Mardi 2 novembre 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Loi de finances pour 2011 - Mission Conseil et contrôle de l'Etat - Examen du rapport spécial

La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M.  Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ».

M. Jean Arthuis, président. - Nous reprenons l'examen des rapports de nos rapporteurs spéciaux sur le projet de loi de finances pour 2011.

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - La mission « Conseil et contrôle de l'Etat » se compose de trois programmes très indépendants les uns des autres et correspondant au Conseil d'État et aux autres juridictions administratives, à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières, et au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Bien évidemment, il ne saurait être question de réduire tel ou tel programme au profit d'un autre. Cette mission est dotée de 588,9 millions consacrés à 57,3 % à la justice administrative, à 36,3 % aux juridictions financières et à seulement 6,4 % au CESE.

En raison de leurs spécificités, ces trois programmes dérogent à la règle générale fixée par le Gouvernement de réduction des effectifs par le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partis en retraite.

Le programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » est doté de 337,6 millions de crédits de paiement, soit un budget en progression de 4,8 %. Dans le contexte budgétaire tendu que nous connaissons, cette progression confirme l'importance attachée aux moyens de la justice administrative, notamment pour réduire les délais de jugement. Les tribunaux administratifs bénéficient de cette hausse et voient leurs crédits croître de 5,9 %. Les effectifs des juridictions augmentent de 40 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT) en 2011, dont 20 pour la seule Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui tente de réorganiser son mode de fonctionnement afin de réduire ses délais de jugement à six mois. Cet objectif ne sera vraisemblablement pas atteint avant 2013. En revanche, pour les autres juridictions administratives, l'objectif fixé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) de ramener les délais à un an a été globalement respecté.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) disposera en 2011 d'un budget de 37,4 millions d'euros, en diminution de 0,4 % par rapport à 2010. Le budget pour 2011 peut donc être qualifié de stable, en ce qu'il ne prévoit aucun moyen supplémentaire pour faire face aux nouvelles missions du CESE, issues de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Celles-ci seront donc mises en oeuvre, soit par redéploiement des moyens existants, soit par économie nette. Toutefois, en l'absence de précisions sur la mise en application concrète de la réforme, celle-ci apparaît toujours délicate à évaluer budgétairement. Il en est ainsi du coût de traitement des pétitions citoyennes ou du montant de la rémunération des membres associés, tous les décrets chargés de mettre en oeuvre la réforme n'étant pas encore parus. Par ailleurs, la problématique du financement de la caisse de retraite du Conseil, dont le fragile équilibre est menacé par le rajeunissement et la féminisation résultant du renouvellement en cours, demeure un sujet de préoccupation.

Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » est doté de 213,8 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 1,3 %. Alors que ses dépenses de fonctionnement augmentent de 3,7 % en crédits de paiement, elles sont majorées de plus de 11 % en autorisation d'engagement du fait de dépenses de loyers budgétaires. Ce budget est néanmoins caractérisé par un coup d'arrêt porté aux grands chantiers immobiliers et par une stabilité des effectifs extérieurs. J'en ai encore récemment parlé avec le  Premier président de la Cour.

La Cour des comptes s'oriente vers une professionnalisation des missions de certification des comptes de l'État et de la sécurité sociale. Enfin, il est encore difficile d'évaluer l'impact financier de la réforme des juridictions financières en attente de discussion à l'Assemblée nationale. On peut toutefois penser que le coût d'adaptation et de structure de cette réforme devrait, à terme, être compensé par une réduction des effectifs.

En conclusion, je propose à la commission d'adopter, sans modification, les crédits proposés pour la mission et chacun de ses programmes. Je souhaite, enfin, remercier le Conseil d'État, le Conseil économique, social et environnemental et la Cour des comptes pour la qualité et le sérieux de leurs réponses à mes questionnaires budgétaires.

M. Jean Arthuis , président. - Merci pour cette présentation. Le Conseil d'État et la Cour des comptes nous rendent des avis précieux, et je ne saurais oublier le CESE dont les avis, toujours intéressants, permettent de faire vivre le débat.

Mme Nicole Bricq. - Où en est-on de la réforme de la Cour des comptes ?

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - Le projet de loi devrait être débattu par l'Assemblée nationale en janvier.

M. Michel Sergent. - On s'est beaucoup interrogé ces derniers temps sur l'utilité du CESE qui n'a pas fait de proposition sur les retraites. Quel peut être son avenir ?

M. Jean Arthuis, président. - J'ai récemment assisté à une séance solennelle qui avait trait à la maîtrise des dépenses publiques. Les débats étaient intéressants et nous permettront de progresser...

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - Constitutionnellement, le CESE est la troisième assemblée de notre République. Cependant, elle n'est pas élue, mais nommée.

Le président Dermagne a fait deux mandats. Il va être remplacé par un nouveau président. D'après la Constitution, le CESE rédige des rapports à la demande du gouvernement et, pour le reste, il s'autosaisit. Depuis la révision de 2008, le Parlement peut demander au CESE son avis sur tout sujet. Enfin, il traitera aussi des pétitions citoyennes. Mais les décrets d'application n'ont pas encore été publiés. Comme le budget du CESE est contraint, il est entendu que chaque demande extérieure de rapport remplacera une auto-saisine pour éviter tout coût supplémentaire.

M. Jean Arthuis, président. - Nous voilà rassurés !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Quelle est la répartition des crédits entre le CESE et les conseils économiques et sociaux régionaux ?

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - Ces derniers sont à la charge des régions.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ».

Loi de finances pour 2011 - Mission Sport, jeunesse et vie associative - Examen du rapport spécial

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Michel Sergent, rapporteur spécial, sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

M. Michel Sergent, rapporteur spécial. - La mission « Sport, jeunesse et vie associative » a toujours été modeste. Mais, cette année, elle se réduit comme peau de chagrin.

L'ancien programme de soutien de la mission, le programme 210 « Conduite et pilotage de la politique du sport, de la jeunesse et de la vie associative » a disparu pour être fusionné au sein du programme 124, figurant dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et y prend l'appellation « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ».

Dans sa réponse à mon questionnaire budgétaire, le Gouvernement a justifié cette évolution en expliquant que cette mutualisation de moyens au sein d'un programme-support unique aux ministères sociaux permettra une gestion plus économe dans un contexte budgétaire fortement contraint, une simplification des procédures et une meilleure utilisation des ressources humaines. Les moyens budgétaires en personnels affectés à la politique du sport et à celle de la jeunesse et de la vie associative devraient être clairement identifiés au sein d'actions distinctes.

Sans anticiper ce que pourront en dire Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », j'observe que, sur le plan des principes, ce nouveau programme de soutien unique relève davantage d'une vision administrative et de respect des périmètres ministériels, pouvant d'ailleurs être remis en cause à l'occasion d'un changement de gouvernement, que de la logique de mission propre à la loi organique relative aux lois de finances. Sur un plan pratique, ce changement aboutit à vider la mission d'une grande partie de sa substance, plus précisément de la moitié de ses crédits et de la totalité de ses emplois.

Avec seulement 420,9 millions de crédits de paiement, est-il vraiment opportun de maintenir cette mission, qui représente pourtant une véritable politique publique ?

Les deux programmes subsistants, le programme 219 « Sport » et le programme 163 « Jeunesse et vie associative » suivent deux trajectoires très différentes : la diminution globale de 6,3 % des crédits de paiement de la mission résulte, en effet, de la conjonction de deux évolutions fortes et opposées, déjà constatée en 2010 : la diminution importante des crédits du programme « Sport », - 19,1 %, et l'augmentation spectaculaire des crédits du programme « Jeunesse et vie associative », + 10 %.

S'agissant du sport, la secrétaire d'État m'a fait valoir que ce budget doit s'apprécier en consolidant, outre les crédits du programme, les moyens de l'établissement public Centre national pour le développement du sport (CNDS) et le financement du programme support.

Ainsi considéré, l'effort financier de l'État en faveur du sport diminue de 3 %, ce qui est difficile pour la plupart des acteurs mais n'apparaît pas complètement anormal en période de restriction budgétaire.

Toutefois, la tendance lourde de déresponsabilisation du ministère et de débudgétisation avec l'utilisation « à tout va » du CNDS s'accentue encore.

Ainsi, aucune quote-part des économies sur les crédits auparavant consacrés au financement du droit à l'image collective (DIC), soit 24,9 millions sur la « demi-année » 2010, le DIC ayant été supprimé le 1er juillet 2010, n'est revenue au programme « Sport ». La disparition du DIC n'est d'ailleurs pour rien dans les difficultés financières rencontrées par les clubs sportifs, en particulier de football, lors de l'exercice 2009-2010, puisque celui-ci était encore en vigueur. En outre, le déficit des clubs de football s'élève à près de 200 millions d'euros : ce n'est donc pas la suppression du DIC qui modifiera beaucoup les choses. Tout ou partie de cet argent aurait pourtant été bien utile pour satisfaire de nouveaux besoins, en particulier le financement de la part de l'État, c'est-à-dire 150 millions d'euros, dans la construction ou la rénovation de stades de football aptes à accueillir l'Euro 2016, dont la France a obtenu l'organisation. Or, l'Etat a confié au CNDS le soin d'assurer le respect de cet engagement public. Dans un premier temps, il ne lui avait octroyé aucun moyen supplémentaire à cette fin. Si je m'étais étonné l'an dernier que les réserves du CNDS soient supérieures à 50 millions d'euros, l'établissement public ne dispose pourtant pas de quoi faire face à cette charge sans tailler dans ses autres actions, en particulier le développement du sport à l'échelle locale. Le Gouvernement vient d'annoncer le principe d'un prélèvement supplémentaire provisoire sur les mises de la Française des jeux pour que le CNDS puisse assumer sa charge. Je prends acte de cette annonce, qu'il faudra cependant traduire dans cette loi de finances. Toutefois, je ne me satisfais pas de ce qui s'apparente à une nouvelle opération de débudgétisation et je vous proposerai tout à l'heure un amendement symbolique à ce sujet.

J'en viens à la question du Stade de France, déjà étudiée à de nombreuses reprises : le budget affecté à la pénalité à verser par l'Etat au consortium gestionnaire au titre de l'absence de club résident passe de 7,5 à 5 millions d'euros en 2011, sans que cette diminution soit commentée dans les documents budgétaires. Le Gouvernement devra donc s'expliquer lors de la séance publique.

A propos du programme 163 « Jeunesse et vie associative », je relève la poursuite de l'effort financier engagé depuis l'année dernière. L'augmentation des crédits de 10 % à périmètre constant fait suite à une hausse de plus de 60 % en 2010, ce qui fait figure d'exception dans le contexte budgétaire actuel. Les crédits du programme s'élèvent ainsi à 212,4 millions en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

De plus, ce budget reflète des choix politiques clairs, prioritairement engagés autour du service civique et du Fonds d'expérimentations pour la jeunesse (FEJ). Même s'il est permis de s'interroger sur les conséquences de certains choix, notamment les coupes qui affecteront les postes FONJEP et les projets éducatifs locaux, il faut bien constater que l'accroissement des moyens ne s'est pas accompagné d'une logique de saupoudrage, de nombreuses actions considérées comme non prioritaires subissant des diminutions de crédits parfois notables.

Je souhaite néanmoins faire quelques observations.

Sur le service civique, la pertinence des crédits pour 2011, soit 75,3 millions d'euros, pose question. L'année dernière, le Gouvernement avait défendu bec et ongles une ligne budgétaire très optimiste, avec une évaluation de 10 000 volontaires. Or, cet objectif sera loin d'être atteint puisque, d'après ce que nous a dit M. Daubresse il y a deux semaines, seuls 8 500 jeunes ont posé leur candidature, sans même parler d'embauche.

Nous reviendrons bien sûr sur cette question lors de la prochaine loi de règlement, mais il faut rappeler que, poussé à un certain point, le volontarisme nuit à la crédibilité des meilleurs projets. L'objectif, fixé par le Président de la République, d'intégrer 10 % d'une classe d'âge, soit 75 000 jeunes, dans le dispositif, a-t-il encore un sens ? A supposer que les jeunes soient suffisamment nombreux à se porter volontaires, les moyens publics feront clairement défaut, au moins jusqu'en 2014 : ainsi, selon les plafonds figurant à l'article 6 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, les crédits de la mission doivent progresser, à périmètre constant, de 50 millions d'euros sur trois ans. Cela ne permet absolument pas de financer l'arrivée de 75 000 jeunes ! La somme nécessaire, soit 500 millions d'euros, dépasse d'ailleurs la totalité des crédits de la mission prévus pour 2014. Là encore, l'honnêteté et le souci de crédibilité des politiques publiques imposeraient une redéfinition plus réaliste des objectifs réellement assignés au service civique, cohérente avec le projet de loi de programmation des finances publiques.

S'agissant du Fonds d'expérimentations pour la jeunesse (FEJ), la diminution de crédits de 45 à 25 millions d'euros s'inscrit dans une trajectoire globale et doit être tempérée par la réserve actuelle d'une trentaine de millions. Toutefois, cette évolution nous amène à nous interroger sur la pérennité de cette structure.

En outre, comme l'an dernier, les documents du ministère ne précisent pas ce que deviendront les expérimentations une fois qu'elles auront été évaluées, surtout si elles s'avèrent concluantes. Or, il s'agit d'une question d'importance : l'objectif d'autonomie financière est-il assigné aux acteurs des expérimentations ou bien ce dispositif est-il inflationniste par nature, en créant de la dépense publique ? L'année prochaine, je continuerai à contrôler l'action de ce fonds et à évaluer les programmes qu'il finance.

En raison des remarques de fond dont je vous ai fait part, j'ai hésité à préconiser le rejet des crédits de la mission. Cependant, comme je n'aurais probablement pas été suivi par la majorité de la commission, je vous proposerai une autre démarche, consistant à voter ce budget, sous le bénéfice de l'adoption d'un amendement.

M. Jean Arthuis, président. - Merci pour cet éventuel soutien aux crédits de la mission. Vous nous avez apporté des précisions qui nous rassurent partiellement.

M. François Marc. - Les chiffres que vous donnez sur le sport et les enseignements que vous en tirez, monsieur le rapporteur spécial, sont inquiétants. La débudgétisation de la politique du sport se poursuit et le CNDS doit financer un certain nombre d'actions qui ne relèvent pas de ses missions. Je vous rappelle qu'au printemps, nous avons voté en toute urgence un texte pour légaliser les jeux d'argent sur Internet avant que notre équipe nationale aille porter haut les couleurs de la France lors de la Coupe du monde... Nous espérions que le sport bénéficierait de cette nouvelle manne et que le CNDS pourrait enfin se consacrer à ses missions propres. Qu'en est-il ? Notre rapporteur nous dit que le Gouvernement envisage un nouveau prélèvement sur la Française des Jeux : c'est sans doute que les retombées des paris en ligne ne sont pas suffisantes.

En outre, je m'inquiète, avec la multiplication des paris, des tentatives de corruption qui risquent de s'accroître. Les fédérations vont avoir besoin de nouveaux intervenants, de coachs, pour informer les joueurs de risques qu'il y aurait à se laisser entraîner. Tout cela va encore coûter de l'argent !

M. Philippe Dallier. - Vous avez cité le chiffre de 8 500 volontaires pour le service civique. S'agit-il d'une estimation fin 2010 ou du chiffre actuel ? Dans ce dernier cas, l'objectif de 15 000 pour l'année prochaine serait réaliste.

Mme Nicole Bricq. - Comment va-t-on financer l'Euro 2016 ?

A la demande du Président de la République, des états généraux du football ont récemment eu lieu. Ont-ils permis de régler les problèmes entre amateurs et professionnels ?

M. François Rebsamen. - De nombreuses associations déplorent la suppression du programme « Envie d'agir » qui comprenait, entre autres, les « défis jeunes » dotés de 3,5 millions d'euros. Par quoi a-t-il été remplacé ?

M. Jean-Pierre Fourcade. - S'il n'y a plus d'effectifs dans cette mission, c'est c'est en raison de la réorganisation administrative ayant abouti à la création des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale. Sait-on combien de personnes ces transferts ont-ils concerné ?

Je trouve très français, et donc mal fait, de mettre tant d'argent dans les grands stades et de ne les réserver qu'au football. A l'étranger, les stades sont multisports. Il faut que nos stades soient utilisés plus d'une fois par semaine.

M. Michel Sergent, rapporteur spécial. - Pour les paris en ligne, M. Marc, l'objet de la loi de mai dernier était de faire entrer dans un cadre légal ce qui ne l'était pas. Aujourd'hui, il y a une trentaine de sites qui ont été agréés et il n'en restera, à terme, que quatre ou cinq. Il est encore bien tôt pour se prononcer, mais il semble bien que les nouveaux opérateurs n'atteignent pas tous leurs objectifs commerciaux, ce qui, si cela se confirmait, aurait des conséquences sur les ressources du CNDS.

M. Dallier m'a interrogé sur les 8 500 services civiques : ce sont les chiffres connus au 15 octobre. En revanche, il ne s'agit pas d'embauches mais de simples dossiers de volontariat. C'est pour cette raison que je reste dubitatif. D'ailleurs, M. Daubresse estime que l'année prochaine nous aurons du mal à atteindre le nombre de 15 000 volontaires au service civique. Mais laissons « le temps au temps » avant de juger. Et puis, il faut que les régions fassent des actions de communication pour rappeler l'existence de ce service civique. C'est ce que nous avons fait dans ma région.

Globalement, le coût des grands stades pour 2016 devrait s'élever entre 1,2 et 1,7 milliard d'euros, Mme Bricq. L'État s'est engagé à apporter 150 millions. Les sommes récupérées sur le DIC auraient pu être utilisées à cette fin, mais nous n'en voyons aucune trace. Enfin, dans ce budget, les investissements pour le sport se montent à 20,1 millions d'euros, soit ce que dépense une grande collectivité territoriale pour le sport... Avec 20 millions, on ne peut décemment pas faire de miracles. Et c'est pourquoi le Gouvernement a annoncé le principe d'une ponction supplémentaire sur la Française des Jeux.

Les états généraux du football ont eu lieu la semaine dernière et ils ont permis au football professionnel et au football amateur de se doter d'une direction commune, après le désastre de l'Afrique du Sud. De plus, la fédération aura un exécutif plus resserré, mais les décisions sont tellement récentes qu'il est encore difficile de se prononcer.

J'indique à M. Rebsamen que les crédits dévolus à « Envie d'agir » ont été regroupés avec ceux des « Actions partenariales locales jeunesse et éducation populaire », la dotation globale s'élevant à 12,94 millions d'euros. C'est pour cette raison que vous ne retrouvez plus cette ligne budgétaire.

M. Fourcade a parlé des emplois déconcentrés dans les régions. Je ne connais pas le nombre exact de personnels dans ces grandes directions régionales. Ses remarques sur les stades sont tout à fait pertinentes : pourquoi dépenser 1,5 milliard d'euros pour le seul football alors qu'il serait possible de construire des stades omnisports ? D'ailleurs, il faudrait s'inspirer de ce qui se passe à l'Olympique Lyonnais, à Lille ou encore au Stade de France ou des spectacles ont régulièrement lieu.

M. Jean Arthuis, président. - Merci pour ces réponses précises. Nous en venons à votre amendement.

M. Michel Sergent, rapporteur spécial. - Il s'agit d'un amendement d'humeur qui a pour objet d'assurer une partie du financement par l'État du programme de construction et de rénovation de stades de football aptes à accueillir l'Euro 2016. En effet, un financement au travers du CNDS s'apparente à une opération de débudgétisation de 150 millions d'euros sur cinq ans. Je vous propose donc d'abonder de 2 millions d'euros l'action n  2 « Développement du sport de haut niveau » du programme « Sport ». Même si la somme est modique, de l'ordre du symbole, il faut que l'Etat assume ses responsabilités, surtout après la suppression du DIC.

La somme correspondante proviendrait de l'action n° 4 « Actions particulières en faveur de la jeunesse » du programme « Jeunesse et vie associative ». En effet, les crédits dévolus à l'Agence pour le service civique reposent sur une hypothèse optimiste de 15 000 volontaires au service civique en 2011, et risquent donc de ne pas être entièrement consommés. Ces deux millions d'euros sont insuffisants, mais ce transfert vise à signifier qu'il appartient au budget des sports de mener à bien cette mission de construction et de rénovation des stades, et non au CNDS.

M. Jean Arthuis, président. - C'est autant de pris pour aider le sport amateur et les collectivités locales.

M. Michel Sergent, rapporteur spécial. - En effet, le CNDS n'est pas là pour financer la construction de stades. Bref, avec cet amendement, nous refuserions la poursuite du processus de débudgétisation d'une mission presque mourante.

A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement présenté par le rapporteur spécial, puis décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi modifiés.

Loi de finances pour 2011 - Mission Pouvoirs publics - Examen du rapport spécial

La commission procède à l'examen du rapport de M. Jean-Paul Alduy, rapporteur spécial, sur la mission « Pouvoirs publics ».

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur spécial. - La mission « Pouvoirs publics » regroupe les dotations accordées à la Présidence de la République, aux assemblées parlementaires, au Conseil constitutionnel et à la Cour de justice de la République. Au nom du principe de séparation des pouvoirs, ces dotations ne font pas l'objet d'une évaluation de leur performance. Néanmoins, depuis 2009, la Cour des comptes procède à une analyse très poussée des dépenses de la Présidence de la République. D'ailleurs, son rapport de juillet, qui a délivré un satisfecit à l'Elysée, a été très commenté par les médias. C'était la première année que les dépenses du Chef de l'Etat étaient enfin transparentes, après des siècles d'obscurité.

M. Jean Arthuis , président. - Deux, tout au plus !

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur spécial. - Le montant global des crédits demandés pour 2011 au titre de la mission « Pouvoirs publics » s'établit à 1,018 milliard d'euros, somme égale à celle de l'année dernière. Dans le détail, il est proposé de reconduire à l'euro près, ou de minorer pour des montants très faibles, les dotations affectées à la Présidence de la République, ainsi qu'à l'Assemblée nationale et au Sénat, soit plus de 95 % du total.

L'enveloppe pour la Présidence de la République est pratiquement reconduite à l'identique, à hauteur de 112,29 millions d'euros, soit une légère baisse de 0,2 %.

L'an dernier, il y avait eu une polémique sur les montants consacrés aux sondages d'opinion. De ce point de vue, la Présidence a effectué un réel effort de rationalisation et d'économies. Un appel public à concurrence a été publié dès octobre 2009, permettant de réduire de 45 % les dépenses concernées. La Présidence a également réalisé des efforts pour rationaliser sa politique d'achat. Tous les achats font maintenant l'objet d'appels d'offre. Enfin, afin d'améliorer la gestion de son patrimoine immobilier, elle a élaboré un plan triennal de rénovation des immeubles sur 2009-2011.

Malgré ces avancées, quelques points peuvent encore être améliorés. C'est le cas des déplacements présidentiels, dont le coût a fortement augmenté entre 2008 et 2009, notamment à cause des missions préparatoires, dont les montants sont très mal maîtrisés. Le directeur de cabinet du Président de la République, Christian Frémont, m'a indiqué que des mesures avaient été prises pour réduire ces dépenses, par exemple la négociation de tarifs avec les hôtels et les loueurs de voiture à l'étranger, ainsi qu'une meilleure planification de chaque déplacement. Le Président lui-même s'est étonné des dépenses colossales occasionnées l'an dernier par les missions exploratoires liées à son déplacement à New York pour l'Assemblée générale des Nations Unies.

