en 2009, a été satisfaisante ; la cible avait été fixée à 7,8 % ;

- s'agissant de France Musique, l'audience cumulée est correcte mais une modernisation de la chaîne est envisagée ;

- enfin Le Mouv' n'a pour l'instant pas vraiment trouvé son public, alors que son rôle de point d'entrée des jeunes dans le service public radiophonique est important. Sa grille a donc été remaniée avec un axe de radio généraliste à vocation musicale.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis des crédits des missions « Médias » et « Avances à l'audiovisuel public ». - Je m'interroge sur les points suivants. Quelle a été la stratégie de développement de France Bleu en 2009 et 2010 ? Le nombre de concerts enregistrés et diffusés sur France Musique a fortement baissé de 2008 à 2009. Quelles sont les raisons de cette diminution ? Quels moyens sont consacrés au média global et quelles sont vos perspectives dans ce domaine ? Enfin, vous affirmez dans le rapport sur l'exécution du COM que Radio France est la première entreprise culturelle de France, pouvez-vous donner les raisons de l'emploi de cette expression ?

M. Claude Belot, rapporteur spécial des crédits des missions « Médias » et « Avances à l'audiovisuel public ». - Les incertitudes sur le Mouv' et l'érosion de l'audience radiophonique sont globalement inquiétantes. Par ailleurs, des difficultés techniques rendent difficile l'écoute de France Info, notamment lors de longs déplacements en voiture. Enfin la diminution des recettes publicitaires de Radio France est une inquiétude supplémentaire. Ne vous paraîtrait-il pas opportun d'augmenter la publicité sur vos ondes, pour bénéficier d'une ressource supplémentaire ? Par ailleurs, je souhaiterais savoir si les délais et les budgets du chantier de la Maison de la Radio seront tenus.

M. Jean-Luc Hees. - Il est compliqué de redéployer les effectifs de France Bleu, mais un rééquilibrage est mené, lorsqu'une personne part à la retraite dans l'une des stations. S'agissant de France Musique, plus de 1 000 concerts sont diffusés par an, ce qui constitue une performance unique au monde.

La publicité représente quant à elle environ 8 % des ressources du groupe Radio France, ce faible taux étant principalement lié aux contraintes réglementaires importantes fixées par le cahier des charges de Radio France et à la situation générale de la ressource publicitaire dans les médias.

Je soutiens fortement la radio numérique terrestre (RNT) qui constitue un atout majeur pour les radios publiques et les auditeurs, en termes d'indépendance, de neutralité, de gratuité et d'anonymat. Le multiplex susceptible de diffuser les chaînes de Radio France en RNT a, au demeurant, déjà été mis en place.

Enfin, le chantier de la Maison de la radio a pris deux mois de retard sur les sous-sols et sur la verrière de l'agora, et un mois sur la pose des façades, mais les délais relatifs au démarrage des prochaines phases du chantier seront respectés.

M. Claude Belot, rapporteur spécial des crédits des missions « Médias » et « Avances à l'audiovisuel public ». - Quelles sont les synergies logiques entre Radio France et France 24 ?

M. Jean-Luc Hees. - La proximité industrielle de Radio France et de Radio France Internationale (RFI) est évidente mais je ne peux contester la pertinence du choix politique à l'origine du rapprochement de RFI et des chaînes de l'audiovisuel extérieur.

Mme Catherine Dumas. - Comment remédier à la désaffection des jeunes vis-à-vis du média radio ? À cet égard, la mise en place de plateformes multimédias n'est-elle pas une solution majeure ?

M. Jean-Luc Hees. - L'âge médian de l'auditeur de Radio France n'est pas satisfaisant mais correspond à celui constaté pour les grandes radios nationales privées. S'il n'y a plus de radio prescriptrice pour les jeunes, une radio comme Skyrock a cependant mis en place une stratégie multimédia efficace, dont il faut s'inspirer. À ce titre je considère que le site Internet de Radio France doit être refondu et des redéploiements importants ont été décidés à cette fin en interne.

