Jeudi 10 février 2011

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Audition de M. Pierre Callewaert, rédacteur en chef au journal L'Equipe

Mme Michèle André, présidente. - Comme vous le savez peut-être, la délégation aux droits des femmes, composée de 36 sénateurs et sénatrices, est chargée de rendre un avis sur des textes divers, de participer au contrôle du Gouvernement, et elle élabore chaque année un rapport sur un thème de son choix, cette année sur les femmes et le sport. On compte 23 % de femmes au Sénat...

M. Pierre Callewaert, rédacteur en chef à L'Equipe. - Comme à L'Equipe !

Mme Michèle André, présidente. - L'Equipe est un monument de la presse sportive : on vous lit, vous donnez la tendance, vous avez vos aficionados. Nous avons donc voulu vous entendre sur la part des femmes dans la presse sportive, l'écart dans le traitement des compétitions masculines et féminines et les évolutions en cours. Au cours de nos auditions, il a été suggéré que les médias s'intéressent davantage à l'apparence ou à la vie privée des sportives qu'à leurs performances ; qu'en pensez-vous ?

M. Pierre Callewaert. - Je suis heureux d'être devant vous pour partager vos préoccupations, et j'ai lu avec un grand intérêt les comptes rendus des précédentes auditions. Je me limiterai à la question du journalisme sportif et du sort qu'il fait aux femmes, et j'espère mettre à bas certaines caricatures.

L'Equipe est un journal sportif, un journal masculin, écrit par des hommes et lu à 85 % par des hommes. Il faut compter avec un héritage masculin assez lourd - c'est un euphémisme - et qui remonte à 1946 pour l'Equipe et à plus d'un siècle si on prend en compte L'Auto. Or, la tradition et la légende font l'identité du journal. Mais les choses évoluent. Parmi les dix dernières personnes embauchées, trois sont des femmes ; elles sont 53 à avoir leur carte de presse pour 234 hommes (soit 18 %) au sein de la rédaction, et 25 % tous salariés confondus. Mais seules cinq d'entre elles occupent des postes à responsabilité : dans leur domaine, elles font référence, elles ont su incarner habilement l'héritage du journal et succéder à leurs illustres prédécesseurs.

Mme Michèle André, présidente. - De quels sports sont-elles spécialistes ?

M. Pierre Callewaert. - L'une d'entre elles couvre la Formule 1, et évolue donc dans un environnement très « macho », dans une discipline peu pratiquée en dehors de la compétition.

Au sein d'une profession qui se féminise, la presse écrite sportive fait figure d'exception. Très peu de femmes veulent devenir journalistes sportives quoiqu'un ancien de L'Equipe considère que toutes les journalistes de presse écrite passionnées de sport sont passées un jour ou l'autre par le journal... Lors du dernier concours que nous avons organisé auprès d'étudiants en journalisme, avec pour prix un contrat à durée déterminée de quatre mois au sein de la rédaction, on comptait seulement quatre femmes sur vingt-cinq candidats : signe qu'elles s'intéressent moins au sport que les hommes, ce qui s'explique sans doute par des raisons sociologiques. Toujours est-il que nous ne faisons aucune différence entre les hommes et les femmes pour le recrutement : le premier critère est d'être un bon journaliste.

Un tournant a été pris dans les années 1990. A titre d'exemple, il faut se souvenir que jusqu'en 1986, les femmes étaient exclues de la caravane du Tour de France.

Mme Michèle André, présidente. - C'était le fameux article 6 du règlement du Tour, interdisant la présence des femmes dans les voitures suiveuses. Lorsque j'étais adjointe au maire de Clermont-Ferrand, chargée des sports, j'ai contribué à faire supprimer cet article en intervenant auprès de Jacques Goddet. On était dans le monde du loisir des hommes...

M. Pierre Callewaert. - Il faut aussi tenir compte de la composante militaire.

Mme Michèle André, présidente. - En effet. Les deux professeurs d'université que nous avons entendus ont mis en évidence le lien entre l'armée, l'entretien de la forme physique de la population et la pratique sportive.