M. Jean Arthuis , président. - Et pourtant le dollar avait baissé !

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur spécial. - De plus, alors que le Président de la République est connu pour sa frugalité, la Cour a souligné le poids important des charges de restauration de la Présidence, qui ont représenté un budget de 8,3 millions d'euros en 2010. Christian Frémont m'a précisé qu'une réduction de 10 % des effectifs de l'intendance est prévue d'ici la fin 2011.

Pour conclure sur la Présidence, je salue l'important effort de réduction des personnels mené à l'Elysée depuis trois ans : les effectifs sont ainsi passés de 1051 au 31 décembre 2007 à 917 au 30 septembre 2010. D'ailleurs, le budget de la masse salariale est stabilisé depuis trois ans.

Les deux assemblées parlementaires ont décidé, pour la quatrième année consécutive, de demander la simple reconduction de leur dotation, soit 533,9 millions d'euros pour l'Assemblée nationale et de 327,7 millions d'euros pour le Sénat. Ce dernier opèrera cependant un prélèvement sur ses disponibilités, à hauteur de 18,5 millions d'euros, ce qui lui permettra de financer notamment une légère hausse des coûts de fonctionnement liée au prochain renouvellement de septembre 2011, qui implique la création de cinq nouveaux sièges de sénateurs.

La dotation des chaînes parlementaires est la seule qui augmente dans la mission, afin de financer les travaux pour l'aménagement des nouveaux locaux de Public Sénat en particulier.

A l'inverse, la dotation du Conseil constitutionnel baisse de presque 5 %, malgré les conséquences pratiques de la mise en oeuvre de la question prioritaire de constitutionalité.

J'en viens enfin à la Cour de Justice de la République dont le loyer l'année dernière se montait à 534 000 euros. Il a été réduit de 5 % pour s'élever à 487 000 euros, charges comprises. Reste qu'il s'agit d'une somme phénoménale pour une vingtaine d'agents !

M. Jean Arthuis, président. - Oui, mais les bureaux donnent sur les Invalides !

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur spécial. - Certes, mais cela fait cher l'agent !

Évidemment, dans le cadre des enquêtes menées par la Cour, certaines auditions doivent rester confidentielles. La Cour envisage d'emménager dans les locaux du Palais de justice, à la place du tribunal de grande instance, quand celui-ci aura quitté le bâtiment, pas avant 2015.

Dès lors, faut-il attendre l'emménagement au Palais de justice ou bien obliger la Cour de justice de la République à déménager dès à présent ? Ni la Cour, ni France Domaine ne semblent disposés à faire ce choix, alors que notre collègue Nicole Bricq pointait déjà ce problème il y a deux ans dans son rapport sur l'Etat locataire. Nous pourrions proposer à cet égard une réduction de 200 000 euros des crédits de la Cour de justice de la République, afin de l'obliger à déménager, et de contraindre France Domaine à lui trouver de nouveaux locaux dans les meilleurs délais. Tel est le sens de l'amendement que je vous propose.

M. Jean Arthuis, président. - C'est un excellent amendement. Lors d'un contrôle sur pièces et sur place effectué il y a quatre ans, j'avais déjà été effrayé par le montant du loyer.

Je note aussi la diminution très importante des crédits du musée du Luxembourg depuis deux ans.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur spécial. - L'activité du musée est presque réduite à néant...

A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement présenté par le rapporteur spécial, puis décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics » ainsi modifiés.

Loi de finances pour 2011 - Mission Economie et compte d'affectation spéciale Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien - Examen du rapport spécial

Puis la commission procède à l'examen du rapport de MM. André Ferrand et M. François Rebsamen, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Economie » et le compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ».

M. François Rebsamen, rapporteur spécial. - Je suis chargé de vous présenter les crédits du programme 220 « Statistiques et études économiques », qui recouvre le budget de l'Insee, et du programme 305 « Stratégie économique et fiscale », qui regroupe les moyens de la direction générale du Trésor et de la direction de la législation fiscale.

J'aborderai en premier lieu le programme 220. En vous présentant le 6 octobre dernier un rapport d'étape sur la délocalisation de l'Insee à Metz, je vous faisais part des fortes inquiétudes de la direction générale de l'institut devant la réduction très importante de ses moyens de fonctionnement et d'intervention ces deux dernières années : hors dépenses de personnel, la dotation de 1'Insee est passée de 69,1 millions d'euros en 2008 à 55 millions d'euros en 2009 et 56,5 millions d'euros en 2010. Parallèlement, ses effectifs ont été réduits de 5,75 %. L'année dernière à la même époque, je vous faisais la réflexion qu'une telle pente ne pouvait à terme garantir la qualité et l'indépendance de la statistique publique. Jean-Philippe Cotis s'en est ému publiquement le 19 février dernier. Cette mise en garde était d'autant plus justifiée que l'Insee doit faire face à de multiples chantiers : le lancement du projet « Insee ambition 2015 », la réorganisation des directions régionales, le déménagement sur le plateau de Saclay de l'école nationale de la statistique et de l'administration économique (ENSAE), la création du pôle statistique de Metz.

Dans ce contexte, la dotation globale de l'Etat pour 2011 marque une consolidation appréciable du budget de l'Insee. Avec l'ouverture de 434,62 millions d'euros, celui-ci augmentera de 4 %. Les crédits de fonctionnement et d'investissement enregistrent un rebond de 19,1 % : ils s'établiront à 67,3 millions d'euros au lieu de 56,5 millions d'euros cette année. Les crédits de personnel de titre 2, sous l'effet du « glissement-vieillesse-technicité » (GVT), augmenteront de 1,66 % pour s'établir à 367,3 millions d'euros en 2011 contre 361,6 millions d'euros en 2010. Mais cette augmentation des moyens budgétaires ne masque pas la réduction de 5 % des effectifs : avec un plafond d'emplois de 5 221 ETPT, l'Insee perd 266 postes par rapport à 2010.

Je constate que la diminution globale des effectifs, déjà dénoncée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, se poursuit. Aussi, dans le contexte particulièrement difficile de la délocalisation de l'institut, et malgré l'entrée prévue en 2011 de 150 nouveaux agents recrutés par voie de concours ainsi que la création de 159 emplois nouveaux, je dois réitérer ma mise en garde contre le risque d'atteinte à la qualité et à l'indépendance de la statistique publique que représenterait une application stricte de la règle de non remplacement d'un départ en retraite sur deux. De la même manière, je regrette que le budget de l'Insee pour 2011 réduise très fortement les moyens de l'action « Action régionale », alors que ces moyens sont destinés à mettre en valeur l'apport de l'Insee et de ses directions régionales en matière d'information locale et d'aide à la décision des pouvoirs publics locaux. La contraction de 12 % de ses crédits, qui sont ramenés de 60,28 millions d'euros cette année à 52,75 millions d'euros pour 2011, correspond à une diminution d'effectifs de 126 ETPT. Plus globalement, la question des effectifs constitue un volet majeur de la réorganisation de l'institut dans l'optique de la création du centre statistique de Metz et du redéploiement stratégique des équipes de l'Insee vers une montée en gamme des études, pour passer de la statistique descriptive à l'évaluation et à l'aide à la décision des politiques publiques nationales et régionales.

Prenons acte de la réévaluation à la hausse du budget global de l'Insee l'année prochaine, qui ne constitue d'ailleurs qu'un retour à l'étiage financier des années 2006 et 2007. Cette dotation devrait continuer à progresser dans le cadre de la programmation pluriannuelle : 443,08 millions d'euros en 2012, puis 442,77 millions d'euros en 2013. Afin d'assurer la pérennité des moyens d'action de l'institut, il faudra veiller à ce que l'augmentation des moyens de la statistique publique, prévue en loi de finances pour 2011 et en loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014, soit effective. Enfin, sans revenir en détail sur l'installation du pôle statistique de Metz - je rappelle que le coût de l'opération immobilière est pris en charge directement par le compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » -, il conviendra d'évaluer l'impact financier des mesures d'accompagnement de cette opération et de mesurer ses répercussions sur les moyens de fonctionnement et le personnel, notamment au sein des directions régionales.

J'en viens à l'examen du programme 305 « Stratégie économique et fiscale ». Ce programme soutient la direction générale du Trésor et la direction de la législation fiscale dans la conception et la mise en oeuvre de la politique économique et financière de la France au niveau national, international et européen, mais aussi dans l'élaboration de la législation fiscale. Il assure également la rémunération des prestations réalisées par la Banque de France pour le compte de l'Etat, en particulier l'activité des commissions de surendettement. Le programme est doté de 508,6 millions d'euros de crédits de paiement. Par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2010, la dotation pour 2011 augmente globalement de 46,6 %.

Or l'évolution des crédits de l'action « Définition et mise en oeuvre de la politique économique et financière de la France dans le cadre national, international et européen » est principalement marquée par l'augmentation du montant versé pour la rémunération des prestations réalisées par la Banque de France, qui passera de 145,8 millions d'euros cette année à 317 millions d'euros l'année prochaine. Il faut rappeler qu'au cours des trois dernières années, cette dotation a été constamment sous-évaluée : en 2009, la dépense effectivement réalisée a dépassé de 30 millions d'euros le montant des crédits votés. Pour l'exercice 2010, le Gouvernement juge probable que le montant du remboursement effectivement versé soit une nouvelle fois supérieur à la dotation budgétaire inscrite en loi de finances. L'augmentation notable de la dotation allouée à la Banque de France en 2011 répond aux exigences du système européen de banques centrales (SEBC) qui impose la rémunération au « coût complet », et non plus au coût estimatif. Il faut en conclure que la budgétisation pour 2011 du programme sera plus conforme au principe de sincérité budgétaire.

Bien que je ne souscrive pas à tous les objectifs de la politique budgétaire du Gouvernement, et sous réserve des remarques et observations formulées précédemment, je propose à la commission d'adopter les crédits proposés, sans modification, pour les deux programmes dont j'ai la charge.

M. André Ferrand, rapporteur spécial. - La mission « Economie » est composée de quatre programmes budgétaires ; son périmètre budgétaire global est resté le même et les crédits proposés pour 2011 s'élèveront à 2 063 millions d'euros, en augmentation de 6,7 %. J'évoquerai quant à moi les programmes 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » et 223 « Tourisme » qui, contrairement à la mission dans son ensemble, voient leurs crédits diminuer. J'aborderai ensuite rapidement le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ».

S'agissant tout d'abord du programme 134, précisons qu'il regroupe à lui seul 51 % des crédits de la mission, soit 1 069 millions d'euros de crédits de paiement pour 2011 au lieu de 1 115 millions d'euros en 2010. Ce budget diminue de 4 % et participe donc à la réduction des déficits publics. Les dépenses d'intervention sont tout particulièrement touchées, conformément à l'engagement du Premier ministre de réduire ces dépenses de 5 % dès 2011. Cette baisse, dont les effets seront sensibles sur le terrain, fera certainement des mécontents parmi les élus locaux... La subvention au fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) a été très fortement réduite : elle s'élèvera à 43 millions d'euros en 2011 au lieu de 64 millions en 2010. Les autres actions du programme connaissent également des diminutions de crédits : le soutien aux pôles de compétitivité est ramené de 30 à 25 millions d'euros et les subventions aux centres techniques industriels de 35,2 à 28 millions d'euros. Il existe une exception à la règle, qui concerne Ubifrance : l'exercice 2011 étant marqué par l'achèvement de la dévolution par la direction générale du Trésor de l'activité de service aux entreprises sur les marchés extérieurs à Ubifrance, la subvention sera portée à 104 millions d'euros pour 2011, contre 91 millions d'euros en 2010.

Pas moins d'une dizaine d'opérateurs de l'Etat mettent concrètement en oeuvre la stratégie économique visée par ce programme : je citerai notamment l'agence française pour les investissements internationaux (AFII), l'agence nationale des services à la personne (ANSP), Ubifrance, l'agence pour la création d'entreprise (APCE), et l'agence de développement touristique Atout France. Au total, les opérateurs rattachés à la mission perçoivent 238 millions d'euros de subventions pour charges de service public et rémunèrent près de 4 000 emplois.

Ce programme a pour objet de créer un environnement favorable à la croissance et à la compétitivité des entreprises ; il permet à l'Etat d'afficher son volontarisme économique, mais les moyens qui lui sont dévolus paraissent bien limités. Davantage que sur l'enveloppe des crédits budgétaires, les moyens d'actions du programme reposent sur les 74 dépenses fiscales, dont le montant atteint près de 8 milliards d'euros, et dont l'efficacité demande à être évaluée toujours plus finement. Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit la suppression du crédit d'impôt attaché aux revenus distribués de sociétés françaises ou étrangères, pour une économie annoncée de 645 millions d'euros. Nous suivrons avec attention l'évolution de la réflexion dans ce domaine.

Au sujet de la réduction du taux de TVA dans la restauration, nous avions exprimé l'an dernier de fortes réserves, comme beaucoup d'autres observateurs, car l'efficacité de cette mesure nous paraissait douteuse. Son coût s'élève à 3,1 milliards d'euros. Il faudra rester vigilants sur l'application des accords même si, un an plus tard, le bilan paraît moins sombre : selon la communication du Gouvernement, les embauches dans le secteur ont été dynamiques - 30 000 emplois créés entre juillet 2009 et juin 2010 sur les 40 000 escomptés en deux ans -, la profession a redistribué un milliard d'euros aux 800 000 salariés du secteur par une hausse moyenne de la grille des salaires de 5 %, et les prix ont baissé de 1,4 % au second semestre 2009.

On l'aura compris, la multiplicité et la diversité des acteurs autant que les formes d'interventions de l'Etat ne permettent guère de juger de l'efficacité de ce programme.

J'en viens au programme 223 « Tourisme », beaucoup plus modeste puisqu'il ne sera doté en 2011 que de 50,6 millions d'euros d'autorisation de crédits de paiement, soit seulement 2,5 % des crédits de la mission. Ce budget subit une réduction de plus de 10 % de ses crédits par rapport à 2010. Toutefois la subvention versée à l'agence de développement touristique Atout France, issue de la fusion de « Maison de la France » avec Odit-France, est sanctuarisée et conserve son niveau de 2010, soit 34,8 millions d'euros. Conformément au programme de contrôle de la commission des finances, j'ai entamé ce printemps une mission d'information sur l'action d'Atout France et la promotion de l'image touristique de la France à l'étranger que je voudrais achever dans le courant du premier semestre 2011. Au plan strictement budgétaire, j'ai déjà pu noter que cette agence a su, dès sa première année de fonctionnement, obtenir de ses partenaires extérieurs - collectivités territoriales, opérateurs touristiques - des concours financiers représentant près de 58 % de son budget, ratio fort appréciable.

Quelques mots enfin sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien », créé par la loi de finances pour 2009 afin d'optimiser la gestion des bandes de fréquences et de procurer à l'Etat de nouvelles recettes par la vente des fréquences ainsi libérées. L'arrêt complet de la télévision analogique, prévu au plus tard en novembre 2011, libérera d'autres fréquences, susceptibles d'intéresser différents professionnels de l'audiovisuel, des télécommunications et de la radio. Je dois malheureusement formuler le même constat que l'an dernier : le CAS demeure inopérant depuis 2009, car aucune procédure de mise sur le marché de fréquences n'a encore été lancée. Ce compte n'enregistre donc aucune recette depuis sa création. Les opérations de cessions de fréquences ont été reconduites pour 2011 sur la base d'une nouvelle estimation de recettes de 850 millions d'euros pour 2011 au lieu de 600 millions d'euros en 2010. Cette réévaluation tient compte de la remarque que j'avais formulée l'an dernier : il convenait d'ajouter au produit des ventes potentielles des fréquences issues des systèmes « Félin » et « Rubis », évalué à 600 millions d'euros, la cession future de tout ou partie des systèmes de communication militaire par satellite « Syracuse », dont la durée de vie est estimée à dix ans. Souhaitons que la prévision de recettes pour 2011 au bénéfice des armées ne reste pas une ligne de crédit virtuelle... Il faudrait se demander pourquoi aucune mise en vente n'a été engagée.

Fort de ces observations, je vous propose d'adopter, sans modification, les crédits des deux programmes et du compte d'affectation spéciale dont j'ai la charge.

M. Jean-Paul Alduy. - L'Insee vend certaines prestations, notamment aux collectivités territoriales. Quelle part de ses recettes en tire-t-il ? Il me paraît encourageant que les crédits budgétaires de l'institut retrouvent leur niveau de 2006 et 2007 alors que ses recettes commerciales ont augmenté.

S'agissant du taux de TVA dans la restauration, je me suis livré à un rapide calcul : étant donné que la TVA a chuté de 15 points dans ce secteur, que la baisse des prix n'a pas dépassé 1 % et que les salaires n'ont augmenté que de 4 % ou 5 % - ils auraient augmenté de toute manière - l'essentiel du gain a été affecté à la création de 30 000 emplois : cela représente près de 100 000 euros par emploi !

M. Jean Arthuis, président. - Même si 40 000 emplois étaient finalement créés, ils coûteraient encore chacun 75 000 euros...

M. André Ferrand, rapporteur spécial. - Bien observé !

M. Jean-Paul Alduy. - On a pourtant du mal à trouver 340 millions pour le logement social...

M. François Rebsamen, rapporteur spécial. - En ce qui concerne l'Insee, j'encourage chaque année ses responsables à valoriser leurs produits, et les fonds de concours s'élèvent à 17 millions d'euros. Ce montant est limité en raison de la mise en ligne gratuite des publications, c'est pourquoi il devrait rester stable l'an prochain.

M. François Marc. - Pourquoi le compte d'affectation spéciale n'a-t-il toujours pas enregistré de recettes ? En ces temps de vaches maigres, cet argent pourrait être bien employé : je rappelle que l'on attendait 600 millions d'euros de la vente des fréquences de l'armée de terre !

M. André Ferrand, rapporteur spécial. - La réponse qui m'a été donnée est simple : les appels d'offres n'ont pas été lancés. Pourquoi cela ? Cette question mérite d'être éclaircie et la commission est fondée à examiner ce problème de plus près, dans la perspective du débat en séance publique.

M. Jean Arthuis , président. - Nous pourrons interroger le rapporteur spécial du budget de la défense.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Économie » et du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ».

Loi de finances pour 2011 - Budget annexe Publications officielles et information administrative - Examen du rapport spécial

Enfin, la commission procède à l'examen du rapport de M. Bernard Vera, rapporteur spécial, sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

M. Bernard Vera, rapporteur spécial. - La fusion en janvier 2010 des deux « fleurons » de la République que constituaient le Journal officiel et la Documentation française en une seule Direction de l'information légale et administrative (DILA) est le résultat de la RGPP au sein des services du Premier ministre. Ce rapprochement, préconisé par le Conseil de modernisation des politiques publiques en décembre 2007, avait déjà été amorcé en 2005 dans un double souci de modernisation de l'Etat et de réduction des coûts. De profondes réformes ont ainsi été menées en très peu de temps, facilitées par l'implication du personnel des deux directions.

Cette fusion entraîne une diminution de 9 % des engagements, réduits à 182 millions d'euros ; les crédits de paiement se maintiennent au niveau de 2010, soit 193 millions d'euros. La plus forte réduction concerne les coûts de fonctionnement, en baisse de 10 %, l'effort portant surtout sur le fonctionnement quotidien des départements. En revanche, la politique de modernisation engagée a nécessité une forte hausse des paiements en investissement, qui sont passés de 11,2 millions d'euros en 2009 à 15 millions en 2010 et 17 millions en 2011. Les engagements au titre des dépenses de fonctionnement baissent de 18,5 millions en 2010 à 10,4 millions d'euros en 2011.

Le rapprochement des deux directions en 2009 et la mutualisation des tâches avaient déjà eu une forte incidence sur la réduction des effectifs, engagée de longue date puisque les départs en retraite ou préretraite ne sont plus remplacés depuis 2004. Les effectifs sont ainsi passés de 973 ETPT en 2009 à 898 en 2010 et 850 en 2011, 16 nouvelles suppressions étant prévues en 2012. Pour mémoire, les ETPT étaient, pour les deux directions, de 1 032 en 2007 et 1 008 en 2008.

Toutefois, l'économie dégagée par la réduction des effectifs, 1,2 million d'euros, ne suffit pas à compenser une légère augmentation des charges de personnel sur lesquelles pèsent les départs dans le cadre du plan de cessation anticipée d'activité. Ce plan a été mis en place à la direction des Journaux officiels en 2007 et prendra fin en 2012 : 19 départs sont prévus en 2011 pour un budget de 4,9 millions d'euros. Les charges de personnel supportent également le poids des versements au titre des pensions, qui atteindront 11 millions d'euros en 2011. La caisse des pensions présente un déficit, 7 millions en 2010 et 7,4 millions en 2011, qui ne pourra qu'augmenter dans les années à venir, compte tenu de la baisse du nombre de cotisants liée à l'engagement de ne remplacer qu'un salarié sur quatre. La baisse du nombre de cotisants devrait se poursuivre à un rythme plus lent au-delà de 2015.

Les lourds investissements engagés permettront à la Direction d'assurer ses missions dans le secteur de l'édition et de l'information publiques. En ce qui concerne l'édition, l'installation de la nouvelle plateforme éditoriale rencontre des difficultés techniques et une nouvelle procédure devra être engagée. Il serait souhaitable de prévoir son financement et d'associer le personnel à sa définition. Il y a urgence car la fiabilité du système actuel n'est pas assurée : l'application a plus de vingt ans et ne fait plus l'objet d'aucune maintenance depuis quatre ans. Les autres projets engagés sont, en revanche, en très bonne voie. Ainsi, la mise en place d'une nouvelle rotative d'un montant de 10 millions d'euros sur 2010 et 2011 permettra une offre plus large en matière d'impression. Sous réserve de coûts de production compétitifs, la DILA pourrait capter une partie du marché des impressions de l'Etat, apportant ainsi de nouvelles ressources pour faire face à la baisse des recettes d'annonces légales.

Le budget annexe ne perçoit, en effet, aucune subvention du budget général : ce sont les redevances et produits de ventes qui constituent ses principales ressources et qui lui ont permis de dégager un excédent budgétaire lors de chaque exercice jusqu'à ce jour. Les produits d'annonces légales représentent la majeure partie des ressources de la mission. Malgré des modifications réglementaires, la qualité des prestations de la DILA et des augmentations tarifaires ont permis de dégager 170,3 millions d'euros, soit 7,6 % de plus que les prévisions, trop prudentes, de la loi de finances initiale pour 2010. Au-delà des impressions, la DILA entend développer ses ressources dans plusieurs domaines et multiplie les démarches commerciales : redevances de publicité, licences de rediffusion, nouveaux produits et services numériques payants, librairie en ligne, etc. Des études sont en cours pour préparer les départements à ces évolutions.

Les opérations de regroupement des services se déroulent également dans de bonnes conditions. Les activités de la DILA sont désormais rassemblées sur trois sites, la rue Desaix, le quai Voltaire et Aubervilliers. Ce dernier site sera abandonné fin novembre au profit du 20, avenue de Ségur, où se trouveront rassemblées les activités des services du Premier ministre. Certains salariés ont fait part de leur inquiétude quant à la réduction de la capacité de stockage, qui aurait pour conséquence la destruction d'anciennes parutions de la Documentation française. Les anciens locaux des neuf centres interministériels de renseignements administratifs (CIRA) réunis depuis 2009 en un seul centre d'appels à Metz, ont été rendus à leurs propriétaires.

