Mercredi 23 novembre 2011

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Loi de finances pour 2012 - Mission Ville et logement - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Luc Carvounas, sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Ville et logement » et l'article 64 rattaché).

M. Luc Carvounas, rapporteur pour avis. - Au onzième rang du budget de l'Etat en termes de crédits de paiement, la mission « Ville et logement » mobilise environ 2 % des dépenses prévues pour l'année 2012, soit 7,845 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 7,721 milliards d'euros en crédits de paiement, en augmentation de 1 % par rapport à l'an dernier.

L'effort global en faveur de la politique de la ville et du logement va toutefois bien au-delà de ces enveloppes budgétaires, puisqu'il comprend aussi des dépenses fiscales deux fois supérieures aux crédits et qu'une part des ressources provient de la participation des employeurs à l'effort de construction (Peec) au travers de l'ancien 1 % logement, désormais dénommé « Action logement ».

L'on pourrait, dans le contexte actuel, se réjouir de cette hausse relative si l'examen de l'évolution des quatre programmes de la mission ne tempérait aussitôt cet enthousiasme. En effet, l'essentiel de l'augmentation constatée provient des crédits affectés au programme « Aide à l'accès au logement » (5,6 milliards), qui progressent de 6 %, non par une action volontariste du Gouvernement, mais mécaniquement, en raison de la situation économique et sociale.

En revanche, les crédits de paiement pour les aides à la pierre contenues dans le programme « Développement et amélioration de l'offre de logements » diminuent globalement de 27 % pour s'établir à 365,4 millions d'euros. Cette évolution apparaît d'autant plus paradoxale que l'objectif de construction de 120 000 logements sociaux, fixé en 2011, est maintenu pour 2012. L'Etat compte donc faire autant avec moins, en dépit de l'augmentation des coûts de construction et des besoins qui devraient conduire au contraire à renforcer l'effort de construction.

La seule hausse significative au sein de ce programme porte sur les crédits mis en réserve par l'Etat au titre du contentieux relatif au droit au logement opposable, en prévision de l'universalisation du contentieux à partir du 1er janvier 2012.

Le programme « Politique de la ville et Grand Paris » voit quant à lui ses crédits de paiement diminuer de 12 %. L'Etat n'apporte aucune contribution au financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU), créé par la loi du 1er août 2003, et qui contribue aujourd'hui à désenclaver et modifier l'image et l'attractivité de plus de 480 quartiers, bénéficiant ainsi à 3,8 millions d'habitants.

Même la subvention pour charge de service public autrefois attribuée à l'agence nationale pour la rénovation urbaine, (l'Anru), chargée de la mise en oeuvre du programme, a désormais disparu du budget de l'Etat ; c'est maintenant sur « Action logement » que repose quasi-exclusivement le financement du PNRU. Fortement contesté par « Action logement », ce transfert de charges de la part de l'Etat ne dégage pas des ressources suffisantes pour faire face à la montée en puissance des opérations de rénovation urbaine. Certes, on a l'an dernier mis à contribution les bailleurs sociaux et affecté une partie de la taxe locale sur les locaux commerciaux, de bureau et de stockage, prévue pour financer le Grand Paris. Mais ce mécanisme complexe n'apporte qu'une réponse temporaire, pour la période 2011-2013, alors même que le Gouvernement prévoit un PNRU II dont les modalités restent à définir.

La plus grande partie des crédits du programme « Politique de la ville et Grand Paris » est gérée par l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé), établissement public créé par la loi du 13 mars 2006, en charge du volet social de la politique de la ville. Si, comme tous les opérateurs de l'Etat, l'agence est tenue de participer à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, celui-ci s'effectue au détriment d'une évaluation précise de ses besoins et d'une réflexion sur ses priorités.

Mal connue du grand public, l'Acsé jouit pourtant d'une reconnaissance certaine chez les acteurs locaux de la politique de la ville, parvenant avec un budget d'intervention limité de 500 millions d'euros en 2010 à créer un effet de levier important en faveur de projets ambitieux.

Centrées autour de quatre priorités que sont l'éducation, l'emploi, la prévention de la délinquance et la santé, la plupart des interventions de l'Acsé s'inscrivent dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale (Cucs). D'autres actions s'inscrivent en revanche hors des zones géographiques prioritaires, tel le programme de réussite éducative, mis en place en 2005 et qui permet aujourd'hui à 1 600 équipes pluridisciplinaires de soutien d'accompagner 135 000 jeunes, dont près de la moitié dans le cadre d'un parcours individualisé.

Malgré l'effort de concentration des crédits autour de ses quatre priorités, près de 20 % des interventions de l'Acsé continuent, au risque d'un éparpillement, de porter sur des actions transversales. En outre, le fléchage croissant des dépenses contribue à limiter ses marges de manoeuvre : la vidéo-protection a représenté en 2010 60 % de l'ensemble des dépenses de l'agence dans le cadre du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Comment alors mettre en place des méthodes alternatives de renforcement de la sécurité et de la prévention, notamment par le financement d'intervenants sociaux ou de correspondants de nuit ?

La situation de l'Acsé pose en réalité la question d'une meilleure articulation entre les volets urbain et humain de la politique de la ville. De l'avis général, les projets de rénovation urbaine prennent en effet insuffisamment en compte ce volet humain, seulement 1,6 % des financements du PNRU allant à l'aménagement d'espaces commerciaux, et 40 % des projets de rénovation urbaine n'intégrant pas d'intervention sur les établissements scolaires.

Pourtant, il y a des moyens d'action, notamment grâce à une coopération renforcée entre l'Anru et l'Acsé qui ont signé, en juillet 2010, un accord-cadre en ce sens, et lancé conjointement le programme insertion-rénovation, qui a pour objet de faciliter l'accès des habitants des quartiers concernés aux emplois de la rénovation urbaine.

Le budget esquisse un timide renforcement de la gestion urbaine de proximité (Gup), 3,5 millions d'euros permettant à l'Acsé de financer des diagnostics et de prendre en charge les quartiers où le projet de rénovation urbaine est achevé, au travers de conventions de quartiers rénovés signées avec les autres partenaires. Il convient de confirmer ces avancées.

Les crédits du programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » sont stabilisés à 1,2 milliard d'euros, mais l'expérience de ces dernières années conduit à considérer avec prudence la sincérité des prévisions de dépenses, les crédits du programme étant abondés pour des montants importants par des décrets d'avance, puis par des lois de finances rectificative. Le Premier ministre avait ainsi annoncé, le 26 septembre dernier, que le programme serait complété à hauteur de 75 millions d'euros en loi de finances rectificative, dont environ 35 millions qui étaient, de façon assez surprenante, destinés à couvrir les besoins à venir en 2012. N'aurait-il pas été plus sincère d'inclure ces 35 millions dès le projet de loi de finances 2012 initial ? Le collectif, déposé le 16 novembre dernier à l'Assemblée nationale, ne prévoit toutefois plus aucune dotation supplémentaire pour l'hébergement, ce qui signifie que le Gouvernement a renoncé à tenir son engagement. Pourtant, les besoins sont criants : le dernier rapport de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement faisait état de plus de 600 000 personnes dépourvues de logement personnel, dont 133 000 sans domicile fixe ; une autre enquête indiquait que, dans 65 % des cas de demande d'hébergement, le manque de place dans les structures d'urgence interdit d'offrir une solution à ces personnes, dont une moitié de couples avec enfants.

Face à l'urgence des besoins et à l'insuffisance des moyens, le ministre du logement met en avant la stratégie du « logement d'abord », qui se fonde sur le principe difficilement contestable selon lequel le logement n'est pas l'aboutissement du parcours d'insertion, mais la condition préalable et nécessaire à celle-ci. Priorité doit dès lors être donnée, non pas à l'hébergement, mais à l'accès au logement, y compris pour les publics les plus en difficulté.

De nombreux pays européens, s'inspirant d'expériences menées aux Etats-Unis, tentent aujourd'hui de mettre en application ce principe. Cela nécessite du temps et des moyens financiers, notamment pour assurer un accompagnement adapté. Or, nous sommes aujourd'hui dans une impasse, les crédits alloués à l'hébergement étant réorientés vers des dispositifs d'accompagnement au logement qui n'ont d'intérêt que si l'offre de logements est suffisante, et si les aides personnelles contribuent à la solvabilité à long terme des demandeurs. Le concept de « logement d'abord », qui peut transcender les sensibilités politiques, ne doit pas être galvaudé par des contraintes budgétaires de court terme.

Une autre action du programme, symboliquement importante malgré un montant limité, regroupe les crédits destinés au programme national d'aide alimentaire (PNAA). A 22,6 millions d'euros, elle marque une légère hausse par rapport à l'année 2011, mais demeure inférieure de 6 millions au niveau des dépenses constatées en 2010.

Le PNAA bénéficie en particulier à la fédération française des banques alimentaires, aux Restos du coeur, au Secours populaire et à la Croix rouge ; il a été développé depuis 2004 en complément du programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD), mis en oeuvre depuis 1987 à partir des excédents de la politique agricole commune. La diminution progressive des stocks d'intervention européens a été progressivement compensée par des achats de denrées alimentaires sur les marchés. Cette évolution a été remise en cause en avril dernier par la Cour de justice de l'Union européenne qui considère que, dans la mesure où les achats sur les marchés représentent désormais près de 90 % du programme, celui-ci a perdu tout lien avec la politique agricole commune et relève désormais de politiques sociales nationales.

Aujourd'hui doté de 500 millions d'euros, le budget du programme européen d'aide alimentaire aurait été divisé quasiment par cinq en 2012 sans l'accord trouvé le 14 novembre dernier entre la France et l'Allemagne. Ce dernier ne constitue toutefois qu'une réponse à court terme puisqu'il ne couvre que les années 2012 et 2013. Certes, l'Union européenne se construit par des crises, mais il est regrettable que les intérêts nationaux l'emportent lorsqu'il s'agit de mettre des moyens financiers substantiels en face de l'objectif ambitieux retenu en 2010 d'une réduction de 25 % du taux de pauvreté dans le cadre de la stratégie Europe 2020. J'en ai pourtant la conviction, une des réponses à la crise économique et sociale que nous traversons passe par la mise en oeuvre de solidarités accrues entre les Etats européens.

Premier article rattaché à la mission, l'article 64 proroge jusqu'en 2014 les exonérations fiscales et sociales dans les zones franches urbaines (ZFU), tout en portant à 50 % la clause d'emploi local. Je vous propose d'y donner un avis favorable.

L'article 64 bis, inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, proroge, jusqu'au 31 décembre 2014, le reversement à l'Union d'économie sociale du logement des deux tiers des montants collectés par les organismes HLM et les sociétés d'économie mixte (Sem) de logement social au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction. Ce reversement, mis en place à titre temporaire en 2006 pour financer le plan de cohésion sociale, avait été prorogé une première fois par la loi de finances pour 2010. On peut estimer qu'il représenterait environ 6 millions d'euros, ce qui est peu rapporté aux ressources totales d'« Action logement », mais constitue néanmoins un effort non négligeable pour les organismes concernés.

Pourtant, le Gouvernement ne nous fournit aucune indication sur l'impact de cette mesure. Par cohérence avec la position du rapporteur pour avis de notre commission de l'économie, Thierry Repentin, et afin de clairement signifier notre opposition à la politique menée en direction d'« Action logement », je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption de cet article.

Je vous invite également à donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission, surtout après le nouveau tour de vis annoncé par le Gouvernement, qui diminue de 37,3 millions d'euros les crédits de l'ensemble de la mission et minore de 88 millions le montant des aides au logement du fait de la revalorisation forfaitaire de 1 %.