M. Pierre Callewaert. - Lors des conférences de rédaction de L'Equipe, à l'époque où les femmes ont fait leur entrée en nombre au journal, le rédacteur en chef utilisait un système de cartons jaunes et rouges pour éviter les envolées, comment dire...

Mme Michèle André, présidente. - Lyriques ? Du genre des troisièmes mi-temps...

M. Pierre Callewaert. - Vous m'avez compris. Mais les choses se sont normalisées, suivant les évolutions de la société française. En 1994, la première journaliste titulaire, chargée du football, a été accueillie par un panneau « Campement interdit aux femmes ». Mais elle a résisté, et elle a suivi ensuite le cyclisme, sport encore plus masculin. Devenue rédactrice en chef adjointe, elle a soulevé la question des écarts de salaire... qui a été vite et heureusement réglée. Nous avons trois rédactrices en chef adjointes, mais pas encore de rédactrice en chef.

Ce qui nous détermine dans le choix des événements sportifs que nous couvrons, c'est le résultat : la discipline doit être pratiquée au plus haut niveau. Le traitement est évidemment plus important en cas de victoire.

Mme Michèle André, présidente. - Si l'équipe de France de handball féminin gagnait une compétition, quand décideriez-vous de couvrir l'événement ? Après la victoire, ou après les premières phases de la compétition ?

M. Pierre Callewaert. - Nous déciderions d'y accorder plus d'importance au moment où la victoire se dessinerait. C'est la performance qui est déterminante, et non le genre.

Nous devons compter avec l'intérêt des lecteurs, mais si nous suivions aveuglément leurs goûts, nous ne traiterions guère le sport féminin. Nous rendrons largement compte des Coupes du monde de football et de rugby féminins. Une belle performance est bien traitée. Dans certains sports, tels que le tennis, le ski, l'athlétisme, l'équitation ou le patinage artistique, les compétitions masculines et féminines sont couvertes à peu près de la même manière. C'est moins vrai pour le rugby ou le foot, mais dans ces sports l'écart technique est peut-être plus important entre les hommes et les femmes.

Mme Michèle André, présidente. - Cela ne fait pas si longtemps que des compétitions féminines existent. Mais alors que nos footballeurs s'étaient comportés de si piètre manière, au moment de la Coupe du monde, j'ai souhaité saluer dans un communiqué de presse l'exploit des footballeuses.

M. Pierre Callewaert. - Nous l'avons fait, sans opposer les deux événements. L'actualité était abondante, avec l'écroulement de l'équipe de France.

Mme Michèle André, présidente. - En somme, vous suivez les grands événements, qu'il s'agisse de sport masculin ou féminin.

M. Pierre Callewaert. - Il nous arrive aussi d'aborder le sport féminin de manière oblique, en rendant compte d'une évolution sociologique, parce que notre curiosité est éveillée. Mais lorsque Laure Manaudou, Amélie Mauresmo ou Marie-José Pérec gagnent, nous couvrons l'événement autant que nous le ferions pour un grand sportif.

Mme Michèle André, présidente. - Est-il vrai que la presse et les médias s'intéressent plus à la vie privée qu'aux performances sportives ?

M. Pierre Callewaert. - Si vous parlez des médias en général, oui. Mais c'est hors de question à L'Equipe. En revanche, si des réussites ou des échecs sportifs s'expliquent par un élément biographique qui influence une performance en provoquant, par exemple, une moindre stabilité psychologique, nous en rendons compte. Le sport féminin a parfois joué sur l'image pour se rendre attractif, sans grand succès : lorsque les beach-volleyeuses ont joué en bikini, c'était graphiquement agréable, mais pour quel intérêt sportif ?

Mme Michèle André, présidente. - L'attitude de la télévision est-elle différente ?

M. Pierre Callewaert. - Elle l'est fondamentalement. Contrairement aux chaînes de télévision, nous n'achetons pas d'événements sportifs, nous ne faisons que les regarder pour en rendre compte, et notre rapport avec le public est tout à fait autre.