Il faut enfin mentionner les investissements informatiques. La diffusion des données publiques par internet est déjà très performante et ne cesse de se développer. Les sites Légifrance et Service-public sont les deux sites ministériels les plus consultés par les usagers. Le site Circulaires permet la consultation des instructions et circulaires adressées par les ministres aux services et établissements de l'Etat. A côté du site du Journal officiel, des sites d'annonces légales contribuent à la transparence économique, financière et associative : ce sont les sites BOAMP, BODACC et Info-financière, ainsi que les rubriques Associations et BALO, accessibles sur le site du Journal officiel.

Les usagers n'ayant pas accès à internet ou souhaitant des réponses individualisées sont informés par le biais du service de renseignement administratif par téléphone Allo 39-39. Apporter aux usagers des réponses de qualité à des coûts maîtrisés est l'un des enjeux de la DILA. La mesure de la performance dans ce domaine montre les efforts consentis, même si le coût de ce service reste élevé.

Pour conclure, les difficultés liées à la mise en place de la plateforme éditoriale constituent bien un frein à la modernisation de la DILA, mais je suis convaincu que la Direction a tous les atouts pour devenir le grand pôle public d'édition, de diffusion, d'impression et d'information administrative de l'Etat. Encore faudra-t-il que ce soit la volonté des services du Premier ministre. Si j'ai perçu de réels espoirs de la part des responsables de la SACI-JO quant à la possibilité de diversifier et d'acquérir de nouveaux travaux, des incertitudes demeurent au sein du personnel de la DILA. Le principal enjeu reste de trouver l'équilibre entre l'intérêt du personnel et la pérennisation des missions de service public.

Je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission constituée par le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Mme Nicole Bricq. - Malgré la fusion, je suppose que les missions de la Documentation française perdureront ?

M. Bernard Vera. - Bien évidemment. Le regroupement de la Documentation française et du Journal officiel a seulement permis la mutualisation de leurs moyens afin de rendre le fonctionnement de ces services plus équilibré et plus pérenne.

Mme Nicole Bricq. - Mais il est illusoire dans ce domaine de rechercher la rentabilité.

M. Jean-Pierre Fourcade. - L'ancien bâtiment des Postes et du ministère de l'environnement sis avenue de Ségur, où seront regroupés d'après le rapporteur spécial, les services du Premier ministre, est actuellement occupé. Quand ce regroupement aura-t-il donc lieu ? Quels services seront installés dans ce lieu immense ?

M. Bernard Vera, rapporteur spécial. - Ce bâtiment offre en effet plus de 20 000 m2 de surface. Je ne sais pas au juste quand les services du Premier ministre y seront regroupés, mais je sais que le site d'Aubervilliers sera fermé fin novembre.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Mercredi 3 novembre 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 - Examen des amendements au texte de la commission

La commission procède tout d'abord à l'examen des amendements sur le texte n° 79 (2010-2011) de la commission, sur le projet de loi n° 66 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

M. Jean Arthuis, président. - Je salue la présence de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, qui siège pour la première fois dans notre commission, où elle remplace Alain Lambert.

Examen des amendements extérieurs

La commission émet un avis défavorable à la question préalable n° 9.

Article 2 et rapport annexé

(Approbation du rapport annexé)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Par l'amendement n° 10 portant sur le rapport annexé, le Gouvernement, comme nous le lui demandions, envisage un scénario de croissance moins optimiste que celui de 2,5 % annuels sur la période 2012-2014, en précisant, avec un certain niveau de détail, que si la croissance n'atteignait pas 2 % par an, il lui faudrait prendre des mesures supplémentaires d'économie, pour un montant compris entre 4 milliards et 6 milliards d'euros par an. Il admet encore que, si l'évolution du taux de chômage était elle-même moins favorable que prévue, ou bien si l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB était moins élevée, le Gouvernement devrait également prendre des mesures d'économies supplémentaires sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales.

Le Gouvernement tient donc l'objectif d'un déficit de 3 % du PIB en 2013 et adapte les moyens pour y parvenir : c'est encourageant.

M. Jean Arthuis, président. - Votre scénario alternatif montrait que l'échéance serait repoussée d'un an en l'absence de mesures correctrices. Le Gouvernement refuse d'envisager ce report et présente les mesures complémentaires à prendre pour tenir l'objectif.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est vrai, et je prends comme un signe encourageant que ce cap soit maintenu.

M. Serge Dassault. - Une hypothèse de 2 % est encore bien trop optimiste ; il serait plus sérieux de prévoir 1,5 %, voire 1 %. Notre économie ne repart pas, nous sommes trop chers, nous n'exportons pas assez, voilà la réalité. Et les économies nécessaires sont bien supérieures à ce que rapporterait la suppression de quelques niches fiscales, il faut aller bien plus loin !

M. Jean Arthuis, président. - C'est de cela que nous allons débattre cet après-midi.

Mme Nicole Bricq. - Cet amendement du Gouvernement est habile politiquement, mais il n'améliore certainement pas la sincérité du texte. Le rapporteur général est dans son rôle en se déclarant satisfait et le Gouvernement ne prend pas beaucoup de risque en déclarant que, s'il le faut, il supprimera quelques niches fiscales, ce qui revient à augmenter les impôts, mais il ne le dit pas. En fait, comme M. Dassault le souligne, les 2 % ne seront certainement pas atteints : les indicateurs disponibles font tabler sur une croissance bien plus faible, que vous allez contraindre encore en limitant les capacités d'investissement des collectivités locales et par le gel du salaire des fonctionnaires. Vous n'y croyez donc pas, à ces 2 %, mais l'amendement permet de faire semblant, et le Gouvernement sauve la face.

M. Jean Arthuis, président. - Il n'est pas inutile de savoir que, si la croissance n'est que de 2 % sur la période, le Gouvernement devra réaliser entre 4 et 6 milliards d'euros d'euros d'économies supplémentaires par an.

Mme Nicole Bricq. - Soit au moins 12 milliards d'euros au total.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Exactement, et nous comptons sur les propositions du groupe socialiste !

M. Serge Dassault. - Pourquoi ne pas sous-amender, pour retenir le scénario d'une croissance à 1,5 % ?

M. Joël Bourdin. - Je trouve un peu réducteur de ne laisser le choix qu'entre 2,5 % ou 2 % : il serait plus crédible, en effet, d'étendre le scénario à l'hypothèse d'une croissance de 1,5 % par an.

M. Denis Badré. - Ne vaudrait-il pas mieux rectifier la rédaction pour envisager le cas où la croissance « ne dépasserait pas » plutôt que « n'attendrait pas » 2 %, et pour préciser que le niveau d'économies nécessaires serait affecté par toute évolution moins favorable du taux de chômage ? Ce serait plus ouvert et, partant, plus propice à la négociation.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous ne devons pas confondre ce texte avec la loi de finances, en particulier avec la partie recettes.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Je crois qu'il faut conserver l'amendement tel qu'il est : l'important est qu'il prenne acte qu'il faudra des économies supplémentaires si la croissance attendue n'est pas au rendez-vous.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Oui, et les rectifications proposées rendraient la rédaction moins rigoureuse. Le gouvernement s'engage assez précisément, avec cette fourchette de 4 à 6 milliards d'euros euros, et c'est la première fois, à ma connaissance, que les effets de la moindre croissance sur l'emploi sont traités à part, comme nécessitant eux aussi des économies supplémentaires. De fait, pour tenir l'échéance de 2013, il faudrait probablement des économies au moins deux fois supérieures à la fourchette envisagée de 4 à 6 milliards d'euros, mais l'amendement ne dit pas le contraire ! Je crois que nous pouvons nous féliciter que, pour une fois, le Gouvernement se garde de la langue de bois habituelle en matière de programmation budgétaire et que, si la copie n'est pas parfaite, nous devons encourager l'élève !

Mme Nicole Bricq. - Nous avons constaté combien le ministre était réticent à ce que le Parlement s'exprime sur l'orientation budgétaire avant qu'elle ne soit transmise à Bruxelles. A l'inverse, les dispositions qu'il propose d'inscrire dans le rapport annexé montre que les mesures à prendre pour respecter ces orientations peuvent évoluer au cours de l'année. Or il faudra bien que le Parlement débatte de ces évolutions. Qu'en sera-t-il ? Et s'il y a débat, quelles en seront les modalités ?

M. Denis Badré. - Bruxelles attend que le Parlement débatte avant la transmission du document d'orientation budgétaire.

Mme Nicole Bricq. - Monsieur le rapporteur général, vous avez déclaré que la programmation triennale serait discutée chaque année : comment le Gouvernement s'adaptera-t-il à la croissance constatée et comment débattrons-nous de ces adaptations au sein de la commission et en séance publique ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je peux vous rassurer : nous prévoyons un débat chaque année et le Gouvernement ne s'y est pas opposé.

M. Serge Dassault. - L'amendement prévoit que le Gouvernement fera des économies sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales, c'est très loin de suffire !

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 10 du Gouvernement. Puis, elle adopte les avis suivants sur les autres amendements :

Article 3

Evolution du solde des administrations publiques et de la dette publique

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Gouvernement

11

Suppression du scénario alternatif

Favorable

Article 4

Evolution annuelle des dépenses publiques en volume

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. François Marc et les membres du groupe socialiste

1

Exclusion des dépenses des collectivités territoriales correspondant à des charges transférées de leurs objectifs de dépenses figurant dans le rapport annexé

Défavorable

Articles additionnels après l'article 4

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste

2

Compensation intégrale des dépenses de RSA à la charge des départements

Défavorable

Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste

3

Compensation des dépenses d'APA à la charge des départements

Défavorable

Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste

4

Compensation intégrale des dépenses de PCH à la charge des départements

Défavorable

Article 7

Norme annuelle d'évolution des concours de l'Etat aux collectivités territoriales

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. François Marc et les membres du groupe socialiste

5

Suppression de l'article

Défavorable

M. François Marc et les membres du groupe socialiste

6

Réintroduction du FCTVA dans l'enveloppe normée

Défavorable

M. François Marc et les membres du groupe socialiste

7

Réintroduction des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle dans l'enveloppe normée

Défavorable

Article additionnel après l'article 7

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. François Marc et les membres du groupe socialiste

8

Changement de titre du jaune budgétaire « Effort financier de l'Etat en faveur des collectivités territoriales »

Favorable sous réserve de rectification

Article 13

(Bilan de la mise en oeuvre de la programmation)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Par l'amendement n° 12, le Gouvernement précise que la règle de « compensation » entre efforts de dépenses et de recettes, insérée à l'article 13 par la commission pour l'ensemble des administrations publiques hors administrations publiques locales, ne s'appliquerait qu'à l'État et aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale, et exclurait donc en particulier l'Unedic. Compte tenu du geste réalisé par l'amendement n° 10, qui précise explicitement que l'impact sur le solde public d'une croissance inférieure de 0,5 point serait compensé, y compris celui résultant d'une évolution moins favorable du taux de chômage, nous pouvons émettre un avis de sagesse.

La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 12 du Gouvernement.

Loi de finances pour 2011 - Examen des principaux éléments de l'équilibre

La commission procède ensuite à l'examen des principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2011.

M. Jean Arthuis, président. - M. le rapporteur général va nous présenter l'exposé général de son rapport sur le projet de loi de finances pour 2011.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je vous présenterai d'abord les éléments de cadrage. Les aléas sont connus : le taux de change de l'euro, l'impact récessif des politiques de consolidation budgétaire, les risques liés à la sphère financière. Sur l'évolution du solde public, je tente une comparaison avec la situation que connaissent nos voisins britanniques : le plan britannique est plus drastique, mais il porte comparativement moins sur ce qui correspond en France aux dépenses de l'État, puisque dans les deux pays celles-ci sont gelées en volume, que sur les dépenses sociales et celles des collectivités locales. Il faut tenir compte cependant du fait que le déficit britannique dépasse 10 % du produit intérieur brut (PIB), quand il s'élève à 7,7 % dans notre pays.

Les recettes fiscales nettes stagnent, paradoxalement : elles passent de 254,7 milliards d'euros à 254,4 milliards d'euros. De fait, les modifications apportées à l'impôt sur le revenu ne produiront généralement pas leurs effets avant 2012 et il faut tenir compte de l'arrêt des mesures du plan de relance, pour 3,2 milliards d'euros, aussi bien que de la conséquence de la réforme de la taxe professionnelle, pour 17,5 milliards d'euros : autant dire que la comparaison n'est pas facile d'une année sur l'autre.

L'impôt sur les sociétés a connu de fortes variations ces dernières années : il est passé de 50 milliards d'euros en 2007 à 20 milliards en 2009, par le recul des bénéfices mais aussi par les allègements liés au plan de relance ; nous devrions être à 35 milliards d'euros cette année, grâce à l'amélioration des bénéfices mais aussi par la suppression de la moitié des allègements ; le Gouvernement table sur 45 milliards d'euros l'an prochain, en incorporant notamment la cessation des allègements du plan de relance.

La plupart des mesures de la loi de finances et de la loi de financement, cependant, n'ont pas un effet immédiatement visible sur le solde budgétaire. C'est le cas des mesures fléchées vers les régimes de retraite ou vers le remboursement de la dette sociale, ou encore les mesures qui n'auront un impact qu'à compter de 2012. La non-prorogation du remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche, sauf pour les petites et moyennes entreprises (PME), représente 3 milliards d'euros. Quant à la réforme de la taxe professionnelle, ses effets sont complexes et l'on estime son coût net, en rythme de croisière, à 5 milliards d'euros.

La « compensation relais », conséquente à la création de la contribution économique territoriale, représentait 32,4 milliards d'euros pour 2010. L'an prochain, elle est remplacée par des ressources de nature essentiellement - à plus de 80 % - fiscale, principalement par les nouvelles impositions - contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), cotisation foncière des entreprises (CFE), imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER). Le solde provient des dotations de garanties de ressources, dont 2,5 milliards d'euros au titre de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle. Il faut noter que les dégrèvements sont regardés comme une ressource fiscale, puisqu'ils évoluent avec l'assiette des impôts : ils représentent 5,2 milliards d'euros.

Si les réductions de niches fiscales ont un effet limité sur le budget 2011, de l'ordre de 500 millions d'euros, l'impact devrait s'élever à plus de 2 milliards d'euros en 2012. Nous reprenons ici la définition que le Gouvernement donne des dépenses fiscales. Or, cela ne va pas de soi. Le taux réduit de TVA sur l'offre composite audiovisuelle, le triple play, est supprimé : cela représente un milliard d'euros, mais le Gouvernement regarde cette suppression comme un changement dans le mode de calcul de l'impôt, plutôt que comme une moindre dépense fiscale. Le même raisonnement s'applique à la réduction de moitié de l'avantage accordé aux contrats d'assurance solidaires et responsables : l'avantage fiscal s'est réduit de moitié et son produit n'est plus affecté à l'Etat. De cette façon, on évite de considérer le 1,1 milliard d'euros restants comme une niche, ce qui est une marque signalée de bienveillance.

Nous avons été tentés de dresser la liste de toutes les réductions de dépenses fiscales, en les définissant comme il nous semblait plus exact, mais l'exercice est particulièrement complexe et suppose des consultations approfondies : nous nous sommes donc ralliés à la définition que le Gouvernement donne des dépenses fiscales. Ces questions de définition sont importantes en particulier pour la règle du « gel en valeur » adoptée en loi de programmation, car les périmètres sont instables et nous ne disposons pas d'une expertise extérieure, neutre.

Les dépenses, de leur côté, sont sous tension. Sur un total de 286,4 milliards d'euros, en augmentation de 0,4 % en volume pour les crédits du budget général, trois postes se distinguent par leur plus forte progression : la charge de la dette, avec une augmentation de 6,9 %, les dépenses de fonctionnement, à 3,1 %, les dépenses d'intervention, à 2,5 %. A l'inverse, les dépenses de personnel n'augmentent que de 0,2 % et les investissements reculent de 5,7 %. La règle, pour cette année, tient dans la formule « zéro valeur et zéro volume » : la variation des dépenses de l'État ne doit pas dépasser celle des prix à la consommation. Cette règle empêchera le recyclage d'économies de constatation en dépenses nouvelles, comme cela a pu être observé sur la charge de la dette en 2009.

Cependant, la charte de budgétisation est-elle crédible ? Nous déplorons des variations trop fréquentes de la pratique, par exemple l'exclusion des 140 millions d'Oseo-innovation de la norme de dépenses, au prétexte que cette dépense budgétaire se substitue à une dotation en capital, ou encore les financements extrabudgétaires en matière de logement. Cela concerne des enveloppes certes modestes, rapportées à l'ensemble du budget, mais elles ne sont pas sans signification quand on les additionne. Les dépenses de fonctionnement ne baissent pas de 5 % comme annoncé, mais de 0,47 % si l'on prend pour assiette l'ensemble du titre 3 ; les dépenses d'intervention, qui sont souvent des « dépenses de guichet », fonction des droits ouverts, sont en recul net de 1 %, au lieu des 5 % annoncés. Nous l'avions dit dès le débat des finances publiques : l'objectif de 5 %, appliqué à l'ensemble des interventions, n'était pas tenable.

S'agissant des effectifs dans la fonction publique, nous sommes loin de la disette décrite par certains.

Mme Nicole Bricq. - Elle va se produire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui part en retraite produit des effets, mais les dépenses de personnel continuent néanmoins d'augmenter en valeur. Sur ce chapitre, une curiosité inquiétante : le ministère de l'éducation nationale voit son plafond d'emplois augmenter de 20 359 postes équivalents temps plein travaillés en raison, nous dit-on, d'une rectification répondant à un souci « d'exhaustivité et de sincérité » : est-ce à dire que les chiffres que nous avons examinés les années antérieures, et ceux de cette année encore, ne seraient ni exhaustifs, ni sincères ? Nous savons aussi que 98 000 emplois ne sont pas comptabilisés, parce qu'ils relèvent de différents opérateurs ou de contrats directs signés par les établissements scolaires.

Le solde budgétaire s'améliore nettement : le déficit s'établit à 92 milliards d'euros, contre 152 milliards d'euros pour 2010. Les recettes couvrent 70 % des dépenses, contre 55 % en 2009 et 57,6 % en 2010, mais 86 % en 2007. Le déficit recule de 60  milliards d'euros, le ministre s'en est vivement félicité devant l'Assemblée nationale, soulignant que jamais une telle baisse n'avait été enregistrée. Elle tient cependant à de nombreux leviers « externes », plutôt qu'à des efforts d'économies. Il y a d'abord les 35 milliards d'euros de dépenses réalisées au titre des investissements d'avenir, qui ne sont pas renouvelés et qui représentent la moitié de l'amélioration du solde de 2011.

M. Jean Arthuis, président. - Effectivement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Même chose pour la réforme de la taxe professionnelle, qui a une incidence favorable de 5,3 milliards d'euros sur le budget, alors qu'il ne s'agit pas là d'un effort particulier d'économies budgétaires. Au total, un tiers des économies sont de constatation, plutôt que le résultat de politiques assumées d'économies.

Du côté du solde primaire, ce budget s'inscrit dans le cadre d'un retour à l'équilibre pour 2013. Les emprunts représenteront 190 milliards d'euros en 2011 : 52 % iront au remboursement de la dette, aux dépenses de trésorerie et aux prises de participation, 39 % serviront à éponger le déficit de fonctionnement, et seulement 9 % aux investissements.

La dette est donc en progression. L'encours des titres à court et très court terme se contracte en valeur relative. Le stock de bons du Trésor à taux fixe - rubrique la plus vulnérable à un retournement des taux - passerait de 18,6 % de l'encours total début 2010 à moins de 15 % fin 2011.

Jusqu'ici, à l'exception de 2008, la charge de la dette est restée à peu près stable, entre 35 et 40 milliards d'euros. À compter de 2011, nous changeons d'ordre de grandeur - 55 milliards en 2013 -, en raison d'un effet volume, mais aussi d'un effet taux. Les hypothèses reposent sur une prévision de hausse des taux courts, qui passeraient à 1,16 % en moyenne en 2011, contre 0,5 % en 2010. Pour la première fois, une anticipation raisonnable tient compte des hypothèses de tension sur les taux d'intérêt.

M. Serge Dassault. - Les 55 milliards d'euros attendus en 2013 correspondent au produit l'impôt sur le revenu. La courbe ascendante de la charge de la dette est effarante : bientôt, tout le budget y passera !

M. Jean Arthuis, président. - Elle pourra s'infléchir...

M. François Marc. - À quoi correspond le 1,16 % ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est la moyenne des taux courts anticipés en 2011.

M. Jean-Pierre Fourcade. - C'est pourquoi on réduit la part des bons du Trésor, de 18 % à 15 %.

M. Jean Arthuis, président. - Cela reste modeste.

M. François Fortassin. - J'ai apprécié le numéro de funambulisme du rapporteur général. Une croissance de 1,5 à 2 %, si les chiffres sont sincères...

Mme Nicole Bricq. - Ils ne le sont pas !

M. François Fortassin. - ... ne devrait-elle pas entraîner des recettes supplémentaires ? Or celles-ci sont stables, voire en diminution.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'y reviendrai.

Dans une épure aussi contrainte, je me réjouis des choix faits en faveur de la compétitivité. Le budget 2011 poursuit un effort sans précédent en matière de dépenses de recherche et d'enseignement supérieur : le misérabilisme de certains est donc à relativiser !

Les réformes de structure, la réforme du crédit d'impôt recherche, l'effet de masse des investissements d'avenir devraient servir la compétitivité de notre pays et se traduire par une création d'activités et d'emplois.

La fiscalité du patrimoine ne se limite pas à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) : le patrimoine se taxe lorsqu'il se crée, lorsqu'il s'accroît, lorsqu'il se détient, lorsqu'il se transmet. La notion de revenu du patrimoine est complexe ; seule la CSG prend en compte l'ensemble des revenus résultant des différentes formes d'épargne. L'ISF ne représente qu'un part minoritaire des impôts et prélèvements sur le patrimoine.

Dans ces conditions, je défends la démarche intellectuelle dite du triptyque. Les effets pervers de l'ISF sont connus : effet d'insécurité dans la valorisation de la déclaration des biens, effet d'éviction au détriment des redevables de la première tranche, effet parfois confiscatoire pour les plus hautes tranches. Dans le même temps, le bouclier fiscal est en bout de course : il va falloir trouver une solution.

Dans un avis motivé du 28 octobre, la Commission européenne demande à la France de modifier sa législation sur le bouclier fiscal et sur le plafonnement de son ISF pour se conformer au principe de libre circulation des capitaux. Elle conteste que le bénéfice des dispositions fiscales soit réservé aux seuls résidents français, et que le calcul des impôts ouvrant droit au bouclier ne prenne en compte que les impôts payés en France. Il faudrait que l'administration fiscale rembourse des impôts payés à l'étranger ! La France conteste cette argumentation, mais quelle serait l'issue devant la Cour de Luxembourg ? Le droit communautaire milite donc pour la suppression pure et simple de l'ISF et du bouclier fiscal.

Je dresse donc un inventaire des mesures possibles pour réformer la fiscalité patrimoniale. Il s'agirait de resserrer l'ISF, supprimer le plafonnement du plafonnement de cet impôt, de relever le seuil d'assujettissement, de compléter l'abattement sur la valeur de la résidence principale, d'imputer les taxes foncières sur l'ISF ou encore d'en rendre le taux cohérent avec le taux moyen de rendement des actifs financiers. Au total, le produit de l'ISF serait divisé par deux.

