Mercredi 30 novembre 2011

- Présidence de M. Daniel Raoul, président -

Audition de M. Jean-Ludovic Silicani, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à l'audition de M. Jean-Ludovic Silicani, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

M. Daniel Raoul, président. - Je suis heureux de recevoir, pour la première fois, le président de l'ARCEP. Notre commission compte nombre de spécialistes de ces sujets, et les interrogations sont nombreuses, sur l'arrivée de la 4G, la couverture du territoire, ou encore la fracture numérique. Sur ce dernier point, la proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey a été votée à l'unanimité en commission, et sera, je l'espère, bientôt examinée par le Sénat. C'est avec intérêt que j'ai lu, la nuit dernière, le rapport de l'ARCEP sur les durées d'amortissement des actifs de la boucle locale cuivre.

M. Jean-Ludovic Silicani, président de l'ARCEP. - Le Parlement est le seul organe de l'État, en dehors du juge, en cas de contentieux, à contrôler les autorités administratives indépendantes. Il est donc normal que nous vous rendions compte régulièrement de nos travaux et répondions à vos questions. J'ai fréquemment été entendu par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, mais jamais par la commission des affaires économiques du Sénat, depuis ma nomination.

M. Daniel Raoul, président. - Tout change au Sénat !

M. Jean-Ludovic Silicani. - Nous nous apprêtons à fêter les quinze ans de l'autorité de régulation, et je vous invite tous aux voeux de l'ARCEP, le 18 janvier à la Sorbonne. Le concept d'économie régulée est aujourd'hui assez consensuel, sans doute parce qu'il constitue le juste point d'équilibre entre l'économie administrée et l'économie dérégulée. L'ARCEP veille à assurer une concurrence suffisante pour bénéficier au consommateur : les prix des services de communications électroniques ont baissé de 20 % en 15 ans, quand l'indice général des prix augmentait de 20 %, ce qui représente une baisse réelle d'un tiers ; les tarifs français de l'offre triple play sont parmi les plus bas au monde, à 33 euros environ, contre 100 dollars, par exemple, aux États-Unis. Mais, au-delà de la concurrence, l'ARCEP poursuit d'autres objectifs d'intérêt général : l'innovation, l'investissement et l'aménagement du territoire.

L'Autorité a toujours cherché à être exemplaire, et est considérée comme une référence par la Commission européenne, dont elle a inspiré nombre de projets. Elle joue un rôle actif au sein de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece). Son impartialité et son indépendance son reconnues, et je remercie le Sénat d'avoir oeuvré afin d'éviter la création d'un commissaire du gouvernement auprès de l'ARCEP.

M. Michel Teston. - Un travail collectif...

M. Daniel Raoul, président. - ... et consensuel.

M. Jean-Ludovic Silicani. - L'ARCEP est très vigilante en matière de gestion. Ses dépenses hors personnel ont baissé de 20 % en cinq ans, ses effectifs sont stables : 174 personnes depuis cinq ans, collège compris, malgré un accroissement continu de nos missions à la suite de la transposition du nouveau « paquet télécom » et de la loi postale de 2011. Mais nous ne demandons pas d'augmentation de nos effectifs : nous préférons la qualité à la quantité, et n'avons aucun mal à attirer les talents.

J'en viens aux grands chantiers sur lesquels travaille l'ARCEP.

Premier sujet, les services mobiles. On lit souvent que le marché mobile serait saturé. C'est faux : le nombre de clients s'élève à 67 millions, et le taux d'équipement, qui dépasse 103 %, peut encore considérablement augmenter. Cela représente un chiffre d'affaires de 20 milliards d'euros. La croissance des volumes est continue depuis huit ans, compensée, pour partie, par la baisse des prix, de 3 % par an depuis 2006, et qui va s'accélérer avec l'entrée en lice d'un nouvel opérateur mobile, Free. L'augmentation des abonnements s'accompagne de celle de la consommation de données, qui nécessite des débits croissants. D'où l'importance stratégique du dividende numérique et de l'attribution des licences de quatrième génération, qui vient d'avoir lieu pour la bande des 2,6 GHz et interviendra en début d'année prochaine pour celles de la bande des 800 MHz.

À mon arrivée à l'ARCEP, à l'été 2009, j'ai constaté que les opérateurs n'avaient pas rempli leurs obligations en matière de déploiement du réseau 3G.

M. Daniel Raoul, président. - C'est un euphémisme !

M. Jean-Ludovic Silicani. - Dès l'automne 2009, nous avons mis Orange et SFR en demeure de rattraper leur retard. Les premières étapes du calendrier fixé ont été respectées. L'objectif est d'atteindre 98 % à la fin 2011, et 99 % fin 2013. Nous serons très vigilants.

Un mot sur la définition du taux de couverture. Pour l'ARCEP, comme pour les autres régulateurs européens, un territoire est « couvert » quand on peut établir une communication réussie dans 95 cas sur cent pendant plus d'une minute sans coupure, à l'extérieur (définition outdoor), devant un bâtiment. La couverture est mesurée, non sur la seule base du centre bourg, comme le prévoit le programme zones blanches suivi par la DATAR, mais par « plaques » de cent mètres carrés environ. La population couverte est donc seulement celle qui réside sur les plaques effectivement couvertes au sens que je viens d'indiquer. L'ARCEP est ouverte à toute initiative du Parlement ou du Gouvernement pour réfléchir à une définition plus ambitieuse, étendue par exemple à la couverture à l'intérieur des bâtiments, sous réserve qu'elle soit techniquement réalisable.

S'agissant des licences 4G, les fréquences hautes ont été attribuées en octobre aux quatre opérateurs en place, de manière équilibrée. La recette a été de 936 millions d'euros. La loi Pintat de 2009 a fait de l'aménagement numérique du territoire un objectif prioritaire, et l'ARCEP s'est battue, avec succès, pour que cet objectif figure comme principal critère d'attribution de la bande des 800 MHz. C'est une obligation exceptionnelle en comparaison de celles posées pour la 2G et la 3G et « super-exceptionnelle » en comparaison de ce que font les autres pays européens ! Ainsi en Allemagne, la 4G est déployée en priorité uniquement dans les territoires qui n'ont pas d'autre mode d'accès au très haut débit. En France, l'objectif est de couvrir à terme 99,6 % de la population en très haut débit mobile. Ont également été fixés des objectifs de couverture par départements, de 90 % de la population au minimum, les opérateurs pouvant s'engager à aller jusqu'à 95 %. Enfin, une zone prioritaire, correspondant aux deux tiers du territoire, est définie : les zones rurales les moins denses seront aussi couvertes en priorité. L'ARCEP veillera au respect des engagements des opérateurs, et n'hésitera pas à user de ses pouvoirs de mise en demeure et de sanction.

J'en viens aux risques de brouillage entre le haut de la bande des 700 MHz, toujours consacrée à l'audiovisuel, et le bas de la bande des 800 MHz, désormais attribuée à la téléphonie mobile. Selon le bilan d'une expérimentation récemment menée à Laval, le taux de plaintes des téléspectateurs s'élève à deux pour mille, dont 40 % seraient imputables à la bande 4G, soit un taux très faible de 8 pour 10 000. Le problème vient le plus souvent des amplificateurs posés par les antennistes dans les immeubles collectifs, et peut être facilement réglé en installant un filtre qui coûte une vingtaine d'euros. Toutefois, d'autres expérimentations pourraient être menées après l'attribution des licences.

M. Michel Teston. - L'objectif de couverture est élevé ; la fixation d'un taux départemental bienvenue. Cependant, les délais sont bien longs : douze à quinze ans avant que le territoire ne soit entièrement couvert ! C'est excessif, même si je ne mésestime pas le coût pour les opérateurs.

En Grande-Bretagne, les risques de brouillage sont plus grands que ce que l'on a constaté à Laval. Or, le projet de loi de finances ne prévoit que 2 millions pour faire face aux éventuelles plaintes. Qui paiera si les brouillages sont plus importants que prévu ?

M. Bruno Retailleau. - Le trafic sur le mobile double tous les ans. Les infrastructures sont saturées, d'où la problématique de la neutralité.

Je remercie l'ARCEP, dont l'action a été déterminante pour faire accepter l'objectif fixé par la loi Pintat. Le critère de l'aménagement du territoire a prévalu. C'est le premier dispositif en Europe à encadrer de la sorte l'attribution des fréquences.

Les opérateurs se montrent bien moins impatients depuis que les conditions d'attribution des nouvelles fréquences ont été précisées. Pensez-vous qu'ils consentiront les investissements nécessaires pour un déploiement rapide ? Etant donné les progrès technologiques et l'explosion du trafic, à quel horizon peut-on attendre un nouveau dividende numérique ?

M. Pierre Hérisson. - Je vous présente mes excuses, Monsieur le Président, pour la comparaison un peu rapide que j'avais faite entre l'ARCEP et la Federal Communications Commission (FCC) américaine. Cette FCC, que j'avais découverte toute puissante lors d'un voyage avec Gérard Larcher, je l'ai retrouvée en lambeaux, décrédibilisée, contestée par le Congrès : les opérateurs de télécom ont lancé des procédures contestant ses avis, et ont gagné !

M. Jean-Ludovic Silicani. - L'ARCEP aussi a des contentieux, mais les gagne.

M. Pierre Hérisson. - L'ouverture de la 4G ne risque-t-elle pas, sauf à suivre le modèle allemand, d'inciter les opérateurs à ne pas achever la couverture en 3G ?

Le Conseil d'État a déclaré les maires incompétents sur le déplacement et la dépose des antennes. Enfin ! Il fallait leur ôter cette pression. Je sais d'expérience que ceux qui réclament la dépose des antennes sont les premiers à se plaindre de la mauvaise couverture ! La 4G n'est-elle pas de nature à renforcer significativement les besoins en antennes ?

M. Michel Magras. - À Saint-Barthélemy, le taux de couverture est de 98 %. Le vrai problème y est celui de la formation des prix au consommateur, qui varie selon les opérateurs : certains appliquent une TVA à 8,5 %, d'autres à 0 %... Quand on quitte l'île pour la métropole, on bascule dans le roaming : en deux jours, la facture dépasse 350 euros ! Est-il possible d'aller vers une harmonisation des tarifs, au moins sur le territoire français ?

Le câble qui relie la Guadeloupe aux îles du Nord, financé à 75 % par de l'argent public, n'est exploité qu'à 1 % de sa capacité, et à des prix prohibitifs, interdisant à des opérateurs de louer le câble pour offrir des services. Y a-t-il moyen d'imposer la pratique des prix concurrentiels, après un certain délai ?

Enfin, le bruit d'une suppression de TV5 Monde outre-mer nous inquiète. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M. Jean-Claude Lenoir. - On ne se contente pas de mesurer la réception mobile devant la mairie ou l'église, mais sur l'ensemble du territoire de la commune : je m'en félicite.

Les pays émergents font l'impasse sur les réseaux fixes, et sont passés directement aux antennes-relais : la réception est excellente sur les plateaux du Laos ou en Mongolie extérieure. Y a-t-il des recherches en ce sens en France ?

Enfin, ma ville de Mortagne-au-Perche possède un réseau câblé depuis vingt ans ; elle est encore engagée pour dix ans avec Numéricable. Il faut tenir compte de l'effacement du câble ; or, tout le monde se désabonne car le service rendu est exécrable.

Mme Renée Nicoux. - C'est une catastrophe !

M. Jean-Claude Lenoir. - Avez-vous autorité sur cet opérateur ?

Mme Laurence Rossignol. - Il me revient de parler des antennes-relais. Nos concitoyens veulent une couverture partout, mais des antennes nulle part. Aux élus que nous sommes de dénouer leurs contradictions, de les aider à dégager l'intérêt général. Les connaissances sur la dangerosité des antennes-relais progressent. Ce n'est pas la marotte de quelques arriérés ou illuminés : les études établissent une corrélation entre les troubles de la concentration ou du sommeil, par exemple, et la présence d'antennes-relais.

Or les décisions prises par les municipalités ont été invalidées par le Conseil d'État, qui a rappelé que les maires n'ont pas ce pouvoir de police. Il faut dès lors trouver une solution, et sans doute changer le droit. L'ARCEP pourrait-elle proposer d'avancer vers une réflexion partagée, qui n'exclut pas les élus locaux ? Je vous renvoie aux amendements déposés sur la loi Grenelle II, mais repoussés par le Gouvernement : le principe ALARA de protection contre le rayonnement devrait s'appliquer en la matière.

Les téléphones portables produisent une masse de déchets, y compris toxiques, difficiles à gérer sur le long terme. Or les opérateurs incitent les consommateurs à changer régulièrement d'appareil. L'ARCEP réfléchit-elle à une limitation des appareils inutilement mis sur le marché, ou préfère-t-on faire tourner la machine productiviste ?

M. Daniel Raoul, président. - N'oublions pas le chargeur universel. Nos tiroirs sont pleins de vieux chargeurs inutiles !

Mme Renée Nicoux. - Je rencontre dans ma commune les mêmes problèmes que M. Jean-Claude Lenoir avec Numéricable...

