Jeudi 19 mai 2011

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Séminaire international sur la féminisation de la pauvreté - Compte rendu de Mme Françoise Laborde

Mme Françoise Laborde présente le compte rendu de sa participation au Séminaire international sur la féminisation de la pauvreté, organisé par la Chambre des députés du Chili, à Valparaíso, les 7 et 8 mars 2011.

Mme Michèle André, présidente. - J'ai demandé à Françoise Laborde de nous rendre compte, en quelques mots, du Séminaire international sur la féminisation de la pauvreté, organisé par la Chambre des députés du Chili, à Valparaíso, les 7 et 8 mars 2011, au cours duquel elle a représenté notre délégation

Mme Françoise Laborde. - A la demande de M. le Président du Sénat, et à l'invitation de Mme Alejandra Sepúlveda Orbenes, qui était alors présidente de la Chambre des députés du Chili et qui a aujourd'hui cédé la présidence conformément au droit institutionnel en vigueur, je me suis rendue le 7 mars dernier, en tant que vice-présidente de notre délégation aux droits des femmes, à un séminaire international sur la féminisation de la pauvreté, organisé par la Chambre des députés du Chili, qui a réuni à Valparaíso une trentaine de parlementaires de tous pays et de tous continents.

Avant de vous présenter les recommandations adoptées dans la « Déclaration de Valparaíso », dont la signature a clos nos débats, je vous parlerai rapidement des problématiques soulevées par la féminisation de la pauvreté et, en particulier, de celles qui ont fait l'objet de la troisième table-ronde, à laquelle j'ai participé, et qui traitait de la pauvreté des femmes en lien avec le travail et l'éducation.

Précisons tout d'abord, rapidement, le sujet dont nous parlons : « découvert » en quelque sorte dans les années 1970 et vulgarisé au début des années 1990, ce concept de féminisation de la pauvreté reflète l'accentuation de la différence entre les taux de pauvreté des hommes et des femmes, ou des ménages dirigés par une femme, d'une part, et des ménages dirigés par un homme ou un couple, d'autre part. Ce concept implique donc une évolution, distincte de la prévalence du taux de pauvreté, plus élevé chez les femmes ou les ménages dirigés par une femme.

La féminisation de la pauvreté est un phénomène mondial, puisqu'aujourd'hui les femmes représentent 70 % des pauvres de notre planète et 60 % des travailleurs pauvres. Ces chiffres traduisent une détérioration de la situation des femmes, imputable, selon les associations internationales spécialisées, à leur statut dans les deux systèmes dominant actuellement notre société-monde : le patriarcat et le néolibéralisme. Ces deux systèmes se conjuguent souvent pour maintenir les femmes en état de pauvreté ; l'un vise à conserver entre les mains des hommes tous les pouvoirs privés et publics, matériels et spirituels, politiques, économiques et culturels, et le second à disposer d'une réserve de main-d'oeuvre bon marché et docile. N'oublions pas, enfin, la troisième cause de la pauvreté des femmes, à savoir la guerre, qui les spolie de tous leurs biens, leur enlève leur travail, les jette dans des camps de réfugiés et leur fait subir des violences extrêmes.

Si le thème de la féminisation de la pauvreté n'a pas fait l'objet d'un rapport de notre délégation en tant que tel, il traverse toutes nos thématiques. Le rapport de la délégation pour l'année 2005-2006 sur « Familles monoparentales, familles recomposées » a, en particulier, relevé une tendance insuffisamment connue : la paupérisation croissante des parents isolés et, plus spécifiquement, des mères en France, qui est au coeur du sujet dont nous parlons aujourd'hui.

En France, le phénomène reflète également les inégalités persistantes sur le marché du travail. Ainsi, la délégation a eu l'occasion de souligner à diverses reprises que :

- les femmes en France représentent 60 % des emplois non qualifiés et 30 % des femmes qui travaillent ont un emploi sans qualification reconnue ;

- les femmes sont très majoritaires (83 %) parmi les salariées à temps partiel ;

- les différences de salaire restent importantes : ainsi, les femmes sont près de deux fois plus souvent au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) que les hommes, et les deux-tiers des salariés à bas salaires sont des femmes. Même à emploi et compétence égales, les femmes gagnent en moyenne 25 % de moins que les hommes ;

- ces différences ont pour conséquence, en moyenne, des retraites plus faibles ;

- enfin, les femmes demeurent toujours plus touchées que les hommes par le chômage : 8,3 % sont au chômage en 2008, contre 7,3 % pour les hommes.

Étant également membre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, j'ai choisi de participer, lors du séminaire de Valparaiso, à la table-ronde consacrée aux femmes, au travail et à l'éducation, et c'est donc les débats autour de cette problématique que je vous rapporterai aujourd'hui.

Nous sommes partis des constats suivants :

Les premiers concernent les modèles des marchés du travail. Bien que les femmes aient intégré le marché du travail en plus grand nombre durant ces dernières décennies, les marchés du travail continuent à favoriser les hommes.

Quel que soit le pays, le marché du travail est conditionné par le modèle familial traditionnel (un bon salaire pour l'homme, la femme à la maison). Ce modèle repose sur la conception du mariage tout au long de la vie : dans cette configuration, l'homme est le travailleur idéal car il ne s'occupe pas des tâches domestiques.

Par ailleurs, l'une des causes principales des inégalités de genre sur le marché du travail réside dans la persistance de la « sexuation » de certaines tâches, consistant notamment à réserver aux femmes les responsabilités relatives aux soins aux personnes, comme si l'on projetait dans la sphère professionnelle la capacité « naturelle » de la femme à être mère.

Les seconds concernent les modèles de la structure familiale : les familles monoparentales sont le plus souvent constituées de femmes : 88 % en Amérique latine, 85 % en France, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en 2005 ; les femmes ont pris un rôle de plus en plus important dans la structuration de la famille.

Ces deux facteurs conjugués expliquent en grande partie l'état de soumission dans lequel se trouvent les femmes dans les différentes dimensions de leur vie.

