Mercredi 9 novembre 2011

- Présidence de M. Daniel Raoul, président -

Efficacité énergétique - Examen du rapport et du texte de la commission

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 19 (2011-2012) de M. Ladislas Poniatowski sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'efficacité énergétique.

M. Daniel Raoul, président. - Nous examinons le rapport de M. Ladislas Poniatowski et les amendements portant sur la proposition de résolution n° 19 (2011-2012) relative à la proposition de directive sur l'efficacité énergétique présentée par la Commission européenne le 22 juin dernier.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Cette proposition de résolution porte sur un avant-projet de directive, transmis par les institutions européennes à tous les gouvernements de l'Union, qui se réuniront le 24 novembre prochain pour en discuter. C'est la première fois que nous nous saisissons aussi en amont, ce qui va permettre au Sénat, et en premier lieu à notre commission, de donner son point de vue et d'en faire part au Gouvernement. J'ai essayé, afin de renforcer la portée de notre proposition de résolution, de retenir les amendements susceptibles d'enrichir le texte et de parvenir à un consensus.

M. Roland Courteau. - Nous souhaitons que cette proposition de résolution soit offensive et exigeante, et permette au Sénat et à notre commission de faire entendre leur voix. Il s'agit aujourd'hui d'impulser un nouvel élan aux efforts visant à plus d'efficacité énergétique et d'économies d'énergie, à l'heure où cette dernière est de plus en plus importée et coûte de plus en plus cher. Il en va de la compétitivité de nos entreprises, de la réduction des gaz à effet de serre responsables du changement climatique, de l'allègement de la facture d'énergie, de la lutte contre la précarité énergétique et de la préservation de l'indépendance de notre pays en matière d'énergie.

Les dépenses énergétiques représentent désormais, pour les communes, 31 milliards de kWh, soit 2,25 milliards d'euros, ou encore près de 5 % de leur budget de fonctionnement. L'objectif de 20 % d'économies d'énergie à l'horizon 2020 s'éloigne peu à peu, puisque nous serions aujourd'hui à peine à mi-chemin. Si nous partageons les préoccupations de la Commission européenne, nous regrettons que son texte ne traite pas de certains secteurs pourtant très concernés par le sujet - tertiaire, logement privé, transport - et qu'il n'aborde pas la question du financement. Nous déposerons des amendements visant à y remédier.

M. Jean-Claude Merceron. - Même si la France a adopté d'ambitieux objectifs dans le Grenelle de l'environnement, il est aujourd'hui indispensable que des textes européens tels que celui-ci viennent contraindre nos dirigeants à les respecter. Certes, ce projet de directive peut être encore amélioré dans ses modalités ; néanmoins, il va dans le bon sens. Nous proposerons deux amendements visant respectivement à préciser que les compteurs intelligents délivrent une information sur la consommation et le prix de l'énergie en temps réel, et à donner une place centrale au régulateur afin d'inciter, par la politique tarifaire, à l'amélioration de l'efficacité énergétique dans les réseaux électriques et de chaleur. Une expérience menée en Vendée prouve que le travail en coopération sur des objectifs ciblés est efficace, et encourageant. 1 300 bâtiments publics, sur les 3 500 que comptent nos communes, ont fait l'objet d'un véritable audit énergétique. Pris en charge à hauteur de 20 % des dépenses seulement par les communes, grâce à divers cofinancements, ils généreront 72 millions d'euros de travaux dans les prochaines années, pour une opération d'audit sur trois ans qui aura coûté moins d'un million d'euros.

M. Michel Teston. - Le secteur des transports représentant une part importante de la consommation énergétique globale, nous nous étonnons qu'il ne soit pas abordé par la proposition de directive et qu'il ne soit pas traité par le rapporteur.

Mme Mireille Schurch. - La Commission européenne a justement rappelé, à travers sa proposition de directive, les défis sans précédent auxquels l'Union européenne est confrontée en matière énergétique, qu'ils soient économiques, environnementaux ou sociaux, et le moyen privilégié pour les relever. Nous souscrivons entièrement à ses objectifs, et notamment à la limitation des gaz à effet de serre, la réduction de la facture énergétique des ménages et des États, et l'amélioration de l'indépendance énergétique. Nous estimons cependant qu'il sera nécessaire, pour les atteindre, d'extraire la politique énergétique du libre-jeu du marché et de mettre en oeuvre des mécanismes de solidarité.

La Commission européenne note que la transition vers une économie plus sobre sur le plan énergétique devrait accélérer la diffusion de solutions technologiques innovantes et améliorer la compétitivité de l'industrie européenne en stimulant la croissance économique et en créant des emplois hautement qualifiés. Cela passe, selon nous, par la mise en oeuvre à l'échelle européenne d'une véritable politique industrielle, et non par le jeu de la concurrence ni par des mécanismes d'incitation fiscale.

S'agissant de la protection des consommateurs, que nous souhaiterions voir considérés comme des usagers, nous regrettons que la politique européenne, relayée au niveau national, aboutisse à un renchérissement des factures et à un renforcement de la précarité énergétique, en lien avec la problématique plus générale des logements insalubres et du mal-logement. L'instauration de compteurs intelligents ne nous semble pas susceptible de répondre à ces défis, le Bureau européen des unions de consommateurs s'inquiétant de la place importante qui leur est accordée et soulevant la question du rapport entre leur coût et leur utilité. En outre, nous regrettons nous aussi que le secteur des transports n'ait pas été pris en compte par la proposition de directive.

La proposition de résolution critique certains aspects du texte de la Commission européenne, en matière de financement ou de modalités d'application, que nous ne pouvons partager. Cependant, elle le rejoint dans son acceptation d'une politique libérale menée à l'échelle européenne. Or, nous sommes favorables à une politique associant, dans la plus grande transparence, citoyens et salariés. Aussi avons-nous déposé un amendement rappelant cette différence d'analyse, et nous demeurons réservés quant à notre vote sur le texte.

M. Jean-Claude Lenoir. - Le rapporteur, grâce à ses compétences et ses efforts de concertation, a réalisé un excellent travail sur un texte qui nous est donné à examiner très en amont. Les politiques européennes dont nous débattons en matière énergétique ont été fortement influencées par la démarche française du Grenelle de l'environnement ; notre pays, loin d'être en retard en ce domaine, devrait donc y jouer les tout premiers rôles à l'avenir.

Le Grenelle de l'environnement a démontré que le logement représente l'une des principales sources d'économies d'énergie, et l'efficacité énergétique est la clé pour améliorer le confort et le coût d'entretien des logements.

Certes, la question du financement est posée. Mais la réponse ne saurait venir seulement de la fiscalité : nos normes s'imposent, sans que nous devions chaque fois les accompagner d'incitations fiscales. Quant à vouloir qu'elles s'appliquent uniformément à l'Europe, je crois que ce serait présomptueux : mieux vaut viser d'abord une harmonisation des normes au sein de l'Union.

Le compteur intelligent, nous l'avons dit dans notre rapport avec Ladislas Poniatowski, représente une avancée capitale pour aider le consommateur à maîtriser sa consommation, mais aussi pour aider le gestionnaire de réseau à mieux distribuer l'électricité qui, je le rappelle, n'est pas stockée, ce qui suppose qu'elle soit produite au moment même où elle est consommée. À ce titre, l'efficacité énergétique commence par le fait de consommer toute l'énergie qui est produite. Du reste, les associations de consommateurs se sont unanimement ralliées à nos propositions pour le compteur intelligent, qui ne coûtera rien au consommateur.

L'efficacité énergétique est aussi une source d'investissements et d'emplois. Cependant, ici encore, il ne faut pas tout attendre du levier fiscal. La réduction de la consommation de carburant par les automobiles et l'apparition de véhicules électriques sont-elles les conséquences d'avantages fiscaux ? Non, c'est plutôt le fruit d'un formidable effort de recherche engagé par les constructeurs, qui se sont adaptés aux souhaits des consommateurs, dans un environnement concurrentiel où chaque constructeur anticipe sur la demande à venir.

Nous devons, enfin, définir une politique de solidarité énergétique en direction de nos concitoyens qui en ont besoin. Je rappelle, à toutes fins utiles, que l'ouverture du marché de l'électricité a été décidée par la loi du 10 février 2000, sous un gouvernement que mes collègues de gauche se souviennent peut-être avoir soutenu, et que le tarif social de l'électricité et du gaz a été mis en place après 2002, par un gouvernement que nous soutenions et qui a su prendre les mesures correctrices d'une ouverture décidée de manière peut-être trop hâtive.

Pour finir, je suis bien sûr favorable à une politique européenne de l'énergie, mais je n'oublie pas qu'elle suppose des avancées européennes en matière de production et de transport de l'énergie.

M. Daniel Raoul, président. - Je ne partage pas votre présentation de l'ouverture du marché de l'énergie, mais je ne doute pas que plusieurs de nos collègues, nombreux à demander la parole, vont vous le dire plus en détail.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Effectivement, car le plan « climat énergie » a été voté par le Parlement européen dès 2000 et le Grenelle de l'environnement, en fait, a transcrit des objectifs définis à l'échelon européen - à l'époque, la majorité présidentielle d'aujourd'hui était peu allante pour les traduire dans notre droit interne... Il n'est pas exact non plus d'attribuer la paternité du tarif social de l'énergie à un gouvernement de droite : des fonds étaient en place avant 2002 et le tarif social est inclus dans le service universel au sens de la directive européenne - lequel est un moindre mal puisqu'il aurait mieux valu maintenir un véritable service public de l'énergie.

Je regrette que la proposition de résolution ne donne pas plus de lisibilité à la politique européenne de l'énergie, avec des normes précises. Car nous avons besoin de perspectives jusqu'en 2050 au moins, tant les investissements sont importants et décisifs. Les normes sont certes contraignantes, elles peuvent nous gêner dans notre gestion quotidienne quand nous effectuons des travaux dans nos collectivités territoriales, mais elles présentent des avantages, en particulier pour structurer des filières industrielles, des savoir-faire. Voyez l'industrie du verre : Saint-Gobain est au premier rang pour la production de verre à faible émissivité, mais comme ce verre n'entre pas dans nos normes de construction, notre champion n'en vend pas en France, ce qui l'a conduit à le produire en dehors de l'Hexagone. Et si nous n'avons pas inclus le verre à faible émissivité dans nos normes c'est parce que, contrairement par exemple à nos voisins allemands, nous avons privilégié une approche globale plutôt que sectorielle de l'efficacité énergétique : nous ne sommes pas entrés dans le détail et nous nous sommes contentés de demander un résultat global aux architectes, ce qui explique en partie l'engouement pour les fenêtres en PVC dont le bilan énergétique est pourtant moins favorable.

Pour atteindre nos objectifs, ensuite, nous devons, au-delà même de l'efficacité énergétique, réduire notre consommation d'énergie.

Enfin, la bataille du financement n'est pas perdue d'avance. Le Feder, par exemple, n'était pas mobilisable pour financer des travaux dans le logement social, mais il l'est devenu pour les travaux qui font induire des économies d'énergie : nous l'avons emporté et nous pouvons aller plus loin, d'autant que les économies d'énergie sont un sujet consensuel en Europe.

M. Martial Bourquin. - Les objectifs qu'on nous propose sont excellents, mais les moyens de leur mise en oeuvre sont tout à fait dérisoires, surtout au regard des réponses que nous devons apporter à la crise ! Réduire les factures des consommateurs et notre dépendance énergétique, très bien, mais toute la solution n'est pas dans la cogénération ! Monsieur le rapporteur, vous faites comme si le Grenelle de l'environnement faisait de nous des champions européens, soyez plus réaliste : les premiers bilans qu'on peut lire du Grenelle ne sont pas si laudatifs - celui de l'association Carbone 4, par exemple, montre que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté ces dernières années dès lors qu'on y inclut les produits que nous importons, en particulier des pays où les normes environnementales ne sont pas les nôtres ! Nous ferions moins bien qu'il y a quelques années, alors que nos émissions de gaz à effet de serre, on se souvient que M. Jean-Louis Borloo le répétait à l'envi, avaient reculé de 10 % entre 1990 et 2009.

Il faut parler, ensuite, du ratage véritablement catastrophique de notre pays sur la filière photovoltaïque. L'Allemagne aura créé 400 000 emplois dans les énergies renouvelables, alors que nous en supprimons ! Nous avons besoin de politiques publiques ambitieuses pour soutenir nos entreprises de la filière. Cela a bien sûr un coût à court terme, mais pour des avantages certains. Dans mon hôtel de ville, par exemple, nous avons fait des travaux qui nous font économiser 70 % d'énergie, mais pour un coût d'un million d'euros : sans aide, je ne peux pas aller plus loin, c'est bien là que la fiscalité écologique est avantageuse !

Mme Laurence Rossignol. - La directive vise à rattraper les retards pris par les pays de l'Union, elle est un peu un rappel à l'ordre : nous n'avons donc pas à l'amodier, mais à la renforcer !

Vous dites, Jean-Claude Lenoir, que l'efficacité énergétique commence par la consommation de toute l'énergie que nous produisons. Notre ambition, c'est plutôt de ne pas produire plus que ce dont nous avons besoin. Je reconnais que c'est éloigné du paradigme énergétique français qui consiste, depuis des décennies, à consommer tout ce qu'on peut et à produire en conséquence...

M. Jean-Claude Lenoir. - Je ne suis certainement pas favorable à un tel système, qui n'est du reste pas le nôtre !

Mme Laurence Rossignol. - Quoiqu'il en soit, nous proposerons des amendements pour viser une production juste. Les Allemands, qui ne vivent certainement pas moins bien que nous, consomment 30 % d'énergie de moins dans le tertiaire et le logement, sans pour autant consommer plus de pétrole que nous : il y a là de quoi nous faire réfléchir !

M. Jean-Jacques Mirassou. - Les ambitions européennes sont louables, mais elles ne doivent pas nous faire perdre de vue la réalité, en particulier celle de la fracture énergétique. Il ne faut pas que, demain, on oppose ceux qui peuvent accéder à des outils très performants - pompes à chaleur et voiture électrique -, qui seront l'élite, les « bons éléments », et ceux qui n'y accéderont pas faute de moyens, y compris avec le tarif social et autres soutiens, et qui seraient considérés comme les pollueurs, les « mauvais éléments ». La réalité, c'est que la précarité énergétique fait que nombre de nos concitoyens ont froid l'hiver et qu'ils n'attendent pas un compteur « intelligent » pour les réchauffer. Alors, de grâce, n'y ajoutez pas de l'infamie !

M. Marc Daunis. - Je rejoins ce propos, car la question du chauffage et des charges énergétiques en général devient de plus en plus cruciale pour nos concitoyens : nous le constatons dans nos centres communaux d'action sociale.

Je regrette d'entendre Jean-Claude Lenoir nous dire que la fiscalité énergétique serait inefficace en prenant le seul exemple de l'automobile : le sujet est trop important pour que l'on se passe de sérieux et d'une certaine prudence. Je rappelle que dans la TIPP, le « T » désigne une taxe, et que c'est là un levier pour diminuer le tarif de l'énergie. Je vous invite, mes chers collègues, à ne pas vous livrer à des présentations fantaisistes où ce serait l'élection du Président Nicolas Sarkozy qui aurait permis le Grenelle de l'environnement : soyez plus respectueux de la réalité !

M. Roland Courteau. - À mon tour pour une mise au point. Qui est allé négocier l'ouverture de l'énergie à la concurrence, en 2002 ? Mme Nicole Fontaine, ministre de M. Jean-Pierre Raffarin. Et elle ne faisait que prolonger un mouvement amorcé par M. Alain Juppé dès 1996. Ensuite, au sommet de Barcelone en 2002, MM. Jacques Chirac et Lionel Jospin sont convenus d'une ouverture à la concurrence seulement pour les professionnels. Pour les ménages, deux conditions ont été posées : la présentation d'une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général et une étude d'impact sur l'ouverture totale. Or, c'est bien un gouvernement de droite qui a ensuite accepté l'ouverture à la concurrence pour les ménages sans que ces deux conditions soient satisfaites !

M. Daniel Dubois. - Je rejoins Jean-Jacques Mirassou et Martial Bourquin : la facture énergétique est un problème de plus en plus important pour les ménages et même pour les collectivités territoriales. Cependant, je n'oublie pas les moyens que le Gouvernement mobilise : un milliard d'euros du grand emprunt et 800 millions pour l'ANAH consacrés au programme d'économies d'énergie, c'est très important ! Je déplore que les collectivités territoriales n'accompagnent pas davantage ce programme : combien de départements ont signé une convention d'accompagnement ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - J'ai bien noté que les amendements du groupe socialiste étaient plus offensifs et plus directifs que les dispositions de la proposition de résolution initiale. Je donnerai souvent un avis favorable aux amendements offensifs mais les amendements plus directifs posent problème vis-à-vis de nos 26 partenaires européens.

A Mireille Schurch, Michel Teston, Jean-Claude Lenoir, Martial Bourquin et Marc Daunis, je voudrais dire que je regrette comme eux que les transports soient absents de la proposition de directive européenne. C'est précisément pour cela que j'ai introduit l'alinéa 14 dans ma proposition de résolution. Ce secteur représente 32 % de la consommation d'énergie et ce sujet fait peur à la Commission européenne...

Je partage les préoccupations de Jean-Claude Merceron sur les données de consommation et nous reviendrons tout à l'heure sur la question du régulateur.

Je rappelle à Mireille Schurch que la libéralisation du secteur de l'énergie ne s'est pas faite par un seul texte et qu'elle a été soutenue par tous les gouvernements en Europe, de droite comme de gauche.

J'indique à Jean-Claude Lenoir que les mesures prévues par la Commission européenne sont plus précises pour le bâtiment, qui représente 43,2 % de la consommation énergétique. Le projet de directive ne fixe des objectifs contraignants que pour les bâtiments publics. Je connais la position de Claude Turmes, rapporteur du texte au Parlement européen : il souhaite étendre ces dispositions au bâtiment privé.

Tous les acteurs professionnels ainsi que les représentants des usagers ont été associés aux travaux relatifs au compteur communicant Linky. L'appel d'offres est lancé par Électricité Réseau Distribution France (ERDF) et concernera 35 millions de foyers. La diffusion de ce compteur se fera par vagues successives. Beaucoup d'amendements présentés aujourd'hui sont déjà satisfaits par l'existence même du compteur.

Marie-Noëlle Lienemann, il est vrai que les objectifs relatifs aux économies d'énergie et aux énergies renouvelables ont, pour beaucoup d'entre eux, été fixés au niveau européen avant les engagements du Grenelle de l'environnement, qui est venu les préciser et les décliner pour notre pays. Nous reviendrons tout à l'heure sur les mesures sociales que vous préconisez. J'insiste tout comme vous sur la nécessité de disposer de normes identiques dans l'Union européenne afin d'éviter la fraude et la triche. Je suis en revanche réticent pour fixer des objectifs d'ici 2050 car il me semble difficile de trouver un consensus pour vingt-sept pays sur la trajectoire énergétique souhaitable au cours des quarante années à venir.

Je suis d'accord avec Martial Bouquin qui s'inquiète de la pérennité de la filière photovoltaïque en France, se faisant ainsi l'écho des inquiétudes des professionnels exprimées lors de la table ronde organisée au Sénat il y a quelques mois sur ce thème. Mais je souligne que ces difficultés s'observent partout en Europe car le coût de production de cette énergie est très important, beaucoup plus élevé que pour l'électricité d'origine éolienne, qui est elle-même deux fois plus coûteuse que l'électricité nucléaire.

Je reconnais avec Laurence Rossignol que l'objectif de 20 % sera facilement atteint par certains pays mais hors de portée pour d'autres.

Jean-Jacques Mirassou a raison de souligner que tous les ménages n'ont pas accès aux économies d'énergie. Il convient de rappeler à cet égard que le Sénat est à l'origine de l'attribution automatique du tarif social aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU). Le Gouvernement vient d'annoncer la mise en oeuvre de cette mesure qui concerne 1,5 million de foyers.

Je voudrais préciser à Marc Daunis que les certificats d'économie d'énergie concernent le secteur des transports en France, ce qui n'est pas le cas ailleurs en Europe. Cette novation, introduite par le Grenelle de l'environnement, va dans le bon sens même si elle pénalise un peu les entreprises de transport françaises.

Daniel Dubois rappelle à bon droit que l'ANAH oeuvre déjà beaucoup pour les ménages défavorisés. Certains conseils généraux et même certaines communes apportent une aide importante pour que ces ménages aient accès à une énergie peu chère. Mais il ne revient pas à notre commission de distribuer les bons et mauvais points aux collectivités territoriales concernées.

M. Daniel Raoul, président. - La discussion générale est close et nous pouvons passer à l'examen des articles de la proposition de résolution et des amendements. Les amendements n°s 2 et 3 sont en discussion commune.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Avis favorable pour l'amendement n° 3, mais demande de retrait pour l'amendement n° 2. Je rappelle que les visas n'ont qu'un caractère indicatif.

L'amendement n° 2 est retiré.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Avis défavorable pour l'amendement n° 1 du groupe CRC. Cet amendement déclare incompatible la libéralisation du secteur énergétique avec les exigences du service public de l'énergie. Or je constate que l'État est très présent dans le secteur de l'énergie, à travers ses participations souvent majoritaires dans certaines entreprises mais aussi la fixation de normes et la régulation des activités.

M. Roland Courteau. - Sur le fond, le groupe socialiste soutient cet amendement. Nous avons défendu cette position lors de l'examen du projet de loi privatisant GDF. Mais nous ne voterons pas cet amendement aujourd'hui pour des raisons de forme car il n'a pas sa place dans cette proposition de résolution européenne.

Mme Mireille Schurch. - Je prends acte des explications de mon collègue socialiste. Je rappelle toutefois que tous les groupes de gauche ont voté le 5 mai dernier notre proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France.

M. Joël Labbé. - Je ne peux pas préjuger de la position qu'aura notre groupe sur cette question. Mais je suis d'accord avec l'amendement n° 1.

L'amendement n° 1 est rejeté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'amendement n° 4 indique que les économies d'énergie, parallèlement à l'efficacité énergétique, constituent une priorité absolue de la politique énergétique. Avis favorable.

L'amendement n° 4 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je vais commenter en même temps les amendements n°s 5, 7, 8 et 9. Je demande le retrait de l'amendement n° 5. Avis favorable pour l'amendement n° 7 car le renforcement du soutien financier de l'Union en faveur des actions d'efficacité énergétique est une excellente idée. Je suis favorable sous réserve de rectification à l'amendement n° 8. Cet amendement vise à lancer un grand emprunt européen auprès de la Banque européenne d'investissement afin de financer les mesures d'économies d'énergie, notamment pour la rénovation de 3 % de la surface des bâtiments publics. L'idée est intéressante mais mérite peut-être une expertise. C'est pourquoi je vous propose de modifier le début de votre amendement et de remplacer les mots « demande à ce que soit lancé un grand emprunt » par les mots « propose d'envisager le lancement d'un grand emprunt ». Enfin, j'émets un avis défavorable à l'amendement n° 9. Je soutiens l'idée de créer un fonds européen dédié à la prévention de la précarité énergétique, mais cet amendement me semble hors sujet dans la proposition de résolution et il affaiblirait la portée de notre message. Il ne faut pas aller trop vite ni trop loin sur cette question.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - J'accepte la proposition de rectification de l'amendement n° 8.

M. Roland Courteau. - J'abonde dans le même sens. Nous retirons l'amendement n° 5. Je maintiens en revanche l'amendement n° 9, car il est nécessaire de flécher les recettes issues de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre vers la prévention de la précarité énergétique. Ces recettes considérables iront sinon alimenter le budget général des États membres dès 2013.

M. Ronan Dantec. - Je connais bien ce sujet technique. Il faut flécher ces recettes car il s'agit d'argent public.

M. Roland Courteau. - Je rectifie mon amendement n° 9 et remplace l'expression « par au moins 50 % » des recettes de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre par les mots « par une part » de ces recettes.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Cette rectification va dans le bon sens, mais cet amendement n'a toujours pas sa place dans la proposition de résolution.

Les amendements nos 7, 8 rectifié et 9 rectifié sont adoptés.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - S'agissant de l'amendement n° 10, je me suis interrogé sur la mise en oeuvre de l'objectif de 1,5 % d'économie d'énergie par an, plus facile à réaliser dans les pays disposant d'un parc ancien à rénover que dans des pays comme la France, où des efforts ont déjà été réalisés. De plus, l'objectif porte sur l'ensemble des ventes d'énergie, hors carburant, alors que les certificats d'économie d'énergie ne portent, dans notre pays, que sur les ventes aux secteurs résidentiel et tertiaire : il s'agit donc d'une contrainte nouvelle pesant sur les industries déjà soumises au système d'échange de permis d'émissions de gaz à effet de serre. Mais dans la mesure où les réserves que j'ai formulées à l'alinéa 25 ne sont pas remises en cause, je donne un avis favorable à cet amendement, sous réserve de le déplacer après l'alinéa 23 de la résolution.

Les amendements nos 10 rectifié et 11 sont adoptés.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Pour ce qui concerne l'amendement n° 12, je voudrais préciser que la proposition de résolution que je vous ai présentée ne remet pas en cause l'objectif de 20 % d'économies d'énergie en 2020 : elle approuve cet objectif à l'alinéa 10. Mais le chiffre de 368 Mtep provient, lui, d'une estimation de la Commission européenne. Ce chiffre est calculé à partir d'un modèle économique développé par l'Université technique d'Athènes, le modèle PRIMES. Or ce modèle est une « boîte noire » et les experts nationaux se plaignent de ne pas avoir réellement accès à son fonctionnement et aux données qu'il utilise. Faut-il donc inscrire un chiffre invérifiable dans un texte juridique européen qui s'imposera aux législations nationales ?

Je vous propose donc la rédaction suivante pour l'alinéa 12 afin de confirmer l'objectif de 20 % d'économies d'énergie :

« Considère que l'objectif de réduction de la consommation d'énergie ne peut être atteint que si les États membres se fixent des objectifs précis ; approuve en conséquence l'objectif de 20 % de réduction par rapport à la valeur tendancielle de la consommation d'énergie primaire de l'Union européenne en 2020 ; souhaite que la Commission apporte des éclaircissements au sujet de l'estimation chiffrée de 368 millions de tonnes-équivalent pétrole avant son inscription éventuelle dans un texte à valeur législative ; ».