Mme Christiane Demontès. - Je me retrouve dans plusieurs de vos interrogations. Je m'interroge en particulier sur l'articulation Acsé-droit commun parce que les crédits de la politique de la ville se substituent, faute d'autres solutions, aux financements permanents de certaines structures telles que les missions locales, au lieu de servir au lancement de projets et d'initiatives nouvelles. Cela vaut aussi pour le soutien aux initiatives des habitants : les associations présentes dans les territoires Cucs et qui sont souvent les seules à mener ces actions rencontrent de plus en plus de difficultés de financement. Mon inquiétude s'étend d'ailleurs à d'autres associations, en particulier dans le domaine de l'éducation populaire.

M. Jean Desessard. - A propos du mal-logement, vous avez cité le chiffre de 50 % de couples avec enfants. S'agit-il de la moitié des 600 000 personnes mal-logées ou des 133 000 sans domicile fixe ? Mon interrogation est la même pour les 65 % de cas auxquels il n'était pas possible de trouver des solutions d'urgence. D'ailleurs, qu'entend-on exactement par « solutions d'urgence», quand il en faudrait en si grand nombre ?

M. Luc Carvounas, rapporteur pour avis. - Le chiffre de 65 % provient d'une étude spécifique de la fédération nationale des association d'accueil et de réinsertion sociale portant sur les demandeurs d'hébergement au cours d'une journée donnée, et non sur le nombre global des mal-logés.

M. Dominique Watrin. - Je partage la présentation du rapporteur et ses conclusions, y compris sur les avancées permises par la politique de la ville au cours de ces dernières années comme l'illustrent les programmes de réussite éducative qui permettent l'accompagnement de 135 000 jeunes. Mais la baisse de 12 % des crédits de la politique de la ville risque de compromettre ces actions, voire dans certains cas les condamner.

Dans ma commune, qui est l'une des plus pauvres de France, l'Etat ne souhaite plus financer le poste de coordonnateur, et nous demande de le prendre en charge à hauteur de 50 % dans les deux ans qui viennent, puis de le financer intégralement. Or, la commune ne sera pas en mesure de dégager les 40 000 euros nécessaires. Je regrette fortement que cette politique globale, cohérente, centrée sur l'enfant et son environnement, soit ainsi remise en cause.

Mme Michelle Meunier. - Je suivrai le rapporteur. Il est indispensable que la politique de la ville marche sur ses deux pieds que sont la rénovation urbaine et l'accompagnement humain. La reconstruction des quartiers ne suffit pas en effet à offrir aux habitants des conditions de vie satisfaisantes. Je regrette en outre que l'essentiel des crédits du FIPD demeure consacré à la vidéosurveillance, alors que la politique de prévention de la délinquance suppose aussi un effort important d'accompagnement des personnes.

M. René-Paul Savary. - Je ne partage évidemment pas l'avis du rapporteur et je regrette qu'il passe sous silence l'action de l'Anru. Des avancées ont été permises par ses crédits...

Mme Gisèle Printz. - Il n'y en a plus !

M. René-Paul Savary. - Dîtes-le à Reims, à Epernay ou à Châlons-en-Champagne ! Suppléant d'Arnaud Montebourg au conseil de l'Acsé, j'ai pu constater que la rationalisation a permis de gagner en complémentarité. Cette nouvelle agence a trouvé sa place et apporte aujourd'hui une réelle contribution au volet humain de la politique de la ville, en particulier dans le cadre des Cucs. Tout cela mérite d'être rappelé, même si le contexte budgétaire requiert une diminution des dépenses publiques. Quel bonheur si l'on pouvait continuer à financer l'ensemble de ces actions comme auparavant ! Mais il faut être réaliste. D'ailleurs, vous émettez un avis défavorable aux crédits de la mission, sans pour autant proposer de solution alternative.

Mme Annie David, présidente. - On ne peut pas le faire à cause de l'article 40.

M. René-Paul Savary. - Cela ne m'a pas échappé, mais vous pouviez proposer de trouver d'autres recettes, ce que vous ne faites pas.

Mme Christiane Demontès. - Ce n'est pas comme cela que fonctionne l'article 40.

Mme Catherine Deroche. - Ça arrange bien de critiquer sans rien proposer...

M. René-Paul Savary.- Tout en étant favorable aux crédits de la mission, je précise que je suis comme vous favorable à l'article 64.

Mme Catherine Procaccia. - Le rapporteur a reconnu un certain nombre d'éléments positifs, ainsi de l'augmentation des crédits de la mission ou des aides au logement, et il soutient la position du Gouvernement face aux décisions européennes en matière d'aide alimentaire. Je partage son point de vue sur les ZFU en espérant que le nombre de 50 % pourra être atteint compte tenu des qualifications recherchées par les entreprises.

Vous critiquez la vidéosurveillance. Nous sommes élus du même département et il me semble que dans certains quartiers, la population apprécie davantage ce type de réponses concrètes, qui lui apportent une certaine protection même si elle peut aussi reporter la délinquance dans d'autres zones, plutôt qu'une augmentation du nombre d'intervenants auprès des postes de police ou de gendarmerie.

Puisque vous voulez « signifier clairement votre opposition à la politique du Gouvernement », vous comprendrez notre opposition politique à votre rapport.

M. Georges Labazée. - Le prélèvement décidé par le Gouvernement sur les bailleurs sociaux au profit de l'Anru représente pour l'office 64 de l'habitat une ponction de 1,2 million d'euros, et pèse sur la capacité de l'ensemble des organismes à réhabiliter des logements ou à en construire de nouveaux. Aussi, je souhaite savoir quelle a été la recette globale de ce prélèvement au niveau national et si celui-ci sera reconduit en 2012 et 2013 comme le ministre Benoist Apparu l'a indiqué devant le congrès de l'union sociale de l'habitat à Strasbourg. Le taux de ce prélèvement risque-t-il même d'être augmenté ?

M. Jacky Le Menn - Avec une grande naïveté, je me demande comment le Gouvernement compte atteindre l'objectif, absolument nécessaire, de 120 000 logements sociaux supplémentaires en 2012, avec des crédits en baisse de 27 % mais des coûts en forte augmentation. Comment procéder à cette opération de multiplication des pains sans faire une nouvelle fois appel aux collectivités territoriales qui apportent déjà leur contribution, notamment dans le cadre des contrats de cohésion sociale, et qui sont aujourd'hui dans une situation financière critique ?

M. Jean-Claude Leroy. - Avec un prélèvement direct de 175 millions sur le potentiel financier des organismes HLM et des Sem et celui de 70 millions sur l'autofinancement, la ponction globale atteint 245 millions d'euros. Que celle-ci provienne pour 65 % des offices publics de l'habitat, pour 25 % des entreprises sociales de l'habitat et pour 10 % des Sem n'est nullement le fruit du hasard mais bien celui d'un choix politique délibéré. Le mode de prélèvement imaginé oublie curieusement des entreprises sociales qui, pourtant, construisent et vendent peu. Dans le Pas-de-Calais, deux organismes qui gèrent 40 000 logements pour l'un, et 35 000 pour l'autre, n'auront rien à verser tandis que Pas-de-Calais Habitat qui gère le même nombre de logements, se verra quant à lui prélever l'équivalent de 4 % du montant des loyers perçus, ce qui constitue une véritable inégalité de traitement sans lien réel avec les moyens des organismes. On peut légitimement penser qu'à travers cette répartition, le Gouvernement a voulu taxer en priorité les offices publics qui bénéficient des dossiers Anru, et exonérer les organismes privés attachés au dispositif du 1 % logement ou aux banques.

M. Luc Carvounas, rapporteur pour avis. - Oui, la politique de la ville est sur la sellette. Le Gouvernement a fait le choix de proroger jusqu'en 2014 les contrats urbains de cohésion sociale (Cucs), qui incluent dans leurs axes prioritaires l'éducation, la santé, le développement économique et l'emploi et la sécurité.

La dérive des crédits n'est pas nouvelle : le plan de relance avait abondé de 345 millions d'euros le premier PNRU. Ce programme est une avancée pour l'ensemble des collectivités territoriales, mais il est aujourd'hui nécessaire de clore les conventions et d'achever les projets en cours avant de s'engager dans une nouvelle phase.

En tant que vice-président du conseil général du Val-de-Marne chargé de la politique de la ville, j'ai rencontré des maires de toute tendance politique, confrontés aux mêmes problèmes de financement de leurs projets de renouvellement urbain. Le PNRU II repose sur de simples effets d'annonce alors qu'aucune précision n'est donnée sur les modalités de clôture du PNRU I. Concernant les PRE, le maintien des financements oblige à se substituer de plus en plus à l'Etat.

S'agissant de la vidéo-protection, dont je ne remets pas en cause le principe, j'estime excessif d'y consacrer l'essentiel des moyens au détriment de la prévention et de la médiation.

Quant à la contribution destinée au financement du PNRU, elle s'élève à 340 millions d'euros pour l'année 2011 si l'on y intègre les 95 millions de prélèvements sur les locaux commerciaux. Pour rejoindre l'exemple de Georges Labazée, le prélèvement demandé à l'office que je préside représente soixante logements neufs que nous ne construisons pas. Ce dispositif de contribution des bailleurs est appelé à se poursuivre dans les deux prochaines années et aucune augmentation des taux n'est prévue.

Suivant son rapporteur, la commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Ville et logement ». Elle émet par ailleurs un avis favorable à l'adoption de l'article 64 rattaché et défavorable à l'adoption de l'article 64 bis rattaché.

Loi de finances pour 2012 - Mission Solidarité, insertion et égalité des chances - Examen du rapport pour avis

La commission procède à l'examen du rapport pour avis de Mme Aline Archimbaud, sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et l'article 61 rattaché).

Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis. - Avec ses cinq programmes au poids budgétaire très inégal, cette mission est, à mon sens, assez hétéroclite. Les crédits pour 2012, d'un montant de 12,75 milliards d'euros, sont globalement en hausse de 3,14 % par rapport à l'an passé, mais cette évolution favorable ne se retrouve pas dans tous les programmes. En réalité, seul le programme « Handicap et dépendance » voit ses crédits progresser, tandis que les autres révèlent un désengagement de l'Etat en matière de politique sociale.

Le programme « Handicap et dépendance », qui concentre à lui seul un peu plus de 80 % du budget total de la mission, est doté de près de 10,5 milliards d'euros pour 2012 (+ 6 %), majoritairement destinés à l'achèvement du plan de revalorisation de 25 % de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) entre 2008 et 2012, conformément aux engagements pris par le Président de la République. A l'issue de ce plan, l'AAH atteindra 776,59 euros par mois et bénéficiera à près de 950 000 personnes. Cet effort financier ne doit cependant pas nous aveugler car, au moment même où le Gouvernement revalorise le montant de l'AAH, il en restreint les conditions d'octroi, sous prétexte de clarification et d'harmonisation.

Alors que jusqu'à présent, compte tenu de l'imprécision des textes, chaque maison du handicap (MDPH) disposait d'une certaine marge de manoeuvre pour accorder l'AAH et pour apprécier la « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi » des personnes présentant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 %, un décret et une circulaire, publiés cet été, prévoient que l'on ne prendrait plus en compte que l'aspect médical du handicap et non, par exemple, l'environnement économique et social du demandeur. Ce « filtre » diminuera le nombre d'allocataires, le Gouvernement en attend d'ailleurs une économie de 74 millions d'euros. Il a aussi décidé de ramener de cinq à deux ans le délai de réexamen de la situation des bénéficiaires de l'AAH présentant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 %, mesure irréaliste quand on sait qu'il faut plus de huit mois pour traiter un dossier.

Le programme finance également, à hauteur de 2,6 milliards d'euros, le fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail (Esat) et le plan pluriannuel de créations de places dans ces structures (mille places supplémentaires en 2012). Là encore, l'effort budgétaire est affecté par les effets de la convergence tarifaire. Non seulement les tarifs plafonds appliqués depuis 2009 risquent d'exclure les personnes les plus lourdement handicapées, mais leur non-revalorisation depuis trois ans, infondée et injuste, met sérieusement en danger le fonctionnement des établissements.

Enfin, 57,1 millions d'euros sont consacrés au fonctionnement des MDPH, dont le cadre juridique a été réformé, à l'initiative de notre commission, par la loi « Paul Blanc » du 28 juillet dernier.

