Mardi 26 octobre 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Loi de finances pour 2011 - Mission Provisions - Examen du rapport spécial

La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial, sur la mission « Provisions » du projet de loi de finances pour 2011.

M. Jean Arthuis, président. - Avant d'aborder l'examen des rapports spéciaux, permettez-moi de faire le point sur l'organisation de nos travaux. J'ai pris la décision de reporter cette réunion en fin d'après-midi afin que chacun puisse participer au débat sur le vote final du projet de loi portant réforme des retraites et à la séance de questions cribles. Je proposerai une autre date à M. Bernard Vera, rapporteur spécial de la mission « Publications officielles et informations administratives », retenu par un engagement impératif à cette heure.

M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial. - La mission « Provisions » a pour originalité de regrouper en deux dotations programmes des crédits destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances, ensuite répartis en tant que de besoin entre les autres missions par voie réglementaire. En outre, conformément à la LOLF, elle est une mission spécifique dénuée de stratégie de performance : ses programmes ne font l'objet d'aucun objectif ni indicateur et leur présentation ne s'accompagne pas d'un projet annuel de performances.

D'un montant de 259,7 millions d'euros, cette mission est, cette année encore, la moins dotée du budget général. La dotation du programme « Provision relative aux rémunérations publiques » correspond aux « mesures générales intéressant les agents du secteur public », dont la répartition par programme ne peut être déterminée a priori. Pour 2011, le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État a prévu 59 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement afin de « faire face à d'éventuels besoins d'ajustements en gestion sur la dépense de titre 2 ». Si cette dotation ne doit pas financer des aléas de gestion en matière de rémunérations publiques, ce qui pourrait s'apparenter à un contournement du principe de fongibilité asymétrique, ménager une certaine souplesse est légitime afin de corriger d'éventuelles erreurs marginales dans la gestion de la masse salariale de la fonction publique. Quant à la dotation du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles », elle finance, comme son nom l'indique, les dépenses accidentelles, imprévisibles, et urgentes occasionnées, par exemple, par des catastrophes naturelles, en France ou à l'étranger, ou des événements extérieurs qui nécessiteraient le rapatriement de Français. En 2011, 200,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement sont demandés, soit un montant supérieur aux deux derniers projets de loi de finances. D'après les informations disponibles, environ 140 millions d'euros sont inscrits au sein de cette enveloppe par anticipation, à titre non reconductible, pour être répartis ultérieurement conformément aux souhaits exprimés par les commissions des finances.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Provisions ».

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Provisions ».

Loi de finances pour 2011 - Mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines et comptes de concours financiers Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics et Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés - Examen du rapport spécial

Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Bernard Angels, rapporteur spécial, sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ainsi que sur les comptes de concours financiers « Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics » et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Bernard Angels, rapporteur spécial. - La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », principale mission du pôle économique et financier de l'Etat, est devenue interministérielle lors de la réorganisation du Gouvernement, en mars 2010, qui a donné lieu au transfert de la compétence en matière de fonction publique du ministère chargé du budget au ministère chargé du travail. Pilotée par ces deux ministères, elle regroupe essentiellement les moyens du ministère du budget. Elle retrace à la fois des fonctions régaliennes liées à l'impôt et des activités d'état-major, d'expertise, de contrôle et de soutien, ainsi que la formation des fonctionnaires et l'action sociale interministérielle.

Pour 2011, cette mission est dotée de 11,7 milliards d'euros de crédits. La programmation triennale pour les années 2011 à 2013 marque une relative stabilité. Le ministère du budget représentant le quatrième employeur de l'Etat, après l'Education nationale, la Défense et l'Intérieur, la maîtrise de la masse salariale constitue ici le principal enjeu budgétaire. Les dépenses de personnel de la mission s'élèvent à près de 8,4 milliards d'euros, soit plus de 70 % des crédits. Le plafond d'emplois de 142 466 équivalents temps plein représente une baisse des effectifs de 1,9 %, qui intervient après la diminution de 2 % prévue de 2009 à 2010 et celle de 1,4 % constatée de 2008 à 2009.

Depuis 2007, cette mission constitue en effet le support budgétaire de nombreuses réformes, principalement menées au ministère du budget. Le rythme soutenu de ces efforts atteste une recherche active de gains de productivité.

L'année 2011, comme l'an passé, sera marquée par la poursuite de l'intégration des réseaux de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) et de la direction générale des impôts (DGI), qui ont été fusionnées, en 2008, au sein d'une direction centrale unique : la direction générale des finances publiques (DGFiP). Les services déconcentrés sont regroupés au sein de directions départementales ou régionales des finances publiques, chacune placée sous l'autorité d'un administrateur général des finances publiques qui exerce l'ensemble des compétences précédemment attribuées au trésorier-payeur général et au directeur des services fiscaux. Pour les usagers, cette réforme se traduit par la mise en place progressive d'un « guichet fiscal unifié » : soit le centre des impôts, soit le service des impôts des particuliers constitué à partir du centre des impôts et de la trésorerie situés dans une même commune, soit enfin la trésorerie de proximité pour les localités dépourvues de centre des impôts.

La mise en oeuvre est plus rapide que prévu : sur 101 directions locales de la DGFiP à créer, 52 étaient installées au 1er septembre dernier et, d'après les prévisions du ministère, 88 le seront avant la fin de l'année. Cette efficacité est louable, mais prenons garde à une accélération de la réforme qui serait trop brusque.

De fait, l'évolution du taux d'absentéisme du personnel, qui constitue un indicateur pertinent du climat social, se révèle assez préoccupante. En 2009, au sein du pôle « Bercy », les congés de maladie de longue durée et les congés de maladie ordinaire, qui représentent respectivement 20 % et 45 % des absences, ont, pour les premiers, stagné et, pour les seconds, encore augmenté. À considérer les derniers exercices clos, l'orientation est clairement à la hausse pour les services relevant de la mission. Au reste, j'attire l'attention de la commission sur ce phénomène depuis deux ans.

Je souhaite donc que l'enquête sur la fusion de la DGCP et de la DGI, que notre commission a décidé de demander à la Cour des comptes, en 2011, en application de l'article 58-2° de la LOLF, porte non seulement sur les aspects financiers et comptables de la création de la DGFiP, mais également sur l'accompagnement des agents dans cette mutation.

Par ailleurs, le ministère du budget doit achever deux importants chantiers informatiques. Le premier est le programme CHORUS qui, déployé progressivement depuis 2008, vise à refondre le système d'information financière et comptable de l'Etat. L'un des enjeux est d'obtenir que la Cour des comptes lève la réserve qu'elle a maintenue, en ce domaine, sur les comptes de l'Etat pour 2009.

Pour l'heure, l'incertitude demeure sur l'issue de cette entreprise. D'une part, la nécessité de travaux complémentaires a conduit l'administration à reporter la bascule de la comptabilité générale dans CHORUS du 1er janvier 2011 au 1er janvier 2012. D'autre part, la presse s'est faite l'écho, ces derniers mois, des retards de paiement de factures ou de remboursements de frais aux agents imputables au système CHORUS. Le coût de ce programme, à mon avis, devrait donc dépasser l'enveloppe de 808 millions d'euros officiellement prévu.

Le second chantier informatique est le programme COPERNIC, qui concerne la seule DGFiP. L'enquête de la Cour des comptes, demandée par la commission à mon initiative l'an passé, a établi le coût complet de l'opération à 1,5 milliard d'euros, hors dépenses de fonctionnement, de 2001 à 2012. Grâce à COPERNIC, 9,7 millions de foyers fiscaux ont déclaré leurs revenus en ligne en 2009, plus de 10 millions en 2010, et certainement plus de 11 millions le feront en 2011. Un véritable succès !

Pour autant, je déplore que les interrogations que nous avions soulevées lors de notre audition pour donner suite à l'enquête de la Cour des comptes n'aient pas été levées. En particulier, il est nécessaire de développer une nouvelle application pour le recouvrement contentieux et d'adapter les applications existantes pour le recouvrement ordinaire, mais la Cour des comptes, dans son dernier rapport de certification, a estimé que les projets en cours ne répondent pas aux besoins d'une plus grande traçabilité comptable. De même, notre proposition d'envisager des applications communes à la DGFiP et à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), pour que les contribuables disposent d'un « compte fiscal » unique, n'a pas été suivie d'effets. Nous pourrions interroger le ministre, en séance publique, sur l'évolution de ces dossiers.

Un autre grand chantier est la révision générale des politiques publiques (RGPP), dont le ministère du budget, qui est aussi celui de la réforme de l'Etat, assure le pilotage. Conformément aux dispositions de la loi de finances pour 2010 introduites à mon initiative, le Parlement dispose désormais d'un bilan annuel chiffré, annexé au projet de loi de règlement : quelque 15 % des réformes de la RGPP étaient achevées, soit 58 mesures, au 31 décembre 2009. Avant la fin de cette année, une trentaine de mesures supplémentaires devraient l'être également. Entre 2007 et 2010, près de 100 000 postes ont été supprimés dans les services de l'Etat, soit près de 5 % des effectifs, dont 24 740 équivalents temps plein en 2009. Cela représente un gain brut annuel de productivité de près de 1,5 % et une économie budgétaire nette de 400 millions d'euros en 2009, 500 millions ayant été redistribués aux agents.

Les comptes spéciaux « Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics » et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », comptes de concours financiers, présentent un caractère essentiellement technique. Néanmoins, notons que le second comporte une avance de 100 millions d'euros destinée au Fonds de prévention des risques naturels majeurs. Cette somme servira à l'acquisition par l'Etat, amiable ou par expropriation, d'immeubles situés dans les zones de solidarité délimitées à la suite de la tempête Xynthia du 28 février 2010. Le remboursement par le Fonds interviendra dans l'année, dès le versement de même montant par la Caisse centrale de réassurance que prévoit l'article 38 du projet de loi de finances. En outre, le solde de ce second compte sera essentiellement fonction des remboursements anticipés d'une partie des 6,25 milliards d'euros de prêts consentis aux constructeurs automobiles en 2009. Ces remboursements sont inscrits à hauteur de 2 milliards d'euros dans le projet de loi de finances, mais cette hypothèse ne reflète pas une intention exprimée par les constructeurs : l'échéance légale de paiement reste fixée à 2014.

M. Jean Arthuis, président. - La fusion de la DGI et de la DGCP semble s'opérer dans des conditions satisfaisantes...

M. Bernard Angels, rapporteur spécial. - Certes. Néanmoins, l'important travail de modernisation engagé par le ministère du budget ne doit pas se faire aux dépens des personnels et, donc, de l'efficacité du service. Ne tirons pas trop sur la corde.

M. Jean Arthuis, président. - J'entends votre mise en garde, s'agissant d'un ministère régalien chargé de recouvrer l'impôt et de lutter contre toutes les formes de fraudes.

Quant au programme CHORUS, ce défi majeur qui consiste à doter l'Etat d'une comptabilité unique, c'est un véritable serpent de mer !

M. Bernard Angels, rapporteur. - Les différents responsables des ministères, que j'ai rencontrés à l'occasion d'une réunion consacrée à la centralisation des achats de l'Etat, ont tous témoigné des insuffisances de fonctionnement de CHORUS. Il est difficile d'exiger des fournisseurs de meilleures conditions tarifaires pour les payer, ensuite, avec six mois de retard !

Mme Michèle André. - Je souscris à l'observation du rapporteur spécial. À l'occasion de ma mission de contrôle sur pièces et sur place visant la mise en oeuvre de la RGPP dans les préfectures, j'ai eu connaissance du cas d'un entrepreneur de Clermont-Ferrand auquel le ministère de la défense devait, pour de la maintenance aéronautique, quelque 500 000 euros. Il était au bord du dépôt de bilan...

Les agents des préfectures sont très affectés de ne pas pouvoir payer dans des délais convenables, ils ont le sentiment d'être des représentants de l'Etat disqualifiés. Autrefois, le respect des délais de paiement par l'Etat était cité en exemple. La situation actuelle n'est guère rassurante.

M. Jean Arthuis, président. - La mise en oeuvre d'un tel système nécessite l'accompagnement et la formation des personnels. Les « bugs » sont inévitables. Il faut tenir bon !

M. Philippe Adnot. - Les entreprises peuvent toujours demander le paiement d'intérêts moratoires.

M. Jean Arthuis, président. - En effet, mais cela ne règle pas leur problème de liquidités. Sans compter qu'elles hésitent à recourir à de telles solutions, de peur de mettre à l'épreuve leurs bonnes relations avec l'Etat.

Le programme COPERNIC, quant à lui, et la télé-déclaration fiscale sont un succès remarquable. Mais nous devrons effectivement questionner le Gouvernement sur l'inertie de la DGDDI à rejoindre ce dispositif.

Pour finir, le rapporteur spécial recommande-t-il de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et des deux comptes spéciaux ?

M. Bernard Angels, rapporteur spécial. - À titre personnel, non. Je suis contre les suppressions de personnels, qui relèvent d'un mauvais calcul à long terme, car les finances publiques risquent d'y perdre, les agents n'ayant plus les moyens d'effectuer les contrôles nécessaires. Mais je reprendrai ma qualité de rapporteur spécial en séance publique, pour exprimer la position de la commission...

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et des comptes de concours financiers « Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics » et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Contrôle budgétaire de la localisation des centres de recherche et développement et d'ingénierie - Communication

La commission entend ensuite une communication de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, sur la localisation des centres de recherche et développement et d'ingénierie.

M. Philippe Adnot. - Je remercie la commission de m'avoir confié ce travail que nous avons décidé d'entreprendre après avoir reçu des informations faisant état de délocalisations de centres de R&D d'entreprises françaises à l'étranger. Pour le mener à bien, j'ai réalisé plus d'une trentaine d'heures d'auditions.

Le 15 septembre dernier, Renault inaugurait un nouveau centre technique dédié à la mise au point des véhicules et des organes mécaniques de la plateforme Logan en Roumanie. Six jours avant, le PDG de Google, Éric Schmidt, annonçait la création en France d'un centre de R&D pour l'Europe qui recrutera prioritairement dans les écoles et les universités françaises dont l'excellence en mathématiques est reconnue. Ces deux exemples montrent la difficulté d'apprécier les flux de R&D en France : si certaines annonces de fermeture peuvent défrayer la chronique, n'oublions pas que nous accueillons également de la R&D étrangère - l'un des exemples les plus emblématiques en est la récente création d'un centre de recherche par Microsoft.

La délocalisation des activités de R&D, qui se dessinerait après celle des activités de production, suscite de fortes inquiétudes, d'une part, parce que leur relocalisation serait rare et entraverait une éventuelle relocalisation industrielle - la production industrielle nécessitant une proximité avec les centres intellectuels - et, d'autre part, parce qu'elle remet en question les plates-formes d'intelligence constituées sur notre territoire. Pour autant, ce mouvement, dont l'ampleur semble réduite à ce jour et n'obéit pas uniquement à une logique de coût, ne restera limité, que si l'on parvient à créer des écosystèmes d'innovation performants.