Mme Michèle André, présidente. - Lorsque vous accordez une place importante à un événement de sport féminin, quelle est la réaction des lecteurs ? Comment évaluez-vous leur satisfaction, avec quels indicateurs ?

M. Pierre Callewaert. - Les ventes constituent le premier verdict. Si Amélie Mauresmo avait gagné Roland-Garros, celles-ci auraient été énormes. Il existe aussi des mesures de popularité des athlètes : Jeannie Longo est encore quatrième rang dans ce classement, derrière Gaël Monfils, Sébastien Chabal et Sébastien Loeb. Enfin, les études réalisées auprès de nos lecteurs montrent un intérêt assez faible pour le sport féminin, sauf performances exceptionnelles comme lorsque l'équipe de France de handball féminin s'est qualifiée en finale du Championnat du monde 2009.

Mme Michèle André, présidente. - Vous vous fondez donc sur le niveau de performance ?

M. Pierre Callewaert. - Oui, car il est important de hiérarchiser l'information, de donner au lecteur une vue claire.

Je veux enfin dessiner des perspectives d'avenir. Nous débattons souvent au sein de la rédaction sur la place à accorder au sport féminin. De nouveaux supports, comme l'internet, les réseaux sociaux ou les tablettes, où la place ne manque pas, nous permettraient peut-être d'en traiter plus largement en y consacrant des niches. Pourquoi ne pas créer un abonnement à une version du journal plus orientée vers le sport féminin ? La problématique est la même pour les sports à faible audience.

Mme Françoise Laborde. - Vous dites vous fonder sur l'audience des événements plutôt que sur le genre. Mais n'y a-t-il pas là un cercle vicieux ? Car si le sport féminin n'est pas mis en avant dans les journaux, il ne gagnera pas d'audience. Un gros titre le jour d'une victoire d'Aurélie Mauresmo ne changera pas la donne. Comment inverser la tendance ? Dans ma région toulousaine, des filles élevées dans l'amour du rugby lisent L'Equipe, journal pourtant réputé « macho ».

M. Pierre Callewaert. - La presse écrite a-t-elle les moyens de faire évoluer les goûts du public ? Petit à petit, peut-être, mais pas d'une manière antijournalistique. A L'Equipe, nous ne nous fondons pas seulement sur les études d'impact : malgré le faible intérêt des lecteurs, nous accordons une certaine place au sport féminin, parfois en tant que sujet de société. L'Equipe magazine, qui paraît le samedi et dont le lectorat est un peu plus féminin, en traite d'ailleurs plus largement. Mais notre influence est sans commune mesure avec celle de la télévision : nous vendons autour de 300 000 exemplaires, comme lors de la finale du Championnat du monde de handball. Nous subissons d'ailleurs l'érosion commune à toute la presse écrite.

Mme Michèle André, présidente. -Albert Ferrasse, ancien président de la fédération française de rugby, n'imaginait pas à l'origine que les femmes puissent jouer au rugby, mais il a évolué intelligemment avec le temps, sans doute sous la bonne influence d'Edwige Avice. Constatant que la pratique baissait dans les écoles et dans les clubs, il a compris que les mères, les éducatrices, devaient avoir une certaine familiarité avec ce sport pour encourager leurs enfants à s'y adonner. La presse écrite ne pourrait-elle pas tenir un raisonnement similaire ? Son produit doit faire envie à ses lecteurs.

M. Pierre Callewaert. - Cela pourrait être une piste. Mais nous ne faisons que constater l'état de notre société. Aux Etats-Unis, nous suivrions bien davantage le football féminin, qui est devenu le premier sport féminin. Les évolutions sociales influencent les pratiques sportives : en Nouvelle-Zélande, les mères encouragent maintenant leurs enfants à s'inscrire dans les clubs de football plutôt que de rugby, de peur qu'ils aient à s'affronter avec les solides gars des îles. Le système pyramidal...

Mme Michèle André, présidente. - ... et masculin !

M. Pierre Callewaert. - ...dont rêvait Pierre de Coubertin ne saurait valoir pour tous les sports, en particulier féminins.