M. Ivan Renar. - Radio France continue à se distinguer par son impertinence et je soutiens fermement l'absence quasi totale de publicité sur ses antennes, qui constitue un atout en faveur de la qualité des programmes et facilite fortement le confort de l'audition. Je considère toutefois que l'intérêt présenté par le fait de disposer de deux orchestres à Radio France devrait être davantage exploité et mis en valeur, notamment au vu du nombre de personnes que touche la diffusion radiophonique des concerts.

M. René-Pierre Signé. - En ma qualité de médecin, je visite souvent des maisons de retraite dans ma circonscription et je tiens à souligner l'importance du média radio pour les personnes âgées. À cet égard la défense de la chanson populaire, très appréciée par ce public, devrait être l'un des axes du service public radiophonique.

M. Yannick Bodin. - Les auditeurs de France Info sont fidèles à leur radio mais il est clair que les problèmes de réception nuisent à son image. Je suis par ailleurs sceptique sur la modification de la grille de France Inter, notamment le matin, le bon « ton » n'ayant, à mon sens, pas encore été trouvé. Enfin je déplore la suspicion qui pèse sur l'ensemble des choix auxquels vous procédez, qui est lié à votre mode de désignation illégitime.

M. David Assouline. - Radio France doit garder une identité spécifique tout en s'adressant davantage au public jeune, non seulement à travers le Mouv', mais aussi sur l'ensemble de ses chaînes. Ainsi la nouvelle ligne du Mouv' est bonne, mais les autres radios doivent aussi s'adapter afin que l'âge moyen de l'auditeur du service public baisse.

Sur le sujet de la publicité, les aspects déontologiques sont en outre importants et le statu quo est, à mes yeux, pertinent. On ne peut pas défendre la suppression de la publicité sur la télévision publique et préconiser son augmentation sur la radio.

Enfin je peux comprendre que Radio France ne soit pas le lieu d'une impertinence outrancière, mais le problème de votre groupe est que sa programmation constitue un débat à caractère politique en raison de votre mode de nomination. J'aurais préféré à cet égard une désignation basée sur un large consensus parlementaire.

M. Alain Dufaut. - On a souvent l'impression qu'une forte contrainte budgétaire s'exerce sur les stations locales de France Bleu, et que les enveloppes consacrées aux pigistes sont en baisse. Cela correspond-il à une réalité ?

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Une remarque seulement. Je tiens à souligner que la position de M. Claude Belot concernant l'augmentation des ressources publicitaires n'engage que lui-même et n'est pas celle du Sénat.

M. Jean-Luc Hees. - Je ne commente pas le mode de désignation des présidents de l'audiovisuel public mais vous assure que je suis viscéralement indépendant et extrêmement attaché à la liberté de Radio France. Je tiens au demeurant à souligner que je n'ai jamais subi de pression ou été sollicité par la présidence de la République, un ministre, ou les pouvoirs publics.

Les orchestres de Radio France ont en effet un public très important, qui s'établit en général entre 700 000 et 800 000 personnes grâce aux diffusions radiophoniques de ses concerts.

France Bleu quant à elle représente un tiers de l'effectif et un tiers du budget de Radio France et constitue une priorité du groupe au moment où le secteur privé abandonne ses antennes locales. Des moyens financiers conséquents sont donc engagés annuellement pour le développement de la chaîne.

Enfin la matinale de France Inter n'a effectivement pas encore pleinement trouvé son rythme de croisière, mais j'ai pleine confiance en Patrick Cohen, rédacteur en chef, pour réussir la mission que je lui ai confiée.

- Présidence commune de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -

Contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions - Audition de M. Rémy Pflimlin, président-directeur général

Au cours d'une troisième séance tenue l'après-midi, la commission procède, conjointement avec la commission de la culture et de la communication, à l'audition de M. Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions, sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Il est de tradition qu'avant le débat budgétaire, nous recevions le président du groupe audiovisuel public pour faire le point sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens, en l'occurrence celui de la période 2007-2010, amendé en 2009 pour prendre en compte la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

L'année 2010 marque un tournant : nouvelle organisation, entreprise commune, rapport sur les comptes du groupe établi par M. Belot et Mme Morin-Desailly, publié en juin dernier et qui esquissait un bilan. Tournons-nous à présent vers l'avenir. Le rapport a souligné la modestie des moyens, en particulier ceux affectés au média global. Comptez-vous changer l'orientation prise par votre prédécesseur ? Le maintien d'une double rédaction fait perdre des occasions de synergies. Où en est la mutualisation des moyens ? Comptez-vous vous démarquer de votre prédécesseur par un traitement des chaînes régionales qui renforce leur identité ? Je souhaiterais aussi que nous fassions le point sur les recettes de publicité en 2010. Faut-il maintenir la publicité dans la journée ? M. Belot et Mme Morin-Desailly ont rédigé une proposition de loi tendant à repousser à 2015 la suppression totale de la publicité. Enfin, quel est l'état d'avancement des négociations sur la nouvelle convention collective ?