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je souhaite que la directive fixe un objectif quantifié qui soit cohérent avec les 20 %. Ayant l'expérience des négociations européennes, je préférerais que l'on remplace « avant » par « pour » et que l'on supprime « éventuelle ».

M. Ronan Dantec. - La proposition du rapporteur est de nature à affaiblir le texte et l'objectif de 368 millions. Je propose une autre rédaction, consistant à ajouter après « approuve en conséquence l'objectif de 20 % de réduction par rapport à la valeur tendancielle de la consommation d'énergie primaire de l'Union européenne en 2020 » « , actuellement chiffré à 368 millions de tonnes-équivalent pétrole ».

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je ne suis pas d'accord. J'estime que, dans la mesure où la Commission refuse de donner des explications aux élus, il est difficile d'accepter ce chiffre tel quel : nous devons aider les députés européens sur ce point.

M. Roland Courteau. - Je souhaite remplacer, dans la proposition du rapporteur, le verbe « souhaite » par le verbe « demande » et supprimer le mot « éventuelle », afin d'aboutir à l'inscription prochaine de l'objectif dans un texte.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je vous propose une nouvelle rédaction : « Considère que l'objectif de réduction de la consommation d'énergie ne peut être atteint que si les États membres se fixent des objectifs précis ; approuve en conséquence l'objectif de 20 % de réduction par rapport à la valeur tendancielle de la consommation d'énergie primaire de l'Union européenne en 2020 ; demande que la Commission apporte des éclaircissements au sujet de l'estimation chiffrée de 368 millions de tonnes-équivalent pétrole, préalable à son inscription dans un texte à valeur législative ; ».

L'amendement n° 12 rectifié est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Au sujet de l'amendement n° 13, la proposition de résolution s'interrogeait sur le calendrier très serré proposé par la Commission. Il ne s'agit pas de s'y opposer complètement, mais les discussions risquent d'être difficiles entre la Commission européenne, les différents Gouvernements et le Parlement européen, dont le rapporteur a une position très volontariste. Il paraît donc peu probable qu'un texte soit adopté avant la mi-2012, voire le second semestre, et donc une mise en oeuvre courant 2013 après la transposition dans les législations nationales. Je crains donc que l'évaluation à la mi-2014 ne puisse prendre en compte que les premiers effets de ces mesures.

Si toutefois notre commission ne souhaite pas que le calendrier soit remis en cause, je propose de rédiger ainsi l'alinéa 13 : « Regrette que le texte, compte tenu de la date de sa publication, n'ait pu s'appuyer sur les états des lieux que constituent les plans nationaux d'action en matière d'efficacité énergétique, tels que celui qui a été remis par la France le 17 juin 2011 ; et regrette encore que la mise en oeuvre des directives 2004/8/CE et 2006/32/CE n'ait pas permis d'exploiter pleinement le potentiel d'économies d'énergie ; ».

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - La France a tendance à toujours tendance à expliquer qu'il faut allonger les calendriers. Faute d'inscrire la date de 2014, on n'atteindra pas l'objectif. Il faut donc soutenir le calendrier.

M. Roland Courteau. - Nous avons déjà pris trop de retard. Il ne faut pas repousser les dates.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je vous ai proposé une rédaction de compromis par rapport à la position initiale de la PPRE qui s'interrogeait sur le calendrier.

L'amendement n° 13 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Marie-Noeëlle Lienemann, avec votre amendement n° 14, vous allez plus loin que moi en souhaitant une réduction de la consommation d'énergie de 80 % dans le stock de bâtiments existants. Aujourd'hui, le scénario négaWatt ne va pas au-delà de 63 %. Je vous propose donc de rectifier votre amendement pour viser plutôt un objectif de réduction de 80 % des gaz à effet de serre, notamment par une politique ambitieuse de rénovation du stock de bâtiments existants.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je suis d'accord avec cette reformulation de l'objectif.

L'amendement n° 14 rectifié est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'amendement n° 15 propose d'enjoindre à l'Union européenne d'adopter des mesures en faveur de l'efficacité énergétique dans les secteurs des transports, du tertiaire et du logement privé, là où je propose de simplement l'encourager à le faire. Je vous suggère une rédaction intermédiaire, selon laquelle nous estimons indispensable que l'Union européenne adopte de telles mesures contraignantes.

M. Roland Courteau. - Je suis d'accord avec cette rédaction.

L'amendement n° 15 rectifié est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je suis favorable à la partie de l'amendement n° 16 qui apporte une précision intéressante sur les conditions d'intégration des logements sociaux dans l'objectif de 3 %. En revanche, je ne peux pas approuver la manière dont cet amendement revient sur l'un des points les plus importants de ma proposition de résolution, qui prévoit que cet objectif sera modulé en fonction de l'état du bâti. C'est pourquoi je vous propose une rédaction qui préserve le principe de cette modulation.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - L'objectif de 3 % ne s'en trouvera pas remis en cause ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Non, il ne le sera pas.

L'amendement n° 16 rectifié est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'amendement n° 17 traite de cinq sujets à la fois. Je suis favorable à ce que l'évaluation de 2014 prenne en compte la contribution de chaque État, à ce que l'objectif de 3 % soit bien réparti entre les collectivités au niveau de chaque État membre, et à ce que les dérogations prévues s'appliquent dans le cadre de la présente directive. En revanche, l'extension de l'obligation de rénovation de 3 % aux bâtiments scolaires et universitaires privés, ainsi que l'extension aux locaux loués par les organismes publics, me paraissent difficiles à mettre en oeuvre. Je vous suggère donc d'abandonner ces deux derniers points.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Ces deux points sont retirés de l'amendement.

L'amendement n° 17 rectifié est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'amendement n° 18 ajoute à l'obligation prévue par la directive une obligation de résultat portant sur la performance énergétique globale des collectivités : le cumul des obligations me paraît excessivement rigoureux.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je retire cet amendement.

L amendement n° 18 est retiré.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'adoption de l'amendement n° 17 ayant permis de préciser les modalités d'application de l'objectif de rénovation aux logements sociaux, l'alinéa 19 perd son objet et je suis donc favorable à l'amendement n° 19 qui propose sa suppression.

L'amendement n° 19 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement n° 20 qui prévoit la possibilité pour un organisme public d'acquérir un bâtiment s'il s'engage à le rénover dans les trois années suivantes afin d'atteindre une haute performance énergétique.

L'amendement n° 20 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Yannick Vaugrenard, la Commission européenne a raison de prévoir un système de certificats d'économies d'énergie qui, à terme, pourront être échangés d'un pays à l'autre. Mais nous n'y sommes pas encore, et c'est pourquoi il vaut mieux prévoir dans un premier temps des systèmes nationaux. Je vous demande donc de retirer votre amendement n° 21.

M. Yannick Vaugrenard. - Je trouve important qu'il y ait des normes identiques pour tout le monde.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Le risque, ici, est que des fonds français d'origine aillent financer des certificats d'économies d'énergie dans d'autres États membres.

L'amendement n° 21 est retiré.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je suis favorable aux audits, et à ce que leurs auteurs soient indépendants. Mais cette compétence peut être exercée aussi efficacement en interne.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - La France pourrait se positionner sur un grand marché de l'audit énergétique. Je suis d'avis que cette compétence doit être indépendante, car tous les pays n'auront pas la même rigueur. Nous avons intérêt à aller vers une certification des audits. Ce serait une opportunité pour notre pays, qui pourrait exporter son ingénierie.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'article 7 de la proposition de directive prévoit que les audits énergétiques, pour tous les clients finaux, doivent être effectués de manière indépendante. Mais cela n'implique pas nécessairement que les opérateurs qui les réalisent soient indépendants, et la Commission européenne admet les experts internes à condition qu'ils soient qualifiés ou agréés et ne participent pas directement à l'activité soumise à l'audit. Il ne faut pas poser de difficultés aux établissements publics français.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Les experts peuvent être indépendants, mais pas les organismes.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Vous remettez en cause la qualification des experts.

M. Joël Labbé. - Les experts externes travailleront en relation avec les experts internes. Je suis favorable à leur indépendance.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Nous irions au-delà des exigences de Bruxelles. L'amendement n° 22, qui prévoit l'élaboration de normes communes pour les audits énergétiques dans tous les États membres d'ici à 2020, devrait vous satisfaire.

L'amendement n° 23 est retiré.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement n° 24.

L'amendement n° 24 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'amendement n° 25 aborde trois sujets différents. Je suis favorable au premier point, relatif au financement des audits pour les PME, sous réserve d'une rectification : la Commission européenne ne doit pas donner des lignes directrices sur les suites à donner aux audits, ce qui me paraît exagéré, mais peut publier une communication à valeur de recommandation. Je demande le retrait du deuxième point, relatif à la mise en oeuvre d'un service public d'économie d'énergie dans les territoires. Le troisième point, relatif à la mise en place de nouveaux compteurs communicants sans charge supplémentaire pour les usagers, est largement satisfait par le déploiement des compteurs communicants.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je suis d'accord avec la rectification du premier point et je retire les deux autres.

L'amendement n° 25 rectifié est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement n° 22.

L'amendement n° 22 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je suis d'accord avec l'amendement n° 33, sous réserve d'une modification proposée par mon amendement n° 6, car seul les compteurs électriques peuvent fournir des informations détaillées en temps réel : c'est pourquoi il est important de préciser «  si possible », en attendant que les compteurs de gaz ou des réseaux de chaleur soient à leur tour en mesure de le faire.

M. Jean-Claude Merceron. - Je suis d'accord avec la précision.

M. Roland Courteau. - Il me semble que GRDF a déjà bien avancé dans la mise au point de compteurs communicants, au moins pour l'habitat individuel.

L'amendement n° 33 rectifié est adopté. L'amendement n° 6 est en conséquence satisfait.

M. Ladislas Poniatowski. - En ce qui concerne l'amendement n° 26, il est en effet souhaitable que le déploiement des compteurs communicants apporte au consommateur, de manière régulière, des informations sur sa consommation réelle. En outre, il me paraît opportun de préciser que les offres commerciales avec effacement devront profiter au consommateur et pas seulement au fournisseur : je vous propose une rédaction qui l'indique de manière plus directe.

M. Roland Courteau. - J'accepte cette rectification.

L'amendement n° 26 rectifié est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je suis favorable aux trois amendements n° 27 à 29.

Les amendements nos 27, 28 et 29 sont adoptés.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - En ce qui concerne les amendements nos 30 et 31, je crois qu'il s'agit d'une mauvaise compréhension de ma proposition de résolution. La proposition de directive comporte un grand nombre d'exemptions, car une obligation absolue pourrait limiter les incitations à investir dans la création ou la rénovation des moyens de production. Mais, dans un souci de conciliation, j'accepte de donner un avis favorable à ces deux amendements.

Les amendements nos 30 et 31 sont adoptés.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je suis favorable aux amendements nos 32 et 34.

Les amendements nos 32 et 34 sont adoptés.

Puis la commission adopte le texte de la proposition de résolution européenne dans la rédaction issue de ses travaux, le groupe communiste, républicain et citoyen votant contre.

Loi de finances pour 2012 - Mission Outre-mer - Examen du rapport pour avis

Puis la commission examine le rapport pour avis de M. Serge Larcher sur les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2012.

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis. - J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui mon rapport sur les crédits de la mission « Outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2012.

Je souhaite au préalable, vous remercier, Monsieur le Président, mes chers collègues, de m'avoir désigné rapporteur pour avis sur cette mission budgétaire qui m'est, vous vous en doutez, particulièrement chère.

Le budget 2012 s'inscrit, pour les outre-mer, dans un contexte particulier au moins à deux titres : d'une part, le contexte national, marqué par la rigueur budgétaire, qui n'épargne pas, nous le verrons, nos outre-mer ; d'autre part, le contexte local marqué par la grave crise sociale qui secoue le département de Mayotte. Au cri des populations antillaises en 2009 répond, en écho, deux ans après, le cri de la population mahoraise. La réapparition du thème de la « vie chère » semble confirmer que, deux ans après, malgré les États généraux de l'outre-mer et malgré les annonces du Conseil interministériel de l'outre-mer (CIOM) de novembre 2009, bien peu a été fait.

Je souhaite aujourd'hui procéder en deux temps. J'analyserai tout d'abord les crédits inscrits pour 2012 pour la mission « outre-mer » : ils me conduisent à penser que ce budget est un budget sans ambition. Je m'intéresserai ensuite plus particulièrement à la situation du logement dans nos outre-mer, problématique centrale dans ces territoires et pour laquelle l'État ne développe aujourd'hui aucune politique d'envergure.

S'agissant des crédits de la mission « outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2012, on note qu'ils augmentent de 1,1 % en autorisations d'engagement (AE) et de 2,9 % en crédits de paiement (CP).

Nos collègues députés vont, selon toute vraisemblance, adopter aujourd'hui un amendement du Gouvernement réduisant les crédits de la mission de 48 millions d'euros en AE et de 56 millions d'euros en CP : en conséquence, les crédits de la mission devraient globalement diminuer de 1,1 % en AE et augmenter de 0,1 % en CP. Dans la suite de mon propos, je ferai cependant référence aux données figurant dans le projet de loi de finances initial.

L'augmentation prévue pouvait sembler satisfaisante dans le contexte de rigueur budgétaire. Pour autant, plusieurs éléments indiquent que les moyens ne sont pas à la hauteur des défis auxquels sont confrontés nos outre-mer :

- tout d'abord, l'augmentation des crédits ne compense pas le niveau de l'inflation. Le projet de loi de finances a été élaboré à partir d'une prévision d'inflation à 1,7 %. Autrement dit, l'augmentation affichée des crédits de la mission en AE correspond à une diminution effective des moyens ;

- deuxième élément : cette légère augmentation des crédits intervient après la baisse opérée en 2011. Les crédits avaient alors diminué de 0,5 % en AE et de 2,3 % en CP. En 2012, les crédits ne seront donc que légèrement supérieurs à leur niveau de 2010 ;

- troisième élément : l'augmentation des crédits s'explique en grande partie par l'augmentation des crédits destinés, d'une part, aux exonérations de charges sociales spécifiques à l'outre-mer, augmentation qui n'est pas le résultat d'un choix politique, et, d'autre part, au plan « SMA 6 000 » lancé en 2009 ;

- enfin, et surtout, les mesures annoncées lors du CIOM de 2009, censées apporter une réponse à la grave crise sociale qui a secoué nos outre-mer, n'ont presque aucun impact budgétaire. Mise à part la stabilité des crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) qui n'engendre d'ailleurs aucun coût supplémentaire, les autres mesures ont un impact budgétaire dérisoire, se montant globalement à quelques millions d'euros... Je m'inquiète d'ailleurs de l'écart existant avec les attentes créées par les États généraux...

L'évolution des crédits affectés aux deux programmes de la mission me conduit à formuler plusieurs remarques.

Le programme 138 « Emploi outre-mer » voit ses crédits augmenter de 1,3 % en AE et de 4,7 % en CP. Trois remarques à propos de ce programme :

- la majeure partie des crédits de ce programme (près de 80 %) est constituée du remboursement aux organismes de sécurité sociale du coût des exonérations de charges sociales spécifiques à l'outre-mer. Cette année encore, les moyens ne sont pas à la hauteur des besoins des organismes : comme l'indique le ministère de l'outre-mer, les crédits inscrits au budget 2012 ne permettent pas de compenser la totalité du coût global de ces exonérations. Il n'est pas de bonne politique de sous-budgétiser chaque année pour reporter à plus tard la régularisation de la situation : lors de la loi de finances rectificative pour 2010, une enveloppe budgétaire de plus de 62 millions d'euros a ainsi été débloquée... ;

- sur ce programme sont inscrits les crédits destinés à un dispositif créé par la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) : l'aide au fret. Je note que le décret d'application rendant cette aide effective a été publié - enfin ! - en décembre 2010, soit près de 18 mois après le vote de la LODEOM... ;

- les crédits destinés au service militaire adapté (SMA), dispositif qui a fait ses preuves dans nos outre-mer, sont marqués par une évolution contrastée cette année : ils reculent de 25 millions d'euros en AE mais progressent de 30 millions d'euros en CP. Les modalités de la montée en puissance du dispositif, parallèlement à la mise en place d'une « formation différenciée », restent problématiques : les résultats du SMA sont en effet en baisse, avec un taux d'insertion des volontaires qui est passé de 77 % en 2009 à 75 % en 2010.

S'agissant du programme « Conditions de vie outre-mer », ses crédits sont stables : ils augmentent de 0,8 % en AE et diminuent de 0,8 % en CP.

Figurent dans ce programme les crédits destinés à plusieurs politiques relevant du champ de compétence de notre commission, notamment les crédits destinés au Logement, la « ligne budgétaire unique » (LBU), dont les crédits sont stables en AE et progressent de 10 % en CP. Je reviendrai sur la problématique du logement dans nos outre-mer dans la seconde partie de mon propos.

Enfin, il m'est impossible d'évoquer les crédits de la mission outre-mer, sans évoquer les dépenses fiscales rattachées à cette mission. D'après les documents budgétaires, plus d'une vingtaine de dépenses fiscales sont rattachées à la mission, pour un coût total de 2,9 milliards d'euros, soit un niveau très supérieur aux crédits budgétaires, mais en nette diminution par rapport à 2011.

Cette année, le projet de loi de finances comprend deux articles concernant les dépenses fiscales relatives aux outre-mer : l'article 4 supprime le dispositif d'abattement d'un tiers sur le résultat des exploitations situées dans les DOM ; l'article 45 porte sur le « rabot » de 10 points sur les « niches fiscales ». Les niches fiscales spécifiques à l'outre-mer sont concernées, à l'exception de celle spécifique au logement social.

Je souhaite au préalable souligner que les dépenses fiscales relatives à l'outre-mer ont déjà été sensiblement réduites au cours des dernières années :

- la LODEOM a ainsi prévu la suppression progressive de la dépense fiscale liée au logement libre et intermédiaire, pour une économie annuelle qui devrait atteindre 251 millions d'euros en 2018 ; la réforme des exonérations de charges sociales a permis une économie annuelle de près de 60 millions d'euros ; la réforme de la « TVA-NPR » a conduit à une économie annuelle de près de 120 millions d'euros ;

- dans le cadre de la loi de finances pour 2011, les outre-mer ont été concernés par le « rabot » des niches fiscales, ce qui a permis une économie pour l'État de 100 millions d'euros, et par la suppression de l'aide fiscale pour le photovoltaïque, qui a permis une économie de 250 millions d'euros.

Autrement dit, Monsieur le Président, mes chers collègues, les outre-mer, malgré leur situation économique et sociale particulièrement dégradée, n'ont pas été tenus à l'écart de l'effort de rigueur, bien au contraire. J'espère que les nouvelles restrictions prévues par le projet de loi de finances - et celles annoncées lundi dernier par le Premier ministre - ne nuiront pas à leur développement économique.

Enfin, sur ce sujet, il m'est impossible de ne pas évoquer le rapport publié par l'Inspection générale des finances (IGF) en juin dernier. Ce rapport est intéressant à plus d'un titre. Il souligne ainsi que la défiscalisation ne favorise pas la concurrence dans les outre-mer et qu'elle engendre des surcoûts pour l'État par rapport aux subventions. La conclusion de l'IGF est particulièrement dérangeante : « le mécanisme de défiscalisation (...) s'apparente à une préférence de la puissance publique pour l'affichage d'un taux de prélèvements obligatoires contenu (...) et d'une maîtrise de la dépense publique, mais occasionne en pratique un surcoût pour les finances publiques, par rapport à des outils tels que des prêts bonifiés ou des avances remboursables (...) [ou] des subventions ».

Je ne partage pas l'ensemble des analyses de l'IGF. La défiscalisation est à l'origine de la création de nombreux emplois dans les outre-mer. Pour autant, je pense que le débat sur le choix entre défiscalisation et subvention est loin d'être anodin.

Je souhaite dans un second temps m'arrêter sur la situation du logement dans les outre-mer. A mes yeux, ce dernier doit en effet constituer une véritable priorité pour l'État dans les outre-mer. Quelques éléments montrent que la situation est dramatique :

- les outre-mer connaissent une grave pénurie de logements sociaux : en 2009, près de 166 000 personnes étaient en attente d'un logement social dans les quatre DOM, soit près de 10 % de la population totale, contre moins de 3 % en métropole. Je souhaite d'ailleurs attirer votre attention sur un des éléments qui freine la construction de logements sociaux : le prix du foncier. Ce dernier a très fortement augmenté dans nos outre-mer au cours des dernières années : au cours de la période 2006-2009, les prix ont augmenté de 31 % dans les DOM et, en 2009, seule l'Île-de-France affichait un coût du terrain au mètre carré supérieur aux DOM ;

- autre volet de la crise du logement : l'insalubrité. Près d'un quart du parc est insalubre dans les DOM ! Avec une particularité par rapport à la métropole : l'existence d'un habitat informel massif. La loi adoptée l'année dernière à l'initiative de notre collègue député Serge Letchimy a contribué à mettre en lumière cette réalité et a prévu l'adaptation des dispositifs de lutte contre l'habitat insalubre.

Face à cette situation, je ne peux que me réjouir que la construction de logements sociaux progresse cette année, sans pour autant être à la hauteur des besoins.

Je souhaite vous en rappeler les mécanismes de financement :

- les crédits budgétaires, à savoir la ligne budgétaire unique (LBU), qui sont stables en 2012. Ils financent la construction de logements sociaux mais aussi, par exemple, la politique de résorption de l'habitat insalubre (RHI) ;

- le logement social est de plus en plus financé par la défiscalisation, notamment par le biais du dispositif spécifique de défiscalisation mis en place dans le cadre de la LODEOM. Après des premiers résultats décevants, le dispositif de la défiscalisation du logement social est en croissance exponentielle, à tel point que l'IGF estime que le logement social est en passe de devenir une des principales dépenses fiscales pour l'outre-mer.

On note donc aujourd'hui une légère relance de la production de logement social en 2010, 6 500 logements sociaux ont ainsi été financés, soit 2 000 de plus que la moyenne des trois années précédentes. Le Gouvernement estime que la défiscalisation explique ces bons résultats. Je ne partage cependant pas son euphorie et ceci pour plusieurs raisons :

- tout d'abord, les résultats de 2010 restent très en deçà des besoins. Le chiffre de 6 500 logements correspond aux besoins annuels des seuls départements de Guyane et de La Réunion !

- ensuite, je reste pour ma part très réservé quant au choix politique de faire financer la construction du logement social par la défiscalisation. La LBU doit demeurer, comme l'a affirmé la LODEOM, le socle du financement du logement social outre-mer. Or, à mes yeux, le maintien du niveau des crédits de la LBU, ne constitue en rien une victoire : il s'agit plutôt du renoncement de l'État à consacrer davantage de crédits budgétaires à la construction de logement sociaux ;

- enfin, ce choix de la défiscalisation m'interroge d'autant plus que l'IGF a montré qu'il ne s'agit en aucun cas d'une solution économe des deniers publics par rapport aux subventions.

Au-delà de ces aspects budgétaires, je souhaite souligner qu'en matière de logement, beaucoup de choses ont été promises par le Gouvernement pour bien peu de résultats. En voici quelques exemples :

- dans le cadre de la LODEOM, le Parlement a prévu la création d'un groupement d'intérêt public (GIP) chargé de rassembler les éléments permettant de reconstituer les titres de propriété outre-mer. Il s'agit d'une disposition particulièrement importante à mes yeux, les problèmes d'indivision constituant un frein réel à la construction de logements sociaux outre-mer. Or, à ce jour, plus de 2 ans après le vote de la loi, le décret d'application n'a toujours pas été publié ;

- le CIOM a promis la relance de la production de logement social. Or les deux mesures phares, quelles sont-elles ? L'assouplissement des règles de participation des collectivités territoriales à la construction de logement social et la possibilité pour l'État de céder à titre gracieux ses terrains. Il s'agit, certes, de deux mesures importantes, mais elles ne suffiront clairement pas à relancer fortement la construction de logement social ;

- par ailleurs, quel a été le résultat de ces deux mesures ? Un décret a été publié à propos de la surcharge foncière, mais applicable uniquement jusqu'au 1er janvier 2012. Par ailleurs, sur le terrain, le dispositif n'a été utilisé qu'en Martinique. En Guadeloupe, il aurait été, pour les services de l'État, « difficile d'obtenir une évaluation objectif de la situation financière des communes ». Cette explication est stupéfiante quand on sait qu'en juillet dernier la Cour des comptes a publié un rapport thématique sur cette question, jugeant la situation des communes ultramarines très préoccupante.

- s'agissant des cessions de terrains de l'État, aucune cession n'a été réalisée depuis le vote d'un article spécifique dans la loi de finances pour 2011... car le décret d'application n'a toujours pas été publié.

Il ne s'agit que de quelques exemples, mais ils illustrent bien que les résultats sont en complet décalage avec les promesses qui ont été faites et que, globalement, une politique ambitieuse en matière de logement fait défaut dans nos outre-mer.

Pour toutes les raisons que j'ai évoquées au cours de mon propos, j'estime donc que ce budget n'est pas à la hauteur des défis auxquels sont confrontés nos outre-mer.

En conséquence, vous comprendrez, Monsieur le président, chers collègues, que je propose à la commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission outre-mer pour 2012.

M. Daniel Raoul, président. - J'ai été rapporteur pour avis du budget de l'outre-mer il y a dix ans de cela, et je retrouve dans vos propos nombre de thèmes qui étaient déjà d'actualité à cette époque. Les réalités semblent ne pas changer rapidement outre-mer !

M. Jean-Jacques Mirassou. - Au-delà de l'aspect quantitatif de crédits forcément en diminution, quelles améliorations qualitatives peut-on espérer pour l'outre-mer ?