Les discussions qui ont eu lieu lors de la table-ronde ont fait émerger des propositions communes qui ont servi de base à la déclaration finale. Je voudrais, ici, en souligner quelques-unes qui me paraissent particulièrement importantes :

- l'absence de « temps libre » contribue à l'aliénation des femmes (temps employé aux tâches domestiques, aux soins aux descendants et ascendants âgés qui s'ajoutent aux activités professionnelles) ;

- il faut valoriser le revenu de la femme au foyer dans le produit intérieur brut (PIB) car, au-delà du pouvoir économique, c'est de reconnaissance sociale et familiale dont elles ont besoin ;

- les inégalités sont entretenues par des cadres culturels puissants, qui encouragent les différentes formes de discrimination de genre. C'est donc dès le plus jeune âge qu'il faut intervenir pour apprendre aux petites filles à dire non.

A l'issue des débats, le séminaire international a adopté la « Déclaration de Valparaíso », en vertu de laquelle les participants se sont engagés à partager l'information qui les aidera à prendre des décisions et élaborer des politiques capables de répondre à cette problématique.

Parmi ces engagements, je citerai ceux qui me paraissent les plus importants et, notamment :

- la création d'écoles à amplitude horaire étendue et une meilleure couverture des centres de soins pour les enfants ;

- l'adoption de politiques publiques orientées vers le soin aux enfants et aux personnes âgées, que la femme assume traditionnellement. Ainsi devrait être encouragée l'ouverture de crèches, ou de maisons de retraite et de soins aux personnes âgées ;

- l'intégration du travail domestique non rémunéré aux Comptes nationaux, en en reconnaissant la valeur ajoutée au produit intérieur brut (PIB).

Au-delà de ces engagements, les débats auxquels j'ai pu participer au cours de ce séminaire ont conforté ma conviction que, nonobstant la différence des contextes, des cultures et des niveaux économiques, les femmes subissent, partout dans le monde, le poids des mêmes stéréotypes qui les maintiennent dans un état de faiblesse économique, mais aussi psychologique.

Je souhaite que la Déclaration de Valparaíso constitue non une fin, mais une étape dans l'action concertée internationale visant à lutter contre les causes qui maintiennent les femmes dans l'état de pauvreté et c'est avec ce nouvel éclairage que je prendrai part aux travaux, en ce sens, de notre délégation.

Comme vous avez pu l'entendre entre les lignes de mon exposé, les femmes continuent d'être la cible de stéréotypes forts, dans leur milieu personnel comme professionnel, qui tendent à les cantonner dans des rôles subalternes ou subordonnés. Ce sont ces stéréotypes qu'il faut continuer à combattre. Et ce combat commence à l'école. C'est en effet en intervenant dès le plus jeune âge que l'on peut espérer un changement des comportements et c'est en ce sens que nous en sommes tous responsables.

Je terminerai ce court exposé en évoquant le reste du programme de mon déplacement, puisqu'il a été pour moi l'occasion de visiter le lycée français de Santiago du Chili et l'Alliance française de Valparaíso-Viña del Mar.

Mme Michèle André, présidente. - Les problématiques que vous soulevez nous sont, hélas, familières puisque ce sont celles sur lesquelles la délégation tente d'attirer l'attention depuis l'origine de sa constitution. Je vous suis reconnaissante d'avoir bien voulu accepter de faire ce déplacement, notamment pour apposer la signature du Sénat français sur la Déclaration de Valparaíso.

Mme Françoise Laborde. - Je tiens à souligner que la signature de cette déclaration officialise un travail au plus long cours puisque la réunion des parlementaires de Valparaíso s'inscrivait dans le cadre des décisions prises lors de la 6ème réunion des présidents des Parlements, qui s'était tenue en juillet 2010 à Berne, en Suisse.

Étant la seule européenne, j'ai eu le sentiment de représenter le Sénat français et parfois aussi, un peu, l'Europe. En ce sens, Valparaíso est une étape de travail qui vise, notamment, à inciter les parlementaires à continuer les échanges.

Par ailleurs, j'ai pu visiter deux lycées français ainsi qu'une l'Alliance française. A ce propos, les responsables du lycée français de Santiago du Chili m'ont indiqué que si le français était toujours apprécié et pratiqué, ils avaient dû cependant proposer un enseignement de l'anglais pour éviter que les familles ne leur préfèrent des établissements anglophones.

Mme Michèle André, présidente. - En effet, la Déclaration de Valparaíso s'inscrit dans tout un ensemble de conférences et d'instruments juridiques internationaux, comme la déclaration et le programme d'action de Pékin, adoptés en septembre 1995, ou la Convention des Nations unies de 1979 pour l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes (CEDAW), dont nous avions célébré le 30e anniversaire dans un colloque au Palais du Luxembourg, ou encore le Sommet parlementaire mondial en amont du G8/G20, réuni à l'invitation de Mme Danielle Bousquet, et auquel j'ai participé en début de semaine, sur le thème « Jeunes filles et enjeux de développement ».

Ce Sommet, qui réunissait des parlementaires de nombreux pays issus des différents continents s'est accordé pour reconnaître que l'éducation des jeunes filles constituait un véritable enjeu : trop souvent négligée, elle est encore largement dominée par le poids des traditions ou sacrifiée sur l'autel du néolibéralisme.

Mme Gisèle Gautier. - En tant que membre de l'Union interparlementaire et membre de la coordination des femmes parlementaires, j'ai eu l'occasion de discuter de ce sujet à diverses reprises et de constater que les femmes qui sont dans des situations de dépendance les plus graves sont également celles qui sont le moins éduquées. Même si ce problème ne touche pas spécifiquement la France, où nos préoccupations vont plus naturellement vers la problématique de la parité en politique, il me semble que l'accès des femmes à l'éducation et à la formation est un sujet essentiel qui doit tous nous mobiliser.