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Nos deux commissions sont très intéressées par le sujet. Hélas, vous arrivez en un moment difficile, où le Sénat est plongé dans l'examen du projet de loi sur les retraites et bon nombre de nos collègues sont retenus en séance publique... Nous vous auditionnons sur l'exécution d'un COM signé par votre prédécesseur, et mesurons la difficulté pour vous d'en dresser le bilan. A cet égard, la commission de la culture estime que l'arrivée d'un nouveau dirigeant à la tête du groupe devrait donner lieu à un nouveau contrat d'objectifs et de moyens.

M. Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions. - Je suis très heureux de cette occasion de faire le bilan du contrat en cours ; je vous dirai aussi comment j'envisage la gestion de l'entreprise en ce début de mon mandat. L'année 2009 a encore été une année de profondes mutations : nouvelle loi, nouveau cahier des charges, avenant au contrat d'objectifs existant. Quant au projet de nouvelle organisation, le projet d'entreprise commune, il a été mis en oeuvre à partir de janvier 2010. Nous sommes à présent au milieu du gué.

Les objectifs correspondent à la spécificité de la télévision publique. En 2009, ils ont été dépassés : 740 programmes culturels diffusés en première partie de soirée contre 365 inscrits dans le contrat ; 383 millions d'euros consacrés à la création audiovisuelle, plus que les 375 requis. Quant aux programmes sportifs, les téléspectateurs ont pu découvrir plus de 89 disciplines à l'écran. J'ai relancé le comité permanent de la diversité, qui répond à un souci majeur pour moi, car il me semble essentiel que la télévision publique soit le fidèle reflet de notre pays et réunisse le plus grand nombre de nos concitoyens. Je nommerai dans chaque chaîne un responsable de la diversité. Nous recherchons les créateurs et les comédiens qui nous permettent de progresser.

J'en viens au projet stratégique. Notre entreprise publique a un rôle essentiel à assumer en matière d'information et de création - française en particulier. Nous devons rassembler nos concitoyens autour de thèmes qui confortent l'unité du pays. Il convient aussi de renforcer l'identité et la personnalité de chaque chaîne, puis de parvenir à l'objectif qui aura été fixé globalement. Le projet doit également nous conduire à intégrer le numérique - le média global n'est pas périphérique, il est au centre de nos actions. Lorsqu'un programme est édité, il est décliné sur les divers supports, dans une forme adaptée à chacun. C'est la mission que j'ai confiée à Bruno Patino. Il faut nous transformer de diffuseur en éditeur pour atteindre le public sur tous les supports. Enfin, il faudra nous appuyer sur de nouveaux métiers et de nouvelles compétences : la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences comporte un plan de formation précis. Nous finaliserons le plan stratégique d'ici le début de l'année prochaine : missions, positionnement, ambitions. Et ce plan s'inscrira dans le nouveau contrat d'objectifs et de moyens des cinq ans à venir, qui comportera aussi les recettes à venir - y compris publicitaires.

Si notre mission d'intérêt général est importante, le groupe doit bénéficier des ressources correspondantes, à la fois prévisibles, pérennes, dynamiques. Or, dans les difficultés que traversent les finances publiques, le maintien de la publicité, pour deux années ou plus, est une solution qui correspond à nos besoins. La régie publicitaire devrait alors être maintenue. Le débat a été lancé sur la privatisation de la régie et les négociations exclusives entamées avec deux acquéreurs possibles. Mais il est important pour le groupe de contrôler sa régie et je me réjouis d'avoir pu trouver un accord avec les deux candidats : ce sont eux qui ont retiré leur offre.