Le programme « Lutte contre la pauvreté » regroupe quant à lui les crédits destinés au financement du « RSA activité », ou « RSA chapeau », et de l'économie sociale et solidaire. Or, ce programme phare de la mission accuse un recul spectaculaire, ses crédits étant ramenés de 692 millions d'euros en 2011 à 535 millions en 2012, soit une baisse de 22,7 %. Alors que les départements financent le « RSA socle », l'Etat prend en charge le « RSA activité » via le fonds national des solidarités actives (FNSA), alimenté par une recette fiscale qui lui est intégralement affectée, la contribution additionnelle de 1 % sur les revenus de placement et du patrimoine, et par une subvention d'équilibre de l'Etat, retracée dans le présent programme.

Depuis sa création en 2009, la programmation budgétaire du FNSA s'est révélée particulièrement défaillante en raison d'une mauvaise anticipation de la montée en charge du « RSA activité ». Alors que les besoins sont généralement sous-estimés ; là, ils ont été sur-calibrés. Le faible accès du dispositif s'explique notamment par un certain manque d'information à destination de son public et au fait que le RSA peut apparaître, aux yeux de certaines personnes, comme « socialement disqualifiant ».

En conséquence, le FNSA a constitué d'importants excédents de trésorerie sur les trois dernières années. Au lieu d'améliorer l'information et l'accompagnement, le Gouvernement les a mobilisés pour financer la prime de Noël ou pour soutenir la trésorerie de l'Acoss. Plus grave encore, il devrait opérer en 2012 une ponction de 211 millions sur les réserves de trésorerie du fonds pour gager la baisse de 23 % de sa propre contribution au « RSA activité » ! En effet, celle-ci passera de 700 millions d'euros en 2011 à 528 millions en 2012. Le FNSA est donc devenu une cagnotte utilisée pour financer les diverses promesses du Gouvernement et pour compenser son propre désengagement de la politique d'insertion. Dernier exemple : lors des débats à l'Assemblée nationale, la ministre du budget a fait adopter un article 61 bis rattaché, accordant une aide exceptionnelle de 50 millions d'euros sur deux ans aux services d'aide à domicile, qui sera à nouveau prélevée sur le FNSA.

Alors qu'en 2008, le Gouvernement se félicitait d'avoir le courage de fixer l'objectif de réduction de la pauvreté d'un tiers au cours du mandat présidentiel actuel, celui-ci a totalement disparu du projet annuel de performance 2012. Voilà un renoncement très regrettable à l'effort de solidarité envers les plus démunis.

Le RSA a été étendu aux jeunes de moins de vingt-cinq ans depuis le 1er septembre 2010, à condition qu'ils aient travaillé deux ans à temps complet dans les trois ans qui précèdent la demande. Les périodes de chômage ne comptent pas. Les premiers résultats sont sans appel : le « RSA jeunes » est un échec. A ce jour, un peu plus de 10 000 personnes seulement en bénéficient. Il faudrait y remédier sans attendre.

Tout d'abord, l'exigence d'un nombre d'heures travaillées est inadaptée à la réalité de la jeunesse française : alors que le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans s'élève à plus de 20 %, et bien plus encore dans certaines villes, comment demander à un jeune de justifier de deux années de travail à temps complet ? Ensuite, reconstituer les heures travaillées sur une période de trois ans n'est pas chose aisée pour ces jeunes qui enchaînent souvent des contrats précaires. Lorsque l'article 61 viendra en séance, je ne manquerai pas d'interpeller le Gouvernement sur cette ineptie.

S'agissant du financement de l'économie sociale et solidaire, l'augmentation de 23 % des crédits est trompeuse : elle ne recèle aucun « coup de pouce » en faveur des associations comme les régies de quartier et les associations intermédiaires, qui accomplissent sur le terrain un travail remarquable d'insertion sociale et professionnelle. Leurs représentants sont inquiets : non seulement les subventions qu'ils perçoivent sont en baisse mais de plus, leurs critères d'attribution ne sont pas satisfaisants. En réalité, la hausse des crédits viendra alimenter le fonds interministériel de prévention de la délinquance ! L'irruption, dans un programme consacré à la lutte contre la pauvreté, de crédits relatifs à la délinquance en dit long sur l'amalgame pratiqué par le Gouvernement.

Enfin, deux programmes subiront des coupes budgétaires inédites. Le premier, qui est le plus petit de tous les programmes budgétaires, sert à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes dans la vie professionnelle, politique et sociale - il y a fort à faire - et à lutter contre les violences sexistes. Il est doté pour 2012 d'environ 20 millions d'euros de crédits, en baisse de 5 %. Est-il légitime d'arguer de la rigueur pour couper les vivres aux associations ? Par exemple, la dotation aux centres d'information départementaux sur les droits des femmes et des familles diminuera de près de 151 000 euros l'an prochain. Je trouve choquant que les inégalités entre les hommes et les femmes, toujours considérables, restent un sujet mineur.

Le programme consacré aux familles vulnérables enregistre lui aussi une baisse sans précédent, de l'ordre de 4 %. Premières touchées : les actions d'accompagnement des familles dans leur rôle de parents. Là encore, ce seront les associations intervenant en faveur des familles et de l'enfance - points info familles, planning familial, réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents - qui en feront les frais. C'est également sur ces crédits que l'Etat participe au financement de la carte « enfant famille », grâce à laquelle les familles modestes ayant un ou deux enfants bénéficient de réductions SNCF.

La protection de l'enfance sera aussi pénalisée. Ni le projet de loi de finances, ni le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ne financent le fonds national de protection de l'enfance (FNPE), créé par la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l'enfance. Or, l'aide sociale à l'enfance coûte un peu plus de 6 milliards d'euros par an aux conseils généraux. L'Etat faisant défaut, c'est la branche famille de la sécurité sociale, pourtant déficitaire, qui devra abonder le fonds en majeure partie.

Au final, ce projet de loi n'est pas à la hauteur des enjeux qui se posent en termes de solidarité, d'insertion et d'égalité des chances, surtout au regard de la crise que nous traversons. Un mot caractérise, à mes yeux, les crédits 2012 de la mission : désengagement. On fait des économies sur les pauvres ! Je vous propose donc de donner un avis défavorable à leur adoption.

J'en viens aux articles rattachés. L'article 61 prolonge la dérogation en vertu de laquelle le « RSA jeunes » est financé intégralement par le FNSA, et non pas, comme le RSA normal, par les départements pour la partie socle et par l'Etat pour la partie activité : la lente montée en puissance du « RSA jeunes » ne permet pas de déterminer leurs parts respectives en régime de croisière. Aussi insatisfaisante que soit cette situation, je suis favorable à l'adoption de l'article. Même chose pour l'article 61 bis, qui accorde, je l'ai dit, une aide exceptionnelle de 50 millions d'euros en deux ans aux services d'aide à domicile, en ouvrant la possibilité d'expérimenter de nouvelles modalités de tarification de ces services. Je trouve très regrettable que les dépenses supplémentaires sur une politique soient assurées par une économie sur une autre, en l'occurrence sur le secteur de l'insertion. Mais les services d'aide à domicile ne doivent pas être privés de cette aide exceptionnelle.

M. Gilbert Barbier. - La rapporteure nous a dressé un tableau apocalyptique alors que l'on constate que les crédits destinés au handicap augmenteront de 6 % en 2012, ce qui montre que l'engagement du Président de la République de revaloriser l'AAH de 25 % a été respecté : on lui reproche assez de ne pas tenir ses promesses...

M. Ronan Kerdraon. - Reproche justifié !

M. Jean-Claude Leroy. - C'est vrai !

M. Gilbert Barbier. - J'ai été surpris d'entendre dire que l'attribution de l'AAH selon des critères médicaux provoquerait des différences de traitement entre départements. Tout au contraire, il me semble qu'en s'en tenant à l'analyse du handicap, on confirme que cette allocation est destinée aux personnes indépendamment de leur environnement, et c'est précisément le recours à un autre critère qui créerait des distorsions considérables entre allocataires.

Par ailleurs, l'on ne saurait dissocier insertion et prévention de la délinquance. Pour avoir longtemps siégé au sein d'un comité local de prévention de la délinquance, je puis vous dire que le retour à l'emploi est un facteur déterminant : on lutte aussi contre la délinquance en favorisant la réinsertion. Mais cela vous gêne, et vous préférez la caricature politicienne...

Mme Annie David, présidente. - J'aimerais que nos échanges en commission restent cordiaux ou du moins courtois. Je ne me souviens pas qu'autrefois, nous nous soyons permis de juger qu'un rapport était « caricatural ».

M. Jean-Noël Cardoux. - J'y veillerai. Ceci étant, je souscris à ce que vient de dire Gilbert Barbier. L'AAH, comme promis, a été revalorisée d'un quart. L'objectivité des critères d'attribution est un gage d'égalité : n'est-ce plus votre philosophie ? Avec la prestation de compensation du handicap (PCH), qui est là pour compenser les difficultés liées à l'environnement, la prise en charge est assurée.

Non, vous ne voulez pas entendre parler de répression de la délinquance ! Mais jusque dans les bourgs ruraux, les caïds font la loi et empêchent, par la peur ou la violence, les jeunes qui voudraient se tourner vers les associations afin de se réinsérer et de trouver un emploi ! A Sully-sur-Loire, grâce au contrat départemental pour la ville - adaptation du contrat de solidarité urbaine aux communes de moins de 10 000 habitants -, nous manions la carotte et le bâton : financement des actions d'insertion, d'alphabétisation, d'éducation, d'aide aux parents, mais rappels à la loi et, éventuellement, paiement par les parents pour les dégradations causées par leurs enfants. Que les crédits de l'insertion servent à lutter contre la délinquance me paraît donc normal.

Mme Isabelle Pasquet. - Je partage l'appréciation de la rapporteure sur cette mission. Le Gouvernement a échoué à réduire la pauvreté : depuis qu'il en a fait l'annonce, les chiffres n'ont cessé de grimper.

Si je me félicite que l'AAH ait été revalorisée, je m'inquiète que ses critères d'attribution soient exclusivement médicaux : à supposer que quelqu'un ne les remplisse pas exactement, on s'interdira de prendre en compte ses difficultés pour se déplacer, trouver un emploi, etc. Le décret qui réduit la durée d'attribution de cinq à deux ans fera des allocataires des demandeurs permanents, étant donné la difficulté de monter un dossier.

Il serait intéressant d'avoir un débat sur le RSA. Il ne joue pas son rôle d'insertion professionnelle, le contexte économique n'y est toutefois pas favorable.

Je suis très partagée sur l'article 61, intéressant, mais qui ne va pas assez loin. Je m'abstiendrai.

Mon inquiétude au sujet de la baisse des crédits alloués à l'égalité entre les hommes et les femmes redouble quand on réduit les subventions des centres d'accueil des victimes de violences conjugales, qu'il faudrait au contraire multiplier, et des logements d'urgence.

M. Jean Desessard. - Lors de l'instauration du RSA, nous avions souligné la lourdeur des procédures administratives d'attribution, et j'avais dit que l'obligation de déclarer ses ressources une fois par trimestre n'était pas adaptée à des personnes en situation précaire, qui ont du mal à tenir une comptabilité trimestrielle. Dispose-t-on d'un bilan ? La Cnaf s'était opposée à un rythme mensuel.

Quand on a étendu le RSA aux jeunes, nous avions aussi dénoncé les critères trop restrictifs, et nos collègues auraient dû nous soutenir, puisqu'ils lient difficultés d'insertion et délinquance ! Il faudrait accorder le RSA à tous les jeunes de dix-huit-vingt-cinq ans, qui forment l'une des catégories les plus pauvres de la population. Maintenant que le Sénat peut travailler plus sereinement, il peut revoir les règles !