La France connaît-elle une perte de ses activités de R&D ? D'après les derniers chiffres disponibles, les effectifs de R&D ont régulièrement augmenté entre 2000 et 2008 pour passer de 177 688 à 22l 876, la proportion de chercheurs étant de 58,5 % en 2008 contre 46 % en 2000. D'après les témoignages recueillis, l'impact de la crise s'est fait sentir, en 2009 et 2010, sur les sociétés d'ingénierie dont les personnels ont pu servir de variable d'ajustement, notamment dans le secteur automobile. Pour autant, cet ajustement est seulement la contrepartie d'un système qui se veut flexible, grâce à l'externalisation d'une partie des activités de R&D. Durant cette décennie, la dépense intérieure des entreprises - qui retrace les travaux exécutés sur le territoire, quelle que soit l'origine des fonds - est restée supérieure à la dépense nationale des entreprises - qui mesure le seul effort financier des acteurs économiques nationaux. De fait, les entreprises étrangères financent une part non négligeable de la dépense intérieure en R&D : 20,8 % en 2007 et 22,2 % en 2008, contre 13 % aux USA, 17 % en Finlande et 5 % au Japon. Entre 2007 et 2008, la part des dépenses intérieures de R&D des filiales sous contrôle étranger a augmenté de plus de 11 %. Cette croissance a entraîné la création de 3 166 emplois de chercheurs, soit 60,3 % de ces emplois créés entre 2007 et 2008. L'attractivité de la France en matière de R&D devrait s'accentuer, grâce à l'impact de la réforme du crédit impôt recherche en 2008. Selon l'Agence française pour les investissements internationaux, la France a fait l'objet de 639 décisions d'investissement ou de renforcement de présence en 2009, dont 7 % de décisions d'investissements en R&D, un taux nettement plus élevé que les années précédentes. Il y aurait eu quinze opérations d'extension de service de R&D existants, vingt-deux opérations de créations de services de R&D et cinq reprises de société en difficulté impliquant un centre de R&D.

Pour autant, il est incontestable que les entreprises françaises s'installent des centres de R&D à l'étranger. Sont concernées par ce phénomène les seules entreprises à dimension régionale ou internationale qui disposent d'un centre de production au-delà de nos frontières. La décision de localisation de centres de R&D à l'étranger, qui résulte surtout de la politique de croissance externe des entreprises, s'explique rarement par la volonté d'accéder à des coûts plus faibles, sinon dans le secteur automobile pour les voitures low cost et, de surcroît, pour la seule partie développement. Si la logique de bas coût fait couler beaucoup d'encre, les personnes auditionnées ont souvent souligné les désillusions du off shore : coûts importants liés au turn over des ingénieurs dans certains pays, à la traduction, au transfert et à la reconstitution du savoir... La localisation d'un centre de R&D à l'étranger relèverait d'abord d'une logique de conquête de nouveaux marchés - que ne peuvent critiquer les pouvoirs publics et qui est, parfois, une contrepartie commerciale exigée par les autorités de certains pays- et d'une stratégie d'excellence en vue d'augmenter le capital immatériel de l'entreprise. Les firmes multinationales organisent leur R&D afin d'optimiser les atouts des pays dans lesquels leurs équipes sont installées. Cette vision matricielle et mondiale de la R&D, relativement ancienne dans le secteur des télécoms, a été reprise par EADS en 2006 ou encore par Sanofi Aventis en 2010, qui a conclu plusieurs partenariats avec des organismes renommés, tels l'Inserm ou le MIT. Prédomine donc la qualité de l'environnement scientifique et des écosystèmes d'innovation dans le choix de l'installation d'un centre - le point est primordial pour les pouvoirs publics. Plus ces centres seront intégrés à un écosystème d'innovation dynamique, plus il sera coûteux pour l'entreprise de modifier la géographie de sa R&D. Ces différentes logiques coexistent au sein de l'entreprise : pour financer l'augmentation de leur capital immatériel, les entreprises doivent réaliser des profits, ce qui passe notamment par la conquête de nouvelles parts de marché, grâce à l'optimisation de leurs produits existants et une certaine rationalisation des coûts.

La France a conduit des réformes importantes qui favorisent la création d'un environnement en R&D particulièrement attractif en France. Premièrement, la réforme du crédit impôt recherche de 2008 a réduit de manière significative le coût de la R&D dans notre pays. L'avantage fiscal permet à certaines entreprises d'amortir les variations des taux de change, à d'autres de ramener le coût de l'ingénieur français à celui de l'ingénieur indien si l'on prend en compte les coûts de transfert. Rappelons que le crédit impôt recherche n'a pas vocation à financer les dépenses de R&D des entreprises française à l'étranger, sauf lorsque ces dépenses sont sous-traitées à des organismes publics ou à des entreprises au sein de l'Union européenne. Et encore, les dépenses éligibles de sous-traitance sont soumises à un plafond global, qu'elles soient réalisées en France ou à l'étranger. Deuxièmement, les pôles de compétitivité rassemblent sur un territoire donné entreprises, laboratoires de recherche et établissements de formation. Le ministère de l'économie a identifié 12 528 entreprises étrangères dans les 71 pôles de compétitivité, dont un quart d'entreprises américaines et 13 % de sociétés allemandes. Troisièmement, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a amélioré l'interface entre le monde académique et le monde de l'entreprise depuis 2006 avec la création de l'Agence nationale de la recherche, l'ouverture croissante des universités sur les entreprises, la création de fondations et l'encouragement aux projets de valorisation de la recherche. Quatrièmement, je citerai le programme d'investissements d'avenir, majoritairement orienté vers le financement de projets de recherche et de démonstrateurs, ainsi que la constitution de centres d'excellence.

Malgré ces évolutions positives, certaines faiblesses persistent. Alors qu'émerge un marché mondial des compétences où la Chine et l'Inde délivrent chaque années des diplômes à des milliers d'ingénieurs et de chercheurs bien formés, notre système d'enseignement ne pourvoit pas aux besoins, affirment les entreprises auditionnées.

Nous ne formons pas assez d'ingénieurs : 30 000 par an depuis dix ans, contre 300 000 pour l'Inde et la Chine. Outre le manque d'appétence des jeunes pour les sciences, soulignons la faible attractivité des postes industriels, moins séduisants que les fonctions bancaires ou financières.

Les donneurs d'ordres comparent les prix nationaux avec les prix near shore et off shore. Les rapports sont de un à trois pour les premiers et de un à cinq pour les seconds. Un marché mondial des chercheurs commence à se développer et un bon chercheur Chinois vaut aussi cher qu'un Français. L'Asie est d'ailleurs capable de mettre des sommes très importantes pour attirer les meilleurs. Les pouvoirs publics, s'ils n'ont pas d'influence directe, peuvent renforcer l'attractivité des filières d'ingénieurs, qui restent particulièrement professionnalisantes - 56 % des élèves d'un établissement que je connais bien sont embauchés avant la fin de leurs études.

Les PME souffrent d'un manque de R&D. Les grands groupes de l'automobile ou de l'aéronautique se comportent plutôt en assembleurs et bénéficient de la plus-value produite par les équipementiers avec leurs composants. Ils refusent de financer la recherche-développement et, dès qu'ils ont la solution à leur problème, ils arrêtent. D'où un risque d'externalisation partielle à l'étranger de la part de ces sous-traitants. Il conviendrait de réfléchir à une mutualisation de ces dépenses, parce que l'assembleur ne partage pas les coûts et les risques de la recherche et du développement dont il retire les bénéfices.

Notre cadre législatif et règlementaire est parfois jugé trop instable ou insuffisant, et le projet de loi de finances pour 2011 n'est pas de nature à rassurer ceux qui craignent une remise en cause du CIR. Certaines réformes peuvent en outre avoir un impact indirect sur la localisation des activités de RD. La réforme de la biologie médicale, opérée par voie d'ordonnance, a soumis certaines entreprises de biotechnologies aux règles applicables aux laboratoires de biologie médicale. Cela les pénalise fortement parce qu'elles ne peuvent plus développer leurs technologies - je pense ainsi à une entreprise très dynamique en matière de marqueurs biologiques. Cette ordonnance doit être ratifiée prochainement ; il conviendrait de lever cet obstacle. Lors d'un colloque que j'ai parrainé au Sénat, on nous a expliqué comment cette réglementation empêchait les laboratoires de lever des fonds propres, une entreprise envisageant même d'installer son centre de recherche en Belgique.

M. Jean Arthuis, président. - Dans certains départements, il va bientôt ne plus rester qu'un seul laboratoire d'analyse biologique.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - J'ai évoqué l'assimilation de ces entreprises à des laboratoires d'analyse médicale.

Au total, il n'y a pas a priori péril en la demeure, mais la vigilance est de mise car les instances de direction des grandes entreprises vont réexaminer leur R&D afin de renouer avec les bénéfices. L'implantation des centres peut donner lieu à des stratégies variables. Si les pouvoirs publics peuvent difficilement s'élever contre les stratégies commerciales, ils peuvent préserver la compétitivité des coûts comme ils l'ont fait avec le CIR. Rien ne nous interdit de penser à ce qui devrait évoluer pour optimiser les méthodes que nous mettons en place. Si nous ne perdons pas, globalement, de R&D, ces activités pourraient être rapidement touchées par une rationalisation. Il faut donc préparer l'avenir et créer des écosystèmes d'innovation attractifs pour les entreprises françaises et étrangères.

M. Jean Arthuis, président. - Je vous remercie d'avoir conduit cette étude sur un sujet extrêmement sensible. Il y a 18 mois, vous m'aviez recommandé de rencontrer des ingénieurs travaillant pour des sous-traitants de l'industrie automobile et que l'on encourage à se déplacer en Europe centrale - ce qui peut entrainer des pertes d'emplois. Le cas de Renault et de la Logan est typique. Le CIR peut être utilisé pour des dépenses de sous-traitance réalisées à l'étranger, nous devons être attentifs.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Renault essaie, et c'est de bonne guerre, d'obtenir un système similaire du gouvernement roumain.

M. Jean Arthuis, président. - Pour toucher deux fois le CIR ?

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Non. Je peux d'ailleurs vous assurer que nous avons longuement débattu de cette question. Le CIR peut-il servir à faire de la recherche ailleurs ? On ne peut pas dire que ce soit encore le cas, mais il faut rester vigilant.

M. Jean Arthuis, président. - De grands groupes organisent la délocalisation en Europe centrale de leurs sous-traitants.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - La sous-traitance représente 5 % des dépenses du CIR. Nous n'avons pas encore fait complètement le tour de cette question. J'imagine qu'elle mobilisera le successeur de Christian Gaudin.

M. Jean Arthuis, président. - Il m'arrive de rêver d'autres modalités de prélèvement social et d'impôt qui allègerait les cotisations sur les salaires. Ce serait aussi efficace que le CIR, qui n'aurait plus de raison d'être avec la TVA sociale.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Le débat ne concerne pas seulement le CIR : l'emploi, c'est la compétitivité. Il faudrait nommer autrement la réforme à laquelle vous pensez et dont certains parlementaires de gauche me disaient tout à l'heure qu'ils regrettaient qu'on l'ait enterrée trop vite. Si tout ce qui peut faire baisser les coûts est bon, le CIR a l'avantage d'être ciblé. Il faut jouer de tous les leviers et se rappeler que ce qui est décisif pour la recherche, ce sont les centres d'excellence. L'école mathématique française, par exemple, est extrêmement importante pour notre attractivité.

M. Jean Arthuis, président. - Surtout pour former des traders !

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Je pensais plutôt à Microsoft.

M. Jean Arthuis, président. - Les algorithmes utilisés dans les salles de marché, c'est de la recherche. A ce titre, on a pu constater que le secteur bancaire pouvait profiter du CIF, ce qui m'étonne.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Le secteur «  Banques et assurances » représentent 2 % des dépenses du CIR.

M. Jean Arthuis, président. - C'est-à-dire 80 millions !

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Un autre exemple de l'importance mathématique concerne la simulation virtuelle qui permet d'accélérer la recherche dans de nombreux domaines, comme on l'a fait par exemple pour les essais nucléaires. On pourra bientôt remplacer des corps par des modélisations.

M. Charles Guené. - Je félicite Philippe Adnot pour son rapport. Le CIR ne serait-il pas plus un avantage pour les entreprises de taille nationale que pour les grandes entreprises qui recherchent avant tout des pôles d'excellence ?

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Ce serait un peu réducteur. Le CIR est essentiel pour toutes les entreprises innovantes, pour la compétitivité de nos entreprises et pour l'attractivité de notre territoire pour des entreprises étrangères. La maîtrise des savoirs peut déterminer l'avenir de certaines sociétés, mais il n'est pas exclu que des entreprises « moins patriotes » se servent sur le marché mondial de la recherche.

M. Jean Arthuis, président. - Un dirigeant d'entreprise de logiciels de gestion expliquait qu'il y a un pourcentage de génies dans la population : quand vous avez un milliard d'habitants, votre potentiel de génies est plus élevé qu'avec 60 millions.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Tout est relatif. Organisé par Microsoft, l'Imagine Cup fait plancher 12 000 étudiants pendant 48 heures sur le thème de l'innovation. Parrainant cette manifestation, je me suis rendu en Corée pour chercher le drapeau. Des nations se détachent : il y a les Français, l'Europe de l'Est, la Corée, la Chine, mais ni les Anglais, ni les Américains, ni les Allemands.

M. Charles Guené.- N'était-ce pas déjà le sens des chiffres que vous avez cités sur le nombre d'ingénieurs diplômés ? Nous sommes en bonne place mais l'évolution n'affaiblit-t-elle pas notre position ?

M. Philippe Adnot. - Il y a l'intelligence, et il y a aussi le travail et le dynamisme.

M. Jean Arthuis, président. -Il serait dommage que cet intéressant rapport ne soit pas publié.

A l'issue de ce débat, la Commission donne acte à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Contrôle de l'application des lois - Communication

Puis la commission entend une communication de M. Jean Arthuis, président, sur le contrôle de l'application des lois.

M. Jean Arthuis, président. - Le rapport que le Sénat publie chaque année sur l'application des lois connaît un fort retentissement médiatique... Les commissions permanentes sont chargées d'établir le bilan de la parution des textes règlementaires d'application des mesures législatives votées par le Parlement et dont elles avaient été saisies au fond ; ces bilans sont ensuite consolidés.

Au cours de l'exercice 2009-2010, notre commission a été chargée de contrôler l'application de vingt-et-une lois, dont seize en stock et cinq votées au cours de la dernière session. On constate que quatre-vingt-sept textes d'application ont été pris ou sont devenus sans objet, soit plus de la moitié des mesures prévues ; cependant, le stock de textes en attente de parution reste à peu près stable : soixante-sept contre soixante-dix.