Le développement du numérique ne représente que 0,8 % de nos ressources... contre 8 % à la BBC, par exemple, qui est très en avance. Il est indispensable de disposer de marges de manoeuvre pour investir dans ce domaine.

Le résultat de l'exercice 2010 sera supérieur aux prévisions, 70 millions d'euros à ce jour. Dans son budget, avoir des ressources publiques mais aussi un chiffre d'affaires de publicité est une force. Mais il est crucial, une fois la répartition décidée, de s'en tenir à cette base et de ne pas exiger un reversement des crédits en cas de recettes publicitaires supérieures, car alors les marges d'investissement sont siphonnées. Les modifications intempestives sont l'ennemi de la bonne gestion.

Quant aux programmes, nous travaillons sur l'identité de chaque chaîne, qui détermine le choix des programmes. Actuellement, les unités de programmes sont transversales et la personnalité des chaînes en est un peu dissoute, l'image de chaque chaîne est moins forte que dans le passé. Nous allons travailler en particulier sur l'identité de France 3 et sur le rôle des programmes régionaux. Il nous faut mettre en place des programmes suffisamment distincts pour atteindre les différents objectifs. Dés le début de 2011, nous serons en mesure de proposer des innovations dans les grilles de programmes. Les contrats de grilles qui nous lient aux fournisseurs étant annuels, on n'en verra la traduction à l'écran qu'à partir de septembre 2011.

Dans nos engagements figure le conseil consultatif des téléspectateurs. J'ai voulu le réunir à nouveau, afin qu'il réalise un travail utile. Grâce à internet, l'interactivité est désormais facile. La télévision publique doit être perçue comme la télévision des Français. Cette entreprise est la leur.

J'ai nommé les directeurs de rédaction. Thierry Thuillier, auparavant à i-Télé, nous a rejoints pour travailler à une conception de l'information propre à notre groupe. Nous devons développer au maximum toutes les synergies afin de bénéficier d'un effet de masse. Même si les rédactions ont des normes technologiquement différentes, les systèmes d'information, et tout ce qui en amont sert à la préparation des journaux, peuvent être mis en commun. Quant aux journaux télévisés eux-mêmes, ils sont suffisamment typés pour ne pas être redondants. Soir 3 est ainsi plus international, plus européen, que les autres. Les moyens doivent être rapprochés mais les lignes éditoriales restent spécifiques. J'ai demandé à Thierry Thuillier de progresser rapidement dans l'établissement de la charte de déontologie de l'information.

La confiance est un élément capital du rapport entre le groupe et nos concitoyens. Et il n'y a pas d'indépendance sans professionnalisme ni rigueur. Notre objectif est donc de délivrer une information de référence. L'information que l'on trouve dans l'univers internet est un modèle performant. Nous pouvons être, quant à nous, au meilleur niveau de l'information, nationale mais aussi étrangère, grâce à un solide réseau.

Les indicateurs de gestion ne sont pas tout. Il y a aussi, dans un groupe, la vie sociale. Notre difficulté actuelle est une certaine désorganisation. Nombre de collaborateurs manquent de repères. Il est temps d'avoir à nouveau des objectifs clairs. Accord d'entreprise, convention collective : les négociations ont commencé en juin 2009. L'actuelle convention des journalistes a été prolongée jusqu'au 9 février 2011. Les conventions des autres salariés sont aussi en négociation mais nous avons plus de temps...

S'agissant des recettes, nous pourrions, par une organisation différente, rendre nos recettes de diversification plus dynamiques. Je veux parler de la question des droits. Aucun n'est perçu sur les produits que nous diffusons. Une négociation avec les producteurs pourrait être ouverte... Auquel cas nous reviendrions vers vous.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Les droits dérivés sont l'objet d'un décret, ils relèvent donc du pouvoir réglementaire. Comment avez-vous négocié l'affaire de la régie ?

M. Rémy Pflimlin. - Les patrons de Publicis et de Love, que j'ai rencontrés dés mon arrivée, ont accepté de retirer leurs offres. Cela n'a donné lieu à aucune transaction.