Ne peut-on inciter les opérateurs à mutualiser leurs émetteurs ? La communication est systématiquement coupée quand on passe d'une zone couverte par un opérateur à une zone couverte par un autre ! Avec les appareils performants d'aujourd'hui, ce ne devrait pourtant pas être un problème. À l'étranger, cela fonctionne. Il faut améliorer la continuité du signal.

M. Daniel Raoul, président. - Je ne suis pas sûr que les choses se passent ainsi sur le plan technique...

M. Jean-Ludovic Silicani. -  Les pouvoirs publics informeront les téléspectateurs sur la manière de procéder en cas de brouillage, quelque temps avant l'ouverture des nouveaux services mobiles, sans doute en 2013. Les usagers seront invités à faire vérifier par un antenniste que le brouillage n'est pas dû à une autre cause que les émissions des stations de base 4G. Les plaintes seront adressées au service d'appel unique de l'Agence nationale des fréquences (ANFR), dont le fonctionnement sera financé, à hauteur de 2 millions d'euros, par les opérateurs. L'ANFR contactera les opérateurs concernés. En vertu de la règle d'antériorité, le dernier installé est réputé être à l'origine du brouillage, et doit prendre toute mesure pour le faire cesser : réduire la puissance, poser un filtre, voire arrêter l'émetteur jusqu'à résolution du problème.

Bruno Retailleau, je peux vous indiquer que j'ai beaucoup de raisons de penser que le déploiement de la 4G commencera très rapidement et donc que les premiers services mobiles 4 G seront, sans doute, disponibles avant la fin 2013.

Compte tenu des données disponibles et des études menées par l'ANFR sur les ressources et les besoins en fréquences à dix ans, j'ai indiqué à l'IDATE qu'il me paraissait nécessaire de prévoir un deuxième dividende numérique avant la fin de la décennie, pour répondre aux besoins croissants en très haut débit.

Certes, Pierre Hérisson, des opérateurs pourraient être tentés de ralentir leurs investissements en matière de 3G. N'ayez crainte : nous les avons mis en demeure d'avoir achevé le déploiement de la 3G à plus de 99 % fin 2013. S'ils devaient ralentir leurs efforts, ils s'exposeraient à de très lourdes sanctions. Nous utiliserons tous les moyens à notre disposition.

Les antennes relais présentent-elles un danger ou pas ? La réponse relève de la médecine ou de la psychosociologie. Curieusement, le débat ne porte pas sur la question des terminaux alors qu'ils représentent probablement un danger à long terme en cas d'utilisation intensive, notamment pour les enfants et les adolescents. En revanche, pour les antennes relais, les études scientifiques n'ont pas été suffisamment longues et poussées pour conclure objectivement à un danger. La population exprimant néanmoins une crainte, les travaux doivent se poursuivre pour parvenir à un consensus suffisant pour fixer des normes. Convient-il de baisser les seuils d'émission, à quel niveau  et comment vérifier leur respect ? Quelle sera l'autorité administrative chargée de mettre en oeuvre les règles existantes et à venir ? Le Conseil d'État a jugé récemment que de telles vérifications ne relèvent pas du pouvoir de police générale des maires, mais du pouvoir de police spéciale du ministre chargé des télécommunications.

M. Daniel Raoul, président. - Nous sommes confrontés à un véritable paradoxe : pour abaisser les champs, on multipliera les antennes et les terminaux deviendront plus puissants pour compenser les baisses de signal. Suffit-il d'éviter le haut-parleur, sachant que le kit oreillette réduit par dix les émissions ?

M. Jean-Ludovic Silicani. - La norme doit être mise en place au niveau européen.

M. Charles Revet. - La France ne peut-elle pas la fixer ?

M. Jean-Ludovic Silicani. - Non, les normes doivent être les mêmes au sein du marché intérieur européen.

Vous m'avez interrogé sur l'outre-mer : l'ARCEP est compétente pour les prix de gros, pas pour les prix de détail. Les anomalies concernant les prix de détail doivent être signalées à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et celles sur les taux de TVA, aux services fiscaux. Il est, en effet, difficilement acceptable pour les populations concernées que les tarifs outre-mer ne soient pas identiques à ceux pratiqués en métropole, en raison de tarifs d'itinérance applicable... entre pays. L'ARCEP souhaite parvenir à une solution qui soit bien sûr compatible avec le droit communautaire.

En ce qui concerne TV5, il faudrait que vous posiez la question au président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

Les mesures de couverture, comme je l'ai dit, sont réalisées par plaques de 100 mètres carrés environ, par les opérateurs, puis l'ARCEP contrôle par sondage leurs chiffres. En cas de différence, l'opérateur doit « revoir sa copie ».

M. Jean-Claude Lenoir. - Les personnes qui réalisent ces mesures sont bien discrètes, car on ne les voit jamais dans nos campagnes.

M. Jean-Ludovic Silicani. - C'est normal. Les cartes sont d'abord faites au travers d'un modèle de simulation prenant en compte toutes les caractéristiques topologiques du territoire concerné, puis complétées par des mesures ponctuelles sur le terrain. L'ARCEP contrôle, ensuite, de façon aléatoire, la carte de couverture fournie par les opérateurs.

Si Numéricable ne remplit pas ses obligations, saisissez-nous pour que nous puissions intervenir.

J'en arrive aux déchets de terminaux : quand, dès 2010, l'ARCEP a prôné la séparation entre offre de services et vente de terminaux, les opérateurs nous ont presque tous dit que cette idée n'avait aucun sens. Mais six mois plus tard, les premières offres de service sans terminal apparaissaient sur le marché ! Le découplage va permettre de réduire les achats de terminaux et, partant, la quantité de déchets. En outre, la France importe des terminaux pour un coût annuel de 3 milliards. Il ne serait pas négligeable de réduire cette facture de moitié.

M. Daniel Raoul, président. - Le projet de loi renforçant les droits des consommateurs que nous examinerons à partir du 20 décembre traite, entre autres, de la séparation entre les offres de services et les ventes de mobiles.

M. Jean-Ludovic Silicani. - Nous avons tous constaté des discontinuités dans la communication entre mobiles, mais je n'ai jamais entendu dire que tel n'était pas le cas à l'étranger. Je vérifierai.

Mme Renée Nicoux. - Chez moi, SFR passe, mais pas Orange, alors qu'à 150 mètres, c'est l'inverse. J'en conclus qu'il n'y a pas de mutualisation entre opérateurs.

M. Jean-Ludovic Silicani. - Ce n'est pas un problème de mutualisation, mais d'accord d'itinérance.

Mme Renée Nicoux. - Il s'agit d'une volonté délibérée des opérateurs pour interdire aux abonnés de communiquer entre eux.

M. Bruno Retailleau. - Il s'agit d'un accord d'itinérance. Il y a effectivement des sautes lorsqu'on passe d'un opérateur à l'autre. Les nouvelles mutualisations sur la 4G réduiront ces inconvénients.

M. Jean-Ludovic Silicani. - Ce problème existe dans tous les pays européens.

M. Jean-Claude Lenoir. - Ma fille vit à Pékin : lorsque je vais la voir, on passe d'un opérateur à l'autre sans discontinuité. Avec le même appareil, je n'ai pas du tout le même résultat en France alors que ma fille, avec son abonnement chinois, passe d'un opérateur à l'autre sans discontinuité lorsqu'elle vient en France.

M. Jean-Ludovic Silicani. - J'examinerai cette question précisément et je vous répondrai par écrit.

On compte désormais - au 3ème trimestre 2011 - plus de 22 millions d'abonnements au haut débit et 600 000 abonnements au très haut débit, dont 175 000 abonnements à la fibre optique, soit 71 % de progression en un an. De plus, 1 350 000 logements sont éligibles à la fibre optique qui arrive jusqu'aux immeubles, soit une progression de 40 % en un an. Reste maintenant aux ménages à s'abonner. Au total, en prenant en compte le très haut débit, via des réseaux du câble, ce sont 5,5 millions de logements qui sont éligibles au très haut débit, soit 20 % des logements, ce qui est un des taux les plus élevés des grands pays européens. Nous sommes pourtant en deçà de l'Asie, mais qui a commencé à s'équiper il y a plus de dix ans, et des États-Unis, où, il est vrai, le haut débit est de médiocre qualité.

Nous avons essayé de modéliser le coût global du réseau en fibre optique. La délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar) est parvenue, il y a deux ans, à un coût de 30 milliards. Nous avons affiné les calculs, à partir, cette fois-ci, de données précises sur la topologie des réseaux, département par département, donnée par France Télécom, pour aboutir, il y a six mois, à 24 milliards, puis à 21 milliards il y a une dizaine de jours, compte-tenu de la collecte des données de presque tous les départements. Étant donné que 2 milliards ont déjà été investis dans la fibre optique, restent 19 milliards d'investissements à réaliser pour couvrir la totalité de notre territoire en très haut débit d'ici à 2025, soit en 13 ans. Ces chiffres concernent la boucle locale ; ils ne comprennent pas les réseaux de collecte, en amont, ni les raccordements finaux c'est-à-dire la partie terminale du réseau.

Nous ferons très prochainement aux opérateurs, au Parlement et au Gouvernement des propositions pour avancer sur la modernisation des réseaux de collecte qui pourront être éligibles aux fonds européens.

Ces 19 milliards que j'ai mentionnés sont à comparer aux 60 à 70 milliards qui seront investis, dans les quinze prochaines années, pour le réseau routier.

M. Daniel Raoul, président. - Ou le TGV...

M. Jean-Ludovic Silicani. - Le réseau de communication du XXIe siècle ne mérite-t-il pas qu'on y consacre un tiers des sommes allouées à la route ? Le coût de ces investissements, à réaliser d'ici 2025, se répartira entre les opérateurs privés (environ la moitié) et les financements publics (les collectivités territoriales ; l'État, dans le cadre des investissements d'avenir, puis du fonds national d'aménagement numérique des territoires ; et des crédits européens). La charge incombant aux collectivités territoriales pourrait se limiter à 5 ou 6 milliards d'euros en 13 ans. On rappellera qu'elles ont investi 3 milliards d'euros en 6 ans sur le haut débit.

Pour les communes hors des zones très denses, l'ARCEP souhaite la plus grande mutualisation possible, afin que le coût des investissements soit partagé entre plusieurs acteurs. Dans ces zones moins denses, France Télécom et SFR, d'une part, France Télécom et Free, d'autre part, ont signé des accords de co-investissement très précis portant au total sur 3 500 communes et couvrant 60 % de la population. Nous avons donc un chiffrage et un calendrier : chacun va donc pouvoir suivre la réalité de ces déploiements.

La création des réseaux fixes étant libre, elle ne nécessite aucune autorisation préalable. Un opérateur privé, mais aussi une collectivité publique, peuvent donc réaliser un réseau où ils le veulent. Mais aucun opérateur ne bénéficiant d'un monopole, il doit accepter le risque de voir arriver un concurrent. Il est donc recommandé de bien vérifier ex ante la pertinence du modèle économique des réseaux envisagés et de développer la concertation entre les acteurs.

A cette fin, la loi Pintat de 2009 a prévu des schémas directeurs territoriaux d'aménagement numériques (SDTAN) pour les réseaux à très haut débit. 98 départements les ont lancés, voire réalisés. C'est un premier pas qu'il faut applaudir, mais ils comportent des imperfections que les prochaines versions corrigeront. Les collectivités territoriales ont aussi un rôle de planification. En outre, les opérateurs privés ayant annoncé leurs projets pour 60 % de la population, un dialogue doit s'instaurer entre eux et les autorités locales sur le calendrier précis du début et de fin des travaux, commune par commune. En contrepartie, les collectivités préciseront leurs priorités et les facilités qu'elles accorderont aux opérateurs (droit de passage, autorisation de voirie ou d'occupation du domaine public). Tout ceci devra être rassemblé dans une convention passée entre l'opérateur et la collectivité territoriale concernée.

M. Daniel Raoul, président. - Je ne suis pas sûr que les choses se passent ainsi.

M. Jean-Ludovic Silicani. - Je décris la méthode qu'il faut viser.

M. Daniel Raoul, président. - Optimiste, plutôt !

M. Jean-Ludovic Silicani. - Il n'est pas possible de rendre les intentions des opérateurs obligatoires, car si tel était le cas, ils refuseraient de se lier les mains et les SDTAN seraient des pages blanches. En outre, si ces derniers étaient prescriptifs, deux problèmes constitutionnels se poseraient : il s'agirait en effet d'une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie et d'une méconnaissance de la règle de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre, puisque les schémas sont rédigés par une collectivité (département ou région) et qu'ils s'imposent à toutes les collectivités se trouvant sur le territoire couvert par le schéma.

Enfin, j'indique, en réponse à une des questions posées, que les tarifs de dégroupage devraient diminuer.

M. Daniel Raoul, président. - Les opérateurs ont annoncé des projets... sans échéancier. Marquer ainsi les territoires risque de dissuader les collectivités. Si les schémas directeurs ne sont pas contraignants, ils ne se feront pas, surtout dans certaines zones. En outre, je m'interroge sur les subventions affectées à certaines zones et non mutualisées.

