Mardi 5 avril 2011

- Présidence de M. Claude Belot, président -

Bilan de la décentralisation - Audition de M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF)

La Délégation procède à l'audition de M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF).

M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France. -

L'article 1er de notre Constitution affirme désormais que l'organisation de la République est décentralisée. Sont ainsi conciliés le mouvement des libertés locales, résultant d'une construction complexe et continue (grande loi municipale de 1884, décentralisation de 1982...), et l'unité comme principe fondateur de notre République.

D'une part, l'unité implique :

- l'intégration des collectivités dans une organisation institutionnelle républicaine ; une collectivité territoriale ne constitue pas un « Etat dans l'Etat » quelle que soit la majorité politique en fonction ;

- l'intégration des enjeux nationaux et internationaux dans les politiques publiques locales.

D'autre part, le développement des libertés locales engendre une reconnaissance des collectivités s'agissant :

- de la définition de l'intérêt général ;

- de l'autonomie de gestion et d'initiatives ;

- de l'efficacité du principe de subsidiarité.

La définition de l'intérêt général résulte ainsi d'une oeuvre commune. L'intérêt général n'est pas uniquement porté par l'Etat. Cette influence du national sur le local (contraintes et enjeux nationaux) et du local sur le national (expériences locales, connaissance des acteurs...) participe à la qualité du débat public et à l'efficacité des réponses apportées dans le cadre d'un véritable dialogue républicain.

Dans ce contexte institutionnel, les relations entre le Gouvernement et l'AMF reposent sur un partenariat loyal mais exigeant.

S'agissant des libertés locales, l'AMF ne peut que se féliciter du processus continu de leur développement. Ce mouvement a porté dans un premier temps sur la gestion des collectivités : élection, suppression de la tutelle. Certains aspects sont actuellement en cours d'amélioration : la rationalisation de l'intercommunalité, les règles électorales applicables aux petites communes, le statut de l'élu...

Parmi les évolutions relatives aux libertés locales, il faut aussi souligner le renforcement de la place du citoyen dans le débat public. Un mouvement législatif continu a développé de nouveaux outils : conseil de quartier, consultations, grands débats publics... L'AMF soutient ces nouvelles libertés locales dans la mesure où elles permettent l'épanouissement de la citoyenneté et non l'affirmation de la primauté des préoccupations individuelles sur l'intérêt général. Ainsi, ces nouveaux droits ne doivent pas remettre en cause la place des élus dans le processus décisionnel et se garder de favoriser des mécanismes défensifs, corporatistes ou individualistes face à des projets de développement correspondant à un intérêt général. Ces nouveaux droits ne doivent pas entraîner un allongement excessif de la phase préparatoire des projets. Il s'agit d'améliorer la qualité de ces derniers et non de contribuer à « l'impuissance publique ».

S'agissant de l'unité institutionnelle, les communes et intercommunalités revendiquent un partenariat fort avec l'Etat.

L'AMF est consciente des contraintes et des enjeux nationaux et internationaux auxquels doit faire face le Gouvernement. Ainsi, dans un cadre financier contraint, les collectivités ne peuvent s'exonérer de participer à l'effort de la Nation s'agissant du rétablissement des comptes publics. Toutefois, l'Etat doit également s'abstenir de stigmatiser la gestion des collectivités, caractérisée par un endettement faible et par des dépenses d'investissement motrices pour l'économie nationale, et surtout de leur faire supporter l'essentiel des coûts des nouvelles normes qu'il a décidées unilatéralement.

L'unité institutionnelle suppose également un dialogue permanent et constructif. C'est pourquoi j'avais appelé solennellement l'attention du Président de la République, lors du congrès des maires de novembre 2010, sur la nécessité impérative de réactiver, sur une base rénovée, la conférence nationale des exécutifs, et je me réjouis des décisions récentes prises en ce sens par le Premier ministre et le ministre chargé des collectivités territoriales.

Ce dialogue doit porter sur l'ensemble des dispositifs législatifs et réglementaires affectant les dépenses (normes, compétences, statut des fonctionnaires...) et les recettes (impôts, dotations...) des collectivités. Il doit s'organiser sur des instances rénovées, avec un ordre du jour, des travaux et documents préparatoires, un suivi des décisions.

Ce dialogue implique également une présence efficiente de l'Etat dans les territoires : un rôle actif du sous-préfet dans les territoires ruraux, des leviers efficaces en matière de rénovation urbaine...