M. Claude Belot, rapporteur spécial des crédits des missions « Médias » et « Avances à l'audiovisuel public ». - France Télévisions était à une époque comme un bateau ivre, le contrat a remis de l'ordre et vos prédécesseurs, MM. Tessier et de Carolis, ont fait ce qu'ils pouvaient pour maintenir les productions. Et cela a marché, le groupe a résisté à la baisse des recettes, en mettant le plus possible les moyens en commun et en conservant l'identité de chacun. Sur la question des droits, comment sortir de la situation actuelle, absurde ? Il y a là des possibilités de profit, il faut en tirer avantage.

Autre interrogation : jusqu'où êtes-vous prêts à aller en matière de coopération ? Je pense par exemple à France 24 et TV 5. Est-il conforme à l'intérêt général de maintenir plusieurs équipes françaises aux quatre coins du monde ?

Je soutiens votre démarche d'un plan d'affaires de cinq ans et d'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens. On ne peut conduire une entreprise à courte vue. L'Etat doit s'engager, afin que le groupe se fonde sur un produit escompté de redevance - si le volume n'est pas maîtrisable, le prix l'est.

Au sein de votre grand groupe, quelle est la place de la télévision de proximité ? France 3 éprouve quelque difficulté à s'affirmer comme telle. Or en ce moment apparaissent des chaînes locales sur internet. Il importe d'être présent sur ce créneau.

Un mot sur le budget de France Télénumérique. Nous avons reçu vos confrères d'Arte, ils nous ont indiqué que la contribution de leur chaîne, pour le passage à la TNT, était de 3 millions d'euros pour un exercice : combien vous demandera-t-on à vous ? J'appartiens à un territoire sur lequel le passage est en train de se faire...

M. Martin Ajdari, directeur général délégué à la gestion, aux finances et aux moyens. - La contribution de France Télévisions est de 15 millions d'euros.

M. Claude Belot, rapporteur spécial des crédits des missions « Médias » et « Avances à l'audiovisuel public ». - Il ne s'agit pas de dépenses techniques, uniquement pédagogiques...

M. Martin Ajdari. - Plus de 100 millions d'euros seront consacrés en 2011 à l'accompagnement, subventions pour l'achat des terminaux, aides aux collectivités locales, etc.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis des crédits des missions « Médias » et « Avances à l'audiovisuel public ». - Vous avez expliqué pourquoi vous souhaitiez un avenant au contrat. Il faut une concomitance entre la durée du mandat de président et celle du contrat d'objectifs et de moyens et j'ai déposé, avec Claude Belot, une proposition de loi en ce sens.

Les comptes consolidés 2009 faisaient apparaître, en avril 2010, un retour à l'équilibre grâce aux bons résultats de la publicité en journée. Quel impact sur vos comptes et sur votre organisation aurait une suppression de la publicité dés 2012 ?

Les résultats de France 3 sont inquiétants : quel bilan en tirez-vous ? Vous avez souhaité renforcer le média global : Web TV Pluzz est-elle vraiment la solution la plus adaptée ? Le taux de sous-titrage des programmes atteint 90 % : quand atteindra-t-on les 100 % : en 2011 ? J'insiste sur la nécessité du sous-titrage des films étrangers, obligation introduite par le Sénat lors de l'examen du projet de loi relatif à l'audiovisuel public ! Je vous félicite d'avoir mis en fonction le conseil des téléspectateurs. La Haute Assemblée avait beaucoup insisté en ce sens...

M. Rémy Pflimlin. - S'agissant des droits, je reprends actuellement les discussions en m'appuyant sur l'exploitation du média global. La diffusion de l'oeuvre passant désormais par d'autres supports que la télévision : il faut tenir compte des évolutions.

Oui, nous pourrions mieux rayonner à l'international, mais il y a tout de même une difficulté : France 24 est totalement disjointe de France Télévisions ! TV 5 est également une entreprise distincte, même si nous y jouons notre rôle d'actionnaire. Nous devons prêter grande attention au rayonnement de France Télévisions à l'étranger, car c'est l'image de l'entreprise et l'image de la France qui sont en jeu. Il s'agit d'optimiser nos moyens dans des coproductions et des mises en commun de moyens.