S'agissant des lois les plus anciennes, la publication de plus des deux cinquièmes des textes en attente a porté le taux d'applicabilité du stock à 90%, trois devenant entièrement applicables. Cependant, l'on n'a que peu d'espoir pour les lois votées avant 2007 ; c'est ainsi que le décret prévu par l'article 24 de la loi de finances rectificative pour 2004 portant réforme de la taxe pour le développement de la formation professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics est toujours en gestation.

Les deuxième et troisième lois de finances rectificatives pour 2010 étaient d'application directe ; elles organisaient l'aide à la Grèce, la garantie de l'Etat au mécanisme européen de stabilisation financière et la participation de la France aux accords d'emprunt du FMI. La loi sur le crédit aux PME et le premier collectif pour 2010 sont d'ores et déjà intégralement applicables. La loi sur les jeux en ligne a reçu plus de 80 % de ses textes d'application, mais moins de la moitié des mesures attendues pour les textes financiers de l'hiver dernier ont été publiés. Dans le cas de la loi de finances pour 2010, cela est dû à certains aspects de la réforme de la taxe professionnelle - nous y reviendrons dans le cadre du PLF pour 2011.

Le taux global d'application reste stable à 82 %. Attribuable à la vigilance du Sénat et au suivi du travail législatif, ce constat relativement satisfaisant n'est pas contradictoire avec le souhait que les situations de blocage les plus anciennes connaissent leur épilogue et qu'une initiative parlementaire permette l'abrogation des dispositifs abandonnés de fait : l'applicabilité de huit lois n'a pas évolué depuis un an.

Je vous invite à prendre connaissance de la note qui vous a été distribuée comme du rapport général. Je vous encourage surtout, dans le cadre de vos prérogatives, à identifier les difficultés et à interroger les administrations défaillantes.

La commission donne acte à M. Jean Arthuis, président, de sa communication.

Loi de finances pour 2011 - Nomination de rapporteurs spéciaux

Enfin la commission nomme :

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur », en remplacement de M. Christian Gaudin.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la mission « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique » (compte d'affectation spéciale créé dans le projet de loi de finances pour 2011).

Mercredi 27 octobre 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Loi de finances pour 2011 - Mission Sécurité civile - Examen du rapport spécial

La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Claude Haut, rapporteur spécial, sur la mission « Sécurité civile ».

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - A titre liminaire et personnel, je souhaite tout d'abord exprimer mon désaccord avec deux orientations budgétaires prises par la mission « Sécurité civile », dont je vais par ailleurs vous détailler les crédits dans quelques instants.

Tout d'abord, je désapprouve la nouvelle mise à contribution des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), et donc la nouvelle mise à contribution des départements, qui se dessinent dans le cadre du futur fonctionnement courant de l'infrastructure nationale partagée des transmissions Antares. Tout le monde était d'accord sur le principe de ce regroupement des transmissions entre les sapeurs-pompiers, la police et la gendarmerie, mais il était évident que son financement ne relevait pas de ces services départementaux. Le coût de fonctionnement anticipé d'Antares est estimé à 24 millions d'euros par an, une fois la mise en service de ce réseau totalement achevée. Afin de couvrir cette charge, les SDIS paraissent devoir être sollicités, dans le futur, à hauteur de 10 millions. Non seulement cette ponction va à rebours des annonces initialement faites par l'État - c'est un engagement non tenu - mais ces services départementaux ont déjà consenti certains efforts pour limiter l'augmentation de leur budget et ainsi la contribution des départements. Il y a tout lieu de penser que les 10 millions nécessaires à Antares seront à nouveau mis à la charge des départements, ce qui n'est pas acceptable.

Mon second point de désaccord concerne le désengagement financier progressif de l'État dans le fonctionnement de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP). Après une première réduction d'un million en 2011, la subvention de l'État devrait être supprimée en 2013. Ce désengagement programmé hypothèque sérieusement l'avenir de cette école. Soucieux de la cohérence de la politique de formation menée depuis plusieurs années dans le cadre de la sécurité civile, je ne peux pas non plus approuver cette orientation. Dès lors que l'on a créé et financé cette école, on doit lui donner les moyens de fonctionner. Ou alors, il ne fallait pas la créer !

M. Jean Arthuis, président. - C'est un gouffre financier. Il faut la fermer.

M. Claude Haut, rapporteur spécial. - Je ne serais pas contre. En tout cas, ce revirement n'est pas cohérent.

J'en viens maintenant, en ma qualité de rapporteur spécial de la commission des finances, à la présentation des chiffres clefs de ce budget pour 2011. La mission « Sécurité civile » est constituée des programmes « Intervention des services opérationnels » et « Coordination des moyens de secours ». En 2011, elle sera dotée de 459,8 millions en autorisations d'engagement (AE) - soit une augmentation de 2,5 % - et de 434,9 millions en crédits de paiement (CP) - soit une baisse de 4,6 %. Le programme « Intervention des services opérationnels » s'appuiera sur 264,8 millions, tandis que le programme « Coordination des moyens de secours » bénéficiera de 170,1 millions. A l'exception des dépenses directement liées à l'activité opérationnelle - c'est-à-dire les produits retardants, le carburant et la maintenance des aéronefs - qui sont maintenues au niveau de 2010, une diminution des crédits de fonctionnement de 5 % a été appliquée au programme « Intervention des services opérationnels ».

Ce budget vise à remplir la feuille de route fixée à la sécurité civile, d'une part, par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et, d'autre part, par la révision générale des politiques publiques. Les orientations arrêtées par le Livre blanc sont au nombre de quatre : renforcer les capacités de lutte face aux menaces de type nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif (NRBCE), rénover le système d'alerte et d'information des populations, mettre en oeuvre un dispositif d'alerte pour faire face au risque de tsunami dans la zone de l'Atlantique nord-est et en Méditerranée, et, enfin, conforter l'échelon zonal en matière de gestion interministérielle des crises.

La RGPP, pour sa part, assigne à la direction de la sécurité civile l'objectif d'optimiser ses moyens aériens, de mutualiser les fonctions support de sa flotte d'hélicoptères avec la Gendarmerie nationale et de rationaliser l'implantation de ses bases héliportuaires, toujours en concertation avec la gendarmerie.

Dans ce contexte, la trajectoire budgétaire de la mission « Sécurité civile » suit une programmation triennale définie sur la période 2011 à 2013. Cette programmation, qui est présentée dans le projet de loi de finances pour 2011, ne correspond pas toutefois, pour le moment, aux crédits inscrits dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2), en cours d'examen par le Parlement. Hors charges de pensions, le montant arrêté en crédits de paiement pour 2011 est supérieur de 12 millions à celui prévu par la loi d'orientation. Interrogé sur ce point, Alain Perret, directeur de la sécurité civile, a indiqué à votre rapporteur spécial qu'un ajustement des crédits programmés par la LOPPSI 2 sera opéré par le dépôt d'un amendement du Gouvernement, lors de la discussion de la loi d'orientation en deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

Comme les années précédentes, se pose, à l'occasion de l'examen de cette mission la question du financement des services départementaux d'incendie et de secours. Les collectivités territoriales participent à hauteur de 96 % aux dépenses de fonctionnement de ces services, dont le budget prévisionnel pour 2010 représente 5,5 milliards, soit plus de dix fois celui de la mission « Sécurité civile ». Il faut d'ailleurs souligner la tendance à la prédominance du financement des SDIS par les départements depuis plusieurs années. Dans le même temps, le montant des moyens du Fonds d'aide à l'investissement (FAI) des SDIS s'établit au même niveau plancher qu'en 2010, à 21,36 millions. Les SDIS sont pourtant demandeurs de davantage d'aides à l'investissement, notamment pour la mise en place de l'infrastructure nationale partagée des transmissions Antares.

L'Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers connaît une mise en route satisfaisante à Aix-Les Milles et s'appuie sur un budget pour 2010 de 27,2 millions d'euros. Un investissement important a par ailleurs été consenti pour sa nouvelle implantation : le total des engagements financiers pour l'ensemble de cette opération s'élève, au 1er août 2010, à 85,8 millions, incluant 21,9 millions pour la réalisation du plateau technique. Les collectivités locales ont pris part, à hauteur de 40,8 millions, à cet effort. Toutefois, la suppression, annoncée pour 2013, de la subvention de fonctionnement de l'État - qui s'élèvera à 3,48 millions en 2011 contre 4,5 millions en 2010 - risque de fragiliser cette école. En outre, elle ne paraît pas cohérente avec la politique ayant guidé le développement de l'ENSOSP au cours des dernières années.

En conclusion, je ne peux, personnellement, pas proposer d'adopter ce budget en l'état, mais je suppose que la commission des finances adoptera, sans modification, les crédits proposés pour la mission et chacun de ses deux programmes. Je serai, bien sûr, son porte-parole en séance publique pour défendre cette position...

M. Jean Arthuis, président. - Merci de nous avoir fait partager votre déchirement entre l'orientation prévisible de la majorité de la commission et vos réserves sur les financements d'Antares et de l'ENSOSP.

Sur Antares, je connais des SDIS qui n'ont pas l'intention de passer à la phase d'investissement. C'est encore un de ces projets somptuaires, mais il vient un moment où il faut respecter le principe de réalité. J'espère que lors de la discussion budgétaire nous aurons avec le ministre un vrai débat sur le sujet. On ne va pas faire exploser le budget !

Et pourquoi a-t-on créé l'ENSOSP ? Tout le monde veut son école. Celle-ci présente certes l'agrément d'être en Provence, mais à un emplacement déshérité, et elle a nécessité un gigantesque investissement. Il faudra aussi interroger le ministre sur son maintien.

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Moi aussi je regrette qu'on ne se donne pas les moyens de faire fonctionner cette école. Une piste est à creuser : au Parlement européen, le Parti populaire européen (PPE) vient de déposer une motion demandant la création d'une force européenne de sécurité civile. Il pourrait y avoir là pour la France, qui est en pointe dans ce domaine, l'occasion d'utiliser ce plateau.

S'agissant du FAI, tout orienter vers Antares n'est pas une solution ; il n'y a pas de mutualisation. Au total, je suis moi aussi réservée sur ces crédits de la mission « Sécurité civile ».

M. Jean Arthuis, président. - Vous voulez mutualiser l'ENSOSP au niveau européen ? Que peut-on bien faire dans cette école ouverte toute l'année ? Et maintenant, on va demander aux SDIS de prendre le relais du financement de l'État ! Cela devient insupportable. Sans parler du décret revalorisant le traitement des officiers. Que l'État gère cela lui-même ou bien qu'il nous laisse faire !

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Sécurité civile ».

Loi de finances pour 2011 - Mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation - Examen du rapport spécial

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. - L'année 2010 a vu l'aboutissement d'une vieille revendication avec la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010 qui impose une décristallisation totale, mais non rétroactive, des pensions militaires de retraite. Il faut rappeler que cette décristallisation est effective depuis 2007 pour les « prestations du feu », que sont la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité.

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » poursuit, en 2011, les réformes engagées depuis plusieurs années. La première, lancée dans le cadre de la RGPP, concerne la suppression de la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, la DSPRS, qui sera totalement réalisée au 31 décembre de l'année prochaine, date de la disparition de l'administration centrale de la direction à Paris. La seconde vise à la rationalisation de la Direction du service national, la DSN. Cette direction fournit l'essentiel de l'appui à la Journée défense et citoyenneté (JDC) qui remplace l'ancienne Journée d'appel de préparation à la défense (JAPD), suite au vote de la loi du 10 mars 2010 sur le service civique.

La mission poursuit sa pente décroissante, avec une contraction de ses moyens de 3,3 % en 2011, contre 1,1 % en 2010, soit un budget de 3,32 milliards en crédits de paiement. Cette baisse s'explique pour l'essentiel par l'ajustement réalisé sur les prestations servies aux anciens combattants, qui suivent la baisse de la population des ayants-droit. Le nombre de bénéficiaires de la pension militaire d'invalidité (PMI) chute ainsi en 2011 de 16 000 unités, tout comme celui des bénéficiaires de la retraite du combattant, en diminution de 60 000 unités.

Les réformes engagées ont principalement des effets sur le plafond d'emploi, qui poursuit une baisse proportionnellement supérieure à celle des crédits de la mission. Les dépenses de personnel passent en effet de 152,7 à 116 millions d'euros en 2011, soit une contraction de 24 %. Le PLF 2011 laisse apparaître une réduction de 663 ETPT pour un total autorisé de 2 372 ETPT. La suppression nette, hors transferts, est de 373 emplois.

Regardons plus en détail les principaux traits de chacun des programmes. Les crédits du programme 167 « Liens entre la nation et son armée » baissent de 13,6 % en crédits de paiement, ce qui s'explique essentiellement par la poursuite de la réforme de la DSN, laquelle se traduit par la suppression de 211 emplois, ramenant le plafond d'emplois de la direction à 2 081 ETPT.

Je note, par ailleurs, plus de cohérence dans ce programme avec le transfert, au sein de l'action 2 « Politique de mémoire », des dotations de l'action 4 du programme 169 «Entretien des lieux de mémoire ». Ce mouvement se traduit budgétairement par une augmentation des crédits de l'action de 1,4 million d'euros. Cet effort supplémentaire, par rapport à l'année 2010, porte sur la rénovation globale des nécropoles militaires dans la perspective du centenaire de la Première guerre mondiale. Votre rapporteur restera attentif au respect de cet objectif.

Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » est marqué par la baisse de la population des anciens combattants. Cette évolution se répercute sur sa principale action, « administration de la dette viagère », dont les crédits baissent de 85 millions d'euros. On remarque également logiquement qu'alors que le soutien à la DSPRS chute de 60 %, les crédits alloués à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC), appelé à jouer son rôle de guichet unique, augmentent.

Une difficulté relative à la délivrance de la carte du combattant, essentielle pour l'octroi de nombreuses prestations, est apparue en 2010. En effet, de regrettables retards de traitement sont apparus en raison d'une nouvelle application informatique dont la mise en oeuvre a été défectueuse, et du stock accumulé de demandes, lequel s'explique par la disparition des commissions départementales d'attribution de la carte au profit de deux commissions nationales.

La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement, proposé par le Gouvernement, visant au respect de l'engagement de celui-ci de porter l'indice applicable à la retraite du combattant à 48 points en 2012 alors qu'il se situe actuellement à 43 points après une revalorisation de deux points l'an passé. Cet amendement permettrait de porter l'indice à 44 points l'an prochain. Ce nouvel effort serait d'un peu plus de 4,6 millions pour 2011 pour une mesure applicable au 1er juillet, soit le coût d'un quart de point. Dans l'hypothèse de son adoption par l'Assemblée nationale, notre commission aura à se prononcer sur cette mesure qui prendra la forme d'un article additionnel. En l'état actuel des données transmises, nous pourrions proposer un avis favorable à cette mesure.

Le dernier programme de cette mission, le programme 158, porte sur l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale. Sa dotation augmente fortement, de plus de 18 millions d'euros -soit une progression de près de 19 % en crédits de paiement - en raison de l'aboutissement de dossiers d'indemnisation dont la prévisibilité reste toujours difficile. Suite aux travaux du préfet Audouin, un décret unique sur la situation des orphelins de guerre devrait sortir avant la fin de ce mois, qui viendra corriger l'actuel dispositif constitué des deux décrets de 2000 et 2004.