Enfin, s'agissant de l'organisation des collectivités territoriales, l'AMF s'inscrit dans une démarche d'amélioration de l'existant. Elle n'a pas souhaité un approfondissement des compétences transférées aux communes, notamment dans le cadre de la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004, alors que les départements et les régions étaient demandeurs de nouveaux transferts.

Toutefois, l'AMF a obtenu, dans la loi de 2004 et dans le cadre de la réforme territoriale, que la commune soit confirmée dans son statut de première collectivité publique de proximité et dans sa vocation généraliste (la clause générale de compétences a ainsi été maintenue pour les communes).

L'AMF souligne le rôle essentiel des élus municipaux pour gérer les territoires et conforter la cohésion sociale. Elle souhaite préserver certains pouvoirs (pouvoirs de police, pouvoirs en matière d'urbanisme...) et certains moyens financiers (impôts, dotations...) qu'ils peuvent mutualiser, uniquement s'ils le souhaitent et à l'unanimité, au sein de l'intercommunalité.

M. Edmond Hervé. - Une commune ne peut pas vivre de manière isolée et entretient nécessairement des relations avec d'autres collectivités ou structures publiques. Je souhaiterais donc savoir quelles sont, selon vous, les relations qu'une commune peut entretenir avec un département en tant que collectivité territoriale, mais aussi en tant que niveau déconcentré de l'Etat dans le cadre actuel de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et du contexte de mutation des services déconcentrés de l'Etat ?

Quelle est la position de l'AMF sur la question des maires délégués en cas de fusion de communes ?

Qu'en est-il également de la position de l'AMF sur la fiscalité locale et les ressources des communes ?

Enfin, l'AMF a-t-elle travaillé, ces dernières années, à la recherche de réponses aux questions qui se posent sur le statut de l'élu local, et notamment sur le statut du maire ?

M. Rémy Pointereau. - Quelle est la position de l'AMF sur le seuil d'application du scrutin de liste pour l'élection des conseillers municipaux et donc pour la mise en oeuvre du fléchage pour la désignation des conseillers communautaires ? Il semblerait en effet que l'AMF ait été favorable au seuil de 500 habitants. Or, comme j'ai pu le constater, dans mon département par exemple, ce seuil suscite des réticences fortes chez les élus qui le souhaitent plus élevé afin de « dépolitiser » les débats électoraux.

Par ailleurs, les nouvelles commissions de coopération intercommunale (CDCI) sont en train de se mettre en place ; elles seront réunies par les préfets à la fin du mois d'avril. Ces derniers ont réalisé un travail important au niveau des communes isolées et au niveau des communautés de communes de moins de 5 000 habitants. Toutefois, certaines réticences demeurent. Il en va notamment ainsi de certaines communautés de communes, y compris de plus de 5 000 habitants, qu'il est envisagé de faire fusionner avec des EPCI de zones urbaines. Ces communautés correspondent à une envie et à une habitude de travailler ensemble de la part des communes qui les constituent. N'y a-t-il pas un risque que de telles fusions fassent voler en éclat l'unité qui les anime et qui va souvent au-delà des sensibilités politiques ? Quelle est la position de l'AMF en la matière ?

M. Jacques Pélissard. - La RGPP est pour moi un impératif de bonne gestion publique pour l'Etat. Mais il convient néanmoins d'être prudent dans sa mise en oeuvre. Les petites communes, notamment, perdent l'assistance qu'elles trouvaient auprès de l'Etat en matière d'ingénierie publique. Pour elles, une substitution s'opère, puisque le vide causé par le retrait de l'Etat est compensé par les départements ou les intercommunalités. Dans les faits, nous en arrivons donc à un transfert de charges qui pesaient auparavant sur l'Etat ; c'est une situation qui n'est pas forcément choquante dans son principe, mais dont il faut avoir conscience et qu'il est donc bon de rappeler. Les communes de taille moyenne (petites villes, villes de sous-préfecture...), sont également impactées par la chute des effectifs de l'Etat.