M. François Guilbeau, directeur général de France 3. - L'audience de France 3 a plus baissé que celle de France 2. Il faut dire que France 3 a récupéré des programmes de France 2 qui étaient peu adaptés à son public ; on a aussi observé un vieillissement des structures de la grille et des marques-phare. Il faut instiller un nouvel attrait et des innovations... Les programmes régionaux sont aussi victimes de problèmes d'organisation. Le bilan des quatre pôles a montré que l'organisation distinguait réseau et équipes d'une part, contenu éditorial d'autre part, les premiers et le second dépendant de deux hiérarchies différentes. La gestion n'était pas au service de l'éditorial.

Nous mettons les moyens au service de l'éditorial, et d'abord en région, parce que c'est bien là que réside la spécificité de France 3. Cette identité régionale peut prendre plusieurs formes : des programmes locaux ou encore des programmes interrégionaux, et l'on attend aussi des « plaques » régionales qu'elles contribuent aux programmes nationaux.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Je voudrais vous faire part d'une remarque de professionnels du spectacle vivant que notre commission a auditionnés, qui nous ont indiqué que France 3 leur paraissait informer insuffisamment le public local sur le spectacle vivant en région. Nous allons étudier plus globalement la question de la télévision publique locale, mais nous souhaitons qu'il soit tenu compte de cette observation sans délai.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le sentiment qui prévaut, c'est que France 3, en région, c'est France 3 de la métropole régionale et qu'au-delà, c'est le désert... régional.

M. Ivan Renar. - La question pour France 3 est essentiellement celle de l'autonomie, celle de ses marges d'action, en particulier dans les plages de temps somme toute importante dont disposent les antennes régionales. La République est décentralisée, c'est désormais dans la Constitution, et nous sommes tous, en fait, des Jacobins de proximité. A cette aune, ce qui manque à France 3, c'est davantage de dialogue avec les collectivités territoriales.

M. Rémy Pflimlin. - Nous travaillons à donner plus de liberté d'action et de programmation aux « plaques » régionales, à ce qu'elles puissent développer leur rapport au territoire lequel, bien sûr, ne coïncide pas toujours avec les délimitations administratives mais comprend des éléments de grande proximité, ayant trait à la vie quotidienne. La TNT facilite cette programmation territoriale et c'est ce lien avec les territoires qui singularise notre mission de service public, étant entendu que le privé n'ira pas partout, mais d'abord là où c'est rentable.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Et sur les aspects financiers ?

M. Martin Ajdari. - La publicité en journée représente 300 millions d'euros sur une année.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Notre commission s'est également inquiétée de voir la publicité revenir, sous couvert de parrainage : que pensez-vous de cette dérive ?

M. Rémy Pflimlin. - Nous allons proposer une charte du parrainage, pour limiter les programmes courts qui sont parrainés par des entreprises et pour veiller à ce que les programmes du soir démarrent bien à 20 h 35. Les montants financiers du parrainage décroissent et sont passés d'environ 28 millions d'euros en 2008 à 22 millions actuellement. Nous évaluons à dix millions le coût des mesures de limitation que nous envisageons.

S'agissant du numérique, je note la rapidité avec laquelle nos compatriotes s'équipent : dans les secteurs où nous mettons en place la TNT, quasiment tous les téléspectateurs s'équipent, c'est un phénomène social très important.

Quant à Pluzz.fr, le service de télévision en différé de France Télévisions que nous avons lancé en juillet dernier, nous en sommes à 3,5 millions de visites par mois et 5,7 millions de vidéos vues, ce n'est pas mal du tout. Cependant, ce service est une initiative encore insuffisamment intégrée à la stratégie numérique d'ensemble, et nous nous interrogeons sur sa dénomination, qui n'évoque pas directement France Télévisions.

Enfin, nous en sommes à 100 % pour le sous-titrage en français.

M. François Guilbeau. - Pour le sous-titrage en langues étrangères, nous manquons de place sur le réseau, car nous ne disposons encore que de six canaux sur le satellite, dont un que nous consacrons à l'audio-description des programmes.

Mme Marie-Christine Blandin. - J'avais craint que la suppression de la publicité après 20 heures en accentue la fréquence plus tôt dans la journée, au moment où les enfants regardent plus la télévision, ce qui me fait vous poser cette question : combien coûterait la suppression totale de la publicité à France Télévisions ?