M. Philippe Leroy. - Avec les élections, ma proposition de loi connaîtra une sorte d'itinérance...

La situation du haut débit en France n'est pas mauvaise, grâce aux 3 milliards d'euros investis par les collectivités territoriales. Pour faire passer l'article L. 1425-1 du code des postes et communications électroniques permettant aux collectivités d'être des opérateurs, nous avons dû bagarrer : France Télécom a eu des comportements dignes d'un western et, au Sénat, tous nos collègues ne croyaient pas que cela relevait des collectivités. La bataille du haut débit a été gagnée grâce aux collectivités, mais l'intégralité du territoire rural n'est pas encore couverte. Il faut donc achever son déploiement, en prenant garde à ne pas ralentir celui du très haut débit. Pour ce dernier, les schémas directeurs devront avoir valeur contractuelle, une fois que les opérateurs auront manifesté leur intérêt pour telle ou telle zone. C'est d'ailleurs ce que prévoit ma proposition de loi. Il faudrait aussi que les collectivités territoriales n'aient pas le sentiment d'être les supplétives des opérateurs privés, mais des opérateurs à part entière. Or, tel n'est pas le cas aujourd'hui. Elles devraient être associées à tous les groupes de réflexion et de concertation qu'anime l'ARCEP avec les autres opérateurs.

M. Bruno Retailleau. - On ne peut avoir de boucle locale sans réseaux de collecte. Ce chaînon manquant devrait être financé par l'Etat. Quand pensez-vous que l'on en disposera ? Leur coût, de l'ordre du milliard, est acceptable compte tenu de l'éligibilité aux crédits européens.

L'on fait fausse route en opposant les collectivités aux opérateurs, et l'on ne parviendra ainsi qu'à freiner le déploiement de la fibre. Collectivités et opérateurs sont complémentaires. Or, certaines collectivités ont dupliqué des investissements privés, ce qui est du gaspillage d'argent public. Quand un opérateur fait une déclaration d'intention, il doit s'agir d'un engagement contractuel, avec un suivi longitudinal. Si cet engagement n'est pas respecté, qu'il devienne caduc !

Il convient aussi de connaître l'état des réseaux : dans mon département, l'opérateur m'a menti. Comment éviter de doublonner les investissements privés si les collectivités ne sont pas mieux informées ? On annonce un décret. Les opérateurs doivent aussi s'engager sur leurs intentions et rendre leurs réseaux transparents.

M. Daniel Raoul, président. - Les réseaux de collecte ont une fonction essentielle d'aménagement du territoire, ce qui est une compétence régalienne.

M. Pierre Hérisson. - Il ne faut pas que l'achèvement du haut débit freine le déploiement de la fibre optique. Depuis qu'il a été question de séparation fonctionnelle des réseaux, voire de séparation juridique, les opérateurs ont déclaré que la mutualisation était nécessaire. Les choses progressent donc - la peur est le commencement de la sagesse... C'est en maintenant la pression maximale sur les opérateurs qu'on avancera.

Pour avoir été en charge du texte avec Bruno Sido, je sais les nombreux débats autour de l'article L. 1425-1. La majorité sénatoriale est parvenue à un compromis en imaginant une complémentarité véritable autour de l'opérateur d'opérateur. Il serait dangereux que les collectivités territoriales deviennent des opérateurs de contenu. Il convient donc de mieux équilibrer les rapports de force entre les collectivités et les opérateurs afin d'accélérer le déploiement des réseaux.

Lorsque nous sommes passés du monopole à la concurrence, il y a quinze ans, tout le monde s'attendait à une catastrophe pour la téléphonie fixe, mais elle marche aujourd'hui très bien pour un prix modique.

M. Daniel Dubois. - Le SDTAN de la Somme est aujourd'hui quasiment terminé et je voudrais que vous m'éclairiez. Vous avez dit qu'il y avait une soixantaine de zones urbaines pour lesquelles il y a des engagements.

M. Jean-Ludovic Silicani. - A l'heure actuelle, 3 500 communes font l'objet de projets d'investissement par des opérateurs privés.

M. Daniel Dubois. - Certaines ne figurent pas dans cette liste, comme Amiens ou Abbeville. Comment imposer aux opérateurs privés de réaliser les travaux dans des délais donnés ? En outre, le financement du réseau optique devra être mutualisé, faute de quoi il ne se fera pas. Comment pérenniser le financement de ce réseau sans créer de recette spécifique ?

M. Jean-Jacques Filleul. - Élu local, je regrette que le très haut débit ne soit pas un service public. Les perspectives de son déploiement dans les zones urbaines, suburbaines et rurales ne sont pas du tout les mêmes. L'Indre-et-Loire hésite à élaborer un schéma numérique. Si Tours a le haut débit, ma communauté de communes, dans la même agglomération ne l'a pas : il n'y a pas de mutualisation possible. Avec une autre communauté de communes, nous avons lancé une étude mais, en vous écoutant, je crains que nous n'arrivions pas à mener notre projet à bien sans schéma départemental. Et quid des financements ?

M. Jean-Claude Lenoir. - Examinant les crédits de la mission « politique des territoires » lundi dernier, nous avons appris que, selon l'ARCEP, 99,5 % du territoire était desservi en haut débit. Est-ce exact ? La 4G ne risque-t-elle pas de faire renoncer certains territoires à développer la fibre ?

M. Michel Teston. - S'il n'y a quasiment plus de difficulté majeure pour la téléphonie fixe, c'est que depuis la loi de 1996, elle est devenue un service universel. Il n'en est pas de même avec le plan national pour le très haut débit et, vous l'avez dit, l'ARCEP n'a pas les moyens de faire respecter les engagements des opérateurs qui veulent intervenir en zones 1 et 2. Vous proposez de rendre obligatoire l'élaboration d'un schéma directeur dans tous les départements alors qu'aujourd'hui, en vertu de la loi Pintat, ils ne sont que facultatifs. Ne faudrait-il pas aller plus loin en décrétant le très haut débit service universel ?

Enfin, les collectivités territoriales vont devoir s'occuper de la zone 3 alors que les profits réalisés par les opérateurs en zones 1 et 2 justifieraient qu'ils les accompagnent dans ces investissements. C'est d'autant plus choquant que si les collectivités veulent faire de la péréquation, elles ne seront pas aidées dans les zones très peu denses si elles veulent couvrir en même temps des territoires qui relèvent de la zone 2.

M. Jean-Ludovic Silicani. - Je veux rappeler quelques principes de base : le déploiement de réseaux fixes est libre. Les collectivités territoriales, qui ont la qualité d'opérateurs, peuvent donc réaliser les réseaux de communications électroniques qu'elles veulent, là où elles le veulent. Tous ceux qui disent le contraire se trompent. Dans des zones rentables, d'abord, mais en investisseurs avisés, sans subvention. Dans les zones non rentables, ensuite, ce qui implique une subvention.

M. Michel Teston. - Les zones moyennement denses...

M. Jean-Ludovic Silicani. - Il ne faut pas confondre la réglementation du déploiement, telle qu'elle est fixée par la loi et précisée par l'ARCEP, et les critères du guichet de financement mis en place par le Gouvernement dans le cadre du plan national pour le très haut débit.

Je reviens donc aux règles de déploiement : dans les zones rentables de chaque territoire, le déploiement d'un réseau public peut donc se faire concurremment avec ceux des opérateurs privés, d'où l'utilité d'une concertation en amont. En outre, il s'agit de réseaux de gros, à louer ensuite à des opérateurs de détail. Il faut donc s'assurer que l'on peut offrir un prix de location concurrentiel. Dans les Hauts-de-Seine, le département a décidé de déployer un réseau mais des concurrents privés en ont fait de même. Le réseau public sera-t-il rentable ? Si un réseau coûte 200 millions mais ne rapporte que 100 millions, les 100 millions restants seront considérés comme une aide d'Etat et devront, à ce titre, être remboursés. Il faut donc être extrêmement prudent. C'est normal : la liberté est toujours liée à la responsabilité.

En zone non rentable, si un opérateur privé n'envisage pas d'engager la réalisation d'un réseau dans les trois ans, une collectivité pourra le faire en le subventionnant. L'opérateur ne peut se borner à formuler une simple déclaration d'intention ; il doit présenter un véritable projet avec un calendrier précis de réalisation. S'il ne remplit pas ses obligations, le projet est réputé caduc : les opérateurs ne sauraient gagner sur tous les tableaux. Il apparaît nécessaire que les engagements des opérateurs privés soient confirmés chaque année afin de réduire l'incertitude pour les collectivités.

M. Philippe Leroy. - Pendant ce temps, les collectivités n'auront le droit de rien faire.

M. Jean-Ludovic Silicani. - Ce délai de trois ans est fixé par le droit communautaire, mais avec le rendez-vous annuel que j'ai évoqué, le délai d'incertitude sera sensiblement réduit pour les collectivités territoriales. En outre, comme je l'ai déjà indiqué, nous proposons qu'une convention entre les opérateurs privés et les collectivités territoriales décrive les conditions précises du déploiement des réseaux privés et les facilités accordées par les collectivités, lesquelles ont des moyens de négocier avec les opérateurs.

M. Bruno Retailleau. - Et le SDTAN ?

M. Jean-Ludovic Silicani. - Bien sûr, la convention doit être cohérente avec les schémas directeurs.

M. Bruno Retailleau. - Les collectivités seraient maîtres d'ouvrage.

M. Jean-Ludovic Silicani. - Enfin, les collectivités territoriales peuvent faire de la péréquation dans le cadre d'un service d'intérêt économique général (SIEG), mais dans les limites fixées par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.

M. Michel Teston. - Dans les zones non rentables, il n'y a pas de péréquation, ce qui n'est pas normal.

M. Jean-Ludovic Silicani. - Au sein de ces zones, il y a aussi, de fait, une péréquation qui s'opère.

M. Michel Teston. - Ce n'est pas la position du ministre Éric Besson !

M. Jean-Ludovic Silicani. - Il faut bien distinguer, d'une part, les règles, fixées par le cadre communautaire, la loi et le régulateur, qui sont les seules applicables en matière de déploiement de fibre optique, avec, d'autre part, les règles d'attribution des aides du commissariat général à l'investissement (CGI), qui sont plus restrictives. Une chose est de pouvoir déployer un réseau ; une autre chose est, en outre, d'obtenir une subvention de l'État. Pour cela, il faut remplir un certain nombre de conditions supplémentaires. Chaque collectivité doit d'ailleurs s'interroger avant de solliciter l'aide de l'État : c'est une facilité mais c'est aussi une contrainte. Il y a un bilan à faire.

M. Pierre Hérisson. - Sans parler des règles communautaires !

M. Daniel Raoul, président. - Nous y reviendrons lorsque nous examinerons la proposition de loi de MM. Hervé Maurey et Philippe Leroy, en février je l'espère. Il faudra aussi parler, à une autre occasion, de la pertinence de la dualité entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et l'ARCEP...

M. Jean-Ludovic Silicani. - C'est une vraie question.

M. Daniel Raoul, président. - Il faudra nous y pencher avec nos collègues de la commission de la Culture.

M. Jean-Claude Lenoir. - Vous n'avez pas répondu à mes questions !

M. Jean-Ludovic Silicani. - Je vous confirme que le haut débit à 512 kilobits couvre 99,5 % de la population. Il reste 300 000 foyers qui n'ont pas accès au haut débit.

M. Jean-Claude Lenoir. - La plupart sont dans mon département !

M. Jean-Ludovic Silicani. - Nous pouvons vous communiquer les chiffres pour votre département. Le déploiement de la 4G concerne prioritairement les zones les moins denses, celui de la fibre, comme d'abord les zones denses : il y a donc complémentarité plutôt que rivalité. Le très haut débit mobile, qui devrait démarrer fin  2013, couvrira donc des zones qui ne seront couvertes que plus tard par la fibre.

M. Daniel Raoul, président. - Merci, Monsieur le Président, de vous être prêté à cet exercice.

Audition de M. Philippe Wahl, président du Directoire de La Banque Postale et de M. Jean-Paul Bailly, président du Conseil de surveillance de La Banque Postale

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission entend MM. Philippe Wahl, président du directoire de La Banque Postale et Jean-Paul Bailly, président du conseil de surveillance de La Banque Postale.

M. Daniel Raoul, président. - Nous souhaitons vous interroger, Messieurs les présidents, sur le partenariat entre La Banque Postale, la Caisse des dépôts et consignations et Dexia, ainsi que sur le financement à venir des collectivités locales. Quel sera le calendrier de mise en place du nouveau pôle ? Ne peut-on craindre que La Banque Postale et la Caisse des dépôts assument in fine des risques qui n'étaient pas les leurs ? Votre établissement est actionnaire à 5 % seulement de Dexia Municipal Agency (DexMa), mais tout de même... Comment envisagez-vous les nouvelles modalités de financement des collectivités ? La nouvelle banque des collectivités locales sera détenue à 65 % par La Banque Postale, à 35 % par la Caisse des dépôts, dont nous avons auditionné le président, M. Augustin de Romanet. Quels seront le montant de la capitalisation, les critères de financement, le modèle de financement proposé, le réseau de distribution ? Qui les élus locaux aurons-ils en face d'eux et est-ce parmi les anciens agents de Dexia que vous trouverez les compétences dont vous avez besoin ?

Dans la conjoncture économique, votre réponse sera-t-elle suffisante au regard des besoins de financement des collectivités locales ? Certaines ont du mal à trouver la trésorerie nécessaire pour boucler l'année 2011. Il manque par exemple 180 millions d'euros dans une région que M. Retailleau et moi-même connaissons bien. Comment voyez-vous la création de cette grande agence de financement des collectivités locales, demandée notamment par le président de l'Association des maires de France ?