Mme Nicole Bricq. - Bien sûr ! On a tellement d'argent !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La suppression du bouclier fiscal atténuerait le coût de ces mesures pour l'État. Quant au complément de recettes à trouver, je ne vois d'autre solution que la création d'une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu - ce qu'a fait l'Allemagne lorsqu'elle a supprimé l'imposition sur le patrimoine.

M. Jean Arthuis, président. - Je remercie le rapporteur général pour son exposé.

Le périmètre des niches n'est pas aisé à définir. On peut considérer que le taux réduit de TVA constitue une niche. Idem pour certaines exonérations d'imposition dont bénéficient les coopératives ou les mutuelles, par exemple de contribution économique territoriale quand elles rachètent une société.

Les dispositions concernant les prélèvements obligatoires doivent venir en articles non rattachés, et non dans des articles rattachés.

Les 35 milliards d'euros du « grand emprunt » ont été budgétairement dépensés en 2010, mais les dépenses réelles interviendront les années suivantes. La trajectoire de retour à l'équilibre est amorcée, mais la contribution effective reste modeste : l'effort doit se poursuivre.

M. Yves Krattinger . - Quel relais pour la compensation relais de la taxe professionnelle, demande le rapporteur général. Son évaluation du coût de la suppression de la taxe professionnelle me paraît bien optimiste : comment aboutissez-vous à ces chiffres ?

Je m'inquiète également de la débudgétisation du financement de la politique du logement. Vous n'avez pas commenté le prélèvement d'1 milliard en trois ans sur les organismes HLM, que ceux-ci qualifient de véritable cambriolage !

M. Jean Arthuis, président. - Lors de l'examen du rapport de Philippe Dallier sur les crédits de la mission « Ville et logement », la commission a demandé le retrait de cette mesure.

M. Yves Krattinger. - Je m'en félicite.

M. Philippe Dallier. - Reste qu'il faudra trouver 340 millions, d'une façon ou d'une autre...

M. Philippe Adnot. - Étant donné que la majorité des crédits du « grand emprunt » sont non consomptibles, comment peuvent-ils dégrader les comptes publics ?

M. Serge Dassault. - Je me méfie par principe des prévisions trop optimistes : mieux vaut avoir de bonnes surprises que de mauvaises ! Nous sommes bien loin d'atteindre l'équilibre budgétaire : les déficits, la dette ne cessent de croître, et on ne fait rien ! Aucune économie ! On continue d'emprunter pour financer le fonctionnement : c'est une hérésie ! Et je ne parle pas des déficits sociaux... Je suis très inquiet.

Il est indispensable de supprimer l'ISF, que nous sommes les seuls à avoir, et qui fait fuir les contribuables ! Il y a de moins en moins de gens riches en France !

M. François Fortassin. - En revanche, nous avons de plus en plus de pauvres !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Le rapporteur général a su nous éclairer, malgré les opacités du texte du Gouvernement. Contrairement à M. Dassault, je trouve la prévision de l'évolution de la charge de la dette pour 2011, 2012 et 2013 un peu forte. Nos obligations assimilables du Trésor (OAT) sont à taux fixe, et l'on constate un effort de compression de l'endettement à court terme. Restent les 12 % d'OAT indexées sur l'inflation. En 2008, il a fallu majorer les crédits de charge de la dette de 4 milliard d'euros pour en tenir compte... Avec les provisions prévues, le risque est minoré. En 2013, notre endettement devrait être inférieur à 90 % de la richesse nationale, et la charge de la dette se situer autour de 4 milliards d'euros plutôt que de 5 milliards.

J'aurais souhaité que les économies réalisées en 2010 sur la charge de la dette - 1,5 à 2 milliards d'euros - fussent affectées non pas à des dépenses nouvelles mais à un remboursement anticipé de la dette. Le ministre m'a juré que ce serait le cas...

M. Jean Arthuis, président. - Dieu vous entende !

Mme Marie-France Beaufils. - Vous n'évaluez à aucun moment la perte de recettes pour l'État qu'entraîne votre politique de baisse des dépenses publiques.

On transfère 4,1 milliards d'euros d'imposition aux collectivités territoriales, mais une partie de cette somme vient en déduction du calcul pour la DGF ! Comment calculez-vous des dégrèvements de 5,2 milliards d'euros ? Je n'arrive pas au même chiffre.

Enfin, où sont les 98 000 postes payés par l'Éducation nationale évoqués par le rapporteur général ?

M. Jean Arthuis, président. - Dans les collèges et les lycées.

Mme Marie-France Beaufils. - Ceux-ci peinent déjà à faire face aux besoins, et je ne parle pas de l'élémentaire, confronté aux suppressions de postes !

M. François Marc. - Je remercie le rapporteur général d'avoir donné des chiffres courageux, mais l'évolution de la charge de la dette est affolante : plus 30 % d'ici 2012 !

La stratégie de la Fed semble être de créer de l'inflation pour sortir de la crise. À votre avis, comment évoluera notre inflation dans les mois et les années à venir ?

Mme Nicole Bricq. - Le rapporteur général a-t-il chiffré les effets de la RGPP, et notamment de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux ? Compte tenu des mesures de compensation, atteint-on le gain espéré d'1 milliard d'euros ? J'en doute. En attendant, c'est l'efficacité du service public qui en pâtit.

Quant à la charge de la dette, elle va bientôt dépasser le budget de l'Éducation nationale : ahurissant !

M. Joël Bourdin. - Une hausse des taux d'intérêt aura un impact sur la charge de la dette mais aussi sur les entreprises et les ménages. Ne craignez-vous pas un effet récessif ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ces questions sont toutes importantes.

Monsieur Krattinger, les effets de la réforme de la taxe professionnelle sont différés. Les 16,2 milliards d'euros de recettes brutes encaissées par l'État en 2010 sont, en 2011, affectés directement aux collectivités territoriales (CVAE, CFE, IFER), ainsi que 1,9 milliard d'euros de frais d'assiette et de recouvrement, et que 4,1 milliards d'euros de fiscalité supplémentaire. En contrepartie, l'État bénéficie de 2,4 milliards d'euros supplémentaires sur l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu, et du solde des dégrèvements pour 3,8 milliards d'euros. La fin de la compensation relais représente une économie de 32,4 milliards d'euros. La dégradation du solde du compte d'avance aux collectivités territoriales représente 7,5 milliards d'euros. En 2011, le coût synthétique pour l'État de la réforme sera de 4,3 milliards d'euros, contre 9,5 milliards d'euros en 2010. En régime de croisière, à compter de 2012, il devrait être aux environs de 4,7 milliards d'euros.

La compensation relais a assuré en 2010 la neutralité de la réforme pour les collectivités territoriales. Cela dit, c'est un sujet extraordinairement complexe, qui sera traité en détail dans le rapport écrit. Le relais de la compensation relais est pris par les nouvelles impositions, les dégrèvements, les impôts transférés, les dotations de garantie de ressources. Le résultat est neutre pour les collectivités territoriales en 2011 comme en 2010.

M. Yves Krattinger. - Le document « Voies et moyens », annexé au projet de loi de finances, mentionne une compensation de la taxe professionnelle pour 6,458 milliards d'euros. Si le rapporteur général a du mal à s'y retrouver, imaginez ce qu'il en est pour nous !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je ferai parvenir une note écrite aux membres de la commission pour éclairer ce point.

Des questions complémentaires seront posées à l'exécutif d'ici la discussion budgétaire.

Mme Nicole Bricq. - Comment arrivez-vous au chiffre de 16,9 milliards d'euros en nouvelles impositions ?

M. Jean Arthuis, président. - C'est le total de la CVAE, de la CFE et de l'IFER.

Mme Nicole Bricq. - Ces chiffres ne figurent pas dans les documents budgétaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le chiffre de 16,9 milliards d'euros correspond à la prévision de rendement figurant dans le fascicule « Voies et moyens » de ces différentes impositions en 2011, assise sur la réalisation de 2010. Le principe de la neutralité est assuré.

Les 340 millions soustraits aux crédits de la mission « Ville et logement » sont imputables à la débudgétisation, les organismes HLM se substituant à l'État, ce qui ne contribue guère à la lisibilité. Qu'en sera-t-il quand les ressources extrabudgétaires seront taries ? Les trésoreries disponibles ont vocation à être ponctionnées ; c'est la débudgétisation que je critique. Le seul impératif est de calfater les voies d'eau !

M. Jean Arthuis, président. - Lorsqu'un ministre du logement avait envisagé un prélèvement sur les « dodus dormants », les organismes HLM s'étaient empressés de rembourser des emprunts pour faire fondre leur trésorerie ! C'est pourquoi le Gouvernement envisagerait maintenant un prélèvement non sur la trésorerie, mais sur la situation nette.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Monsieur Adnot, le grand emprunt a dégradé le solde budgétaire de 35 milliards d'euros en 2010 sans, pour autant, c'est vrai dégrader le solde « maastrichtien ». Pour 2011 et les années suivantes, il se traduit par un coût budgétaire annuel d'environ 500 millions d'euros, correspondant à la rémunération des fonds déposés au Trésor par les opérateurs. La présentation dans la loi de finances rectificative du début d'année confine à l'abus de langage... : en réalité, pas un euro de recette n'est lié au grand emprunt. Les opérateurs ne placent pas leur dotation sur le marché - Dieu merci ! - mais la déposent au Trésor et l'État les rémunère, à un taux préférentiel de 4 %. Ce mécanisme imaginatif, pour ne pas dire illusoire, permet de s'exonérer largement des contraintes maastrichtiennes, puisque du point de vue de la comptabilité nationale seuls les décaissements effectifs par les opérateurs ont une incidence sur le solde.

M. Jean Arthuis, président. - Les 19 milliards d'euros de crédits non consomptibles sont confiés à l'État, comme à une fondation virtuelle. Les 16 milliards d'euros restants se traduisent par des dépenses effectives, étalées sur cinq ans, mais qui n'apparaîtront pas budgétairement car elles ont été inscrites dans le budget 2010.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est une sorte de Gosplan : un petit monde parfait, avec un quasi-marché, un quasi-emprunt, de quasi-intérêts, loin de la réalité du financement sur les marchés.

M. Jean Arthuis, président. - On a substitué du long terme à du court terme.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est un artifice intelligent, qui permet de faire des choses.

Mme Nicole Bricq. - Il ne trompe personne !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le débat sur l'ISF nous renvoie à nos contradictions. Nous y reviendrons.

Les économies de constatation sur les charges financières en 2010, évoquées par M. Fourcade, ne pourront plus être recyclées en dépense nouvelle à compter de 2011. Avec la loi de programmation des finances publiques, les dépenses hors charge de la dette et pensions seront plafonnées en valeur, et il ne sera donc plus possible de réemployer des économies réalisées sur la charge de la dette puisque cela reviendrait à ne pas respecter le plafond. Il y aura une double norme, en volume et en valeur.

Madame Beaufils, le taux de couverture des dépenses par les recettes était de 70 % l'année dernière. Plus on dépense, plus on creuse le déficit. L'accélération de la courbe de la dette s'explique par l'évolution du solde primaire. L'effet volume a été occulté par la faiblesse atypique des taux d'intérêt : nous sommes encore anesthésiés. L'anticipation de la hausse des taux d'intérêt était inévitable. Si nous étions lucides, nous nous hâterions de revenir à l'équilibre primaire !

Peut-on maîtriser le contexte macroéconomique, la gouvernance de la zone euro ? Un État dont les finances publiques dérapent pourra-t-il se faire entendre le jour où l'on décidera de règles plus contraignantes, pourra-t-il influer sur la BCE, infléchir la politique monétaire ? Ces chiffres ne visent pas à vous faire trembler, mais à montrer que la situation peut changer...

M. Jean Arthuis, président. - Il faut ajouter le déficit de la sécurité sociale et celui de la CADES.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je ne nie pas les difficultés de gestion au sein de l'Éducation nationale, mais les 98 000 postes hors décompte existent, et depuis longtemps. Ce système empêche un regard précis sur la gestion des effectifs par l'Éducation nationale.

La loi de programmation fixe l'hypothèse d'une inflation à 1,5 % en 2011, 1,75 % en 2012 et 1,75 % en 2013. La politique monétaire est décidée dans le cadre européen.

M. Jean Arthuis, président. - C'est la mondialisation qui fait la stabilité des prix plus que les banquiers centraux. La dégringolade du dollar entraînera celle du yuan : vu l'importance de nos importations, je doute que l'inflation touche les biens de consommation !

M. François Marc. - En revanche, le déséquilibre extérieur va s'aggraver...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Oui, tant qu'il y a globalisation des échanges et réduction des barrières tarifaires.

M. Jean Arthuis, président. - Un peu de TVA ne serait pas malvenue...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les suppressions d'emplois de fonctionnaires dégageront 837 millions d'euros en 2011, 853 millions en 2012, 845 millions en 2013. En contrepartie, 50 % de ces économies brutes seront réaffectées en retour catégoriel aux agents. Nous y reviendrons ce soir lors du débat sur les effectifs de la fonction publique.

M. Jean Arthuis, président. - Merci. Nous prolongerons le débat en séance ce soir et lors de l'examen du projet de loi de programmation.

La commission donne acte à M. Philippe Marini, rapporteur général, de sa communication.

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 - Examen du rapport pour avis

La commission procède enfin à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 84 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Ce projet de loi de financement s'inscrit dans la continuité des débats que nous venons d'avoir sur la révision du cadre organique de la gestion de la dette sociale et sur la réforme des retraites.

Les articles qui le composent, tout comme les liens étroits qu'il entretient cette année avec le projet de loi de finances, soulignent, avec acuité les difficultés de financement auxquelles est confronté notre régime de sécurité sociale. Ce dernier enregistrera un déficit de 24,8 milliards d'euros cette année et de 22,7 milliards d'euros l'an prochain. Le déficit cumulé sur la période 2011-2014 serait de 79,5 milliards d'euros, les branches maladie et vieillesse représentant respectivement 45 % et 46 % de cette somme.

La maîtrise des dépenses est un levier dont la portée se réduit au fil des ans. Sauf à vouloir redéfinir à la baisse le niveau de protection sociale, les recettes doivent aujourd'hui être significativement renforcées. Je vous présenterai un amendement en ce sens pour la CSG des retraités. Dans le cas contraire, la question des restes à charge, ou de la mise sous condition de ressources des prestations, risque de devenir une constante de nos débats alors même que nous avons conscience que ces réflexions « creusent la tombe » du système créé en 1945.

Mais peut-on vouloir ne pas augmenter les recettes et conserver un système à vocation universaliste conciliant à la fois logique contributive et redistributive ? Cette position confortable ne peut pas être tenue car cela consisterait à mentir sur l'un des deux volets de la proposition.

C'est pourquoi, j'ai choisi cette année de souligner la nécessité de définir des circuits de financement respectueux des principes que nous avions par le passé choisi de mettre en place. Cela afin de garantir autant que possible la pérennisation d'un système que nombre de nos pays voisins ont pu envier au plus fort moment de la crise. Cette ligne de conduite ne signifie ni l'absence de pragmatisme, ni le refus de la nécessaire prise en compte du contexte économique actuel, bien au contraire.

Aussi, dans la continuité des positions exprimées sur la loi de financement pour 2010, mais également lors des réunions de la commission de la dette sociale ou plus récemment sur le projet de loi organique relatif à la dette sociale, je conteste le refus du Gouvernement de ne pas procéder à l'augmentation de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).

Cette position de principe conduit à aggraver les déséquilibres financiers des régimes obligatoires de base, par la mise en place de schémas financiers « acrobatiques » qui ne font au demeurant que renforcer la nécessité d'une approche consolidée des projets de loi de finances et de financement. La question de la nécessaire sécurisation des recettes de la sécurité sociale me paraît pouvoir être illustrée par trois exemples : le refinancement de la dette sociale, le bouclage financier de la réforme des retraites et la politique relative aux allègements généraux.

Sur la question de la dette sociale, j'ai un point de désaccord majeur avec le Gouvernement. Le refinancement des 130 milliards d'euros qu'il nous est proposé de transmettre à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) entre 2011 et 2018, soit l'équivalent de dix mois de dépenses d'assurance maladie, s'appuie, à la suite du vote de l'Assemblée nationale, sur le transfert de 0,28 point de CSG initialement affectée à la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF). Celle-ci, dont les charges ne cessent d'augmenter, se verrait en contrepartie affecter le panier de recettes initialement constitué pour la CADES, mais très critiqué compte tenu de la chute de plus d'un tiers de son rendement dès 2013. Il s'agit donc du fameux panier que j'ai qualifié de « percé », parce que les recettes ne sont pas pérennes. D'ailleurs, l'Assemblée nationale en a jugé de même puisqu'elle a modifié son financement. Les recettes prévues s'établissent ainsi : 3,55 milliards d'euros en 2011, 3,35 milliards d'euros en 2012 et 2,5 milliards d'euros en 2013. Les mesures constitutives de ce panier ne sont ni aussi pérennes, ni aussi dynamiques que la CSG ou la CRDS, deux bonnes raisons qui ont conduit l'Assemblée nationale à refuser l'affectation de telles recettes à la CADES.

Je m'interroge : ce qui serait mauvais pour l'un serait-il donc bon pour un autre ? La seule question est-elle donc de choisir entre la fragilisation de la CADES ou celle de la CNAF ?

Outre les difficultés de financement de la branche famille, le transfert de CSG n'est pas satisfaisant, car il nie la spécificité de la CRDS. Cette dernière, bien qu'elle soit considérée comme une imposition de toute nature, revêt une dimension particulière : elle ne finance pas des dépenses de fonctionnement actuelles, encore moins des dépenses d'avenir, elle constitue le remboursement de dépenses de protection sociale passées.

A l'heure où le Parlement vient d'accepter non seulement d'utiliser de manière anticipée le Fonds de réserve des retraites (FRR), mais aussi de prolonger de quatre années la durée de vie de la CADES, à l'heure où il vient donc de reporter sur les générations futures une charge qu'il souhaitait encore pleinement assumer il y a cinq ans, il n'est pas responsable d'accepter le schéma de refinancement de la dette qui nous est proposé. Si nous n'avions pas rallongé en permanence la durée de vie de la CADES, celle-ci se serait éteinte le 31 décembre 2009.

Cela me semble d'autant plus inacceptable que le transfert de dette envisagé par le projet de loi de financement est loin de constituer un solde de tout compte. Sauf à vouloir nous défausser de nos responsabilités morales et financières à l'égard des générations futures, je vous proposerai de voter une augmentation de la CRDS de 0,26 point afin de préserver aussi bien le financement de la CADES que celui de la branche famille. C'est un effort raisonnable et justifié. J'y reviendrai lors de la présentation des amendements.

Les recettes de la sécurité sociale ? Elles se présentent comme une sorte de tableau « Excel » diabolique qui ne permet ni d'apprécier l'équilibre proposé, ni de s'assurer à moyen terme de l'adéquation des différentes opérations de transfert.

Le financement de la réforme des retraites devient un univers « kafkaïen ». Le panier « retraite », c'est 1,47 milliard d'euros en 2011, 1,67 milliard d'euros en 2012 et 1,68 milliard d'euros en 2013. En effet, dans le cadre de la réforme des retraites, un certain nombre de mesures ont été annoncées afin d'assurer « le bouclage financier » de la réforme. Outre l'effort de l'État, trois blocs de mesures doivent permettre le rééquilibrage des comptes du système de retraites : premièrement, les mesures contributives telles que les mesures d'âge et le relèvement des taux de cotisations ; deuxièmement, le transfert à la CADES de 18 % du besoin de financement évalué jusqu'en 2018 ; troisièmement, l'affectation de nouvelles recettes fiscales et sociales au système de retraites à hauteur de 3,86 milliards d'euros en 2011. Ce dernier point a reçu sa traduction dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement.

Conformément à la logique qui veut que l'impôt finance prioritairement la solidarité, et donc en matière de vieillesse les avantages non contributifs, les nouvelles recettes devraient être affectées au Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Il s'agit en premier lieu de recettes fiscales nouvelles. Les principales en sont l'augmentation des contributions sur les hauts revenus et les revenus du capital ainsi que la suppression du crédit d'impôt sur les dividendes. Afin d'affecter le produit de ce panier discuté dans le projet de loi de finances, il est proposé, toujours dans le cadre du projet de loi de finances, de flécher à due concurrence, au profit de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), une partie de la TVA brute collectée sur certains secteurs médicaux. En contrepartie, certaines recettes de la CNAM seraient affectées au FSV : le projet de loi de financement propose ainsi d'attribuer à ce dernier le produit de la contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et une partie du forfait social dont le taux est relevé de deux points en 2011 pour atteindre 6 %.

Il s'agit, en second lieu, d'augmenter le produit des prélèvements sociaux : l'augmentation de la taxation des stock-options comme celle des « retraites chapeaux » permettront, en majorant les ressources de la CNAM ou du FSV, de consolider le schéma que je viens de décrire. Par ailleurs, afin de financer les mesures votées par le Sénat sur les retraites, le Gouvernement a fait voter à l'Assemblée nationale, en projet de loi de finances, une augmentation de 0,2 point du taux du prélèvement social sur les revenus du capital, qui s'élève désormais à 2,2 % : 0,3 point est affecté au FSV.

Il s'agit enfin de procéder en faveur du FSV à un redéploiement des économies réalisées au titre des allègements généraux. Le projet de loi de financement propose d'annualiser le calcul du coût de ces allègements, qui est aujourd'hui mensuel. Cette modification devrait accroître de 2 milliards d'euros les cotisations perçues par le régime général, et réduire d'autant le coût du panier fiscal destiné à la compensation des allègements généraux. Cette économie serait fléchée vers le FSV par l'affectation d'une fraction de la taxe sur les salaires qui est aujourd'hui, dans sa totalité, dédiée au financement des allègements généraux.

Ces montages financiers sont pour le moins complexes et se révèlent particulièrement difficiles à apprécier, notamment du point de vue de l'équilibre pluriannuel des comptes des différents acteurs. En effet, le rendement et le dynamisme des recettes ne sont pas connus de manière précise, notamment en 2010, année de transition entre crise et sortie de crise.

Un exemple : le Gouvernement évalue à 350 millions d'euros le surcroît de recettes résultant du relèvement du taux du forfait social ; or, ces estimations se fondent sur les montants de participation et d'intéressement versés en 2007 et en 2008, soit des années non encore touchées par la crise.

Au-delà de la compréhension des circuits de financement créés, il est primordial de s'assurer que les « opérations de conversion » décidées pour permettre la circulation des crédits entre les différents acteurs soient calibrées de manière satisfaisante : est-ce que le montant de TVA affectée à la CNAM équivaut bien au montant de recettes fiscales devant être fléchées vers la sécurité sociale ? Est-ce que les recettes attribuées demain au FSV et aujourd'hui affectées à la CNAM correspondent au montant de recettes supplémentaires perçues par cette dernière au titre de la TVA sectorielle ? Autant de questions auxquelles il est malheureusement impossible de répondre clairement. Une des solutions consiste à mettre en place des clauses de garantie à l'instar de ce qui a été fait afin d'assurer, pour la CNAM, la neutralité de l'affectation de la TVA en lieu et place notamment de la contribution additionnelle à la C3S.