M. René-Paul Savary. - Sur certains points, je partage l'avis du rapporteur. Mais il ne me choque pas que les MDPH ne travaillent pas toutes exactement de la même manière : c'est le principe de la territorialisation. Elles mettent longtemps à répondre aux demandes, c'est vrai : car le décideur n'est pas le payeur. Les MDHP sont des groupements d'intérêt public (Gip), dont la gestion est complexe. Tout serait plus simple si c'étaient des services départementaux, comme ceux qui s'occupent des personnes âgées dépendantes. Il leur faut réunir des équipes pluridisciplinaires, donc embaucher, et la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ne finance plus leur fonctionnement : la part des départements est de plus de 50 %. Les rattacher aux conseils généraux permettrait au personnel de faire son métier au lieu de s'occuper d'informatique et de ressources humaines.

Le RSA a incontestablement servi d'amortisseur social pendant la crise : sans lui, il y aurait encore plus de pauvres. Mais il n'incite que faiblement au retour à l'emploi. On craignait que des entreprises n'en profitent pour recruter des salariés sur des contrats précaires, mais il n'y a pas eu d'effets pervers.

Mme Isabelle Pasquet. - Si !

M. René-Paul Savary. - Les raisons pour lesquelles certains ayants droit potentiels ne demandent pas le bénéfice du RSA sont multiples : manque de communication, complexité des dossiers, etc.

Le « RSA jeunes », il faut l'avouer, n'est pas une réussite : il n'y a qu'une poignée de bénéficiaires. Ceci étant, ce qu'il faut vraiment souhaité, ce serait de pouvoir proposer aux jeunes un emploi à l'issue de leur formation ! Faut-il généraliser le dispositif ? Je n'en suis pas sûr. Le rapporteur n'a pas parlé des contrats aidés, qui peuvent apporter des réponses intéressantes.

Mme Annie David, présidente. - Ils relèvent de la mission « Travail et emploi » et non de celles-ci.

M. René-Paul Savary. - Entendu. Peut-être faudrait-il offrir aux départements une meilleure compensation de leurs dépenses de RSA, qui se sont accrues pendant la crise. J'envisageais de déposer un amendement transférant 50 millions du FNSA au FNPE pour la prise en charge des mineurs étrangers isolés, qui relève des compétences de l'Etat plutôt que des départements, si je suis encore dans les délais.

Mme Annie David, présidente. - La mission devant être examinée en séance publique lundi prochain, vous avez jusqu'à vendredi 11 heures pour déposer des amendements.

Mme Anne-Marie Escoffier. - Je remercie Aline Archimbaud pour son rapport équilibré. Cette mission budgétaire est essentielle à la cohésion sociale et nationale. La pauvreté gagne du terrain, y compris dans un département rural comme l'Aveyron.

S'agissant du handicap, il est vrai que les MDPH connaissent des difficultés de fonctionnement, dues à leur nécessaire interdisciplinarité, à l'intervention conjointe de personnes de l'Etat, des départements et de contractuels... Il y a aussi un problème de financement. La hausse du montant de l'AAH est une bonne nouvelle. Que les critères d'attribution soient seulement médicaux ne me gêne pas, car en pratique, les MDPH tiennent compte de la situation des demandeurs. Enfin, il peut y avoir un aspect favorable aussi au fait d'effectuer une révision des dossiers tous les deux ans : cela peut permettre d'instruire à nouveau un dossier qui n'aurait pas reçu la bonne réponse et dont le traitement inadéquat aurait perduré pendant cinq ans.

Je me réjouis de la hausse des crédits dédiés à l'économie sociale et solidaire. Le rôle des associations est d'abord de favoriser la socialisation, avant même l'insertion professionnelle : il s'agit d'apprendre à un public fragile à se lever, à manger à des heures régulières, à se laver, pour pouvoir trouver un emploi. Mais les critères d'évaluation retenus par les départements et l'Etat ne sont pas pertinents : ils portent sur les effectifs plutôt que sur la qualité du service fourni, et il n'y a pas de suivi des objectifs fixés. L'argent pourrait être mieux réparti.

Je regrette que le FNPE ne soit pas correctement financé. Les charges des départements s'alourdissent, car la paupérisation touche aussi les enfants. Il faudra nous montrer exigeants avec le Gouvernement.

M. Georges Labazée. - Je n'ai pas entendu parler de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa), qui pèse sur les finances de l'Etat et des départements.

M. René-Paul Savary. - Et comment !

Mme Annie David, présidente. - L'Apa est financée en partie par la CNSA, ce qui relève du PLFSS, en partie par les départements, dont la contribution ne relève pas de cette mission budgétaire.

M. René-Paul Savary. - Mais l'Etat compense les dépenses départementales.

Mme Annie David, présidente. - Vous avez raison via la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Mme Gisèle Printz. - Les fonds alloués à l'égalité hommes-femmes diminuent, comme d'habitude. Il n'y aura bientôt plus d'argent, mais il y aura encore des femmes ! Ce mépris est scandaleux.

Mme Annie David, présidente. - Je partage votre colère.

M. Ronan Kerdraon. - Je partage pleinement les propos de la rapporteure quand elle dénonce le désengagement de l'Etat - je parlerais même de reniement. Les mots « égalité » et « fraternité » ne font-ils plus partie de notre devise républicaine ? A la solidarité, le Gouvernement préfère la stigmatisation et l'amalgame : les pauvres sont des délinquants, les salariés des fraudeurs ou des voleurs... Pour financer l'aide aux plus démunis, il fait les poches de ceux qui sont un peu moins pauvres, sans rien demander aux riches. Les femmes et les jeunes servent de variables d'ajustement.

Sur les conseils généraux, je m'étonne que René-Paul Savary lui-même n'arrive pas à se faire entendre : si le Gouvernement reste sourd à la voix de sa majorité comme il l'est à celle de l'opposition, il est temps d'en changer !

Mme Claire-Lise Campion. - Gisèle Printz a raison de s'inquiéter : quand la baisse des crédits de l'égalité hommes-femmes s'arrêtera-t-elle ? La même question vaut pour les crédits destinés aux familles vulnérables, en baisse de 4 %. Le financement de l'accompagnement des parents recule même de 17 % ! C'est inacceptable et incohérent. Car avant même que la protection de l'enfance entre en jeu, il faut mener une politique de prévention, en s'appuyant sur les « points info famille », les réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents.

Le fonds national de protection de l'enfance a été créé par la loi du 5 mars 2007 pour compenser les nouvelles dépenses des départements, mais jamais il n'a été inscrit dans le code de l'action sociale et des familles, ni financé correctement. La commission des finances a opposé l'article 40 à mon amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais je ne baisserai pas les bras !

M. Michel Vergoz. - Le RSA est un échec : on parlait d'activer les dépenses passives, et on envisage à présent d'imposer aux allocataires sept heures de travail obligatoire dans le secteur non marchand. En réalité, le RSA demeure une mesure de solidarité. Il faut avoir le courage d'envisager une recentralisation car il s'agit d'une compétence régalienne ! Les départements ne sont que trop sollicités : les finances de la Réunion sont exsangues, et les départements métropolitains connaîtront bientôt le même sort.

S'agissant du handicap, il serait choquant que la revalorisation de l'AAH soit financée par l'exclusion de certains handicapés ! Nous serions unanimes à condamner cette monstruosité. Veillons-y, et préparons-nous le cas échéant à tirer la sonnette l'alarme.

M. Jacky Le Menn. - Je voudrais revenir sur les critères d'attribution de l'AAH aux personnes dont le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 % : les MDPH demandaient qu'on fixe des règles. Mais les critères médicaux ne suffisent pas. On ne peut faire abstraction des difficultés de déplacement, donc d'accès à l'emploi, alors qu'un quart ou presque des personnes handicapées est au chômage. Dans certaines régions, les équipements font défaut.

La question du statut des MDPH a été soulevée ici même lors de leur création. Les départements ont beaucoup aidé à leur mise en place. Mais si nous avons choisi d'en faire des Gip, c'est pour éviter que l'Etat ne se désengage.

Mme Annie David, présidente. - Nous avons en effet beaucoup discuté de cette question, en 2005 lors du vote de la loi handicap, puis à nouveau en juillet dernier lors de l'examen de la proposition de loi de Paul Blanc, inspirée du rapport d'information de notre commission. Nous avons confirmé leur statut de Gip, malgré toutes nos réserves, pour garantir leur pluridisciplinarité et la pluralité des sources de financement, et pour apporter au plus vite une réponse aux personnes handicapées.

M. Marc Laménie. - Je ne suis pas d'accord avec certains termes utilisés, par exemple celui de « désengagement », puisque les crédits de cette mission, qui touche à toutes les formes du social, progressent de 3 % pour atteindre 2,7 milliards. Bien sûr, les moyens accordés à certaines actions diminuent, alors que d'autres augmentent. De même, n'invoquons pas une carence de l'Etat, car intenter sans cesse des procès n'est pas notre but.

Je remercie Aline Archimbaud pour avoir évoqué l'aide sociale à l'enfance. A ce propos, je rejoins l'avis de Anne-Marie Escoffier : le problème budgétaire est réel pour les départements qui, depuis les lois de décentralisation, ont assumé des compétences au nom de la proximité, mais ont dû créer des postes d'assistantes sociales par exemple.

Les charges liées au handicap et à la dépendance progressent objectivement, alors que l'on continue à manquer de places en Esat.

Merci, enfin, d'avoir évoqué la loi Paul Blanc, car nous savons combien cet ancien collègue s'est impliqué dans la cause des personnes handicapées.

M. René-Paul Savary. - Je tiens à rappeler que le contrat unique d'insertion de sept heures n'est pas un travail obligatoire mais une action volontaire. En revanche, il est possible de prendre des mesures graduelles envers les allocataires qui n'assument pas les devoirs symétriques de leurs droits.

Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis. - Je ne voudrais pas que Monsieur Barbier déforme mes propos : j'ai condamné non l'augmentation de l'AAH mais la réforme des critères d'attribution, car les responsables nationaux d'associations constatent que le nouveau dispositif met certains adultes handicapés en difficulté, ce que les enquêtes confirment. Vous voulez un suivi ? Faisons-le !

Je n'ai pas méconnu le rôle des critères médicaux, mais l'AAH doit favoriser l'insertion professionnelle des allocataires. Il faut donc prendre en compte non seulement les critères physiques, mais aussi d'autres éléments comme les moyens de transport ou la situation du bassin d'emploi.

Sur les 6,2 millions d'euros inscrits pour l'économie sociale et solidaire, 1,2 million sert à combattre la délinquance, c'est une somme importante, ce que je trouve choquant car cette tâche relève de la Justice ou de l'Intérieur. Je suis favorable à la répression de la délinquance, mais elle doit s'appliquer de manière égale à toute la société. Je soutiens les actions transversales, mais pas l'amalgame entre délinquance et pauvreté : certains délinquants sont très riches, d'autres très pauvres. Je conteste donc la suspicion systématique envers une frange de la population. Incontestablement, les actions d'insertion et la création d'emplois font reculer la délinquance. Les acteurs de l'économie sociale, ceux qui s'efforcent de prévenir la délinquance et ceux qui la répriment, doivent travailler ensemble, mais pas sur les mêmes fonds.

Le « RSA activité » ne bénéficie pas d'une communication suffisante. Ainsi, j'ai eu écho que des salariés d'une entreprise ont appris, presque par hasard, qu'ils avaient droit à cette allocation. Comme vous, je souhaite un bilan.

Je ne sais comment alléger la gestion des MDPH : la transversalité implique inévitablement une complexité.

Je rejoins ce que vous avez dit sur la politique de l'enfance. Localement, nous ne savons parfois plus comment faire face à des enfants en rupture scolaire, exclus plusieurs fois de l'école et au comportement insupportable, car les services d'accueil sont saturés. Ne pouvons-nous demander qu'on abonde les crédits correspondants ?

Ne rejetons pas trop vite la notion d'activation des dépenses passives, car il est plus intéressant d'utiliser le financement public pour aider à la création d'activités. L'économie solidaire est hybride, elle se situe entre assistanat et marché.