M. Jean-Paul Bailly, président du conseil de surveillance de la Banque postale et président-directeur général de La Poste SA. - Le dynamisme de La Banque Postale s'inscrit dans le développement du groupe La Poste qui est leader européen multi-métiers, courrier, colis-express, compétences financières, enseigne La Poste. Le groupe est solide, ses résultats financiers ont bien résisté à la crise. Il s'est doté d'un programme d'adaptation et d'innovation dans toutes ses activités. Pour le courrier, l'outil a été rénové et de nombreuses initiatives prises ; nous sommes devenus le leader européen du colis-express ; quant à l'enseigne, les partenariats se sont multipliés en zone rurale et nous avons profondément transformé, partout, le cadre, l'accueil et les temps de traitement et d'attente. Nous avons aussi créé La Banque Postale. Tout cela a exigé de très gros efforts de la part des postiers.

Nous nous engageons aujourd'hui dans une nouvelle activité de crédit aux collectivités locales, mais entendons maintenir une totale étanchéité entre le présent et le passé. Il est hors de question que le groupe importe des risques financiers ou réputationnels ; il serait inacceptable que les conséquences en retombent sur nos clients, ou sur les postiers qui ont tant travaillé à notre développement !

La Banque Postale est une banque neuve, « adolescente » en quelque sorte. Livrets d'épargne à l'origine, puis crédits à la consommation et à l'immobilier, contrats d'assurance incendie, accidents et risques divers (IARD), santé, prévoyance, gestion de patrimoine, financement des personnes morales depuis le mois de septembre, et à présent financement des collectivités territoriales : la barque est aujourd'hui bien chargée, mais le développement a été raisonné et professionnel. Notre banque a beau être encore en construction, elle est solide et affiche de bons ratios. Elle n'en a pas moins des progrès à réaliser : son coefficient d'exploitation est jugé trop élevé par l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP).

Notre banque est une banque de confiance. Son bilan comporte peu de risques : pas de produits toxiques, pas de « Madoff », pas de subprimes... Notre banque est aussi une banque de présence et d'accessibilité sur tout le territoire. Par ses produits, ses tarifs, son livret A, elle est perçue comme sérieuse, peu risquée, accessible et digne de confiance. Telles sont les raisons d'être de La Banque Postale et nous cultivons cette différence par rapport aux autres établissements bancaires. La confiance est notre atout principal. Il est hors de question de mettre en péril notre réputation. Et cela peut aller très vite, nous le savons ! Après les premiers articles de presse, imprécis, qui annonçaient que La Banque Postale allait reprendre Dexia, les tracts syndicaux ont fleuri, pour protester contre une Poste faisant office de « Samu » de Dexia. Les postiers ont exprimé leurs inquiétudes. Les clients réagissaient aussi, assaillant de questions leurs conseillers financiers.

La banque est essentielle pour l'avenir du groupe. Elle est la banque des postiers eux-mêmes, puisque 80 % d'entre eux y ont leur compte. En outre, elle emploie en propre 2 000 salariés et fait travailler 14 000 agents dans les centres financiers, 10 000 conseillers financiers et 35 000 guichetiers pour la moitié de leur activité... À l'exception de 2011 où nous avons subi la restructuration de la dette grecque, La Banque Postale contribue pour moitié aux résultats annuels du groupe. Les trajectoires établies en 2009 pour déterminer la valorisation des parts du capital prévoient en 2015 une contribution de deux-tiers au résultat. Les autres activités sont en croissance plus lente, 5 % par an pour le colis-express par exemple. Le courrier est affecté par une baisse de 15 % du volume traité depuis 2008 ; nous prévoyons un recul supplémentaire de 15 % d'ici à 2016 ; et pourtant cette activité continue à s'autofinancer. Bref, La Banque Postale est au coeur du développement du groupe.

Nous sommes très fiers et enthousiastes de participer au financement des collectivités locales, avec la confiance de celles-ci et de nos actionnaires. Nous n'avions pas pensé nous engager maintenant, nous étions fort occupés... Mais les circonstances récentes et les difficultés de financement des collectivités nous amènent à aller de l'avant plus rapidement que prévu. Cette activité correspond à notre « ADN », nous avons toute légitimité à l'exercer et nous sommes heureux de le faire avec la Caisse des dépôts. Mais nous conservons notre « fil rouge » : étanchéité entre le passé et le présent, refus du risque réputationnel.

Quel est notre modèle de financement, m'avez-vous demandé ? La Banque Postale prouvera sa différence avec ce que les autres ont fait dans le passé. Nous proposerons des produits simples et une relation transparente et adulte. Les prêts seront adossés en liquidité - pas d'impasse ni de transformation. Nous attendons de la nouvelle activité qu'elle contribue à l'amélioration de notre coefficient d'exploitation, que l'ACP juge trop élevé. L'objectif, si tout se passe bien, si la désimbrication d'avec Dexia Crédit Local est menée rapidement, est de la démarrer à la fin du premier trimestre 2012. Tout ne dépend pas seulement de nous !

Quant à la création d'une agence des collectivités locales, il est normal que la concurrence opère et indispensable que les banques privées ne se désengagent pas de ce secteur. Nous souhaiterions quant à nous couvrir une part de marché de 25 à 30 %, soit 5 à 6 milliards par an.

M. Philippe Wahl, président du directoire de La Banque Postale. - A la fin de l'année 2011, La Banque Postale offrira à ses clients la totalité des produits d'une banque de détail. Que de chemin parcouru depuis sa création en 2006 ! La mue, que vous avez permise, se révèle largement positive. En 2006, nous avons été autorisés à distribuer du crédit immobilier sans épargne préalable : la production de prêts aux ménages atteindra cette année 10 milliards d'euros. En mars 2010, nous avons lancé le crédit à la consommation : cette année environ 1,8 milliard d'euros au total auront été prêtés, à 250 000 ménages. L'assurance IARD a été lancée cette année et nous devrions parvenir à 200 000 contrats fin décembre. Nous proposerons une assurance-santé grand public avant la fin de l'année. Nous avons aussi reçu le feu vert des autorités de régulation pour financer les personnes morales, associations, bailleurs sociaux et entreprises. Au mois de novembre, en finançant une grue sur camion pour une entreprise de maçonnerie en région lyonnaise, nous avons gagné notre premier client professionnel historique.

La Banque Postale a crû en maturité. Une augmentation de capital, à hauteur de 860 millions d'euros, a été réalisée en début d'année, 100 % des fonds ayant été versés par La Poste en septembre dernier. Les résultats d'activité sont solides mais affectés par les risques souverains : une provision de 158 millions d'euros a été passée sur la Grèce au premier semestre. Aujourd'hui il nous reste une exposition de 130 millions d'euros (nets de provision) à ce pays, un peu moins de 3 milliards à l'Italie, 400 millions à l'Espagne, 1,1 milliard au Portugal. La Banque Postale détient 13,4 milliards d'OAT de la République française, il est normal que la banque publique soit la plus investie sur ces titres. Elle a aussi en portefeuille plus de 4 milliards d'obligations émises par l'État fédéral allemand et les Régions allemandes et 200 millions d'euros de la République d'Autriche. Pourquoi cette exposition aux dettes souveraines ? Tout simplement parce que la banque, qui possède plus de dépôts qu'elle n'a d'encours de crédits, a eu l'obligation de placer ses liquidités en dette souveraine des pays de l'OCDE, aux termes du décret du 28 février 2000. Nous avons décidé de nous limiter plus précisément à la zone euro, écartant ainsi les placements en dollar et livre sterling.

Avec un coefficient d'exploitation perfectible (85 %), La Banque Postale fait moins bien que les autres banques, qui sont à 65 %, voire 55 % pour le Crédit agricole. Il nous faut donc progresser et contrôler mieux les coûts. Chaque client actif dégage pour nous 370 euros de produit net bancaire (PNB) par an, mais 750 euros au Crédit agricole et 1 350 à la BNP ou à la Société générale. Il y a donc un potentiel de développement.

Le nouveau plan stratégique pour 2011-2015 s'intitule « L'intérêt du client d'abord, prouvons la différence ». Sur cinq ans nous voulons équiper nos clients pour développer nos revenus et fortifier la banque. Ce plan s'organise autour de deux idées fortes : prouver la différence et accélérer le développement commercial. Nous sommes la seule banque de service public, la collectivité nationale nous a confié une mission d'intérêt général, assurer l'accès aux services bancaires et 95 % des 600 000 personnes les plus fragiles, dans une situation de forte précarité, sont clientes de La Banque Postale. C'est pour nous une fierté mais cela a forcément des conséquences sur notre fonctionnement. Nos tarifs sont les plus bas, comme le notent enquête après enquête Le Parisien, Le Monde, Soixante millions de consommateurs ou Que choisir, et comme le confirme la Confédération syndicale du cadre de vie. Voilà une preuve de notre différence ! Nos produits en offrent une autre : nous les voulons simples, accessibles, car nous sommes une banque de service public.

Accélérer le développement commercial constitue l'autre axe du plan stratégique. C'est aussi la priorité de tous les postiers et cela passe par une meilleure performance sur le coefficient d'exploitation et un renforcement des fonds propres.

Le financement des collectivités territoriales ne figurait pas dans notre plan stratégique. Mais la collectivité nationale nous a soumis ce sujet d'intérêt public et nous nous y sommes intéressés, puis nous avons « plongé » ! Nous nous sommes mis au travail avec fierté et enthousiasme, et espérons être prêts début 2012. Mais contrairement au marché de l'assurance de dommages, qui a exigé une simple création de filiale commune avec Groupama, le financement des collectivités territoriales fait intervenir Dexia, DexMa, la Caisse des dépôts, avec des imbrications et articulations nombreuses. La structure nouvelle à mettre en place est forcément plus complexe. Elle combine en effet trois réponses organisationnelles aux trois questions qui se posaient.

Le passé, Dexia Crédit local (DCL) en fait son affaire : Dexia va donc persister dans son être pour gérer les 55 milliards d'euros d'encours de financement auprès des collectivités et pour traiter les 8 à 10 milliards d'emprunts « sensibles ». Il y en a pour dix ans de travail. La Banque Postale ne s'occupera pas de la restructuration de ces crédits.

Le futur, c'est la coentreprise entre la Caisse des dépôts (35 %) et La Banque Postale (65 %). Le 31 mars 2012 nous espérons commencer à répondre à vos besoins - c'est l'époque des bouclages de budgets locaux. Mais nous ne possédons ni les équipes commerciales, ni les outils de contrôle des risques, ni les moyens informatiques. Il faut les acquérir en les séparant de DCL. Nous avons entrepris ce travail de désimbrication, pour découper et utiliser les moyens qui nous indispensables.

Quant aux financements, sachant que les collectivités territoriales ont besoin de 18 milliards d'euros par an et le secteur public local (sociétés d'économie mixte, hôpitaux et offices d'HLM) de 15 milliards environ, il faut trouver plus de 30 milliards d'euros par an. DexMa, société de crédit foncier, portera les crédits dans son bilan : ceci représente une économie en capital pour La Banque Postale et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Il faudra se procurer les ressources sur les marchés financiers, or DexMa est classée AAA et sera confortée par l'adossement à la CDC, son actionnaire à 65 %, Dexia en détenant 30 % et La Banque postale 5 %. Certes, on peut trouver le montage complexe, mais il est le fruit d'une histoire et nous partons de l'existant pour répondre à trois questions par trois institutions différentes.

La crise n'est pas seulement celle du leader, Dexia, mais aussi celle d'un modèle, qui a montré ses limites. Notre moyen de prouver notre différence, dans ce secteur, sera de distribuer des produits simples : nous pratiquerons à peine la moitié des 25 produits cités dans la charte Gissler. Taux fixe, taux variable, options pour passer de l'un à l'autre... Par des différés ou des ressauts de taux ou de montant, nous nous efforcerons de coller avec souplesse au rythme de vos projets, mais nous ne proposerons pas de prises de position spéculatives, l'indexation sur un taux de change, etc. Nous sommes en fin de cycle de baisse des taux : ceux-ci risquent de remonter et de tels produits ne sont plus envisageables, ils deviendraient vite extrêmement coûteux.

Nos produits seront totalement adossés en liquidités. Un financement à quinze ans sera d'emblée prévu à quinze ans, non à deux ans renouvelables, comme le pratiquait le marché. Notre prix sera celui de l'argent à quinze ans, avec une marge : car une caractéristique du nouveau modèle est que La Banque Postale devra pouvoir gagner de l'argent. Nous ne vous proposerons pas un taux inférieur à celui du marché, comme cela s'est vu dans le passé - taux inférieur en début de prêt seulement, avant restructuration rentable pour le prêteur...

Cette attitude est raisonnable et l'économie y gagnera en stabilité. Nous voulons ainsi contribuer à un développement durable et solide. A la fin du premier trimestre 2012, nous espérons être prêts, si les négociations avec Dexia progressent ; sinon, il faudra un peu plus de temps, mais former une structure ex nihilo nous prendrait deux ans ! Nous nous préparons à vous accompagner, comme partenaires naturels.