Concernant les allègements généraux, assistons-nous à la fin de la compensation ?

Un autre sujet de complexité et d'inquiétude réside dans l'évolution à court terme du dispositif des allègements généraux. Ce dernier constitue un enjeu financier majeur, aussi bien pour la Sécurité sociale que pour l'État, qui doit compenser à cette dernière le coût qu'elle supporte au titre de ces allègements.

Pour mémoire, le coût des allègements généraux serait en 2010 de 21,8 milliards d'euros et de 21,2 milliards d'euros en 2011. Ce coût est supporté à hauteur de 42 % par la CNAM et de 31,2 % par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). Actuellement, la répartition du produit du panier des allègements généraux est effectuée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), au prorata des dépenses enregistrées par les différentes branches. Alors qu'en 2009, le produit du panier était supérieur au coût d'environ 370 millions d'euros, les excédents prévus pour 2010 et 2011 seraient nettement supérieurs, à hauteur de 1,7 milliard d'euros en 2010 et 2 milliards d'euros en 2011.

L'affectation de l'excédent suscite bien des convoitises. En 2009, il a été utilisé pour compléter le produit du panier fiscal destiné à compenser les exonérations relatives aux heures supplémentaires. En 2010, il serait question d'allouer cet excédent à l'Etat, afin que celui-ci puisse ensuite payer en retour, à la Sécurité sociale, les sommes qu'il lui doit au titre de la compensation de certaines exonérations ciblées : en effet, les sommes budgétées pour 2010 seraient insuffisantes au moins à hauteur de 1,5 milliard d'euros.

Pour 2011 et les années suivantes, le Gouvernement a, de manière surprenante, introduit à l'Assemblée nationale, un amendement tendant à supprimer le principe de la compensation automatique du coût des allègements généraux. Pour ce faire, il propose d'affecter définitivement à la Sécurité sociale, à l'exception du droit de consommation sur les tabacs, les impôts et les taxes qui composent ce panier. Selon M. Baroin, il s'agit d'affecter l'excédent du panier des allègements généraux, intention louable mais qui n'a malheureusement pas pu être vérifiée dans les chiffres. A titre d'exemple, la CNAF serait même perdante, ce qui est d'autant plus inacceptable que, dans la rédaction actuelle du projet de loi de financement, elle percevrait à compter de 2011 des recettes dont la pérennité n'est pas garantie. Nous reviendrons sur cette question dans le cadre de la présentation des amendements.

Au demeurant, il me semblerait particulièrement dangereux de faire sortir les allègements généraux d'un mécanisme de compensation qui permet aujourd'hui de garantir à la Sécurité sociale un niveau de ressources à la hauteur des manques à gagner induits par la politique de l'emploi mise en oeuvre par l'État. Les déséquilibres sont déjà suffisamment importants sans encore chercher à les aggraver. Ceci serait d'autant plus irresponsable que notre marge de manoeuvre sur les dépenses est réduite.

Du côté des dépenses, je plaide pour une maîtrise effective et un pilotage sincère des comptes sociaux. Il faut garder à l'esprit que les mesures de gestion de la dette sociale que nous propose le Gouvernement - outre les questions que soulève leur schéma de financement - ne constituent pas une réponse structurelle à la question des déficits sociaux. Ce transfert de déficits ne constitue qu'une mesure de gestion qui n'apporte pas de solution à la dynamique de la dette. Par ailleurs, deux catégories de déficits ne sont pas concernées par le schéma proposé par le Gouvernement : les déficits futurs de la branche maladie et, ce dont on parle moins, la dette des établissements de santé.

Le schéma de reprise de dette englobe, en effet, les déficits de la branche maladie 2009 et 2010 et son déficit prévisionnel pour 2011, soit plus de 33 milliards d'euros. Cependant, contrairement aux déficits « vieillesse », rien n'est prévu pour les déficits de la branche maladie à compter de 2012. Or, à l'horizon 2014, le déficit cumulé de cette branche atteindra déjà environ 24,5 milliards d'euros. Autrement dit, la reprise de dette présentée cet automne risque de ne constituer qu'une étape dans la « fuite en avant » à laquelle nous serons confrontés si aucune mesure structurelle n'est prise.

Un autre élément est assez peu souvent mis en avant : la dette des établissements de santé. Elle atteint 21,7 milliards d'euros en 2009, soit 36,6 % de la dette des administrations de sécurité sociale. Ce niveau élevé d'endettement résulte en partie de la mise en oeuvre du plan « Hôpital 2007 » qui a conduit à d'importants projets d'investissements hospitaliers, certes nécessaires, mais qui ont été financés principalement par l'emprunt.

Face à ces déficits, quelles mesures prendre ? Le projet de loi de financement pour 2011 propose de fixer un taux d'évolution de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 2,9 % et à 2,8 % à compter de 2012. Comme le reconnaît lui-même le Gouvernement, il s'agit d'un « objectif ambitieux ». En effet, depuis sa création en 1997, l'ONDAM n'a progressé que deux fois en dessous d'un taux de croissance de 3 % : en 1997 et en 1999. Il n'a jamais, en tout état de cause, évolué à un rythme inférieur à 3 % deux années consécutives.

Compte tenu de l'évolution spontanée des dépenses, respecter un taux de progression de l'ONDAM en 2011 de 2,9 % suppose 2,4 milliards d'économies, ce que propose ce projet de loi par le biais de ce que certains ont pu qualifier de « mesures de gestion » devenues habituelles : baisse des tarifs, maîtrise médicalisée...

On ne pourra plus aller beaucoup plus loin en matière de maîtrise des dépenses maladie, sauf à mettre en oeuvre des réformes structurelles qui sont désormais bien connues. Pour reprendre le titre de l'un de mes rapports d'information, il me semble qu'en matière de réformes structurelles, « le diagnostic est maintenant posé » et que « le traitement s'impose ». Restructurations hospitalières, convergence tarifaire, financement de la dépendance, place des complémentaires santé, l'essentiel a été dit, il faut passer aux actes.

Cependant une action sur les dépenses serait incomplète sans une amélioration du pilotage des comptes sociaux. De ce point de vue, les propositions du groupe de travail animé par Raoul Briet, sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie, devraient apporter des éléments de réponse : enrichissement de l'information sur la construction de l'ONDAM, programmation de l'ONDAM dans la loi de programmation, non plus en pourcentage d'évolution par rapport à l'exécution de l'année précédente, mais en milliards d'euros afin d'éviter les phénomènes dits de « re-basage », mise en réserve de crédits, renforcement du rôle du comité d'alerte. Je vous proposerai plusieurs amendements allant encore plus loin.

Je souhaite surtout insister sur la sincérité des projections pluriannuelles. J'y suis revenu à plusieurs reprises devant vous, notamment lors de l'examen du projet de loi sur les retraites, s'agissant des hypothèses de taux de chômage retenues.

L'annexe B du projet de loi fixe la prévision de croissance de la masse salariale pour 2011 à 2,9 % et à 4,5 % à compter de 2012. Cette projection paraît, cette année encore, très optimiste. Le taux de progression proposé à partir de 2012 n'a, en effet, été atteint ou dépassé que trois fois au cours de ces dix dernières années, à savoir en 2000, 2001 et 2007.

Un retour sur les années qui ont suivi la récession de 1993 peut nous donner, en outre, une idée de la prudence qu'il convient d'avoir en « sortie de crise ». Le rebond de la masse salariale est très progressif. Ainsi, en 1993, le PIB a régressé en volume de 0,9 % et la masse salariale a enregistré, pour la première fois depuis 1960, une diminution de 0,52 % par rapport à l'année précédente, diminution qui s'est poursuivie en 1994, avec une baisse de 0,14 %, alors que le PIB augmentait à nouveau en volume de 2,2 %. Entre 1995 et 1998, la croissance annuelle moyenne de la masse salariale a été de seulement 1,74 %.

Le caractère extrêmement volontariste des hypothèses retenues dans le projet de loi de financement risque donc à nouveau de fausser le débat parlementaire en ne permettant pas de prendre l'exacte mesure de l'ampleur des efforts à fournir pour parvenir à rééquilibrer les comptes sociaux.

Pour améliorer la sincérité de la programmation, un scenario alternatif de croissance de la masse salariale de 3,5 % à compter de 2012 aurait pour le moins été souhaitable. Il augmente de 13 milliards d'euros le déficit cumulé 2012-2014 du régime général et de 17,7 milliards celui de l'ensemble des régimes obligatoires de base.

Le projet de loi de financement pour 2011 nous interpelle une fois de plus en tant qu'élus : une gestion responsable de la dette sociale, tout comme la sécurisation des recettes et un pilotage sincère des comptes sociaux doivent constituer notre « feuille de route ».

Les amendements que je vous propose s'inscrivent dans cette logique et, sous réserve de leur adoption, je consentirai à vous proposer de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi.

M. Jean Arthuis, président. - Merci pour cette contribution à notre lucidité. Nous atteignons ici les limites du ravaudage, du rafistolage, comme ce fut le cas, en son temps, pour la caisse d'amortissement de la dette de la SNCF. On a transféré 134 milliards d'euros à la Cades et on a remboursé 48 milliards d'euros. Nous nous apprêtons aujourd'hui à lui transférer 130 milliards entre 2011 et 2018.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Il y aura effectivement 68 milliards d'euros transférés à la CADES pour les déficits du régime général 2009, 2010 et prévisionnels pour 2011 de la branche famille et maladie, et 62 milliards supplémentaires pour les déficits prévisionnels de la CNAV entre 2012 et 2018, ces estimations reposant sur des hypothèses économiques très volontaristes.

M. Jean Arthuis, président. - En outre, le Fonds de réserve des retraites va servir à financer ces déficits. Nous allons maintenant ouvrir le débat.

M. Serge Dassault. - Comme vous venez de le démontrer, nous avons un problème de recettes. Ne serait-il pas temps de chercher d'autres modes de financement, en évitant de faire peser la protection sociale sur les salaires ? Pourquoi ne pas explorer d'autres voies, comme la « TVA sociale » ou une contribution assise sur le chiffre d'affaire auquel on retrancherait la masse salariale ? Une telle évolution permettrait-elle de couvrir à la fois les déficits de la maladie, de la vieillesse et de la famille ? Sans doute pas. Mais procédons à des simulations pour y voir plus clair. Nous ne pouvons rester les bras croisés alors que la situation s'aggrave et qu'une faillite générale s'annonce.

De plus, ne faudrait-il pas réduire les avantages que la Sécurité sociale accorde aux étrangers ? La générosité a du bon, mais il faut nous imposer des limites.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Ces propositions dépassent mes compétences, mais il nous faut assurément trouver des recettes supplémentaires. Le directeur général de la CNAM en est d'ailleurs bien d'accord.

Il faut rendre hommage à la gestion exemplaire de la Sécurité sociale : sans bruit, elle a réduit ses effectifs et modernisé sa gestion. Nous sommes aujourd'hui confrontés à une insuffisance structurelle de recettes.

M. Jean Arthuis, président. - La seule chose qu'on ne peut pas imaginer, c'est d'utiliser la TVA pour financer les retraites.

M. Éric Doligé. - Ce qui me choque toujours, c'est que nous n'envisageons le social que sous la forme de recettes et de dépenses. Pourquoi ne pas s'interroger sur le niveau des prestations ? Certaines d'entre elles ne sont-elles pas trop élevées ou ne touchent-elles pas un public trop large ? Devant l'envolée des budgets sociaux des collectivités territoriales, on se demande parfois s'il ne serait pas possible de mieux cerner les bénéficiaires. Certains systèmes étrangers sont à l'équilibre, mais est-ce parce que les recettes sont supérieures ou parce que le nombre des bénéficiaires est plus réduit que chez nous ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Le Gouvernement annonce chaque année des réductions de dépenses. Mais les réformes structurelles progressent peu, qu'il s'agisse du mode de prise en charge des malades atteints d'affections de longue durée, ou du partage des rôles entre l'assurance maladie obligatoire et l'assurance maladie complémentaire .

La réforme de l'hôpital et la convergence des tarifs restent à faire.

Quand je suis arrivé au Sénat il y a cinq ans, j'ai fait un rapport sur le dossier médical personnel (DMP). Depuis, on n'a pas beaucoup avancé ! J'ai récemment interpellé le ministre en séance sur cette question. Par manque d'informations, on a des examens redondants, des traitements qui ne sont pas pertinents. J'entends parler des bonnes pratiques, mais aucune vérification n'est possible puisqu'un système d'information fiable fait défaut. Aujourd'hui, très peu d'hôpitaux sont capables d'envoyer des comptes rendus opératoires aux médecins traitants. Il y aurait beaucoup à gagner à mener à bien cette réforme des hôpitaux.

Chaque année, le Gouvernement nous propose certes des mesures d'économie, mais le fond du problème n'est pas réglé. Les médicaments inefficaces sont moins remboursés : ceci dit en passant, on se demande bien pourquoi ils ne sont pas totalement déremboursés. Il est encore possible d'agir sur les tarifs de certaines professions de santé, mais tout cela est à la marge. Des recettes supplémentaires sont indispensables.

Il faudrait tout d'abord que nous soyons capables de rembourser nos feuilles de maladie : ce sont des dépenses de fonctionnement quotidiennes. C'est pourquoi je vais vous proposer d'augmenter de 0,26 point la CRDS, soit 3,40 euros par mois pour un salarié rémunéré au SMIC. Une telle augmentation permettrait d'éviter tout ce rafistolage.

Nous ne pouvons plus, mes chers collègues, en rester à des clivages politiques classiques : on ne peut continuer à prétendre qu'il est impensable d'augmenter les prélèvements obligatoires alors que les prix de l'électricité et du gaz flambent, ce qui pénalise les ménages à faibles revenus.

Mme Nicole Bricq. - Oui, mais le Gouvernement vous répondra que l'on n'est pas obligé de se chauffer !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Nous devons rembourser notre dette sociale. Avec ce projet de loi de financement, ou c'est la CADES, ou c'est la CNAF : on déshabille Pierre pour habiller Paul ! C'est pourquoi je vous propose divers amendements pour remédier à cette situation.

M. Jean Arthuis, président. - Très bonne transition : nous allons passer à l'examen de vos amendements qui proposent plusieurs scénarios.

Examen des amendements

Articles additionnels avant l'article 9

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Dans le projet de loi de financement initial, le refinancement de la dette sociale était, en partie, assuré par l'affectation d'un panier de recettes qui se caractérise par la chute de son rendement dès 2013. L'Assemblée nationale a souhaité remédier à cette situation en affectant à la CADES une fraction de la CSG allouée à la branche Famille, qui en contrepartie reçoit le fameux « panier percé ». Pourquoi s'en prendre à la CNAF alors que la CADES est couverte par une loi organique ?

M. Jean Arthuis, président. - Le panier percé, c'est le produit d'une taxe sur une réserve d'assurance qui est de l'ordre de 17 milliards et qui a été constituée lorsque les compagnies d'assurance faisaient des plus-values sur les titres obligataires. Pour faire bonne mesure, on prend 1,7 milliard d'euros en deux ans, mais après, il n'y aura plus rien, sauf à mettre une taxe supplémentaire.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Le Gouvernement n'est pas à l'aise sur ce point et il a laissé faire l'Assemblée nationale.

J'ai donc élaboré trois scénarios.

Le premier, qui a ma préférence, prévoit l'augmentation de 0,26 point de CRDS, ce qui permettrait de sécuriser les recettes de la CADES, de ne pas remettre en cause le financement de la CNAF et de bénéficier de recettes supplémentaires, dont une partie servirait à réduire le déficit du FSV.

Il est également proposé d'affecter l'excédent du panier des allègements généraux à la CNAM.

Scénario 2 : en l'absence de l'augmentation du taux de CRDS, je propose de sécuriser le financement de la CNAF, en revenant à la proposition initiale du Gouvernement, qui consiste à affecter un panier de recettes à la CADES. Ce panier est insuffisant, mais le financement de la CADES bénéficie d'une protection organique que ne possède pas la CNAF. Il est également proposé d'affecter l'excédent du panier des allègements généraux à la CNAM.

M. Philippe Dallier. - Quelle est la nature de cette obligation ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Elle figure dans la loi organique.

Mme Nicole Bricq. - Mais elle n'est pas respectée ! Le Gouvernement s'est totalement affranchi des règles qui figurent dans la loi organique. D'ailleurs, vous reconnaissez que le panier est insuffisant.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Il ne vous a pas échappé que j'étais favorable au scénario 1 !

M. Jean Arthuis, président. - En outre, le Conseil constitutionnel pourrait très bien considérer que ces schémas de financement doivent être censurés car contraires à la loi organique.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - J'en viens au scénario 3. Si l'augmentation du taux de la CRDS n'a pu être votée et si le financement de la CNAF n'a pu être sécurisé, il convient de garantir les ressources de cette dernière en lui affectant, par principe et par priorité, l'excédent du panier des allègements généraux.

Dans les trois scenarii, le mécanisme de compensation du coût des allègements généraux est maintenu.

Je vais maintenant présenter mes amendements : j'ai besoin d'avoir votre soutien pour que nous essayions en séance de nous en sortir au mieux.

M. Philippe Dallier. - Si le scénario 1 est repoussé, il faut absolument que nous sécurisions la CNAF, sinon les collectivités locales vont en supporter les conséquences, une fois de plus. Nous avons tout intérêt à en revenir au texte du Gouvernement.

M. Jean Arthuis, président. - Nos collègues de la commission des affaires sociales ont adopté le premier scénario et il serait fâcheux que la commission des finances se montrât moins exigeante. Je le vivrais comme une blessure.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Je vous présente donc l'amendement n°1 qui augmente de 0,26 point le taux de la CRDS. J'espère que dans votre esprit il reste encore un Parlement ! Nous pouvons décider de l'augmentation de la CRDS : c'est quand même nous qui votons la loi ! On ne peut nous opposer l'argument selon lequel on ne peut augmenter les prélèvements obligatoires sur les ménages modestes, ou alors, quid de la hausse des tarifs de l'énergie ?

Mme Nicole Bricq. - Le Gouvernement vous répondra que ce n'est pas une augmentation des prélèvements obligatoires et que l'on n'est pas obligé de se chauffer !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Comme je l'ai dit tout à l'heure, pour une personne au SMIC, l'augmentation que je propose représente moins de 40 euros par an. Et cela nous permettrait de nous libérer de l'abomination que je vous ai décrite.

Si nous n'avions pas faibli, la CADES n'existerait plus aujourd'hui. Essayons de discuter et de convaincre le Gouvernement.

M. Jean Arthuis, président. - Nous sommes tous d'accord pour réduire les dépenses, mais d'année en année, nous accumulons une dette que nous logeons dans la CADES. Dans les années 1990, le Gouvernement en avait fait de même avec la dette de la SNCF. Si nous sommes attachés à une solidarité intergénérationnelle, nous devons voter l'amendement n° 1. À un moment, le Parlement se doit d'exprimer ses convictions.

L'amendement n°1 est adopté.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement n° 2, il s'agit d'élargir l'assiette de la CRDS aux plus-values immobilières réalisées à l'occasion de la vente de la résidence principale. A l'heure où le Parlement revient sur deux des engagements pris envers les générations futures - durée de vie de la CADES et utilisation anticipée du FRR - il serait justifié que tous les revenus perçus par les générations actuelles soient soumis à la CRDS.

L'amendement n° 2 est adopté

Article 9

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 3 est la traduction de ce que nous venons de voter. Il propose d'affecter au FSV le produit de la taxation des contrats d'assurance en multisupports.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement n° 4, nous en arrivons au scénario 2 : nous proposons d'en revenir au texte du Gouvernement. La CADES trouvera son financement, compte tenu de la loi organique : l'affectation à la CADES d'un panier spécifique de recettes assorti d'une clause de garantie.

M. Jean Arthuis, président. - Il serait en effet pour le moins étrange, alors que nous parlons de l'avenir, de remettre en cause la politique familiale.

L'amendement n° 4 est adopté.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 5 sécurise le financement de la CNAF.

L'amendement n° 5 est adopté

Article 12 bis (nouveau)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 6 affecte les excédents du panier des allègements généraux à la CNAM.

L'amendement n° 6 est adopté.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Nous en arrivons au scénario 3 avec cet amendement n° 7 : si nous ne sommes pas parvenus sécuriser les financements de la CNAF, il convient de prévoir l'affectation en priorité de l'excédent des allègements généraux à cette caisse.

L'amendement n° 7 est adopté.

Article 14

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 8 est la conséquence des amendements n° 6 et 7.

L'amendement n° 8 est adopté.

Article additionnel après l'article 15

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 9 est lourd : lorsqu'on est retraité, la CSG qui frappe les pensions est légèrement inférieure. Nous proposons d'aligner les seules pensions imposées au taux de 6,6 %, soit les retraites moyennes et hautes.

M. Jean Arthuis, président. - A partir de quel montant de retraite cette disposition s'appliquerait-elle ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Je dois vérifier. Les personnes exonérées de CSG ou taxées à 3,8 % ne seraient pas concernées. Seules celles imposées à 6,6 % le seraient. Une telle mesure rapporterait 1,7 milliard d'euros.

M. Jean Arthuis, président. - Qu'est-ce qui justifie qu'une pension ne soit pas soumise au même taux de CSG ? Notre République est devenue terriblement inégalitaire et pour maintenir ces inégalités, elle s'endette.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Tout le monde doit participer au financement des retraites : les retraités sont les seuls qui disposent encore d'un peu de pouvoir d'achat.

Le Gouvernement va nous dire que cette augmentation pourrait financer le cinquième risque. Mais votons cette mesure dès 2011 pour ne pas perdre 1,7 milliard d'euros.

M. Jean Arthuis, président. - Je propose de mettre cet amendement en réserve en attendant de savoir quelles seraient les personnes touchées par cette mesure.

L'amendement n° 9 est réservé.

Article 29 (Annexe B)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n°10 propose d'harmoniser la présentation de l'évolution de l'ONDAM dans le présent projet de loi et le projet de loi de programmation des finances publiques.

L'amendement n°10 est adopté.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. -L'amendement n° 11 prévoit d'ajouter un deuxième scénario à celui du Gouvernement retenu dans la programmation pluriannuelle : ce dernier prévoit une évolution de la masse salariale de 4,5 % en 2012. Nous proposons une hausse plus modérée de 3,5 % qui me paraît, hélas !, plus probable et qui se traduit par un accroissement du déficit du régime général de 13 milliards d'euros.

L'amendement n° 11 est adopté.

Article 34

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 12 abaisse le seuil d'alerte du dépassement de l'ONDAM de 1 % à 0,5 %. Cela nous permettrait de régir plus tôt en cas de dépassement de l'ONDAM.

L'amendement n°12 est adopté.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 13 rend systématique l'avis du Comité d'alerte sur la construction de l'ONDAM dont la construction demeure absconde.

L'amendement n° 13 est adopté.

Article additionnel après l'article 42 quater

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 14 est important : il permet la signature de conventions de coopération entre les hôpitaux militaires et les établissements civils de santé. L'armée détient neuf hôpitaux et ils représentent à eux seuls la moitié du déficit des établissements civils de santé. François Trucy est d'accord avec cet amendement. Il ne s'agit pas de s'en prendre aux hôpitaux militaires, mais d'assurer une mutualisation des moyens entre l'offre de soins civile et militaire.