Sous le bénéfice de ces observations, et en restant attentif au sort qui sera fait à l'amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale, votre rapporteur spécial vous propose d'adopter les crédits de la mission sans modification.

M. Jean Arthuis, président. - Merci de ces précisions et de cet avis en faveur d'une adoption sans modification, clair et sans état d'âme.

M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. - L'attribution de la carte du combattant est cependant une grosse difficulté. Entre la fin de 2009 et mai 2010 il n'y avait pas eu de réunion de la Commission d'attribution de cette carte...On a bloqué le système en le centralisant.

Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Il y a deux catégories de veuves d'anciens combattants : celles qui ont perdu leur mari à la guerre et ont élevé seules leurs enfants ; et celles qui, devenues veuves à 70 ans par exemple, touchent également une pension. Ces deux catégories n'ont rien à voir l'une avec l'autre alors qu'on les traite de la même façon. On me dit que le rapport que j'avais demandé sur le sujet sera prêt avant le 31 décembre.

M. Jean Arthuis, président. - On a modifié la règlementation fiscale. Auparavant, le conjoint survivant d'un couple ayant élevé un ou plusieurs enfants bénéficiait d'une demi-part supplémentaire pour la détermination de son impôt sur le revenu. On a modifié cette règle et, désormais, c'est uniquement le veuf ou la veuve ayant élevé, seul, un ou plusieurs enfants pendant au moins cinq ans, qui conserve cet avantage. Je pense qu'on avait en fait généralisé la législation applicable aux veuves de guerre, mais dans des conditions contestables et relativement coûteuses. Attendons le rapport.

Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. - Suite à l'arrêt du Conseil d'État, le bénéfice de la campagne double est étendu aux anciens combattants d'Afrique du Nord. J'y suis opposée pour des raisons d'équité. Un militaire qui a combattu un an sur un champ de bataille bénéficiera s'il est fonctionnaire, de trois ans ! Qu'en est-il des salariés du privé ? Ce n'est pas juste.

M. Jean Arthuis, président. - C'est tout le problème de l'égalité des Français devant la retraite.

M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. - La décision du Conseil d'État s'imposait aux ministères chargés du budget et des anciens combattants. Le décret sorti en juillet a pris pour point de départ de son application le 19 octobre 1999, date à laquelle la loi a officialisé l'expression « guerre d'Algérie ». On a ainsi limité l'application et ouvert la boîte de Pandore pour vingt ans et je ne suis pas loin d'être d'accord avec vous. Mais le problème de l'inégalité de traitement est que certaines catégories de la fonction publique - les gendarmes par exemple - bénéficient déjà de cette disposition. Le ministre s'était fermement engagé en faveur de cette campagne double, mais le décret est tel que tout le monde n'en bénéficiera pas ce qui suscitera une contestation.

M. Jean Arthuis, président. - Le Conseil d'État a veillé à ce que le principe d'égalité soit respecté ?

Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. - La vraie égalité serait d'en accorder le bénéfice également aux personnes du secteur privé.

M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. - Cette disposition s'applique au secteur public. La véritable égalité, telle qu'elle est revendiquée, aurait imposé de ne pas retenir la date du 19 octobre 1999 pour ne pas limiter l'application du décret à un nombre qui sera, en réalité, restreint, de personnes.

M. Philippe Dallier. - Je fais une suggestion. La mission « Ville et logement » comporte un programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » qui comprend lui-même une action en faveur des rapatriés et des harkis Ne devrait-on pas, dans un souci de cohérence, la transférer au sein de votre mission ?

M. Jean Arthuis, président. - Si on veut privilégier le volet insertion, peut-être vaut-il mieux ne pas faire la confusion entre les harkis et le statut d'ancien combattant.

M. Philippe Dallier. - En quoi relèvent-ils du logement ? On semble ne pas savoir où rattacher cette action et ce sujet est de fait peu traité dans ma mission.

M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. - Les problèmes des rapatriés et des harkis ont longtemps été différents de ceux du monde combattant sur plusieurs sujets. Les revendications ne sont pas du tout les mêmes. Ce n'est pas le Secrétaire d'État, Hubert Falco, qui dira le contraire.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission «Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Loi de finances pour 2011 - Mission Ville et logement (et articles 98 et 99) - Examen du rapport spécial

Puis, la commission procède à l'examen du rapport de M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, sur la mission « Ville et logement » et les articles 98 et 99 du projet de loi de finances pour 2011.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - La mission « Ville et logement » avait une cohérence forte à ses débuts, qu'elle a progressivement perdue en grande partie. Si elle a gagné en cohérence avec le rattachement du programme 177, « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » qui permet de traiter l'hébergement avec le logement, elle est devenue mission interministérielle, et elle est actuellement gérée par deux secrétaires d'État rattachés eux-mêmes à deux ministres de tutelle différents. Cet éclatement a des conséquences sur les agences, opérateurs au titre de la mission, et plus spécialement sur la principale d'entre elle, l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui relève toujours du secrétaire d'État à la ville, mais dont les ressources sont fournies par Action logement, l'ancien 1 %, qui est du ressort du secrétariat d'Etat au logement. Il a aussi des conséquences sur la capacité éventuelle à transférer des crédits d'un programme à l'autre, d'autant plus que l'équilibre initial entre deux programmes « ville » et deux programmes « logement » a été rompu au profit du logement.

La plus grande partie des crédits de la mission relève d'une logique de guichet. Dans le projet de budget pour 2011, ses moyens atteignent 7,646 milliards d'euros en autorisations de programme et 7,606 milliards en crédits de paiement. Sur ce total, 5,277 milliards en AE et CP, soit 69 %, sont destinés aux aides personnelles au logement, auxquelles l'État contribue à travers la subvention d'équilibre versée au Fonds national d'aide au logement (FNAL). Si l'on ajoute les dépenses obligatoires des autres programmes, comme les remboursements des exonérations de charges sociales en zone franche urbaine sur le programme politique de la ville, soit 222 millions, on arrive à un pourcentage de 72 % de crédits relevant de dépenses obligatoires. Il reste donc une marge de manoeuvre très étroite de crédits qui constituent des variables d'ajustement, très sensibles aux évolutions de la politique budgétaire, dans un sens comme dans l'autre. C'est pourquoi la mission « Ville et logement » est d'autant plus affectée par la fin du plan de relance qu'elle en a été l'une des grandes bénéficiaires avec la mobilisation de 315 millions de crédits de paiement supplémentaires.

C'est une mission pour laquelle les dépenses fiscales comptent plus que les dépenses budgétaires. Elles s'élèvent à plus de 12 milliards d'euros, en progression de 5,8 % par rapport à 2010. J'ai dénombré 68 dépenses fiscales rattachées à la mission, mais seules 40 font l'objet d'une estimation. L'insuffisance quantitative de l'évaluation se double, parfois, d'approximations méthodologiques. Je l'ai constaté, par exemple, sur l'évaluation de la dépense fiscale liée à l'amendement que j'avais cosigné avec Serge Dassault instituant un dégrèvement partiel de taxe d'habitation en faveur des personnes de condition modeste relogées dans le cadre d'un projet conventionné au titre du programme ANRU. Cette dépense a été très surestimée, à 25 millions d'euros.

La tendance, constatée depuis plusieurs exercices, à la hausse, de la dépense fiscale pourrait toutefois s'inverser à partir de 2011, en raison du « rabotage » des niches fiscales et de la refonte des aides à la propriété, avec le nouveau prêt à taux zéro « PTZ » dit « universel ». Plusieurs dépenses fiscales du domaine du logement sont concernées par la réduction de l'avantage en impôt procuré par certaines niches prévue par l'article 58 du projet de loi de finances, comme le « Scellier » ou le régime de l'investissement des loueurs en meublé non professionnels.

Le projet de loi de finances inclut également, dans son article 56, un dispositif de simplification des aides à l'accession à la propriété, avec un prêt à taux zéro renforcé ayant vocation à se substituer au dispositif actuel de prêt à zéro pour cent, au crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts et au Pass-foncier. Bien que le coût global du nouveau dispositif en régime de croisière soit estimé à 2,6 milliards par an, et que les anciens dispositifs continuent à produire des effets jusqu'en 2016, cette réforme procurerait, à compter de 2012, une économie fiscale importante, évaluée à 2,5 milliards en 2018.

Quelles sont, dans ce contexte, les principales tendances du projet de budget 2011 ? En premier lieu, une baisse des crédits de la mission, conforme à l'objectif de réduction des déficits publics et à la trajectoire de la programmation pluriannuelle. Cette diminution, de 0,6 % en autorisations d'engagement et de 2,5 % en crédits de paiement, est acquise par des économies sur les aides personnelles au logement, le retour au droit commun des exonérations de charges sociales dans les zones franches urbaines et la débudgétisation d'une partie des crédits de paiement destinés au logement locatif social, dont nous reparlerons. Pour les aides au logement, les économies sont obtenues essentiellement par la suppression de la rétroactivité sur trois mois du versement des aides. S'agissant de l'APL aux étudiants, dont le Gouvernement avait envisagé la suppression, avant de revenir sur cette décision, il est difficile de savoir quelle hypothèse a été retenue pour les estimations de dépenses.

En second lieu, le recours à des financements extrabudgétaires prend une ampleur croissante dans la gestion de la mission « Ville et logement » et cela a des conséquences sur la place du Parlement dans l'examen du budget.

Le projet de budget pour 2011 prévoit une progression exceptionnelle des ressources sur fonds de concours dont le contrôle échappe nécessairement à l'appréciation des assemblées. Leur montant estimé atteint au total 13,130 millions d'euros en autorisations de programme et 93,130 millions en crédits de paiement. Ces fonds de concours, une nouveauté, sont donc la clé de l'équilibre du financement du programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement » pour 2011. Ils permettent ainsi d'annuler l'écart entre AE et CP sur la « ligne fongible» des aides à la pierre par un apport de 80 millions d'euros en CP ; de pallier l'absence de crédits budgétaires pour financer la lutte contre l'habitat indigne, dont l'ANAH pourrait, encore cette année, se révéler dans l'incapacité d'assurer la charge à la place de l'État et que l'agence reverse ainsi au budget ; enfin, d'atténuer la baisse des dépenses de fonctionnement de l'administration centrale du logement, finançant ainsi des actions en principe destinées à la communication sur la Garantie des risques locatifs.

Quelques sujets méritent une attention particulière. J'observe tout d'abord que, malgré la poursuite du rebasage à la hausse de certaines dotations concernant l'hébergement d'urgence, les dépenses dans ce domaine sont encore trop systématiquement sous-évaluées. C'était le cas, l'année dernière, pour les nuitées hôtelières. J'avais mis en garde, lors de l'examen du budget 2010, contre l'irréalisme d'une dotation calculée sur la baisse de plus de 40 % du nombre de places financées. Je constate heureusement que le projet de budget 2011 est revenu sur cet objectif et prévoit un doublement des capacités, actant un retour à un nombre de nuitées sensiblement égal à celui qui a été constaté pour 2009, c'est-à-dire 13 000 places quotidiennes pour un coût de 62 millions d'euros.

Mais l'insincérité des estimations budgétaires reste vraie pour l'aide alimentaire. D'abord, pour la part qui est destinée à la mise en oeuvre locale par les services déconcentrés chargés de la cohésion sociale. Les dépenses réellement engagées ne sont connues qu'une fois exécutées et sont, depuis plusieurs années, très supérieures aux crédits délégués. Ensuite, en ce qui concerne les crédits centraux. Le plan de relance avait conforté des montants, pour les exercices 2009 et 2010, à hauteur respectivement de 20 millions d'euros puis 11,2 millions. La dotation inscrite pour 2011, qui se stabilise au niveau des dotations initiales des années précédentes, est donc assurément insuffisante.

De manière générale, le projet de budget pour 2011 ne semble pas être en mesure d'assurer le financement satisfaisant des actions prévues par le programme 177, après la fin du plan de relance. Je pense donc que la trajectoire retenue pour les trois prochaines années, qui est celle d'une réduction progressive des crédits budgétaires qui diminueraient de 7,34 %, n'est pas réaliste.

Le second sujet est celui des conséquences financières de l'instauration du droit au logement opposable qui deviennent significatives du fait des condamnations de l'État. Dans les deux premières années de son entrée en vigueur, la loi Dalo a eu des conséquences budgétaires limitées au financement du fonctionnement des commissions de médiation et de l'instruction des dossiers. Les montants budgétés étaient restés globalement stables, à environ 5 millions d'euros. Dans le projet de budget 2011, ils diminuent à 4,7 millions en application de la règle d'une contraction des crédits de fonctionnement de 10 % sur trois ans dont 5 % dès 2011. J'observe que pour 2011, la stabilité des dépenses de fonctionnement des commissions sera obtenue grâce au maintien à six mois du délai dérogatoire d'instruction des dossiers dans les grandes agglomérations qui a été confirmé par le ministre Benoist Apparu que j'ai interrogé sur ce point. Mais en 2012, compte tenu de l'ouverture du Dalo à l'ensemble des demandeurs de logements sociaux non satisfaits dans les délais dits « normalement longs », il ne sera pas réaliste d'envisager une stabilisation des moyens des commissions de médiation et, a fortiori, une baisse.

L'application du Dalo entraîne également des dépenses liées à son contentieux - paiement des astreintes, frais de justice, condamnations pour engagement de la responsabilité de l'État. Lorsque la demande de logement est recevable et qu'elle n'est pas satisfaite au bout de six mois, l'État peut être condamné à payer une astreinte dont le produit est versé aux Fonds régionaux d'aménagement urbain. Je m'étais préoccupé, en 2010, de l'absence de prise en compte des risques propres au droit au logement opposable et du maintien de la dotation pour frais de contentieux à un niveau de 700 000 euros. Les bilans les plus récents font état d'une progression très rapide du montant des condamnations prononcées contre l'État. Le total des astreintes liquidées est passé de 72 860 euros en 2009 à 6,731 millions au 30 septembre 2010 et devrait dépasser 10 millions en année pleine. Une inscription budgétaire spécifique au contentieux Dalo, à hauteur de 9,3 millions en AE-CP, a donc été introduite par le projet de budget pour 2011 et vient s'ajouter à la dotation de 700 000 euros prévue pour les autres contentieux de l'habitat. Elle sera juste suffisante.

Autre sujet de préoccupation, le financement des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) me semble menacé par l'indécision dont fait preuve le Gouvernement concernant la révision de la géographie prioritaire de la politique de la ville. Les crédits destinés aux actions territorialisées de la politique de la ville sont en baisse de 8 % et même de 28 % pour ce qui est de l'ingénierie des CUCS. Ces mesures d'économie auront nécessairement des conséquences au niveau local, dans la définition des enveloppes départementales qui devront intégrer des critères plus sélectifs. Sur le terrain, il sera difficile d'expliquer ces restrictions puisqu'il n'y a pas eu de décision politique. On se trouve dans une situation où c'est l'opérateur de l'État en ce domaine, l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE), qui est amené à appliquer de facto une révision de sa géographie prioritaire d'intervention, laquelle, par ailleurs, est retardée depuis près de deux ans pour la globalité de la politique de la ville et repoussée à 2012.