En ce qui concerne les départements, j'observe deux types d'actions correspondant à deux niveaux différents : il y a, d'un côté, des projets d'investissement dans le cadre desquels communes et départements agissent en partenariat, et, d'un autre côté, les actions en matière sociale. Celles-ci relèvent des départements, mais je pense que les villes sont souvent mieux équipées que les départements pour piloter l'action sociale. La loi du 13 août 2004 ouvrait d'ailleurs la possibilité de l'« appel à responsabilité » permettant à un département de déléguer, sous son contrôle, les missions et les moyens financiers aux villes pour gérer l'action sociale. Toutefois, ce dispositif n'a pas été suffisamment utilisé et j'ai même pu constater, sur le terrain, des découpages étranges, le département conservant l'aide sociale aux familles avec enfants et la ville se voyant déléguer l'aide sociale aux personnes isolées et aux sans-abri. C'est pourquoi, il me paraît essentiel de retrouver un peu de cohérence et les villes, si elles sont volontaires bien sûr, peuvent, à mon avis, faire d'excellents opérateurs de la gestion d'ensemble de ces dossiers sociaux sur délégation des départements.

J'en viens maintenant aux interrogations touchant aux « petites communes ». Je rappelle que nous avons conditionné la mise en place de communes nouvelles au principe d'unanimité : soit unanimité des votes des conseils municipaux, soit, à défaut, unanimité constatée par référendum. La création d'une commune nouvelle peut alors conduire à la mise en place de maires délégués. Deux cas de figure peuvent, à mon sens, se présenter :

- soit plusieurs petites communes, qui comptent parfois quelques dizaines ou centaines d'habitants, se regroupent entre elles pour réaliser des économies en termes de moyens de fonctionnement (secrétaire de mairie, budget, compte administratif...) ;

- soit une commune d'une taille « critique » absorbe une petite commune voisine, avec l'accord de son conseil municipal ou de sa population.

Il s'agit de démarches intéressantes, que j'observe effectivement dans la pratique, à condition bien sûr que le principe du volontariat des communes participantes soit effectif et que le principe de l'unanimité des votes qui en découle soit respecté.

En ce qui concerne la fiscalité locale, c'est une question à laquelle l'AMF a beaucoup réfléchi. Les situations sur le terrain sont d'abord très différentes : on rencontre en particulier des communes qui avaient des vraies richesses fiscales de taxe professionnelle (TP) et d'autres qui vivaient uniquement sur la fiscalité du foncier non bâti et sur les donations d'Etat. Aujourd'hui, en l'état de la réforme de la TP, qui possède des qualités intéressantes en termes de compétitivité de notre pays et de garantie de nos recettes, ce qui compte ce sont les démarches engagées en matière de péréquation sur le territoire. Pour la première fois en France, la loi de finances pour 2011 donne un cap à l'horizon 2015 (2 % de recettes fiscales, soit un peu moins d'un milliard d'euros) et un outil (un fonds national de péréquation). Mais les modalités restent en cours d'élaboration, ce qui se fait de manière concertée entre les différents représentants des élus municipaux : AMF, Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), Association des communautés urbaines de France, et tout le reste du « bloc local » (les villes moyennes, les petites villes...).

L'idée est évidemment que la péréquation se fasse au niveau de ce « bloc local » avec un prélèvement qui concerne les communes qui disposent d'une certaine « richesse fiscale ». Il ne s'agit pas de prendre en compte le potentiel fiscal au sens strict, mais un potentiel financier élargi, c'est-à-dire l'ensemble de la richesse d'une commune y compris, par exemple, les revenus d'un casino, en excluant toutefois les ressources affectées (taxe d'enlèvement des ordures ménagères, versement transport...). La collecte pourra ensuite se faire au niveau d'un fond national et la répartition s'opérer sur la base d'une série de critères incorporant par exemple la richesse des habitants ou les charges supportées par les communes.

Sur la question du statut de l'élu, les avancées sont lentes, ce qui tient notamment au fait que nous comptons plus de 36 000 maires. Il sera donc plus aisé d'avancer rapidement sur le statut des présidents d'intercommunalité, nettement moins nombreux.

Pour répondre à la question relative à l'intercommunalité, je rappellerai que la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales pose le principe d'un fléchage pour l'élection des délégués communautaires des communes où est en vigueur le scrutin de liste ; mais elle n'a pas déterminé le nouveau seuil de population à compter duquel il sera recouru à ce type de scrutin. C'est une autre loi, qui vient d'être déposée sur le Bureau du Sénat, qui le définira. Il est vrai que moi-même, devant le comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Edouard Balladur comme devant la mission que présidait au Sénat M. Claude Belot, j'avais évoqué le chiffre de 500 habitants car, à l'époque, la fédération des maires ruraux ne souhaitait aucun seuil pour le déclenchement du scrutin de liste. Aujourd'hui, après de nombreuses consultations, je suis arrivé à la conclusion qu'il s'agit d'un seuil trop bas et qu'il conviendrait de le fixer à 1 000 ou à 1 500 habitants, seuil qui serait significativement en dessous de l'actuel seuil de 3 500 habitants. Par ailleurs, le fléchage, s'il permet à la population d'intégrer et d'identifier les futurs délégués communautaires, alors qu'actuellement les citoyens connaissent peu leurs représentants dans les intercommunalités, n'est pas forcément adapté à toutes les situations locales.