M. Jean Arthuis, président. - C'est un vrai sujet car les hôpitaux militaires sont financés par le ministère de la défense mais à chaque fois qu'ils soignent des parlementaires ou des civils, la Sécurité sociale les rembourse.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - S'ils sont en déficit, c'est parce qu'ils ont des dépenses de personnel beaucoup plus importantes que dans le privé. Les déficits sont absolument effrayants.

L'amendement n°14 est adopté.

Article 45

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n°15 traite de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) pour lequel j'ai une grande affection depuis la grippe A. Cet établissement continue à avoir des dépenses prévisionnelles élevées. Il convient de réduire de 20 millions la dotation de l'assurance maladie à l'EPRUS pour 2011 et de la ramener ainsi à zéro.

L'amendement n°15 est adopté.

Article 45 ter

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 16 est plus technique : il propose de supprimer la fongibilité symétrique de certaines enveloppes de crédits de deux fonds médico-hospitaliers gérés par les ARS. Il s'agit du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS) et du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) sur lesquels je suis en train de mener une mission de contrôle. La fongibilité rendra plus complexe le suivi des crédits de ces deux fonds. Je propose, en contre partie, d'améliorer la procédure de « déchéance » des crédits non utilisés du FMESPP.

L'amendement n°16 est adopté.

Article 59

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 17 propose de supprimer l'article 51 tendant à prévoir la création d'un fonds de performance de la Sécurité sociale qui me semble totalement inutile. La commission des affaires sociales en pense d'ailleurs de même. Ainsi, l'étude d'impact estime que « le fonds sera amené à contribuer à l'urbanisation des systèmes d'information ; en matière de ressources humaines, à disposer de diagnostics partagés, voire de plans d'action partagés entre tous les opérateurs, à la convergence des outils et des pratiques de gestion des usagers : accueil téléphonique, gestion des courriers électroniques ». Franchement, je pense que l'on peut s'en passer.

L'amendement n° 17 est adopté.

Article 63 (nouveau)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 18 traite des auto-entrepreneurs : le ministre est très fier de leur nombre mais il oublie que 60 % de ces personnes ne déclarent aucun chiffre d'affaires. Ils ne cotisent donc à rien. Le président Arthuis avait souhaité instaurer une obligation de déclaration et des sanctions. Tel est l'objet de l'amendement.

M. Adrien Gouteyron. - Une telle mesure est d'autant plus nécessaire que le nombre d'auto-entrepreneurs ne cesse d'augmenter.

L'amendement n° 18 est adopté.

Article 66 (nouveau)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 19 supprime l'article 66, qui assouplit considérablement le contrôle externe de la tarification à l'activité des établissements de santé. Or, près de 22 millions d'actes sont effectués tous les ans et ils doivent être contrôlés par la CNAM.

M. Éric Doligé. - On pourrait demander à François Trucy d'effectuer une mission sur l'efficacité des hôpitaux militaires.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Je ne sais s'il ira jusque là, car il juge très sévère le rapport de la Cour des comptes sur les hôpitaux militaires.

M. Jean Arthuis, président. - Nous pourrons en reparler lorsque nous examinerons les crédits de la mission défense.

L'amendement n° 19 est adopté.

Article additionnel après l'article 15 (précédemment réservé)

M. Jean Arthuis, président. - Nous revenons à l'amendement n° 9 qui a été réservé.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Les personnes exonérées sont celles pour lesquels le montant des revenus retenus pour l'imposition sur le revenu est inférieur à 23 224 euros pour la première part du quotient familial. Je pense que les retraités qui perçoivent des pensions supérieures à ce montant pourraient faire cet effort.

L'amendement n° 9 est adopté.

M. Jean Arthuis, président. - Je fais l'hypothèse que dans les mois qui viennent, nous n'auront pas que des décisions populaires à prendre, mais le fait de ne pas prendre ces décisions n'est-il pas un facteur anxiogène pour l'opinion publique ? Cela pourrait peser sur la santé de nos concitoyens et donc sur le déficit de l'assurance maladie ...

La commission des finances émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, sous réserve des amendements qu'elle propose.

Jeudi 4 novembre 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Loi de finances pour 2011 - Mission Administration générale et territoriale de l'Etat - Examen du rapport spécial

La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - La mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » s'appuiera en 2011 sur une enveloppe budgétaire de 2,45 milliards en crédits de paiement, hors fonds de concours. Cette enveloppe est en recul de 5,6 % par rapport à 2010. L'année prochaine, la mise en oeuvre de la RGPP continuera de peser fortement sur cette mission qui prévoit la poursuite de la rationalisation du processus de délivrance des titres d'identité - dans la continuité du passage au passeport biométrique en 2009 -, le prolongement de la mise en place du nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV), le recentrage du contrôle de légalité et la mutualisation des fonctions support.

La RGPP s'accompagne de la suppression de 2 107 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT) sur 2009-2011 dans les préfectures. Elle vise notamment à dégager 122 millions d'économies, dont 104 millions en dépenses de personnel.

Dans ce contexte, le programme « Administration territoriale » est doté de 1,65 milliard et enregistre une baisse de 4,6 %. Son plafond d'emploi est fixé à 28 265 ETPT, soit une diminution de 764 emplois par rapport à l'exercice précédent. Créée en février 2007, l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) tend à devenir un acteur essentiel de ce programme et à s'imposer comme une plaque tournante dans le paysage administratif national. En 2011, l'Agence continuera à développer de nouveaux projets parmi lesquels l'application FAETON, destinée à remplacer le fichier national du permis de conduire. Elle devrait également expérimenter une procédure de dématérialisation des actes d'état-civil et j'attire tout particulièrement votre attention sur ce point, car cette innovation pourrait permettre de dégager des gains de productivité très importants pour les communes.

Le financement de cette agence repose en 2010 sur une enveloppe de 189 millions d'euros, correspondant notamment aux recettes du droit de timbre sur les cartes nationales d'identité et sur le passeport biométrique. A cet égard, j'ai l'intention de déposer, en première partie du projet de loi de finances, un amendement pour réduire de 10 euros le montant du timbre fiscal acquitté par le demandeur d'un passeport biométrique. En effet, l'enquête demandée par notre commission à la Cour des comptes sur le coût du passeport biométrique a démontré que le coût moyen du passeport était de 55 euros, et que son coût moyen pondéré en fonction de l'âge du demandeur s'établissait à 69 euros. Or, le droit de timbre a été considérablement augmenté à l'occasion de l'adoption du passeport biométrique, passant de 60 à 89 euros pour un adulte.

Les crédits de paiement du programme « Vie politique, cultuelle et associative » diminuent de 31,2 %, avec un budget de 184,6 millions. Cette baisse reflète l'évolution du cycle électoral. Alors que cette année, les élections régionales pesaient sur le calendrier, l'année 2011 verra le déroulement d'élections moins lourdes à organiser : les élections cantonales, les élections sénatoriales et les élections territoriales à Mayotte ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon. L'organisation de ces scrutins devrait coûter 101,3 millions d'euros. Le coût prévisionnel des élections cantonales et sénatoriales est évalué, à respectivement, 92,5 millions et 1,71 million d'euros.

Comme chaque année, un classement des scrutins les moins onéreux est possible. L'élection sénatoriale ressort à un coût moyen par électeur de 0,13 euro, loin derrière l'élection présidentielle, dont le coût moyen s'élève à 4,60 euros. Les élections cantonales représentent, quant à elles, un coût prévisionnel de 4,38 euros par électeur.

Le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » enregistre une hausse de 2,9 % des crédits de paiement. Cette année encore, il convient de souligner la fragilisation de ce programme du fait de l'évolution des frais de contentieux. Au 1er septembre 2010, ces dépenses s'élevaient déjà à 63 millions d'euros, pour une prévision en fin de gestion de l'ordre de 112,5 millions. On ne peut donc que s'inquiéter du respect de l'autorisation budgétaire accordée pour l'exercice 2010 - 86,9 millions consacrés à l'activité de conseil juridique et au traitement du contentieux, dont une enveloppe de 80,2 millions pour les seuls frais de contentieux - et d'une éventuelle sous-évaluation de ce poste de dépenses pour 2011.

S'agissant du contentieux particulier relatif à la délivrance par les communes des cartes nationales d'identité et des passeports, 501 requêtes étaient en cours au 1er septembre, pour un montant total de 138,1 millions de demandes indemnitaires. A cette même date, le total des condamnations intervenues s'élevait à 33,8 millions. Ce contentieux est toutefois en voie d'extinction du fait du dispositif mis en place par la loi de finances rectificative pour 2008. Celle-ci a en effet prévu une indemnisation globale des communes sur quatre années, 2011 représentant la dernière tranche du versement. Une enveloppe de 32,5 millions est réservée dans ce but.

En conclusion et à titre personnel, je considère particulièrement préoccupante la mise en oeuvre de la RGPP dans les préfectures. Cette politique a pour conséquence de supprimer un nombre important d'emplois, avec en contrepartie l'espoir que la diffusion de nouvelles technologies permette de dégager des gains de productivité suffisants pour compenser ces suppressions. Or, ainsi que l'a mis en lumière ma récente mission de contrôle sur la RGPP dans les préfectures, ce pari est en passe d'être perdu. La qualité du service public s'en ressent donc. Je ne peux pas souscrire à cette logique d'ensemble.

Néanmoins, en tant que rapporteure spéciale de votre commission, je vous propose d'adopter sans modifications les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » et chacun de ses programmes.

M. Jean Arthuis, président. - Merci pour ce rapport. Il y a quelques semaines, vous nous avez rendu compte de vos travaux de contrôle sur la mise en oeuvre de la RGPP dans les préfectures et vous nous avez alertés sur une mise en péril du bon fonctionnement des préfectures dans leur mission de délivrance des titres administratifs.

Enfin, vous allez nous proposer un amendement en première partie pour réduire le montant des passeports biométriques, dont les tarifs actuels semblent dégager des plus-values injustifiées.

M. François Trucy. - La conclusion personnelle de Mme André est importante car la RGPP semble difficile à appliquer dans les préfectures. Quels sont les points d'achoppement, madame la rapporteure ? Les réformes se heurtent souvent à de petits détails. S'agit-il de la résistance des agents devant la modification de leurs méthodes de travail ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Nous n'avons pas constaté de difficulté de la part du personnel. Le principal problème est que le ministère a anticipé des suppressions de postes alors que la nouvelle organisation du travail n'était pas encore connue. Ainsi en a-t-il été pour les cartes grises. Vous savez qu'aujourd'hui, ce sont les garages agréés qui délivrent les cartes grises. Les choses se sont globalement bien passées pour les voitures neuves. Certes, certains garages ont eu du mal à anticiper la mise en place de la nouvelle procédure, mais les grandes marques ont fait leur travail. En revanche, les choses se sont révélées bien plus délicates pour les véhicules d'occasion, car nos concitoyens n'ont pas voulu, dans leur majorité, s'adresser aux garages qui proposent leurs services contre rémunération. Les préfectures ont donc vu un afflux de demandes de cartes grises, alors que le personnel était réduit et que les outils informatiques n'étaient pas à la hauteur des nouvelles saisies à accomplir. Les files d'attente se sont donc allongées et le risque d'erreur s'est accru. Les préfectures ont dû faire appel à des vacataires et ont demandé à leurs agents de faire des heures supplémentaires. Aujourd'hui, on constate qu'il faut plus de temps pour faire la même opération qu'avant et que la sécurité est moindre, puisque les cartes grises ne sont plus directement données aux particuliers mais expédiées par la poste.

Pour les passeports biométriques, le ministère estimait que les mairies allaient faire le travail et il a réduit le personnel dans les préfectures. Mais le travail à accomplir dans les mairies est toujours important et les sous-effectifs sont désormais criants, puisque tous les passeports transitent par les préfectures avant d'être expédiés à l'ANTS. Bref, les analyses préalables n'ont pas été faites correctement.

M. Jean Arthuis, président. - Peut être restons-nous dans une phase de rodage.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Nous l'espérons. Nous avons demandé une amélioration du matériel informatique pour les cartes grises. Nous avons constaté des situations étonnantes : devant une préfecture, nous avons vu un camion d'un garage connu et agréé. Lorsque la file d'attente s'allongeait, les employés de ce garage allaient démarcher les gens dans la file pour leur proposer leurs services payants. C'est quand même curieux alors qu'il s'agit d'un service public !

Enfin, en tant qu'élus, on peut s'étonner que le contrôle de légalité n'ait plus lieu que de façon aléatoire. Nombre de documents échappent désormais à tout contrôle, car le personnel fait défaut pour procéder à des contrôles systématiques. Nous nous inquiétons également pour les futurs contrôles des chambres régionales des comptes. D'ailleurs, des agents du contrôle de la légalité nous ont dit qu'au lendemain de la tempête Xynthia, ils s'étaient précipités dans leurs archives pour voir s'ils avaient bien procédé à tous les contrôles. Ces agents, pour la plupart de catégorie C, travaillent au mieux, mais ils sont à la peine et ils subissent souvent des pannes informatiques que le public ne comprend pas.

M. Edmond Hervé. - M. le président de la commission est un remarquable théoricien de l'analyse systémique, mais je ne partage pas son engouement.

Dans votre note de présentation, vous dénoncez, madame André, le coût social élevé de la réforme en cours. En quelques années, le nombre de recours en légalité devant les tribunaux administratifs n'a cessé de croître. Ce qui a été gagné grâce à la RGPP risque d'être perdu à cause de cette inflation de contentieux. Ainsi, quand un permis de construire est annulé pour une raison de forme, le coût pour l'économie de notre pays est très élevé. Ne serait-il pas possible que notre commission se penche sur cette question ?

Par ailleurs, vous dites, madame la rapporteure, que l'information doit être égale et complète pour tous les électeurs. Avez-vous des inquiétudes à ce sujet ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - J'ai rencontré le secrétaire général du ministère de l'intérieur, qui a un temps envisagé l'abandon des professions de foi sur papier lors des élections. Je lui ai fait remarquer que tout le monde n'avait pas d'ordinateur et qu'il n'était pas rare que des citoyens ne soient informés de la tenue d'un scrutin que par l'envoi de la propagande électorale. Nous tenons donc à ce que tous nos concitoyens soient informés de la même manière : un régime comme le nôtre se doit d'adresser à chacun, par la poste, la profession de foi des candidats.

Enfin, il serait effectivement très utile de regarder l'évolution du coût des contentieux devant les tribunaux administratifs.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

Loi de finances pour 2011 - Mission Relations avec les collectivités territoriales, compte de concours financier Avances aux collectivités territoriales et articles 79 à 86 - Examen du rapport spécial

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial, sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales » et les articles 79 à 86 du projet de loi de finances pou 2011.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Je vais d'abord vous présenter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », avant d'aborder la partie la plus importante de cet exposé, la présentation des huit articles rattachés à la mission.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui est exécutée sous la responsabilité du directeur général des collectivités locales, regroupe les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales qui sont inscrits en dotations budgétaires, et les moyens de la direction générale des collectivités locales (DGCL). Elle représente 2,5 milliards d'euros sur un effort financier de l'État en direction des collectivités territoriales de 59,431 milliards, hors fiscalité transférée, dégrèvements, subventions pour travaux d'intérêt local, subventions des ministères et crédits consacrés à la direction générale des collectivités territoriales.

Elle est constituée de quatre programmes : le programme 119 « Concours financiers aux communes et groupements de communes » doté de 775 millions d'euros ; le programme 120 « Concours financiers aux départements » regroupant 491 millions d'euros répartis entre la dotation générale de décentralisation et la nouvelle dotation globale d'équipement aux territoires ruraux créée par l'article 82 du projet de loi de finances ; le programme 121 « Concours financiers aux régions » dont les crédits s'élèvent à 891 millions en crédits de paiement pour la dotation générale de décentralisation ; le programme 122 « Concours spécifiques et administration » doté de 354 millions de crédits de paiement qui regroupe les aides exceptionnelles aux collectivités territoriales, les moyens servant à l'administration des programmes de la mission, et les crédits au titre de compétences transférées concomitamment à plusieurs niveaux de collectivités.

Le principe du gel en valeur, sur la totalité de la période du budget triennal 2011-2013, des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales caractérise ce budget. Ce gel concerne toutes les dotations comprises dans « l'enveloppe normée », à l'exception du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et des amendes de police, qui sortent du périmètre de l'enveloppe.

La plupart des dotations retracées par cette mission sont donc gelées. Ainsi en est-il de la dotation forfaitaire « titres sécurisés », de la dotation de développement urbain (DDU), de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation régisseurs de police municipale et de la dotation globale d'équipement des départements.

S'agissant des dotations générales de décentralisation (DGD), qui sont calculées en fonction des charges transférées, quelques ajustements mineurs sont prévus.

Les dotations outre-mer, qui obéissent à des règles d'indexation spécifiques, échappent, de fait, à la règle du gel en valeur. C'est le cas notamment de la dotation globale de compensation versée à la Nouvelle-Calédonie au titre des services et établissements publics transférés, qui augmente de 2,2 %, et de la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires versée à Mayotte.

Pour ce qui est des crédits de fonctionnement de la direction générale des collectivités locales, les moyens en autorisations d'engagement augmentent fortement, ce qui correspond à une progression des dépenses d'informatique, liée au développement d'un module expert de contrôle budgétaire, au sein du projet ACTES (aide au contrôle de légalité dématérialisé), et surtout au projet « Colbert départemental » qui assurera une plus grande fiabilité des échanges de données entre les préfectures et la DGCL, pour la répartition de la DGF.

J'en viens au compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » dont les crédits s'élèvent à 86,695 milliards d'euros pour 2011.

Ce compte comporte deux sections. La première retrace les avances de l'État à des collectivités territoriales et à des établissements publics connaissant des difficultés de trésorerie ou ayant besoin d'emprunter, et la seconde retrace les avances sur les recettes fiscales des collectivités territoriales et représente 99,99 % des crédits.

La première section, dotée de 6,8 millions d'euros, est très peu active. Une seule collectivité territoriale est encore à ce jour concernée et le remboursement de son avance devrait intervenir d'ici la fin de l'année 2010. L'action 2 de ce programme est dotée de 800 000 euros et elle permet au ministre de l'économie d'accorder des avances aux collectivités qui décident de contracter un emprunt à moyen ou à long terme. Elle n'a pas servi depuis 1996. Il est donc, à mon sens, devenu inutile de provisionner cette action et je vous propose de supprimer ces crédits. C'est mon amendement n° 1.

L'augmentation de 50 % de la seconde section du compte est due au fait qu'en 2010 il n'y avait plus de taxe professionnelle alors qu'en 2011, le compte de concours financiers retracera les reversements de recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de cotisation foncière des entreprises (CFE), d'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et de taxe sur les surfaces commerciales.

Sous réserve de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

Venons-en aux huit articles rattachés à la mission. L'article 79 proroge la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires (DSCEES) de Mayotte jusqu'en 2013 et majore son montant de 5 millions d'euros. Cette prolongation est nécessaire compte tenu du retard pris dans la mise en oeuvre d'une fiscalité de droit commun dans cette collectivité. Il faut donc prévoir un financement de la construction des établissements par une subvention de l'État. On peut s'étonner toutefois du doublement de son montant. Il faut probablement en conclure que, depuis 2003, les montants alloués à Mayotte étaient sous-évalués au regard des besoins de la collectivité et que cette forte augmentation est due à la départementalisation du territoire.

Je vous propose d'adopter cet article sans modification.

L'article 80 fixe, pour 2011, les évolutions de diverses composantes de la DGF afin de préserver des marges de manoeuvre pour les dotations de péréquation, dans un contexte de gel des concours de l'État. Il s'inscrit dans le prolongement des mesures adoptées dans les précédentes lois de finances pour 2009 et 2010, qui avaient prévu l'écrêtement du complément de garantie des communes et le gel de la croissance des dotations d'investissement, et dans le contexte général du gel des concours de l'État aux collectivités territoriales.

Cet article limite la progression des parts forfaitaires de la DGF de chacun des niveaux de collectivités territoriales.

Les modalités retenues sont les suivantes : pour le bloc communal, gel en valeur des dotations de base par habitant, écrêtement du complément de garantie des communes en fonction du potentiel fiscal - soit pour toutes les communes dont le potentiel fiscal est supérieur à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen - et écrêtement de la dotation de compensation des communes et EPCI. Pour les départements, nous constatons le gel en valeur de la dotation de base par habitant. Autrement dit, la péréquation sera financée avec le produit de l'écrêtement des dotations de base. Nous évoluons donc vers une forme de péréquation horizontale, là aussi. Pour les régions, enfin, diminution de la dotation forfaitaire de 0,12 %.

M. Jean Arthuis, président. - Il n'y aura donc aucune réforme de fond pour la péréquation. L'écart, en termes de dotation par habitant, restera de un à quatre.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Tout est gelé. Mais la péréquation est traitée par ailleurs.

Les règles ainsi définies appellent plusieurs observations. Dans le contexte actuel, le gel des dotations forfaitaires est inévitable à double titre : il permet de prendre en compte les contraintes liées à l'augmentation de la population et au développement de l'intercommunalité et il assure simultanément une progression satisfaisante des dotations de péréquation.

Le dispositif de ciblage de l'écrêtement du complément de garantie mériterait d'être précisément évalué et sans doute moins concentré sur un petit nombre de collectivités. Je ne dispose pas cependant des éléments suffisants pour vous proposer de modifier la limite de 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national, limite au-delà de laquelle s'applique l'écrêtement.

Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'article 23, relatif à l'évolution des compensations d'exonérations, qui vise à instituer en 2011 un prélèvement sur recettes de l'État d'un montant de 115 millions d'euros qui serait versé globalement à la DGF 2011. Le vote des articles de seconde partie à l'Assemblée pourrait donc modifier assez sensiblement les règles d'évolution fixées par cet article.

Dans ce contexte, se pose aussi la question de l'avenir du Comité des finances locales (CFL). Cette instance s'est en effet imposée ces dernières années comme un partenaire reconnu et efficace de l'État, du Parlement et des élus locaux. En proposant l'inscription directe dans la loi des divers montants des composantes de la DGF des collectivités territoriales, ce projet de loi de finances prive le CFL d'une grande part de ses compétences, ce qui est regrettable. Il convient donc, pour préserver ses prérogatives, de restaurer à son profit des marges de manoeuvre dans un contexte de gel durable des dotations, moins favorable que la période passée durant laquelle le CFL était amené à répartir la progression des concours de l'État.

Je vous propose de réserver la position de la commission sur cet article jusqu'à son examen par l'Assemblée nationale.

L'article 81 précise les règles d'évolution applicables en 2011 aux principales dotations de péréquation communale. Il prévoit une augmentation de la masse mise en répartition, au titre de la DSU-CS, de 77 millions d'euros, soit une progression de 6,23 %, et un accroissement de la DSR de 50 millions. Il propose également la prorogation en 2011 des modalités de répartition de la DSU en vigueur, c'est-à-dire la reconduction du mécanisme dit de « DSU cible » qui doit permettre, à titre transitoire, de concentrer pour une année supplémentaire l'essentiel de la progression de la dotation sur les communes les plus défavorisées. Enfin, il propose de maintenir à 50 millions le montant de la DDU pour 2011.

Cet article appelle deux observations : la réforme de la DSR qui a fait l'objet d'un groupe de travail au Comité des finances locales, pourrait être présentée sous la forme d'un amendement du Gouvernement au cours de l'examen du projet de loi de finances. En outre, comme pour l'article 80, cet article aboutit à restreindre fortement le rôle du CFL dans la mesure où les règles d'évolution des dotations de péréquation figurent dans la loi.