Mme Michèle André, présidente. - Je remarque que la Déclaration de Valparaíso souligne la faible représentation des femmes en politique puisque les femmes occupent seulement 19,2 % des sièges de parlementaires dans le monde. Or, pour que la cause des femmes en général soit entendue par les responsables politiques, il est essentiel d'augmenter le nombre de femmes dans les assemblées parlementaires.

A ce sujet, je souhaite attirer votre attention sur le communiqué de presse que j'ai diffusé le 13 mai 2011 à la demande de notre Bureau pour mettre en garde les partis politiques contre une possible régression du nombre de femmes élues au Sénat lors du renouvellement du 25 septembre 2011.

J'ai également adressé des courriers dans ce sens aux responsables des partis politiques représentés au Parlement ainsi qu'aux présidents des groupes politiques du Sénat pour leur rappeler leurs responsabilités et je vous invite à relayer auprès d'eux ces préoccupations, en leur rappelant le chemin qui nous reste à parcourir pour parvenir à une égalité véritable au Sénat.

Femmes et sports - Audition de M. Jean-Marc Lassus, chargé de mission « développement » auprès de la Fédération française d'équitation (FFE)

La délégation procède ensuite à l'audition de M. Jean-Marc Lassus, chargé de mission « développement » auprès de la Fédération française d'équitation (FFE).

Mme Michèle André, présidente. - Je vous demande tout d'abord d'excuser l'absence de notre collègue, Jacqueline Panis, retenue dans son département pour accueillir la visite du président du Sénat et qui, en tant que première vice-présidente de la délégation mais surtout en tant que directrice d'un centre équestre, aurait souhaitée être parmi nous.

La délégation a choisi de consacrer son rapport thématique en 2011 aux femmes et au sport et c'est dans ce cadre que nous recevons M. Jean-Marc Lassus, chargé de mission « développement » auprès de la Fédération française d'équitation (FFE), dont nous savons qu'elle est l'une des fédérations les plus mixtes en France.

M. Jean-Marc Lassus, chargé de mission « développement » auprès de la Fédération française d'équitation (FFE). - En effet, les femmes sont majoritaires partout au sein de la FFE ; c'est là une de ses principales caractéristiques qui explique que nous ne manquions pas de candidates pour atteindre le taux de 50 % de femmes administrateurs au sein du conseil d'administration. Je commencerai par dresser un bref historique de la Fédération française d'équitation afin de replacer dans son contexte la progression des femmes qui représentent aujourd'hui 80 % des licenciés.

Troisième fédération française en nombre après le football et le tennis, la FFE a pris récemment un nouvel essor puisqu'elle dépasse désormais les fédérations de basket et de judo. Cette évolution récente n'est pas sans lien avec la présence des femmes en son sein.

Soulignons, avant toute chose, la spécificité de la discipline équestre : mettant en relation deux athlètes, l'homme et le cheval, l'équitation, avant d'être une discipline sportive, est une communion entre un homme et un animal. Je pense que ce lien avec la nature, ainsi que la dimension très sociale d'une pratique qui est devenue un sport, expliquent en grande partie l'investissement très fort des femmes dans cette discipline, et pas seulement en tant que cavalières. En qualité de directeur d'un centre équestre à Orléans, j'ai pu constater que ce sont majoritairement les mères qui amènent leurs enfants au club.

Cette forte présence féminine peut aujourd'hui paraître paradoxale étant donné la dimension militaire à l'origine de l'équitation. Rappelons que la loi de 1821, qui instaure en France la possibilité de faire des paris sur les courses de chevaux, était motivée par la volonté de constituer un vivier de chevaux rapides pour la guerre.

Le mouvement olympique ensuite, porté par Pierre de Coubertin à la fin du XIXème siècle, repose sur une forte dimension guerrière. Après la Seconde Guerre mondiale qui décime les chevaux en France, l'équitation devient un « sport de riches », l'entretien du cheval constituant un véritable luxe auquel peu de gens peuvent prétendre. Il est d'ailleurs significatif de constater que le verbe « équiter » - soit, littéralement, « aller à cheval »- disparaisse du dictionnaire en 1954...

Heureusement, l'action concertée du ministère de l'agriculture et du ministère « jeunesse et sports » a permis de relancer la filière. Le premier a investi des moyens dans les années 1970 pour diversifier les races de chevaux et soutenir le développement des races de poneys, notamment. Le second, classant l'équitation dans les « sports à risques », a rendu obligatoire l'obtention d'un diplôme d'Etat pour encadrer la pratique.

J'ai moi- même assisté, enfant, au développement de la filière « poney » qui connaît aujourd'hui un franc succès auprès des enfants et constitue le socle de la fédération.

Aujourd'hui auteur d'ouvrages de pédagogie par le jeu, assistant social et éducateur sportif, j'ai dirigé la FFE durant quelques années ainsi que l'organisation associative de la profession équestre, au sein de laquelle Mme Jacqueline Panis était administrateur.

La seconde spécificité de la FFE réside dans l'originalité juridique de son organisation puisque je vous rappelle que l'exploitant d'un centre équestre est un agriculteur. Premier sport à bénéficier d'une convention collective en 1975, l'équitation est le premier employeur sportif à l'heure actuelle : l'emploi dans cette filière, dont je vous rappelle qu'il est régi par le droit privé, représente 18 % de l'emploi sportif.

Si la loi sur le développement des territoires ruraux de 2004 a consacré juridiquement le caractère agricole des activités de préparation, d'entraînement et d'exploitation des équidés domestiques, un centre équestre ouvert au public a toujours été, avant tout, une ferme. C'est la raison pour laquelle j'ai coutume de dire que les exploitants des centres équestres, qui consacrent la majorité de leur temps aux travaux de la ferme, aux soins et au dressage des chevaux, se « transforment » certains jours, en particulier le mercredi et le samedi, durant quelques heures, en professeurs de sport.

Vous aurez compris que ce métier, qui demande un investissement fort, requiert des compétences très variées qui vont des soins aux chevaux jusqu'à la pédagogie en passant par l'accueil du public, autant de qualités qui, à mon sens, expliquent l'investissement progressif de la filière par les femmes depuis le début des années 1980.