Quant au solde prévisionnel du FNSA pour 2012, la commission pourrait demander un droit de regard sur l'emploi de ces 277 millions d'euros. Il faut mettre l'accent sur l'accompagnement des démarches d'insertion et les inscrire dans la durée. En ce domaine, les changements de politique ont des conséquences dévastatrices !

Mme Christiane Kammermann. - C'est vrai !

Mme Annie David, présidente. - Nous pourrions formuler cette suggestion en séance. Pour répondre au souhait de Gilbert Barbier, nous allons procéder, de manière distincte, au vote sur la mission, puis sur les articles rattachés.

Suivant sa rapporteure, la commission donne un avis défavorable aux crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », et un avis favorable à l'adoption des articles 61 et 61 bis rattachés.

Loi de finances pour 2012 - Mission Régimes sociaux et de retraite - Examen du rapport pour avis

La commission procède à l'examen du rapport pour avis de Mme Christiane Demontès, sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Régimes sociaux et de retraite » et les articles 65 et 66 rattachés).

Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis. - La mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe la quasi-totalité des subventions de l'Etat aux régimes de retraite déficitaires. Atteignant 6,6 milliards d'euros en 2012, ses crédits abonderont à 93 % les quatre régimes spéciaux de la SNCF, de la RATP, des marins et des mines.

Les régimes de la SNCF et de la RATP ont été réformés en 2008, avec plusieurs autres régimes spéciaux. La réforme de 2010 leur sera appliquée en 2017, l'objectif étant de les aligner à terme sur celui de la fonction publique d'Etat. Envisagé il y a six ans, l'adossement du régime de la RATP à la Cnav n'a toujours pas été réalisé.

Le régime des marins présente une très forte spécificité tenant à des carrières généralement courtes, mais aussi à l'environnement économique de la navigation de commerce et de la pêche. Concerné ni par la réforme de 2008, ni par celle de 2010, il sera durablement financé à plus de 75 % par une subvention de l'Etat.

Enfin, le régime des mines est voué à l'extinction d'ici quelques dizaines d'années, puisqu'il n'accueille plus de nouveaux cotisants depuis 2010. C'est aussi le cas de huit autres petits régimes financés par la mission, comme celui de la Seita ou d'anciennes compagnies de chemin de fer ou de tramway : seule la solidarité peut financer des pensions déjà liquidées.

Les crédits de cette mission ne comportent guère de marges de manoeuvre, puisque les subventions d'équilibre sont mécaniquement déterminées par la démographie.

La première caractéristique de la mission est incontestablement la progression continue des crédits, qui auront été majorés de plus de 50 % de 2005 à 2012. La hausse de 9,8 % cette année tient pour partie à l'élargissement du périmètre de la mission : à périmètre constant, les dépenses progressent de 5,7 %, soit 340 millions d'euros.

Une ligne budgétaire nouvelle apparaît en 2012. Dotée de 250 millions d'euros, elle est destinée à financer le compte d'affectation spéciale « Pensions », qui couvre les retraites des fonctionnaires et retrace leurs cotisations ainsi que celles des ministères employeurs. Ce compte d'affectation spéciale représente plus de 50 milliards en recettes et en dépenses. La provision de 250 millions, qui aurait pu être positionnée sur la mission « Provisions », s'analyse surtout comme une mesure d'ordre technique destinée à faciliter la gestion du compte d'affectation spéciale. En pratique, les contributions à la charge des ministères employeurs peuvent légèrement différer du montant prévu lors de la construction du budget, d'où des ajustements de trésorerie.

Compte non tenu de cet élargissement de périmètre, les crédits de la mission augmentent également du fait de la suppression progressive de la compensation spécifique entre régimes spéciaux qui était programmée depuis 2003. En 2011, les régimes financés par la mission ont reçu au titre de la surcompensation 260 millions versés par la CNRACL et le régime des fonctionnaires de l'Etat. Cette ressource disparaissant complètement en 2012, les subventions de l'Etat devront la compenser. En outre, le fonds d'assurance vieillesse des chemins de fer secondaires étant passé en 2009 en dessous du seuil d'effectifs lui permettant de bénéficier de la surcompensation, il a remboursé en 2010 les transferts indûment perçus à ce titre et se trouve depuis lors en déficit. Une subvention de 23 millions d'euros est inscrite pour 2012 pour rétablir l'équilibre. Ces deux événements directement liés à la surcompensation contribuent à augmenter les crédits.

Diverses mesures joueront en sens inverse l'an prochain, à commencer par la décision de liquider sans plus attendre le portefeuille d'actifs financiers constitué par le régime de la Seita avec la soulte versée lors de la privatisation de la société. Initialement, ces actifs devaient servir à des versements échelonnés de 2002 à 2026. Ils seront réalisés en une seule fois dès 2012, pour un montant évalué à 103 millions d'euros, ce qui permet de réduire la subvention de l'Etat, un peu comme cela s'est passé pour le fonds de réserve pour les retraites (FRR). La caisse des mines, elle, reprendra, pour quelque 100 millions d'euros l'an prochain, son programme de cessions immobilières, interrompu en 2010. Enfin, grâce au recul de l'âge de la retraite, l'Etat économisera 47 millions d'euros sur sa contribution au congé de fin d'activité des conducteurs routiers entre 2011 et 2017, dont 12 millions en 2012.

Une fois les effets des mesures nouvelles neutralisés, la subvention d'équilibre versée par l'Etat progresse malgré une légère diminution du nombre de retraités, la revalorisation des pensions combinant ses effets avec la diminution des ressources propres.

Le régime de retraite de la SNCF s'aligne progressivement sur les règles de la fonction publique en matière de durée d'assurance, de décote et de surcote, d'indexation des pensions et de cotisation. L'âge de départ sera relevé de deux ans pour se situer, selon les catégories, entre cinquante-deux et cinquante-sept ans au lieu de cinquante à cinquante-cinq ans. Les nouvelles bornes seront effectives en 2024. Selon la caisse de retraite de la SNCF, ces réformes se traduiront par une économie annuelle d'environ 200 millions dès 2011, pour atteindre 400 millions à compter de 2015. Couvrant 62 % des charges du régime, la subvention d'équilibre de l'Etat (3,2 milliards en 2012) commencerait à diminuer en 2017.

Des réformes analogues ont touché le régime de la RATP. Un décret de décembre 2005 prévoit son adossement au régime général, ce qui suppose de distinguer les droits de base identiques à ceux des salariés du privé, et les droits spécifiques couverts par un financement distinct. En cas d'adossement, la Cnav percevrait les cotisations de base des agents de la RATP et financerait les pensions de base, une opération subordonnée au versement par l'Etat d'une soulte comprise entre 500 et 700 millions d'euros. Ce montant semble avoir produit un effet dissuasif : l'opération est actuellement ajournée. Curieusement, le Gouvernement n'a donné aucune précision sur sa volonté de procéder ou non à l'adossement, alors que le décret de 2005 reste en vigueur. En 2012, la subvention de l'Etat au régime de la RATP s'élèvera à 550 millions, soit 55 % des charges du régime. Elle devrait se stabiliser autour de 600 millions d'euros dans les prochaines années.

Le déséquilibre démographique du régime des marins est accentué par la faiblesse des ressources propres, car les cotisations sont calculées sur une assiette forfaitaire. En outre, la part patronale fait l'objet de mesures d'allègement, voire d'une exonération totale pour les navires de commerce subissant la concurrence internationale. Ainsi, les cotisations ne couvrent que 14 % des charges de pensions. Ce régime n'ayant pas été touché par la réforme des retraites, l'âge d'ouverture des droits reste fixé à cinquante ans. La durée moyenne d'activité n'y est que de vingt ans, beaucoup de marins effectuant une seconde carrière. Couvrant plus de 76 % des charges du régime, la subvention de l'Etat s'élèvera à 856 millions en intégrant une dotation de 2 millions destinée à transférer le siège de l'Enim de Paris à La Rochelle. Elle devrait diminuer dans les prochaines années avec la réduction des effectifs.

Enfin, le régime des mines ne compte plus que 6 000 cotisants actifs pour 330 000 pensionnés. La suppression des transferts de compensation augmente d'environ 160 millions la subvention que l'Etat versera en 2012. Elle atteindra près de 1,4 milliard d'euros l'an prochain, couvrant plus de 76 % des charges du régime, mais diminuera régulièrement ensuite, avec le nombre de pensionnés.

Les crédits de cette mission traduisent la solidarité nationale en faveur de régimes en fort déséquilibre démographique. Leur montant n'appelle pas d'observations particulières, mais je déplore encore une fois que le Gouvernement n'ait pas traité le déficit du régime des exploitants agricoles, dont l'origine est également démographique. Sous réserve de cette remarque, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de cette mission, adoptés le 27 octobre par la commission des finances.

Mme Muguette Dini. - Très bon rapport !

M. Gilbert Barbier. - Très consensuel !

Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis. - Les crédits de cette mission technique sont définis d'une manière largement mécanique.

M. Marc Laménie. - J'apprécie beaucoup le travail de notre rapporteure, qui nous a fourni un tableau très lisible. Sans revenir sur son rapport très détaillé, j'observe que la progression des crédits, soit 9,8 %, s'explique par les évolutions démographiques et j'approuve sa remarque sur les retraités agricoles.

Mme Muguette Dini. - La clarté du rapport de Christiane Demontès ne m'étonne pas.

Depuis 2003, on ajuste la réforme des retraites à la SNCF, mais il aurait été possible d'aller plus vite pour que tous cessent de travailler au même âge : il est anormal, inadmissible même, que nos impôts payent des départs à la retraite à cinquante-deux ans, qui ne se justifient plus.

Mme Isabelle Pasquet. - Je suis, moi aussi, contre l'injustice : tous les salariés devraient partir plus tôt !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Les sénateurs aussi !

Mme Isabelle Pasquet. - Pourquoi pas ?

Christiane Demontès a raison, cette mission purement technique se borne à compenser le déséquilibre démographique, mais n'oublions pas que la subvention versée par l'Etat est un juste retour des choses, puisque la réduction des effectifs résulte de ses choix.

Madame Dini, la compensation de charge versée par l'Etat ne concerne que le régime de base. Les cheminots financent leurs spécificités en versant des cotisations plus élevées.

Aujourd'hui, les pensions de retraite des cheminots leur sont versées trimestriellement d'avance. Si ce rythme était mis en cause, la réticence croissante des banques à accorder des facilités de trésorerie pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour cette corporation, à laquelle je suis très attachée.

M. Gilbert Barbier. - Notre rapporteure a-t-elle pu chiffrer la niche sociale des exonérations de cotisations sociales dans le secteur de la pêche et évaluer son efficacité ?

Mme Anne-Marie Escoffier. - Le tableau joint au rapport pour avis m'a beaucoup intéressée, car je ne connaissais pas l'ensemble des petits fonds de retraite mentionnés.

Bien sûr, tous les régimes spéciaux entreront un jour dans le cadre général, mais cela suppose que l'on traite enfin la question essentielle de la pénibilité du travail.

M. Jacky Le Menn. - Pourrions-nous avoir des nouvelles des trois pensionnés résiduels de la caisse de retraite de l'Imprimerie nationale ?

Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis. - Nous pourrions vous confier une mission d'étude à cet effet ! Je vous invite à ne pas rouvrir ici le débat sur les régimes spéciaux, ni même sur la pénibilité, dont nous devrons discuter en tout état de cause, puisque la dernière réforme a plutôt traité de l'invalidité, alors que la pénibilité caractérise les conditions de travail.

Nul n'est indifférent au statut de la SNCF, surtout pas les sénateurs, grands utilisateurs de train et de TGV. Comme fille de cheminot, j'y suis très attachée. Les conditions de travail des conducteurs de train restent difficiles. Il faut en tenir compte et ne pas balayer d'un revers de main l'histoire d'un régime spécial.