J'en termine par la mesure centrale du projet de budget pour 2011, qui est la création d'un prélèvement sur les ressources financières des organismes HLM, fondé sur leur assujettissement à la contribution sur les revenus locatifs (CRL), et destiné à compenser la baisse des crédits d'aide à la pierre et à supporter la bosse des paiements de l'ANRU. Il est en effet prévu de confier à la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) la gestion d'un fonds, alimenté par la CRL versée par les organismes de logement social, qui ne seraient plus exonérés de ce prélèvement à partir de 2011. Le produit attendu de cette mesure serait, en 2011, de 340 millions d'euros redistribués, pour 80 millions, vers le financement des aides à la pierre, et à hauteur de 260 millions, à l'ANRU. Le Gouvernement présente cette mesure comme un outil de mutualisation et de péréquation des ressources financières entre organismes HLM, mais également comme devant contribuer à la maîtrise des finances publiques grâce à la suppression d'une niche fiscale instituée à leur profit. Je considère que cette présentation est, par plusieurs aspects, abusive et trompeuse.

M. Jean Arthuis, président. - C'est bien vu.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Le non-assujettissement des organismes HLM à la CRL ne peut pas être considéré comme une niche fiscale. La CRL tire son origine de la contribution additionnelle au droit de bail, qui finançait l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et les aides aux propriétaires bailleurs et occupants privés. Depuis l'origine, les bailleurs sociaux n'étaient donc pas concernés par cette imposition, de même qu'ils ne bénéficiaient pas des aides de l'ANAH. Ensuite, la nouvelle contribution ne peut être qualifiée d'instrument de péréquation. En effet, dans la mesure où son assiette est constituée de la masse des loyers perçus, elle s'applique indifféremment et uniformément à tous les organismes, quelle que soit leur situation financière, leur implication dans les opérations de construction en cours ou à venir, ou l'état de leur parc.

Enfin, ce prélèvement n'irait pas intégralement au logement social, puisque l'ANRU consacre environ le tiers de son budget à des aménagements urbains qui ne sont pas directement liés au logement social.

Ces critiques étant largement partagées, j'espère que le Gouvernement changera d'avis. Restera, cependant, à trouver les 260 millions d'euros qui manqueront à l'ANRU, dont les dépenses seront « en bosse », à un niveau élevé jusqu'en 2015 au moins.

A quel niveau doit-on fixer sa trésorerie ? Sur la période, on estime que le montant des paiements se situera dans une fourchette de 1,3 à 1,5 milliard par an. J'estime que, dans ces conditions, il ne serait pas raisonnable de prévoir moins de 300 millions d'euros pour la trésorerie de l'ANRU. En deçà, les délais de paiement s'allongeraient, au détriment des collectivités locales.

Le Gouvernement compte affecter à l'ANRU une part du produit de CRL de 260 millions d'euros pour 2011, 200 millions pour 2012 et 250 millions pour 2013. De son côté, Action logement, qui contribue annuellement pour 1,3 milliard au financement du logement, dont celui de l'ANRU, veut renégocier à la baisse sa contribution pour la période triennale qui court jusque 2011, affirmant impossible d'aller au-delà d'un milliard. On le comprendra : l'avenir est plus qu'incertain pour le financement de l'ANRU. Il faut trouver une solution !

Il existe aussi de vrais besoins pour la péréquation entre organismes HLM. La taxe dite sur les « dodus dormants », instaurée par le collectif budgétaire pour 2009, devait mutualiser les ressources financières disponibles des organismes en taxant ceux qui n'avaient pas suffisamment investi. On en attendait 60 millions d'euros, mais comme les organismes concernés ont fait de l'optimisation fiscale, par exemple en remboursant leurs prêts par anticipation, cette taxe n'aurait rapporté que 6 000 euros ! J'ai prévenu le mouvement HLM au congrès de Strasbourg : à ces petits jeux pour éviter la péréquation, c'est tous les organismes qui se retrouvent taxés !

Quant au mécanisme consistant à prélever 80 millions de CRL pour abonder, dans un premier temps, un fonds de la CGLLS qui les reverse ensuite par un fonds de concours au budget de l'Etat, il est d'une particulière complexité : Bercy peut afficher que le compte y est, mais notre commission des finances est en droit de contester cette « tuyauterie » des plus opaques. Nous sommes passés de 40 000 logements neufs financés par an en 2002, à 120 000 cette année : il y a donc du progrès, mais aussi des marges de progression sur la méthode.

A titre personnel, je crois que la péréquation entre organismes pourrait apporter 100 millions d'euros, et que le reste doit être trouvé par l'Etat. La politique du logement et de la rénovation urbaine est un grand projet, porté par la « loi Borloo » ; l'Etat s'est d'abord engagé à mobiliser 5 milliards d'euros, à parité avec le 1 % logement, puis 6 milliards, mais il s'est totalement retiré du financement. Nous devons veiller à ce que cet engagement ne se transforme pas en de nouvelles charges pour les bailleurs sociaux, voire les collectivités locales : la solidarité territoriale doit se traduire en crédits budgétaires.

M. Jean Arthuis, président. - Merci pour cette présentation de ces crédits, qui traduit l'ambition que l'on a eue en instituant la mission « Ville et logement » et la difficulté de dégager des moyens à sa hauteur. Je désapprouve avec vous l'instauration d'une CRL sur les bailleurs sociaux et la commission pourrait rejeter cet article rattaché. Des organismes se voient refuser la participation de l'ANRU, mais ils devraient tous la financer, ce n'est pas acceptable. Quant au mécanisme faisant intervenir la CGLLS, il fait s'interroger sur le bien-fondé de cette caisse même !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - C'est un sujet délicat...

M. Jean Arthuis, président. - Certes, mais lorsque le conseil général cautionne l'intégralité d'un emprunt, on voit mal pourquoi l'organisme d'HLM devrait cotiser à cette caisse...

M. Edmond Hervé. - Je félicite notre rapporteur pour son stoïcisme souriant, tant on voit qu'il parle sous la torture ! Je lui ferai aussi le reproche de trop garder pour lui-même ses connaissances. Car quand vous entendez un ministre déclarer, devant le congrès HLM, que la TVA à 5,5% pour le logement social est une niche fiscale, il y a de quoi réagir ! Le Gouvernement veut reprendre cette année 340 millions aux HLM. Cela représente, sur trois ans, la construction de 60 000 logements. Et ce gouvernement, qui nous abreuve de ses injonctions à la bonne gouvernance, ne se gêne pas pour demander la signature de onze opérateurs pour une convention avec l'ANRU, puis pour refuser les moyens nécessaires à son ministre du logement. Mme Boutin l'a reconnu devant nous !

Une question : pourquoi l'Institut des villes, présidé par M. Bourg-Broc, a-t-il été supprimé ?

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - La Cour des comptes l'a recommandé, dans une logique de regroupement.

M. Edmond Hervé. - Ce n'est pas à la Cour des comptes qu'est revenue la décision ! Des regroupements sont certes possibles, il y a probablement trop de structures, mais l'Institut des villes coûtait peu, pour un travail remarquable, en particulier des publications en partenariat avec la Documentation française. Je trouve que sa suppression n'est pas très honorable.

Je vous demande, Monsieur le rapporteur spécial, de rappeler le ministre à plus de retenue, lorsqu'il qualifie de niche fiscale la TVA à 5,5% dans le logement social !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Je conviens avec vous que cette appellation de niche fiscale, probablement copiée-collée d'un élément de langage tout droit venu de Bercy, ne convient pas et ne convainc pas ! La péréquation entre organismes, en revanche, est un vrai sujet, car les besoins sont réels : certains organismes ont des moyens alors qu'ils ne sont pas en zone tendue, quand d'autres doivent faire face à une très forte demande mais sans moyen de construire. Il faut rééquilibrer. Le financement de l'ANRU, quant à lui, est un autre sujet.

M. Edmond Hervé. - L'important, c'est le besoin de logement, et les inégalités territoriales se constatent pour tous les types de logements aidés.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Vous avez raison, la territorialisation n'a pas été une préoccupation suffisante par le passé, on le voit en particulier pour les dispositifs « de Robien » ou « Scellier ».

M. Jean Arthuis, rapporteur. - Le dispositif « Scellier » confine à l'absurde : il est très coûteux, et il faut voir à quoi il est utilisé, notamment à travers les publicités extravagantes qui en vantent les mérites sur internet !

M. Edmond Hervé. - Ce n'est pas le discours à Bercy, où le « Scellier » passe pour favoriser les rentrées fiscales...

M. Jean Arthuis, président. - Le dispositif « Scellier » a été adopté à l'automne 2008, en pleine crise, quasiment sur un coin de table, en pleine précipitation ! L'absurde, c'est qu'il coûte cher, puisque l'économie d'impôt peut aller jusqu'à 37% de la valeur du logement, et que les logements construits, souvent petits, ne correspondent pas toujours à la demande, encore moins aux priorités. Je déposerai un amendement pour réduire ses avantages.

M. Edmond Hervé. -Vous l'avez pourtant tous utilisé comme argument de campagne électorale...

M. Jean Arthuis, président. - Non, pas tous et je ne vois guère de lien avec les élections européennes puis régionales, qui ont eu lieu depuis...

M. Pierre Jarlier. - M. Dallier démontre bien combien les moyens manquent à la politique du logement et je rejette avec lui une taxe qui affaiblirait la capacité constructive des organismes HLM, au moment où on leur demande de maintenir ce niveau élevé où ils sont enfin parvenus, de 120 000 logements neufs par an. Je crois également que la péréquation territoriale est un levier d'action.

J'estime cependant que la territorialisation pourrait être plus fine que celle des « zones tendues », qui va désormais présider à l'allocation des crédits logements, aussi bien pour le logement social que pour le logement privé aidé par l'ANAH. Nous manquons aussi de logements sociaux dans des territoires ruraux où la population est pauvre et où l'accession sociale à la propriété ne peut être une solution pour tout le monde. La situation y est tendue aussi, et je ne connais pas beaucoup de territoires, même en zone non tendue, où des logements sociaux restent vides !

M. Jean Arthuis, président. - Il y en a pourtant !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - J'en ai vu !

M. Pierre Jarlier. - S'agissant de l'hébergement d'urgence, on se félicitera que les moyens soient réévalués, mais il ne faut pas perdre de vue que les besoins sont sous-évalués, et que les crédits aux associations reculent, ce qui a pour conséquence de diminuer l'offre de service, par exemple la permanence de jour en CHRS.

Enfin, si le Dalo est déclaré grande cause nationale, chacun peut constater que les moyens ne suivent pas.

M. Denis Badré. - Qui doit garantir, entre les communes, les départements et les EPCI, les emprunts des bailleurs sociaux ? Il faudrait plus de règles, car tout n'est pas clair. Ensuite, lorsqu'une commune transfère la politique du logement à une communauté de communes ou d'agglomération, comment évaluer la charge que représente la garantie des emprunts ?

M. François Marc. - Pourquoi la rétroactivité de trois mois est-elle supprimée pour l'obtention des aides au logement ? Cette règle compensait le fait que les ayants-droits n'avaient pas fait valoir leurs droits et que les délais pouvaient être longs. Les personnes concernées sont dans une situation souvent très difficile : pourquoi compliquer ainsi leur existence ?

Sur l'hébergement d'urgence, on se félicite que les crédits pour 2011 retrouvent leur niveau de 2009, mais on sait aussi qu'ils seront insuffisants pour couvrir les besoins : avez-vous une évaluation des besoins qui ne seront pas couverts ?

M. François Fortassin. - Sachant que les plus précaires de nos compatriotes ne trouvent pour toit que des logements insalubres dans le privé, ce qui leur interdit l'accès à l'APL, et que de nombreux logements demeurent vacants où occupés de manière très occasionnelle, ne pourrait-on pas envisager une sorte de malus sur cette vacance, par une taxe spécifique ?

M. Gérard Miquel. - Les crédits à la pierre ont, à certains endroits, été délégués aux communautés de communes ou aux départements : dispose-t-on d'un bilan de cette délégation ? Dans mon département, où nous avons fait des opérations très intéressantes, on s'inquiète d'entendre parler d'une délégation à la région, ce qui paraît synonyme d'un fléchage vers la métropole régionale...

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Je vais tâcher de répondre à toutes vos questions.

D'abord sur la territorialisation : les crédits sont recentrés sur les zones tendues, parce que la contrainte budgétaire incite à resserrer les priorités. La situation est certes difficile pour certains territoires ruraux, mais les besoins sont sans commune mesure en région PACA ou en Ile-de-France.

Sur l'hébergement d'urgence, il est évident que les crédits des années antérieures et ceux de l'an passé avaient été volontairement sous-évalués, ce qui nous a imposé d'en ajouter à chaque collectif budgétaire. De fait, nous sommes dans une logique de guichet ouvert et il est prévisible que les dépenses ne vont pas diminuer en temps de crise.

M. François Marc. - Nous sommes loin de la Lolf !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Nous en sommes en moyenne à 13 000 chambres d'hôtel par jour, au tarif négocié de 15 euros grâce à une réservation à l'année, ce qui représente tout de même 62 millions d'euros.

Sur la mise en oeuvre du Dalo, on peut prévoir une forte augmentation des dossiers à compter de 2012. En fait, s'il y a des zones tendues où l'Etat est régulièrement condamné, alors que sur d'autres territoires les services peuvent faire face : nous nous en sommes aperçus à Rennes, lors d'une visite.

Qui doit garantir les emprunts des organismes ? Les collectivités le font, et lorsqu'une commune transfère sa compétence, elle transfère aussi la charge de la garantie d'emprunt, dans des conditions réglementaires. La CGLLS, ensuite, a tout son rôle à jouer.

M. Jean Arthuis, président. - Et la cotisation y est obligatoire même lorsque l'organisme voit ses emprunts garantis intégralement par la collectivité : ce n'est pas normal.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - C'est une forme de mutualisation.

Enfin, je crois que le motif de la suppression de la rétroactivité de trois mois tient pour l'essentiel aux 240 millions d'euros d'économies qu'on en attend. Cependant, le Gouvernement nous assure que la période de versement de l'aide débutera au jour du dépôt du dossier.

M. Fortassin suggère une taxe sur les logements vacants : elle existe déjà et elle rapporte 18 millions.

La délégation de l'aide à la pierre n'a pas encore fait l'objet de bilan, à ma connaissance, et ce serait intéressant d'en disposer. Les bailleurs s'inquiètent aussi des changements annoncés dans la répartition des compétences, en y voyant un risque de retrait de collectivités locales, ce qui compromettrait la capacité de tenir les 120 000 logements neufs par an.