Vous nous avez décrit la stratégie nouvelle de France 3, qui est d'assurer un continuum de la proximité à l'international, mais les dégâts sont déjà faits : en Nord-Pas-de-Calais, les crédits régionaux de soutien aux programmes télévisés sont allés à des chaînes privées, par désespoir de voir France 3 insuffler un peu d'âme locale à ses programmes : nous avons tout fait pour rappeler la chaîne publique à ses missions, mais nous nous sommes heurtés à un véritable mur. Vous soulignez votre ambition de donner une identité propre à chaque chaîne : nous avions proposé en 2009 d'inscrire dans la loi l'existence même de France 2 et de France 3, mais nos amendements ont été repoussés par le Gouvernement et la majorité.

Vous travaillez dans un environnement rendu plus difficile par la réforme, par le changement de métiers dont vous nous parlez. Et si vous nous demandez plus de stabilité pour vos crédits, nous avons été informés par les organisations syndicales et par le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'entreprise de tentatives de suicides parmi les salariés, après le drame du suicide du médecin du travail. Ces événements, nous a-t-on dit, sont intervenus après des signalements. Je comprends que vous souhaitiez éviter une médiatisation de ces sujets sensibles et complexes et que la responsabilité en soit collective, je crois aussi que nous y avons notre part. Mais, à force de dire une chose et son contraire aux salariés, ne les placez-vous pas dans ce que les psychologues appellent un double bind, une injonction contradictoire ? Quelles mesures d'accompagnement humain envisagez-vous pour la réforme ? J'espère que vous n'allez pas nous annoncer des entretiens individuels, méthode choisie à France Télécom qui, sous prétexte de galvaniser les troupes, s'est traduite par plus de stress et d'angoisse...

M. Patrice Papet, directeur des ressources humaines. - L'entreprise subit toujours un véritable choc en apprenant que l'un de ses salariés tente de mettre fin à ses jours. En prenant ses fonctions, la nouvelle direction a reçu les organisations syndicales pour leur dire qu'elle mesurait combien la nouvelle organisation avait pu désorienter certains collaborateurs, et qu'elle souhaitait parvenir à un calendrier clair pour sortir des incertitudes. Le comité central d'entreprise a ensuite voté à l'unanimité un aménagement du calendrier dans ce sens.

La mise en place de la nouvelle organisation s'accompagne d'une forme de perte de repères, du fait même des délais entre les annonces et la mise en place effective des réformes qui nourrissent des inquiétudes. Or, une inquiétude cela ne se conteste pas, cela se constate. C'est pourquoi nous avons communiqué immédiatement sur des aménagements. Le comité central d'entreprise du 19 octobre prochain devrait entériner une pause dans les relocalisations, pour que chacun sache précisément s'il sera concerné et où, en quelque sorte, il habitera. Ceci est particulièrement vrai pour des secteurs comme l'informatique, où l'activité est particulièrement tendue avec les demandes urgentes de convergence des systèmes d'information. Nous proposerons également au comité central d'entreprise de créer une direction de la prévention des risques, qui manque cruellement dans une entreprise de la taille de France Télévisions. Enfin, des dispositifs de veille existent sur les risques psychosociaux, leur bon fonctionnement est l'une de nos principales priorités.

M. Adrien Gouteyron. - J'entends bien votre souhait de disposer de ressources stables et j'apprends en vous écoutant que les ressources du parrainage décroissent : je les croyais plus élevées et en augmentation. Je m'associe au souhait d'encadrer mieux le parrainage, pour répondre aux critiques dont il fait l'objet.

Vous voulez redonner sa personnalité à chacune des chaînes, quelles seront les conséquences pratiques ? Chaque chaîne va-t-elle devoir acheter seule ses films et ses jeux ? N'y aura-t-il plus de relations entre les programmes ?

Vous avez déclaré votre intention de signer une charte de déontologie, en particulier sur la diffusion de l'information : où en êtes-vous ? Rencontrez-vous une coopération satisfaisante des journalistes, qui ont souvent vite fait de regarder ce type de démarche comme un « contrôle » de l'information ?