M. Charles Revet. - Quelle est la situation de la pêche outre-mer ? Je rappelle que, grâce aux départements et collectivités d'outre-mer, la France dispose d'une des plus importantes zones économiques exclusives mondiales, comparable à celle des États-Unis. Vous avez insisté dans votre rapport sur le besoin de logements sociaux. La politique d'accession sociale à la propriété se développe-t-elle outre-mer ?

M. Martial Bourquin. - Après les grandes grèves de 2009, provoquées par la vie chère et le problème du logement, quelle est la situation sociale outre-mer ? Les indicateurs sociaux s'y sont-ils améliorés ? Les engagements pris par le Gouvernement ont-ils été tenus ?

M. Claude Bérit-Débat. - Je souhaiterais également connaître la situation exacte du logement social outre-mer et savoir si le rapporteur a des suggestions à faire pour remédier aux difficultés.

M. Michel Magras. - En tant que sénateur représentant Saint-Barthélemy, je rappelle que notre territoire n'attend pas grand-chose du budget de l'État, puisqu'il a choisi la voie de l'autonomie. Dans la situation de crise que notre pays traverse, qui nous oblige à réduire le déficit budgétaire, je suis intéressé par la recherche de la qualité : à crédits constants, nous pourrions avoir de meilleurs résultats. J'ai présenté cette année un rapport d'information sur le tourisme en Guadeloupe et en Martinique, qui formule un certain nombre de propositions et de recommandations. En ce qui concerne la défiscalisation notamment, j'estime qu'il s'agit d'une bonne idée, mais d'un outil mal utilisé qui, en dépit d'un manque à gagner colossal pour l'État, ne parvient pas à créer des emplois durables en outre-mer. Je suis donc favorable à une modification du dispositif actuel pour mettre en place une défiscalisation choisie et de projets.

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis. - La situation de Saint Barthélémy est bien particulière. Pour en revenir à la mission « outre-mer », je rappelle que les dépenses fiscales rattachées à cette mission ont déjà subi un « coup de rabot » marqué par rapport à 2011, à hauteur de 400 millions d'euros. On ne peut pas demander un tel effort à des populations qui connaissent déjà de grandes difficultés économiques.

En ce qui concerne la pêche outre-mer, il ne faut pas oublier que nous sommes soumis aux mêmes règles européennes qu'en métropole. Notre flotte de pêche, qui a un caractère artisanal, ne peut donc pas bénéficier de subventions à la construction. Le plateau continental de la zone Antilles-Guyane est très riche en poissons, mais largement pillé par les Japonais et les sud-américains.

Nos outre-mer sont en retard en matière de logement social. Les constructions sont rares et les besoins importants, avec une population dont les revenus moyens tournent autour du smic et la nécessité de résorber l'habitat insalubre. Il n'est pas rare que plusieurs familles cohabitent dans un même logement. La hausse du prix du foncier constitue un effet pervers du dispositif de défiscalisation. Les communes essaient de dégager des terrains constructibles, mais peinent à en financer la viabilisation. Le prix de la construction est également plus élevé qu'ailleurs, en raison de la multiplicité des risques à prendre en compte : sismique, tsunami, volcanique...

S'agissant de la problématique de la vie chère, la difficulté vient du fait que ces économies insulaires sont de petites dimensions et que le jeu de la concurrence ne permet donc pas de parvenir au juste prix. Le niveau des prix outre-mer demeure supérieur à celui de la métropole. Le dispositif de réglementation des prix pour les produits de première nécessité, prévu par la LODEOM, n'est pas appliqué.

M. Roland Courteau. - J'ai présenté au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques un rapport sur le risque de tsunami sur les côtes françaises. A cet égard, deux zones à risques sont identifiées : le littoral méditerranéen et les Antilles. Alors qu'un centre d'alerte pour la Méditerranée va être mis en place en 2012, il serait temps de prendre des dispositions pour protéger les populations des Antilles.

M. Joël Labbé. - Pour répondre à la problématique du foncier, existe-t-il aux Antilles des établissements publics fonciers ?

M. Serge Larcher, rapporteur. - Des établissements publics fonciers n'ont pas encore été mis en place aux Antilles, malgré les annonces du CIOM.

La commission a ensuite donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

Droits, protection et information des consommateurs - Audition de M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation, sur le projet de loi n° 12 (2011-2012) renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs.

M. Daniel Raoul, président. - M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, vient de m'informer que l'examen en séance publique du projet de loi qui nous réunit cet après-midi serait repoussé à janvier. Cela nous laisse donc un peu plus de temps pour examiner ce texte. Je salue la présence de Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. - Compte tenu des contraintes législatives qui sont les nôtres, l'examen de ce texte important sera très probablement repoussé au 10 janvier. Ce délai supplémentaire nous permettra d'approfondir encore la réflexion. J'espère que je retrouverai dans cette enceinte le climat constructif qui a prévalu à l'Assemblée nationale. Je serai ouvert à tous les amendements, dans la mesure où la logique du texte sera respectée.

Dans la période actuelle, il convient en effet de protéger les consommateurs grâce à plus de transparence, bien sûr, mais aussi, et surtout, en leur permettant d'être mieux armés à l'encontre des dépenses contraintes.

Contrairement à d'autres pays européens, le pouvoir d'achat des Français a continué à augmenter, année après année. Ce n'est pas moi qui le dit, mais toutes les études le démontrent, qu'elles soient nationale ou européennes. Pourtant, quand nous allons sur le terrain, et j'y vais trois fois par semaine, nous voyons bien que ce n'est pas le sentiment de nos compatriotes. Pourquoi ? Parce que la part de leurs dépenses contraintes ne cesse d'augmenter et, qu'en dépit de l'augmentation de leur pouvoir d'achat, leur reste à vivre diminue. Les 92 500 plaintes reçues par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en témoignent : concernant essentiellement le logement, la téléphonie et l'énergie, elles portent le plus souvent sur les dépenses par prélèvement qui sont indolores lorsqu'elles interviennent mais qui amputent le pouvoir d'achat des ménages en fin de mois.

Ce texte a donc pour ambition de permettre aux consommateurs de maîtriser l'évolution de ces dépenses. Pour l'élaborer, nous avons eu de larges débats avec les associations de défense des consommateurs et avec les acteurs économiques. Nous voulions trouver le point d'équilibre pour protéger les consommateurs mais aussi l'emploi et le pouvoir d'achat. Tout cela a bien été compris par l'Assemblée nationale et elle n'a pas cherché à étendre à l'infini le champ de ce texte, ce qui l'aurait bloqué, ni plus, ni moins. Je souhaite donc travailler au Sénat dans le même esprit constructif qui a permis d'enrichir considérablement le projet de loi : 380 amendements ont été examinés en commission, dont un quart émanant de l'opposition. Au total, près des deux-tiers ont été adoptés ou satisfaits. En séance publique, sur les 375 amendements examinés, près de 225 ont été adoptés ou satisfaits, dont 24 du groupe socialiste, 19 du Nouveau centre et 8 du groupe communiste. Le projet est bien évidemment perfectible, mais les associations de consommateurs, pourtant très exigeantes à l'égard du gouvernement et du Parlement, ont reconnu de multiples avancées.

Il y a une tradition du consensus au sein de votre commission : ainsi, Mme Bariza Khiari a rapporté la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques. Lorsqu'il en va de l'intérêt général, les sénateurs s'élèvent toujours au-dessus des considérations politiciennes. J'espère qu'en dépit des échéances électorales, cette tradition perdurera et que personne ne sera tenté de prendre en otage telle ou telle disposition. Je souhaite que nous parvenions à un accord, car les consommateurs n'ont pas à subir d'éventuelles joutes politiciennes qui n'auraient pas de sens. La nouvelle configuration du Sénat ne nous a pas empêchés de choisir de mener un débat approfondi, sans procédure accélérée. Ce texte s'inscrit dans le prolongement du travail accompli par mes collègues, de la loi Chatel sur le pouvoir d'achat de février 2008 à la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité de décembre 2010, sans oublier à la loi de modernisation de l'économie d'août 2008.

Nous ne devons pas seulement travailler à rééquilibrer les relations en faveur du consommateur, nous devons également restaurer la relation de confiance entre les consommateurs et les professionnels. C'est le meilleur moyen de soutenir la consommation, principal moteur de notre croissance. En ces temps de crise, nous ne pouvons pas nous permettre de voir baisser la consommation des ménages.

Le texte prend en compte les évolutions des comportements de consommation de nos compatriotes. Il nous faut en effet nous adapter aux mutations rapides de la société française. Dans une économie mondialisée, il convient de tenir compte des nouvelles attentes des consommateurs. J'étais hier à Villiers-le-Bel et je serai prochainement à Montpellier et à Toulouse : je sais quelles sont les attentes de nos compatriotes en matière de télécommunications, notamment d'Internet et de téléphonie mobile. Ces outils sont devenus indispensables, ne serait-ce que pour rechercher un emploi.

J'ai fait voter le tarif social en matière de mobile lorsque j'étais député et, en tant que ministre, c'est moi qui l'ai mis en oeuvre. Aujourd'hui, le tarif social dans la téléphonie mobile est une réalité et je puis témoigner qu'il a suscité un réel engouement. Nous avons aussi engagé les discussions sur le tarif social pour Internet. La discussion sur la proposition de loi de M. Jacques Mézard a été riche et intéressante. Lorsque Pacitel a été mis en place, pour interdire le démarchage téléphonique, 300 000 Français se sont inscrits en 48 heures, ce qui prouve une véritable attente ; les entreprises se sont engagées à respecter le dispositif et nous devrons sanctionner celles qui passent outre. Toutes ces mesures concrètes ont pour origine les réclamations des consommateurs.

Il y a 50 ans, les dépenses contraintes des ménages représentaient 13 % de leurs dépenses globales. Aujourd'hui, c'est plus d'un tiers et, pour les plus modestes, cela va jusqu'à 80 %, sans même parler des ménages surendettés. Les dépenses de télécommunication se sont envolées alors qu'elles étaient quasi-inexistantes il y a encore 20 ans. Et cela nourrit le sentiment d'une stagnation, voire d'une baisse du pouvoir d'achat. Mon projet aidera les Français, surtout les plus modestes, à retrouver la maîtrise de leurs dépenses contraintes. Quand on fait de la politique, qu'y a-t-il de plus noble que de s'attaquer aux problèmes de la vie quotidienne de nos concitoyens ?

Je n'insiste pas sur les télécommunications, sinon pour rappeler que l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité un amendement améliorant la transparence tarifaire des services de communications électroniques accessibles au moyen de cartes prépayées et de forfaits bloqués.

Il nous faut également être vigilant sur les dépenses liées au logement, qui représentent près de 80 % des dépenses contraintes des ménages. Nous devons protéger les Français contre toute forme d'abus et garantir leurs droits dans ce domaine. Le projet de loi rendra possible l'ajustement du loyer au profit du locataire si la surface louée est fausse ou manquante. C'est une mesure juste et de bon sens. La procédure de contestation de la surface est calquée sur celle de la loi Carrez.

L'Assemblée nationale a décidé à l'unanimité d'en finir avec les demandes abusives de documents, comme la photo d'identité ou l'attestation de l'employeur : les agents de la DGCCRF seront ainsi habilités à contrôler et à sanctionner les manquements à cette disposition. De même, grâce à l'amendement de la députée socialiste Mme Marie-Lou Marcel, le bailleur ne pourra plus exiger que la personne se portant caution soit apparentée au locataire. L'article relatif au logement a été particulièrement enrichi et je suis sûr que nous aurons l'occasion de le parfaire.

Le commerce électronique connaît une croissance spectaculaire : notre pays compte désormais 27 millions de cyberacheteurs et le secteur a réalisé un chiffre d'affaires de 31 milliards en 2010, soit une augmentation de plus de 16 % en un an. Il est nécessaire de mener une action cohérente pour accompagner le formidable développement du e-commerce, garantir la confiance dans ce secteur et protéger les consommateurs en luttant contre les pratiques trompeuses ou déloyales pour le commerce traditionnel. La DGCCRF a en effet reçu près de 11 000 réclamations à ce sujet en 2010, soit 12 % des réclamations.

Afin de mieux protéger les cyberacheteurs, les pénalités versées au consommateur en cas de non-respect du délai légal de remboursement lors d'une rétractation seront doublées. L'amendement de la députée socialiste Mme Frédérique Massat réduisant de 30 à 14 jours le délai de remboursement des sommes versées en cas de rétractation du consommateur anticipe la transposition de la directive droits des consommateurs, formellement adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 25 octobre.

J'ai également souhaité que ce projet de loi accorde une place à la richesse de nos savoir-faire et de nos productions artisanales, qui sont une force pour notre économie et l'âme de notre pays. Ces dernières participent au rayonnement international de la France, mais également à la promotion de la qualité au quotidien. Relever le défi de la qualité, c'est favoriser la prise de conscience par les consommateurs de l'importance du mieux consommer. L'extension de « l'indication géographique protégée » (IGP) aux produits artisanaux a suscité un long débat à l'Assemblée nationale. Il s'agit en effet de promouvoir une consommation de qualité en protégeant l'origine géographique des produits industriels et artisanaux. J'ai reçu certains professionnels qui étaient inquiets. En aucun cas il n'est question d'exclure tel ou tel acteur. Au contraire, il importe que tous se rassemblent pour être plus forts et pour lutter contre des produits qui n'ont ni la qualité, ni le respect du savoir-faire de nos provinces mais fragilisent des pans entiers de notre économie.

Toutes ces dispositions auraient peu d'efficacité sans un dispositif de contrôle et de sanction refondé. C'est pourquoi la modernisation et le renforcement en profondeur des moyens donnés à la DGCCRF sont indispensables. On me reproche la baisse des moyens attribués à cette direction. Je réponds : changement d'organisation de cette administration et meilleurs résultats pour le consommateur, car c'est cela qui compte !

Le projet étend la compétence de la DGCCRF dans différents secteurs de la consommation. On me dit que cette ambition est contradictoire avec la réduction du nombre des fonctionnaires dans cette direction. Non, car certaines procédures qui sont extrêmement chronophages pour les fonctionnaires, mais peu efficaces et insatisfaisantes pour les consommateurs, seront modifiées. Avec des procédures plus courtes, plus efficaces, on soulage d'autant les fonctionnaires et on leur permet de diversifier leurs missions. Le champ des sanctions administratives est élargi et les agents de la DGCCRF disposeront de pouvoirs d'injonction dont le non-respect sera désormais sanctionné.

Enfin, les députés ont adopté un amendement étendant les pouvoirs de la DGCCRF pour la recherche, la constatation et la poursuite des infractions ou manquements en matière de crédit à la consommation. Là encore, ce sont les plus vulnérables que nous avons souhaité défendre.

Nous n'avons pu aborder à l'Assemblée nationale un sujet qui met tient à coeur, celui des couvertures multiples d'assurance. Nous y travaillons mais il n'est pas facile d'y répondre. Trop souvent, notamment dans les secteurs des loisirs, mais aussi sportifs et scolaires, les Français souscrivent sans le savoir plusieurs fois la même assurance. Il faudrait que nous trouvions une solution pragmatique pour améliorer l'information des consommateurs tout en conservant le niveau de protection souhaitée. Des économies substantielles sont possibles et nous devons protéger les consommateurs de dérives inacceptables. Je serai très attentif aux propositions que vous pourrez me faire en la matière.

En revanche, le projet ne doit pas être l'occasion de remettre en cause des textes déjà votés. Je fais confiance à l'esprit de responsabilité de chacun. La discussion de ce texte a duré quinze jours à l'Assemblée nationale et le gouvernement n'a pas demandé la procédure accélérée. Il ne faut pas que certains voient là l'occasion de bloquer le processus législatif alors que nos concitoyens attendent des réponses concrètes à leurs problèmes.

Ainsi, le débat sur les actions de groupe est récurrent. En 2008, quand j'étais député, j'ai déposé un amendement pour les mettre en place. Le Nouveau centre avait alors déposé un amendement identique et le parti socialiste un amendement quasi-identique. A l'époque, Mme Christine Lagarde s'était dit très réservée sur la question. Depuis, il s'est passé beaucoup de choses, notamment la crise. J'ai aussi beaucoup réfléchi et je n'ai pas attendu d'entrer au gouvernement pour me montrer plus réservé : je vous renvoie d'ailleurs au livre que j'ai écrit où j'explique quel est l'état de ma réflexion sur cette question. Aux États-Unis, mais pas seulement là-bas, les class-actions ont coûté cher à l'économie sans apporter nécessairement de bonnes réponses aux consommateurs, puisqu'avant qu'une affaire soit jugée, il s'écoule trois, quatre ans, parfois plus. Pendant ce temps, les consommateurs continuent à subir les préjudices, et lorsqu'une peine financière est enfin prononcée, elle sert le plus souvent à défrayer la chaîne judiciaire. C'est pourquoi ma préférence va à un système beaucoup plus efficace pour les consommateurs et beaucoup moins dangereux pour l'emploi, système qui s'appuie tout à la fois sur la médiation et sur les pouvoirs de sanction administrative de la DGCCRF. A un long dossier judiciaire, je préfère une solution en quelques mois.

Loin du dogmatisme de certains, je préfère avancer de façon pragmatique. D'ailleurs, UFC que Choisir a salué mon action en ce domaine. Lorsque les entreprises de téléphonie ont changé les règles du jeu, plutôt que de les attaquer, j'ai préféré envoyer un premier courrier dans lequel j'ai rappelé les principes. Comme les entreprises n'en tenaient pas compte, je suis revenu à la charge, sans succès. J'ai alors publié un communiqué dans lequel j'ai énoncé ce que chacun devait faire pour rester dans la légalité. En trois semaines, les entreprises ont corrigé leurs comportements. Si j'avais écouté ceux qui me conseillaient la voie judiciaire, nous y serions encore.

Sur les clauses abusives, un dispositif d'automaticité a été instauré : ainsi, lorsqu'une clause sera jugée abusive et supprimée d'un contrat par les tribunaux, elle le sera également dans tous les contrats identiques conclus par des consommateurs avec le professionnel concerné. Cette avancée était demandée par toutes les associations de défense des consommateurs. Nous avons donc un dispositif bien plus efficace que les class actions que je défendais.

J'ai mis beaucoup d'énergie dans ce texte car nous devons au consommateur d'être mieux protégé et lui donner le pouvoir de prendre le dessus sur les dépenses contraintes.

M. Daniel Raoul, président. - Le dispositif que vous proposez pour se substituer aux class actions serait crédible si vous donniez à la DGCCRF les moyens de votre ambition.

M. Alain Fauconnier, rapporteur. - Nous abordons ce texte dans un esprit constructif, conformément à la tradition sénatoriale.

L'article 1er, dans la rédaction du projet de loi initiale, qui a trait aux contrats d'affiliation dans la grande distribution était déjà un peu en-deçà des remarques de l'Autorité de la concurrence. L'Assemblée nationale l'a dépecé. Quel est votre sentiment ?

Dans le domaine de la location immobilière, la distorsion est grande entre les logements meublés et non meublés. Ne pourrait-on pas rapprocher le statut des premiers des seconds ?

Les IGP ensuite : lorsque vous êtes venu dans mon département, Monsieur le ministre, vous avez fait une descente remarquée à Laguioles. J'étais d'accord avec ce que vous avez dit à l'époque, tout en mesurant la complexité d'une telle mesure. Autant, dans l'agriculture les choses sont relativement simples, encore que l'Europe tente de remettre en question nos IGP, autant pour les produits non alimentaires, l'exercice sera très compliqué. Il faudra bien pourtant que cette annonce se traduise dans les faits.

En ce qui concerne la DGCCRF, vous m'expliquerez comment vous comptez étendre ses missions tout en diminuant ses moyens matériels et humains. Avec 500 agents en moins sur 3 500, l'exercice me semble impossible.

Je comprends les craintes d'une américanisation de notre droit de la consommation avec les actions de groupe. Mais pourquoi ne pas accorder ce droit aux associations tout en permettant à la DGCCRF de traiter ces dossiers de façon complémentaire ? De fait, le texte répond au problème des clauses abusives, mais il n'aborde pas du tout la question des réparations dues aux victimes. Si la DGCCRF arrive à sanctionner les entreprises fautives, ce qui ne sera pas chose aisée avec 500 agents de moins, elles mettront un terme à leurs pratiques déloyales, certes, mais quid de l'indemnisation ? En outre, les associations de défense des consommateurs souhaitent être reconnues. Il y a là une alchimie complexe à trouver.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Pourquoi préférez-vous les amendes administratives aux sanctions pénales : quelles garanties pour les professionnels en termes de procédure, quelles garanties pour les consommateurs ?

Quid des moyens accordés à la DGCCRF ? Comment fait-on mieux avec moins ?

La liste Pacitel d'opposition au démarchage téléphonique fonctionne par inscription sur Internet. Encore faut-il avoir accès à Internet et savoir utiliser cet outil. Les plus vulnérables risquent d'être laissés sur le bord du chemin. Je ne comprends pas que vous n'ayez pas accepté la proposition de loi votée au Sénat à l'unanimité en avril et qui prohibait toute prospection par téléphone, sauf accord du consommateur.

En ce qui concerne l'action de groupe des consommateurs, je rejoins ce que vient de dire mon collègue : vous vous référez sans cesse au système américain, mais le Sénat a beaucoup travaillé sur ces questions : une mission d'information a rendu ses conclusions et une proposition de loi de M. Richard Yung a été déposée pour renforcer le droit des consommateurs, y compris le droit à réparation.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. - Sur les réseaux d'affiliation traités par l'article 1er du projet de loi, il y a eu un avis de l'Autorité de la concurrence. Le gouvernement a travaillé à partir de cet avis et il a interrogé les professionnels et les acteurs économiques. Le texte est ensuite parti au Conseil d'État qui l'a modifié. Cette nouvelle rédaction posait un certain nombre de problème pour les indépendants car elle remettait en cause leur régime même. A l'Assemblée nationale, le rapporteur a travaillé avec l'ensemble des professionnels pour mettre en place un dispositif équilibré rappelant la primauté des statuts sur la convention d'affiliation afin de répondre aux inquiétudes des indépendants, avec la possibilité après une convention d'affiliation à durée déterminée de passer dans un modèle de convention tacitement reconduite pour une durée indéterminée - c'était une demande de la Fédération du commerce associé. En outre, la période transitoire pour la mise en application de cet article a été repensée et la fixation de la durée maximale de la convention d'affiliation à durée déterminée a été suspendue le temps d'une large concertation. Au final, le texte est plus équilibré : il préserve les objectifs poursuivis de renforcement de l'information précontractuelle pour dynamiser la concurrence et il prévoit une concertation pour déterminer la durée maximale de la convention d'affiliation. Le rapporteur de l'Assemblée nationale a donc beaucoup travaillé sur cette question, il a procédé à de nombreuses auditions et le gouvernement a considéré que l'équilibre auquel étaient parvenus les députés était satisfaisant.

Il était prévu de transposer aux meublés les clauses applicables aux logements nus. Le ministère du logement n'a pas souhaité transposer ces mesures dans le présent projet de loi et sur ces sujets comme sur d'autres aspects que vous évoquez, une concertation est actuellement engagée et devrait donner lieu à un projet de loi spécifique au secteur du logement.

En effet, il ne faut pas entrer dans une simple logique d'affichage sur l'IGP. Il faut être pragmatique. Il y avait un débat au sein du gouvernement sur la façon d'intégrer les exigences européennes et j'ai pris la peine de m'adresser directement au commissaire européen Michel Barnier qui nous a donné son feu vert. Il fallait trouver des points d'équilibre, chacun étant bien conscient que l'objectif n'est pas de fragiliser l'artisanat local même lorsqu'il repose sur la collaboration entre des entreprises de plusieurs départements. Nous avons encore besoin de travailler pour mettre au point un système opérationnel comme celui qui existe dans le domaine alimentaire.

A Mme Nicole Bonnefoy, je répondrai à, propos de Pacitel qu'Internet est à ce stade le moyen moderne qui nous a permis d'engager une véritable dynamique dont témoignent les 500 000 personnes déjà inscrites. Mais nous verrons comment les choses évolueront. La proposition de loi Mézard a été adoptée avec l'engagement de tous d'améliorer le dispositif. Je tiens à ce propos ici à remercier le Sénat car ce texte a fortement incité les professionnels à trouver une solution alors que celle qui avait initialement été prévue comportait un vrai risque pour l'économie d'un secteur qui représente plusieurs centaines de milliers d'emplois et je souhaite que nous poursuivions le débat de la façon la plus ouverte et la plus transparente possible. Je souhaite renforcer la protection du consommateur en préservant les emplois. A cet égard, nous devons veiller à ne pas tuer tout type de relations entre l'entreprise et le client au risque de fragiliser les emplois. Recherchons avec discernement des améliorations mais, puisqu'une dynamique est engagée, ne la cassons pas en tentant d'imposer des schémas dogmatiques.

Le principe du contradictoire sera bien respecté, puisque les infractions seront notifiées par procès-verbal, le professionnel disposant d'un délai d'un mois pour faire des observations écrites ou orales, précise l'article 10 du projet de loi et l'ensemble des voies de recours lui étant ensuite ouvertes en cas de sanction. Il s'agit bien d'assurer la protection du consommateur tout en garantissant les droits de l'entreprise.

La DGCCRF est une administration dont je suis fier d'être le ministre ; je suis bien entendu très attaché à ce qu'elle puisse accomplir ses missions dans les meilleures conditions. La transmission des données relatives aux marges par les distributeurs à France AgriMer peut appeler des ajustements, mais les gains seront particulièrement sensibles en matière de gestion des amendes administratives, puisque 30% des 8 400 dossiers traités aujourd'hui par la DGCCRF devraient être concernés par cette dépénalisation, grâce à des gains de temps, considérables dans la gestion des procédures et le suivi des dossiers de contentieux en liaison avec le parquet. Des économies de temps seront aussi réalisées en matière de suivi des non-respects d'injonctions administratives, activité actuellement très chronophage.