Monsieur Laménie, je regrette que le Gouvernement ne se penche pas sur les retraites agricoles, alors que ce sujet lui pend au nez pour des raisons démographiques parfaitement connues. Je ne vois pas comment la solidarité nationale pourrait ne pas être mise à contribution.

Enfin, les exonérations de cotisations sociales représentent 50 millions d'euros pour l'ensemble des branches du régime des marins, les cotisations versées atteignant 150 millions.

Suivant l'avis de sa rapporteure, la commission propose au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 - Examen du rapport en nouvelle lecture

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission examine le rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 en nouvelle lecture dont M. Yves Daudigny est le rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Vais-je vous surprendre ?

Mmes Catherine Génisson et Gisèle Printz . - Non !

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Le projet de loi de financement adopté la nuit dernière à l'Assemblée nationale ne ressemble en rien à celui que le Sénat avait adopté en première lecture.

M. Jacky Le Menn. - Quelle déception !

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Les députés se sont appliqués à détricoter toutes nos mesures, y compris celles défendues par les sénateurs de l'UMP.

Sur les 122 articles qui nous étaient soumis en première lecture, nous en avions adopté 58 conformes, qui correspondent à des mesures essentiellement techniques, supprimé 37, modifié 26 et ajouté 68 si bien que 131 articles restaient en discussion lors de la commission mixte paritaire qui, vous le savez, n'a pas abouti à un accord.

En nouvelle lecture, les députés ont marqué leur manque d'ouverture en rétablissant, purement et simplement, leur propre version. Nos propositions responsables, qui réduisaient le déficit de près de 4 milliards, méritaient mieux qu'une fin de non-recevoir. Je reviendrai en séance sur les critiques caricaturales du Gouvernement : elles sont surtout le signe de sa difficulté à nous répondre de manière argumentée.

A l'Assemblée, le Gouvernement a modifié le texte pour tenir compte des annonces du Premier ministre du 7 novembre, une solution qui lui paraissait totalement impossible une quinzaine de jours plus tôt au Sénat... Sur le fond, l'hypothèse d'une croissance du PIB de 1 % reste trop optimiste à en croire les experts, ainsi que nos partenaires européens qui nous incitent à plus de prudence.

Pour respecter la trajectoire des déficits, le Gouvernement a pris trois séries de mesures : réduction de l'Ondam de 2,8 % à 2,5 % ; accélération d'un an du calendrier de la réforme des retraites ; revalorisation des prestations familiales et de logement limitée à 1 % et décalée au 1er avril. Autant de coups de rabot ponctuels qui ne s'inscrivent dans aucune politique globale et visent encore et toujours les classes moyennes et modestes. Que fera-t-on si cette économie de 1,2 milliard ne suffit pas ? Constatera-t-on un surcroît de déficit ? Comment le financera-t-on ? De plus, n'y avait-il pas d'autre moyen que de s'en prendre à des prestations dont leurs bénéficiaires ont vraiment besoin en ces temps de crise et de chômage ? Je suis persuadé que si.

Les économies prévues pour limiter la progression de l'Ondam consistent en une série de grappillages ponctuels, aussi bien sur le prix des médicaments, les actes de biologie et de radiologie, les dépenses de gestion des caisses que sur l'investissement hospitalier. Auront-ils un impact après 2012 ? Rien n'est moins sûr. C'est d'une réforme de fond dont nous aurions besoin.

Enfin, inutile de tabler sur un retour à l'équilibre de la branche vieillesse du régime général en 2018 tant qu'on n'aura pas corrigé les hypothèses de baisse du chômage et de taux d'emploi des seniors.

Il y a un impératif de responsabilité et une exigence de crédibilité. Nous sommes parfaitement conscients de cette évidence que le Gouvernement a assénée tout au long des débats. Mais la crédibilité n'est pas de son côté. La responsabilité non plus. C'est le Sénat qui a décidé de mettre un terme à l'accumulation sans fin des déficits et aux mesures d'économies mal ciblées ! Pour marquer notre désaccord complet avec l'orientation du Gouvernement, et au nom des valeurs de sécurité et de solidarité qui fondent notre système de sécurité sociale, je propose que la commission adopte une motion tendant à opposer la question préalable.

Pour finir, je remercie, une nouvelle fois, nos rapporteurs - Christiane Demontès et Isabelle Pasquet, Ronan Kerdraon et Jean-Pierre Godefroy -, le rapporteur pour avis, Jean-Pierre Caffet, et, bien sûr, notre présidente, Annie David.

M. Jacky Le Menn. - Avec un Ondam à 2,5 %, comment va-t-on financer les deux millions d'heures supplémentaires dues au personnel médical au titre des RTT ? Cela représente, au bas mot, une enveloppe de 600 à 700 millions d'euros à trouver avant le 1er janvier. Si les hôpitaux doivent se débrouiller seuls, ce sera catastrophique. Et encore, je n'ai pas évoqué le personnel soignant... Comment vont-ils payer quand la fédération hospitalière de France évaluait à 3,4 % la progression minimale de l'Ondam ? Comment faire rentrer tout cela dans la toute petite enveloppe attribuée à l'hôpital ?

Mme Catherine Génisson. - Plus largement, se pose un problème de reconnaissance des personnels soignants, qu'il s'agisse des RTT, de la rémunération ou encore des repos compensateurs désormais obligatoires pour les anesthésistes, les obstétriciens et les chirurgiens, lesquels seraient une bonne chose, si ils pouvaient les prendre ! Ce qui pose problème, soit dit en passant, pour la sécurité des soins prodigués à l'hôpital. D'après une enquête publiée dans Le Monde auprès d'un syndicat d'anesthésistes, la moitié des médecins déconseille aux jeunes de s'engager dans leur métier, pourtant si beau. Bref, c'est la spirale infernale : des médecins toujours moins nombreux et en mal de reconnaissance qui, avec l'exigence de rentabilité, perdent le sens profondément humaniste de leur engagement. Sans tomber dans le catastrophisme, disons clairement que l'hôpital public traverse une grave crise morale. Les médecins passent désormais un temps fou à coter les actes ; c'est autant de présence en moins auprès des patients. Si nous voulons un avenir pour l'hôpital public, nous devrions travailler sur ces questions, qui dépassent largement les clivages politiques, ce dont témoignait le rapport de Gérard Larcher.

Mme Muguette Dini. - Je m'étonne que certains découvrent aujourd'hui ces deux millions d'heures à payer...

M. Jacky Le Menn. - Ce n'est pas une découverte !

Mme Muguette Dini. - Il n'est pas dans mes habitudes de critiquer les gouvernements passés, cependant, appliquer les trente-cinq heures à l'hôpital était totalement inconscient de votre part, pour ne pas dire irresponsable en l'absence d'un personnel formé pour assurer les remplacements. Le commentaire vaut pour les lieux qui accueillent en permanence des personnes âgées, handicapées ou des enfants : ceux-ci ne s'arrêtent pas de vivre au-delà de trente-cinq heures !

Tout citoyen responsable partage les inquiétudes de Mme Génisson : ce n'est pas la qualité du personnel qui est en cause, mais une espèce de système qui disjoncte dans lequel on demande aux médecins de passer un temps incroyable à remplir des dossiers et des papiers. Je ne détiens pas la solution ; mais, franchement, ce système débilitant et démoralisant m'inquiète.

Mme Catherine Génisson. - Tout, dans la T2A, n'est pas à jeter aux orties. Pour autant, elle mériterait des aménagements profonds : l'évaluation qualitative du travail est intéressante, mais coter correctement les actes prend un temps infini. Sans être spécialiste, je m'imagine que des modèles mathématiques ou l'apport de la statistique résoudraient bien des difficultés. Quant aux trente-cinq heures, sans reprendre le débat, nous ne vous contredirons pas totalement...

M. Jacky Le Menn. - Vous n'avez pas tout faux !

Mme Catherine Génisson. - La situation est parfois catastrophique : certains personnels paramédicaux ont effectué l'équivalent de six mois d'heures supplémentaires. Le seul moyen d'en tenir compte sera d'avancer leur départ à la retraite. Travaillons sur ces problèmes...

M. Jacky Le Menn. - ...au sein de la Mecss.

Mme Annie David, présidente. - J'allais faire la même proposition. Le rapporteur général réunira précisément la Mecss dès que nous en aurons terminé avec le PLFSS, afin d'élaborer son futur programme de travail qui ne saurait ignorer l'hôpital.

M. Jacky Le Menn. - Un chantier intéressant.

M. Claude Jeannerot. - Le Gouvernement refuse d'abandonner la défiscalisation des heures supplémentaires, une mesure profondément injuste et totalement improductive. Dans le même temps, il limite la revalorisation des prestations familiales à 1 %. C'est une contradiction affligeante qu'il faut dénoncer avec force.

Mme Anne-Marie Escoffier. - Madame Génisson, tout le problème vient de ce que la loi HPST a mis en exergue l'administratif contre le médical. Surtout, elle a gommé l'humain. Nous en rediscuterons au sein de la commission.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Effectivement, la loi HPST n'a pas apporté les réponses attendues. Pour autant, la tarification à l'activité reste peut-être la question centrale, comme le montre le temps passé à coter les actes, mais aussi l'absurdité du système consistant à rechercher le plus grand nombre d'actes, ce qui entraîne une diminution du coût par acte, l'enveloppe financière disponible étant fermée. La T2A est-elle la réponse aux problèmes des hôpitaux ? Le débat mérite d'être ouvert. Nous pourrons aussi nous interroger sur le sujet tabou des limites d'intervention des différents métiers du monde médical... Autant de questions à nous poser sur le service public à l'hôpital, et non sur l'hôpital public qui n'a plus d'existence juridique...

Mme Catherine Génisson. - Je vous signale que la Mecss de l'Assemblée a récemment travaillé sur la tarification à l'activité.

QUESTION PRÉALABLE

Mme Annie David, présidente. - Je propose à la commission de voter cette motion, que je défendrai en séance, pour toutes les raisons de fond exposées dans ses considérants. Je n'oublie pas les raisons de forme : souvenez-vous, le Gouvernement avait refusé de rectifier le texte par voie d'amendements au Sénat ; il fallait absolument un collectif pour des raisons constitutionnelles, ce n'est désormais plus indispensable... Le Gouvernement a le droit de changer d'avis, mais il doit le même respect aux sénateurs qu'aux députés.

La motion n° 1 tendant à opposer la question préalable est adoptée.

Jeudi 24 novembre 2011

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Loi de finances pour 2012 - Mission Santé - Examen du rapport pour avis

La commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Dominique Watrin sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Santé »).

M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis. - Je demande l'indulgence de la commission pour ce premier rapport sur la mission « Santé » auquel j'ai dû me consacrer dans un contexte de calendrier particulièrement chargé.

La situation est singulière car ce budget enregistre une hausse de 150,5 millions par rapport à la programmation pluriannuelle votée en 2010. En particulier, les crédits de l'action « Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain » progressent de 1 101,7 %, ce qui correspond essentiellement à la réintégration du budget de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), pour 135 millions, dans le budget de l'État.

Par cette décision, qui fait suite à la crise du Mediator, le Gouvernement reconnaît le caractère régalien de la police sanitaire, sans pour autant rétablir la dotation de 10 millions qu'il attribuait précédemment à cette agence. Les taxes sur les laboratoires qui finançaient l'Afssaps sont réaffectées selon des modalités particulièrement complexes dans lesquelles l'assurance maladie est curieusement impliquée, nous en avons parlé au cours de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Néanmoins, je trouve un mérite à cette opération, celui de mettre en lumière l'effort public pour la sécurité sanitaire : l'augmentation des taxes et redevances payées par les industries pharmaceutiques de 40 millions est légitime mais elle ne doit pas exonérer l'État d'apporter une dotation complémentaire à l'établissement.

Grâce à la reprise en main de la sécurité sanitaire, nous en saurons également davantage, j'espère, sur l'activité, assez floue, du centre national de gestion des essais de produits de santé. L'activité de ce groupement d'intérêt public constitué avec les industries du médicament en 2007, et prorogé jusqu'en 2015, a fait l'objet de nombreuses critiques. La direction générale de la santé fait bien de vouloir redéfinir ses missions.