M. Ivan Renar. - La Commission européenne a donné deux mois à la France pour supprimer la taxe sur les opérateurs de téléphonie mobile, qui compense la suppression de la publicité sur les chaînes publiques après 20 heures. En ces temps où le rabot est à la mode, et alors que Bercy serait réticent à l'idée de compenser cette perte, comment voyez-vous les choses ?

M. Jean-Pierre Leleux. - La durée de la convention d'objectifs et de moyens coïncidant avec celle de votre mandat, préférez-vous, dans ce délai, le statu quo sur la publicité, ou bien vous attaquer à la suppression de la publicité dans la journée ?

S'agissant du soutien à la création, France Télévisions fait certes des efforts, mais le débat demeure entre les producteurs et les diffuseurs : quelle est votre analyse ?

Les oeuvres, ensuite, ne circulent pas assez. Le ministre de la culture a annoncé l'installation d'un Médiateur de l'audiovisuel, sur le modèle du Médiateur du cinéma : qu'en attendez-vous ?

Vous allez donner plus d'indépendance aux chaînes : quelle sera l'articulation entre la direction de France Télévisions et les directions des programmes ?

Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière sont retenus comme otages en Afghanistan depuis le 30 décembre 2009. S'il est très important que France Télévisions soit présente auprès de leurs familles, ne craignez-vous pas qu'en rappelant chaque jour qu'ils sont retenus en otage, on rende plus difficile la négociation avec leurs ravisseurs qui attendent que leur victimes prennent plus de valeur dans l'opinion publique ?

M. Rémy Pflimlin. - Je vais répondre dans l'ordre. Nous ne reviendrons pas sur la mise en commun des services supports, comme l'informatique, les finances ou les ressources humaines, qui concernent l'ensemble des chaînes. Le regroupement, cependant, n'est pas achevé : il y a encore quatre systèmes différents pour la paie, par exemple.

Nous débattons en interne de l'articulation entre les programmes et les chaînes, nous allons trancher rapidement. Nous voulons redonner leur identité aux chaînes, qu'elles décident de leurs programmes, mais il faut aussi une forme de coordination, pour éviter les redondances, et il va de soi également que l'innovation et la recherche doivent être centralisées. Nous devons donc trouver des règles simples pour cette articulation : nous nous réunissons sur le sujet en fin de semaine dans le cadre d'un séminaire, je compte que nous aboutissions rapidement.

Sur la déontologie, nous démarrons. Je souhaite que la rédaction de la charte soit intégrée à la négociation collective sur le contrat d'entreprise avec les journalistes.

La taxe sur les opérateurs de téléphonie mobile, vous le savez, n'est pas affectée. Si elle est supprimée, la conséquence directe ne sera donc pas pour le budget de France Télévisions, mais pour le budget de l'Etat. La question rejoint celle de la suppression de la publicité en journée. Nous énonçons des objectifs clairs, et c'est pour les atteindre que nous demandons des moyens stables : ensuite, l'outil utilisé par l'Etat pour mobiliser ces moyens n'est pas de notre ressort. C'est pourquoi nous nous tournons vers vous : c'est au législateur de dire si le financement de la télévision publique passe plutôt par les finances publiques, ou par la publicité. Et si vous anticipez plus de difficultés encore pour les finances publiques dans les années à venir, je m'en remets à votre sagesse.

Nos deux journalistes Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière sont retenus en otages en Afghanistan, l'entreprise en est secouée. Je crois cependant qu'au point où nous en sommes, la citation quotidienne de leurs noms ne change rien aux négociations avec les ravisseurs, alors qu'elle rappelle la mobilisation de l'entreprise. Je suis frappé par la mobilisation des municipalités à travers la France, qui font un geste, accrochent la photo de nos deux journalistes dans leurs locaux. Les services de l'Etat font un travail exemplaire pour obtenir la libération et pour soutenir les familles. Je crois que cette mobilisation est très importante pour les otages : Florence Aubenas a témoigné du bienfait apporté par des messages qu'elle a entendus lorsqu'elle était otage. Mais cette mobilisation ne dicte pas le rythme de la libération.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Le Parlement exprime toute sa solidarité aux otages, à leurs familles et à l'entreprise. Je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir répondu à nos questions nombreuses, qui témoignent de l'intérêt que nous portons à France Télévisions.