Des diminutions d'emplois seront donc possibles, nous y reviendrons demain dans le cadre du débat budgétaire. La question est en fait la suivante : peut-on faire aussi bien et même mieux avec moins de personnels ? Ma réponse est oui, comme l'attestent d'ailleurs les indicateurs de performance de la DGCCRF. La part du temps consacré aux enquêtes des agents de terrain s'établit à 74,5 % et continue de s'améliorer. Les délais de traitement d'un contentieux ont été raccourcis au cours des deux dernières années et la part des demandes d'enquête auquel il a été répondu dans les deux mois ne cesse de progresser. Voilà la preuve que l'on peut parfaitement faire mieux en changeant les méthodes dans le sens de plus d'efficacité.

Mme Élisabeth Lamure. - Votre projet, qui s'inscrit dans la continuité d'autres textes, a le mérite d'être pragmatique et adapté aux formes nouvelles de consommation. C'est en quelque sorte un texte de la vie quotidienne. Bien que j'aie cru comprendre que son objectif n'était pas d'exhumer les dossiers qui fâchent, je regrette cependant qu'il n'aborde pas les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dont j'avais pu constater à l'occasion de l'examen de la loi sur la modernisation de l'économie à quel point elles étaient déplorables. Il y avait de nombreux abus que les fournisseurs n'osaient pas dénonce par crainte de représailles. La DGCCRF avait fait un excellent travail au travers de ses brigades LME. Où en est-on aujourd'hui ? Enfin, j'ai bien compris que l'objectif recherché était essentiellement un allégement de sa charge de travail pour la redéployer.

M. Yannick Vaugrenard. - J'ai compris votre évolution sur l'action de groupe. Mais tout en étant conscient des risques de la judiciarisation excessive, je crois tout de même que l'on est plus fort lorsqu'on est plusieurs que lorsqu'on est seul. Vous avez aussi évoqué l'équilibre entre la protection des consommateurs et la défense de l'emploi. Pour ma part, je pense que l'un n'est pas nécessairement préjudiciable à l'autre.

S'agissant de la nécessaire information du consommateur, je souhaiterai aborder la question particulièrement emblématique de l'avenir de 60 millions de consommateurs, revue sur laquelle pèsent des risques de privatisation susceptible de porter atteinte à son indépendance. Que comptez-vous faire pour éviter cela ?

Enfin, quelle est votre position sur les propos tenus hier par M. François Baroin à l'Assemblée nationale lors des questions d'actualité, selon lesquels la gauche serait arrivée au pouvoir en 1997 par effraction ? Ils ont occasionné - fait particulièrement rare - une suspension de la séance des questions d'actualité. Vous qui souhaitez travailler dans un esprit de consensus, êtes-vous solidaire de ses propos ?

M. Michel Bécot. - Que compte faire le gouvernement pour soutenir l'artisanat qui est un secteur essentiel de notre économie ? Quel bilan tirez-vous du taux du TVA dans la restauration ? Enfin, la suppression de mandat exclusif unique pour les agents immobiliers semble prévue par le projet de loi. Un jeune professionnel m'a alerté : ne risque-t-elle pas de se traduire par une concurrence effrénée au détriment du sérieux et de la qualité des services rendus aux clients ? Est-elle même utile alors que dans le cadre d'un mandat exclusif, le client n'est lié à l'agence que pour une durée de trois mois ?

M. Martial Bourquin. - J'ai bien entendu votre volonté de protéger les consommateurs. Pour ma part, j'estime que cet objectif est inséparable de l'action en faveur de la croissance, la redistribution des richesses et la solidarité. Toute action partielle en la matière est condamnée à l'inefficacité.

Les statistiques sur le pouvoir d'achat que vous nous avez présentées s'accompagnent d'une augmentation fantastique des inégalités comme en témoignent les inscriptions à Pôle emploi et une étude récente du Secours catholique sur la pauvreté, notamment des jeunes diplômés. Les inégalités nourrissent la pauvreté !

A propos de la loi de modernisation de l'écdonomie, nous ne pouvons que constater que davantage de concurrence ne règle pas les marges arrière, ni ne protège les consommateurs, mais met sur la paille agriculteurs et artisans. Elle peut même aggraver certains déséquilibres économiques et sociaux. Je crois qu'après la crise de 2008, on ne peut plus aborder la question de la concurrence de façon néolibérale : une place essentielle doit désormais être donnée à la régulation. Les distorsions sur les prix comme sur le logement, le gaz ou les carburants, n'appellent-elles pas une maîtrise publique des prix ? Total, qui répercute les hausses mais pas les baisses de prix, réalise des profits extrêmement faciles - entre 10 et 12 milliards d'euros -au détriment de consommateurs captifs et cela sans quasiment payer d'impôts.

M. Gérard Cornu. - Je me félicite de ce texte qui s'inscrit dans le prolongement des lois Chatel et de modernisation de l'économie en proposant un renforcement concret de la protection du consommateur. Comme toujours en ce domaine, il va immanquablement s'alourdir puisque le projet initial comptait 11 articles et qu'il en comprend déjà 55 avant son passage au Sénat. Il conviendra de bien veiller à la cohérence de l'ensemble du texte.

Se pose aussi la question de l'information du consommateur particulièrement nécessaire en matière médicale, dans des domaines techniques comme celui de l'optique pour lesquels il serait sans doute très appréciable de disposer d'une information préalable quant au contenu des décrets d'application. Plus généralement, les décrets d'application de ce type de texte sont trop souvent trop tardifs, soit plus de 12 à 18 mois après la loi, ce qui induit des déceptions par rapport aux attentes qu'elle avait suscitées.

M. Daniel Raoul, président. - Cela rejoint ma proposition de lois « biodégradables » après un certain temps si les décrets d'application n'ont pas été publiés.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Vous avez évoqué l'évolution très rapide des habitudes de consommation ; mais on ne peut pas faire l'économie d'une réflexion sur ceux qui assurent la promotion voire l'encouragement de cette consommation. Comment limiter les pratiques de la publicité qui créent des besoins, en s'adressant parfois à des personnes dépourvues du discernement nécessaire pour apprécier ses messages ? Je ne parviens pas à me satisfaire de ce processus d'incitation permanente. Il y a 4 ou 5 ans, on passait pour un imbécile si on n'achetait pas un écran plat : c'est donc une question sociétale.

M. Rémy Pointereau. - Je me félicite de la méthode sage et pragmatique que vous avez choisie. Ma question portera sur l'article 7 du projet de loi relatif aux IGP. Je songe à l'exemple d'une entreprise située dans le Cher, près de Vierzon, qui décore des objets en porcelaine de Limoges et qui serait confrontée à la volonté des porcelainiers de Limoges de réserver l'appellation « Porcelaine de Limoges » aux seuls produits intégralement produits à Limoges. L'alinéa 3 du projet de loi prévoit un cahier des charges ce qui suppose un accord entre l'ensemble des partenaires. Qu'en sera-t-il, par exemple, face aux entreprises qui n'hésitent pas à délocaliser la peinture en Chine ? Ne pourrait-on pas prévoir une mention « Porcelaine de Limoges, décorée en France » ?

M. Claude Bérit-Débat. - Vous avez lié ce projet de loi de protection des consommateurs à l'accroissement du pouvoir d'achat. Dans les faits, ce n'est pas aussi simple, l'association de ces deux notions relève même de l'illusion pour ne pas dire de la mystification.

Je ne suis pas non plus convaincu par votre réponse relative à la DGCCRF. Je ne vois pas du tout, après les coupes intervenues dans les effectifs et la mise en place de la RGPP, comment vous parviendrez à la doter des moyens nécessaires pour assurer les nouvelles missions que vous entendez lui confier.

Sur le sujet de l'action de groupe, qu'il me parait nécessaire de faire évoluer, je souscris aux propos de Yannick Vaugrenard car, sans aide extérieure, par exemple d'une association, il est très difficile pour une personne confrontée à de lourdes difficultés d'agir isolément.

Quoique le principe des indications géographiques protégées ne soit pas contestable, la prudence est de mise pour se prémunir contre d'éventuels effets pervers.

Je me demande s'il ne faudrait pas inverser le dispositif sur le démarchage électronique et, au lieu de demander à la personne concernée d'indiquer à une autorité qu'elle ne souhaite pas être démarchée, elle dirait, au reçu du message, si elle souhaite ou non être démarchée.

M. Bruno Retailleau. - Voilà un projet concret et qui va dans le bon sens. Je demeure opposé à l'action de groupe, non seulement sur le principe, mais aussi sur les modalités. On voit bien en effet, outre-Atlantique, que ce type de procédures peuvent être gravement dévoyées. Nous aurons l'occasion d'en reparler, car il s'agit de toute façon d'un débat intéressant et utile.

En matière de communications électroniques, je souhaite indiquer, en associant Pierre Hérisson à mon propos, que le tarif social constitue à nos yeux une avancée fondamentale à condition qu'il soit octroyé dans des conditions de concurrence justes. Sur le commerce électronique, la France enregistre un important retard par rapport à l'Allemagne, à l'Angleterre ou aux États-Unis, alors qu'il constitue un gisement de croissance important. Mieux on sécurisera les transactions, plus les consommateurs seront encouragés à y recourir, alors même que les entreprises en ont besoin. Enfin, et il s'agit d'un point plus technique, aujourd'hui en matière de communications électroniques, tous les développements se nouent autour de ce que l'on appelle les « offres d'abondance » avec la notion d'offres illimitées. Il est normal que vous proposiez un encadrement, dans la transparence, du terme « illimité ». Mais je pense qu'il faudra aussi proposer, ici ou ailleurs, de travailler sur les critères même d'utilisation de cette notion qui commence à être dévoyée sur fond de bataille souterraine dans laquelle on voit bien que les opérateurs, qui ont fait décoller l'internet mobile grâce à des offres d'abondance, sont aujourd'hui tentés, avec l'explosion du trafic et l'engorgement des réseaux, de faire marche arrière à toute allure.

M. Daniel Raoul, président. - Bruno Retailleau a tout à fait raison sur cette question du dévoiement de la notion d'« illimité » dont on découvre les nombreuses limites.

Mme Évelyne Didier. - Il faudra bien que nous ayons aussi une réflexion sur les limites imposées au temps de parole lors de nos travaux de commission car quand les premiers intervenants parlent abondamment, les derniers sont réduits à la portion congrue !

Une loi sur la protection des consommateurs est bien évidemment utile. Il y a effectivement une nécessité en la matière car il n'y a pas d'égalité - et le faire croire serait mensonger - entre le consommateur et le vendeur. Les propos tenus à l'instant au sujet des offres illimitées montrent bien que les vendeurs ont toujours une longueur d'avance et que la transparence est loin d'être totale. Nous avons donc besoin d'outils pour faire en sorte que les règles de la concurrence libre et non faussées soient respectées. Pour cela nous avons besoin de trois éléments. Il nous faut tout d'abord une bonne connaissance du sujet d'où l'importance d'outils comme l'Institut national de la consommation (INC), qui ne possède pas tous les instruments de diffusion d'information, ou encore comme 60 millions de consommateurs qui doit absolument rester un organe de presse, indépendant de la publicité. Il nous faut ensuite un contrôle, qui repose en effet sur l'action de la DGCCRF. Certes, elle travaille désormais autrement, mais à partir du moment où on élargit ses missions, il faudra lui donner les moyens adéquats. Enfin, un recours doit être possible. Là encore vous évoquez les pouvoirs d'injonction et de sanction administrative, mais des marges arrière aux ententes illicites, les vendeurs conservent de nombreuses possibilités de tromper les consommateurs. C'est pour cela qu'il est important de renforcer les contrôles, qui doivent passer par de véritables enquêtes et non par de simples vérifications d'étiquettes en vitrine. Surtout, il faut qu'à l'issue des recours, des sanctions pénales soient effectivement prononcées contre les vendeurs, car lorsque les clients sont pris en défaut, alors la sanction pénale est prononcée sans difficulté.

M. Jean-Claude Lenoir. - Je soutiens évidemment un texte que j'ai eu l'occasion de connaitre dans une autre Assemblée récemment. Je voudrais évoquer deux sujets qui préoccupent beaucoup les consommateurs. Pouvez-vous nous donner des éléments plus précis sur le tarif social pour Internet ? S'agissant ensuite de Pacitel, certes il paraît intéressant de pouvoir bloquer les démarchages téléphoniques à domicile, mais qu'en est-il lorsque ceux-ci viennent de pays tiers ? Pensez-vous disposer des moyens nécessaires pour y parer ? Enfin, quelles sont les modalités pour bénéficier de ce dispositif et quand celui-ci sera-t-il opérationnel ?

M. Michel Magras. - Une fois n'est pas coutume je vais me faire l'avocat de l'outre-mer. Lorsque l'on habite sur une île, l'utilisation des nouvelles technologies de communication n'est pas un luxe mais une nécessité, bien plus qu'ailleurs, surtout si cette île est entourée d'îles étrangères. A ce sujet, je me limiterai à la question de la téléphonie. En effet, l'utilisation du téléphone portable lors d'un passage d'une île française vers une île d'un territoire étranger fait basculer la tarification en roaming. Dès lors, en oubliant de désactiver cette option, vous « exploserez » très rapidement votre budget, si vous me permettez cette expression. C'est d'ailleurs la même chose lorsque nous nous rendons en métropole alors que nous sommes en territoire français. Nous payons donc nos consommations à des tarifs plus élevés, notamment la réception de nos appels et la consultation des mails. Monsieur le ministre, les consommateurs ultramarins peuvent-ils espérer un jour, sinon de bénéficier d'une harmonisation des tarifs, au moins d'une réduction des marges?

M. Daniel Raoul, président. - Le problème est le même pour ceux qui naviguent...

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. - Je voudrais d'abord vous remercier, les uns et les autres, de l'esprit constructif qui a marqué nos échanges. Je vais essayer de me concentrer sur les sujets qui concernent le texte.

Sur les relations commerciales aussi, Elisabeth Lamure, le texte s'en tient aux dépenses contraintes. Nous allons arriver à un moment où l'on pourra voir si, justement, les propositions de régulation contenues dans le texte voté à l'époque, fonctionnent ou pas. La question prioritaire de constitutionalité a été abondamment utilisée et sur les 51 recours devant la justice, deux seulement ont abouti avec des condamnations fortes. Pour le reste, toutes les voies destinées à ralentir la procédure judicaire ont été utilisées. Nous verrons donc, dans les semaines qui viennent si les outils de régulation fonctionnent, et je crois pouvoir vous répondre positivement compte tenu des condamnations récentes. D'ailleurs, la longueur des poursuites judicaires milite de poursuivre dans la voie des sanctions administratives pour protéger les consommateurs.

Yannick Vaugrenard, notre texte renforce la protection des consommateurs et la concurrence. Il s'agit de trouver un équilibre pour préserver la consommation qui est le moteur de la croissance et de l'emploi. S'agissant de la question importante, également évoquée par Evelyne Didier, relative à l'INC et 60 millions de consommateurs, j'entends être le défenseur de ces outils qui doivent absolument demeurer indépendants et pouvoir s'inscrire dans la durée. L'INC cherche des solutions et je n'exclus aucune option pour sauver ce titre. Vous avez entièrement raison, il doit absolument rester indépendant : il réalise un excellent travail de défense des consommateurs et il serait inconcevable qu'il y ait un quelconque mélange des genres avec des entreprises.

J'indique à Michel Bécot, que, pour éviter toute mauvaise interprétation, mon cabinet recevra les professionnels de l'immobilier la semaine prochaine. La rédaction peut effectivement être affinée pour préciser explicitement que le vendeur ne peut pas vendre directement à des clients déjà approchés par le professionnel dans le cadre de son mandat. Nous sommes très ouverts sur je sujet et ne doute pas que nous trouverons un point d'accord.

J'aurai prochainement l'occasion de dévoiler un plan ambitieux pour l'artisanat, qui est l'âme de notre pays. C'est une question importante pour nos territoires et il s'agit d'un des éléments majeur de croissance et d'emplois dans le cadre de la mondialisation, dont les effets d'uniformité nous renvoient à la recherche de sens et d'authenticité dont l'artisanat est porteur.

Je recevrai demain les principales organisations concernées par la TVA dans la restauration. Un effort collectif a été engagé. Personne n'est stigmatisé, tout le monde participe, et c'est bien l'équité et la justice qui ont prévalu en la matière.

Martial Bourquin, sur le pouvoir d'achat, personne ne dit que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. La question importante qui se pose pour nos concitoyens est celle du « reste à vivre ». Je ne referai pas l'erreur que d'autres ont commise sur la sécurité. La baisse du pouvoir d'achat n'est effectivement pas qu'un simple ressenti mais ce texte permet justement d'offrir des armes à nos concitoyens pour ne pas se laisser dépasser par les dépenses contraintes.

Nous sommes évidemment pour le renforcement de la transparence et de la régulation. Personnellement, et c'est sans doute un point majeur d'opposition entre nous, je ne crois absolument pas à l'encadrement des prix. Partout où il a été utilisé, il a été démontré qu'il produisait l'effet inverse.

M. Martial Bourquin. - Ah bon ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. - Je crois, au contraire, y compris sur les carburants, à la concurrence. J'aurai d'ailleurs bientôt l'occasion d'annoncer un nouvel outil de comparaison pour les consommateurs, car toutes les solutions qui ont été imaginées par les majorités qui se sont succédé, ont échoué en la matière et ont été coûteuses pour les finances publiques. En revanche, je vous démontrerai, chiffres à l'appui, que les dispositifs de renforcement de la concurrence sont bien plus efficaces pour les consommateurs.

Evelyne Didier, je conviens de la nécessité de la transparence sur les marges, mais, là encore, je ne crois pas à leur encadrement. Nous avons eu, encore récemment, un débat à l'Assemblée nationale, sur les sanctions dans ce domaine. Il faut que nous travaillions ensemble au Sénat pour parvenir à un point d'équilibre sur la question des sanctions en cas de refus de transparence sur les marges.

Oui, Gérard Cornu, il faut écouter tout le monde mais si nous voulons traiter, dans ce projet de loi, de tous les sujets portant sur la consommation et la concurrence, autant le dire à nos concitoyens, nous n'y arriverons pas. Nous avons fait un choix clair, celui d'une stratégie de protection des consommateurs, notamment concernant les dépenses contraintes.

De nombreux articles de ce texte sont d'application immédiate. Pour les autres, nous avons déjà commencé à travailler et je m'engage à vous présenter, lors des débats en séance, les grandes lignes des décrets d'application. Cela permettra aux uns et aux autres d'être rassurés sur des sujets sensibles, comme la santé, sur lesquels je travaille avec mes collègues du gouvernement.

En matière de publicité, Jean-Jacques Mirassou, la loyauté est un élément consubstantiel de la relation de confiance nécessaire entre le consommateur et le professionnel et c'est d'ailleurs un des objectifs essentiels du texte. Cela rejoint ce que disait Bruno Retailleau à propos de l'illimité qui est un bon exemple dans le secteur des télécoms. Plutôt que de l'interdire, comme certains me le proposaient, j'ai préféré le pragmatisme face à la capacité d'adaptation linguistique des vendeurs. J'ai constaté en effet que certains mots nouveaux avaient fait leur apparition comme, par exemple, « illimythics ». Dès lors, ce qui est important ce n'est pas de faire l'affichage, mais de fixer les limites dans l'intérêt de tous et sur lesquelles il faut travailler.

Que Rémy Pointereau ne s'inquiète pas de l'indication géographique protégée (IGP), notamment s'agissant de la porcelaine de Limoges. D'une part nous avons l'exemple de l'alimentaire, d'autre part, l'objectif est bien de protéger l'artisanat et nos territoires : il est hors de question de remettre en cause les entreprises qui existent. Et je prendrais l'exemple de Laguiole, car sur ce point, nous avons déjà eu l'occasion d'échanger avec votre collègue député André Chassaigne, qui évoquait Thiers. Le réalisme commande de trouver des terrains d'entente. Donc il ne s'agit pas d'un outil pour que les acteurs s'affrontent, mais pour que nos entreprises puissent résister au pillage d'autres pays.

Je reviendrai demain sur les moyens de la DGCCRF. J'indique en revanche à Claude Bérit-Débat que la preuve du bon fonctionnement de l'outil mis en place sur le démarchage résulte de l'adhésion des consommateurs. Je suis pragmatique. Quand je constate qu'un outil marche et que les acteurs jouent le jeu, je me dis que cela vaut mieux que les dispositifs complexes qui, en réalité, ne fonctionnement pas, ou, pire, peuvent avoir des effets pervers en termes d'emplois. Vous voulez trouver un point d'équilibre ? Voilà au moins un objectif que nous partageons.

Je partage l'opinion de Bruno Retailleau sur le commerce électronique : c'est un gisement de croissance. D'où le plan que j'ai lancé en janvier dernier. Il faut, en effet, renforcer la confiance et la croissance, objectifs que l'on retrouve dans ce texte.

Jean-Claude Lenoir, l'obtention du tarif social pour Internet est subordonnée à des caractéristiques minimales. L'Europe ne nous permet d'ailleurs pas de faire autrement. Grâce à ce dispositif, les allocataires du RSA-socle se voient proposer un tarif attractif pour le service de base et des abonnements mensuels avec accès illimité à Internet et à la téléphonie fixe inférieurs à 23 euros TTC incluant Internet. L'originalité du dispositif mis au point avec Orange tient à l'extension géographique, puisque 98 % du territoire sont couverts. Vous pourrez toujours trouver des opérateurs avec des offres comparables, mais sur des aires autrement plus limitées.

Michel Magras, les dispositifs protecteurs s'appliqueront bien sûr outre-mer. Je pense notamment aux moyens de blocage, que les consommateurs pourront toujours neutraliser. Sur ce plan, vous serez satisfait.

M. Daniel Raoul, président. - Merci. Nous vous parlerons de la DGCCRF dès demain matin. Cela laisse une nuit pour y réfléchir !

Loi de finances pour 2012 - Audition de Mme Nathalie Kociusko-Morizet, ministre de l'Écologie, du développement durable, des transports et du logement

M. Daniel Raoul, président. - Je suis heureux d'accueillir Mme Nathalie Kosciusko-Morizet pour la présentation des crédits de la mission « Écologie ».

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. - La première des motivations de nos choix a été la volonté de satisfaire l'attente concrète des Français quant à leur vie quotidienne, bien que le Grenelle soit par nature un objectif à long terme. Dotée de 9,658 milliards d'euros, la mission voit ses moyens augmenter de 1,5 %, mais la masse totale des crédits ministériels atteint 24,7 milliards avec tous les budgets associés. Cependant, notre engagement continu en faveur du Grenelle de l'environnement ne nous exonère pas de l'effort demandé au titre du redressement des comptes publics en 2012.

Ce budget a trois vertus : il est responsable, efficace et dynamique. Il est responsable, car il couvre une partie des dépenses obligatoires - comme l'entretien de sécurité des infrastructures routières - en mobilisant toutes les économies possibles. La révision générale des politiques publiques (RGPP) et le non-remplacement d'un peu plus d'un départ à la retraite sur deux aboutissent à la suppression de 1 309 équivalents temps pleins travaillés - il en reste 60 305. Les économies réalisées sur les dépenses de fonctionnement du ministère et des opérateurs se situent entre 4 et 5 %. Mon budget contribue à hauteur de 170 millions d'euros - dont 84 millions d'euros pour le coeur de mission - aux économies décidées le 24 août par le Premier ministre. À la suite des mesures annoncées lundi, les dispositifs fiscaux ont été recentrés sur la partie la plus efficace, avec un coup de rabot de 20 % notamment sur le crédit d'impôt « développement durable ». Nous allons réaliser des économies supplémentaires pour 70 millions d'euros, dont 10 à 15 millions porteront sur la garantie des risques locatifs et 40 millions sur les infrastructures de transport.

Mais ce budget est responsable aussi en ce qu'il permettra de développer nos établissements. Ainsi, l'Institut géographique national (IGN) va se rapprocher de l'Inventaire forestier national (IFN) à partir du 1er janvier 2012, car ces deux institutions contribuent à la bonne appréhension des réalités physiques de nos territoires. À ce titre, ils percevront en 2012 une subvention atteignant 96 millions d'euros pour charges de service public. Je pourrais mentionner aussi Météo France : au total, 4,3 millions supplémentaires iront aux investissements de cet établissement.

Le budget que je vous présente est également efficace, puisqu'il prend en compte les critiques formulées par le Sénat et par l'inspection des finances. Ainsi, les dispositifs fiscaux et l'éco-PTZ sont réorientés vers le coeur de leur efficacité, en éliminant les effets d'aubaine et en privilégiant les bouquets de travaux, énergétiquement plus efficaces que le seul remplacement de fenêtres par exemple. Nous voulons économiser 38 % de l'énergie consommée dans l'habitat.

Enfin, ce budget dynamique est structuré par les objectifs du Grenelle de l'environnement, puisque 163 millions d'euros sont spécifiquement consacrés à ses engagements.

Je voudrais maintenant évoquer plus en détails quelques thématiques.

Après la catastrophe de Fukushima, la sûreté nucléaire justifie la création de 44 emplois et l'attribution de 20 millions d'euros à l'Autorité de sûreté nucléaire et à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, qui ont été - et seront - très sollicités.

La santé environnementale concerne l'ensemble des liens entre environnement et santé. Le plan « santé-environnement » est en cours de déploiement ; un groupe de 20 000 enfants - la cohorte Elfe - sera suivi pendant 20 ans pour mieux comprendre les liens entre environnement et pathologies.

Au titre de la gestion des risques, 64 millions d'euros seront consacrés à la lutte contre le bruit - car il s'agit d'un enjeu de santé publique -, au traitement des sols pollués, ainsi qu'à la qualité de l'air intérieur et à la prévention des risques inhérents aux ondes électromagnétiques.

Un mot sur le cadre de vie, au sens de l'urbanisme durable : mon ministère soutient de grands projets réalisés dans de grandes villes françaises comme Bordeaux, Marseille, Saint-Étienne, Nice ou le Grand Paris, avec le plateau de Saclay. Nous consacrons 8 millions d'euros à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale (SCOT) prenant en compte les engagements du Grenelle de l'environnement, des plans locaux d'urbanisme (PLU) intercommunaux et à la promotion d'éco-quartiers. J'évoquerai ultérieurement le rôle des investissements d'avenir au service de ces objectifs.