M. Jean Arthuis, président. - Le rapporteur spécial nous présente trois amendements.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Par mon amendement n°1 portant sur les crédits, je vous propose de supprimer les 839 000 euros de subvention accordés à l'Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (IFCASS). Le Gouvernement souhaite diviser par deux la subvention antérieure de 1,6 million ; je propose plus simplement de la supprimer : nous apprendrons à cette occasion si la subvention est justifiée ou non.

La commission adopte l'amendement n° 1 à l'article 48 (Etat B annexé) du projet de loi de finances pour 2011.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Par l'amendement n°2, je propose d'appliquer aux entreprises agricoles de plus de vingt salariés la cotisation patronale de droit commun au fonds national d'aide au logement (FNAL). Le produit attendu s'élève à 53 millions d'euros et il nous a paru légitime que ces entreprises - qui ne sont pas des petits exploitants - contribuent au financement des aides au logement, dès lors que leurs salariés en bénéficient.

M. Jean Arthuis, président. - Les articles 98 et 99 sont-ils fiscaux ? Si c'est le cas, il ne me paraît pas de bonne méthode d'en faire des articles rattachés. Par ailleurs, il faut prendre garde, avec votre amendement, au risque de délocalisation de l'activité.

Mme Nicole Bricq. - Tout dépend de la nomenclature, qui distingue l'agricole de l'agroalimentaire : le risque de délocalisation n'est pas le même.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - L'exonération actuelle concerne les entreprises de moins de vingt salariés et celles qui relèvent du régime agricole de sécurité sociale. Je propose de la supprimer seulement pour ces dernières.

M. Jean Arthuis, président. -Beaucoup de niches fiscales sont maintenues pour les coopératives et les mutuelles, et il faudra y mettre bon ordre.

Mme Nicole Bricq. - Vous le dites, mais vous avez voté l'exonération de taxe sur le foncier agricole, une promesse de longue date de M. Chirac !

La commission adopte l'amendement n° 2 à l'article 98 du projet de loi de finances pour 2011.

M. Philippe Dallier, rapporteur. - Par l'amendement n°3, nous supprimons cet article dans sa version issue du projet de loi de finances initial.

M. Jean Arthuis, président. - Nous en sommes tous d'accord.

La commission adopte l'amendement n° 3 portant suppression de l'article 99 du projet de loi de finances pour 2011.

A l'issue de ces débats, elle décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission «Ville et logement » et de l'article 98 ainsi modifiés ainsi que la suppression de l'article 99.

Loi de finances pour 2011 - Participation de la France au budget de l'Union européenne - Examen du rapport d'information

La commission procède à l'examen du rapport d'information de M. Denis Badré, rapporteur spécial, sur la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 46 du projet de loi de finances pour 2011).

M. Denis Badré, rapporteur spécial. - L'article 46 du projet de loi de finances pour 2011 fixe notre contribution au budget de l'Union européenne à 18,235 milliards d'euros, ce qui représente 7 % de nos recettes fiscales et le sixième des ressources communautaires.

L'année 2011 a pour particularité de correspondre au premier exercice de mise en oeuvre du traité de Lisbonne. Ce dernier a modifié la procédure budgétaire, en introduisant plusieurs innovations. D'abord la fin de la distinction entre dépenses obligatoires et non obligatoires. Ensuite la suppression des deux lectures par le Parlement européen et le Conseil européen, au profit d'une simple lecture et de l'appel à un comité de conciliation en cas de désaccord.

La Commission européenne a présenté son avant-projet de budget pour 2011 le 27 avril 2010. Le Conseil de l'Union européenne a ensuite adopté un projet plus rigoureux le 12 août, en limitant à 0,2 %, au lieu de 0,84 %, la hausse des crédits d'engagement et en ramenant la hausse des crédits de paiement (CP) de 5,85 % à 2,9 %. Le projet a été adopté à une courte majorité qualifiée, car sept Etats s'y opposaient : le Royaume-Uni, l'Autriche, les Pays-Bas, le Danemark, la Finlande, la Suède et la République tchèque, formant, à trois voix près, une minorité de blocage. Le budget n'a été adopté que parce que la France et l'Allemagne ont accepté de se rallier au compromis de la présidence belge, en soulignant qu'une augmentation des CP de 2,9 % constitue le taux plafond acceptable. Le Parlement européen a modifié le budget à la hausse, mais modérément, puisqu'il a voté un projet quasi identique à celui de la Commission européenne. Il a exigé en contrepartie l'ouverture de négociations sur les ressources propres du budget communautaire. Le Parlement européen a donc pris à cette occasion une position forte, en faveur d'un budget de l'Union européenne plus durable et plus démocratique. J'ai interrogé hier, lors du débat préalable au Conseil européen, le secrétaire d'Etat aux affaires européennes s'agissant des perspectives de la négociation et de la position de la France. Il m'a été répondu que notre pays est favorable à la nouvelle procédure, et que si le comité de conciliation n'aboutit pas, il faudra alors recourir au système des douzièmes provisoires - tâchons de l'éviter !

La structure de la contribution française a changé ces quinze dernières années : la part de la ressource TVA, encore majoritaire en 1995, a progressivement cédé la place à la contribution assise sur la richesse nationale brute (RNB), qui en représente désormais les trois quarts. Les ressources propres traditionnelles, à l'instar des droits de douanes, sont sorties du calcul en 2010, ce qui complique les comparaisons dans le temps. J'observe que la contribution est calculée au printemps de l'année n-1, en référence à un RNB qui n'est pas encore connu, et qu'elle est ajustée tout au long de l'année n : on comprend donc que la prévision soit souvent différente de l'exécution, les écarts pouvant ainsi être de l'ordre du milliard d'euros, dans un sens ou dans l'autre. Je regrette par ailleurs que les analyses se fassent trop souvent en terme de « retour net », soit le solde entre la contribution nationale au budget communautaire et les dépenses de l'Union européenne dans le pays considéré : cette méthode est détestable, parce qu'elle focalise l'attention sur des données comptables peu significatives tant il est difficile de mesurer le « retour », par Etat membre, des bénéfices de la construction européenne et, en particulier, de la libre circulation des personnes et des capitaux.

De même, chaque Etat membre apporte à ses voisins, sans que cela soit retracé dans les soldes nets. Ainsi, la France investit pour sa défense plus que les autres Etats membres, qui en bénéficient cependant, et l'on voit mal comment évaluer cet apport incontestable.

Je précise que si la France est le deuxième contributeur net au budget de l'Union européenne, elle en est aussi le premier bénéficiaire. Ce constat devrait toutefois être affiné : en effet, notre pays est toujours le premier bénéficiaire de la PAC en valeur absolue, mais ce n'est plus vrai si ce montant est rapporté au nombre d'habitants.

Dans la perspective de la prochaine programmation 2014-2020, je me félicite que le Parlement européen réclame une refonte profonde du budget communautaire. Il n'est pas démocratique que les autorités communautaires décident de l'affectation de crédits dont 85 % proviennent de décisions des parlements nationaux. D'ailleurs, ce budget est trop peu lisible : je note à cet égard que les préconisations du rapport sur les agences européennes que j'ai réalisé en 2009 n'ont pas encore été suivies d'effet. Dans le cadre de la mission qui m'a été confiée cette année par le Premier ministre sur les relations entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, j'effectuerai un déplacement à Vienne dans quelques jours. Ce sera l'occasion de s'interroger sur le bien-fondé de l'existence de l'agence européenne pour les droits fondamentaux.

Sous réserve de ces observations, je vous propose d'émettre un avis favorable sur l'article 46 du projet de loi de finances pour 2011, qui résulte des dispositions mêmes des traités. Si nous ne l'adoptions pas, cela provoquerait, de plus, une crise grave dans les institutions européennes, qu'il vaut mieux nous épargner.

M. Jean Arthuis, président. - Merci de cet exposé clair et concis.

M. François Fortassin. - Je voterai cet article au nom de la solidarité européenne, mais j'appelle l'attention de mes collègues sur l'utilisation des fonds versés au budget communautaire. Lorsque le programme « InterReg » dépense, par exemple, 3 millions d'euros pour compter les oies sauvages du golfe de Biscaye, cela s'apparente à du gaspillage !

M. Philippe Dallier. - Les parlementaires européens songent-ils à la création d'un véritable impôt communautaire ?

Mme Nicole Bricq. - Nous avons eu hier un débat fort intéressant en séance sur le contrôle des finances publiques au niveau européen. Comment le rapporteur spécial envisage-t-il la refonte du budget de l'Union européenne ?

M. Denis Badré, rapporteur spécial. - Monsieur Fortassin, j'ai tendance à insister sur les dépenses d'avenir, relatives à la compétitivité, aux réseaux transeuropéens, à la politique extérieure européenne et à la citoyenneté, mais votre remarque est fondée. La dépense publique communautaire devrait toujours être justifiée. Par ailleurs, je déplore que le poids de notre contribution soit alourdi par des amendes ou par des refus d'apurement au titre de la PAC. Il faut veiller à limiter ces surcoûts.

Monsieur Dallier, vous avez bien compris l'objet de la demande du Parlement européen, qui est de réfléchir à la mise en place d'une nouvelle ressource propre communautaire.

Madame Bricq, je suis prêt à discuter avec vous de la refonte des finances de l'Union européenne, mais aujourd'hui le temps nous manque.

M. Jean Arthuis, président. - Nous y reviendrons lors de l'examen en séance de l'article 46 et du rapport de M. Badré.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 46 du projet de loi de finances pour 2011. Elle donne acte au rapporteur spécial de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information dans la perspective du débat de la séance publique du 2 novembre.

Programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, et à l'élaboration du texte proposé pour le projet de loi n° 66 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Examen du rapport

M. Jean Arthuis, président. - Contrairement aux projets de lois de finances, les projets de lois de programmation des finances publiques sont débattus en séance dans le texte de la commission, selon la procédure en vigueur depuis la dernière révision constitutionnelle. La précédente loi de programmation a été examinée en 2008 ; le présent projet nous a été transmis hier par l'Assemblée nationale.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cet exposé général sera bref, car je réserve la substance de mon intervention pour l'examen des articles.

La programmation pluriannuelle des finances publiques repose sur trois types de documents : les programmes de stabilité, qui résultent des engagements européens de la France, et dont nous avons voté une douzaine depuis la fin des années 1990 sans jamais les respecter ; les programmations triennales, créées par l'article 50 de la LOLF et figurant dans le rapport économique, social et financier annexé au PLF - il y en a eu neuf depuis le PLF pour 2003 - ; et, en vertu de l'article 34 de la Constitution et depuis la dernière révision, les lois de programmation des finances publiques, elles aussi indicatives, dont la première concernait les années 2009 à 2012.

La différence entre la programmation et l'exécution du solde public peut être représentée par un schéma « en crête iroquoise ». Les prévisions du présent projet de loi se confondent avec celles du dernier programme de stabilité et les prolongent : l'objectif est de parvenir à un solde public de - 2 % du produit intérieur brut en 2014 et, selon le ministre du budget, à l'équilibre en 2016. Dans le passé, les programmations n'ont jamais été respectées, en premier lieu parce qu'elles se fondaient sur des hypothèses de croissance excessivement optimistes, de l'ordre de 2,5 %, voire 3 % par an dans le cas des « scénarios hauts ». Or, depuis le début du siècle, la croissance n'a été supérieure à 3 % qu'en 2000, à 2,5 % en 2000 et 2004, et la croissance moyenne annuelle s'est élevée à 1,6 %. Les hypothèses de croissance ne sont souvent que des effets d'annonce : même s'il est important d'indiquer sa confiance dans l'économie, des hypothèses trop optimistes faussent les prévisions relatives aux comptes publics.

En second lieu, le rythme de croissance des dépenses publiques a toujours été sous-estimé, en général à 1 % alors que l'exécution réelle montre une progression moyenne de 2,4 %. Le projet de loi de programmation prévoit une augmentation annuelle de 0,6 %, contre 1,1 % dans le précédent.

Demain sera-t-il à l'image d'hier ? Espérons que non. Le présent projet de loi s'inscrit dans le contexte d'une réforme de la gouvernance des finances publiques. Le Président de la République a réuni deux conférences sur le déficit, un groupe de travail a été mis en place sous la présidence de Michel Camdessus - en faisaient partie des experts et des praticiens, parmi lesquels le président socialiste de la commission des finances de l'Assemblée nationale, et les discussions y ont été exceptionnellement constructives - et cette année, pour la première fois, le débat d'orientation des finances publiques a donné lieu à un vote du Parlement. En Europe, les Allemands ont révisé leur constitution pour fixer un objectif en termes de solde structurel ; une réforme du calendrier de transmission à la Commission européenne des programmes de stabilité est à l'ordre du jour - c'est le projet de « semestre européen » -, la Commission a formulé des propositions de règlements et de directive et le groupe animé par M. Van Rompuy va conclure ses travaux. La crise économique, le creusement des déficits publics et la crise des dettes souveraines au printemps dernier nous placent à la croisée des chemins.

Quel est dans ce contexte le rôle de la commission des finances du Sénat ? Elle peut participer à l'élaboration d'une doctrine. Le président Arthuis et moi-même avons adressé à M. Camdessus une contribution qui sera annexée au rapport de la commission : nous y exprimons des convictions non pas idéologiques mais opératoires. Parmi nos objectifs, il y a d'abord la revalorisation de nos institutions démocratiques : le programme de stabilité, qui nous engage, ne devrait plus être du seul ressort de l'exécutif, mais être soumis au Parlement et donner lieu à un vote. Les trajectoires pluriannuelles doivent être crédibles : notre sécurité et notre souveraineté sont en jeu, car que reste-t-il de la souveraineté d'un pays réduit à être le spectateur de l'emballement et du renchérissement de sa dette faute de crédibilité ? Il est inutile de jeter l'opprobre sur les thermomètres de la bonne santé financière des Etats : nous devrions plutôt faire en sorte que continue à s'afficher une température rassurante de 37°... Enfin, dans un souci de cohérence, il faut s'attacher à ce que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale respectent les objectifs des lois de programmation : le Premier ministre a repris la proposition d'instaurer à cet effet une hiérarchie des normes.

Deux règles contraignantes doivent être établies : une règle de sincérité, disposant que les trajectoires pluriannuelles doivent être bâties en fonction d'hypothèses économiques prudentes, et une règle de responsabilité, selon laquelle l'exécutif est tenu pour responsable des mesures qui dépendent de lui, qu'il s'agisse du niveau des dépenses ou du montant des mesures nouvelles en recettes.

Le présent projet de loi comporte plusieurs innovations louables : l'Ondam est exprimé en milliards d'euros et non plus en pourcentage d'évolution ; les opérateurs de l'Etat ne pourront plus recourir à l'emprunt ; enfin une norme de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires est fixée en milliards d'euros : 10 milliards en 2011, puis 3 milliards chaque année entre 2012 et 2014. Je m'interroge en revanche sur la suppression de la limitation à quatre ans des nouvelles niches, rétablie il est vrai par l'Assemblée nationale. D'autre part, étant donné que les députés ont voté le gel en valeur des niches fiscales et sociales, il est possible de supprimer la règle de gage des niches nouvelles, moins contraignante.