Aujourd'hui prépondérantes parmi les cavalières et les salariées des centres équestres, elles constituent aussi la majorité des dirigeantes de centres équestres depuis 2008. Néanmoins, comme dans les autres sports, leur nombre se réduit dans le sport de haut niveau.

En m'appuyant sur les documents de présentation qui vous ont été distribués, je vais commenter la place actuelle des femmes au sein de la fédération :

- s'agissant des élus, il y a certes, à l'heure actuelle, plus d'hommes que de femmes dans le Bureau, mais le comité fédéral est composé de façon paritaire et la FFE a été présidée par une femme, Mme Jacqueline Reverdy, de 2000 à 2005 ;

- comme l'indique le document de communication intitulé « Premier sport féminin, où sont les hommes ? », la FFE s'inquiète à l'heure actuelle de sa parité. C'est pourquoi elle axe sa communication sur la mixité de ce sport, comme vous le verrez prochainement dans le sport publicitaire qui va être diffusé sur les écrans de télévision.

Néanmoins, comme le prouve la photo d'une petite fille caressant la tête d'un poney en « Une » de l'une des plaquettes de communication, la FFE sait aussi tirer profit du lien affectif privilégié qui s'établit dans la relation entre les filles et les chevaux.

Dans toutes les disciplines équestres, les filles sont omniprésentes, comme vous pourrez le constater par vous-mêmes à travers les photos de cette plaquette.

Dans le sillage des deux athlètes « phares » de la fédération à l'heure actuelle, Pénélope Leprevost et Kevin Staut, les filles ont investi toutes les disciplines, y compris le « horse ball », pratique collective qui repose sur un lourd engagement physique et, pour cette raison, traditionnellement masculine.

Il est intéressant de remarquer que, dans le document de présentation du haut niveau, cette fois-ci les hommes redeviennent majoritaires, à l'exception de l'épreuve d'endurance, qui consiste en une course de 160 km d'une traite, dans laquelle, paradoxalement, les filles restent majoritaires.

Même si Pénélope Leprevost, vice-championne du monde en titre du saut d'obstacles, s'illustre particulièrement dans l'épreuve de saut, cette discipline reste encore dominée par les hommes, de même que l'épreuve de dressage, au sein de laquelle les femmes peinent à stabiliser leur place à haut niveau.

Un autre document vous présente le Parc équestre fédéral de Lamotte, « maison pour les poneys et les enfants », comme l'a souhaité Serge Lecomte, actuel président de la FFE et ancien président du mouvement « poney » à l'origine. Chaque année, en juillet, le parc se transforme en une véritable ville pour accueillir le plus grand rassemblement équestre au monde, 30 000 personnes venant voir concourir 10 000 enfants et 10 000 poneys.

Enfin, je vous ai transmis le résumé de l'étude de Fanny Le Mancq, intitulée « Des carrières semées d'obstacles : l'exemple des cavalier-e-s de haut niveau », qui s'intéresse aux différences entre les carrières masculines et féminines de compétition, dans les sports équestres et, plus particulièrement, dans la discipline du saut d'obstacles.

Comprendre l'économie de la discipline est ici essentiel : un cavalier, dans cette discipline, n'est pas seulement un sportif professionnel, mais aussi un chef d'entreprise sur lequel le propriétaire du cheval aura investi pour « préparer » le cheval, dès sa naissance, à la compétition de haut niveau. La course d'obstacles sera l'aboutissement d'un long et patient accompagnement du cheval par son cavalier qui passe par une succession d'épreuves et de soins quotidiens. Autant dire que c'est un choix de vie, socialement et financièrement lourd, que les femmes hésitent à faire, notamment parce qu'il implique de lourds sacrifices au plan familial.

Du fait de la forte présence des femmes dans la fédération, la question de la conciliation entre vie privée et vie professionnelle est un sujet qui nous préoccupe particulièrement : la commission originale que nous avons mise en place au sein de la fédération réunissant des médecins du travail de la mutualité sociale agricole et des médecins du sport autour des problématiques particulières rencontrées par les femmes dans nos métiers doit se réunir au mois de juin avec, pour ordre du jour, les questions liées à la maternité : quelles sont les conséquences de la toxicité de certains produits vétérinaires sur la santé de la femme enceinte et peut-on organiser un corps de remplacement lorsque les salariées partent en congé-maternité ? Autant de questions auxquelles nous tenterons d'apporter des réponses.

Je terminerai ce court exposé en vous alertant sur le sujet qui préoccupe à l'heure actuelle toute la filière équestre du cheval en France : la Commission européenne a traduit la France devant la Cour de justice au motif que le taux de TVA appliqué aux livraisons, importations et acquisitions de chevaux serait contraire au droit communautaire.

Si nous passons effectivement du taux réduit au taux plein, comme c'est le cas déjà pour l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Autriche, au motif que le cheval ne fait pas partie des denrées alimentaires, les conséquences économiques et sociales seront dramatiques pour le secteur qui repose sur des entreprises privées dont les tarifs, à l'heure actuelle, permettent à un grand nombre d'accéder à la discipline équestre, puisqu'une heure d'équitation coûte 12 euros, soit moins qu'une leçon de piano !

Outre que l'on va casser la dynamique de l'emploi, puisque la filière cheval créé 1 000 emplois par an, c'est également la vie des territoires qui est en jeu puisque les investissements privés dans de petites entreprises agricoles sur tout le territoire sont un facteur essentiel du développement durable.

Mme Michèle André, présidente. - J'imagine que vous avez saisi le ministère ou les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale à ce sujet ?