Ce budget favorise le dynamisme de secteurs d'avenir pour relever le défi écologique.

L'efficacité énergétique a notamment pour vertu de créer des emplois non délocalisables. À la demande du Président de la République, j'ai organisé des tables rondes sur cette thématique pour prolonger le Grenelle de l'environnement. Ces rencontres sont à l'origine des mesures réformant l'éco-PTZ (prêt à taux zéro) et le crédit d'impôt « développement durable ». Dans cet esprit, nous mobilisons le budget de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) en faveur de l'efficacité énergétique.

Le Grenelle avait fixé comme objectif d'affecter à la recherche 1 milliard d'euros d'investissements supplémentaires d'ici la fin 2012. Cet objectif sera dépassé, puisque les programmes de la période 2008-2011 atteignent déjà 1,2 milliard de plus qu'en 2007. En ajoutant ce budget de recherche et l'effort spécifique au Grenelle, la recherche dans le domaine de l'énergie bénéficiera de 1,6 milliard d'euros d'investissements chaque année, dont 26 millions seront consacrés au secteur aéronautique.

La dotation au titre des transports atteindra 7,8 milliards d'euros, soit une hausse de 1,5 % des crédits de paiement. Avec la volonté de s'inscrire dans un objectif de mutation économique et écologique, les infrastructures de transport seront rénovées, avec un rééquilibrage au détriment des transports routiers. Nous accordons une priorité à l'entretien de tous les réseaux, avec 3,9 milliards dans le budget de l'État et celui de l'Agence de financement des infrastructures de transport (AFITF).

J'en viens au secteur aérien. Le budget annexe « contrôle et exploitation aériens » a pour finalité la sécurité du transport, sa fluidité et la protection de l'environnement. Supérieure à 2 milliards d'euros, sa dotation lui permettra notamment de poursuivre les investissements dans le cadre de la mise en oeuvre du ciel unique européen.

S'agissant du domaine maritime, les investissements de sécurité dans les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage en mer (CROSS) s'élèvent à 11 millions d'euros par an. Le « paquet Érika 3 » est au service de la mer, du littoral et de tous leurs usagers. À ce propos, la marée noire qui frappe la Nouvelle-Zélande nous incite à la vigilance.

Quelques 49 millions d'euros ont été fléchés « Grenelle » pour préserver les espaces protégés et soutenir la stratégie nationale de biodiversité. Une enveloppe de 15 millions d'euros financera des projets tendant à restaurer des zones dégradées ou à combattre des espèces envahissantes outre-mer et on peut craindre ainsi que l'incendie récent sur l'île de la Réunion provoque de telles proliférations. De même, six nouveaux parcs naturels marins et le nouveau Parc national des calanques ont été ou vont être créés. Tout cela prolonge l'effort engagé.

Dotées de 2 milliards d'euros en 2012, les agences de l'eau mettront aux normes 74 stations de traitement et participeront à la suppression d'un millier d'obstacles à l'écoulement des eaux. En outre, 14 milliards d'euros leur permettront de réaliser leur dixième programme d'intervention, qui privilégie le dialogue avec les usagers.

M. Daniel Raoul, président. - Une question d'ordre général : de quels chiffres parlez-vous ? De ceux du projet de budget initial ou de ceux du projet rectifié après les dernières annonces du Gouvernement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Ce sont les chiffres du projet de loi de finances initial mais j'indique à chaque fois quand ils sont modifiés par le plan du 24 août, puis par celui du 7 novembre. Les chiffres à la disposition de vos rapporteurs sont ceux du projet de loi de finances initial.

M. Daniel Raoul, président. - Nous n'aurons, si je comprends bien, les chiffres définitifs qu'après le conseil des ministres du 16 novembre ; le chevauchement de nos calendriers pose problème, car nous devons élaborer nos avis budgétaires avant d'en avoir connaissance. Chacun ses contraintes !

Mme Élisabeth Lamure. - Quand verrons-nous la réalisation du projet « ciel unique » entre la France, l'Allemagne, la Suisse et le Benelux? Comment procéder sans un rapprochement préalable des prestataires ? Je ne méconnais pas l'obstacle constitué par la diversité de leurs statuts...

J'en viens au transport terrestre. Où en est l'installation des 4 000 radars pédagogiques? Qu'envisagez-vous pour combattre le vandalisme opéré sur les radars fixes, qui coûtera environ 15 millions d'euros l'an prochain ?

Le tarif des amendes de stationnement est passé de 11 à 17 euros, mais de nombreux élus voudraient décentraliser la compétence : les problèmes ne sont pas les mêmes dans une grande ville et une petite.... Quelles sont les perspectives en la matière ?

M. Roland Ries. - Certains points du budget transport me semblent problématiques. Ainsi, la fameuse taxe sur les poids-lourds devrait être appliquée en 2013. Sauf erreur de ma part, le délai minimum de mise en oeuvre ne pourra être inférieur à 21 mois, à condition qu'il n'y ait plus ni atermoiement, ni retard, ni recours. Chaque mois qui passe nous fait irrémédiablement perdre de l'argent.

Sur le plan des recettes, le budget de l'AFITF semble insuffisant en regard du schéma national des infrastructures de transport (SNIT). L'écart est énorme entre les intentions et les capacités de financement !

Ma troisième interrogation concerne le déficit du dispositif bonus-malus. Au départ, il devait être équilibré, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Comment rétablir la situation pour moins peser sur les finances publiques ? Les députés ont proposé de créer à cette fin un compte d'affectation spéciale.

J'en viens aux appels à projets pour les transports en commun en site propre (TCSP). Je n'ai rien vu dans ce projet de budget en faveur des villes moyennes asphyxiées par la circulation automobile, alors que 40 projets environ attendent un financement.

J'observe en outre une curiosité du programme 203 : les autorisations d'engagement (AE) sont inférieures aux crédits de paiement (CP), alors que les AE constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées. Je souhaite des explications.

Avec des AE qui augmentent, l'action 1 « Développement des infrastructures routières » laisse planer un doute sur la priorité affichée en faveur des infrastructures alternatives, d'autant que les crédits de l'action 11 « Infrastructures fluviales, portuaires et aéroportuaires » diminuent de 3 %.

Je partage avec Elisabeth Lamure et Louis Nègre les interrogations sur les amendes de stationnement, car la somme de 17 euros n'a pas un effet dissuasif uniforme sur l'ensemble du territoire. Mieux vaudrait confier la décision aux autorités organisatrices locales.

M. Charles Revet. - Je m'exprimerai tout d'abord au nom de Bruno Sido, contraint de retourner dans son département.

Comment sera ventilée la réduction de 2 millions d'euros appliquée aux crédits du programme 113 ? Quelles sont les actions concernées ? Les associations seront-elles épargnées ?

Quels sont les crédits consacrés à l'urbanisme de projet ?

L'article 51 quinquies a relevé de 108 à 128 millions le prélèvement opéré au profit de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) sur les agences de l'eau, au nom de la solidarité entre bassins. Cela ne manque pas d'inquiéter pour l'élaboration des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE).

S'agissant de la prévention des risques, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement relatif aux risques technologiques, domaine où nous constatons un grave retard. Quelle a été l'incidence de la réduction subie par le crédit d'impôt relatif aux constructions dans les zones visées par un plan de prévention des risques technologiques (PPRT), inscrite dans la précédente loi de finances ?

Enfin, après la tempête Xynthia, le Gouvernement avait annoncé qu'il affecterait quelque 500 millions au plan « submersion marine ». Comment cette orientation se traduira-t-elle dans ce projet de loi de finances ?

En tant que rapporteur pour avis du programme 205 « sécurité et affaires maritimes », je souhaite savoir où en est la réforme de l'École nationale supérieure maritime, et notamment le transfert de l'établissement du Havre à Sainte-Adresse ? Je suis directement concerné.

J'en viens à l'objectif n° 3 du programme 205 « contrôle des activités maritimes ». Pourquoi sommes-nous passés de 24 000 contrôles en 2010 à moins de 15 000 en 2011 ? Pourquoi ne distinguez-vous pas les contrôles effectués sur des navires français et ceux portant sur les navires étrangers ?

La sécurité des grands ports est un enjeu majeur, qui concerne de nombreuses autorités allant du maire au capitaine du navire en passant par le préfet maritime, le préfet territorial et le responsable de la capitainerie du port. En cas d'incident, qui coordonne l'action ? J'ai déjà posé cette question à de nombreuses reprises. J'ai parlé du maire, alors qu'il n'en peut mais : le territoire concerné échappe habituellement à sa responsabilité, qui ne couvre d'ailleurs pas les incendies.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Élisabeth Lamure, la fusion des services de contrôle aérien étant très difficile, nous travaillons à une meilleure coordination dans le cadre d'Euro-contrôle. En ce domaine, nous avons augmenté notre capacité de 30 % par rapport à 2010, face à une simulation d'éruption volcanique.

La loi de finances rectificative a transféré les radars pédagogiques au ministère de l'Intérieur. Idem pour le vandalisme et je ne peux donc pas me prononcer sur les dotations correspondantes.

Louis Nègre doit me remettre prochainement un rapport sur la décentralisation des amendes de stationnement. Il est donc prématuré de prendre une position sur ce sujet, auquel je suis par ailleurs très sensible en tant que maire d'une ville de 22 000 habitants.

M. Louis Nègre. - Il sera déposé sous quinze jours !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Roland Ries, le retard pris par la taxe sur les poids lourds est largement imputable à un contentieux portant sur le résultat de l'appel à candidatures, qui nous a fait perdre un an. L'Allemagne ayant mis 28 mois pour mener à bien un projet qui devait en prendre 12, nous avons été très vigilants : de très lourdes pénalités de retard ont été instituées, ce qui a sans doute incité la société Autostrade à anticiper malgré le contentieux. Globalement, la réalisation est plutôt en avance sur le calendrier contractuel.

Le SNIT exprime une vision stratégique : il ne s'agit pas d'une programmation financière. Sa réalisation dépendra donc du contexte économique et financier. Une fois le schéma déterminé, une programmation sur cinq ans sera élaborée, qui prendra en compte les obligations internationales de la France et les engagements des collectivités territoriales.

Le déficit du dispositif bonus-malus ne m'a pas surprise, car les calculs initiaux s'étaient bornés à prendre en compte l'élasticité prix, alors que nos concitoyens ont, au-delà du signal prix, volontairement privilégié des véhicules moins émetteurs de gaz carbonique. Le déséquilibre financier du dispositif résulte donc de comportements vertueux. Il reste qu'il faut rééquilibrer le compte d'affectation spéciale récemment créé, en réduisant de 78 millions d'euros les dépenses au titre du bonus et en augmentant de 34 millions les recettes procurées par le malus. Je vous rappelle que le bonus relève d'une décision réglementaire, alors qu'une réévaluation du malus est de nature législative. L'Assemblée nationale a déjà relevé le montant du malus et abaissé le plancher de son déclenchement.

Parmi les appels à projets urbains, les deux premiers engagent l'État pour 1,3 milliards d'euros. D'ici fin 2013, 1 000 kilomètres de lignes en site propre auront été mis en chantier, alors que le Grenelle avait fixé pour objectif 1 500 kilomètres à l'horizon 2015. Il est prématuré d'annoncer le calendrier du troisième appel à projets, après les 130 dossiers retenus lors des deux précédents appels.

Le programme n° 203 fait apparaître des crédits de paiement supérieurs aux autorisations d'engagement, car il faut bien honorer les décisions déjà prises, notamment en faveur du transport combiné. La différence des montants traduit une forme de décalage temporel.

Nous renforçons les crédits sur l'entretien routier, après avoir largement investi dans ce domaine depuis deux ans dans le cadre du plan de relance. Aujourd'hui, les besoins en entretien sont très importants après deux hivers marqués par un fort enneigement, mais cela n'empêche pas le rééquilibrage de l'investissement en faveur des alternatives à la route.

L'économie de 2 millions réalisée sur le programme 113 s'intègre dans les économies budgétaires. Elle est répartie entre les diverses sections du programme, tout en épargnant le Grenelle et la biodiversité, mais pas les associations.

Aucun dispositif permanent n'existe pour l'urbanisme de projet, mais la réflexion se poursuit sur des sujets comme l'empilement des documents d'urbanisme ou la généralisation des SCOT.

Le problème du prélèvement sur l'ONEMA est en fait un simple problème de calendrier, puisque l'excédent de trésorerie devrait passer de 30 millions à 55 millions fin 2012. Nous fractionnons donc les paiements fin mars et fin septembre.

En matière de prévention des risques technologiques, le crédit d'impôt est aujourd'hui de 30 %. Certes, il est plus facile d'inciter aux travaux avec un taux plus élevé, mais vous connaissez la situation budgétaire, même s'il est exact que les ménages concernés ne sont guère aisés.

S'agissant de la submersion marine : les crédits budgétaires de 60 millions d'euros s'ajoutent au fonds Barnier, abondé de 165 millions par an ces dernières années contre seulement 25 millions en 2005. Ce fonds a reçu des subventions exceptionnelles de 25 millions en 2010 et 100 millions en 2011 pour acquérir des résidences en Vendée ou en Charente-Maritime après la tempête Xynthia. Le fonds a repris en 2011 un rythme de croisière, avec 10 à 15 millions consacrés aux plans de prévention des risques (PPR), 20 à 30 millions destinés aux bâtiments dangereux pour la santé, 80 millions pour la prévention des inondations et 30 à 40 millions pour le plan « séisme Antilles », ainsi que d'autres opérations moins lourdes, comme celles liées aux mouvements de terrain. Le plan « digue » concerne les ouvrages d'art, mais aussi la formation et l'information du public.

Charles Revet, les anciens locaux de l'École nationale supérieure maritime sont en voie de déménagement et le port maritime a accepté de céder un terrain comportant deux hangars. L'opération coûtera 27 millions d'euros. La communauté d'agglomération devrait couvrir un tiers du coût, une participation régionale reste à confirmer. J'espère que le financement sera bouclé le 28 novembre, lorsque le préfet de région réunira le comité de pilotage.

S'agissant du programme 205 « contrôle des pêches », le nombre de 15 000 correspond à l'objectif minimum de 2010 et 2011, alors que le nombre de contrôles réellement effectué est bien supérieur. Il est d'ailleurs permis de se demander pourquoi on fixe initialement un objectif aussi modeste... En 2010, les contrôles ont été réorientés vers les filières de commercialisation à terre, la pêche à pied et les sites de débarquement. En 2011, le nombre de contrôles devrait être du même ordre qu'en 2010. La distinction entre contrôle de navires français et étrangers est absente des statistiques, tout simplement parce que l'indicateur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prend en considération l'ensemble des contrôles effectués, sans distinguer selon la nationalité du contrôlé, ni entre opérations terrestres et maritimes.

Pour la sécurité portuaire, la responsabilité juridique repose bien sur les maires, qui ont la direction des opérations de secours, mais ils ont un droit d'évocation au préfet et, bien sûr, la capitainerie du port leur prête son concours. Telle est la procédure mise en place par le décret relatif à la police portuaire du 17 juillet 2009.

M. Charles Revet. - La majorité des maires ne sont pas en capacité et n'ont pas la formation requise pour coordonner l'action des secours, alors que les grands ports sont confrontés à des risques de plus en plus importants.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Ils ont, je le répète, le droit d'évocation au préfet !

M. Michel Teston. - Mes questions portent sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports ». Au sein du groupe 3, dans le cadre des Assises du ferroviaire que vous avez lancées, nous débattons chaque semaine de la productivité et du financement du système ferroviaire : comment améliorer les actions de régénération du réseau ? Comment trouver les moyens de développer le réseau à grande vitesse ? RFF et la SNCF ont présenté des solutions différentes, mais les conclusions, qui ne sont pas définitives, montrent qu'il manque entre un milliard et un milliard et demi d'euros pour couvrir l'ensemble des besoins.

Nous ne pouvons pas ne pas faire référence à la dette de Réseau ferré de France (RFF), qui atteint 29 milliards d'euros et oblige le gestionnaire d'infrastructures à emprunter chaque année sur les marchés financiers plus d'un milliard d'euros pour couvrir les annuités de la dette.

Madame la Ministre, quelle est votre position sur le financement du système ferroviaire ? Que pensez-vous de la pertinence et de la pérennité de la séparation entre le gestionnaire d'infrastructure et l'exploitant historique ? Un système intégré ne coûterait-il pas moins cher ?

M. Rémy Pointereau. - Ma première question porte davantage sur le budget des collectivités territoriales que sur le vôtre : il s'agit de la part de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) relative à la puissance éolienne installée, que nous avons fait passer de 2,9 euros à 7 euros pour compenser la suppression de la taxe professionnelle. Aujourd'hui, les opérateurs font un peu tout et n'importe quoi. Nous nous apercevons qu'ils subventionnent des opérations dans les communes pour gagner des marchés. Il serait sans doute plus judicieux, pour éviter ces dérapages, d'avoir un IFER sur les éoliennes plus élevé. Cela ne coûterait rien à votre ministère, mais rapporterait aux collectivités locales.

Sur les 7,8 milliards d'euros que vous avez annoncés pour les transports, combien iront aux lignes à grandes vitesse (LGV) ? Pour assumer les investissements du Grenelle, il faudra faire appel à l'Europe. La Commission européenne a proposé de dédier un nouvel instrument financier au réseau transeuropéen de transports, qui représenterait environ 31 milliards d'euros pour la période 2014-2020. Le Gouvernement est-il prêt à défendre cette nouvelle mesure qui aiderait des projets prioritaires ?

Ma troisième question porte sur le partage de l'eau, que vous avez évoqué. Chaque année, apparaissent de nouvelles sécheresses. Les retenues collinaires, permettant de stocker l'eau l'hiver pour la consommer l'été, sont la seule solution. Dans quelle mesure allez-vous pouvoir faciliter son développement ? Aujourd'hui, c'est très compliqué !

M. Louis Nègre. - Dans un contexte de crise économique et financière extrêmement difficile, je me félicite que vous ayez annoncé une augmentation de votre budget d'un et demi pour cent.

Autre bonne nouvelle : vous avez annoncé l'extension des missions de l'Agence française de financement des infrastructures de transport (AFITF), grâce à la programmation sur cinq ans des projets du SNIT, qui donnera à l'agence une plus grande visibilité. L'agence est le bras armé du financement des infrastructures, dont nous avons tant besoin, parce qu'elles sont à la source de l'attractivité et du dynamisme économique de notre pays. La baisse de ses recettes dans le budget 2012 n'envoie-t-elle pas un signal négatif ?

J'en viens au financement de la deuxième phase de la LGV Rhin-Rhône, qui a eu un impact très positif sur les trois régions Franche-Comté, Alsace et Bourgogne. Pouvez-vous nous confirmer le démarrage effectif des travaux en 2014 ?

Quant au plan d'entretien et de rénovation des infrastructures ferroviaires de RFF, vous avez annoncé une stabilisation des crédits et des volumes à 1 000 kilomètres. Ce niveau d'investissement est-il suffisant pour enrayer le vieillissement du réseau, qui malheureusement perdure ? Des gains de productivité sont-ils possibles dans ce domaine ?

Sur les Assises du ferroviaire, vous avez déclaré, le 18 octobre à l'Assemblée nationale : « La situation actuelle suffit à nous interdire d'envisager un système identique à celui de nos voisins allemands ». Le responsable de la vision stratégique de la filière industrielle ferroviaire que je suis s'interroge sur les articles de presse évoquant la constitution d'une holding à la française. Ce serait faire fausse route au vu des conditions actuelles de fonctionnement.

Sur le SNIT, il est dommage que nous n'ayons rien de clair sur le calendrier de discussion. Il avait été annoncé au printemps, mais nous attendons vivement que nous puissions en discuter et le voter, pourquoi pas ? En tant que président du groupe de travail sur le SNIT, je suis convaincu que l'on peut trouver un consensus sur certains points. Je me félicite de l'augmentation des crédits destinés à l'entretien du réseau routier. Comme nous l'avons constaté pour le ferroviaire, les mêmes causes produisant les mêmes conséquences, si nous ne prenons pas certaines précautions, le réseau routier se dégradera.

Mme Évelyne Didier. - Le budget prévoit un plafond pour les taxes affectées à l'AFIFT, à l'ADEME, à Voies navigables de France (VNF). Le confirmez-vous ? Quant à la dérégulation envisagée à la suite de la directive européenne pour la concurrence sur le Transport express régional (TER), l'intervention des régions dans ce domaine a permis de développer une offre très intéressante pour la population. La dérégulation ne risque-telle pas de casser cet élan ? Comment réaffirmer le rôle du service public, y compris à Bruxelles ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Michel Teston, l'un des enjeux des Assises du ferroviaire est de préciser si nous travaillons sur la desserte, sur un entretien différent des lignes, sur la productivité, sur le rythme des investissements...Ma priorité est de préserver la régénération. Pendant des années, on a sous-investi, en prenant des risques. Nous allons être obligés de rattraper ce retard, ce qui va nous poser de gros problèmes d'horaires, en raison des travaux sur les lignes, à partir du 11 décembre prochain.

Le principe de séparation entre le gestionnaire d'infrastructure et l'entreprise ferroviaire historique est imposé par l'Europe, mais elle est essentiellement comptable et il y a plusieurs façons d'organiser le système ferroviaire national dans le respect des textes européens.

Rémy Pointereau, l'IFER reflète l'équilibre des finances locales ; il a été envisagé ainsi, juste après la réforme de la contribution économique territoriale. Il n'a pas été traité comme un problème écologique de développement des énergies renouvelables : il faudrait que je reprenne le dossier.

Sur le financement des LGV, 400 millions d'euros iront à l'AFITF en 2012. Vous savez que les LGV se font sous forme de partenariat public-privé, nous demandons aussi un financement aux collectivités territoriales. Je pourrais détailler le financement de la ligne Sud-Europe-Atlantique (SEA). Cet hiver, nous aurons quatre LGV en travaux en même temps alors qu'auparavant nous n'en avions qu'une à la fois : la fin de la LGV Sud, la ligne SEA, la ligne Brest-Bretagne et la construction de la ligne de Montpellier. Tout cela dépasse bien sûr 400 millions d'euros, grâce aux co-investissements.

Sur le partage de l'eau, le Président de la République a annoncé en juin un plan équilibré entre la création de nouvelles ressources et la sobriété dans l'utilisation des ressources existantes. Il s'agit de favoriser les retenues collinaires d'eau l'hiver, avec 75 % d'aide des agences, une maîtrise d'oeuvre étendue aux chambres d'agriculture et des simplifications administratives qui seront prochainement annoncées.

Le deuxième volet de ce plan consiste à retirer de l'irrigation 14 000 hectares.

Louis Nègre, la reprise des augmentations éventuelles de recettes qui concerne l'AFITF n'induit pas une perte ! Sur 80 millions d'euros d'augmentation de recettes prévues en deux ans, 53 millions d'euros seront repris, il reste donc un gain de 27 millions d'euros, qui permettent de faire bien des choses, par les temps qui courent, même si c'est moins que 80 millions d'euros !

Sur la LGV Rhin-Rhône, nous avons tenu un comité de pilotage le 11 juillet dernier. L'objectif est de nous accorder d'ici à la fin de l'année sur un protocole de financement. Une mission a été confiée à M. Claude Liebermann, afin d'acter le calendrier et le financement dans ce délai. Le démarrage effectif des travaux sur la section entre Petit-Croix et Lutterbach est envisagé au plus tard en 2014. L'accord n'est, il est vrai, pas encore complètement finalisé.

Nous visons bien une cible de 1000 kilomètres de régénération par an, contre 400 kilomètres auparavant, qui correspond à la cible fixée dans l'étude de l'école polytechnique de Lausanne...

M. Michel Teston. - Il y a avait un scénario plus ambitieux dans cette étude...

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - C'est en effet l'hypothèse moyenne que nous avons retenue, mais nous ne pouvons pas aller au-delà, cela rendrait ingérable le réseau. Ainsi, les problèmes rencontrés par les trains de pèlerins, qui circulent la nuit, m'ont occupée une partie de l'été : ils étaient dus aux travaux nocturnes sur le réseau, ceux-ci, en plus, coûtant cher.

Sur l'organisation du système ferroviaire en France, je rappelle que l'objet des Assises du ferroviaire est de trouver une solution. Plusieurs propositions très tranchées sont sur la table, parfois défendues avec virulence. Le modèle allemand n'est pas à rejeter, mais ce n'est pas la panacée non plus. La création de la Deutsche Bahn s'est réalisée dans des conditions très différentes de celles que nous connaissons aujourd'hui. Certains souhaitent que RFF se libère de sa dette de 29 milliards d'euros, comme l'ont fait les Allemands dans les années 1990. Mais la manipulation qui consiste à tenter de s'en défausser sur l'État n'est pas jouable ! Ce n'est pas qu'un problème financier, c'est aussi un problème comptable.

Sur le SNIT, se posent deux questions, celle du calendrier et celle du débat au Parlement, destiné à lui conférer la légitimité dont il a besoin. Le courrier parlementaire sur le SNIT est plus abondant que celui que je reçois sur Météo-France. Le nombre de chemins vicinaux qu'il apparait indispensable d'inscrire au schéma national est impressionnant !

M. Raymond Vall. - Vous exagérez !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - J'ai reçu des demandes qui ne relèvent pas d'infrastructures nationales. Il y a des demandes légitimes, mais toutes les demandes ne le sont pas. Il est normal qu'il y ait une concertation, pour que tout le monde puisse s'exprimer...

M. Raymond Vall. - Et la fiche sur le désenclavement routier, page 117 de l'avant-projet de SNIT ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Je ne vous parle pas de cela ! Je ne peux pas tout inscrire ! Vous ne pouvez pas d'un côté me dire que cela coûte 260 milliards d'euros et que nous n'avons pas les moyens et de l'autre me demander d'inscrire dans le schéma toutes les voies de France. Il faut mettre en place des priorités...

M. Raymond Vall. - Et le rapport de notre commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Je dois mener à bien le travail interministériel. Nous avons beaucoup travaillé pour étudier chacune des demandes.