Il convient donc de redonner des marges de manoeuvre au CFL. Le projet de loi prévoit en effet que la croissance de la DSR doit aller à la fraction « péréquation ». Il serait préférable de s'en remettre au CFL qui a toujours fait preuve de sagesse dans la répartition de la croissance de la DSR entre fraction « péréquation » et fraction « bourgs-centres ». C'est l'objet de mon amendement n° 2. Je vous propose donc d'adopter cet article sous réserve de cette modification.

L'article 82 crée une nouvelle dotation à destination des communes rurales par la fusion de la DGE et de la DDR. Cette dotation unique, intitulée dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), s'élèverait pour 2011, à 615,7 millions, soit les montants cumulés 2010 de la DGE et de la DDR. La DETR subventionnera les dépenses d'équipement des communes et groupements de communes à fiscalité propre, situés essentiellement en milieu rural. Les critères retenus sont fondés sur la population et la richesse fiscale des communes et EPCI à fiscalité propre, déjà en vigueur dans l'un ou l'autre des deux dispositifs fusionnés.

En ce qui concerne les modalités de calcul des enveloppes départementales, les critères retenus sont, pour 70 % du montant total de la dotation, la population et le potentiel fiscal moyen par habitant des EPCI éligibles, et pour les 30 % restants, la densité de population du département et le potentiel financier moyen des communes éligibles. Les charges territoriales sont donc prises en compte dans cette répartition, ce dont je me félicite. Ces modalités de calcul favorisent l'intercommunalité en réservant la plus grande part de l'enveloppe aux critères relatifs aux EPCI.

Un système de garantie est prévu afin que l'enveloppe départementale soit au moins égale à 90 % et au plus égale à 110 % du montant de l'enveloppe versée au département l'année précédente au titre de la DGE et de la DDR.

Une commission d'élus, sur le modèle de la commission d'élus de la DGE des communes, est créée. Cette mesure de simplification renforcera l'efficacité des subventions versées par l'État et réduira les délais d'instruction et de décision. Mais la nouvelle commission ne disposera pas de compétences aussi étendues que la commission d'élus actuellement en charge de la DDR, celle-ci étant consultée sur chacune des opérations subventionnables. Le texte définissant les attributions de la nouvelle commission d'élus DETR s'inspire, en effet, du modèle de la commission DGE qui n'est saisie pour avis que de la définition des catégories d'opérations prioritaires et, dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, des taux minima et maxima de subvention applicables à chacune d'elles. Ce choix aboutit à priver les élus de compétences qu'ils exercent actuellement. Je vous présente donc un amendement n° 3 visant à rétablir ces compétences en prévoyant que la liste des opérations à subventionner et les montants des subventions sont soumis pour avis à la commission d'élus. En outre, afin de ne pas retarder les procédures de répartition des subventions en 2011, du fait des élections des nouvelles commissions, un autre amendement n° 4 prévoit qu'exceptionnellement en 2011 la commission d'élus de la DETR sera composée des deux commissions d'élus DGE et DDR fusionnées.

Je vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

L'article 83 fixe à 10 millions d'euros le montant du fonds destiné aux communes perdant des ressources du fait de la restructuration des armées. Je vous suggère d'adopter cet article sans modification.

L'article 84 tire les conséquences, pour les règles de répartition de la dotation de péréquation urbaine, de la généralisation du RSA au 1er juin 2009 en supprimant la référence au RMI. Il convient d'adopter cet article de coordination sans modification.

L'article 85 relève les seuils d'éligibilité à la garantie de dotation d'intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale, attribuée au titre du coefficient d'intégration fiscale (CIF). Le seuil passerait de 0,5 à 0,6 pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle et de 0,4 à 0,5 pour les communautés d'agglomération et les communautés de communes à fiscalité unifiée. Le Gouvernement souhaite ainsi limiter le poids des garanties s'appliquant aux dotations d'intercommunalité des EPCI, qui rigidifient sa répartition. Ainsi, en 2010, 914 EPCI ont bénéficié de garanties pour un montant total de 275 millions, soit plus de 10 % du montant total réparti.

Cette mesure devrait dégager, sur la totalité des catégories d'EPCI, une économie de 10,7 millions en 2011, nécessaire pour financer la dotation d'intercommunalité. Toutefois, on observe que seuls 30% des EPCI bénéficient en 2010 de cette garantie malgré une forte progression ces dernières années. En outre, des EPCI qui se sont mis en situation d'augmenter leur CIF en 2010 ne bénéficieront pas de cette garantie en 2011 du fait du relèvement des plafonds. Je vous propose donc de réserver la position de la commission sur cet article jusqu'à son examen par l'Assemblée nationale.

L'article 86 actualise les dispositions relatives aux modalités de calcul des potentiels fiscaux et financiers des différents niveaux de collectivités territoriales. Le potentiel fiscal et le potentiel financier permettent d'établir une comparaison des richesses fiscale et financière potentielles, et non réelles, des collectivités les unes par rapport aux autres. Ils sont pris en compte dans le calcul des dotations de péréquation : pour le niveau communal,  DSU-CS, DSR, DNP, dotation d'intercommunalité, ainsi que le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF) ; dotation de fonctionnement minimale et dotation de péréquation urbaine pour les départements ; dotation de péréquation régionale pour les régions.

La suppression de la taxe professionnelle et la mise en place pour 2010 d'un régime transitoire avec la compensation relais ont rendu largement obsolètes les dispositions relatives aux modalités de calcul des potentiels fiscaux et financiers des différents niveaux de collectivités territoriales.

Cet article propose un dispositif en deux temps. Afin de préserver l'objectivité du calcul du potentiel fiscal, une distinction est faite entre l'année 2011 et les années suivantes pour éviter l'effet de la compensation-relais. Le potentiel fiscal pour 2011 prendrait donc en considération les taux moyens nationaux des trois impôts sur les ménages de l'année 2010 et les bases et taux moyens nationaux de taxe professionnelle utilisés pour le calcul du potentiel fiscal 2010. Cette disposition permettrait de faire de 2011 une année de transition dans la répartition des dotations de l'État aux collectivités territoriales. A compter de 2012, serait mis en place un potentiel fiscal recalculé tirant les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle et des recompositions de fiscalité locale entre niveaux de collectivités.

Le II de cet article accorde un sursis d'une année au FSRIF, puisqu'il prévoit qu'en 2011 les bases et les taux de taxe professionnelle retenus sont ceux utilisés pour l'application du second prélèvement en 2010.

Je suis convaincu du bien-fondé de la position du Gouvernement pour 2011. Il est en effet judicieux d'écarter la compensation-relais dont la logique est très différente de celle retenue pour le calcul de la richesse potentielle. Pour ce qui concerne les définitions des potentiels fiscal et financier prévues à partir de 2012, je suis en revanche très réservé. Cet article a certes le mérite d'exister et constitue une base de réflexion. Il est également appréciable qu'il élargisse la définition actuelle du potentiel fiscal en l'ouvrant à l'ensemble des impositions économiques. Toutefois, il n'existe pas de simulations détaillées pour 2012 autres que celles réalisées par la mission confiée à l'Inspection générale de l'administration et l'Inspection générale des finances et que l'on trouve dans le rapport Durieux. En outre, le projet de loi de finances propose plusieurs ajustements de la fiscalité économique locale qui auront des effets importants sur le potentiel fiscal des collectivités territoriales.

Du fait de cette grande incertitude, il serait plus raisonnable de laisser du temps à la réflexion, à la concertation et aux simulations et de reporter à plus tard la définition du potentiel fiscal 2012. Je vous présente un amendement, n° 5, en ce sens.

Je vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

M. Jean Arthuis, président. - Merci pour ce rapport. Sur plusieurs points, notre commission ne pourra pas statuer définitivement tant que l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée. Nous sommes dans une période transitoire durant laquelle il n'est possible de prendre que des mesures conservatoires.

M. Philippe Dallier. - L'année prochaine, le complément de garantie au titre de la DGF pour les communes sera raboté de 150 millions et, contrairement à 2010 où l'on avait écrêté uniformément tout les communes, on devrait être plus sélectif en 2011. Mais j'ai du mal à comprendre puisqu'il s'agit d'écrêter des communes où le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen. Cette disposition va donc toucher des communes qui sont déjà sous le potentiel fiscal moyen ! On nous présente cela comme une mesure sélective afin de ne pas pénaliser tout le monde, et la mesure frappe à un niveau fort bas. Ne faudrait-il pas relever ce seuil ?

Je m'interroge aussi sur l'utilité de la DDU. Lorsqu'on est arrivé au terme du processus du doublement de la DSU, après l'avoir fait passer de 600 millions d'euros à 1,2 milliard, certains se sont émus et ont demandé à ce qu'elle continue à progresser de 120 millions tous les ans. Le Gouvernement a coupé la poire en deux : il ne l'a augmentée que de 70 millions mais il a créé la DDU, dotée de 50 millions, pour encourager les investissements. Ne faudrait-il pas remettre ces 50 millions dans la progression de la DSU ? Les communes les plus en difficulté ont plutôt besoin d'équilibrer leur section de fonctionnement que leur section d'investissement. Or, avec la DDU, on sélectionne sur dossier et on se demande toujours comment les choix ont été opérés. Les communes doivent, en outre, présenter des projets d'investissements alors que celles qui sont en difficulté ne peuvent en présenter tous les ans. Cette mécanique est complexe et elle rate son but. Par souci d'efficacité, je préfèrerais que l'on remette ces 50 millions dans la DSU.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - On appliquait une baisse générale de 2 % sur le complément de garantie, de manière linéaire ; le choix, cette année, se veut péréquateur. Mais il ne touche pas que les communes les plus riches. Nous n'avons pas obtenu les simulations détaillées que nous demandions, mais 6 500 communes seraient concernées. Il est préférable d'attendre le vote de l'Assemblée nationale avant de faire bouger le curseur de l'écrêtement. Voilà pourquoi nous proposons de réserver notre décision. Cela dit, le potentiel fiscal visé est une moyenne nationale et non par strate.

M. Jean Arthuis, président. - Quelles communes l'écrêtement affecterait-il ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Toutes celles au-dessus de ce seuil.

M. Philippe Dallier. - Y compris celles qui bénéficient du complément de garantie !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Je ne suis pas loin de penser comme vous sur la DDU. Pour autant c'est une subvention d'investissement, avec des programmes en cours, alors que la DSU aide au fonctionnement. Il paraît difficile de décider leur fusion par un amendement.

M. Philippe Dallier. - J'essaierai...

M. Edmond Hervé. - Je suis, comme toujours, admiratif devant l'expertise et la sagesse de M. Jarlier. Quel lien y a-t-il entre gel des dotations, péréquation et clause de revoyure ? Je souhaiterais plus de clarté.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - La mission « Relations avec les collectivités territoriales » n'est pas directement concernée par la clause de revoyure, laquelle concerne les ressources fiscales mises en place à partir de la réforme de la taxe professionnelle. Je vous renvoie à l'article 63 du projet de loi de finances qui crée un fonds de péréquation directement lié à cette réforme.

M. Jean Arthuis, président. - Il faudra un jour mettre en cohérence la péréquation fiscale et les dotations afin d'éviter des injustices insupportables.

M. Edmond Hervé. - Méfions-nous du « syndrome de Washington » : ici aussi, nous connaissons la contestation du pouvoir central. Or la complexité atteinte par la fiscalité locale peut susciter les critiques véhémentes de certains élus territoriaux.

M. Jean Arthuis, président. - Il vient un moment où nous ne pouvons plus expliquer ce que nous faisons. Retraites, fiscalité, tout cela est compliqué et inégalitaire.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Les technocrates sont au pouvoir ...

M. Edmond Hervé. - Cela alimente la division entre la base et les élus.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Il y a un vrai problème de lisibilité. La DGF permettait une péréquation verticale mais l'on en est venu à écrêter des dotations pour financer la péréquation. Il faudrait que celle-ci intègre tous les éléments et soit traçable.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Si nos systèmes sont aussi complexes, c'est que nous ne savons pas très bien ce que nous voulons. Nous affirmons une règle pour en limiter aussitôt les effets, nous énonçons un principe en prévoyant des exceptions. Comment cela serait-il compréhensible ? Lorsqu'une réforme globale des dotations est intervenue en 2005, j'avais eu l'illusion de comprendre un peu, mais la complexité s'est installée, malgré les meilleures intentions du monde. Si c'était techniquement possible, il faudrait tout mettre à plat tous les trois ans, simplifier, éliminer les contradictions et les doublons. Mais les administrations n'ont rien à gagner à ce travail considérable et les parlementaires, qui ont mille choses à faire, n'ont pas la base de données ni les moyens de procéder à des simulations. On le voit bien avec la question sur la DSU et la DDU : comment faire sans la liste des communes concernées ? Alors on est prudent et l'on n'agit que quand un élu crie trop fort.

M. Jean Arthuis, président. - Nous ne sommes jamais parvenus à créer un système de simulation propre au Sénat. Il n'y a que quelques spécialistes, qui travaillent à la DGCL, et répondent à une demande politique. Certains amendements sont inspirés par des spécialistes, souvent formés à l'université de Rennes d'ailleurs... Il y aurait 800 critères pour la DGF. Tant qu'il y avait du grain dans la mangeoire, on pouvait agir, mais l'on ne peut réformer que quand il y a des gagnants ou qu'il n'y a pas de perdants. Or ici, on va écrêter des communes qui ne sont pas même à la moyenne du potentiel fiscal. On pourrait relever jusqu'à la moyenne.

M. Charles Guené. - Cela ne suffit pas.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Seules très peu de grandes villes seraient touchées.

M. Edmond Hervé. - Vous avez mentionné Rennes où, voilà une quarantaine d'années, a été créé un Institut des finances locales, à l'initiative d'Yves Fréville. Nous sommes un certain nombre à en être sortis. Un bureau d'études s'est créé, nous travaillons ensemble. Je suggère que pendant un mois, nous arrêtions de discuter des amendements pour prendre le temps d'élaborer des textes fondamentaux et nous constituer une culture commune. Je mesure les pressions, je vois aussi que l'on ne vote que des amendements : la suppression de la taxe professionnelle n'est pas un grand texte fondamental.

M. Philippe Dallier. - Il ne s'agit pas de rêver du grand soir fiscal mais de savoir quand interviendra la grande réforme de la péréquation et de la DGF. Jean-Jacques Jégou vous dirait que dans le Val-de-Marne, les écarts dont de 1 à 2 entre communes comparables ; la différence atteint 35 % en Seine-Saint-Denis. Commençons par traiter de la DGF.

M. Edmond Hervé. - Quand une réforme ne fait que des perdants, elle est vouée à l'échec. C'est pourquoi la réforme est difficile...

M. Jean Arthuis, président. - Elle n'a pourtant jamais été aussi nécessaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Seule la révolution est possible...

M. Jean Arthuis, président. - Ou la faillite ! Le Fonds monétaire international nous donnera alors ses instructions...

Mme Nicole Bricq. - Le FMI n'a pas les experts pour cela...

M. Charles Guené. - Je remercie M. Jarlier de la clarté de son rapport. L'Assemblée nationale a essayé d'obtenir 115 millions d'euros supplémentaires qui pourront servir à ce que le nombre de communes touchées par l'article 80 passe de 6 000 à 3 000. Je souscris à votre proposition sur la DSR et je suis complètement d'accord avec vous pour la DETR : laissons le pouvoir aux élus, le donner aux préfets constituerait un retour en arrière. Le coefficient d'intégration fiscale des EPCI pourrait toutefois rester au niveau actuel. Un potentiel fiscal temporaire cette année ? Oui, mais on pourrait aussi statuer avec une clause de revoyure car, si l'on reporte la décision, nous n'aurions pas les simulations et serions obligés de réinventer quelque chose l'an prochain.

M. Jean Arthuis, président. - L'idée est de réserver cet article sur le CIF jusqu'au vote de l'Assemblée.

M. Charles Guené. - C'est le réalisme.

M. Jean Arthuis, président. - Nous irons nous former un mois à Rennes. En attendant le grand soir fiscal prévu pour le printemps...

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - S'agissant des 0,75 % de potentiel fiscal, nous avons demandé la réserve de l'article afin de ne prendre position qu'après que l'Assemblée aura voté la deuxième partie. Il est important de se rappeler, s'agissant de la DSR, que la fraction de « péréquation » concerne 34 000 communes, de sorte qu'elle n'a pas d'effet péréquateur réel. Il en serait autrement si l'on arrivait à 10 000 communes.

Il ne faut pas pénaliser les communautés qui viennent de prendre de nouvelles compétences. L'on ne peut pas arrêter un dispositif alors que l'on modifie le calcul de la richesse des collectivités. Une fois que les choses sont en place, il est difficile de les modifier. Laissons le temps de la concertation et attendons de disposer des simulations et de connaître les critères. Fixer un dispositif de potentiel fiscal pour 2012 serait prématuré.

M. Jean Arthuis, président. - Nous avons cinq amendements à examiner. L'amendement n° 1 supprime dans le compte spécial « Avances aux collectivités territoriales » 800 000 euros qui ne servent à rien.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Ils n'ont pas été utilisés depuis 1996.

La commission adopte l'amendement n° 1 à l'article 50 (Etat D annexé) du projet de loi de finances pour 2011.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Avec l'amendement n° 2 à l'article 81, le comité des finances locales répartira la DSR entre ses deux fractions.

La commission adopte l'amendement n° 2 à l'article 81 du projet de loi de finances pour 2011.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Par les amendements n° 3 et 4, nous redonnons un pouvoir consultatif à la commission d'élus de la DETR et nous proposons qu'elle soit en 2011 constituée par la fusion des deux commissions existantes DGE et DDR.

La commission adopte les amendements n° 3 et 4 à l'article 82 du projet de loi de finances pour 2011.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - L'amendement n° 5 supprime les dispositions relatives à la définition du potentiel fiscal au-delà de 2011.

La commission adopte l'amendement n° 5 à l'article 86 du projet de loi de finances pour 2011.

A l'issue de ces débats, elle décide de proposer au Sénat :

- l'adoption des crédits du compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales » et des articles 81, 82 et 86 ainsi modifiés ;

- l'adoption sans modification des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ainsi que des articles 79, 83 et 84.

Elle décide enfin de réserver sa position sur les articles 80 et 85 jusqu'à leur examen par l'Assemblée nationale.

Loi de finances pour 2011 - Mission Immigration, asile et intégration et article 74 - Examen du rapport spécial - Contrôle budgétaire de l'efficacité de la politique de démantèlement des filières d'immigration clandestine - Communication

La commission procède à l'examen du rapport de M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration », l'article 74 du projet de loi de finances pour 2011 et entend une communication du rapporteur spécial sur l'efficacité de la politique de démantèlement des filières d'immigration clandestine.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. - En 2011, la politique transversale de l'immigration et de l'intégration des étrangers représentera 4,25 milliards d'euros en crédits de paiement. La mission « Immigration, asile et intégration » n'en représente que 13,7 %, soit 562 millions d'euros, car seize programmes répartis entre treize missions et dix ministères y contribuent. Les principales contributrices sont les missions à caractère social : les dépenses liées à l'enseignement dispensé aux élèves étrangers représenteront plus de 2 milliards d'euros, soit 48 % des crédits de cette politique transversale.

Le caractère interministériel de la politique d'immigration a un impact budgétaire sur la mission. Lors d'un contrôle mené avec Jean-Claude Frécon sur la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui ne fait pas partie de la mission « Immigration, asile et intégration », nous avons par exemple constaté l'influence sur cette mission des délais de jugement des demandes d'asile puisqu'il faut financer l'hébergement et les aides aux demandeurs d'asile en attente d'une décision.

Les crédits demandés pour 2011 sont relativement stables : 564 millions en autorisations d'engagement (en baisse de 0,2 %) et 562 millions en crédits de paiement (en hausse de 0,7 %). Cette stabilisation fera place à une légère contraction sur la période 2011-2013, puisque, selon la loi de programmation des finances publiques, les autorisations d'engagement devraient baisser de 3,6 % et les crédits de paiement de 1,8 %. Il est difficile de recueillir des informations précises sur les actions qui subiraient ces baisses.

Le premier des deux programmes de la mission, « Immigration et asile », est aussi le plus important, avec 86 % des crédits de la mission. Les crédits destinés à l'accueil des demandeurs d'asile et à l'instruction de leurs demandes sont, comme chaque année, sous-évalués. Ils diminuent par rapport à ceux disponibles en 2010, alors même que les demandes d'asile ont augmenté de 8,5% par rapport aux premiers mois de l'année 2009 et que les délais de jugement de la CNDA ne peuvent être réduits rapidement. Un nouveau décret d'avance sera nécessaire, comme cela a été le cas en 2010 (à hauteur de 60 millions d'euros), en 2009 (pour 70 millions) et en 2008 (pour 36 millions). Je proposerai un amendement sur ce point.

Je relève que 9 millions d'euros sont prévus pour financer le centre de rétention administrative de Mayotte, un véritable serpent de mer, et que les effectifs de L'OFPRA seront renforcés, ce qui est très satisfaisant parce que moins coûteux qu'une augmentation du nombre de demandeurs d'asile en attente d'une décision.

Le second programme, « Intégration et accès à la nationalité française », regroupe seulement 73 millions d'euros de crédits. La baisse de 8 % de ses crédits correspond à de moindres subventions accordées par le ministère pour mener des actions d'intégration des populations étrangères. Le programme comporte également la subvention de 14,4 millions d'euros à l'Office national de l'immigration et de l'intégration (Ofii), qui est le principal opérateur de la mission et prend en charge l'accueil et l'intégration des primo-arrivants. La montée en puissance des actions qu'il mène nécessite le maintien de cette subvention à son niveau actuel, même si l'Office est majoritairement financé par des taxes affectées qui représentent 71 % de ses ressources, soit près de 100 millions d'euros.

L'article 74 modifie le tarif d'une grande partie des taxes sur la délivrance de documents administratifs aux étrangers. L'augmentation conséquente des ressources de l'OFII (10,5 millions en 2011) lui permettra d'assurer la montée en puissance des contrats d'accueil et d'intégration, des bilans de compétences professionnelles, ou encore de la préparation à l'intégration dès le pays d'origine. La principale ressource proviendra d'un droit de 220 euros pour la délivrance de visas de régularisation. Cet article opère encore des ajustements de certaines taxes : diminution des taxes acquittées par les employeurs de travailleurs étrangers, modulation des taxes sur les renouvellements des titres de séjour en fonction de la durée de celui-ci, diminution de la taxe sur les attestations d'accueil.

Venons-en aux travaux que j'ai menés sur l'efficacité de la politique de démantèlement des filières d'immigration clandestine.

On dispose de peu d'éléments chiffrés sur le nombre de filières d'immigration actives vers la France. Non seulement il est difficile de mesurer l'immigration clandestine, mais encore les migrants clandestins ne connaissent en général pas tous les maillons de la filière qu'ils ont utilisée. On sait que 145 filières ont été démantelées en 2009, contre 101 en 2008, et que le nombre des filières démantelées a encore doublé sur les premiers mois de 2010.

Sur les 145 filières démantelées en 2009, 84 visaient à faciliter l'entrée et le séjour des étrangers, 56 s'étaient spécialisées dans la fraude documentaire et 5 dans les mariages de complaisance. On peut aussi distinguer celles qui n'ont pas de but secondaire de celles qui associent à l'immigration une exploitation, le plus souvent sexuelle, des clandestins.