S'agissant des CDCI, nous avons beaucoup débattu à l'Assemblée nationale et au Sénat pour que celles-ci aient un rôle, notamment avec la possibilité de présenter un schéma alternatif au schéma préfectoral, ce qui est possible à la majorité des deux tiers. Nous avons également oeuvré pour que les communes désignent, ensemble, des listes uniques pour les CDCI. Aussi, dans 70 départements, et cela mérite d'être relevé, on a enregistré une liste unique présentée par l'association départementale avec un équilibre politique. C'est à mon sens, le prélude à un fonctionnement harmonieux des CDCI qui pourront soit avaliser les propositions du préfet, soit, au contraire, émettre leurs propres propositions.

M. Claude Belot. - Si vous deviez dresser un bilan de la décentralisation, quel jugement porteriez-vous sur ce qui a été fait depuis près de trente ans ?

M. Jacques Pélissard. - La décentralisation s'est incontestablement révélée positive. Les lois de 1982-1983, à l'époque contestées par certains, étaient bonnes, comme l'ont ensuite été celles qui ont poursuivi le mouvement, en particulier la loi de 2004.

Ce bilan positif concerne bien entendu la gestion de nos espaces territoriaux, en particulier de nos communes, qui en ont directement bénéficié. Il porte aussi sur l'évolution culturelle des maires : quand ils étaient sous tutelle de l'Etat, les maires avaient une responsabilité allégée et une tendance à n'être « que » les représentants des habitants - en situation de demande, ou de contestation par rapport à l'Etat. La responsabilité impliquée par la décentralisation a transformé les élus locaux : elle leur a imposé de s'inscrire dans une véritable démarche de gestionnaire, en se posant la question de ce qu'il faut pour leur territoire, de ce qui est important pour son devenir, des efforts fiscaux susceptibles d'être demandés aux habitants... Tout cela, c'est un changement culturel, porteur de responsabilisation des maires, qui me paraît tout à fait intéressant.

La loi de 2004 a complété le mouvement, en particulier sur le plan intercommunal. En 2002, j'avais, en ma qualité d'élu local, pris l'initiative de mutualiser les services de la ville et ceux de l'intercommunalité par la création d'une direction générale commune des services. La chambre régionale des comptes, tout en trouvant l'idée bonne, m'a dit que c'était totalement illégal. Elle avait raison : je ne pouvais pas avoir un même personnel - un directeur général et deux directrices adjointes - intervenant sur la ville et sur l'intercommunalité, avec le paiement par l'un ou par l'autre. La loi du 13 août 2004 a modifié les choses en permettant expressément la mutualisation des services entre les communes et l'intercommunalité. La loi du 16 décembre 2010 a d'ailleurs amplifié ce phénomène. Tout ce mouvement va également dans le sens d'une responsabilisation des élus et d'une meilleure qualité de la gestion locale.

M. Pierre Jarlier. - Au fil du temps, les maires se sont vu confier de nouvelles responsabilités, notamment en matière de droit des sols, qu'ils ont d'ailleurs progressivement exercées au travers de différentes démarches - les SCOT, les PLU... Toutes ces prestations ont été menées en partenariat étroit avec l'Etat, notamment via les anciennes directions départementales de l'équipement. Mais, aujourd'hui, au moins dans certaines parties du territoire, les plus rurales, l'Etat se retire ; les élus se trouvent ainsi avec la responsabilité du droit, mais sans soutien pour les aider à l'exercer. Cela survient en outre à un moment où des lois imposent plus de planification, plus d'anticipation - on parle du PLU intercommunal, par exemple - et rendent nécessaires de nombreuses études en amont. La carence en ingénierie locale risque de compromettre cela. Beaucoup d'intercommunalités s'organisent, mais quelquefois elles n'ont pas la taille suffisante pour pouvoir aborder ces sujets-là. Je voulais donc avoir le sentiment du président de l'AMF sur ce sujet : qui pourrait, demain, assurer l'ingénierie sur le territoire, en remplacement de ces services de l'Etat, pour que cette organisation décentralisée de l'Etat perdure, avec le relais des collectivités ?