M. Jean-Marc Lassus. - Nous avons été reçus par le groupe d'études du cheval du Sénat, dont fait partie Mme Jacqueline Panis, qui a déposé une question orale à ce sujet le 17 mars 2011, transmise au ministre de l'agriculture. Par ailleurs, nous avions rendez-vous avant-hier avec les conseillers économiques du président de la République, mais j'ai bien peur que la filière cheval pâtisse d'une mesure plus générale qui vise l'agriculture dans son ensemble, ce qui rend la problématique plus complexe. En ce sens, nous ne sommes pas la cible, mais les victimes collatérales du « rouleau compresseur » européen.

Mme Michèle André, présidente. - Nous connaissons bien, hélas, cette problématique : la filière « cheval » n'est malheureusement pas la seule activité dont l'économie est bouleversée par la réglementation européenne. D'après cette réglementation, le livre électronique ne serait plus un produit culturel, mais un service, soumis à la TVA applicable à ce secteur.

M. Jean-Marc Lassus. - En ce qui concerne le cheval, c'est son exclusion par la Commission européenne de la catégorie « denrée alimentaire » qui entraîne le relèvement du taux de TVA. Cette décision est d'autant moins cohérente que l'on consomme encore en France environ 57 000 chevaux, dont seulement 10 000, il est vrai, sont originaires de France, le reste provenant d'Amérique latine, notamment. Et le cheval n'est pas le seul secteur concerné : les filières du coton, du chanvre, du lin, des fleurs tomberont bientôt sous le coup des décisions de l'administration européenne. Or, j'insiste là-dessus, l'équitation n'est plus un sport de riche, mais un sport très répandu...

Mme Michèle André, présidente. - ... et qui présente de grandes vertus thérapeutiques et éducatives. Ayant exercé une profession au contact d'enfants en souffrance, j'ai pu constater que la communication subtile avec le cheval peut modifier les comportements et soulager l'isolement dans des cas de maladies mentales. Je vous remercie pour cet exposé brillant et pour la passion avec laquelle vous avez partagé avec nous votre amour du cheval.

M. Jean-Marc Lassus. - Etant enfant de laboureur, c'est aussi mon histoire que je vous transmets à travers l'histoire du cheval.

Mme Gisèle Gautier. - Comme les autres membres de la délégation, je suis admirative devant votre parcours et votre investissement personnel. Je souhaite revenir sur la question de l'accès des femmes aux compétitions de haut niveau, dont vous nous avez dit qu'il était parsemé d'obstacles, notamment eu égard à leur statut de mère.

Comment faire pour que les femmes ne soient pas toujours stoppées dans leurs ambitions par leur statut de femmes et, en particulier, par leurs maternités ?

M. Jean-Marc Lassus. - Comme je vous l'ai dit au cours de mon exposé, les choses sont entrain d'évoluer dans la discipline équestre. Il n'est plus rare de trouver des femmes au plus haut niveau parmi les cavaliers. Marie-Christine Duroy, qui a brillé en « concours complet », a eu un premier enfant à 45 ans, Pénélope Leprevost, vice-championne du monde au saut d'obstacles, a déjà eu un enfant. Meredith Beerbaum, première femme numéro 1 mondial dans la même discipline, s'est absentée durant sa maternité et revient actuellement brillamment dans la compétition.

Pour garder la confiance des propriétaires de chevaux, ces femmes sont condamnées à être secondées d'un deuxième cavalier. Mais, pour le reste, comme souvent, ce n'est pour elles qu'une question d'organisation : les femmes sont en train de trouver la clef pour concilier leur vie familiale et, néanmoins « garder leur piquet de cheval ». N'oublions pas que les femmes ont cette relation particulière au cheval qui supplée souvent la force dont elles manquent et qui remet les choses sur le plan de l'égalité.

Mme Françoise Laborde. - Vous avez insisté, en propos liminaire, sur le rôle privilégié qu'ont les femmes dans les soins des chevaux, l'accueil du public et la pédagogie. Revenant d'une Conférence internationale sur la féminisation de la pauvreté, où il a été beaucoup question du cantonnement des femmes dans des tâches de soins aux personnes, où l'on valorise plus leur rôle de mère que de professionnelle, je ne peux m'empêcher de relever le stéréotype pour le regretter.

M. Jean-Marc Lassus. - Dans le « soin » au cheval, j'incluais aussi tous les travaux liés à l'élevage et à la ferme, ce qui décale un peu le propos.

Néanmoins, je reste convaincu que les femmes ont une sensibilité particulière, tant envers les hommes qu'envers les chevaux, qui leur confère une place particulière dans la filière équestre et ne les empêche pas d'avoir aujourd'hui « pris les cordons de la bourse » puisque, comme je vous le disais, elles sont aujourd'hui majoritaires dans la direction des centres équestres.

Pour conclure, je dirai que, chez les « hommes de chevaux », la parité est aujourd'hui une réalité bien intégrée et que nous avons réglé les questions de stigmatisation en ne nous posant plus la question.

Femmes et sports - Audition de Mme Lucienne Redercher, adjointe au maire de Nancy, en charge des droits de l'homme et de la lutte contre les discriminations, accompagnée de M. Franck Porterat, chargé de mission aux droits de l'homme, à l'intégration et à la lutte contre les discriminations à la Ville de Nancy

La délégation procède enfin à l'audition de Mme Lucienne Redercher, adjointe au maire de Nancy, en charge des droits de l'homme et de la lutte contre les discriminations, auteure d'un projet intitulé « Ensemble, faisons équipe contre les discriminations ! », accompagnée de M. Franck Porterat, chargé de mission aux droits de l'homme, à l'intégration et à la lutte contre les discriminations à la Ville de Nancy.

Mme Michèle André, présidente. - Vous êtes adjointe au maire de Nancy en charge de la lutte contre les discriminations. Nous vous avons fait venir sur la suggestion de notre première vice-présidente, Mme Jacqueline Panis, qui avait pris connaissance de votre projet et qui est malheureusement retenue dans son département ce matin. Je vous donne la parole pour nous parler des discriminations dont les femmes sont victimes dans le sport, en rapport avec le thème de réflexion retenu cette année par notre délégation.