Mme Michèle André, présidente. - Les femmes n'ont pas obtenu le droit de vote depuis si longtemps que cela !

Mme Gisèle Printz. - Vous dites que ce qui compte, c'est la performance. Mais n'est-elle pas définie par des hommes ?

M. Pierre Callewaert. - Ce sont les journalistes de l'Equipe, hommes et femmes, qui la définissent à L'Equipe. Les critères sont d'ailleurs clairs.

Mme Gisèle Printz. - Mais est-on au courant que l'équipe de France de football féminin s'est qualifiée pour la Coupe du monde !

Mme Michèle André, présidente. - J'avais salué leur parcours dans un communiqué de presse qui a fait l'objet de quelques reprises.

Mme Gisèle Printz. - Pourrait-on envisager des équipes mixtes ?

M. Pierre Callewaert. - Elles existent dans certains sports, pour les jeunes. Mais pourquoi ne pas ouvrir le championnat de France de football aux équipes féminines ? Les femmes ne se heurtent là à aucune limite physique, ni bien sûr intellectuelle. Si elles avaient accès au même entraînement que les hommes, elles pourraient les égaler. Est-ce de la science-fiction ? Le sport de haut niveau abîme autant les corps des hommes que celui des femmes.

Mme Gisèle Printz. - Pourquoi ? Est-ce à cause de l'effort physique, des médicaments, du mode de vie ?

M. Pierre Callewaert. - Il faudrait interroger un médecin, mais le sport à outrance use prématurément l'organisme. Les sportifs de haut niveau sont d'ailleurs blessés en permanence. Ils évoluent dans un milieu médicalisé où la frontière entre le licite et l'illicite n'est pas toujours bien tracée. Il est vrai que les enjeux financiers sont importants.

Mme Michèle André, présidente. - Il est intéressant de vous entendre dire que l'on se heurte à des barrières qui ne tiennent pas à la différence de condition physique des hommes et des femmes. Dans les écoles, garçons et filles apprennent ensemble : je pense souvent à cette petite fille qui a donné un coup de pied au garçon qui avait tiré sa queue de cheval sur un terrain de sport - il ne s'y est plus risqué ! Les choses sont plus difficiles après l'adolescence.

M. Pierre Callewaert. - Au Québec, une équipe de hockey masculin a engagé une gardienne de but - il est vrai que l'engagement physique est peut-être moins violent à ce poste. Je me suis longtemps demandé pourquoi les principaux champions d'échecs étaient des hommes. Un médecin m'a expliqué que la testostérone stimulait l'agressivité et la volonté de conquête, fondamentales aux échecs : ce n'est donc pas une question de force.

Mme Michèle André, présidente. - C'est un sport exigeant.

M. Pierre Callewaert. - Cette volonté de conquête se retrouve dans de nombreuses activités humaines. 

Mme Michèle André, présidente. - J'ai été ravie de vous entendre donner du journal L'Equipe une image plus ouverte que celle qu'il a habituellement. Je me félicite que l'égalité salariale entre hommes et femmes y soit de mise. J'imagine d'ailleurs que l'âge moyen de la rédaction laisse augurer d'une évolution positive.

M. Pierre Callewaert. - En effet, nous avons beaucoup embauché dans les années 2000.

Mme Michèle André, présidente. - La société a évolué. Il y a cinquante ou soixante ans, le monde parlementaire était exclusivement masculin ; aujourd'hui, lorsque les femmes interviennent, le débat prend un tour différent : elles abordent plus facilement des sujets comme la contraception, l'interruption volontaire de grossesse, etc. Je me souviens que dans les années 1980, L'Equipe avait un tout autre ton...

Votre journal est historiquement lié au Tour de France. N'est-il pas dommage d'avoir abandonné le Tour féminin ? J'ai eu l'occasion d'assister à son arrivée au sommet du Puy-de-Dôme, et le public était acquis.

M. Pierre Callewaert. - Le cyclisme sur piste, le VTT et le BMX féminins, des disciplines olympiques, progressent et nous les couvrons, mais les compétitions sur route ont reculé. Peut-être y a-t-il là une différence de niveau tactique et d'expérience entre les hommes et les femmes.