M. Daniel Raoul, président. - Quelle étanchéité par rapport aux risques, si vous détenez une participation de 5% de DexMa ? Qu'arrivera-t-il si celle-ci ne parvient pas à apurer le passé ?

M. Philippe Wahl. - Un véhicule était nécessaire pour financer les collectivités territoriales, car nous ne souhaitons pas affecter à cet objet les liquidités des clients particuliers que nous réservons au crédit à la consommation, crédit immobilier, etc. Nous avions alors deux solutions. Créer une société de crédit foncier propre à La Banque Postale aurait posé problème à notre partenaire, la Caisse des dépôts car elle était déjà partenaire de DexMa. Or celle-ci fonctionne depuis quinze ans de façon satisfaisante. Il était moins coûteux de faire appel à elle, et la Caisse des dépôts nous a demandé d'acheter 5 % de son capital. Si une catastrophe se produit, nous perdrons la valeur de ces 5 % soit 19 millions d'euros.

M. Jean-Paul Bailly. - Ce serait notre perte maximale en cas de « tsunami ».

M. Michel Teston. - La constitution d'un pôle de financement public en partenariat avec La Banque Postale apporte une réponse adéquate aux difficultés d'accès des collectivités territoriales au crédit bancaire. C'est une bonne nouvelle. Mais l'impact des nouvelles règles prudentielles Bâle III apparaît moins réjouissant. Le ratio de liquidité sera plus élevé, donc l'offre de crédits plus sélective, les conditions plus chères... N'y a-t-il pas là une difficulté, tant pour la nouvelle structure que pour les collectivités ?

M. Ladislas Poniatowski. - Le vrai problème des collectivités locales aujourd'hui n'est pas tant le financement des projets - ceux-ci sont suspendus s'ils ne peuvent être financés - que la trésorerie. Or les banques nous abandonnent ! Pour cette raison, si l'absorption de Dexia inquiète les postiers, elle rassure les collectivités. Mais n'allons-nous pas payer une partie du prix de cette opération ? Sur le terrain, en effet, nous en percevons déjà les répercussions. Je préside un gros syndicat d'électricité qui regroupe 100 % des communes de mon département, dépense 100 % de ses 34 millions de recettes chaque année : les banques se bousculent pour me prêter. Dans le même temps, la cantine scolaire dans ma petite commune de 1 022 habitants n'intéresse ni Dexia, ni la Caisse d'épargne, peut-être le Crédit agricole, mais à un taux peu intéressant. Le Premier ministre s'est exprimé clairement au Congrès des maires mardi dernier, mais c'est avec vous que nous traiterons ! Et je ne voudrais pas que les collectivités épongent l'absorption de Dexia en payant plus cher les emprunts.

M. Gérard Bailly. - Vous avez plus de dépôts que d'encours de prêts : dans quelle proportion, pour quels montants ? La collecte s'est-elle améliorée depuis la mise en place des agences postales communales ? Vous évoquez vos actionnaires, fiers de votre nouvelle orientation. Mais qui sont-ils ? La transparence suscite une vigilance croissante. Comment pourrez-vous démontrer après deux ou trois ans que la nouvelle activité est solide ? Enfin, les équipes de Dexia sont très bien payées : cela ne sera-t-il pas un handicap ? Ne faudra-t-il pas mettre les salaires en harmonie ?

M. Charles Revet. - Comment voyez-vous l'évolution des risques souverains ? Que craignez-vous le plus en ce domaine ? Les gouvernements se sont entendus sur une partition de Dexia, la France a pris l'activité de banque des collectivités. Quels engagements exactement Dexia va-t-elle devoir gérer jusqu'à leur amortissement ? Puisque vous avez besoin du savoir-faire de Dexia, pourquoi ne pas reprendre toute la partie financement des collectivités au lieu de découper ?

M. Jean-Paul Bailly. - Une précision sur la manière dont l'augmentation du capital de La Poste a été libéré : 2,7 milliards d'euros ont été actés, 1,05 milliard sont déjà dans les comptes ; nous en recevront encore 1,05 milliard en mars ou avril 2012, et le solde, soit, 600 millions, sera versé début 2013.

M. Philippe Wahl. - Nous serons prêts à entrer sur le marché des avances de trésorerie aux collectivités l'année prochaine. Nous faisons du commerce : s'il y a un besoin de financement, notre mission est de chercher à le satisfaire.

Le ratio crédits sur dépôts est aujourd'hui de 52 %, contre 118 à 140 % pour les autres banques. Notre position de liquidité est donc meilleure. Toutefois, vu le rythme de développement du crédit à la consommation, du crédit immobilier et du crédit entreprises, ce ratio devrait approcher les 100 % fin 2013. Il est faux de dire, comme on le lit parfois, que La Banque Postale regorge d'argent dont elle ne saurait que faire !

Les agences postales communales n'ont pas eu beaucoup d'influence sur la collecte d'épargne : suivant la loi statistique, l'essentiel de celle-ci se fait dans les gros bureaux.

La solidité financière ? Grâce à l'apport de la Poste, notre core tier one, c'est-à-dire le capital dur, dépasse les 13 %, ce qui est confortable. Mais aucune banque ne peut s'abstraire de la situation de l'économie nationale, européenne et mondiale. Le métier de banquier est de prendre les risques et de les gérer.

Une dislocation de la zone euro serait très préjudiciable au climat de la confiance, au niveau des taux d'intérêt, à la stabilité économique. Le cumul des effets médiatiques, qui privilégient le sensationnel, et de l'hyper-volatilité des marchés financiers contribue à créer une atmosphère de catastrophe. La zone euro est la plus riche de la planète ; elle doit être capable de trouver des solutions. La France, l'Allemagne, l'Italie sont des pays riches. Nous sommes donc sereins par rapport à notre exposition.

DCL assurait certes le financement des collectivités locales, mais détenait également un portefeuille legacy de 90 milliards, héritage de positions longues qui ne correspondent pas à notre métier. Il ne peut être question pour nous d'assumer l'ensemble des engagements passés de DCL.

Dexia possède des savoir-faire précieux, mais nous ne reprendrons pas l'ensemble de sa force commerciale : d'une part parce qu'elle restera utile à la gestion des encours de Dexia et d'autre part parce que nos produits étant plus simples, nous n'aurons pas besoin localement d'autant de présence. Le salaire moyen chez Dexia est en effet supérieur à celui de notre propre force commerciale ; l'intégration sera faite de manière raisonnable, en proposant bien sûr une mobilité géographique.

Bâle III est une conséquence de la crise. Les banques avaient pris trop de risques, car la rentabilité du capital était trop facile à atteindre. Dès que l'on demande beaucoup plus de capital pour la même activité, la rentabilité diminue, et l'appétit pour le risque également. Les collectivités locales ont des caractéristiques favorables (risque faible et consommation limitée de capital), mais d'autres sont défavorables : une consommation de liquidités longues, jusqu'à trente ans, coûte en effet très cher en capital avec les règles de Bâle III. C'est pourquoi nous souhaitons avoir, avec DexMa, un véhicule qui aille chercher des liquidités longues sur le marché.

M. Bruno Retailleau. - Il faut aussi évoquer Solvabilité II, pour avoir un panorama complet du risque d'assèchement du crédit aux PME. Les solutions sont simples, expliquez-vous, mais coûteuses. Ne faudrait-il pas adosser les prêts aux collectivités locales à une liquidité abondante, peu chère, très longue et très stable ?

M. Daniel Raoul, président. - C'est la saison des lettres au Père Noël...

M. Marc Daunis. - Comptez-vous moduler le taux d'intérêt en fonction des collectivités ? Il y a deux ans, ma commune, non endettée, n'avait aucun mal à emprunter. Cette année, les prêts sont plafonnés à 2 millions, et leur durée limitée à quinze ans, ce qui nous a contraints de nous adresser à trois organismes pour financer un même projet !

Comment voyez-vous l'articulation avec l'Agence de financement des collectivités locales ? Une concurrence entre les deux ferait sans doute baisser les taux...

Excluez-vous de drainer la richesse locale pour asseoir les emprunts des collectivités ? C'est la faible mobilisation du potentiel d'épargne au niveau local qui nous rend dépendants des marchés, alors que la culture de l'épargne est importante en France.

M. Claude Bérit-Débat. - Vous allez dès 2012, c'est-à-dire demain, exercer un nouveau métier. La Banque Postale est la banque des consommateurs, dites-vous. Le revenu moyen par client actif est nettement plus bas qu'au Crédit Agricole ou à la Société générale. Avez-vous une stratégie pour le remonter ?

Quel taux fixe envisagez-vous de proposer aux collectivités locales ?

Quelle sera votre organisation territoriale ? Trouvera-t-on une agence dans chaque chef lieu de département ? Les élus pourront-ils traiter directement avec les chefs d'agence ? Enfin, le financement par l'épargne locale me paraît être une piste intéressante.

M. Pierre Hérisson. - Nous avons bien changé d'époque, et, s'il en fallait une preuve, ce serait l'obligation qui vous avait été faite en 2000 de placer vos fonds dans la dette souveraine !

Quand vous arriverez sur le marché, vous allez recevoir des clients qui auront été rejetés par les autres établissements. Comme l'a rappelé M. Ladislas Poniatowski, on ne prête qu'aux riches... Il faudra être vigilant : attention à ne pas écorner votre image. Qu'on ne dise pas que La Banque Postale ne vaut pas mieux que les autres et « retoque » des dossiers ! Voilà qui offre matière à réflexion.

M. Martial Bourquin. -  Les collectivités qui ont de la trésorerie n'ont pas de mal à accéder au crédit. Les autres, celles qui ont été refusées ailleurs, seront pour vous une clientèle captive ; quels taux leur offrirez-vous ? Pour les autres, vous risquez de ne pas être retenu dans les appels d'offre... Avec cette nouvelle activité, l'établissement ne risque-t-il pas de changer de nature ? La Banque Postale est et doit rester un service public. Elle a toujours accueilli une clientèle fragile, qui ne peut supporter un doublement des frais !

M. Michel Bécot. - Personne n'aurait parié là-dessus il y a dix ans, mais la Banque Postale est aujourd'hui une banque d'avenir - à condition de ne pas s'aligner sur les autres banques et d'être à l'écoute de ses clients. Une crainte toutefois : Bâle III sert surtout les banques anglo-saxonnes, qui se recapitalisent sur le marché, tandis que les banques françaises prennent leurs fonds propres sur leurs résultats. Nous ne jouons pas dans la même cour. La nouvelle réglementation bancaire pénalise une jeune banque comme La Banque Postale.

M. Jean-Paul Bailly. - Oui, il faut préserver la spécificité de La Banque Postale, y compris en matière de financement des collectivités locales. Nous sommes très attentifs à ne pas changer de nature. Notre plan stratégique ne compte que deux axes : assurer notre développement commercial d'une part, en renforçant la solidité et la performance, prouver en permanence notre différence, d'autre part. Cela se traduit notamment par la volonté de ne pas utiliser l'épargne des Français pour autre chose que le crédit aux ménages et aux entreprises.

Nous voulons rester la banque des plus modestes, ce qui suppose d'être la banque de tous, mais d'avoir aussi une banque patrimoniale qui se porte bien. Il n'y a pas de contradiction.

M. Philippe Wahl. - Une ressource très longue, très stable et peu chère, M. Bruno Retailleau ? Nous ne sommes pas des magiciens ! Quand la ressource est stable et longue, elle est plus chère. Le nouveau modèle de financement des collectivités locales sera différent des précédents : elles emprunteront au coût du marché, plus la marge des banquiers. Cela sera plus cher mais plus stable, car nous ne serons pas obligés de restructurer le prêt pour récupérer l'avance accordée dans un premier temps au client !

M. Bruno Retailleau. - Il y a des ressources réglementées...

M. Philippe Wahl. - Le Parlement, dans sa sagesse, en a défini les usages. Le livret A, puisque c'est de cela qu'il s'agit, finance le logement social.

M. Bruno Retailleau. - Pas entièrement : il reste 5 milliards !

M. Philippe Wahl. - Les épargnants optent pour le livret A parce qu'il y a derrière la sécurité de l'État. Ce ne peut être le modèle de financement de l'ensemble de l'économie.

Solvabilité II, qui s'impose à nous, empêche les compagnies d'assurance d'investir en actions et donc de financer les entrepreneurs.

Nous modulerons les taux en fonction, non pas de la taille, mais de la solvabilité de la commune. Plus une commune est endettée, moins elle est solvable, plus le taux d'intérêt sera élevé.

M. Marc Daunis. - C'est une nouveauté. Aujourd'hui, une offre standard est validée au niveau national, puis on met les banques en compétition sur les taux et les conditions de sortie. Il n'est pas question d'analyse du risque !

M. Martial Bourquin. - Un taux en fonction du profil de la commune ? C'est un sacré changement !

M. Pierre Hérisson. - Comme dans les années 70 !

M. Philippe Wahl. - Un banquier prête toujours en fonction du profil du client ! Nous voyons avec intérêt le projet d'Agence de financement des collectivités locales, car il est souhaitable que ce marché soit concurrentiel. Si cette coopérative des collectivités locales arrive à lever de l'argent sur les marchés financiers, tant mieux pour celles-ci.