Mme Lucienne Redercher. - Mme Jacqueline Panis, sénatrice de notre territoire, a suivi nos travaux depuis le début, et je suis heureuse qu'elle ait recommandé notre audition. Nous avons délibérément souhaité n'exclure aucune forme de discrimination, car nos travaux s'inscrivent dans un projet global de promotion des droits de l'Homme et de lutte contre les discriminations. Notre démarche est une démarche de longue durée, qui a commencé l'année dernière et devrait s'achever en 2016. Je suis partisane d'une évaluation ponctuelle à mi-parcours qui nous permettra le cas échéant de vérifier que nos travaux vont dans le bon sens.

Dans cette démarche, nous avons reçu l'appui de la Ville de Nancy et de son office municipal des sports, de la communauté urbaine du Grand Nancy, de l'Unesco, de la Coalition européennes des villes contre le racisme et de l'UEFA, Nancy ayant été pré-retenue pour l'organisation de l'Euro 2012.

Nous sommes partis de la Charte olympique qui dit, en substance : « la pratique du sport est un droit de l'Homme. Chaque individu doit avoir la possibilité de faire du sport sans discrimination d'aucune sorte et dans l'esprit olympique, qui exige la compréhension mutuelle, l'esprit d'amitié, de solidarité et de fair-play... Toute forme de discrimination à l'égard d'un pays ou d'une personne fondée sur des considérations de race, de religion, de politique, de sexe ou autres est incompatible avec l'appartenance au Mouvement olympique... ».

Notre volonté de lutte contre les discriminations se voulait une démarche de cohésion et de rassemblement prenant le sport comme outil fondamental.

Nous avons commencé par établir un diagnostic du problème, qui a fait apparaître les difficultés des équipes féminines ou de handisport et le problème de leur médiatisation. Les discriminations existent indiscutablement dans le sport mais les valeurs dont il est porteur peuvent en faire également un véhicule pour lutter contre ces dérives.

Des campagnes de communication menées par le mouvement sportif et les institutions européennes constituent de bonnes pratiques à poursuivre et à enrichir (le réseau FARE [Football against racism in Europe], « tous contre le racisme » ou encore le Conseil de l'Europe « Dites non à la discrimination », campagne à laquelle la Ville de Nancy s'est associée en 2009). Cependant, très peu de collectivités locales se sont engagées dans ce domaine.

Une fois ce diagnostic posé, nous avons mis en place un projet afin de remplacer les idées reçues par une véritable éthique de la différence.

Nous avons tout d'abord établi un calendrier, dont le point de départ a été constitué par le colloque des 21 et 22 mai 2010, qui s'est tenu à l'Hôtel de ville, sous la forme d'ateliers/tables-rondes rassemblant des clubs sportifs nancéiens (amateurs et professionnels), des associations de lutte contre les discriminations, des personnalités nationales, des universitaires et des élus. Nous avons eu la chance de pouvoir nous appuyer sur l'Unité de formation et de recherche (UFR) en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) de l'Université Nancy 1. Cette journée, qui s'est déroulée à l'hôtel de ville de Nancy était placée sous le patronage du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Le colloque avait pour but d'évoquer l'existence effective et les causes de ces discriminations, d'échanger des expériences et des bonnes pratiques et de rechercher des solutions efficaces pour lutter contre cet état de choses. La synthèse du colloque devait ensuite nous servir de base pour l'écriture d'une charte ou d'un code de bonne conduite sur lequel s'engageraient les associations sportives nancéiennes.

Les débats ont été organisés autour de cinq tables-rondes mettant en lumière les discriminations les plus flagrantes, dont l'existence a parfois été difficile à admettre pour certains de nos partenaires. Ces tables-rondes ont porté sur : le racisme dans le sport, le sexisme et la place du sport féminin, le handicap et la place du handisport, l'orientation sexuelle et le sport, l'égalité des chances dans l'accès aux pratiques et aux équipements sur nos territoires.

Le soir précédent, nous avions projeté un documentaire de Michel Royer diffusé à plusieurs reprises sur Arte et intitulé « Homosexualité et sport, c'est quoi le problème ? ». Le colloque a rassemblé 230 participants et 400 internautes ont pu participer au débat par internet. Les débats ont ensuite été diffusés sur le site internet de la ville.

Dans le souci d'impliquer ceux qui ne participent habituellement pas aux colloques et de faire connaître nos travaux au plus grand nombre, nous avons organisé le 22 mai au soir, en conclusion du colloque, un grand rassemblement populaire place Stanislas, devant l'hôtel de ville, baptisé « Tous à la gym place Stan ». Les membres des clubs sportifs, mais aussi les Nancéiens et les touristes ont été invités à faire, ensemble, des mouvements simples de gymnastique, accessibles à tous, en rythme et en musique, afin de montrer que le sport pouvait et devait rassembler au-delà des différences de chacun.

A cette occasion, nous avons distribué un millier de bracelets arborant le slogan « Ensemble, faisons équipe contre les discriminations ! ». Les bracelets étaient symboliquement disponibles en cinq couleurs. Cinq comme les cinq anneaux olympiques. Les couleurs représentaient les quatre ethnies du monde (noir, blanc, jaune, rouge). La cinquième, le vert, représentait à la fois les terrains de sport et le développement durable.

Nous avons également réalisé un premier clip, produit par une association bénévole et amateur, dans lequel apparaissent notamment des parlementaires et d'autres élus attachés à ces valeurs et qui avaient participé au colloque.

Nous avons ensuite créé un comité de suivi, auquel étaient invitées à participer toutes les personnes présentes au colloque pour apporter une expertise, formuler des propositions et pérenniser le projet jusqu'en 2016, année où la France, et probablement l'agglomération nancéienne, accueilleront le championnat d'Europe de football.

Les membres du comité ont bénéficié d'une formation sur les discriminations et ont reçu un kit sur ce sujet, afin que le travail soit bien compris de tous.