Je relève en outre que certaines préconisations de la commission des finances et du rapport Camdessus n'ont pas été suffisamment entendues : on peut douter de la prudence des hypothèses macro-économiques qui fondent ce projet de loi, et aucun instrument n'est mis en place pour piloter en temps réel l'exécution budgétaire et réagir en cas de dérapage.

Comme le ministre François Baroin, j'estime nécessaire de consolider la gouvernance des finances publiques. L'Etat ne perçoit qu'une part très minoritaire des prélèvements obligatoires. Le rapport Camdessus recommande de regrouper au moins les parties relatives aux recettes des lois de finances et de financement de la sécurité sociale : dans la plupart des autres pays le financement des régimes sociaux est assuré par le budget de l'Etat. Le système actuel est opaque : le financement de la Cades est inscrit cette année dans le projet de loi de finances, mais les modifications proposées par les députés impliquent des coordinations en loi de financement de la Sécurité sociale ...

Quant au niveau des prélèvements obligatoires, le Gouvernement prévoit qu'il atteindra 43,9 % du PIB en 2014 comme en 2006, en raison de l'augmentation spontanée du taux de prélèvements pour près de 1 point et de mesures nouvelles pour 1,4 point. Nous avons bâti un autre scénario moins pessimiste : si la croissance est de 2 % chaque année au lieu de 2 % en 2011 et 2,5 % les années suivantes, les prélèvements obligatoires devraient se stabiliser autour de 43,2 % en 2014, ce qui correspond au niveau de 2004.

M. Jean Arthuis, président. - Merci de cet exposé très pédagogique. L'ambition de cette loi de programmation est d'anticiper une éventuelle révision de la Constitution visant à mieux encadrer le pilotage des finances publiques, en fixant un plafond de dépenses et un plancher de mesures nouvelles en recettes, et en nous donnant les moyens de réagir immédiatement en cas de dérapage. Il y va de notre indépendance nationale : un Etat surendetté est aux mains de ses créanciers. Comme le rappelle souvent Jean-Pierre Fourcade, la dette française est détenue aux deux tiers par des investisseurs étrangers ! Un large consensus s'est dégagé au sein du groupe de travail présidé par M. Camdessus, même si certaines de nos propositions n'ont pas été retenues, comme l'instauration d'un article d'équilibre unique aux deux lois financières. J'ajoute qu'il faudra se poser la question des critères de répartition des articles des lois de finances entre les articles rattachés et les articles non rattachés.

M. François Baroin, ministre du Budget, des Comptes publics et de la réforme de l'Etat. - Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur général sur le diagnostic, la méthode et les objectifs à moyen terme. Il faut fixer des règles contraignantes et durables pour équilibrer nos comptes publics, car la souveraineté nationale est en jeu. Un effort de pédagogie sera indispensable. J'observe qu'en Allemagne, la nécessité d'une saine gestion budgétaire fait l'unanimité : l'opposition elle-même réclame que les recettes supplémentaires générées par la croissance économique, plus élevée que prévue, soient affectées à la réduction des déficits.

Mme Nicole Bricq. - Nous aurons ce débat en séance, mais nous doutons de la sincérité de cette programmation. D'ailleurs, la comparaison avec l'Allemagne est biaisée, car les Allemands ont introduit la notion de déficit structurel, qui nous fait défaut.

M. Jean Arthuis, président. - Il y a eu des discussions à ce sujet au sein du comité Camdessus. Bien que des experts reconnus reconnaissent la validité de la notion de déficit structurel, nous avons préféré nous en tenir à des indicateurs simples et robustes : il est trop facile d'attribuer nos déficits à la conjoncture !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Il faut souligner que nous émettons moins d'emprunts à moyen et long termes que les Allemands : 188 milliards d'euros, contre 202 milliards. Mais il est à craindre, si la conjoncture se dégrade ou si les taux d'intérêts remontent, que ce volume soit dépassé. C'est pourquoi, comme pour l'Ondam, je préférerais que l'évolution de la dette soit exprimée en valeur absolue et non plus en pourcentage.

M. Philippe Dallier. - Je lis sur le document qui nous a été distribué que le recours à l'emprunt des opérateurs de l'Etat sera limité, mais j'ai cru entendre M. le rapporteur général dire qu'il serait rendu impossible. Qu'en est-il exactement ? Certains envisagent de permettre à l'Anru d'emprunter, mais j'y suis résolument hostile !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les opérateurs ne pourront emprunter, sous réserve de l'accord de leurs tutelles, que pour combler des besoins de trésorerie. Tout emprunt au-delà d'un horizon infra-annuel sera définitivement proscrit.

M. François Baroin. - En effet. Pour la première fois, les opérateurs sont compris dans la norme de maîtrise des dépenses de fonctionnement et d'investissement, et ils n'auront pas le droit d'emprunter. L'Anru a été créée pour rendre la politique du renouvellement urbain plus opérationnelle et associer plus étroitement les collectivités, non pour externaliser des dépenses.

M. Philippe Dominati. - Le projet de loi prévoit de revenir en 2014 au niveau de prélèvements obligatoires de 2006, alors que nous sommes l'un des pays où ces prélèvements sont les plus élevés, et de maintenir l'évolution des dépenses autour de 1 %, objectif dont on peut douter. Est-ce le bon équilibre ? Ne serait-il pas plus judicieux de réduire davantage nos dépenses en même temps que les prélèvements obligatoires ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous examinerons avec attention vos éventuels amendements.

M. Jean Arthuis, président. - Mais pour être crédibles, ils devront préciser quelles dépenses ils proposent d'amputer.

M. François Rebsamen. - M. le rapporteur général a évoqué une norme de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires exprimée en milliards d'euros : j'aimerais avoir des explications, car on ne connaît pas encore le rapport d'éventuelles mesures nouvelles.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le texte fixe le rendement minimum des mesures nouvelles décidées par le Gouvernement chaque année, en cohérence avec les objectifs de la loi de programmation. Pour 2011, les jeux sont largement faits, et je vous proposerai de relever le plancher de 10 à 11 milliards d'euros pour tenir compte des mesures votées par l'Assemblée nationale.

Mme Nicole Bricq. - Sur quelles hypothèses vous fondez-vous pour exprimer cette norme en milliards d'euros ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est le montant indispensable pour que la loi de programmation soit suivie d'effets. Nous verrons le moment venu quelles mesures permettent de trouver cette somme, définie hors effet conjoncturel.

Mme Nicole Bricq. - Mais il y aura une loi de finances rectificative en 2011...

M. François Baroin. - L'objectif de réduction du déficit à 6 % en 2011, 4,6 % en 2012 et 3 % en 2013 est intangible ; nous nous engageons donc d'ores et déjà à trouver 3 milliards d'euros de recettes nouvelles en 2012, puis en 2013.

M. Jean Arthuis, président. - Le temps n'est plus où l'on votait des lois de programmation militaire sans savoir ce qu'elles coûteraient les années suivantes !

Examen des articles

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2 et rapport annexé

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les deux amendements que je propose sur le rapport annexé visent, pour le premier, à rectifier une erreur matérielle, pour le second, à supprimer la mention de « l'absence de réforme de grande ampleur de la fiscalité programmée à ce jour », puisqu'une réforme importante s'annonce pour 2011.

Les amendements n° 1 et n° 2, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.

L'article 2 et le rapport annexé sont adoptés dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le Gouvernement prévoit une croissance de 2 % en 2011 et de 2,5 % les années suivantes. Par l'amendement n° 3, je vous propose d'inscrire dans la loi un scénario alternatif où la croissance s'établirait à 2 % chaque année : c'est l'hypothèse la plus neutre, qui correspond à l'estimation de croissance potentielle à long terme de notre économie.

M. Jean Arthuis, président. - C'est sans doute en raison de cette prévision de croissance annuelle de 2,5 % que Mme Bricq estimait la programmation insincère.

Mme Nicole Bricq. - C'est notamment pour cette raison. Mais vos hypothèses sont établies, non en tenant compte de la réalité, mais en fonction de vos objectifs de réduction des prélèvements.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous ne faisons que constater le taux des prélèvements obligatoires, même s'il s'agit d'un agrégat très complexe qui rend impossible toute comparaison entre les pays européens, faute d'une autorité comptable indépendante au niveau communautaire.

Mme Nicole Bricq. - Nous le disons depuis longtemps.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'hypothèse de croissance assez optimiste du Gouvernement le rend en revanche trop pessimiste sur l'évolution du taux de prélèvements obligatoires : ce constat devrait rassurer M. Dominati.

M. François Baroin. - L'inscription dans la loi d'un scénario alternatif serait contraire aux engagements européens de la France. En outre, elle affaiblirait la confiance légitime que nous devons avoir dans nos hypothèses de croissance, établies en tenant compte d'éléments conjoncturels et de l'élasticité du modèle économique français. L'objectif intangible est la réduction du déficit public. Si la croissance attendue est au rendez-vous, les recettes supplémentaires éviteront de faire des choix douloureux. Dans le cas contraire, qui me paraît peu probable, il faudra réduire les dépenses. Point n'est besoin d'établir dès à présent un scénario alternatif.

M. Jean Arthuis, président. - Mais l'hypothèse de croissance nous semble cette fois encore excessivement volontariste.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - M. le ministre considère comme intangible l'objectif de réduction à 3 % du déficit en 2013. Dans notre scénario alternatif, cet objectif serait atteint en 2014. Si le Gouvernement est en mesure de nous indiquer, chiffres à l'appui, quelles mesures permettraient, au cas où la croissance annuelle ne serait que de 2 %, de l'atteindre malgré tout en 2013, le scénario alternatif est peut-être inutile. En revanche, il serait inacceptable de considérer comme acquise une croissance annuelle de 2,5 %. Nous ne pouvons pas tenir un double langage.

M. François Baroin. - La ligne choisie par le Gouvernement consiste à ne pas augmenter les impôts. S'il est prévu que le niveau des prélèvements obligatoires augmente, c'est en fonction d'un ratio sur lequel je m'interroge d'ailleurs. Si la croissance est plus faible que prévu, nous réduirons les dépenses pour atteindre quoi qu'il arrive notre objectif de réduction du déficit à 3 % en 2013. Il serait envisageable de faire figurer en annexe du projet de loi une liste des dépenses éventuellement concernées : nous avons une marge de manoeuvre, car les dépenses représentent aujourd'hui 56 % du PIB ! Mais le Gouvernement, confiant dans la politique qu'il mène, ne croit pas à ce scénario pessimiste.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je propose donc que la commission adopte mon amendement à titre conservatoire. Cela ne l'empêchera pas d'émettre un avis favorable à un éventuel amendement nouveau, présenté avec les amendements extérieurs. Mais ce débat doit avoir lieu en séance. La nouvelle procédure législative a ceci de frustrant que les débats de fond ont désormais lieu en commission et que la séance tend à devenir un rite dénué de sens.

M. Jean Arthuis, président. - Les réunions des commissions devraient donc être ouvertes au public. Il faut convenir qu'il n'est guère satisfaisant que l'opposition seule dépose des amendements en séance.

M. Jean-Pierre Fourcade. - La proposition du rapporteur général me paraît raisonnable.

Son amendement prévoit pour 2011 une dette des administrations publiques inférieure de 0,1 point de PIB aux prévisions du Gouvernement et de l'Assemblée nationale : je suppose que c'est pour tenir compte des 2 milliards d'euros d'économies sur les intérêts qui pourront être affectés à la réduction de la dette. En revanche, prévoir que la dette s'élèvera en 2013 à 88,6 % me paraît excessif : tout dépendra des remboursements que nous aurons à effectuer. Une estimation intermédiaire de l'ordre de 87,5 % me paraîtrait plus adaptée.

M. Jean Arthuis, président. - Si nous sommes contraints de rembourser des emprunts sans avoir les fonds nécessaires, nous devrons bien emprunter !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ces chiffres pourront être réexaminés d'ici la prochaine réunion. Mais si la croissance est plus faible que prévu, le ratio de la dette par rapport au PIB augmente mécaniquement : c'est tout ce que dit le tableau.

M. Jean Arthuis, président. - Dans le cadre de la réforme fiscale de 2011, il faudra prendre des mesures pour renforcer la compétitivité de notre pays. Mais les esprits y sont-ils prêts ? Que la commission des finances du Sénat estime qu'une hypothèse de croissance annuelle de 2,5 % est optimiste, c'est un message de prudence.

M. François Baroin. - Mais le dire n'est pas l'écrire dans la loi. Il faut veiller à ne pas contrecarrer la volonté du Gouvernement d'atteindre ses objectifs !

M. Jean Arthuis, président. - Nous avons trop souvent, hélas, le sentiment de voter des textes incantatoires.

L'amendement n° 3 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il n'est pas bon - et cette explication vaut pour l'ensemble des articles du texte qui proposent des normes de dépenses - que la norme d'évolution des dépenses publiques soit exprimée en pourcentage de progression, car toute dérive en début de période continuerait à faire sentir ses effets les années suivantes. Il serait encore moins satisfaisant de fixer un taux d'évolution moyenne sur toute la période, car il faudrait alors attendre la fin de 2014 pour savoir si la norme a été respectée, et celle-ci perdrait toute force prescriptive. Je propose donc d'établir une norme annuelle d'augmentation des dépenses exprimée en valeur absolue et en euros constants, qui devront être convertis le moment venu en euros courants.

La seule réalité, c'est l'euro courant. La seule méthode de conversion, c'est l'indice des prix à la consommation. C'est le principe que je suggère d'appliquer à l'article 4 par mon amendement n° 4.

L'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mon amendement n° 5 précise la norme de dépense de l'État en retenant une formulation analogue à celle de l'amendement à l'article 4.

L'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mon amendement n° 6 apporte une double précision : il aligne la période de gel en valeur des concours aux collectivités territoriales sur celle du gel des dépenses de l'État ; il confirme que cette règle ne s'entend pas globalement sur la période mais bien chaque année.

L'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mon amendement n° 7 précise que les plafonds de dépenses des régimes obligatoires de base s'entendent à périmètre constant et mon amendement n° 8 précise les plafonds de ces régimes de base et de l'Ondam en les exprimant en euros constant.

L'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. François Baroin. - Avis défavorable au n° 8. Notre objectif est de maîtriser strictement les dépenses d'assurance maladie. L'indexation sur le coût de la vie expose à des dérapages. Nous voulons 2,9 % pour 2011 et 2,8 % pour 2012. Cet amendement ne le permettrait pas. Nous avons eu beaucoup de mal à tenir l'Ondam cette année. Le message n'est pas le même pour les collectivités locales et pour l'assurance maladie.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial. - Sur les régimes sociaux, je suis toujours mal à l'aise et je souhaiterais que la responsabilité de cette mesure soit partagée avec la commission des affaires sociales saisie pour avis, afin que tout le monde comprenne bien ce qu'il vote. Je propose de traiter ces dépenses sociales comme les autres dépenses. Mais le ministre nous dit qu'on ne peut faire l'économie de l'écart entre euro constant et euro courant...