On mobilise déjà de l'épargne locale dans plusieurs régions, pour financer le capital risque régional. En revanche, il n'est pas possible d'affecter directement l'épargne d'une ville aux besoins de celle-ci : le principe même de la banque est de mutualiser les financements.

J'ai cité le produit net bancaire par client comme exemple de ce qu'est La Banque Postale aujourd'hui. Nous accueillons aussi une clientèle nombreuse et modeste : pas question de passer à 750 euros ! En revanche, nous allons équiper nos clients, qui n'ont pas la totalité de leurs produits chez nous, car pendant longtemps, nous ne faisions ni crédit à la consommation, ni crédit immobilier sans épargne préalable. Nous voulons également développer une banque patrimoniale. Sans prétendre concurrencer les banques privées, il serait rationnel que la clientèle patrimoniale place une partie de son épargne chez nous. Il faut nous y préparer.

L'organisation de la distribution ? L'idée est de coupler une présence postale dans chaque région et une équipe centrale. Les décisions de crédit seront prises à partir d'un outil central.

M. Michel Teston. - Que devient la proximité ?

M. Philippe Wahl. - L'outil central de crédit est indispensable pour harmoniser la politique de crédit et contrôler le risque.

Nous examinerons bien sûr les demandes des collectivités non acceptées par les autres banques : c'est notre tradition, notre histoire ! Chaque année, La Banque Postale conquiert 500 000 nouveaux clients, dont beaucoup ont été rejetés par les autres réseaux. Nous avons vocation à les accueillir.

M. Raymond Vall. - Combien de temps les gardez-vous ?

M. Philippe Wahl. - Pour la vie ! Nous souhaitons retenir tous nos clients.

Nous ferons payer aux collectivités locales le taux nécessaire pour équilibrer l'activité. Nous ne délaisserons pas les collectivités rejetées ailleurs : il en va de notre identité même. Nous restons fondamentalement une banque de particuliers, de détail. Les Français sont 26 millions à avoir un produit chez nous, 10,4 millions à être bancarisés principaux : nous sommes avant tout une banque grand public.

Face à Bâle III, l'utilisation de DexMa pour financer les collectivités locales est un moyen efficace d'économiser du capital.

M. Raymond Vall. - Je mesure le challenge que représente l'arrivée de La Banque Postale dans les territoires, et l'espoir qu'elle fonde. Le premier trimestre 2012 inquiète les collectivités locales, qui peinent déjà à boucler leurs investissements de 2011 et n'ont aucune lisibilité pour 2012. La fédération du bâtiment prévoit une crise aussi sévère que celle des années 1990, qui a vu disparaître le tiers des effectifs. Serez-vous prêts au 31 mars ? Il y a urgence, même si je mesure la masse de compétences à intégrer.

J'avais espéré que l'économie locale trouverait en vous un nouveau partenaire. Mais la centralisation de l'analyse du risque et de la décision d'octroi du crédit  m'inquiète. Il faudra donc attendre un éventuel verdict de Paris ? J'ai lu ce matin que certains envisageait d'utiliser les 17 000 points de contacts de la Poste pour créer des maisons des services publics. Entre proximité et centralisation, c'est le grand écart !

M. Charles Revet. - Je suis surpris d'entendre le président Philippe Wahl annoncer qu'il tiendra compte de la situation des collectivités pour fixer les taux. Je ne connais pas une collectivité qui ait fait défaut, d'autant que nous n'avons pas le droit de voter un budget en déséquilibre ! Les plus pauvres vont payer les taux les plus élevés. C'est choquant.

M. Ladislas Poniatowski. - Pas les plus pauvres, mais les plus mal gérées.

M. Daniel Raoul, président. - La Banque Postale reste une banque...

M. Philippe Wahl. - J'ai entendu vos préoccupations sur l'organisation territoriale, mais l'harmonisation de la politique de risque est un impératif. Centralisation ne signifie pas délais longs. Les instances de décision sont déjà centralisées en matière de crédit immobilier et surtout de crédit à la consommation. Vous aurez un contact régional avec les équipes postales, mais il serait trop risqué d'allouer la décision au niveau local surtout dans la période de lancement.

Nous ne prêterons pas qu'aux riches, mais à toutes les collectivités locales, en tenant compte de leur situation, non de leur seule richesse mais aussi de la qualité de leur gestion et de leur solvabilité. C'est le métier de banquier !

M. Daniel Raoul, président. - Le projet de loi renforçant la protection du consommateur traite du crédit à la consommation. Quelle est votre éthique en matière de crédit revolving ?

M. Philippe Wahl. - Nous avons lancé un nouveau crédit à la consommation. Nous sommes les premiers à proposer une assistance en cas de surendettement, via une association spécialisée dans le conseil budgétaire aux ménages. Le Crédit mutuel et la Société générale nous imitent : bel hommage ! Le Parlement a voulu que le crédit renouvelable, autorisé par la loi Lagarde, puisse continuer. Le produit que nous développons, et que nous présenterons aux associations de consommateurs, sera différent de ceux proposés par les autres banques.

M. Daniel Raoul, président. - Dieu vous entende...

M. Jean-Paul Bailly. - La loi étant ce qu'elle est, il serait paradoxal que l'acteur le plus exemplaire dans le crédit à la consommation ne soit pas présent sur ce marché. Notre ambition est, là aussi, de faire école. Notre produit sera exemplaire.

M. Daniel Raoul, président. - Je vous remercie. Nos collègues ont parfois du mal à accepter que La Banque Postale, toute différente qu'elle est, reste une banque !

- Présidence commune de M. Daniel Raoul, président et de M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes -

Audition de M. Hervé Jouanjean, directeur général du Budget à la Commission européenne

La commission procède ensuite, lors d'une réunion conjointe avec la commission des affaires européennes, à l'audition de M. Hervé Jouanjean, directeur général du Budget à la Commission européenne, sur le budget européen pour 2012, le futur cadre financier de l'Union et les ressources propres du budget européen.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. - Merci au directeur du budget de la Commission européenne d'avoir répondu à notre invitation conjointe. Je veux vous dire ici, monsieur Jouanjean, combien nous apprécions votre disponibilité toujours renouvelée, lorsque nous nous rendons à Bruxelles.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. - Recevez tous nos souhaits de bienvenue, en même temps que ces quelques questions, pour amorcer notre entretien : comment parvenez-vous à l'équilibre, entre les demandes du Parlement et les exigences des Etats membres ? Quelles sont les principales caractéristiques de cet équilibre ? Quel rôle joue votre direction générale dans l'élaboration des propositions financières de la Commission, en particulier dans le cadre de la Pac et des politiques de cohésion ? Quel est votre rôle dans les arbitrages ? La crise financière que traverse l'Europe vous a-t-elle conduits à modifier certains axes de vos prévisions ?

M. Hervé Jouanjean, directeur général du budget à la Commission européenne. - J'ai toujours plaisir à recevoir les élus à Bruxelles, y compris quand ils viennent de France... Nous sommes certes au service de la Commission européenne, mais il nous appartient aussi de travailler avec tous ceux qui participent aux décisions, y compris au plan national.

Le budget de l'Union, son cadre financier, ses ressources propres, ont donné lieu, à la suite d'une conciliation entre le Parlement européen et le Conseil des ministres, à un accord, lequel reflète des situations nationales difficiles. Le Conseil des ministres de juillet a arrêté les crédits de paiements à 129 milliards, soit une augmentation de 2,09 %, très inférieure aux 4,9 % proposés par la Commission ; un chiffre que nous n'avions pas sorti du chapeau, mais qui résultait d'une évaluation approfondie de la dépense, fondées sur les prévisions de paiement fournies par les administrations nationales, dont je rappelle qu'elles sont ordonnatrices, en gestion conjointe, de 80 % des dépenses, et sur lesquelles, après un examen critique, nous effectuons des arbitrages.

Cette année, notre calcul, mathématique, nous amenait à une croissance de 6,5 % à 7 %. Nous avons considéré qu'il était politiquement impossible de présenter un chiffre aussi élevé, et donc tranché, un peu au doigt mouillé, cette fois, je le reconnais, à 4,9 %, pour informer le Conseil des Ministres et le Parlement européen de la réalité de la pression sur les paiements, tout en restant dans des proportions admissibles.

Le Conseil des ministres en a décidé autrement. La progression sera, in fine, de 1,86 %, si l'on tient compte de la rallonge de 200 millions qui nous a été accordée cette année pour nous éviter d'être, véritablement, à court de moyens : situation inédite, sachant que nous avions plutôt coutume de rendre de l'argent aux budgets nationaux.

Le Parlement européen n'a pas remis en cause ce chiffre : le président de la commission du budget a persuadé ses collègues qu'il n'était pas opportun de batailler avec le Conseil sur les crédits de paiement. Il a préféré se battre pour rétablir les crédits d'engagement, que ce dernier avait réduits de 3,7 milliards. Nous sommes là dans la tradition du débat entre les deux instances, le Parlement s'attachant toujours à faire reconnaître par le Conseil les priorités qu'il a définies pour l'Union.

Mais il en résulte cette année, que la différence entre crédits d'engagements et crédits de paiement est frappante : 13 milliards. Cela n'est pas anormal en soi, puisque le budget européen est essentiellement un budget d'investissements, avec des dépenses étalées sur plusieurs exercices. Toutefois, au 31 décembre 2010, le reste à liquider était de 200 milliards, la pression sur les paiements, avec un budget en si faible augmentation risque d'être considérable dans les années à venir. Pour 2011, nous avons présenté un projet de budget rectificatif de 550 millions ; le Conseil des Ministres en a accordé 200 ; je crains que ce ne soit insuffisant. Déjà, nous ne signons plus de contrats de recherche, parce qu'ils appellent le paiement d'avances. Même situation tendue pour le Fonds social, où les dépenses ont crû de 8 milliards à la mi-novembre 2011 par rapport à la même date en 2010 : c'est considérable, plus que ce que nous avons rendu aux Etats membres en 2010 combiné avec la hausse du budget du dernier exercice. Pour y parer, les Etats membres ont adopté chaque année une déclaration par laquelle ils s'engagent à payer au-delà de ce que prévoit le budget, pour atteindre le montant des paiements effectivement nécessaire. A cet égard, il faut souligner que le budget européen est, lui aussi, sous l'oeil des agences de notation. Il apporte des garanties d'emprunt, sa part au Fonds européen de stabilité financière, à hauteur de 60 milliards, ainsi qu'à d'autres mécanismes financiers. Le triple A que l'on nous accorde aujourd'hui est fondé sur la garantie des Etats, et la solidité de leurs bases. Si nous avions des difficultés, le marché le saurait. Si la situation de l'un ou l'autre Etat membre se détériorait, cela aurait aussi des conséquences.

Ce budget, ainsi que l'ont dit les journaux, est donc un budget de rigueur. La trajectoire des années à venir sera difficile. Les marges de manoeuvre qui nous seront laissées, dans le cadre de la programmation pluriannuelle 2013-2020 sont faibles Par ailleurs, il est important de souligner que le budget européen est, à 94,3 %, un budget d'investissement, seuls 5,7 % allant aux dépenses administratives C'est une dépense qui revient quasi totalement dans les Etats membres. C'est d'ailleurs pourquoi, comme contribuable français, j'ai été choqué de lire, dans la lettre jointe à nos déclarations d'impôts de cette année, que la contribution de la France au budget de l'Europe était présentée au quatrième rang de nos dépenses, après l'éducation, la dette et la défense, sans aucune référence aux 13 milliards d'euros qui reviennent en France, via la Pac, notamment.

Pour assurer ces dépenses d'investissement et tout particulièrement pour les politiques de cohésion et de soutien à la recherche, dont les programmes courent sur plusieurs années, l'Union européenne a besoin de pouvoir agir dans un cadre pluriannuel qui est adopté à l'unanimité des Vingt-sept. Budget d'investissement pour l'essentiel le budget de l'Union européenne, si on le compare aux budgets nationaux, est, de surcroît, très modeste. Il ne représente pas plus de 1 % du revenu national brut, quand la part des budgets nationaux de chaque Etat varie de 37 % à 55,8 % de leur RNB. Il a baissé, alors que les budgets nationaux augmentent. Le réduire ne changera donc guère les choses sinon très marginalement.

Quels sont nos objectifs ? Mettre en oeuvre le traité de Lisbonne et les nouvelles orientations stratégiques « 2020 », moderniser, cibler des objectifs précis, simplifier. Sachant que le mode d'élaboration des règlements qui président aux programmations - discussion au Conseil et « codécision » avec le Parlement - donne lieu à des mécanismes de gestion des fonds très complexes, nous avons voulu simplifier. Nous présenterons en janvier, au Parlement et au Conseil, des propositions de simplification, qui feront bien ressortir, je l'espère, combien pourraient être épargnées de complications.

Nous présenterons un budget réorienté, mieux équilibré dans son financement. Sur sept ans, en euros constants 2011, le budget se stabilisera au plafond des dépenses prévu pour 2013, dernière année du cadre budgétaire actuel : le contexte exige une telle maîtrise. Il s'établira à 1 025 milliards sur la période, soit une moyenne de 1,05 % du RNB, en baisse par rapport au taux d'appel actuel. Les crédits de paiement s'établiront à 970 milliards, soit un taux de 1 %, qui répond précisément au souhait initialement exprimé par la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, qui demandaient une stabilisation des dépenses sur la base de 2013. Mais la ligne de but s'est hélas, depuis, déplacée, et les Britanniques exigent désormais que l'on raisonne, non plus sur 2013, mais sur 2011...