Mme Michèle André, présidente. - Espérons qu'il en sera autrement à l'avenir !

M. Pierre Callewaert. - En préparant cette audition, j'ai appris comment les choses avaient changé peu à peu à L'Equipe, parfois de façon brutale. Les premières journalistes du quotidien furent des « moines soldats »...

Mme Michèle André, présidente. - Des pionnières, au vrai sens du terme ! Les choses ne sont pas tellement différentes dans la presse généraliste : à La Montagne, la première journaliste s'est heurtée à une vive prévention de la part de ses collègues. Elle a pourtant su prendre ses marques. C'est que le sport est d'abord un jeu, et que l'on ne donne pas suffisamment aux filles le goût de jouer. Il suffit de voir les Brésiliens défiler sur les Champs-Elysées, en dansant presque la samba, pour voir à quel point on cultive dans ce pays la beauté du geste... Laissons donc les filles jouer et apprendre à se positionner !

M. Pierre Callewaert. - En Suède, une expérience a été menée dans les crèches pour désexualiser les jouets : les garçons pouvaient jouer à la poupée, les filles au ballon. Les parents ont trop tendance à projeter une image préfabriquée sur leurs enfants.

Mme Michèle André, présidente. - C'est vrai. Il est d'autant plus important de laisser jouer les filles que les enfants joueurs s'en sortent toujours dans la vie.

M. Pierre Callewaert. - Leur créativité est stimulée.

Mme Michèle André, présidente. - Ils acquièrent le goût du geste, de la tactique et de la stratégie. La politique est aussi un jeu, à certains égards, et les hommes en connaissent la tactique, ils savent passer des « accords de bistrot ». Mais nous aussi, et pas seulement dans les salons de thé !

Je vous remercie de nous avoir apporté cet éclairage.

Audition de M. Laurent Petrynka, directeur national de l'Union nationale du sport scolaire

Mme Michèle André, présidente. - Vous êtes directeur national de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS). Je vous remercie d'être venu jusqu'à notre Délégation. Créée en 1999, celle-ci regroupe 36 collègues - les femmes sont 23 % au Sénat, ce qui n'est pas encore la parité. Nous formulons un avis sur les textes qui intéressent l'égalité entre les hommes et les femmes, contrôlons l'action du gouvernement sur des sujets tels que les salaires, l'accès aux responsabilités ou les retraites ; nous consacrons chaque année un rapport à un thème précis, et avons choisi de travailler cette année sur les femmes et le sport.

Parvenus presque au bout de nos auditions, il nous a paru important d'entendre une fédération scolaire. Pouvez-vous nous dire comment les filles se positionnent et ce qui explique la situation des femmes dans le monde adulte ? Parlez-nous de l'UNSS. Bien sûr, l'ancienne adjointe aux sports que j'ai été à Clermont-Ferrand...

M. Laurent Petrynka, directeur national de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS). - Cette mairie est très dynamique et nous organisons de nombreux championnats à Clermont. La mère d'Aurélien Rougerie...

Mme Michèle André, présidente. - ... m'a succédé dans cette fonction. Mais parlez-nous comme si nous ne connaissions rien au sujet.

M. Laurent Petrynka. - L'UNSS, dont je suis directeur national depuis le 1er février 2010, se distingue dans le paysage fédéral car, bien qu'elle fasse partie du comité national et olympique français (CNOSF), elle est atypique. Elle est présidée par le ministre de l'Education nationale qui en nomme le directeur, de même que ses différents niveaux sont présidés par les chefs d'établissement, les inspecteurs d'académie et les recteurs. Cela explique notre succès au sein des établissements.

Nous sommes une fédération d'Etat, y compris d'un point de vue financier puisque 35 000 professeurs d'éducation physique et sportive sont payés pour assurer trois heures hebdomadaires : ils animent 9 500 associations sportives dans autant de collèges ou lycées. Avec un million d'élèves licenciés, nous sommes la troisième fédération sportive après le tennis et le football. Notre financement provient du ministère de l'Education nationale à hauteur de 18 millions d'euros, de celui du Sport, pour 1,1 million, et des licences (un million de licences à dix euros l'une).