Sur la question du vote, il faut bien prendre en compte la nature du SNIT : ce n'est pas une loi de programmation, mais une vision stratégique à déployer pour deux ou trois décennies. C'est aussi un document qui est appelé à évoluer. Un débat sans vote est le bon outil. Prévoir un débat avec vote, au regard du courrier que je reçois, introduirait une rigidité qui n'est pas souhaitable. Mais je conçois que certains ne soient pas d'accord...

M. Raymond Vall. - Je rappelle que le Sénat est à l'origine d'un rapport sur cette question. Au travers d'un groupe de travail animé par Louis Nègre, nous avons effectué de nombreux déplacements et auditions et in fine, vous nous dites que vous ne pouvez pas faire autrement ! Ce sont tout de même 30 ans qui sont engagés. Je comprendrais que vous nous disiez « cela coûte très cher, ce n'est pas le moment », mais essayons de nous mettre d'accord ! Au cours de nos séances de travail, certains de vos collaborateurs, voire de vos collègues, ont indiqué que des lignes budgétaires étaient à l'étude pour la modernisation de certains axes routiers. C'est écrit dans les rapports ! Je déduis de votre réponse que ce n'est pas la peine de chercher dans la loi de finances un quelconque euro sur les problèmes évoqués dans l'hémicycle, à l'occasion des débats sur le SNIT.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Ce n'est pas parce qu'une route n'est pas inscrite au SNIT qu'elle ne bénéficiera ni de travaux ni de financement ! Le SNIT constitue une projection des infrastructures souhaitables d'ici 20 ou 30 ans. Beaucoup de routes sont financées dans le cadre du programme de développement et de modernisation des itinéraires routiers (PDMI). Le SNIT établit l'intérêt national des infrastructures...

M. Raymond Vall. - Mais il faut que le PDMI soit validé par des études. Le ministre chargé des collectivités territoriales a confirmé samedi dernier à Auch des crédits pour la mise en sécurité de la RN 21...

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Cela n'est pas lié au SNIT ! Je viens de m'entretenir avec un parlementaire au sujet d'une route qui n'est inscrite ni au SNIT ni au PDMI et nous avons trouvé une solution. Ce n'est pas parce qu'une route n'est pas au SNIT qu'il ne se passera rien ! Ce n'est pas parce qu'elle n'est pas au PDMI qu'il ne peut y avoir rattrapage ! Mais je ne dis pas que je peux tout faire...

M. Raymond Vall. - Les lignes budgétaires devant prendre en compte le désenclavement routier, comme il est écrit page 8 du rapport de notre groupe de travail seront-elles au rendez-vous ? Il faut des crédits d'étude pour établir les cahiers des charges de ces projets !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Vous pourrez vous prononcer sur le SNIT : il y aura débat, même s'il n'y aura pas vote. Encore une fois, le SNIT traduit une vision stratégique et ne constitue pas une loi de programmation. Les parlementaires s'exprimeront, les comptes rendus seront publiés, il y aura des financements possibles, bien sûr, je répète que l'État respectera ses engagements !

S'agissant du financement de certains opérateurs, je souligne que les taxes affectées sont dynamiques. Le réalisé est souvent supérieur au prévisionnel. Le plafonnement ne constitue pas un coup de rabot ! Ce qui correspond aux prévisions sera affecté comme prévu ! Mais le surplus ne sera pas systématiquement attribué. Vous en bénéficierez, car le contrôle du Parlement sera accru sur les sommes ainsi engagées, qui abondent le budget général. C'est un budget qui revient sous votre contrôle au lieu d'être attribué aux agences, qui étaient soumises à mon seul contrôle.

La mise en concurrence des TER sera au coeur des Assises. Je partage votre point de vue : la régionalisation est un processus positif, très apprécié. Je tiens à ce que cela reste un service public contrôlé par les régions. Que cela soit compatible ou pas avec davantage de concurrence, selon l'interprétation communautaire, on en débattra à Bruxelles. L'idée importante, c'est que les transports régionaux sont un service public, sur lequel les régions ont leur mot à dire. C'est une grande réussite, qui doit nous inspirer dans d'autres secteurs.

Mme Évelyne Didier. - Aujourd'hui, c'est dur pour les régions !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Oui, mais les régions sont paradoxales : elles veulent aller plus loin, mais aussi créer des ressources nouvelles. Il faut trouver un équilibre. En tout cas, les régions apprécient beaucoup ce transfert.

M. Gérard Bailly. - Le dernier G20 s'est réuni, alors que notre planète vient d'atteindre 7 milliards d'habitants et atteindra 9 milliards en 2050 : c'est un énorme défi que de pourvoir à leurs besoins alimentaires. Aujourd'hui, l'agriculture utilise moins de fertilisants et des corridors écologiques sont mis en place dans le cadre de la réforme de la PAC. Je ne suis pas contre l'agriculture biologique, mais force est de constater que ses rendements sont faibles.

Or, aujourd'hui, quand on veut urbaniser ou développer les terres agricoles, on se heurte aux emprises de Natura 2000, qui sont privilégiées, au nom de la faune et de la flore. Quand va-t-on penser au défi alimentaire planétaire à relever pour 2050 ?

Face aux dégâts causés par les inondations, quand ce ne sont pas des vies humaines qu'elles emportent, pensez-vous que nos cours d'eau sont bien entretenus ? Faut-il rappeler qu'une rivière est d'abord faite pour laisser passer l'eau ? Nous avons vu les maires du Midi lever les bras au ciel parce que les cours d'eau ne sont pas entretenus. Cela devient impossible, pour l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA). Aura-ton demain une politique dans ce domaine, adaptée au changement climatique ?

Enfin, au risque de faire sourire mes collègues, il est un sujet qui me tient particulièrement à coeur, c'est le bien-être animal - je faisais partie du groupe de travail « animal et société » au Grenelle - et je ne peux me résoudre à accepter que 3 300 moutons soient dévorés par les loups chaque année ! J'y reviendrai chaque fois, Madame la Ministre, car je ne l'admets pas ! Il y a la convention de Berne, certes, mais a-t-on fait quelque chose pour la modifier ? J'étais il y a 15 jours dans les Alpes : ces milliers d'hectares sans animaux, ce sont demain combien d'avalanches dans les Alpes ou de feux dans le midi ? Qu'envisagez-vous, Madame la Ministre, de précis, à ce sujet ?

M. Marcel Deneux. - Pour gagner du temps, je ne vous félicite pas pour ce budget, mais je le pense ! J'étais rapporteur du « Paquet  climat-énergie » il y a trois ans et je constate qu'en termes d'efficacité et de sobriété on ne fait pas assez. Comment faire davantage ? Un texte a créé un pôle national de certification des économies d'énergie. Comment va-t-il marcher ?

Nous avons vu apparaître un carburant hybride, dénommé « gazole non routier » : quel est l'objectif ? Quelle est sa composition ? Y aura-t-il une cohérence par rapport à la chaîne des biocarburants ?

Dans moins d'un mois, se tiendra à Durban une nouvelle conférence internationale sur le climat. Faute d'une politique européenne de l'énergie, à laquelle il faudra parvenir un jour, pouvez-vous nous indiquer où nous adresser pour connaître la position française ?

Vous avez des crédits de recherche. L'Institut français du pétrole se plaint d'un matraquage de ses crédits. Le commissariat à l'énergie atomique, de son côté, ne paraît pas mal à l'aise. Ce n'est pas la peine que deux organismes s'occupent des mêmes filières. Allez-vous arbitrer en ce sens ?

Enfin, allez-vous tenir le calendrier de réalisation du canal à grand gabarit Seine-Nord-Europe ?

Une toute dernière remarque : nous nous sommes privés d'un message ne coûtant pas cher et très utile sur le plan pédagogique, en supprimant le bonus hybride pour les véhicules de société. Sans doute seulement quelques dizaines de dirigeants étaient concernés. Mais dans une entreprise, quand on voit que le patron roule « propre », tout le monde y pense !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Les directives européennes sur l'eau sont mal appliquées par la France. Que comptez-vous faire pour la directive de 1991 sur les eaux résiduaires urbaines ? Nous accusons un retard extrêmement lourd, essentiellement pour les petites et moyennes agglomérations, et des investissements très élevés sont devant nous. Tenez-vous compte, dans votre budget, du rattrapage nécessaire pour la mise en oeuvre de la directive ? Nous risquons des pénalités en cas de contentieux communautaire.

La mise en oeuvre de la directive-cadre sur l'eau de 2000 m'inquiète également : en 2015, nous devons avoir restauré le bon état écologique des eaux souterraines et des eaux de surface. Or à ce jour, sur la totalité des agences de bassin, nous sommes à 45 % pour les eaux de surface et 60 % pour les eaux souterraines.

La directive prévoit des dérogations pour les nappes très polluées, mais je vois mal l'Union européenne accepter 60 % de dérogations ! Nous allons tout droit vers la non-conformité !

Il y a tant à faire pour les nouvelles technologies, l'emploi, les filières exportables. Pour relancer la croissance, il faut stimuler l'investissement public.

J'apprends que l'on a modifié la méthode de calcul de l'épandage des nitrates agricoles. La pollution des rivières, et donc le phénomène des algues vertes, va augmenter ! Avez-vous chiffré le coût, pour les collectivités locales et au niveau national, du nettoyage des algues vertes et des conséquences de ce phénomène sur la détérioration de la faune et de la flore ?

Avez-vous prévu un budget pour nous acquitter d'une éventuelle condamnation par la Cour de justice des communautés européennes ? Entre le moment où l'on est présumé coupable et celui où l'on est condamné, il y a toujours des recours possibles, mais là, nous sommes en bout de course !

Quel bilan tirez-vous en matière de schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ? Où en sont les plans de prévention des risques (PPR) ? Beaucoup de procédures ont été engagées, mais très peu sont achevées et la progression est extrêmement lente.

Quid des moyens d'inspection en matière d'environnement ? Je n'ai pas évoqué la directive « stratégie marine », mais pour le contrôle des navires, en particulier de marchandises, nous devons également nous conformer à la réglementation européenne, notamment sur les doubles coques, qui a été durcie pour éviter les marées noires. Nous nous situons dans la moyenne européenne inférieure pour les inspections. Allez-vous renforcer les moyens de la police de l'eau et de ceux qui sont destinés à faire respecter les règles de protection de l'environnement ?

M. Jean-Luc Fichet. - Nous ne nous sommes pas concertés, mais je voulais poser la même question. Le nouveau décret paru cette année a relevé le taux d'azote admissible par hectare, au moment où les coûts de dépollution des eaux sont considérables. Un rapport de votre ministère donne des chiffres faramineux, de plus de 50 milliards d'euros par an ! Il faut lutter en amont, je sais que vous en êtes convaincue, mais il faut le faire de manière efficace, dynamique. Il est vrai qu'en Bretagne nous sommes particulièrement exposés à ces pollutions, mais je tenais à souligner combien ce décret sur les nitrates va à l'encontre de ce qu'il faut faire. Il pose la question du coût des traitements qui seront nécessaires en aval, puisqu'en amont on continue à polluer.

Mme Laurence Rossignol. - Vous avez évoqué l'idée d'étendre le bénéfice de l'éco-PTZ aux copropriétés et aux tiers investisseurs. Confirmez-vous que des amendements en ce sens seront déposés sur le projet de loi de finances ?

Le Conservatoire du littoral va subir une amputation de sa dotation de 2 millions d'euros sur 37 millions. Comment envisagez-vous qu'il continue à exercer ses missions, si utiles, avec une baisse aussi drastique de ses moyens ?

L'importance de l'environnement dans ce projet de budget se mesure au-delà des crédits de votre mission, notamment par la prise en comptes du volet recettes. C'est au niveau de l'ensemble du budget que nous pouvons évaluer votre politique. C'est le dernier de la mandature. Vous avez à votre disposition deux rapports, celui que vous avez commandé au Centre d'analyse stratégique sur les aides publiques dommageables à la biodiversité et celui de notre collègue Nicole Bricq sur les prélèvements obligatoires. L'un et l'autre mettent en évidence les niches dites « grises », et celles défavorables à l'environnement, en proposant des orientations de réforme.

Pour ce budget, votre gouvernement cherche beaucoup de recettes supplémentaires et beaucoup d'économies. Nous sommes confrontés à une crise qui ne concerne pas seulement nos finances publiques, ni même l'économie, mais qui est plus largement une crise sociale et environnementale. Si ce n'est pas le bon moment pour modifier la donne fiscale, et mettre en place la transition environnementale comme stratégie de sortie de crise, ce que votre projet de budget ne fait pas, quand le fera-t-on ?

M. Michel Magras. - Mes deux questions concernent les îles. La première porte sur les taxes sur le transport aérien. Nos concitoyens, pour se rendre de Saint-Barthélemy, où j'habite, à Saint-Martin, paient 40 euros de taxe, soit autant que pour se rendre à Pointe-à-Pître, ou autant qu'un Guadeloupéen paie pour se rendre à Paris. Cette répartition nous paraît inéquitable. Elle est pénalisante pour les citoyens qui n'ont pas d'autres moyens pour se déplacer, sinon le transport maritime.

Je souhaitais aussi vous interroger sur les autorisations délivrées par la direction de l'aviation civile (DGAC) aux compagnies aériennes françaises, souhaitant s'implanter dans nos îles, soumises à un régime draconien d'audit, d'assurance, de contrôles en tout genre, qui les obligent, finalement, à pratiquer des tarifs prohibitifs : 500 euros pour joindre Saint-Barthélémy à Pointe-à-Pître, soit autant que pour aller de Saint-Martin à Montréal, à 5 000 kilomètres !

Ce sont des compagnies dites américaines ou anglaises, en fait situées dans des paradis fiscaux et qui en profitent pour faire une concurrence déloyale à nos compagnies qui, elles, sont interdites d'accès dans les îles étrangères qui nous entourent. Je précise que mes questions n'appellent pas de réponse immédiate.

M. Daniel Dubois. - Un point de détail : je suis partisan de l'éolien. Mais je constate que les éoliennes se voient beaucoup plus la nuit que le jour, à cause de leurs feux rouges clignotants qui dérangent de plus en plus de monde et qui risquent, si l'on n'y prend garde, de freiner l'installation de nouvelles éoliennes. Il me semble que vous sous-estimez cette pollution visuelle, que les Allemands, eux, ont su résoudre ; il ne faut pas dire qu'il n'y a pas de solutions !

Une question importante : le canal à grand gabarit Seine-Nord-Europe exige 4 milliards d'investissement, qui ne sont pas dans votre budget, puisqu'il sera construit en partenariat public-privé. Où en est-on de ce grand chantier lancé par le Président de la République ?

Qu'en est-il du projet de nouvel aéroport Notre Dame des Landes à Nantes ? Avance-t-il ?

M. Ronan Dantec. - Bravo !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Gérard Bailly, l'un des objectifs du Grenelle est de consommer le moins possible de terrains pour l'urbanisation. Il s'agit donc de densifier davantage, et de restreindre la consommation de terrains naturels et agricoles. Ceux-ci sont rares et n'ont pas vocation à être surconsommés pour de mauvaises raisons, par une urbanisation extensive, qui pose des problèmes environnementaux, des problèmes de transports, des problèmes financiers et sociaux parfois. Je ne crois pas qu'il faille opposer les zones Natura 2000 et aux terrains agricoles, d'autant que 40 % des zones Natura 2000 sont agricoles.

Nous travaillons sur la trame verte et bleue, qui intègre les espaces agricoles dans les continuités écologiques. La profession agricole et les associations environnementales y oeuvrent de concert. Il y a des espaces écologiques spécifiques et il y en a d'autres qui intègrent les activités agricoles.

L'entretien des cours d'eau suppose des procédures qui ne sont pas légères, mais pas si lourdes non plus, puisque l'autorisation peut couvrir dix années d'entretien. Quand un plan de gestion est mis en oeuvre, on a de la visibilité pour dix ans. L'État peut participer financièrement aux opérations de curage et il le fait. Son intervention n'est pas qu'une contrainte, mais aussi un appui. Lors des inondations dans le Var en 2010, l'agence Rhône-Méditerranée-Corse a débloqué des investissements pour plus de 3 millions d'euros.

Cela dit, même s'il peut jouer un rôle important localement, le curage n'est pas « la » solution miracle contre les inondations. Il peut permettre de gagner, selon les cas, 10 à 20 centimètres sur la ligne d'eau, pour un coût non négligeable. Les inondations ont été aggravées par des décennies d'aménagements qui n'ont pas pris en compte le problème du ruissellement. Aujourd'hui, les risques augmentent en raison de la multiplication des terrains imperméables, notamment des parkings. Tel est le sens du nouvel appel à projets que nous avons lancé dans le cadre des programmes d'action et de prévention des risques liés aux inondations (PAPPI), destinés à renforcer notre politique de lutte contre ce fléau.

Beaucoup a changé, en ce qui concerne la gestion des loups, en 2011. Nous avons modifié les conditions de mise en oeuvre des tirs de défense. Auparavant, seul était autorisé le canon lisse, peu efficace. Désormais, le canon rayé est autorisé et ça marche : pour la première année, des loups ont été atteints, alors qu'avant, les tirs de défense autorisés demeuraient sans effet. Le prélèvement des loups n'était dû qu'au braconnage. Tout en respectant un plafond de prélèvement, puisque le loup est une espèce protégée, j'essaie de faire en sorte que les tirs de prélèvement soient plus efficaces, afin que les bergers ne désespèrent pas et ne se tournent pas vers d'autres solutions qui ne seraient pas légales. Le résultat est là : cette année, trois loups ont été prélevés légalement et trois illégalement.

M. Daniel Dubois. - Et combien de brebis ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie. - Le plafond de six loups pour 2011 a été atteint dans des conditions plus cohérentes et intelligentes. J'ai annoncé pour l'an prochain de nouvelles mesures et notamment la possibilité de revoir le plafond de prélèvement en fonction de l'état de conservation de l'espèce. Même s'il s'agit d'une espèce protégée, les loups sont en effet de plus en plus nombreux. Je comprends qu'il soit pénible de remplir des dossiers administratifs lorsque l'on subit la pression causée par les dégâts imputés aux loups. Je ferai en sorte d'obtenir un arrêté général de début de saison qui précise les territoires dans lesquels les tirs de défense sont autorisés, afin que les bergers n'aient pas à demander chacun le leur. Nous organiserons la possibilité pour les bergers de déléguer leurs tirs de défense à des chasseurs et de recevoir une formation gratuite et leur proposer de nouveaux outils de défense des troupeaux.

Marcel Deneux, le nouveau pôle national de certification des économies d'énergie est un service à compétence nationale, que nous avons mis en place, parce que nous n'atteignions pas nos objectifs. Il y avait une très forte concentration en Île-de-France et des problèmes techniques liés à la gestion du dispositif. La création du pôle nous permettra d'atteindre un objectif très ambitieux de 345 terawatts-heures, pour la deuxième période, soit six fois plus que pour la première. C'est une performance pour ce service que je tiens à souligner.

Depuis le 1er janvier, le gazole non routier doit être utilisé pour tous les usages hors route : tracteurs agricoles et forestiers, engins du bâtiment et des travaux publics, péniches, etc. Ce carburant a une teneur très faible en soufre, donc il est moins polluant. Son utilisation est possible depuis le 1er janvier, obligatoire depuis le 1er mai sauf pour les tracteurs forestiers et agricoles et pour tout le monde depuis le 1er novembre. La fiscalité dérogatoire qui s'appliquait au fuel domestique est maintenue pour le gazole non routier, dont les prix seront plus stables, puisqu'ils ne subiront pas les pics hivernaux dus à la consommation de fuel.

M. Marcel Deneux. - Doit-il obligatoirement incorporer du biodiesel ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Oui, en raison de la réglementation européenne.

Sur Durban, la position européenne résulte des conclusions du Conseil européen de la semaine dernière, qui n'ont pas été faciles à obtenir. La position française est plus en pointe. Il y a eu un débat au sein du conseil Environnement pour savoir s'il fallait dévoiler tout de suite notre engagement en faveur d'une seconde période d'engagement du protocole de Kyoto ou s'il fallait nuancer, en élaborant une stratégie diplomatique plus complexe. Le problème en Europe, c'est qu'en raison du nombre de ses membres et de ses mécanismes de décision, tout le monde connaîtra notre position deux mois à l'avance, donc autant la dire clairement tout de suite. La position de la Commission européenne était plus sophistiquée et je reconnais que les conclusions du Conseil européen ne sont pas très claires.

La France, elle, est clairement engagée en faveur d'une seconde période d'engagement du protocole de Kyoto, ce que nous appelons « Kyoto plus », qui serait une phase transitoire, avec la garantie que les autres pays s'engagent dans des négociations devant conduire à un accord global. Nos engagements européens sont en réalité déjà assez contraignants. La question posée aujourd'hui n'est pas celle du niveau de l'effort européen, mais celle de la stratégie de présentation de notre position, afin que les autres pays nous rejoignent. Je suis d'avis qu'il faut être direct.

J'exonère l'Institut français du pétrole du coup de rabot, et je vais même essayer de dégeler ses crédits, car nous avons besoin de cet organisme et de ses investissements dans les énergies renouvelables notamment. Nous avons aussi besoin du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Cette complémentarité est ancienne et remonte aux années soixante-dix. Je fais en sorte qu'elle prévale sur la concurrence, qui n'existe pas vraiment.

Sur les véhicules de société hybrides, je ne suis pas loin de penser comme vous. Je soutiens cette technologie. Si des aménagements devaient surgir au cours du débat parlementaire sur le budget, je suggèrerais volontiers à mes collègues de les accueillir favorablement...

M. Marcel Deneux. - Et vous-même devriez montrer l'exemple, dans votre propre ministère !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Si vous saviez la complexité du sujet, dans lequel je me suis plongée, et des contrats signés par le ministère ! C'est parfois une fausse « bonne idée ».

Daniel Dubois m'a interrogée sur le canal à grand gabarit Seine-Nord-Europe. Les premières offres ont été remises le 24 octobre. Nous sommes en train de les examiner. L'AFITF a prévu 13 millions d'euros en 2012 pour les études. S'il n'y a pas de mauvaises surprises, la signature du projet devrait intervenir dès l'année prochaine. Nous respecterons donc le calendrier annoncé.

Mme Marie-Noëlle Lienemann vous m'interrogez sur la directive relative aux eaux résiduaires urbaines : trois conventions sont en cours mais deux ont été gelées du fait du plan d'action lancé en 2007 sur les très grosses stations d'épuration. En septembre, j'ai procédé à un bilan de ce plan qui a atteint ses objectifs : il y avait en effet 64 très grosses stations en infraction, or 61 ont atteint leurs objectifs et trois sont sur le point de le faire. La dernière station se trouve en Corse et elle devrait atteindre ses objectifs dans deux ans. Nous avons donc obtenu le gel du contentieux pour cette phase. J'ai lancé le même type de programme sur des stations de taille moyenne ce qui devrait permettre de répondre au troisième contentieux. Nous avons fixé cette priorité aux agences de l'eau, mais il est vrai que les financements sont allés, dans un premier temps, aux grosses stations. Désormais, les agences vont pouvoir s'occuper des stations plus petites.

En ce qui concerne la directive cadre sur le bon état écologique de l'eau, nous devrions atteindre nos objectifs en 2021 et en 2027. On peut nous reprocher de ne pas être très ambitieux par rapport à la date initiale de 2015, mais l'inertie est importante et nous ne pouvons agir rapidement sur certains cours d'eau. La dégradation y est telle qu'il faut beaucoup de temps pour inverser la tendance.

Sur les algues vertes, je répondrai en même temps à Jean-Luc Fichet : deux contrats de baies ont été signés à Lannion et à Saint Brieuc. Trois devraient être signés d'ici la fin de l'année et trois l'année prochaine. Ce plan avait été annoncé par le Premier ministre en 2009. Le but est d'éviter de payer des amendes même si la situation n'est pas totalement satisfaisante.

J'en viens au décret sur l'épandage qui n'a pas pour but d'augmenter les quantités d'azote, contrairement à ce qui a été dit. Le problème est strictement comptable : nous augmentons à la fois le numérateur et le dénominateur. Nous comptabilisions une production d'azote des vaches totalement virtuelle : une vache était comptée pour 85 kilos alors qu'en fait, c'était plutôt 110 ou 115 kilos. Nous nous sommes donc alignés sur les critères européens. Ce faisant, nous avons augmenté le numérateur. Du même mouvement, nous avons augmenté le dénominateur avec la surface agricole utile. En revanche, nous n'avons pas permis aux éleveurs d'avoir plus d'animaux. En réalité, ce qui limite le nombre d'animaux, c'est beaucoup plus la capacité d'absorption à l'hectare de nitrates que ces normes. En revanche, ce décret va dans le bon sens puisqu'il définit les périodes d'épandage et interdit l'épandage le long des cours d'eau. Ce décret concoure plutôt au plan algues vertes, même si on aurait pu l'utiliser pour limiter le nombre d'animaux, mais il était difficile de demander aux agriculteurs de réduire leurs troupeaux de 30 % !

Vous m'avez interrogée sur les PPR : plus de 8 500 ont été approuvés avec des programmes de priorisation. Ainsi en est-il d'une circulaire demandant la mise en oeuvre plus rapide des 303 PPR littoral à cause des risques de submersion.

Dorénavant, les navires doivent déposer leurs eaux polluées dans les ports dans lesquels ils transitent et les contrôles sont effectués au frais des armateurs. Hors des ports, des patrouilles maritimes procèdent à des repérages. J'ai participé à des opérations de ce genre et c'est assez impressionnant. Ces repérages sont également réalisés par satellites sous l'autorité du préfet maritime et les parquets ont les moyens de poursuivre.

Le Président de la République a annoncé que l'éco-PTZ pourrait bénéficier aux copropriétés, Laurence Rossignol et nous sommes en train de regarder en interministériel comment y parvenir.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Le Président de la République fait beaucoup d'annonces, mais elles ne sont pas applicables.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - C'est applicable, mais il faut trouver la bonne méthode juridique pour y parvenir.