Comme nous souhaitons sensibiliser à ce projet tous les citoyens et notamment les enfants, nous avons organisé, la veille du lancement de la Coupe du monde de football en Afrique du Sud, des projections du film « Invictus » auxquelles ont assisté 700 enfants de 9 à 11 ans et 300 bénévoles associatifs. Ces projections ont eu un impact positif d'après les enseignants.

Le 29 mars 2011, dans le cadre des courses de la Saint-Nicolas et en partenariat avec l'Association sportive des Postes et Télécommunications (ASPTT), 4 050 scolaires de 6 à 11 ans ont couru en portant un bracelet et un tee-shirt reprenant le slogan « Ensemble, faisons équipe contre les discriminations ! ».

En sensibilisant les enfants, nous sensibilisons aussi les parents de façon beaucoup plus efficace.

Le projet « Ensemble, faisons équipe contre les discriminations dans et par le sport ! » a été présenté à trois reprises à l'automne 2010 aux Nancéiens, à l'occasion de trois événements organisés par la Ville dans le cadre de manifestations importantes et régulières :

- « Faites du sport », présentant les clubs sportifs dans un grand centre commercial, rassemblant des milliers de visiteurs ;

- « la Journée d'accueil des nouveaux Nancéiens », présentant tous les services de la ville à 600 nouveaux habitants de Nancy ;

- « Les associations en fête », événement où 300 associations ont présenté leurs activités à des milliers de Nancéiens, dans le plus grand parc de la ville.

Le 9 février 2011, la première présentation de la charte « Ensemble, faisons équipe contre les discriminations ! » a été l'occasion d'un échange autour du projet global avec les associations sportives nancéiennes. Les présidents des clubs ont été invités à nous faire des remarques.

A l'automne 2011, vraisemblablement en septembre, en lien avec la communauté urbaine, une nouvelle vidéo du projet, faisant intervenir plus de sportifs, pourrait être diffusée dans divers établissements (clubs masculins, féminins, amateurs ou professionnels).

Ce texte a vocation à être proposé à la signature de tous les clubs nancéiens. La liste des clubs signataires sera diffusée, à destination principalement des parents, sur le site internet de la ville de Nancy. Les associations sportives qui s'engageront sur les neuf points recevront une labellisation spécifique, matérialisée par notre logo.

Nous récompenserons les clubs signataires qui auront mis en place les meilleurs projets. Nous avons également l'intention d'organiser des échanges entre les adhérents des associations sportives qui auront signé la charte et certaines villes étrangères avec lesquelles nous avons tissé des liens dans le domaine de la lutte contre les discriminations, comme notamment Uppsala en Suède.

La charte sera affichée dans les clubs qui l'auront signée et notre logo figurera sur les cartes d'adhérents.

M. Porterat va maintenant vous lire le projet de Charte.

M. Franck Porterat, chargé de mission aux droits de l'homme, à l'intégration et à la lutte contre les discriminations à la Ville de Nancy. - Par ce texte, les associations sportive signataires s'engagent à :

1. proposer à tous les adhérents de l'association de signer la présente charte ;

2. admettre que la pratique du sport est un élément d'épanouissement du corps et de l'esprit qui exige la compréhension mutuelle, le respect, la solidarité et le fair-play. C'est pourquoi le sport doit être accessible à chaque être humain sans discrimination d'aucune sorte ;

3. reconnaître qu'une inégalité de traitement liée à l'âge, au sexe, à l'origine, à une situation de famille, à l'orientation sexuelle, aux moeurs, aux caractéristiques génétiques, à l'appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race, à l'apparence physique, au handicap, au patronyme, aux opinions politiques, aux convictions religieuses et aux activités syndicales, si elle n'est pas dûment et sportivement justifiée, constitue une discrimination ;

4. affirmer, notamment dans leurs règlements intérieurs, que la pratique de toute forme de discrimination est un délit et, par conséquent, incompatible avec l'appartenance à l'association ;

5. relever et prendre les sanctions adéquates contre tout acte discriminant, ainsi que contre toutes les agressions verbales ou physiques, infligés en raison d'une appartenance réelle ou supposée à l'un des critères énoncés à l'alinéa 3 ;

6. promouvoir par tous les moyens disponibles la diversité, la tolérance, le respect, la dignité et la lutte contre les discriminations au sein de l'association ;

7. mettre en place des outils de sensibilisation à la lutte contre les discriminations, à destination des dirigeants, éducateurs et/ou entraîneurs de l'association. La forme et les moyens que peuvent prendre cette éducation à la lutte contre les discriminations sont à définir par chaque association ;

8. apporter aide et soutien aux adhérents, entraîneurs, arbitres, spectateurs ou toutes personnes évoluant dans l'association, victimes de harcèlement, d'insultes ou de mise à l'écart en raison de son appartenance réelle ou supposée à l'un des critères énoncés à l'alinéa 3 ;

9. agir à chaque signe de discrimination constaté et mettre en place des remédiations. Selon le degré de gravité, informer les instances en charge de la lutte contre les discriminations afin de constater l'évolution des comportements dans le milieu sportif et d'ajuster les actions à entreprendre.

Un document annexe à la charte sera remis aux président(e)s des associations sportives. Ce document contiendra les coordonnées des organismes susceptibles de les accompagner, s'ils le souhaitent, dans leur démarche de sensibilisation à la lutte contre les discriminations (alinéa 7 de la charte), ainsi que les coordonnées des instances à contacter en cas de discriminations constatées (alinéa 9 de la charte).

Mme Michèle André, présidente. - Pouvez-vous nous donner plus d'éléments concrets sur les discriminations envers les femmes ? Comment l'adjoint au sport de votre ville a-t-il perçu vos travaux ? Y a-t-il été associé ?

Mme Lucienne Redercher. - Dès le début de notre travail, nous avons eu une approche transversale, avec notamment l'association de la délégation du sport de Nancy mais aussi de celle de la communauté urbaine. Il y a donc eu un travail consensuel.