La politique française de lutte contre ces filières m'est apparue globalement efficace. Elle est menée par des offices spécialisés mettant en oeuvre des actions interministérielles puisque les ministères chargés de l'immigration, de l'intérieur, du travail, de la justice sont concernés, ainsi que celui en charge des affaires étrangères et européennes.

Les principales pistes d'amélioration tiennent à une meilleure coopération européenne. Le statut de Frontex, agence créée en 2004, ne lui permet pas de constituer des bases de données opérationnelles lors des interpellations. Il pourrait également se rapprocher d'Europol, agence communautarisée depuis cette année, car un croisement de leurs informations respectives optimiserait les actions menées par les polices des États membres.

L'on devrait rechercher plus activement une coopération avec les pays tiers, à commencer par les pays d'origine. La France dispose de moyens de pression pour éviter que le coût de ces phénomènes soit intégralement reporté sur les pays de transit ou de destination. Il appartient au ministère des Affaires étrangères de prendre davantage en compte les efforts que nos partenaires sont susceptibles de consentir.

Je propose d'adopter les crédits de la mission, modifiés par un amendement, ainsi que l'article 74.

M. Adrien Gouteyron. - De quelle manière le ministère des Affaires étrangères et européennes doit-il s'impliquer ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. - Le sujet n'est pas assez abordé avec les pays tiers, source d'immigration. Hormis pour les pays avec lesquels nous avons passé un accord spécifique, il ne semble pas que la diplomatie française en ait fait une priorité. Approfondir cet aspect éviterait pourtant que les pays d'origine considèrent que ce dossier ne les regarde pas ou ne soient intéressés que par les revenus rapatriés de France.

M. Adrien Gouteyron. - N'est-ce pas plutôt le rôle du ministre de l'immigration ? M. Hortefeux, lorsqu'il détenait ce portefeuille, nous rendait compte de ses déplacements. N'y a-t-il pas une répartition des tâches ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. - La France a passé huit accords, comportant des mesures financières positives, mais dans des pays comme la Russie, l'intervention des affaires étrangères est plus opportune.

M. Jean Arthuis, président. - Je vous remercie de ce rapport et de cette communication. Vous présentez un amendement ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. - En effet, cet amendement abonde de 12,85 millions les crédits affectés à l'hébergement des demandeurs d'asile et au versement de l'allocation temporaire d'attente. Ceux qui sont prévus ne sont pas réalistes compte tenu de l'augmentation des demandes.

M. Jean Arthuis, président. - Je ne sais pas si ce complément suffira.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. - C'est un signe que nous donnons au Gouvernement. Il y a eu des décrets d'avance en 2010, 2009 et 2008. Cette situation n'est pas satisfaisante.

A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement, proposé par le rapporteur spécial, modifiant la répartition des crédits entre les programmes de la mission.

Puis, elle décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » ainsi modifiés, et de l'article 74 sans modification.

Elle donne acte au rapporteur spécial de sa communication sur l'efficacité de la politique de démantèlement des filières d'immigration clandestine, qui sera annexée au rapport sur les crédits de la mission.

Loi de finances pour 2011 - Nomination de rapporteurs spéciaux

Puis la commission nomme Mme Marie-Hélène Des Esgaulx rapporteur spécial de la mission « Ecologie, aménagement et développement durable », en remplacement de M. Alain Lambert, et de la mission « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » (compte d'affectation spéciale créé dans le projet de loi de finances pour 2011).

Audition de M. François d'Aubert, délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs

La commission procède enfin à l'audition de M. François d'Aubert, délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs, président du groupe d'évaluation des juridictions non coopératives de l'OCDE.

M. Jean Arthuis, président. - Cela fait deux ans que notre commission prête une particulière attention à la question des paradis fiscaux. Elle a la chance d'être éclairée par notre rapporteur, Adrien Gouteyron, expert en la matière.

Nous avions reçu M. Saint-Amans, chef de la division chargée de la coopération internationale et de la compétition fiscale à l'OCDE, le 23 mars dernier.

Nous avons suivi les progrès accomplis par le forum mondial dans le cadre de la concrétisation de l'élan politique qui a conduit à la signature de 332 accords et conventions en 2009 et 2010. Nous sommes tout particulièrement intéressés par l'état d'avancement des travaux du groupe d'évaluation des juridictions non coopératives que vous présidez.

Le Forum mondial de l'OCDE sur la transparence et l'échange d'informations à des fins fiscales a lancé une évaluation, en deux étapes, de l'application des standards de l'Organisation, fondée sur le principe de l'examen par les pairs.

Une première phase a été déclenchée dès le premier semestre 2010. Les premiers résultats, adoptés lors de la réunion de Singapour des 29 et 30 septembre 2010, concernent les Bermudes, les Iles Caïmans, l'Inde, la Jamaïque, Monaco, le Panama, le Botswana et le Qatar.

Vous pourrez nous confirmer que la seconde phase d'examen devrait avoir lieu d'ici 2012 et que la première phase des examens de la France, de la Belgique et de l'Italie ont débuté. Le rapport nous concernant devrait être présenté au groupe d'évaluation en avril 2011.

Comment jugez-vous le déroulement de ces examens par les pairs ? Rencontrez-vous des difficultés particulières ? Qu'en est-il de la revue de la Suisse ? Quelles sont les premières conclusions que vous pouvez tirer de cette procédure en termes de renforcement de la coopération fiscale ? Pensez-vous que le critère de la signature de douze accords soit suffisant ? Ne faudrait-il pas durcir les critères de sortie des listes grises afin d'alléger votre contrôle ?

Comment l'Europe conduit-elle cette politique ? À côté des initiatives nationales, voit-on s'amorcer un front européen ?

M. François d'Aubert, délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs, président du groupe d'évaluation des juridictions non coopératives de l'OCDE. - Je suis sensible à votre invitation : il est important que le Parlement suive de près la question de paradis fiscaux. Les conventions internationales seraient sans doute meilleures si l'exécutif ressentait la pression de l'examen parlementaire ! En effet, certaines clauses mériteraient d'être améliorées d'un point de vue rédactionnel.

La volonté exprimée au G20 de Londres a connu une traduction juridique avec la signature de près de 600 conventions de double imposition et accords d'échanges de renseignement. Les pays entrent ainsi dans le système de discipline collective mis en place dans le cadre du Forum mondial sur la fiscalité, rénové il y a un an à Mexico.

Le secrétariat de l'OCDE avait communiqué au G20 une liste noire, une liste grise et une liste blanche, cette dernière recensant les pays qui avaient fait un effort pour améliorer la transparence et l'échange de renseignements, en dépit d'une certaine lenteur. Il faut dire que sous George W. Bush, les États-Unis n'ont guère encouragé le système d'échange multilatéral, tout en signant des accords bilatéraux exigeants.

La liste blanche s'est aujourd'hui allongée. Au 19 octobre 2010, dix juridictions restaient encore sur liste grise, qu'il s'agisse de paradis fiscaux, de type « tax heavens », ou de type « financial center ». Pour être inscrit sur la liste blanche, il suffit d'avoir signé douze conventions, quels que soient les partenaires : on a ainsi vu fleurir des conventions de complaisance, par exemple entre Monaco et les Iles Féroé... Il n'y a plus de liste noire, et la liste grise s'épuise : Belize a déjà signé onze conventions ; le Vanuatu, Nioué et Nauru en sont proches. Le passage en phase 2 n'a été refusé qu'au Botswana et au Panama, qui a fait l'objet d'un rapport sévère.

L'évaluation concerne 95 pays qui ont accepté de subir un contrôle par leurs pairs. Elle porte sur la transparence et l'échange de renseignements. Parmi les dix critères retenus figurent la conclusion des conventions et accords avec des partenaires pertinents, le secret bancaire, les dispositifs comptables, l'identification des bénéficiaires et propriétaires. L'information existe-t-elle ? L'administration fiscale peut-elle se faire communiquer des renseignements par les banques ? L'évaluation donne lieu à d'éventuelles recommandations. C'est un moyen de pression sur les juridictions non coopératives.

Le système fonctionnant par consensus, les 95 pays doivent adopter les rapports qui conduisent à noter les pays, provoquant ainsi la crainte qu'un rapport sur un autre pays ne fasse jurisprudence... Le Panama, qui ne voulait pas être cité dans le rapport final, n'a pas eu gain de cause.

L'ambition est de traiter 40 pays par an, afin d'avoir achevé la phase 1 en 2012. Il n'y a pas de consensus pour recourir au naming and shaming d'une nouvelle liste noire stigmatisante, mais les États fautifs sont identifiés. Les pays gèrent en outre leurs propres listes noires selon des critères différents : si le Brésil ne liste que les États coupables de dumping fiscal, d'autres retiennent le critère plus large du défaut de transparence.

Les conventions bilatérales font souvent preuve d'originalité, mais toutes respectent à la lettre l'article 26 du modèle de convention de suppression des doubles impositions de l'OCDE. De nombreux pays ont pris des mesures internes pour limiter la protection du secret bancaire à usage fiscal. L'échange d'informations est le plus souvent à la demande, et non automatique, sauf avec certains pays de l'Union européenne, ou avec les anciennes possessions britanniques comme les Iles Caïmans : on est loin de l'anonymat !

Le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA), voté par les États-Unis, vise à « capturer » cinq millions de contribuables américains : il demande à tous les établissements financiers d'opérer un prélèvement à la source de 30 % sur les revenus de leurs clients américains, sauf s'ils communiquent leur identité et consentent à un échange automatique d'informations avec l'Internal Revenue Service (IRS).

Mme Nicole Bricq. - J'avais proposé un amendement inspiré du FATCA à la loi de régulation bancaire et financière.

M. François d'Aubert. - Les Britanniques privilégient une charte de bonne conduite avec les banques.

La Suisse projette de conclure des accords bilatéraux avec l'Allemagne et avec le Royaume-Uni, reposant sur l'extension du prélèvement libératoire existant à tous les revenus et tous les opérateurs financiers. Compte-tenu d'un dépôt évalué à 150 milliards d'euros, l'Allemagne espère récupérer 30 milliards d'euros de rentrées fiscales sur dix ans, à comparer aux 30 à 50 millions d'euros que perçoit la France avec le système actuel...

M. Adrien Gouteyron. - Ces accords ont-ils été signés ?

M. François d'Aubert. - Des préaccords ont été négociés par M. Hans-Rudolf Merz, le ministre des finances suisse. Cette négociation est déjà critiquée. Le prélèvement libératoire s'accompagnera-t-il toujours d'un échange de renseignements, automatique, comme le veut la règle européenne, ou à la demande ?

M. Jean Arthuis, président. - Le prélèvement libératoire pourrait être la contrepartie de l'opacité...

M. Roland du Luart - L'article 26 de l'OCDE s'applique-t-il dans l'Etat du Delaware ? Qu'en est-il des îles anglo-normandes et du Luxembourg ?

M. François d'Aubert. - Le Delaware, comme le Nevada, le Wyoming et le Montana, sont le « talon d'Achille » des États-Unis en matière de transparence fiscale. Le sujet sera soulevé lors de l'évaluation de ce pays.

Jersey et Guernesey sont soumis à la directive Épargne, et appliquent l'échange automatique d'informations - ce qui nous pose le problème de la réciprocité.

M. Jean Arthuis, président. - C'est un échange de fumée !

M. François d'Aubert. - L'échange d'informations à la demande peut se révéler plus efficace, notamment quand il s'agit de montants élevés.

M. Roland du Luart. - Quelle sera la force de frappe des États-Unis, dès lors qu'eux-mêmes ne respectent pas les règles ?

M. François d'Aubert. - Les États-Unis avaient déjà demandé à UBS de communiquer les informations sur les comptes de citoyens américains. Ils étendent désormais la démarche à tout le secteur du private banking, le plus concerné par l'utilisation de places off-shore.

Mme Nicole Bricq. - Faire figurer sur la liste blanche des pays aux pratiques douteuses met en cause la crédibilité de la démarche de l'OCDE. Le problème des trusts est source de blocage, par exemple en Jamaïque ou aux Bermudes. Monaco, « blanc comme neige », a signé ses douze conventions - mais aucune avec l'Italie, qui est pourtant son principal partenaire ! Enfin, la conclusion d'accords bilatéraux entre la Suisse, l'Allemagne et le Royaume-Uni, si elle s'accompagne de résultats importants, ne nuira-t-elle pas également à la crédibilité de la démarche de l'OCDE ?

M. François d'Aubert. - Il n'y a pas d'ordre fiscal international. La souveraineté fiscale est le noyau dur de la souveraineté. Le système multilatéral de l'OCDE coexiste avec un réseau d'accords bilatéraux, qui ne fonctionne pas en réseau international. S'agissant des projets d'accord de la Suisse, je ne peux pas confirmer les chiffres parus dans la presse !

M. Jean Arthuis, président. - Avec 150 milliards d'actifs, rémunérés à 3 %, on n'arrive pas à 30 milliards de rentrées fiscales...

M. François d'Aubert. - Si certains évadés fiscaux n'atteignent pas les 3 % de rémunération, d'autres clients, qui ont plus de 100 millions d'actifs financiers, les dépassent largement ! C'est un élément supplémentaire d'incertitude. La Suisse poursuit ses négociations bilatérales avec l'Allemagne et le Royaume-Uni ; ce dernier a signé l'an dernier un accord avec le Liechtenstein.

M. Adrien Gouteyron. - Comment ces accords bilatéraux seront-ils intégrés dans l'évaluation de ces pays ?

M. François d'Aubert. - L'essentiel est que l'article 26 soit respecté, notamment sur l'échange de renseignements à la demande. Si c'est le cas, les accords seront conformes aux exigences de l'OCDE.

Il serait souhaitable que les bénéficiaires des trusts soient connus.

Mme Nicole Bricq. - Il n'existe pas de registre international des trusts.

M. François d'Aubert. - Un reporting pays par pays serait déjà une avancée ; certains pays disposent d'un tel registre, mais il n'est pas mis à jour...

Dans le droit anglo-saxon de common law, la notion d'abus de droit ou de fraude à la loi n'existe pas en tant que telle : c'est très gênant. Sans compter que certains pays, comme la Chine, n'ont pas choisi entre droit anglo-saxon et droit romain...

Il y a aussi des paradis fiscaux récents. Le Ghana, qui n'est pas membre des 95, a ainsi acheté clés-en-main un système de dérégulation vendu par Barclays, et tire profit de sa situation géographique privilégiée dans une région pétrolifère.

M. Adrien Gouteyron. - Ces pays se soumettent volontairement au contrôle ?

M. François d'Aubert. - Ils vont être évalués.

Monaco, admis en phase 2, s'est enfin engagé à Singapour à lancer une négociation avec l'Italie en vue de conclure une convention ou un accord d'échanges de renseignements. L'Italie prend des initiatives à l'égard de Saint-Marin, dont les banques ont été mises sous tutelle de la Banque d'Italie à la suite d'affaires de blanchiment. Monaco compte également de nombreux résidents britanniques, mais, curieusement, le Royaume-Uni ne demande ni convention ni accord...

Il n'y a pas de trust en droit monégasque mais des trusts étrangers peuvent être enregistrés à Monaco. Les informations sont accessibles aux administrations fiscales requérantes, mais les propriétaires de moins de 25 % des actifs demeurent anonymes. Quant aux actions au porteur, elles concernent deux sociétés cotées bien connues : le problème est donc surtout formel.

Mme Nicole Bricq. - Je ne suis pas du tout rassurée : c'est un rocher de Sisyphe que vous poussez devant vous. Mais comme Camus, je veux vous imaginer heureux...

M. François Marc. - Merci pour toutes ces informations. Je m'interroge sur la crédibilité globale de la démarche, cependant : le contrôle prend la forme d'une évaluation par les pairs. Or les exigences et le niveau d'éthique varient d'un pays à l'autre. Et la transparence des flux est-elle bien réelle ? Les outils pour traquer le blanchiment ou d'autres délits financiers se généralisent, mais il subsiste toujours des OFNI, des objets financiers non identifiés, qui circulent par les réseaux mafieux. Le Botswana, le Costa Rica, le Guatemala ou d'autres, en quête de respectabilité, ne laissent-ils pas, par accord tacite, des flux financiers douteux circuler dans la coulisse ? Le système OCDE peut-il obtenir des résultats autres que modestes ?

M. Jean Arthuis, président. - Un seul pays au monde peut-il affirmer que tout est parfaitement transparent sur son sol ?

M. François d'Aubert. - Ce système du Forum mondial - et non de l'OCDE, même si l'organisation internationale en assume le secrétariat - est souple et repose sur une libre adhésion. Il regroupe aujourd'hui 95 pays, chacun contribuant aux dépenses de fonctionnement selon son niveau de PNB - la France cotise à hauteur de 100 000 euros - et certains pays n'auraient pas accepté le contrôle s'il avait pris une autre forme qu'une évaluation par les pairs. Il n'y aurait rien eu s'il n'y avait pas eu ce système, fondé sur le consensus, inspiré des méthodes de l'OCDE...

Les écarts de doctrines fiscales, le flou sémantique nous ralentissent aussi, bien sûr. Il y a les nuances, les différences de qualification juridique : ce qui est une « soustraction  fiscale » en Suisse, autrement dit une évasion, sera considéré en France comme une fraude fiscale, etc. Si nous avons les moyens techniques de connaître l'immense majorité des mouvements financiers, par Swift et les chambres de compensation, encore faut-il disposer d'une instance qui prenne en charge la surveillance.

Il faudrait distinguer entre les flux légitimes, ayant un fondement commercial, économique, y compris lorsqu'ils transitent par des paradis fiscaux - pas forcément pour des motifs douteux mais en raison de leur souplesse juridique - et les flux illicites, comme le blanchiment. Celui-ci a fait l'objet d'une intéressante initiative de directive européenne, dans laquelle la fraude fiscale est considérée comme un sous-jacent aux opérations de blanchiment. La transposition est achevée en France. Elle est encore en cours dans d'autres États-membres. C'est en outre le Groupe d'action financière (GAFI), groupement intergouvernemental, et non l'OCDE, qui est compétent pour la surveillance de ces opérations.

L'argent de la drogue atteint des montants colossaux. Mais les sanctions deviennent aussi de plus en plus sévères et une amende record, 150 millions de dollars, a récemment été infligée à la banque Wachovia pour avoir été mêlée à des opérations de blanchiment au Mexique via les bureaux de change - qui sont l'équivalent de nos caisses d'épargne. Les pouvoirs publics peuvent aussi saisir les biens et les conserver. Le Parlement français a voté une disposition en ce sens il y a quelques semaines. Ce moyen est le plus efficace pour ruiner les gangsters.

La Banque d'Italie estime à 150 milliards d'euros le chiffre d'affaires annuel des mafias italiennes : le bénéfice net est environ de 50 % réinvestis dans des biens primitifs, maisons, immeubles, voitures, mais aussi dans les circuits financiers officiels. Certaines opérations frauduleuses combinent aspects fiscaux et autres trafics : il en va ainsi des carrousels de TVA, des droits d'émission de CO2, ou du trafic des éoliennes en Sicile, affaire dans laquelle un patron de la mafia a été arrêté à Trapani.

On ignore quelle est la part d'argent malhonnête investi en bourse et dans les entreprises : mais les banques sont de plus en plus vigilantes car elles craignent pour leur réputation. Le contrôle par les régulateurs nationaux et les commissions bancaires devrait s'étendre aux filiales et succursales à l'étranger, surtout celles qui sont spécialisées dans les opérations off-shore...

Mme Nicole Bricq. - Il faudrait aussi une comptabilité établissement par établissement, qui fasse état de ces mouvements ! Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

M. François d'Aubert. - Le reporting pays par pays est effectivement une piste intéressante. Je ne sais pas quelle est la position du ministère des finances à ce sujet...

Mme Nicole Bricq. - C'est simple : le ministère a repoussé toutes nos propositions en ce sens. Nous avions présenté un amendement, qui a été rejeté.

M. François d'Aubert. - Une convention internationale qui était en préparation depuis de longues années vient enfin d'être signée, elle oblige les groupes de l'industrie extractive, miniers mais aussi pétroliers, à fournir des éléments extrêmement précis : on s'oriente peu à peu vers ce reporting pays par pays. La Bourse de Hong-Kong exige désormais de tous les candidats à la cotation - depuis l'introduction d'un groupe russe qui n'inspirait peut-être pas toute confiance... - une description de toutes leurs implantations dans le monde.

Mme Nicole Bricq. - Très bien.

M. Jean Arthuis, président. - Sur ces questions, en particulier sur le reporting, un consensus doit pouvoir être trouvé entre nous.

M. Adrien Gouteyron. - Comment fonctionne le Forum ? Si tout repose sur le consensus, il n'y a pas de vote, je suppose ?

M. François d'Aubert. - On applique la règle du « consensus moins un ». Le pays visé dans un rapport peut voter contre mais si tous les autres votent pour, le texte est adopté.

M. Adrien Gouteyron. - Cette méthode consensuelle doit prendre un temps considérable. La tâche est d'une ampleur et d'une complexité extrêmes. De quels moyens exactement disposez-vous ? Pouvez-vous faire appel à des experts de nos administrations ? Quels sont les circuits d'information et de décision ?

M. François d'Aubert. - Les cotisations sont fonction du PNB. La méthodologie est claire : en phase 1, un questionnaire type est adressé aux pays membres, qui doivent y décrire leur système juridique ; la phase 2 est celle des échanges effectifs de renseignement. Les conventions en vigueur jusqu'alors décourageaient les bonnes volontés : après 25 demandes infructueuses d'entraide adressées à la Suisse, les enquêteurs, généralement, s'abstenaient... Quand après huit mois d'attente, on vous répond qu'il n'y a « rien à voir » parce que la soustraction fiscale n'est pas de la fraude, on est démotivé. Les nouveaux textes sont plus contraignants, les résultats seront meilleurs.

M. Jean Arthuis, président. - Avez-vous des chiffres et des éléments précis sur le nombre de demandes formulées, les suites données ? Les documents sont-ils à disposition du Parlement ?

M. François d'Aubert. - Oui, les statistiques existent et sont à votre disposition.

Mme Nicole Bricq. - C'était un autre de nos amendements ! Nous demandions que ces informations figurent chaque année dans une annexe au projet de loi de finances.

M. Jean Arthuis, président. - Nous pouvons plus simplement inviter ici, en commission, les personnes compétentes afin de nous donner toutes ces informations, notamment la direction de la législation fiscale (DLF). Ce sera notre prochaine audition.

M. François d'Aubert. - Font défaut, en revanche, les indicateurs relatifs au fondement économique des flux, car ceux-ci sont bien difficiles à mesurer...

M. Jean Arthuis, président. - Le Forum est un enfant du G20, me semble-t-il.

M. François d'Aubert. - Oui et les pressions sont fortes aux G20 contre les paradis fiscaux. Le prochain sommet organisé par la France comprendra un chapitre « régulation financière », avec un sous-chapitre « paradis fiscaux ».

M. Jean Arthuis, président. - Merci de nous avoir éclairés sur des problèmes que nous croyions réglés depuis longtemps. Vous nous avez déstabilisés et c'est tant mieux, car nous n'en serons que plus attentifs. Le processus est enclenché et de petits pas en petits pas, la pression sur les États non coopératifs s'accentue ; si bien que nous allons vers un monde mieux régulé...