Figure aussi désormais dans le budget de l'Etat la dotation de 3,5 millions consacrée aux comités de protection des personnes dont la mission est de s'assurer de la conformité des protocoles de recherche à l'éthique. A ce propos, nous attendons toujours la tenue de la CMP sur la proposition de loi relative aux recherches sur la personne.

Enfin, 2,1 millions de crédits nouveaux sont consacrés à la recentralisation des compétences sanitaires en matière de vaccinations obligatoires ou recommandées, auxquelles certains départements renoncent pour des raisons essentiellement administratives. Cette circonstance me donne l'occasion de rappeler que la vaccination est un instrument essentiel de la prévention sur lequel, malheureusement, les tentatives de vaccination de masse lancées par le ministère contre l'hépatite B ou la grippe H1N1 ont contribué à jeter le doute. Résultat, on constate la résurgence de pathologies considérées comme résiduelles : la rougeole se développe plus en France qu'ailleurs en Europe. Revenons à une politique de vaccination claire et durable.

Il n'est pas inutile de souligner que le budget de la mission représente seulement 0,86 % de celui de la branche maladie du régime général de la sécurité sociale. En pratique, l'essentiel des mesures de santé publique relève donc de l'assurance maladie. Pourtant, c'est l'État, et lui seul, qui détient le pouvoir de déterminer les orientations de santé publique ; en période de crise, c'est vers lui que se tournent les citoyens. Or, son rôle consiste en fait essentiellement à faire fonctionner les agences sanitaires : leurs dotations absorbent près de 75 % des dépenses du programme 204. Leur multiplication, entre 1998 et 2004, est intervenue après l'affaire du sang contaminé qui a contribué à la remise en cause des compétences de la direction générale de la santé. Malgré des tentatives de rationalisation et de regroupements de ces multiples agences, la réalité du pouvoir est passée de leur côté. J'en profite pour saluer leurs personnels pour les missions de service public essentielles qu'ils assurent dans des conditions budgétaires restreintes. Plus souples et réactives que l'administration centrale, les agences ont, de plus, le droit de recruter des personnels qui n'ont pas le statut de fonctionnaires et de mobiliser des financements divers, provenant de l'assurance maladie ou de l'Union européenne. Fait significatif, les ARS, créées par la loi HPST pour reprendre l'initiative au niveau régional, ont le statut d'agence et s'assimilent à un contre-pouvoir avec lequel le directeur général de la santé devra trouver un accord.

Dans ce contexte particulier, l'outil d'intervention privilégié du ministre de la santé est « le plan de santé publique ». Sur la trentaine que gère la direction générale de la santé, certains sont efficaces, tel le plan cancer. Mais la Cour des comptes, dans un rapport récent, dresse un constat sévère de l'ensemble des plans. « Trop nombreux, mal articulés et mal suivis », ils répondent davantage « à une logique médiatique, à la recherche d'effets d'annonce, qu'à une volonté de stratégie durable » et entretiennent « l'illusion sur la capacité de l'Etat à assurer la meilleure des protections à la population face à tous les risques de santé ».

En l'absence d'évaluation, certaines décisions semblent purement idéologiques. Malgré mes questions, je n'ai pu obtenir de réponse sur l'impact de la disparition programmée de la gynécologie médicale sur la santé des femmes. Selon le ministère, les compétences données aux sages-femmes et les garanties financières accordées aux gynécologues obstétriciens suffiront, un parti pris dont on peut légitimement douter.

L'action de l'Etat me paraît particulièrement critiquable dans deux domaines, et d'abord celui de la prise en charge de la santé des plus démunis. Malgré l'opposition tous groupes confondus du Sénat, l'aide médicale de l'État (AME) a été réformée en loi de finances l'an dernier. Il se trouve que, dans son avis du 5 juillet 2011, le conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale - présidé par le député Etienne Pinte - a dénoncé la méthode suivie alors : les parlementaires étaient insuffisamment informés pour prendre des décisions éclairées en raison de la non-transmission d'un rapport de l'Igas sur cette question. Comme le CNLE, je demande la levée immédiate des restrictions à l'AME, que le Parlement ne peut malheureusement pas décider lui-même à cause du carcan de l'article 40 de la Constitution. Médecins du Monde dresse un constat accablant : en Seine-Saint-Denis, la prévalence de la tuberculose est de 30 % parmi les bénéficiaires de l'AME que cette organisation est amenée à soigner, contre 0,8 % dans la population générale. Le traitement de cette affection dure six mois : l'interrompre entraîne la multi-résistance aux thérapies et favorise la contagion. Comment peut-on opposer à cet impératif de santé publique un objectif de maîtrise des dépenses ?

Second sujet de préoccupation ensuite, l'inéquité du système. Le système curatif français est sans doute l'un des meilleurs au monde, mais les inégalités sont sensibles entre hommes et femmes, entre catégories sociales et, surtout, entre territoires. La technicisation des soins ainsi que la désertification médicale conduisent à une métropolisation des soins, qui laisse de côté les populations les plus fragiles, souvent cantonnées à la périphérie des villes ou des départements. Les campagnes de prévention de l'État sont brouillées par le message des lobbies de l'alcool et de l'agro-alimentaire. D'autant que les moyens, la directrice de l'Inpes l'a souligné en audition, sont disproportionnés : 3 millions d'euros pour une campagne de l'institut contre l'alcool, contre un budget annuel de 1,5 milliard pour les industries de l'agro-alimentaire. L'idée que les comportements de chacun sont les vrais déterminants de sa santé est fausse : depuis vingt ans, toutes les études le montrent.

Dès lors, le manque de médecins est porteur de régression sociale. Les docteurs, qui se déplaçaient au domicile des malades, diffusaient une culture de la santé publique dans les territoires sous-dotés ; avec leur disparition, le recours aux magiciens et charlatans se développe. La résurgence de ces pratiques préscientifiques doit nous pousser à revaloriser, enfin, la médecine du travail et la médecine scolaire, une réforme toujours repoussée. A ce sujet, l'Assemblée nationale vient de consacrer un rapport à la médecine scolaire.

Parce que ce budget n'apporte pas les correctifs nécessaires, je vous invite à lui donner un avis défavorable.

Avant d'en venir aux articles rattachés, je m'arrêterai un instant sur un sujet qui me tient à coeur : les victimes de l'amiante. Sans me prononcer sur le fond, je souhaite que le ministre demande l'arrêt des procédures juridiques engagées par le Fiva et l'abandon du recouvrement des créances demandées aux victimes de l'amiante précédemment indemnisées.

Trois articles sont rattachés à cette mission.

L'article 60 correspond, à peu de choses près, à la disposition sur la responsabilité civile des professionnels de santé que le Conseil constitutionnel avait censurée dans la proposition de loi Fourcade. Ce régime de responsabilité est très attendu, notamment par les spécialités médicales « à risque », les assureurs refusant de couvrir le risque exceptionnel. Sous réserve d'un amendement qui ne concerne pas le fond, je propose de donner un avis favorable à cet article.

L'article 60 bis crée une taxe affectée à la HAS pour financer sa nouvelle mission d'évaluation des dispositifs médicaux. Après l'affaire du Mediator, ce mécanisme est à proscrire : mieux vaut que l'État collecte la taxe et verse une dotation à la HAS. Je n'y suis donc pas favorable.

L'article 60 ter, enfin, prévoit un rapport sur la création d'un fonds de prévention et d'indemnisation des méfaits du tabac financé par une taxe de 10 % sur le chiffre d'affaires de l'industrie. Cette idée, du député Yves Bur, que certains auraient sans doute trouvé excessive si elle émanait de la majorité sénatoriale, a reçu l'approbation du Gouvernement. En attendant une vraie politique de lutte contre le tabac, je vous propose de faire de même.

Mme Patricia Schillinger. - Merci de cet excellent rapport d'autant que l'exercice n'est pas facile tant cette mission est un fourre-tout. A y regarder de près, ce budget est stable : l'augmentation résulte seulement de la réinscription d'un budget pour l'Afssaps. La progression des crédits du programme « Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires » profitera à l'Eprus. Je m'étonne de la réduction de 4 % des crédits du programme « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » ; la prévention, en cette matière, est source d'économie. L'institut de veille sanitaire fera les frais de la diminution de 2,6 % des crédits du programme « Pilotage de la politique de santé publique ». Quant aux ARS, elles voient leurs moyens réduits de 3,6 %, sans parler des 163 suppressions de postes. C'est énorme.

Face à la progression des inégalités de santé en France, plus forte qu'ailleurs, la prévention devrait être la priorité. Toutefois, la Cour des comptes l'a bien noté, nous ne pouvons pas, à l'heure actuelle, avoir une vision globale des moyens qui lui sont consacrés.

M. René-Paul Savary. - Le rapport est de qualité, mais parfois un peu partisan. Je ne nie pas que les difficultés soient réelles. Reste à savoir quelles réponses y apporter dans un contexte difficile... Je m'amuse de votre allusion aux charlatans et aux magiciens car leur intervention n'est pas remboursée par la sécurité sociale. Malgré cela, les gens trouvent de l'argent pour les consulter... Ce problème sociétal mérite réflexion.

Mme Isabelle Pasquet. - La hausse des crédits de ce budget n'est pas négligeable à première vue : 5 % ; en réalité, elle correspond à la réaffectation du budget de l'Afssaps. Je me réjouis que l'agence ne soit plus financée directement par les laboratoires tout en restant vigilante sur le montant des crédits, et leur pérennité.

S'agissant des ARS, nous n'avons pas de réelle visibilité sur l'utilisation des crédits si bien que l'on ne mesure pas les disparités régionales. Oui pour donner des marges de manoeuvre aux agences, à condition de ne pas faire disparaître la politique de prévention nationale. Celle-ci est, plus que jamais, nécessaire à l'heure où la recrudescence des maladies liées à la pauvreté place la France, pour reprendre l'expression de Médecins du Monde, au seuil d'un « crash sanitaire ». Dans les Bouches-du-Rhône, les difficultés du grand conseil de la mutualité, qui gère des centres mutualisés, pourrait encore aggraver la situation.

Depuis la fermeture des maternités, de nombreuses sages-femmes sont au chômage. Les hôpitaux préfèrent embaucher des jeunes, pour des questions de coût, tandis que l'exercice libéral de cette profession est peu reconnu : une rémunération peu élevée, beaucoup de kilomètres.

L'ordre des infirmiers, voulu par le Gouvernement, ne donne rien concrètement ; nous devrons également en reparler.

M. Jacky Le Menn. - Le constat que pose le rapport, M. Savary, n'est pas partisan, mais lucide. Nous pouvons faire abstraction des positions et de l'idéologie pour reconnaître qu'il est celui d'un parlementaire en contact avec les populations.

En matière de santé publique, l'État fait figure de nain à côté de l'assurance maladie. Nous l'avons bien senti lors des auditions sur le scandale du Mediator : les ministres n'étaient pas au courant, ils ne savaient pas, on ne leur avait rien dit... C'est pourtant au ministre que la population demande des comptes !

Les orientations de santé publique recouvrent une trentaine de plans. Qui en bénéficie ? Pour quel montant ? En l'absence d'évaluation, il est impossible de mesurer leur efficacité. Tout se passe comme si l'État voyait la santé sous un angle seulement curatif. En bon malouin, je dirai : y a-t-il un pilote dans le bateau ?

M. Jean-Louis Lorrain. - Je rends, moi aussi, hommage au rapporteur qui a repris certains des thèmes favoris de votre groupe politique : la gynécologie médicale, l'amiante... Les ARS, des contre-pouvoirs ? Elles travaillent, au contraire, en lien avec le ministre et la CNSA.