Sur le Conservatoire du littoral, il s'agit bien de 2 et non de 5 millions de réduction de crédits. J'ai voulu prendre des décisions équitables, sauf quand la situation était vraiment particulière. En outre, le Conservatoire dispose de réserves. Cette réduction ne remet donc pas en cause sa politique. Il y aura un écrêtement sur l'affectation du droit de francisation des navires qui a été modifié cet été dans un sens plus écologique afin de tenir compte plus de la puissance que de la longueur des bateaux. Les bateaux à moteur seront donc plus taxés que les voiliers. Cette ressource permettra de financer le transfert des phares au Conservatoire du littoral. Nous travaillons aussi beaucoup avec ce dernier sur le mécénat qui va augmenter, notamment grâce au transfert des phares au Conservatoire car ces dernières opèrent une sorte de mariage entre la nature, la culture et la mer.

On m'a aussi interrogée sur les aides publiques affectées à la biodiversité. Quand les restrictions budgétaires ont été annoncées, j'ai fait un certain nombre de propositions afin de supprimer des aides nuisibles à l'environnement et préserver les dépenses qui lui sont utiles. Un certain nombre de ces mesures ont été reprises : dans le plan du 24 août 2011, on trouve la modification du barème des véhicules de société. Avant, le barème encourageait plutôt les sociétés à acheter de grosses voitures, ce qui était écologiquement mauvais et injuste par rapport aux particuliers. Le barème des véhicules de société a donc été aligné sur celui des particuliers, ce qui permet une économie de 100 millions d'euros.

Je travaille aussi à une augmentation de la TVA sur les produits phytosanitaires et je souhaite présenter cet amendement lors du débat budgétaire afin de porter le taux de 5,5 % à 19,6 %.

Je reste persuadée que la fiscalité incitative est une bonne idée, et nous aurions une taxe carbone si les parlementaires socialistes n'avaient pas déféré le texte au Conseil constitutionnel...

Michel Magras m'a interrogé sur les taxes pesant sur le transport aérien. Les taxes financent les mesures de sureté dans chaque aéroport. Les petits aéroports qui ont peu de trafic ont un coût par passager élevé. Il n'y a pas de péréquation entre les différents aéroports. Comme seuls les petits avions peuvent se poser à Saint Barthélémy et comme le coût se divise par le nombre de passagers, les tarifs sont forcément élevés. C'est une règle générale et qui ne doit pas être considérée comme vexatoire.

M. Michel Magras. - C'est la collectivité qui gère la sécurité, la sûreté et l'aviation civile. Cette taxe devrait donc être compensée. Cependant, au titre de la solidarité nationale, j'accepte ce surcoût.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Pour autoriser un transporteur aérien, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) veille à la qualité technique et à la solidité financière de l'entreprise car les billets étant achetés avant le transport, il faut s'assurer que les passagers ne soient pas floués.

Daniel Dubois m'a interrogée sur les éoliennes. Les feux clignotants répondent aux normes de sécurité. Je verrai néanmoins ce que fait l'Allemagne pour éviter une trop grande pollution lumineuse.

M. Daniel Dubois. - Vous n'imaginez pas les dégâts que vont faire ces feux lors de l'installation des éoliennes off shore, surtout la nuit. La Somme est le premier département en nombre d'éoliennes installées. L'impact des éoliennes la nuit sur les populations va être catastrophique en termes d'acceptabilité.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Je suis tout à fait d'accord pour examiner la question.

M. Daniel Dubois. - Les producteurs d'éoliennes ont déjà pris contact avec vos services, mais les choses n'avancent pas beaucoup.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - S'agissant de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la concession est attribuée à une société et les opérations de début de chantier se poursuivent malgré une contestation qui a recours à des méthodes parfois violentes, inacceptables. L'aéroport de Nantes a connu un véritable assaut avec des dégradations importantes et même des blessés. J'aimerais que l'on en revienne à un peu plus de sérénité. Lors du Grenelle de l'environnement, ce sujet à été considéré comme un « coup parti ». Il s'agit de déplacer un aéroport pour réduire les nuisances qui frappent les Nantais.

M. Daniel Raoul, président. - Il nous reste à entendre Roland Courteau, dernier rapporteur pour avis, qui était en séance et n'a pu intervenir plus tôt.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. - Le crédit d'impôt développement durable (CIDD) a vu son enveloppe fondre d'année en année : de 2,62 milliards en 2010, il passe à 1,4 milliards en 2012. Le CIDD est recentré sur les rénovations lourdes ou les bouquets de travaux. Cela ne joue-t-il pas contre les habitants à faible revenu qui ne peuvent engager plusieurs travaux en même temps ? Pourriez-vous donner des perspectives sur l'évolution de ce dispositif dans les trois années à venir afin d'éclairer les entreprises ?

Le fonds chaleur devait augmenter progressivement pour atteindre 500 millions en 2012 et 800 millions en 2020, afin de respecter les objectifs que nous nous étions fixés. L'Assemblée nationale a voté le gel du montant de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) affecté à l'ADEME. Or, le fonds chaleur a montré son efficacité et sa revalorisation serait nécessaire pour atteindre l'objectif de production de 5,5 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) de production de chaleur prévu en 2020. Comment le ministère compte-t-il donner à l'ADEME les moyens d'y parvenir ?

Suite aux engagements de la France qui s'est fixé comme objectif d'atteindre, en 2020, 23% d'énergies renouvelables, une réduction des gaz à effet de serre de 20 % et des économies d'énergies de 20 %, quel est le degré d'avancement de cette feuille de route ?

Je dispose en effet de chiffres préoccupants : pour le secteur renouvelable chaleur, l'objectif 2020 était de 19,6 millions de TEP. En 2010, nous produisions 11,3 millions et la projection tendancielle serait de 16 millions, soit un écart de 3,6 millions TEP. Concernant l'électricité renouvelable, l'objectif éolien 2020 est de 25 000 mégawatts. En 2010, nous produisions 5 600 mégawatts et la projection tendancielle aboutit à 18 000 mégawatts. Manqueraient donc 7 000 mégawatts. Pour la biomasse, l'objectif 2020 est de 2 450 mégawatts. Fin 2010, nous produisions 700 mégawatts et la projection tendancielle en 2020 est de 1 400 mégawatts. Il manquerait 1 050 mégawatts, soit 43 %. Au rythme actuel, nous ne serons donc pas au rendez-vous de 2020 sur ces trois secteurs essentiels pour les énergies renouvelables.

Pour la biomasse électricité, le problème tient au prix d'achat. En France, le prix moyen est fixé à 71 euros par mégawatt, soit le tarif le plus bas d'Europe. En Italie, le mégawatt s'achète 148 euros, en Autriche, 133 euros et au Luxembourg, 123 euros. Pourquoi des prix si bas en France ?

Pour l'éolien, le problème tient surtout à la superposition de procédures administratives.

Pouvez-vous nous dire si nous parviendrons à atteindre les objectifs fixés pour 2020 ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Sur le CIDD, le dispositif que nous mettons en place va favoriser les ménages modestes, car ils vont pouvoir cumuler ce crédit d'impôt avec l'éco-PTZ, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Les ménages avaient tendance préférer le CIDD à l'éco-PTZ car le gain était immédiat, or le couplage éco-PTZ et CIDD permet de faire des bouquets de travaux beaucoup plus intéressants du point de vue environnemental. Les ménages modestes vont aussi pouvoir bénéficier du programme « Habiter mieux » que l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) est en train de mettre en place, doté de 1,35 milliard, et qui financera les travaux d'efficacité énergétique sous condition de ressources. Conjointement financée par les conseils généraux, cette aide pourra financer jusqu'à 80 % du prix des travaux chez les personnes en situation de précarité énergétique, c'est-à-dire celles dont les factures énergétiques représentent plus de 10 % de leurs revenus. Nous disposons donc maintenant de plusieurs outils : CIDD et eco-PTZ pour les ménages modestes et programme « Habiter mieux » pour les ménages très défavorisés.

Le fonds chaleur était doté sur la période 2009-2013 de 1,2 milliard. Le but était que le prix de la chaleur d'origine renouvelable soit inférieur de 5 % à celui de l'énergie conventionnelle. Pour les projets de grande taille, les appels d'offres sont annuels et des aides régionales sont attribuées en continu à tous les secteurs et à toutes les filières. Aujourd'hui, nous n'en sommes qu'à 10 % de l'objectif, mais nous avons atteint ce niveau avec un coût très faible pour la puissance publique : 38 euros par TEP, soit 3,30 euros par mégawatt heure. Dans le contexte budgétaire actuel, j'ai obtenu le maintien des financements actuels plutôt que leur augmentation. J'essaye d'obtenir un peu plus avec le budget de l'ADEME.

Sur l'objectif général, la France produisait 9,5 % d'énergie renouvelable dans le mix en 2006 et cette proportion était stable depuis la mise en service du dernier grand barrage dans les années 1970. Aujourd'hui, nous atteignons presque 13 % : la dynamique est donc réelle et le décollage s'est fait en trois ans. Sur l'éolien, il faut distinguer l'éolien off shore du on shore. Pour l'off shore, j'ai lancé l'appel à projet sur les trois premiers gigawatts et j'attends les réponses pour le 11 janvier. J'ai commencé à identifier les sites pour les trois gigawatts suivants et l'appel à projet sera lancé en mars. Nous aurons donc atteint avant 2020 l'objectif de 6 gigawatts d'off shore que nous nous étions fixés et qui faisait partie des 25 gigawatts d'éolien. Sur le terrestre, pour atteindre notre objectif, nous devrions construire 1 400 mégawatts par an. Nous en sommes plutôt à 1 200. Il y eu un débat sur le passage des éoliennes on shore en installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), mais cela nous permettra de réduire les contentieux et la durée des procédures. Pour l'instant, celles-ci durent entre trois et quatre ans. Avec la nouvelle formule, nous devrions ramener leur délai à un an. Même remarque pour les zones de développement de l'éolien : on nous a reproché de restreindre les zones de développement mais nous donnons de la visibilité aux projets et nous travaillons avec les élus sur l'acceptabilité des futures éoliennes.

Sur le photovoltaïque, nous dépassons nos objectifs en matière de puissance, puisque nous atteindrons le seuil fixé pour 2020 en 2016. Si nous avons recentré le dispositif voltaïque -  et nous n'avons pas été les seuls à le faire en Europe - c'est parce que les Chinois ont cassé les prix du marché. A l'heure actuelle, il y a une surproduction de panneaux qui sont d'ailleurs de faible qualité environnementale et nous nous sommes retrouvés avec un déficit de la balance commerciale de plus d'un milliard en 2010 parce que nous importions des panneaux pour fournir le marché français. Nous subventionnions à partir de la facture d'électricité du consommateur français une industrie étrangère. Nous avons donc recentré le dispositif sur des technologies à haute valeur ajoutée ce qui nous permettra de développer une industrie nationale.

Sur la méthanisation, nous disposons de 30 méthaniseurs contre 5 000 pour les Allemands. Il y a trois mois, j'ai mis en place deux tarifs de rachat : un tarif sur l'électricité produite à partir de méthanisation par les alternateurs, qui est identique au tarif allemand, et un tarif de rachat du biogaz injecté directement dans les réseaux de gaz, ce qui est très intéressant d'un point de vue thermodynamique.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. - En France, le mégawatt produit par la biomasse est acheté en moyenne 71 euros, alors que le prix en Italie est de 148 euros, de 133 euros en Autriche et de 123 euros au Luxembourg. Nous prix sont les plus bas d'Europe.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Ces moyennes cachent deux réalités différentes : les grosses installations fonctionnent sur des appels d'offre. Récemment, j'ai lancé un appel d'offre pour 200 mégawatts et nous avons eu 420 mégawatts de projets éligibles que nous avons retenus. Le tarif que vous citez représente une moyenne entre les tarifs de rachat sur les petites installations et sur les grosses. Sur les petites, nous venons d'aligner le tarif de rachat sur celui pratiqué en Allemagne.

M. Ronan Dantec. - A Rennes, j'entends dire que les grosses installations sont en train de désorganiser la filière bois.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Pour l'essentiel, les grosses installations ne produisent pas de l'électricité mais de la chaleur. Seule la centrale de Gardanne produit de l'électricité et elle vient se substituer à une centrale à charbon. Dans les appels à projet, il est prévu de faire en sorte qu'il n'y ait pas de concurrence entre les filières.

M. Ronan Dantec. - Ce n'est pas le cas à Rennes : nous allons droit dans le mur. La désorganisation est totale.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Je regarderai projet par projet.

M. Daniel Raoul, président. - Merci pour cet exposé complet.

Questions diverses

M. Daniel Raoul, président. - Je souhaite enfin faire deux annonces générales.

Il nous faut reconstituer le groupe de travail sur la politique agricole commune (PAC) à l'horizon 2013, que nous avions créé conjointement avec la commission des affaires européennes. Après consultation des groupes, je vous propose d'y nommer Mmes Odette Herviaux et Renée Nicoux et MM. Claude Berit-Débat, Gérard Le Cam, Raymond Vall, Gérard César, Rémy Pointereau et Daniel Dubois.

À la demande de notre collègue Thierry Repentin, rapporteur de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Bel visant à faire du logement une priorité nationale, les auditions s'y rapportant seront ouvertes à l'ensemble des membres de notre commission.

Jeudi 10 novembre 2011

- Présidence de M. Daniel Raoul, président -

Loi de finances pour 2012 - Audition de M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

La commission procède à l'audition de M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation, sur le projet de loi de finances pour 2012.

M. Daniel Raoul, président. - Mes chers collègues, l'audition de M. François Baroin ayant été annulée à sa demande, nous avons été conduits à la remplacer par celle de M. Frédéric Lefebvre, pour nous présenter les crédits de la mission « Économie ».

Monsieur le Ministre, nous avons évoqué la Direction générale de la concurrence, ce la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) lors de votre audition d'hier soir. Votre proposition, inscrite dans le projet de loi relatif au droit des consommateurs et qui vise à se substituer aux actions de groupe, mérite d'être analysée. Elle présente un aspect positif pour ce qui est de l'arrêt des préjudices subis par les consommateurs mais n'aborde pas la question de la réparation. Il faudra bien aller en justice ! Mais il faut revenir aux moyens de la DGCCRF pour savoir si elle peut répondre à ses missions.

Il s'agit là d'un premier point que nous étions convenus d'évoquer ce matin.

Vous avez la parole, Monsieur le Ministre.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. - Le Gouvernement fait preuve de réactivité face à la crise mondiale qui touche l'Europe et bien évidemment notre pays. S'agissant du budget que je suis amené à défendre devant vous, la stratégie vise à consolider les efforts engagés depuis quatre ans.

Dès le 24 août, le Premier ministre a révisé la perspective de croissance pour 2012 à 1,75 % et il a annoncé de nouvelles mesures d'économies de 12 milliards. Le 28 septembre, François Baroin, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie et Valérie Pécresse, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'État, ont présenté le projet de loi de finances qui, conjugué avec les économies réalisées en 2011, prévoit 45 milliards d'efforts d'ici 2012.

Le 27 octobre, Nicolas Sarkozy a annoncé que la France ramènera, comme l'Allemagne, sa prévision de croissance pour 2012 à 1 % et que le Gouvernement prendra des mesures d'économies en dégageant des recettes fiscales supplémentaires pour un montant de 6 à 8 milliards.

C'est le 7 novembre enfin que le Premier ministre a annoncé un plan qui représente un effort supplémentaire de 17,4 milliards d'ici 2016, dont 7 milliards dès 2012. Grâce à ces économies, ce sont 65 milliards de dettes qui seront évités d'ici 2016.

Ceci montre que les efforts doivent être accomplis dans tous les secteurs. Notre pays, c'est incontournable, doit réduire la dépense publique.

Fort heureusement, cette trajectoire a été empruntée par notre pays depuis 2007 et c'est pour cela que nous n'avons pas brutalement connu, comme un certain nombre de pays voisins, une baisse générale des salaires et des pensions ni une remise en cause des bourses. Nous créons au contraire un treizième mois de bourse.

Il faut donc être conscient que nous avons décidé de privilégier le soutien à la croissance. Nous n'avons remis en cause aucun investissement d'avenir, ni le soutien à la recherche et à l'innovation, ni le crédit impôt recherche. Nous voulons maintenir un environnement propice autour des PME pour soutenir la croissance. L'équilibre doit être maintenu entre la réduction de la dépense publique et le soutien à la croissance.

S'agissant de la DGCCRF, dont nous étions convenus de parler ce matin, ses agents, comme n'importe quels fonctionnaires ou salariés, préféreraient avoir plus de moyens et ne pas reconnaître de réductions de personnel. C'est une évidence mais ils ont parfaitement joué le jeu de la réorganisation de l'Etat à la suite de la RGPP, notamment les directions des populations et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation et de l'emploi (DIRECCTE), grâce à une nouvelle organisation beaucoup plus lisible pour les entreprises et pour les consommateurs et surtout une efficacité plus grande. J'imagine que c'est ce qui vous soucie, Monsieur le Président. Ce qui est important, c'est que le service rendu à nos concitoyens soit de la même qualité, voire meilleur que le service rendu dans l'organisation précédente. Or, c'est bien le cas aujourd'hui.

J'ajoute que le projet de loi que j'ai présenté hier renforce cette tendance positive, avant même que la réforme qui va permettre d'aider les agents de la DGCCRF dans un certain nombre de procédures ne soit adoptée. En dépit de la réduction des effectifs, qui s'établit à -12 % sur la période 2009-2012, la DGCCRF a renforcé l'efficacité de ses services déconcentrés. Il faut évaluer avec des éléments de comparaison constants ; ainsi en termes d'efficacité, on utilise les mêmes indicateurs depuis des années. Le volume de contrôle est resté quasiment stable entre 2010 et 2011. Sur les neuf premiers mois de l'année, près de 660 0000 points de réglementation ont été contrôlés dans 125 000 établissements, soit environ les mêmes chiffres qu'en 2010. Les suites données aux contrôles sont moins nombreuses mais beaucoup plus rapides et ciblées ; elles correspondent davantage aux attentes des consommateurs.

Ma méthode est de partir des attentes des consommateurs pour définir les missions que j'ai confiées à la DGCCRF. Cette dernière a accru sa réactivité face aux sollicitations des consommateurs et des professionnels. Les services déconcentrés ont traité une plus grande proportion de demandes d'informations et de réclamations dans les délais prévus. Entre 2009 et 2011, les réclamations traitées en moins de deux mois ont augmenté de 3,2 %. Les réponses aux demandes d'informations se font à présent en moins de dix jours dans 93 % des cas. C'est dire à quel point on a gagné en efficacité pour le consommateur.

Le deuxième chantier de modernisation de la DGCCRF, c'est celui du dispositif de contrôle et de sanctions. Le texte instaure un régime d'amendes administratives, notamment en cas de non respect par un professionnel d'une mesure d'injonction prise par la DGCCRF. Il propose des avancées décisives en matière de lutte contre les clauses abusives. L'automaticité que nous mettons en place va constituer un gain de temps énorme pour la DGCCRF et pour les associations de défense des consommateurs qui réclamaient ce dispositif, les associations, comme la DGCCRF, pouvant participer au déclenchement de ces procédures.

Un gain de temps est attendu par la DGCCRF sur un certain nombre de points précis, comme l'allégement de la rédaction administrative des dossiers à destination du Parquet ou la réduction du temps consacré au suivi des dossiers contentieux en lien avec le Parquet. Ces ETP peuvent se consacrer aux autres missions élargies que nous proposons dans le projet de loi que j'ai présenté hier.

Sur les 8 400 dossiers contentieux traités annuellement par la DGCCRF, on évalue à 30 % le nombre concernés par le dispositif de sanction administrative qui prendra la place, dans la plupart des cas, du dispositif de saisine des tribunaux et de sanction pénale. C'est dire à quel point il existe des marges importantes de réduction du poids de la procédure qui pèse sur les agents de la DGCCRF.

De plus, la sanction du non respect d'une injonction administrative va favoriser leur montée en puissance et diminuer le nombre de procès verbaux coûteux en temps. Il s'agit donc d'une procédure gagnant-gagnant pour les consommateurs et pour les agents de la DGCCRF.

Enfin, le projet de loi, en interdisant les pratiques abusives des professionnels les plus fréquemment constatées et en introduisant des sanctions plus dissuasives, devrait conduire à une réduction du nombre de contentieux entre professionnels et consommateurs.

Les outils de médiation que nous avons mis en place sont en train de monter en puissance, notamment dans les très grandes entreprises ; il faut les généraliser dans les plus petites. En évitant le contentieux, ils constituent également un gain de temps. Cette diminution des litiges devrait contribuer à réduire le nombre de plaintes reçues par la DGCCRF.

Modernisée, cette dernière pourra exercer ses nouvelles missions, être plus proche des préoccupations des Français, contribuer pleinement et efficacement à la mise en oeuvre de la politique ambitieuse que je vous propose dans le projet de loi.

J'entends bien votre remarque sur la réparation, Monsieur le Président mais, dans les pays européens comparables au nôtre, celle ci n'est pas toujours au rendez vous pour le consommateur. C'est la chaîne des intervenants qui absorbe le montant des pénalités auxquelles sont parfois condamnés un certain nombre d'acteurs économiques.

S'agissant de la réparation il me parait plus efficace d'utiliser la médiation qui permet une réparation en 2 à 3 mois contre 3 à 4 ans pour une action collective.

Je voudrais que l'on pense ici aux consommateurs, nos compatriotes quand on réfléchit au meilleur mécanisme à mettre en oeuvre.

M. Daniel Raoul, président. - La parole est aux rapporteurs. Michel Teston suppléera Evelyne Didier, qui n'a pas pu se rendre disponible ce matin.

M. Michel Teston, rapporteur. - Monsieur le Ministre, les crédits de la mission "Économie", tous programmes confondus, reculent de 2,8 % en 2012. Si on y ajoute l'inflation, estimée pour 2012 à 1,7 %, le recul réel est proche de 4,5 %. Je m'exprimerai ici au nom d'Evelyne Didier, qui ne peut être présente, concernant notamment la DGCCRF puis j'interviendrai sur l'action n° 4 du programme 134, relative à La Poste et aux Télécommunications.

Les moyens de la DGCCRF sont une nouvelle fois sérieusement touchés par une baisse des effectifs d'une centaine d'agents pour 2012. D'après nos informations, près de 500 postes auraient été perdus depuis 2008 sur un effectif de 3 500 personnes.

Concernant les crédits proprement dits, l'action n° 16, "Régulation concurrentielle des marchés", perd 3,4 % de son budget. Il en va de même pour l'action n° 17, "Protection économique des consommateurs".

Vous avez évoqué les moyens consacrés à la sécurité du consommateur - action n° 18 - qui reculent eux aussi de 1,1 % en baisse nominale. Globalement, la DGCCRF a perdu, depuis 2010, 27 millions d'euros, soit une baisse de 10 % de ses moyens et près de 15 % si l'on tient compte de l'inflation.

Je ne sais si Evelyne Didier aurait été convaincue par ce que vous avez dit tout à l'heure mais nous aurons l'occasion d'en débattre prochainement.

J'en viens à l'action n° 4 du programme 134 concernant la baisse des crédits de l'État pour la compensation à La Poste de surcoûts correspondant à deux des missions de service public rappelées dans la loi qui a malheureusement changé le statut de La Poste. Ce sont à la fois les missions de transport et de distribution de la presse. Certes, l'accord tripartite signé entre l'État, La Poste et la presse est respecté mais on connaît les difficultés de la presse écrite et il est étonnant d'avoir programmé une baisse régulière des compensations apportées par l'État.

L'autre surcoût mal compensé concerne la mission d'accessibilité bancaire. Il s'agit de mesures d'exclusion de personnes ayant des difficultés d'accès au service bancaire de base. Là encore, cette baisse certes programmée est difficile à comprendre alors que de plus en plus de personnes rencontrent des difficultés financières.

S'agissant de la présence postale, comment ne pas rappeler que ce sont La Poste et les collectivités territoriales qui financent celle ci sur le territoire, du fait de l'obligation que leur impose la loi d'appliquer un abattement de 95 % sur la matière imposable en matière de fiscalité locale. L'ARCEP a estimé à 170 millions d'euros les sommes qu'elles ne reçoivent pas en raison de cette exonération.

Or, qui a confié à La Poste cette mission de présence postale, si ce n'est l'État ? L'État confie une mission à La Poste : ce sont les collectivités territoriales qui payent la plus grande partie de cette mission, La Poste payant l'autre partie !

Ma troisième question porte sur la pertinence d'un délai aussi long, entre 12 et 15 ans, pour atteindre les objectifs de desserte en 4 G, tant dans la bande de fréquence de 2,6 GHz que dans la future attribution des fréquences libérées par le passage à la télévision numérique. Pourquoi un tel délai pour couvrir tout le territoire national ?

Enfin, les financements du plan national très haut débit, dont le Président de la République a beaucoup parlé, sont très loin d'être à la hauteur de ce qui a été annoncé. Je pense en particulier à la zone 3, très peu dense. Seulement 900 millions d'euros sont prévus dans les crédits du grand emprunt pour accompagner les collectivités qui veulent investir, alors que le rapport de notre collègue Hervé Maurey avait estimé les besoins à 25 milliards d'euros.

Enfin, le fait que l'État ne veuille pas aider les collectivités territoriales qui portent des projets concernant les zones moyennement et peu peuplées au motif qu'elles empiéteraient sur le terrain fortement protégé des opérateurs privés me choque profondément, Monsieur le Ministre !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Nous sommes, avec Michel Teston, depuis seize ans, dans un débat permanent si divergent que vous nous avez proposé, Monsieur le Président, de coprésider le groupe d'études sur la Poste et les télécommunications électroniques ! Je n'interviendrai pas pour dire le contraire de ce qui vient d'être dit mais je le pense, Monsieur le Ministre ! C'est peut être ainsi que l'on arrivera à trouver un compromis sur le fonds de péréquation qui permet d'assurer la présence postale territoriale et qui, par le jeu de la réforme de la taxe professionnelle, est passé de 132 à 170 millions. Il est garanti pour 3 ans et, quelles que soient les majorités en place, les collectivités locales n'ont jamais perçu la taxe professionnelle due par La Poste, versée en une seule fois à l'État - même s'il s'agissait d'une recette affectée.