M. Jacques Pélissard. - Pour répondre à cette question, je crois qu'il faut faire une distinction entre deux niveaux d'intervention. Il y a d'abord le niveau national, à l'échelle duquel l'AMF s'efforce, dans le cadre d'une démarche de partenariat, de conserver les savoir-faire, les compétences, les connaissances pour irriguer les propres services municipaux. C'est par exemple ce que nous faisons dans le cadre du CERTU (centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques). Puis, il y a une démarche plus locale, consistant à recourir, au niveau des intercommunalités, à des bureaux d'études qui puissent faire face au désengagement de l'Etat, à la disparition des DDE ou des DDA sur les prestations qu'elles assumaient auparavant. C'est une nécessité pour les intercommunalités ; elles en ont juridiquement la possibilité, mais c'est effectivement une charge qu'elles supporteront dorénavant au lieu et place de l'Etat.

Pour répondre à l'interrogation de M. Rémy Pointereau sur les fusions impliquant des communautés de communes de plus de 5 000 habitants, il me semble que le premier paramètre à prendre en compte devrait être la volonté de la communauté elle-même : si une communauté de communes de plus de 5 000 habitants veut rester seule avec son fonctionnement antérieur, il me paraît normal que sa volonté de rester dans cet ensemble qui a fait ses preuves, soit respectée.

M. Claude Belot. - Je reviens sur la question de l'ingénierie soulevée par M. Pierre Jarlier pour apporter un témoignage.

C'est un fait que l'on constate partout : l'Etat se désengage. Il faut donc bien que quelqu'un prenne le relais pour accomplir les tâches dont il ne se charge plus. Je préside depuis longtemps un syndicat de voirie qui réunit 460 communes sur les 472 que compte mon département. C'est ce syndicat qui, depuis près d'un an et demi, s'acquitte des tâches auparavant assurées par l'Etat en apportant aux communes une assistance technique (préparation des chantiers, des marchés, assistance à la préparation des arrêtés de voirie, plans...). J'ai mis en place ce dispositif en recrutant pour le syndicat les personnels de l'Etat qui en étaient au préalable chargés ; pour le financer, les communes s'acquittent d'une contribution dont le montant n'excède pas celui de la contribution, pourtant modique, qu'elles versaient précédemment à l'Etat. Au final, nous avons un système qui donne satisfaction, de surcroît de proximité, sans dépenser plus.

M. Jacques Pélissard. - Je confirme, monsieur le président. Dans ma communauté de communes de 33 000 habitants, j'ai mis en place un bureau d'études, pour tout ce qui est voirie, hors communauté de communes, hors compétences transférées. Ce bureau d'études, que l'on finance, était l'extension du bureau d'études municipal de la ville-centre. Les communes membres versent simplement l'équivalent de l'ATESAT (assistance technique fournie par l'Etat pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire) de l'époque. On ne couvre pas complètement les frais, mais cela marche bien. Et je confirme totalement ce que vous dites : quand on récupère - et c'est ce que j'ai fait à plusieurs reprises - des personnels de l'Etat, il y a un temps d'acclimatation pour qu'ils prennent l'habitude de gérer le temps. Pour l'Etat, le temps ne compte pas, pour les collectivités, il compte ; donc, la productivité implique aussi une bonne perception du temps et de sa gestion.

M. Pierre Jarlier. - Ce sont des expériences intéressantes. Il y a juste un problème très critique : ce type de solution est valable à partir de vingt ou trente mille habitants ; en dessous, cela devient compliqué, parce qu'il n'y a pas de rentabilité du dispositif. Dans les secteurs ruraux, il faudrait peut-être aller plus vers des solutions départementales.

M. Jacques Pélissard. - C'est vrai : selon le seuil de population, la mutualisation peut être opérée soit dans le cadre intercommunal, soit dans le cadre départemental. L'expérience a d'ailleurs déjà été conduite. Cela a déjà été tenté, que le département, dans le secteur rural en particulier, mette en place un bureau d'études départemental. Donc, là, il y a une masse de dossiers à traiter, il y a une masse suffisante de compétences, avec une bonne mutualisation ; mutualisation impossible, dès lors qu'on a vingt ou trente mille habitants. Au-delà, il faut une mutualisation organisée par le département.