M. François Baroin. - Le Comité d'alerte procèdera à des arbitrages mais il ne devra pas nous éloigner du 2,8 %. Le parallélisme des formes voulu par le rapporteur général ne correspond pas à nos objectifs de maîtrise des dépenses.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'avoue ne pas saisir toute la subtilité de cette discussion et je regrette qu'on ne puisse trancher en présence du rapporteur pour avis sur le PLFSS Jean-Jacques Jégou et de la commission des affaires sociales. Ici, la nouvelle procédure issue de la révision constitutionnelle nous paralyse. Nous pouvons adopter l'amendement à titre conservatoire puis le réétudier en séance.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Personnellement, je suivrai l'avis du Gouvernement.

M. François Baroin. - Nous avons fixé une inflation de 1,5 % en 2011 et de 1,75 % ensuite. Notre message politique est que nous voulons maîtriser les dépenses.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial. - Si l'inflation est supérieure aux chiffres que vous prévoyez, la contrainte sera forte ; elle sera légère si l'inflation est inférieure. Je préfère ne pas trancher par avance. Qui peut dire ce que sera l'inflation ? J'admire les certitudes du Gouvernement.

M. Jean Arthuis, président. - Nous venons d'adopter une série de valeurs en euros constants. Il serait difficile d'avoir ici des euros constants et là des euros courants.

M. François Baroin. - Si l'inflation est inférieure aux prévisions du Gouvernement, il sera plus facile de respecter l'objectif.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial. - Je comprends très mal ces sujets ; je ne vois pas pourquoi traiter les dépenses sociales autrement que les autres. A l'article 4, nous avons voté une norme globale pour toutes les finances publiques, y compris pour l'Ondam. Ce qui est proposé ici par le Gouvernement n'est pas cohérent.

M. Jean Arthuis, président. - Il n'y a pas d'inconvénient à ce que nous prenions une position ici. C'est tout l'intérêt de la séance publique que de pouvoir en discuter ensuite.

M. Jean-Pierre Fourcade. - L'Assemblée nationale a voté sur un chiffre de 2,9 % et de 2,8 % ensuite. Les chiffres du rapporteur général sont plus modestes et il faudra y ajouter l'inflation. Le Gouvernement a peur que l'Ondam dérape. Je voterai le texte de l'Assemblée nationale.

M. Jean Arthuis, président. - Il est regrettable de ne pouvoir avoir des unités de compte semblables.

M. Yann Gaillard. - Sur cet amendement n° 8, je m'abstiendrai car c'est ici la programmation d'un avenir que nous ne connaissons pas.

M. François Baroin. - Récemment, un député a cité Pierre Dac : « On a inventé les prévisionnistes pour que les météorologues et les cartomanciennes se sentent un peu moins seuls ».

L'amendement n° 8 est rejeté.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 9 inscrit dans la loi de programmation la pratique actuelle, en fixant à 0,3 % le taux de mise en réserve des crédits de l'Ondam.

L'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 10 tire les conséquences des votes de l'Assemblée nationale en proposant de fixer, pour l'année 2011, à 11 milliards d'euros le montant des mesures nouvelles sur les recettes.

M. Jean Arthuis, président. - Je propose qu'on rajoute des recettes à ces 11 milliards. C'est un minimum, un plancher de recettes.

Mme Nicole Bricq. - Ce ne serait pas sérieux, on ne peut décider en deux minutes des mesures qui portent sur des milliards.

L'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9 bis (nouveau)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 11 précise que la règle de la limitation à quatre ans continue à s'appliquer aux niches créées ou étendues en 2009 et 2010.

L'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 9 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'article 10 est adopté sans modification.

Article 11

M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 12 rend pérenne la règle interdisant aux opérateurs de l'État de s'endetter pour plus d'un an.

M. François Baroin. - Cela nous pose un problème juste pour lancer le Grand Paris. Mais tout sera transparent.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce n'est pas une de nos préoccupations immédiates.

L'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

L'amendement de précision n° 13, présenté par le rapporteur et accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12 bis (nouveau)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 14 précise que le Gouvernement communique au Parlement le projet de programme de stabilité au moins deux semaines avant de le transmettre à la Commission européenne et que ce texte fait l'objet d'un débat et d'un vote. Laisser perdurer l'idée que ce programme de stabilité émane du seul exécutif n'est pas raisonnable. Il doit aussi avoir l'accord de la majorité qui soutient le Gouvernement.

M. François Baroin. - J'en ai parlé avec le rapporteur et le président de la commission des finances de l'Assemblée qui sont sur la même ligne que vous. Je suis moi aussi partisan de davantage de transparence et de transmission d'informations. Mais se pose un problème de calendrier. Aussi sommes-nous tombés d'accord sur la date du 15 avril pour transmettre ce projet de programme aux deux commissions des finances. Faire une loi ? Le délai serait trop court. Faire voter une résolution ? L'important, c'est que le Parlement soit pleinement informé par le biais de ses commissions, et également l'opinion publique.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est vraiment une question de principe. Depuis que ces programmes de stabilité existent, ils n'ont émané que du seul exécutif. Que, compte tenu de la réforme de la gouvernance de la zone euro, on continue à transmettre à Bruxelles, sans consulter le Parlement, les engagements de la France, c'est une chose à laquelle je ne souscrirai jamais ! Ce n'est pas une question de procédure, mais de principe. Ces engagements sont pris en notre nom. Il faut cesser de penser - si nous voulons être pris au sérieux en Europe - qu'on peut envoyer des chiffres à Bruxelles sans y croire, sans que le Parlement - au moins sa majorité - exprime son adhésion. L'envoi du programme de stabilité fait-il ou non l'objet d'un engagement de la représentation nationale ? C'est la vraie question et, pour l'opinion publique, c'est un vrai sujet.

Car vers quoi se dirige-t-on ? Vers une gouvernance plus efficace de la zone euro ! En somme, la fin du double langage et la garantie que notre dette sera supportée. Acceptons-nous d'entrer dans un système plus contraignant sans que la représentation nationale prenne ses responsabilités ? Est-ce à dire que la Commission européenne est désormais notre Parlement ? Ce débat soulève d'importantes questions de principe.

Mme Nicole Bricq. - Je partage l'analyse du rapporteur : nous débattons d'une loi de programmation, qui sera examinée en séance publique le 3 novembre, onze mois après la transmission du programme de stabilité envoyé par le Premier ministre en janvier. Si les règles du groupe Van Rompuy s'appliquent, que le Parlement se prononce est un acte normal. Sans quoi nous ne méritons pas le nom de parlementaires, nous n'en sommes que des ombres...

M. Denis Badré. - M. Marini a évoqué le problème de la souveraineté nationale. Moi, je choisirai un autre point de départ : les conditions à réunir pour réussir la construction européenne. Lundi 25 octobre, dans le cadre de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, la Cosac, nous avons débattu à Bruxelles de la nécessité de mieux associer les parlements nationaux à toutes les procédures liées à l'examen des budgets nationaux. En fait, la seule contrainte est celle du calendrier, qui est extrêmement serré. Les parlements doivent se sentir responsables ! C'est une condition indispensable à l'approfondissement de la construction européenne.

M. Albéric de Montgolfier. - J'entends l'argumentation du rapporteur. Mais, compte tenu du calendrier, ne vaut-il pas mieux prévoir un débat en commission plutôt qu'en séance plénière ? Ensuite, quid de la forme du vote ? Puisqu'il n'est pas question d'approuver le pacte de stabilité, est-ce à dire que nous adopterons une résolution ?

Mme Nicole Bricq. - Avec onze mois de retard ?

M. Jean Arthuis, président. - Effectivement, cela pose un problème d'exprimer une opinion au mois d'avril sur le programme de stabilité. Comme le rapporteur, je considère que le Parlement doit s'engager sur le programme finalisé. Pourquoi ne pas le faire lors de la présentation actualisée de la loi de programmation pluriannuelle que nous devons désormais organiser dans le prolongement du débat d'orientation des finances publiques ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Trop tardif ! Les engagements seront déjà pris.

M. Jean Arthuis, président. - Dans ce cas, pourquoi ne pas considérer qu'il s'agit d'une esquisse au mois d'avril sur laquelle nous nous réservons le droit de revenir ensuite ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Non, pour la Commission, c'est l'engagement qui compte.

M. François Baroin. - Juste ! A titre d'information, en Allemagne, le programme de stabilité est transmis à la Commission début avril, sans que les commissions compétentes du Parlement puissent le modifier ou l'amender. Le Royaume-Uni envoie le programme fin mars-début avril à Bruxelles et, globalement, le Parlement reprend les chiffres du Gouvernement. En Espagne, il n'existe pas de transmission formelle du programme de stabilité au Parlement. En revanche, la Suède établit un programme de convergence qui est transmis au Parlement avant son envoi à la Commission fin avril. En somme, nous vous proposons, encore une fois, d'adopter le modèle suédois.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Nous ne pouvons pas céder sur les principes : on ne peut pas continuer à envoyer le programme de stabilité à Bruxelles en tenant le Parlement à l'écart. En fait, la seule question est celle du vote. Un débat ne suffit-il pas ?

M. Jean Arthuis, président. - Il faut un acte solennel du Parlement : la commission des affaires sociales est également concernée. En somme, ce débat constituera une sorte de pré-débat d'orientation des finances publiques qui aura lieu en avril, avant l'examen de la loi de programmation actualisée en juin.

M. François Baroin. - Dans l'esprit du Gouvernement, il faut s'adapter au semestre européen, qui est un élément nouveau, en transmettant plus tôt les éléments d'information au Parlement afin que la commission des finances, élargie éventuellement à la commission des affaires sociales, puisse en débattre. La date du 15 avril constitue un premier rendez-vous. En revanche, faut-il organiser un débat dans l'hémicycle ? Celui-ci doit-il se traduire par un vote ? Cela semble difficile. Puisque nous avons le débat d'orientation des finances publiques en juin, puisque nous avons pris l'habitude que le Gouvernement propose un engagement sur une résolution, comme il l'a fait en juillet dernier, le Parlement se prononce déjà par un vote. Il le fera, il me semble, de manière plus sérieuse en juin qu'en avril.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Soit, mais ce sera a posteriori !

M. Jean Arthuis, président. - A l'issue de ce débat, il me semble bon que nous manifestions notre volonté en adoptant l'amendement du rapporteur général. Nous aurons le temps d'y revenir la semaine prochaine en séance ou, plus tard, en commission mixte paritaire.

L'amendement n° 14 est adopté.

L'article 12 bis est rétabli dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Par l'amendement n° 15, nous assurons la fongibilité entre les mesures sur les dépenses et les mesures sur les recettes.

M. François Baroin. - Avis favorable, mais le Gouvernement présentera un amendement en séance publique pour faire en sorte que la règle de compensation proposée par l'amendement porte uniquement sur les dépenses relevant du champ de l'Etat et de la loi de financement de la Sécurité sociale.

L'amendement n° 15 est adopté.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Par l'amendement n° 16, nous précisons le contenu du rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques.

L'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'amendement de précision n° 17, présenté par le rapporteur et accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'article 14 est adopté sans modification.

L'ensemble du projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 1er

Objet de la programmation pluriannuelle

Article 2

Approbation du rapport annexé

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Philippe MARINI

1

Correction d'une erreur matérielle dans le rapport annexé

Adopté

M. Philippe MARINI

2

Précision rédactionnelle dans le rapport annexé

Adopté

Chapitre Ier

LES OBJECTIFS GÉNÉRAUX DES FINANCES PUBLIQUES

Article 3

Evolution du solde des administrations publiques et de la dette publique

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Philippe MARINI

3

Scénario alternatif de solde et de dette publics

Adopté

Chapitre II

L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES

Article 4

Evolution annuelle des dépenses publiques en volume

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Philippe MARINI

4

Expression de l'objectif de dépenses des administrations publiques par une évolution cumulée en milliards d'euros constants

Adopté

Article 5

Norme annuelle de progression des dépenses de l'Etat

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Philippe MARINI

5

Expression de l'objectif de dépenses de l'Etat par des montants en milliards d'euros constants

Adopté

Article 6

Programmation triennale des crédits des missions du budget général de l'Etat

Article 7

Norme annuelle d'évolution des concours de l'Etat aux collectivités territoriales

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Philippe MARINI

6

Modalités d'application du gel en valeur des concours de l'Etat aux collectivités territoriales

Adopté

Article 8

Norme annuelle d'évolution des dépenses de sécurité sociale

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Philippe MARINI

7

Précision selon laquelle la norme de dépenses des régimes obligatoires de base s'entend à périmètre constant

Adopté

M. Philippe MARINI

8

Expression des plafonds de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et de l'ONDAM en milliards d'euros constants

Rejeté

M. Philippe MARINI

9

Seuil minimal de mise en réserve de l'ONDAM

Adopté

Chapitre III

L'ÉVOLUTION DES RECETTES PUBLIQUES

Article 9

Encadrement des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Philippe MARINI

10

Majoration d'1 milliard d'euros du montant des mesures nouvelles de 2011

Adopté

Article 9 bis (nouveau)

Encadrement de l'application des créations ou extensions de dépenses fiscales et de réductions, exonérations ou abattements de cotisations et contributions sociales

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Philippe MARINI

11

Maintien de la règle de durée limitée des niches pour celles créées ou étendues en 2009 et 2010

Adopté

Article 10

Affectation des surplus des prélèvements obligatoires à la réduction du déficit public

Chapitre IV

LIMITATION DU RECOURS À L'ENDETTEMENT DE CERTAINS ORGANISMES PUBLICS

Article 11

Interdiction d'emprunter pour une durée supérieure à douze mois

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Philippe MARINI

12

Pérennisation de la règle limitant le recours des opérateurs de l'Etat à l'emprunt

Adopté

Chapitre V

LA MISE EN oeUVRE DE LA PROGRAMMATION

Article 12

Information du Parlement sur les dépenses fiscales et les réductions, exonérations
ou abattements de cotisations et contributions sociales

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Philippe MARINI

13

Confirmation de l'engagement du Gouvernement de transmettre l'évaluation des niches au plus tard le 30 juin 2011

Adopté

Article 12 bis (nouveau)

(supprimé)

Actualisation de la programmation

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Philippe MARINI

14

Rétablissement de l'article de manière à prévoir, au Parlement, un débat et un vote préalables à la transmission du programme de stabilité

Adopté

Article 13

Bilan de la mise en oeuvre de la programmation

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Philippe MARINI

15

Fongibilité entre maîtrise de la dépense et mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires

Adopté

M. Philippe MARINI

16

Précisions sur le contenu du bilan annuel de l'application de la loi

Adopté

M. Philippe MARINI

17

Présentation des mesures annuelles sur les prélèvements obligatoires (PO) dans le rapport annuel sur les PO

Adopté

Article 14

Abrogation de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012