La méthodologie est toujours critiquable. Néanmoins, les plans, comme celui sur la maladie d'Alzheimer, donnent de bons résultats à telle enseigne que les associations de malades ne cessent d'en demander pour combattre telle ou telle maladie. D'où, peut-être, l'empilement. S'agissant du plan de santé mentale, plutôt que de participer à une grand-messe stérile, il faut s'en tenir au travail de fond.

Dans cette maison, il n'est pas d'usage de tendre des verges pour se faire fouetter. Mais chacun a droit de dire sa spécificité... Michel Foucault a développé la notion de biopouvoir. Avec les taxes comportementales, nous sommes en plein dedans. Ce n'est pas à l'État de mesurer notre cholestérol toutes les cinq minutes et de nous dire ce qu'il faut faire !

La santé est une question transpartisane. Vous acceptez l'article 60 relatif à la responsabilité civile, indispensable pour les médecins et les malades. Concernant le tabac, je prendrai mes distances par rapport à la proposition de mon voisin du Bas-Rhin, Yves Bur.

Mme Catherine Deroche. - Avec un budget en hausse, j'espérais un avis favorable de notre rapporteur. Je suis un peu déçue : pour vous, les hausses sont toujours apparentes, et les baisses bien réelles.

Pour ce qui concerne le doute jeté sur la vaccination, j'observe que l'activité du ministère n'est pas la seule en cause, loin s'en faut. Les médias ont nettement politisé le débat durant la grippe H1N1. Conséquence, on note un démarrage très lent de la vaccination antigrippale cette année.

Le recours aux médecines parallèles ne se limite pas forcément aux zones sous-dotées et aux personnes qui en ont les moyens. Leur coût est parfois extravagant.

J'avais cru comprendre que vous étiez pour le transfert des compétences médicales aux sages-femmes. Je ne comprends pas que vous le regrettiez dans ce rapport.

S'agissant de la responsabilité civile des professionnels de santé, le problème est aussi celui de la couverture du risque après la cessation d'activité. Souvent, cette période ne dure que dix ans, ce qui laisse les médecins démunis, au préjudice des patients.

Les plans sont peut-être trop nombreux, mais utiles et appréciés par les malades et leurs associations.

Pour toutes ces raisons, je ne suivrai pas l'avis négatif du rapporteur.

Mme Michelle Meunier. - Je souscris au rapport en ajoutant que les inégalités de santé sont aussi fonction de l'âge. En Loire-Atlantique, les services de médecine préventive universitaires observent le retour du scorbut, très liée à la pauvreté comme la tuberculose, preuve de la mauvaise alimentation des étudiants. Les personnes âgées arrivent parfois brutalement aux urgences à cause de pathologies non soignées par manque de prévention. Comme Jacky Le Menn, j'en appelle donc à une vraie politique de prévention et de réduction des risques.

M. Claude Jeannerot. - Moi aussi ! Malgré la Lolf, les budgets restent trop cloisonnés. Un budget pour la prévention des maladies chroniques réduit à 66 millions, cela paraît dérisoire au vu du poids du diabète et des maladies cardiologiques sur les dépenses de l'assurance maladie. Une véritable politique de prévention s'impose.

Comment expliquer l'augmentation de 28 % des crédits du programme « Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires » ?

Pour finir, une suggestion, celle de créer une commission d'enquête sur la vaccination pour repérer les blocages et être force de proposition.

Mme Annie David, présidente. - Nous ferons précisément le point des différents travaux de contrôle à engager lors de la prochaine réunion du Bureau. On pourrait ainsi envisager de saisir la Cour des comptes d'une demande d'enquête. Je vous signale, par ailleurs, que notre ancien collègue Paul Blanc avait rendu un rapport sur la politique vaccinale en 2007, au nom de l'Opeps.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Je me souviens de cette soirée, dans l'hémicycle, où Mme Bachelot-Narquin nous avait tous convaincus de nous vacciner contre la grippe H1N1. Je m'étais alors interrogé sur l'effet que cette campagne de vaccination pourrait avoir sur l'opinion publique et son éventuel rejet de l'ensemble des vaccinations. Doit-on penser que bientôt, on remettra en cause Pasteur ?

Les propos de M. Lorrain sur les taxes comportementales ne me choquent pas. L'inscription « Fumer tue » sur les paquets de cigarette, en gros, en noir, n'a pas dégoûté du tabac ni eu d'effet sur la consommation me semble-t-il. Face aux lobbies, que ce soit ceux du tabac ou de l'alimentaire, nous ne faisons pas le poids. Plutôt qu'une taxe sur les produits nocifs qui finance la sécurité sociale, mieux vaut une réduction des comportements à risques. Les maladies du tabac coûtent cher !

La prévention ne semble pas faire partie de la culture française. L'espérance de vie en bonne santé est plus longue en Grande-Bretagne. Serait-ce à cause du thé ? Nous avons là un combat à mener.

M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis. - Certains ont trouvé mon rapport sévère. Pour le mettre au point, je me suis appuyé sur les travaux de la Cour des comptes.

Le recours aux magiciens et charlatans ? C'est le professeur Vigneron, auteur d'un livre sur les inégalités territoriales de santé, qui attiré mon attention sur ce point. La réponse se trouve dans le développement d'une politique de santé publique : on ne va pas voir un charlatan quand on trouve un médecin de proximité.

Je prendrai un exemple positif pour illustrer la nécessité d'une politique de prévention. L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), issue de la fusion opérée entre l'Afssa et l'Afsset, a pour mission d'éclairer les décideurs ; ce n'est pas rien en matière de santé publique ! Cette instance scientifique mène un travail remarquable sur les risques des expositions à long terme à différents produits. De fait, on oublie souvent qu'une même personne peut être exposée à différents risques qui se cumulent. L'agence conduit ainsi des programmes de recherche sur les pesticides et leur conséquences sur les agriculteurs aussi bien que sur les consommateurs ; des travaux sont achevés ou en cours sur les nanoparticules dans les crèmes solaires, les fibres courtes, sur le Bisphénol A, sur les perturbateurs endocriniens, sur les moisissures, sur la qualité de l'air intérieur ou encore sur les radiofréquences en s'appuyant sur des données collectées au niveau international. La gouvernance de l'Anses, aussi, est intéressante car elle associe consommateurs et organisations syndicales. Son directeur m'a invité à la visiter ; d'autres membres de la commission pourraient m'accompagner... Malgré ce travail formidable, on opère des économies et on réduit les effectifs.

Madame Pasquet, il y a effectivement nécessité d'une stratégie nationale. Le fonds d'intervention régional, destiné aux actions de prévention conduites par les agences régionales de la santé, comporte un mécanisme de péréquation. Je ne suis pas certain qu'il prenne bien en compte les spécificités locales, du moins au vu des crédits alloués à la région Nord-Pas-de-Calais.

Le métier de sage-femme n'est ni facile, ni rémunérateur. Nous devons être vigilants sur l'accueil en maternité. La solution, pour elles, réside dans l'amélioration de la prise en charge globale des femmes. Une étude à ce sujet est en cours au ministère.

Madame Deroche, je ne regrette pas la montée en puissance des compétences attribuées aux sages-femmes, mais je n'y vois pas une raison pour supprimer la gynécologie médicale.

Monsieur Le Menn, merci d'avoir largement approuvé mon propos. Les indicateurs de performance utilisée pour les actions de prévention ne sont pas des modèles du genre. L'important est d'avoir une vision stratégique pour hiérarchiser les actions et, donc, les rendre efficaces.

Monsieur Lorrain, oui, le plan Alzheimer a donné des résultats, de même que le plan de prévention bucco-dentaire. Je demande simplement de la cohérence pour tenir compte, par exemple, des expositions multiples.

Madame Deroche, la hausse des crédits de cette mission est due exclusivement à une budgétisation de taxes affectées. Les moyens disponibles n'augmentent donc pas.

Notre présidente l'a dit, nous devons effectivement faire le point sur la politique de vaccination. Il faut tenir compte du développement d'une certaine forme d'irrationnel, alimentée par les médias. Nous devons lancer des messages officiels plus clairs, plus directifs, plus hiérarchisés. Les analyses de la Cour des comptes pourraient être intéressantes.

Madame Meunier, trop de personnes âgées sont hospitalisées à la suite d'une chute, qui mettent en cause leur pronostic vital. Mettre en place des actions de prévention serait vraiment payant. J'avais d'ailleurs posé une question à la ministre Marie-Anne Montchamp sur les foyers médico-sociaux lors de son audition par notre commission ; j'attends toujours sa réponse.

Monsieur Jeannerot, le cloisonnement des politiques de prévention est effectivement excessif. La baisse des crédits de l'État est compensée par l'assurance maladie ; c'est peut-être donc là un problème de transfert et de pilotage.

La hausse des crédits d'alerte s'explique par la restructuration de l'Eprus. Elle financera le renouvellement des stocks de vaccins.

Monsieur Daudigny, il faut mener le combat de la prévention et s'attaquer aux lobbies, j'en suis d'accord. C'est moins le thé que la densité du maillage territorial des soins de premier recours qui explique le succès anglais. J'ajoute que la préoccupation sanitaire doit imprégner toutes les politiques, les trois quarts des facteurs de risque étant liés, non aux comportements individuels, mais à l'environnement au sens large - l'environnement socio-économique, culturel et écologique.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 60

M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis. - Au lieu d'attendre cinq ans pour évaluer le dispositif sur la responsabilité civile médicale, je vous propose que son bilan soit établi au bout de deux ans, et non de cinq qui me paraît un délai excessif.

M. René-Paul Savary. - Je crois à l'inverse que deux ans d'application ne suffisent pas à donner le recul nécessaire pour établir un vrai bilan ; en revanche, cela peut suffire pour un constat d'étape.

M. Jacky Le Menn. - Effectivement, en deux ans, le volume des sinistres peut ne pas être significatif.

Mme Annie David, présidente. - Un bilan d'étape suffit-il ?

M. Jean-Louis Lorrain. - L'évaluation, en réalité, doit être permanente : il faut analyser les réticences, les résistances, les difficultés qui accompagnent la mise en oeuvre de la réforme. Les difficultés peuvent aussi provenir de décrets d'application qui ne viennent pas. Je souhaite une formule intermédiaire.

Mme Michelle Meunier. - Comme dans l'action sociale, l'important est de reprendre très vite le sujet. Que pensez-vous de trois ans ?

M. René-Paul Savary. - Un rapport d'étape permet de voir si nous allons dans la bonne direction.

Mme Annie David, présidente. - Nous pourrions rectifier cet amendement pour qu'un rapport d'étape soit remis dans les trois ans, puis d'une évaluation réalisée deux ans plus tard.

L'amendement rectifié à l'article 60 est adopté.

Article 60 bis

M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis. - Le mécanisme de taxes affectées à la HAS peut être soupçonné d'établir des liens de dépendance entre les organismes récipiendaires et l'industrie taxée. Je vous propose d'appliquer aux dispositifs médicaux un régime analogue à celui introduit pour les médicaments.

Mme Patricia Schillinger. - La commission des finances du Sénat dépose un amendement de suppression de cet article 60 bis. Par cohérence, nous nous abstiendrons.

Mme Annie David, présidente. - Notre commission avait voté cette disposition dans le PLFSS.

M. René-Paul Savary. - Cet amendement revient à se donner bonne conscience, puisque la taxe versée à l'État est ensuite reversée à la HAS.

Mme Annie David, présidente. - L'amendement améliore la transparence...

M. René-Paul Savary. - Non !

Mme Annie David, présidente. - ... et traduit l'implication de l'État dans la politique de prévention.

M. René-Paul Savary. - C'est une façon de voir les choses...

M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis. - J'ai repris une proposition de la mission commune d'information sur le Mediator mais elle ne paraît pas recueillir l'assentiment de la majorité de la commission. Pourtant, les dispositifs médicaux nous ont été présentés comme « le prochain Mediator ».

La cohérence commanderait d'adopter un dispositif conforme à l'esprit de la loi sur les médicaments, mais puisque la commission n'adhère plus à cette suggestion, je m'incline et je retire cet amendement.

Suivant son rapporteur, la commission donne un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».