La structure du budget a été modifiée pour mettre l'accent sur les dépenses d'innovation et de recherche, celles qui créent croissance et emploi. Mais nos marges de manoeuvre sont rétrécies par deux contraintes. La Pac, en premier lieu, dont la France peut se féliciter que sa continuité et sa stabilité ne soient pas substantiellement remises en cause : le chiffre proposé représente en effet une stabilisation des dépenses en euros courants. Seconde contrainte, la cohésion, pour la stabilisation de laquelle nous avons pu abaisser le plafond des transferts vers ceux qui en bénéficient le plus, en tenant compte de l'amélioration de leur situation. Les montants ainsi libérés ont permis d'augmenter les disponibilités pour la « croissance intelligente », et l'investissement, en particulier avec le Fonds Européen de connexions pour financer ce qu'en anglais on désigne par les termes de « core infrastructures », afin d'achever de tisser les mailles du grand marché intérieur de l'énergie, des transports et des technologies de l'information. S'ajoutent à cela les crédits destinés à la sécurité, à la citoyenneté, à l'Europe dans le monde, tandis que les dépenses administratives seront stabilisées grâce à un effort de réduction des effectifs de 5 % sur cinq ans et à une stabilisation des crédits de personnel des agences.

Vous voyez que, contrairement à ce que l'on entend dire par certains, qui invoquent une augmentation de 3,2 % des dépenses sur la période, le budget est stabilisé. On peut toujours jouer avec les statistiques, certains comparent la moyenne 2013/2020 à celle de 2007/2013. S'agissant d'une stabilisation de la dépense au niveau de 2013, il est évident que soit le chiffre de 2013, soit la moyenne 2013/2020 - ce qui est la même chose - est en croissance par rapport à la moyenne 2007/2013. C'est une vérité statistique qui ne changera rien au fait que la dépense est stabilisée sur la base 2013. Si l'on examine maintenant l'évolution de la dépense exécutée au regard du plafond de crédits de paiement, on constate, outre une tendance à la baisse des moyens dont dispose le budget, que les deux courbes se rapprochent.

Il est vrai que nous avons placé quelques lignes de dépenses hors du cadre financier, mais sans sortir en rien de la pratique traditionnelle, où de tels mécanismes de flexibilité ont toujours existé. De fait, ils sont nécessaires dans un budget très structuré, et qui subit l'influence, ajouterais-je pour le déplorer, de l'obsession des Etats membres sur l'évolution de leur contribution nette qui domine le comportement des délégations au point de nuire à l'efficacité de la dépense, puisque chacun préfère afficher un solde positif plutôt que travailler sur la structure des politiques : voilà qui sera un vrai débat pour le prochain cadre financier.

Nécessaire flexibilité, donc, comme cela a toujours été le cas, et non effet d'une manipulation des chiffres. Pour l'aide d'urgence, tout d'abord - et les besoins n'ont pas manqué : raz de marée en Asie, tremblements de terre en Turquie ou en Haïti, intervention humanitaire en Lybie, inondations au Pakistan, etc. Le Fonds de solidarité est également placé hors budget, pour des raisons que chacun comprendra. Nous avons renforcé le Fonds d'ajustement à la mondialisation, pour répondre à des situations affectant, au-delà de l'industrie, le monde agricole, qui pourrait être mis à rude épreuve par les résultats de l'une ou l'autre négociation multilatérale ou bilatérale à venir, et auquel nous affectons jusqu'à 2,5 milliards, tandis que 500 iront à l'industrie. A quoi s'ajoute une réserve de crise pour l'agriculture, nouvelle disposition qu'il nous a semblé justifié de sortir de la rubrique 2, puisqu'elle sert à faire face à des dépenses imprévues, comme celles qu'a entraînées la crise du concombre, mais non pas stables.

Le FED, enfin, reste, comme cela est de tradition, hors cadre. Il est vrai que le Parlement européen et la France plaident pour son intégration. On peut comprendre la position française : la clé de répartition étant différente du taux d'appel en pourcentage du RNB, sa contribution lui coûte plus cher. Mais nous avons franchi une nouvelle étape dans l'harmonisation des clés de répartition.

Pour ce qui concerne les projets ITER et G.M.E.S., enfin, la Commission, sous l'impulsion de son Président, a voulu envoyer un message aux Etats membres. Il s'agit là de projets majeurs, fondamentaux pour l'avenir, mais dont le coût est, du même fait, faramineux au regard de la taille du budget européen. D'autant que les coûts de financement ne sont pas suffisamment maîtrisés. Pour ITER, les mesures prises en concertation avec le management du projet devraient résoudre les problèmes de gestion, mais il n'en reste pas moins que nous travaillons dans l'inconnu : il est impossible de prévoir toutes les situations. En témoigne la rallonge de 1,3 milliard dont il faudra bien décider très rapidement maintenant

Or, les Etats membres, qui ne sont pas prêts à mettre plus d'argent frais au pot, demandent, comme ce fut le cas pour Galileo, que l'on procède par redéploiement des ressources. C'est là un sujet de discorde entre Conseil et Parlement. Depuis dix-huit mois, nous disons au conseil d'administration d'ITER que nous sommes d'accord pour financer les surcoûts, mais que nous avons à régler un problème de procédure budgétaire. Osons croire qu'il se résoudra avant la fin de l'année, sauf à susciter de lourdes difficultés. Nous avons donc voulu envoyer un message : on ne peut demander au budget européen de financer ces surcoûts, au détriment des programmes de recherche et du soutien aux PME qui contribuent à l'innovation.

Un mot sur la finalisation des maillages énergie, transport et technologies de l'information, avec l'utilisation des instruments financiers, notamment les « project bonds » européens. La rigueur du cadre financier nous amène à rechercher des financements innovants, avec des effets de levier importants, sachant que les projets visés sont susceptibles de générer des retours sur investissement suffisamment importants pour financer les remboursements. D'où la décision de mettre ces instruments financiers à la disposition de la Banque européenne d'investissement et des institutions homologues au sein des Etats, comme la CDC pour la France. On répond ainsi aux besoins en mettant à disposition des moyens plus importants, sous forme de garantie ou de participation au capital des sociétés de financement. L'objectif, tout particulièrement en matière d'infrastructures, est de conférer un statut privilégié à des opérations que le marché, parce qu'elles sont à très long terme, n'est pas prêt à financer. Si bien que pour parler en ces termes, nous améliorons leur rating pour les rendre bancables (sourires). Cela dit, il ne faudrait pas que certains y voient l'occasion de réduire encore le budget européen, ce qui serait dramatique.

Pour la recherche et l'innovation, comme pour la cohésion, nous avons voulu regrouper les instruments, dont la dispersion complique beaucoup les choses pour les bénéficiaires, qui doivent frapper à plusieurs portes et répondre à des exigences différentes. Nous proposons un instrument global, simplifié, avec une présentation des dossiers et des méthodes de contrôle standardisés.

Au total ce seront 80 milliards qui iront à la recherche et à l'innovation, et 40 milliards aux infrastructures et aux technologies de l'information, auxquels s'ajoutent les 10 milliards du Fonds de cohésion fléchés vers les infrastructures.

La politique de cohésion est, elle aussi, simplifiée. Une nouvelle architecture, distingue trois catégories de régions - régions en retard de développement, ou dit de convergence, avec un PIB par habitant inférieur à 75 % à la moyenne de l'Union, régions en transition, avec un PIB compris entre 75 % et 90 %, régions plus avancées, avec un PIB supérieur à 90 % de la moyenne. Au-delà du filet de sécurité qui s'applique aux régions qui quittent la convergence : les régions qui demeurent au-delà du seuil de 75 % mais au-dessous de celui de 90 % peuvent souffrir d'importants problèmes de reconversion, susceptibles de les tirer vers le bas ; il faut aussi concentrer des moyens en leur faveur pour de simples raisons d'équité. La conditionnalité est aussi renforcée, la part de la Pac et de la cohésion est ramenée pour chacune de ces politiques à 33 % du budget à l'horizon 2020. Pour la Pac, outre le changement de structure des paiements directs, un paiement vert est introduit. Un effort de convergence, via l'harmonisation régionale et nationale des paiements ainsi que la réduction des écarts entre les Etats membres est engagé.

Pour le volet «  Europe dans le monde », le niveau des dépenses proposé part de l'hypothèse que la part de la contribution de l'Union européenne dans la contribution globale de l'Europe à l'aide au développement est maintenue.

J'en viens, avec la question des ressources propres, au financement du budget. Les pères fondateurs avaient prévu de l'alimenter, progressivement, par des ressources propres. Au sens strict, celles-ci recouvrent, aujourd'hui, deux types de ressources, d'une part les ressources propres traditionnelles, les droits de douane, en forte baisse avec l'ouverture des marchés ainsi que les cotisations sucre, et d'autre part la TVA, calculée selon des modalités statistiques complexes auxquelles nous proposons de renoncer, ainsi que, calculée selon une clef établie sur base du revenu national brut, la contribution budgétaire des Etats. Ces deux sources de financement représentent aujourd'hui 85 % des recettes du budget et c'est bien là le drame. Les Etats ne regardent que le niveau de leur contribution et oublient ce qu'ils reçoivent du budget européen; bien peu acceptent de se souvenir que les nouveaux Etats membres, qui nous ont ouvert leurs marchés, ont droit, en contrepartie, aux aides sur lesquelles nous nous sommes engagés.

Ce mode de financement par pourcentage du RNB est devenu un poison pour le débat. Compte tenu des deux contraintes que sont le maintien de la Pac et des engagements dans le domaine de la politique de cohésion, il est clair que toute réduction globale de la taille du budget telle qu'évoquée par de nombreux Etats membres réduira nécessairement les disponibilités pour les dépenses d'avenir. Autrement dit, il faut craindre que les Etats décident de couper où cela fait le moins de mal à court terme, c'est-à-dire les infrastructures et la recherche, là où cela fait le plus mal pour l'avenir.

La Commission propose plusieurs évolutions. En finir, tout d'abord, avec une contribution TVA coûteuse et inutile, pour introduire un prélèvement d'un point de TVA au bénéfice de l'Union européenne. Sachant qu'il convient, dans un souci d'équité, de tenir compte des différences de régimes entre les Etats, l'idée envisagée est de n'utiliser, comme base de référence, que les produits taxés au taux standard dans l'ensemble de l'Union. Introduire, ensuite, une ressource propre nouvelle, à hauteur des deux tiers du produit de la taxe sur les transactions financières, si elle est adoptée. Avec un tel schéma, nous serions aujourd'hui à 60 % de véritables ressources propres. Et je n'indique pas le bénéfice collatéral, pour les Etats, de la réduction comptable de la dépense, puisque ces ressources ne transiteraient plus par leur budget national.

Nous proposons, enfin, de modifier le régime des corrections financières. S'il est normal que continuent de s'appliquer les principes de Fontainebleau, qui veulent qu'un Etat dont la contribution est disproportionnée au regard de sa prospérité soit en droit de demander une correction, il reste que le régime actuel est inéquitable, et crée la confusion. Nous proposons donc de le remplacer par un système forfaitaire. La correction obtenue par le gouvernement britannique en 1984, établie sans limite de temps, alors que le pays, fort contributeur au budget agricole, était beaucoup plus pauvre qu'aujourd'hui, n'a plus lieu d'être, mais le Royaume-Uni n'en mérite pas moins, pour de toutes autres raisons, de bénéficier d' une correction. Nous proposons de l'établir à 3,6 milliards. L'Allemagne, qui profite aujourd'hui de rabais flous, bénéficierait quant à elle de 2,5 milliards, les Pays-Bas de 1,05 milliards, la Suède de 350 millions.

J'en viens, pour finir, au calendrier des négociations. La présidence danoise souhaitait aboutir au Conseil européen de juin 2012. Mais les circonstances politiques étant ce qu'elles sont, il paraît difficile de trancher avant la fin des échéances électorales françaises. Juin ne pourra donc être que l'occasion de dresser un état des lieux et d'avancer sur les modalités techniques, la vraie négociation, dont M. Van Rompuy prendra les rênes, ne pouvant aboutir qu'au second semestre de 2012, sous présidence chypriote. En tout état de cause, puisse le dossier suffisamment avancer, au cours de cette année, pour que les actes sectoriels que nous avons définis soient examinés par le Conseil à temps pour nous permettre de préparer du moins le budget pour 2014 en connaissance de cause.

M. Simon Sutour, président. - Merci pour cet exposé complet. Au Sénat, nous sommes très attentifs à la PAC - un groupe de travail lui est consacré - et à la politique de cohésion. Il nous est plus agréable de vous entendre sur la politique de cohésion que d'écouter le secrétaire d'Etat aux affaires européennes sur ce même sujet. Le Sénat a adopté à l'unanimité une proposition de résolution que j'ai cosignée avec M. Gaillard pour appuyer les propositions de la Commission sur la politique de cohésion, notamment en ce qui concerne la notion de région intermédiaire que vous avez développée dans votre exposé. J'espère que nous aboutirons sur cette question. La carte de l'Europe que vous nous avez présentée était particulièrement éloquente à cet égard.