S'agissant des femmes, je vous transmettrai à l'issue de la réunion le compte-rendu de l'atelier consacré à la place du sport féminin. Cet atelier, après une présentation historique a décrit un certain nombre de cas concrets de discriminations. Je pense notamment aux difficultés rencontrées par l'une de nos rares arbitres féminines de football en région lorraine qui doit constamment prouver sa compétence ; ou à la disparité dans les aides distribuées aux équipes masculines et féminines. Ainsi, en PTK - une nouvelle discipline proche du volley et du badminton -, lors d'un déplacement pour une compétition au Brésil, les frais de voyages de la délégation masculine ont été pris en charge et non ceux de la délégation féminine.

La ville a mis en place certaines initiatives pour essayer de rétablir un équilibre. Ainsi, l'adjointe au sport a-t-elle développé des stages pour les enfants dans lesquels la parité doit être respectée. Un prix des sports féminins a été institué pour le valoriser.

Je considère que le premier pilier dans cette politique est l'école. Nous avons la chance qu'un certain nombre d'enseignants soient sensibilisés et la proximité avec l'UFR STAPS permet la mise en place d'outils permettant de résoudre certains problèmes.

Je tiens également à saluer l'action de Christian Chantepie, président de l'Association sportive de basket du quartier Haut-du-Lièvre qui présidait l'atelier consacré au sexisme dans le sport. A travers son association, il a permis aux femmes de ce quartier de jouer toutes ensemble dans des tenues normales pour ce sport d'équipe. Aujourd'hui, six femmes de son association sont engagées dans la compétition.

Mme Françoise Laborde. - Je souhaite avoir des précisions quant à l'utilisation du terme « moeurs » dans l'article 3 de votre charte. Ne serait-il pas intéressant d'inclure le mot « laïcité » dans l'article 6 ?

Mme Lucienne Redercher. - J'ai moi-même dans un premier temps été surprise par ce terme de « moeurs », mais à force de le voir évoquer dans nos travaux, j'ai fini par m'y habituer. Vos réactions sont précieuses et peuvent nous permettre de revoir notre texte avant la réunion du 30 mai 2011.

M. Franck Porterat. - Cet article reprend les dispositions de la loi contre les discriminations.

Mme Françoise Laborde - Alors, s'il s'agit de la reprise d'un texte législatif, peut être serait-il préférable d'en indiquer la source et de le citer entre guillemets.

Mme Gisèle Gautier. - J'aurais moi aussi une suggestion à vous faire pour que votre charte aborde aussi la question des « violences ».

M. Franck Porterat. - Les articles 5 et 8 de la charte l'évoquent à travers la notion d'agression, de harcèlement ou d'insulte.

Mme Gisèle Gautier. - Oui, indirectement, mais la notion générale de « violences » n'est pas évoquée.

M. Yannick Bodin. - Moi aussi j'aurais un conseil à vous donner, basé sur notre expérience quotidienne de parlementaires : rechercher la rédaction la plus concise car plus un texte est long et détaillé, plus il est sujet à interprétation.

Mme Françoise Laborde. - Peut-être pourriez-vous resserrer la rédaction de l'article 3 et citer en annexe des extraits de la loi dont vous vous inspirez.

M. Roland Courteau. - Je tiens à vous dire à quel point je trouve votre projet remarquable. Je pense que le sport est l'école de la vie, et que la lutte contre les discriminations en est un volet indispensable. J'aurais trois questions à vous poser : avez-vous une idée du nombre de personnes touchées par votre projet ? Comment vérifierez-vous l'application de la charte ? Et enfin, pensez-vous que d'autres communes peuvent s'inspirer de votre initiative, et si oui peuvent-elles vous contacter ?

M. Franck Porterat. - Nous avons reçu hier un appel de la municipalité de Toulouse...

Mme Lucienne Redercher. - ... et avant-hier de celle de Reims. Nous sommes toujours prêts à expliquer notre démarche. Nous travaillons déjà avec les villes auxquelles nous sommes liés dans le cadre d'un jumelage, ainsi qu'avec des villes voisines et nous recevrons prochainement la visite d'une délégation de Toulouse. Nous avons un certain nombre d'échanges avec les villes de la Coalition européenne des villes contre le racisme, même s'il faut reconnaître que Nancy n'est pas une ville très exposée aux violences urbaines.

Les bonnes intentions ne valent que lorsque les projets qui s'en réclament font l'objet d'une évaluation. Je ne peux vous dire aujourd'hui comment nous contrôlerons l'application de la charte, le dossier est à l'étude au service juridique, en lien avec la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE).

M. Franck Porterat. - Le public touché est le suivant : Nancy compte 108 000 habitants, 120 clubs amateurs, 2 clubs professionnels et 20 000 sportifs. Le label sera proposé dans un premier temps à la ville, et a vocation ensuite à s'étendre à l'ensemble de la communauté urbaine.

Mme Michèle André, présidente. - L'office municipal des sports est l'outil naturel puisqu'il regroupe l'ensemble des clubs.

M. Franck Porterat. - Oui, mis à part les clubs professionnels.

M. Yannick Bodin. - Les associations sportives scolaires et universitaires seront-elles intégrées à votre projet ?

Mme Lucienne Redercher. - La question n'est pas encore tranchée car les modalités de leur participation ne sont pas réglées.

Mme Michèle André, présidente. - L'adjoint en charge des sports me semble constituer le bon intermédiaire.

M. Roland Courteau. - Oui, ou l'inspecteur d'académie.

Mme Lucienne Redercher. - Ce sont de bons contacts, mais il nous reste toutefois difficile de nous imposer dans le milieu scolaire.

M. Roland Courteau. - Avez-vous aujourd'hui des associations opposées à cette charte ?

M. Franck Porterat. - Non, mais sur les 120 associations invitées à la présentation de la charte, seules une vingtaine sont venues. Ce résultat n'est pas mauvais car il est difficile, d'une façon générale, de mobiliser le monde sportif. Toutefois, les associations qui nous ont contactés sont très positives.

Mme Michèle André, présidente. - Madame, Monsieur, mes chers collègues, je vous remercie.