Notre budget couvre d'abord les salaires des cadres, un par département, un par région, soit 183 personnes avec les adjoints ; les techniciens, ouvriers et assistants et autres personnels déconcentrés dans la fédération sont 150. Pour le reste, nous employons nos moyens dans l'organisation de manifestations sportives, ce qui est notre coeur de métier.

Les associations sportives appartiennent aux établissements : ce sont nos clubs, nous les fédérons et organisons des rencontres départementales, régionales, nationales et internationales (un championnat du monde par an). Nous dynamisons en outre la vie associative. Vous le voyez, quoique peu connue du grand public, notre fédération est importante. C'est aussi la première fédération féminine avec 400 000 licenciées.

Mme Michèle André, présidente. - Avant la gymnastique ?

M. Laurent Petrynka. - En nombre absolu. Cependant, 40% c'est bien, mais 50% serait mieux.

Mme Michèle André, présidente. - Ou même 52%...

M. Laurent Petrynka. - Nous avons en effet une importante marge de progression. Je m'y attelle. J'ai préparé à votre intention une note sur la situation des filles : plus sédentaires, elles sont moins reconnues dans leurs performances et moins engagées dans la vie de l'association. Notre taux de pénétration n'est que de 16,5 % pour les filles contre 24 % pour les garçons. Il baisse au fil de la scolarité pour tomber à 8 % en lycée professionnel.

Mme Michèle André, présidente. - Y a-t-il autant de filles que de garçons en lycée professionnel ?

M. Laurent Petrynka. - Cela dépend des établissements. En revanche, ce taux ne varie pas selon qu'on est ou non en zone d'éducation prioritaire. Les tendances sont les mêmes par tranches d'âge : les filles sont très représentées parmi les benjamins (16 %), moins parmi les minimes (12 %), encore moins chez les cadets et chez les juniors (4 %).

Quelles pistes envisageons-nous ? Notre convention avec le ministère des Sports comporte des objectifs partagés ; une ligne est consacrée à la pratique féminine. A notre initiative, nous préparons une convention avec l'Education nationale sur les mêmes objectifs partagés. La culture de la convention donne du sens à notre action.

Mme Michèle André, présidente. - Cela permet de rappeler les principes.

M. Laurent Petrynka. - J'ai imposé un fléchage du budget entre les régions : déconcentrer le pilotage en fonction des sept objectifs partagés permet de lier fonctionnement et pédagogie. Si de nombreux événements sont organisés, il était nécessaire d'adapter notre action à la situation de chaque région : par exemple, Limoges étant en retard pour la pratique féminine, on peut y accorder une plus grande priorité.

Nous lançons pour le programme 2012-2016 (notre calendrier suit celui des olympiades) la labellisation des associations sportives féminines. On tiendra compte des pourcentages, mais l'on se demandera aussi si la carte des formations est fémino-compatible, car le step, la danse ou la gymnastique acrobatique répondent mieux à la demande des demoiselles que le rugby ou le foot. Je n'ai pas d'autorité sur ce qui se passe dans une association sportive, le chef d'établissement fait confiance et l'inspecteur pédagogique inspecte plutôt les cours, même s'il regarde les pourcentages. J'ai d'ailleurs pointé l'absence de programme pour les associations sportives alors qu'il y en a pour l'éducation physique et sportive. Or les trois heures du mercredi après-midi représentent 250 millions d'euros, ou 5 000 ETP. Nous avons l'assurance d'une activité, manque néanmoins le contrôle sur le contenu, qui ne dépend pas de moi - Fernand Duchaussoy est dans une situation comparable vis-à-vis des clubs de football. Si tous partagent les objectifs, les choses changent difficilement.

Mme Michèle André, présidente. - L'égalité est, chez vous, une évidence. Il arrive toutefois qu'il soit nécessaire de rappeler une évidence, de l'accompagner.