Il m'appartient, Monsieur le Ministre, de vous parler de tourisme, sujet à propos duquel j'ai commencé à mener un certain nombre d'auditions. J'ai bien entendu les déclarations de M le Premier ministre sur la nécessité de la rigueur mais il existe un point sur lequel tout le monde se retrouve, c'est la nécessité de maintenir les crédits d'Atout France au même niveau.

Les réponses apportées jusqu'à maintenant ne donnent satisfaction à personne. Il existe en effet une confusion entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement ; or, il conviendrait de maintenir par tous les moyens les crédits d'Atout France, qui est en période de démarrage. Sa mission est celle remplie autrefois par la Maison de la France et mérite donc d'être soutenue.

M. Gérard Cornu, rapporteur. - Je voudrais m'attarder sur le Fonds d'interventions pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC). Vous avez rappelé la situation financière internationale, Monsieur le Ministre ; tout parlementaire responsable doit s'inscrire dans cette rigueur budgétaire. Je le ferai donc aussi.

Cela étant, le FISAC connaît une baisse de 34 %. L'an passé, le projet de loi de finances initial prévoyait 43 millions d'euros ; or, grâce à la mobilisation sur tous les bancs du Sénat, nous avions obtenu 21 millions d'euros supplémentaires, considérant que c'était important pour la politique des territoires. C'est une particularité du Sénat : quand on pense que la cause est juste, on la défend jusqu'au bout, quelles que soient les sensibilités politiques ! En quelque sorte, le Sénat vous a soutenu, Monsieur le Ministre et vous a apporté des crédits supplémentaires même si, en arbitrage interministériel, la volonté était contraire.

Cette année, nous repartons de 41 millions, soit une baisse de 34 %. L'engagement du Sénat était justifié car les crédits du FISAC connaissent d'ailleurs une forte demande, accélérée par les délais de traitement qui ont été raccourcis. C'est un acquis important maintenant traité par les DIRECCTE. En quelque sorte, le FISAC est victime de son succès. Je crains beaucoup pour 2012 : compte tenu du nombre de demandes en 2011, l'année risque de commencer avec un volume de crédits reportés en 2012 et pré-engagés. Si l'on arrive à connaître le même succès qu'en 2011, on risque d'avoir un stock que l'on ne pourra réduire et qui va augmenter selon moi en 2012.

Contrairement à l'année dernière, je ne ferai cependant pas de proposition d'amendement. Notre responsabilité à tous est en effet de comprendre la situation financière extrêmement tendue dans laquelle nous nous trouvons. Face à la situation de la Grèce ou de l'Italie, la France ne doit pas en rajouter et l'on comprend bien cette rigueur budgétaire.

Je pense qu'on ne pourra vraisemblablement pas satisfaire toutes les demandes ; j'espère par ailleurs que la situation financière va s'améliorer. Le moment est venu selon moi d'avoir une réflexion très forte sur le recentrage des crédits du FISAC. Peut être faut-il le limiter au soutien du commerce de proximité, uniquement en milieu rural... Nous allons en effet nous retrouver avec un afflux de demandes que nous ne pourrons satisfaire. Il va falloir réduire la portée du FISAC et la cibler prioritairement. C'est une réflexion que je souhaite vous soumettre.

M. Daniel Raoul, président. - Le problème des commerces se pose avec la même acuité dans certains quartiers des grandes villes.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. - Monsieur le Président, j'avais des questions à poser à M. François Baroin. Comme vous le représentez, je vous poserai des questions en ma qualité de rapporteur sur l'énergie...

Concernant mon rapport pour avis sur l'énergie, je voudrais connaître votre position sur deux points précis. Tout d'abord, un certain nombre d'acteurs industriels du domaine des énergies renouvelables ont tiré partie d'un dispositif d'amortissements accéléré sur 12 mois instauré par l'article 39 AB du code général des impôts, ce qui a eu un effet incitatif fort sur le développement du secteur.

Ils disposent ainsi à présent d'un stock important de déficits reportables. Or, la loi de finances rectificative du 19 septembre 2011 a modifié les conditions d'imputation de ces déficits, ce qui les prend totalement au dépourvu.

Quel dispositif pouvez-vous proposer pour ces exploitants ? Ne pourrait-on éviter de leur appliquer la nouvelle règle ou au moins leur permettre de revenir à l'amortissement linéaire sur la totalité de la période d'amortissement considérée ?

Il s'agit d'un problème particulièrement technique mais je crois savoir qu'il y a eu un échange de messages.

En second lieu, s'agissant de la filière nucléaire française, le ralentissement d'activité qui fait suite à l'accident de Fukushima s'ajoute à une situation intérieure très difficile. Ainsi, concernant la fourniture de combustible, la baisse de la demande japonaise est donnée comme responsable de la fermeture temporaire, durant quelques semaines - voire parfois quelques mois - des deux sites de la COMURHEX, à Malvesi et au Tricastin.

Or, il semble qu'EDF, qui consomme annuellement 8 000 tonnes de carburant, se fournit auprès de la filière française - c'est à dire auprès d'Areva - pour moins de la moitié de ce tonnage ! Êtes-vous en mesure de confirmer ce chiffre ? Ne serait il pas temps que « l'équipe de France » du nucléaire, dont les deux entreprises phares sont majoritairement publiques, se serrent davantage les coudes dans la situation actuelle ?

M. Jackie Pierre. - Monsieur le Ministre, pourriez vous nous dresser le bilan de la filière que constituent les auto-entrepreneurs au plan national ? Combien sont-ils ? Quel est le nombre d'installations actuelles ? Y a t il beaucoup de cessations d'activité ?

Par ailleurs, le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) est il aujourd'hui opérationnel ? Comment l'État envisage t il de faire sa promotion ?

M. Daniel Raoul, président. - On connaît ce matin un certain mélange des genres ! Certaines questions s'adressaient plus spécifiquement à M. Eric Besson. Je pense que vous allez répondre prioritairement aux questions des rapporteurs et transmettre les autres...

M. Frédéric Lefèvre, secrétaire d'État. - Je survolerai en effet un certain nombre de sujets qui ne sont pas de ma compétence, les sujets concernant La Poste, les Télécommunications et l'énergie relevant d'Éric Besson. Je lui transmettrai précisément chacune de vos questions afin que vous puissiez être éclairés d'ici au débat mais je vais essayer de vous communiquer quelques éléments.

Je pense ne pas avoir besoin de répondre dans le détail aux questions d'Évelyne Didier, l'ayant déjà fait par anticipation à la demande du Président. Nous aurons bien entendu l'occasion d'en reparler.

Pour ce qui concerne La Poste, le montant des crédits retrace exactement les accords entre la presse et La Poste.

M. Michel Teston. - Je ne le conteste pas ! Ce que je conteste, c'est la baisse !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. - J'ai pris le soin de commencer mon propos en rappelant la situation de notre pays, la crise mondiale et la crise européenne ainsi que la trajectoire, les plans annoncés et l'effort qui est demandé à nos compatriotes, à savoir une augmentation des recettes et pour moitié environ une réduction de la dépense publique. Je ne me plains pas de la diminution du budget que vous avez soulignée et le chiffre est parfaitement exact : je l'assume ! Nous avons le devoir de le faire pour nos enfants ! On ne peut continuer sur une trajectoire que l'on suit depuis trente ans, droite et gauche confondues.

Mon premier acte de député, en 2007, a été de défendre la règle d'or. J'avais alors travaillé avec Guy Carcassonne. A l'époque, j'avais proposé cette réforme à Édouard Balladur. Elle n'a pu se faire : l'opposition y était déjà opposée et la majorité n'était pas totalement convaincue. Vous avez raison les uns et les autres de défendre les consommateurs en situation de surendettement mais si nous n'avions pas mené la réforme des retraites, nous aurions été obligés d'emprunter pour les payer !

Les acteurs économiques, que je rencontre dans vos territoires trois fois par semaine, savent bien qu'il y a le feu à la maison s'ils sont obligés d'emprunter pour payer leurs salariés ! Je remercie les uns et les autres de vouloir m'aider dans mon action en augmentant les moyens en matière de tourisme et de soutien à l'artisanat mais j'assume à 100 % la position du Gouvernement. Nous n'avons pas d'autre trajectoire possible si nous voulons protéger nos compatriotes.

S'agissant de la presse et de La Poste, la dotation est versée à la fois par la mission "Médias" et par la mission "Économie". Je transmettrai avec précision à mon collègue Éric Besson les questions sur les fréquences, la présence postale et le très haut débit, sujets importants pour les territoires, afin que vous puissiez avoir une réponse le plus rapidement possible. Cela relève de ses attributions...

M. Michel Teston. - Cela signifie donc que vous ne répondrez pas en séance. Qui le fera dans ce cas ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. - Je suis ici en commission, avec des rapporteurs. Vous posez des questions qui relèvent de la compétence d'un autre ministre. Comme l'a dit le Président, je vais précisément les transmettre à Éric Besson afin que vous ayez les réponses dans les temps pour établir votre rapport.

M. Michel Teston. - Il est fait !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. - Vous rédigez donc le rapport avant même d'entendre les réponses. C'est un aveu ! M. Éric Besson vous répondra dans la journée ou dès demain. Si le rapport est fait, cela ne servait à rien que je réponde ! Ma réponse n'était pas utile ! Même si Eric Besson était venu, cela n'aurait rien changé !

Les questionnaires parlementaires ont été adressés aux ministères ; je pense que tous les membres du Gouvernement y ont répondu - pour ma part, j'y ai veillé !

Éric Besson vous répondra dans les plus brefs délais. Si cela peut influencer votre rapport, je vais lui suggérer de le faire dans la journée mais comprenez que ces sujets nécessitent l'expertise du ministre en charge du sujet.

S'agissant des questions liées au tourisme, Pierre Hérisson affirme qu'il y a unanimité pour dire qu'il faut augmenter le budget d'Atout France. Je veux ici tordre le cou à une information qui ne reflète pas la réalité : les mesures de réduction de crédits qui pèsent sur Atout France ne toucheront en rien les actions de promotion de la France, ni l'action d'Atout France mais uniquement son fonctionnement. Je vous suggère d'entendre le directeur général d'Atout France à ce sujet.

En second lieu, contrairement à ce que l'on dit, le budget d'Atout France est quasi stable : 33 millions en 2012 contre 34,7 en 2011, soit une réduction de l'ordre de 4 %, alors que l'Espagne connaît une réduction de 24 % du budget du tourisme et l'Italie une réduction de 50 %. J'insiste sur un élément d'information nouveau réclamé par tous les parlementaires de la Haute Assemblée qui suivaient les questions de tourisme : pour la première fois cette année, je joue la transparence avec un document transversal qui permet de rassembler la totalité des crédits du tourisme ; il vous permettra, dans les années qui viennent, de suivre l'évolution réelle point par point. Vous imaginez bien que la politique du tourisme en France ne repose pas seulement sur l'opérateur Atout France.

D'ailleurs, ces 33 millions d'euros sont à rapprocher des 1,9 milliard d'euros mobilisés par l'État en faveur du tourisme, ainsi que l'indique le document que vous avez aujourd'hui en main. Il convient donc, compte tenu de la situation économique, que chacun fasse des efforts, notamment en matière de fonctionnement. Les opérateurs de l'État ne peuvent être exclus de cet effort. Celui ci s'élève à 320 millions d'euros dans le dernier plan d'un milliard d'euros adopté à l'Assemblée nationale. Il convient de rapprocher cette somme des 800 000 euros d'efforts demandés à Atout France. C'est dire combien nous souhaitons préserver la priorité du tourisme dans notre pays.

Gérard Cornu, s'agissant du FISAC, a eu l'honnêteté d'expliquer que la trajectoire paraît brutale parce qu'elle ne correspond pas totalement à celle initialement prévue, compte tenu de l'amendement adopté l'année dernière. Le Sénat a souhaité aligner la trajectoire sur les crédits de l'an dernier. Celle ci étant pluriannuelle, l'effort est donc plus important cette année.

Je veux cependant vous rassurer sur deux points. Comme vous, Gérard Cornu, je pense que le FISAC, pendant trop longtemps, a été utilisé pour tout et n'importe quoi. Lorsque je suis devenu ministre, j'ai entrepris, avec la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) de recentrer le FISAC sur le commerce de proximité. Il y a deux ans, 70 % des crédits du FISAC étaient utilisés par le commerce de proximité. Cette année, nous sommes montés à 88 %.

A l'Assemblée nationale, un amendement concernant l'enveloppe du FISAC a été voté pour l'EPARECA, à qui j'ai demandé de concentrer ses efforts d'investissements sur le commerce et l'artisanat. J'ai eu l'occasion d'inaugurer dans le Nord un certain nombre d'investissements conséquents. A sa création en 1996, l'EPARECA, sans vouloir polémiquer, n'avait pas beaucoup de moyens. Quand la majorité est arrivée au pouvoir, elle ne les a pas vraiment augmentés. Nous étions alors autour de 3 millions d'euros. Depuis 2007, les moyens de l'EPARECA ont été triplé : 10 million d'euros deux années de suite, 8 millions d'euros ensuite. La proposition du projet de loi initial s'élevait à 6 millions d'euros. L'Assemblée nationale a voté un amendement portant ce montant à près de 8 millions d'euros.

On va voir si ce que prévoit l'EPARECA se réalise. Selon lui, les 21 opérations que l'on a pu faire grâce aux deux années durant lesquelles on lui a alloué 10 millions d'euros nous permettront, à partir de 2014, de nous autofinancer en partie. Ce n'est qu'à partir de cette date que nous pourrons nous passer du volet supplémentaire de subvention mis en place en 2007. Nous pensons quant à nous que nous pourrons le faire à partir de 2012.

Nous verrons dans l'année qui vient mais vous pouvez compter sur moi pour que ces sommes, que nous avons dû réduire globalement compte tenu de la situation économique, soient concentrées sur le commerce et l'artisanat de proximité, qu'ils soient en zone rurale ou en ville.

Daniel Courteau, je n'entrerai pas dans le détail pour vous répondre...

M. Roland Courteau. - Nous avons eu un problème de communication ou d'interprétation. On m'a dit que vous alliez représenter François Baroin et qu'à ce titre, vous seriez à même de répondre à des questions qui relèvent des compétences de ce dernier...

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. - Vous m'avez interrompu un peu vite ! Je ne veux pas faire de polémique avec vous...

M. Roland Courteau. - Je ne veux pas polémiquer : j'essaye de m'expliquer.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. - Peut être pourriez vous écouter ma réponse avant de m'interrompre ! Je suis à même de vous apporter un certain nombre éclairages mais il s'agit de dossiers où il sera utile que vous échangiez avec le ministre directement en charge de ce secteur.

En séance, à la suite de l'examen de vos rapports - que nous n'avons pas - et après les échanges que nous aurons eus avec les rapporteurs, MM. François Baroin, Éric Besson ou moi même serons à même de défendre dans le détail la position du Gouvernement. Reconnaissez qu'il est normal qu'un ministre soit assez prudent sur des sujets extrêmement techniques qui dépendent de l'un de ses collègues.

Néanmoins, s'agissant de la question complexe de l'impôt minimal pour les grandes entreprises, vous avez expliqué les difficultés que la règle de plafonnement des reports - qui ne vaut qu'au delà d'un million d'euros - pouvait poser. Ceci traduit un des premiers actes concrets de la convergence avec l'Allemagne. Le régime mis en place est en effet absolument identique au régime allemand. Chacun, y compris au Parlement, a considéré qu'en la matière, il fallait aller vers la convergence avec l'Allemagne.

C'est un régime qui n'a pas pour conséquence d'éliminer les stocks de déficits reportables des entreprises mais d'étaler dans le temps leur imputation sur les bénéfices. Les entreprises ayant fait des investissements photovoltaïques et qui ont bénéficié d'une niche avec un amortissement exceptionnel ont des tarifs avantageux pour le rachat de l'électricité produite, ce qui leur donne une certaine sécurité pour l'avenir. Au regard des efforts demandés, il paraît difficile de commencer à créer immédiatement, comme vous souhaitiez le faire, une exception à cette règle de convergence. Pour le reste, vous échangerez avec le ministre en charge de ce dossier mais je crois vous avoir déjà apporté un certain nombre d'éléments de réponse.

De la même façon, s'agissant de la filière nucléaire, je reprendrai votre conclusion : vous dites qu'il faut renforcer « l'équipe de France » du nucléaire. Je partage d'autant plus cet avis que c'est celui du Gouvernement tout entier et du Président de République. D'ailleurs, Areva et EDF ont signé en juillet un accord technique et commercial qui constitue le socle d'un partenariat stratégique que vous appelez de vos voeux et qui était réclamé par le Conseil de politique nucléaire. On sait bien qu'un certain nombre de divergences entre les directions des deux entreprises a pu freiner cette nécessaire stratégie commune.

Pour le reste, s'agissant des effets conjoncturels - Fukushima, etc. - je souhaite que vous ayez un échange avec Éric Besson, qui est directement en charge de ces questions.

M. Roland Courteau. - Vous étiez prévenu des questions. Je vous remercie.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. - Un mot sur le régime de l'auto-entrepreneur : c'est un régime qui fonctionne bien ; j'ai toutefois été conduit à le corriger sur un certain nombre de points car il posait des problèmes de concurrence déloyale avec les artisans. Les auto-entrepreneurs sont désormais astreints à la formation professionnelle et doivent déclarer leur chiffre d'affaires nul. Le respect des conditions de qualification est maintenant un élément préalable, ce qui était indispensable. Les auto-entrepreneurs qui exercent une activité artisanale à titre principal doivent être inscrits au registre des métiers. Toutes ces modifications sont mises en place depuis un an. Le bénéfice du régime est perdu au bout de 24 mois en l'absence de chiffre d'affaires.

Je travaille avec les artisans et les auto-entrepreneurs pour mettre en place un système qui impose l'obligation de respecter la garantie décennale, condition très importante pour les consommateurs dans le domaine du bâtiment.

Je poursuis la mise en place des corrections d'un régime qui a par ailleurs rencontré le succès en permettant à 738 400 auto-entreprises de se créer, dont 100 000 dans le bâtiment, pour un chiffre d'affaires de 3,2 milliards en 2010 et 2 milliards d'euros au premier trimestre 2011. On peut saluer cet assouplissement mais il faut encadrer cette activité. C'est ce que nous avons commencé à faire.

Quant à l'EIRL, le dispositif est entré en vigueur depuis le 1er janvier 2011. Dès lors que l'on protégeait l'essentiel du patrimoine personnel, les banques ont refusé de prêter de l'argent. Il a fallu que je signe avec OSEO et la Société de caution mutuelle de l'artisanat et des activités de proximité (SIAGI) une garantie à hauteur de 70 %, les 30 % restants étant pris en charge par les banques. Les échanges ont parfois été un peu vifs mais nous sommes parvenus à un accord signé et à un engagement des banques de ne pas prendre de garanties supplémentaires.

Le dispositif fonctionne aujourd'hui. On vous a proposé en loi de finances rectificative - et vous l'avez adopté - un dispositif de neutralité fiscale pour ceux qui changent de régime. C'est pour cela qu'on a lancé une grande campagne de communication dans la presse quotidienne régionale. J'ai écrit à chaque entrepreneur concerné. Nous travaillons par ailleurs avec toutes les organisations professionnelles. C'est l'intérêt des acteurs économiques, compte tenu de la crise, d'adopter ce statut qui les protège et qui leur permet de continuer à prendre des risques sans mettre leur famille en péril.

M. Daniel Raoul, président. - La parole est aux commissaires...

M. Yannick Vaugrenard. - Vous avez indiqué qu'il était nécessaire de contenir les dépenses publiques et surtout d'éviter la récession. Si on veut l'éviter, il convient de ne pas plomber le pouvoir d'achat et de soutenir l'activité économique. Je suis convaincu que le réseau des PME peut y aider plus fortement que les entreprises du CAC 40 qui, par ailleurs, sont sous taxées par rapport aux PME.

Dans le projet de loi de finances pour 2012, le crédit développement des PME a diminué. Vous avez indiqué à l'occasion de votre audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale que cette baisse n'était pas uniquement compensée par les économies réalisées avec la réforme des chambres consulaires.

Vous avez précisé, au cours de cette audition, qu'on ne pouvait continuer à dépenser plus que ce que l'on a et qu'il fallait se réformer pour mieux s'organiser et être plus efficaces. Quelles sont donc les mesures vous permettant de diminuer les crédits pour le développement des PME tout en les soutenant plus efficacement ?

On sait par ailleurs que les lourdeurs administratives et les difficultés d'accès aux prêts sont deux points importants pour les PME. Quelles sont les orientations qui sont les vôtres pour y remédier ?

Par ailleurs, un rapport réalisé par Gérard Rameix vous a été remis le 20 septembre dernier à propos de l'accès des TPE au financement. Ce rapport met en évidence les lacunes de l'information statistique disponible sur ce sujet et l'intérêt du suivi du crédit aux TPE mis en place par la Banque de France.

Le rapport constate que la situation financière de ces TPE s'est globalement améliorée depuis 2009 mais qu'elle est variable selon les entreprises, dont beaucoup restent dépendantes du crédit bancaire. Un suivi attentif de cette catégorie de crédits par les banques et les autorités publiques reste donc nécessaire et même indispensable. Où en êtes-vous de l'amélioration des outils statistiques qui, seuls, nous permettront de suivre et de soutenir l'accès au crédit des TPE et des PME ?

Mme Bernadette Bourzai. - Même si la question a déjà été évoquée avant mon arrivée, je voudrais revenir sur le FISAC au nom de Mme Renée Nicoux, qui est chargée d'un rapport sur le développement rural. On connaît l'importance du maintien du commerce et de l'artisanat dans cette perspective. Elle m'indique - et M. le ministre en est convenu - qu'il existe une baisse de crédits significative et même vertigineuse, puisqu'on est passé, pour la quatrième année consécutive, de 100 millions d'euros d'autorisations d'engagement à 40,9 millions d'euros.

En prenant l'exemple du Limousin, région dans laquelle je me suis impliquée comme élue régionale et municipale, je souhaite attirer votre attention sur l'intérêt des démarches collectives territorialisées. Ce sont des conventions signées entre l'État, les régions et les territoires - communautés de communes ou pays - pour favoriser le maintien ou le développement des commerces et de l'artisanat de proximité. Un protocole d'accord a été signé en mars 2011, portant sur les années 2010 à 2013, pour un montant de 6 millions d'euros, à parité État-régions. Au moins 3 millions d'euros sont donc attendus pour cette seule région éminemment rurale sur une période de 4 ans. Si on applique ce schéma à toutes les régions de France, on rencontrera beaucoup de difficultés pour répondre à la hauteur des besoins existants.

Après avoir déclaré que le FISAC est un des éléments majeurs de croissance et de créations d'emplois pour notre pays, comment allez vous faire, Monsieur le Ministre, pour maintenir ces objectifs pour le moins ambitieux ?

Par ailleurs, le monde de l'artisanat s'interroge beaucoup sur les conséquences de l'augmentation d'un point et demi du taux de TVA sur les travaux de rénovation dans l'habitat et le bâtiment. Avez-vous réalisé une étude d'impact sur les conséquences prévisibles de cette mesure sur l'activité et les emplois ? On entend parler de 8 à 10 000 emplois de moins dans les premières estimations...

Les auto-entrepreneurs - dont le nombre est, il est vrai, considérable - seront-ils assujettis eux mêmes à ce taux de TVA ? Sinon, ceci constitue une distorsion de concurrence évidente !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. - Vous évoquez des sujets sur lesquels j'ai longuement répondu tout à l'heure.

S'agissant du Limousin, nous regarderons les questions en détail car je n'ai pas les réponses en tête...

Pour ce qui concerne les évaluations et l'impact de l'alignement du taux réduit de TVA sur celui de l'Allemagne, les chiffres que vous citez concernent la suppression du taux réduit de TVA. J'ajoute qu'il existe des inquiétudes chez les restaurateurs ou chez les artisans du bâtiment mais également un certain soulagement et le sentiment de participer à un effort national commun. Les restaurateurs, qui sont aussi des artisans, ont bien compris que d'autres proposaient 14 % d'augmentation ! Il faut que chacun participe à l'effort national. Chacun a bien admis qu'il s'agit d'un effort partagé !

Yannick Vaugrenard, je partage entièrement votre diagnostic sur le fait qu'il faut accompagner nos PME et les soutenir. J'aurais l'occasion d'annoncer un certain nombre de mesures dans les semaines à venir. 80 décisions portant sur la simplification sont en train d'être mises en application. La complexité des charges administratives et les crédits sont deux sujets sur lesquels je vais agir dans les semaines et les mois qui viennent.

Pour ce qui est de la simplification, je vous fixe rendez vous fin novembre. J'annoncerai des mesures structurelles qui accompagneront les 80 décisions que j'ai été amené à prendre et qui sont très attendues par les entrepreneurs.

S'agissant du crédit, il existe un indicateur pour les petits crédits. Il permet un système de reporting. Nous avons eu une première réunion le 20 septembre. Les banques y participaient, ainsi que les représentants des entreprises - CGPME, Union professionnelle artisanale (UPA), Médiateur du crédit, etc.

J'ai demandé que l'Observatoire du crédit suive dorénavant les petites entreprises ; ce dernier doit me faire des propositions. Nous allons étudier aussi les questions liées aux avances et aux agios. Je serai amené à faire des annonces assez rapidement sur tous ces sujets afin d'accompagner au plus près les acteurs économiques.

J'ai adressé un courrier à l'ensemble des parlementaires, avec un numéro de téléphone, en proposant aux uns et aux autres, en cas difficultés de telle ou telle entreprise dont ils auraient connaissance, de s'adresser à mon cabinet. Il faut faire du sur-mesure et accompagner les acteurs économiques.

Vous pouvez compter sur moi pour transmettre les interrogations de votre commission à Eric Besson, Monsieur le Président.

M. Daniel Raoul, président. - Je reconnais qu'il est assez frustrant pour les rapporteurs de ne pas avoir en face d'eux le ministre en charge des dossiers. C'est ce qui explique un certain nombre de réactions de mes collègues. Je vous remercie, Monsieur le Ministre.