M. Laurent Petrynka. - Le professeur du mercredi choisit les activités selon ses affinités ; du coup, il ne se porte guère sur la danse, le step, le fun et la forme.

Je travaille sur la communication. Comme me le disait un responsable de la rédaction de L'Equipe, nous avons un point commun : « nous sommes un peu ringards tous les deux ». Lui reçoit le courrier des lecteurs - souvent des lecteurs de plus de 40 ans qui protestent contre les changements. Mais nous, nous sommes une fédération scolaire, la plus jeune des fédérations. Nous avons donc lancé il y a quelques semaines un site internet afin de toucher nos cibles : le million de jeunes, d'abord, les 35 000 professeurs et aussi les 9 500 présidents d'associations sportives, sans oublier les parents d'élèves. Nous créons des événements plus médiatiques, de la rencontre des internats d'excellence, en juin à Nice, à celle de 70 lycées de l'AEFE, à Arcachon en mai.

Le ministre nous a demandé de développer le sport scolaire pour qu'il attire un élève sur deux d'ici 2013. La circulaire du 2 septembre dernier prévoyant des vice-présidences des associations sportives, nous regroupons les vice-présidentes à La Baule à l'occasion d'une biennale de la danse, afin de les aider à construire leur projet. Nous souhaiterions d'ailleurs collaborer avec vous autour des jeunes qui s'investissent ainsi. Nous les invitons bien sûr au CNOSF, mais l'on peut aussi faire comme pour le prix de l'éducation : il serait bon qu'elles voient le Sénat, qui est une grande institution de la République.

Mme Michèle André, présidente. - Bien sûr, c'est une bonne idée. J'accueille toujours avec plaisir les scolaires, même très jeunes : leur découverte de la pratique démocratique est toujours une riche expérience.

M. Laurent Petrynka. - Je vous remettrai une étude plus précise.

Mme Michèle André, présidente. - Je suis contente de voir l'ambition qui est la vôtre. Il ne faut pas hésiter à rappeler des objectifs qui peuvent paraître évidents comme la mixité, et votre convention avec l'Education nationale va dans ce sens. C'est aussi une façon de confirmer un engagement citoyen.

M. Laurent Petrynka. - Un audit est en cours.

Mme Michèle André, présidente. - Et Bercy, toujours à la recherche d'économies, risque de trouver que vous coûtez cher. Heureusement, vos professeurs sont bien présents devant les élèves.

M. Laurent Petrynka. - La formation des professeurs doit insister sur les aspects que vous soulevez ici. Profitons des changements en cours pour aborder plus franchement ces sujets. Les jeunes professeurs sont déjà plus sensibilisés que leurs prédécesseurs : nous avions une formation en psychologie avant la création des IUFM.

Mme Michèle André, présidente. - Des confirmations ne sont jamais inutiles car il y a des retours en arrière - sans quoi, une égalité se serait instaurée depuis longtemps... Tout n'est pas acquis, on le voit bien dans les milieux parlementaires lorsque l'on observe qui est à la tribune.

M. Laurent Petrynka. - On doit en effet rester vigilant.

Mme Michèle André, présidente. - Y a-t-il une différence outre-mer ?

M. Laurent Petrynka. - Pour avoir passé dix ans en Guyane, je connais mieux l'arc Antilles-Guyane. L'envie de sport est plus forte là-bas, mais les difficultés sociales y sont plus grandes : les filles quittent l'école plus tôt et les grossesses sont plus précoces.

Mme Michèle André, présidente. -Et à Mayotte ?

M. Laurent Petrynka. - C'est une catastrophe pour nous, car le conseil général qui apportait beaucoup, jusqu'au paiement des licences, a ramené son aide de 300 000 euros à zéro... L'année sera donc très grise, j'en suis très triste. Nous repartirons ensuite avec d'autres méthodes de financement.

Mme Michèle André, présidente. - Cela s'inscrit dans un contexte plus large, que nous avions découvert à l'occasion d'une mission sénatoriale.

Je vous remercie beaucoup des informations que vous nous avez apportées et de l'ambition que vous nous avez présentée.