M. Joël Guerriau. - Merci pour cette excellente présentation. Nous mesurons les difficultés de votre fonction.

Quelques Etats membres suggèrent de sanctionner ceux qui ne respectent pas les règles de bonne gestion budgétaire, notamment en réduisant les fonds structurels. Qu'en pensez-vous ?

Plusieurs Etats connaissent une crise sans précédent de leur dette. Quel devrait-être le rôle de l'Europe ? Pourrait-elle contribuer à une politique de relance ?

Vous avez parlé de recours à des instruments financiers innovants, notamment grâce aux emprunts obligataires européens. Un grand emprunt européen pourrait-il contribuer à la relance ?

M. Simon Sutour, président. - Je vais laisser la parole à Mme Bourzai qui a représenté le Sénat à une réunion qui s'est tenue le mois dernier à Bruxelles et à laquelle participaient les représentants des Etats membres, des parlements nationaux et les eurodéputés.

Mme Bernadette Bourzai. - Il serait sans doute préférable que je vous fasse part de mes réflexions à la fin de cette réunion.

Une question très précise : le 21 octobre, le fonds de connexion se montait à 50 milliards et vous nous l'avez annoncé à 40 milliards. S'agit-il d'une des restrictions que l'on vous a imposées ?

M. Daniel Raoul, président. - La taxe sur les transactions financières (TTF) sera-t-elle créée ? Quelle pourrait être l'échéance de sa mise en place ?

M. Richard Yung. - Comment voyez-vous l'évolution des ressources propres d'ici à huit ans ?

Pour certains, les eurobonds permettent de lever de l'argent à moindre coût pour aider les Etats qui ont du mal à emprunter sur les marchés, alors que d'autres, dont je suis, estiment que ces eurobonds doivent être considérés comme une ressource supplémentaire permettant de financer un certains nombre de grands projets.

J'en viens aux remboursements à la Grande-Bretagne, la perfide Albion. Vous proposez de les stabiliser à 3,6 milliards pour le prochain cadre financier. Ne pourrait-on envisager de réduire progressivement ce montant ?

Mme Fabienne Keller. - Merci pour votre présentation. Le budget de l'Europe est aux mains de deux Français, ce qui nous donne une responsabilité particulière.

Vous avez évoqué la question de la notation. Pouvez-vous développer ? Pensez-vous que l'Union européenne doit pouvoir s'endetter ?

Pouvez-vous nous en dire plus sur la TTF ? La Commission a beaucoup évolué sur le sujet après la prise de position du Parlement européen. Au-delà de la ressource que va fournir cette taxe, il serait intéressant de mesurer le volume des transactions et la nature des produits échangés.

Le financement des opérations transfrontalières a été un levier important dans le développement des projets bi ou tri nationaux. Beaucoup d'Etat membres y tiennent mais la France est particulièrement concernée avec ses huit frontières.

Enfin, ma dernière question portera sur la Magistrale, l'axe ferroviaire Paris - Budapest via Strasbourg. Ce projet est-il maintenu ? Certes, les 40 milliards annoncés peuvent paraître considérables mais si l'on additionne le ferroviaire, les gazoducs, la sécurisation des approvisionnements électriques, les interconnexions en Europe et le très haut débit, cette somme est relativement modeste puisqu'il s'agirait, en définitive, de 7 à 8 milliards par an.

M. Simon Sutour, président. - Je donne la parole à Pierre Bernard-Reymond, qui est à l'origine de cette audition

M. Pierre Bernard-Reymond. - Rendons à César ce qui lui appartient : j'ai repris une idée de M. Jouanjean, que je remercie pour son initiative.

Le budget de l'Union européenne représente 1 % du revenu national brut européen (RNB), ce qui est presque ridicule. Etant un Européen convaincu, je pense que nous ne pourrons pas être crédibles tant que ce budget en restera à un si faible niveau. Le budget fédéral des Etats-Unis représente 25 % du RNB, ce qui donne la mesure de la différence entre les marges de manoeuvres de l'Union et celles d'un véritable Etat fédéral.

Les Etats qui croulent sous leurs dettes veulent, à juste titre, les réduire mais pourquoi projettent-ils au niveau de l'Europe les mêmes réflexes ? On pourrait très bien transférer un certain nombre d'investissements à l'Europe et donner ainsi au budget européen une autre capacité. En outre, cela améliorerait les marges de manoeuvres de chaque Etat et leur permettrait de réduire leurs dettes souveraines. Le fait d'entériner la stagnation de ce budget à 1% est très décevant.

J'en viens aux project bonds : souhaitez-vous pouvoir emprunter pour les grandes infrastructures ?

Etes-vous favorables à la mutualisation des emprunts des Etats avec les eurobonds ? Pourquoi ne pas commencer par la mutualisation de dettes des Etats classés AAA ? Cette première étape permettrait de solliciter les marchés à des taux inférieurs à ce qu'ils sont aujourd'hui.

Pour les ressources propres, vous préconisez d'abandonner la solution TVA, telle qu'elle était présentée jusqu'à présent, mais vous souhaitez instaurer une nouvelle ressource TVA. Selon vous, seuls les biens et services taxés au taux normal dans les 27 Etats constitueraient l'assiette de cette nouvelle ressource. Interdirait-on alors à un Etat de changer de taux de TVA pour l'empêcher de s'exonérer d'une partie de l'assiette ?

Les positions de la Grande-Bretagne et de la Suède sur la TTF sont inquiétantes. S'agit-il d'une simple posture avant que la négociation ne s'engage ou bien d'un refus ferme ? Si tel est le cas, ne faudrait-il pas examiner d'autres ressources propres, comme les taxes sur l'énergie, sur le tabac, sur l'alcool, sur le CO2, que vous aviez un temps envisagées avant de les repousser ?

Certains sont favorables à la TTF et s'autres y sont opposés, et puis il y a ceux qui anticipent sur son attribution. Comment parvenir à ce que le produit de la TTF aille bien aux ressources propres de l'Union européenne ?

Comment avez-vous calculé les rabais forfaitaires des Etats qui en bénéficient ? A partir de quel seuil estimez-vous qu'un Etat membre mérite un rabais ?

M. Hervé Jouanjean. - La question des ressources propres est la plus importante : la semaine dernière, j'étais au Comité des représentants permanents pour un débat d'orientation politique, sur cet aspect de la proposition de la Commission. Ceux parmi mes collaborateurs qui avaient connu les précédentes batailles ont trouvé que la discussion s'était mieux passée qu'en 2003 lorsque la Commission avait proposé de mettre en place de nouvelles ressources propres : à l'époque, le projet avait été enterré en vingt minutes par le Conseil des Ministres. Cette fois-ci, il n'y a pas eu de rejet unanime et il y a même eu des ouvertures, mais nous sommes encore bien loin du compte. Ce qui m'a frappé, c'est le manque total de vision de la part de certains intervenants qui voulaient tous se débarrasser de l'actuelle ressource TVA mais pour en revenir à la contribution sur le RNB, c'est-à-dire une contribution classique pour une organisation de type intergouvernemental. Cela démontre une absence totale d'ambition pour l'Union. J'ai été très choqué et je le leur ai dit. C'était la première fois depuis la décision sur les ressources propres de 1970 que la Commission proposait un paquet aussi bien structuré. Va-t-il passer ? Nous en sommes loin, mais un certain nombre d'Etats membres sont disposés à discuter de la TTF, ce qui ne signifie nullement qu'ils sont tous disposés à en faire une ressource propre, du moins dans un premier temps.

Sur la TVA, les positions sont partagées. Nous avons bien dit qu'il ne s'agissait pas d'ajouter un point de TVA mais de prélever, au sein de la TVA de chaque pays, un point pour financer le budget européen. En outre, la Commission va prochainement proposer de moderniser le système de la TVA, afin de lutter contre la fraude. Il est question de plusieurs dizaines de milliards d'euros, voire même 180 milliards, qui pourraient revenir dans les caisses des Etats européens.

En ce qui concerne la TTF, la Suède a eu une expérience malheureuse, ayant fixé un taux beaucoup trop élevé. Nous proposons un taux très faible avec une assiette très large : 0,01% pour les produits dérivés et 0,1% pour les autres opérations, ce qui ne devrait pas avoir d'effets majeurs sur la délocalisation des activités. Certains prennent le prétexte d'une petite phrase dans les études d'impact de la Commission pour prétendre que cette taxe réduirait le nombre de transactions. Certes, mais dans un domaine très particulier, le high speed trading qui génère des profits substantiels pour certains opérateurs, mais dont l'existence est inutile pour le financement de l'économie et qui est une véritable plaie pour le système financier. A ma connaissance, tout le monde veut s'en débarrasser, à commencer par les autorités du New York stock exchange.

Nos amis britanniques y voient une attaque contre la place de Londres ce qui n'est pas l'intention de la Commission : les crédits que les Etats ont mis à la disposition du système financier au moment de la crise de 2008 ont été considérables et la contribution de ce système au financement des dépenses publiques est faible, d'autant qu'il ne paye pas la TVA. Il est donc équitable que le système financier contribue au fonctionnement des Etats grâce à cette TTF. Si nous pouvions avoir une décision au niveau international, notre tâche en serait facilitée, mais si personne ne commence, la TTF ne verra jamais le jour. Continuons à agir, comme l'a fait le gouvernement français lors du sommet du G20, pour obtenir la création de cette taxe. La question de l'affectation nous renvoie à la vision politique de l'Europe : voulons-nous la doter de ressources propres, mettre le budget européen à l'abri de fluctuations économiques et politiques nationales ? Aujourd'hui, chaque Etat en difficulté veut réduire sa contribution. Est-ce une bonne chose ?

Si cette TTF n'est pas mise en oeuvre, quelles pourraient être les autres ressources propres ? La Commission a examiné diverses possibilités, notamment une taxe sur l'énergie mais elle pénaliserait les nouveaux Etats membres beaucoup plus énergivores. Une taxe sur l'aviation civile aurait pu rapporter entre 10 et 15 milliards, mais elle n'a pas été retenue. Elle aurait posé moins de problème que la contribution de l'aviation civile au système d'emissions trading. Nous avons repoussé la taxe sur la base d'imposition commune pour les entreprises qui est à l'heure actuelle irréaliste.

Les EU project bonds proposés dans les documents de la Commission sur le cadre financier sont des émissions d'obligation effectuées par des opérateurs auxquels nous apportons des garanties ou au capital desquels nous participons pour renforcer leurs structures financières. Il ne s'agit donc pas pour l'Union ou pour le budget européen de s'endetter mais d'apporter des garanties pour permettre le montage d'opérations financières. Sur les eurobonds, nous sommes dans un domaine totalement différent puisqu'il s'agit de savoir si l'on peut financer les Etats grâce l'émission de ces bonds. La Commission a présenté cette semaine un livre vert sur les stability bonds - la même chose -qui analyse la possibilité d'émettre de telles obligations au regard de l'article 125 du Traité qui interdit des soutiens mutuels. L'approche la plus ambitieuse implique des modifications du Traité et donc des délais importants de plusieurs mois, voire plus. Nous ne sommes donc pas tout à fait dans le même calendrier que les marchés. En outre, Mme Merkel a rejeté ces propositions assez brutalement.

Le président de la commission des budgets du Parlement européen, M. Lamassoure, a parfaitement raison : l'Europe dispose d'une valeur ajoutée qui permet de faire des économies au niveau national et d'en tirer bénéfice au niveau européen. Malheureusement aujourd'hui, les Etats membres ne sont pas ouverts à ces idées. Il faudra bien, un jour ou l'autre, que nous avancions et que nous acceptions un partage des tâches plus efficaces entre les Etats et l'Europe.

Une anecdote à ce propos : lorsque j'étais négociateur commercial à l'OMC, j'ai toujours été étonné de voir qu'alors même que l'Union européenne négociait pour le compte de ses Etats membres, nous étions suivis à chaque réunion par une cohorte de fonctionnaires nationaux. C'était totalement inutile : pourquoi ne pas faire confiance au négociateur qui avait un mandat de négociation très clair, qui devait rendre des comptes et qui, s'il ratait sa négociation, recevait un accueil des plus négatifs lorsqu'il revenait devant le Conseil des ministres pour proposer la signature d'un accord ? Pour avoir négocié un certain nombre d'accords internationaux, je puis vous assurer que la nécessité de faire accepter l'accord par les Etats en Conseil des ministres était notre obsession. Dans bien des domaines, beaucoup plus importants, nous pourrions donc faire des économies.

Sur la question de la notation AAA, il faut d'abord savoir que le budget européen ne peut pas être en déséquilibre. Il n'y a donc pas de dettes. Cela dit, le décalage croissant entre les crédits d'engagement et les crédits de paiement et l'augmentation du reste à liquider peut inquiéter. En ces temps budgétaires difficiles, c'est un défi pour la Commission comme pour les directions des budgets des Etats membres.

En application des décisions du Conseil, nous intervenons sur les marchés pour emprunter de l'argent que nous prêtons à notre tour. Nous l'avons fait pour la Hongrie il y a trois ans et aujourd'hui même, le compte de la Commission auprès de la BCE a été crédité de plus de deux milliards, soit le montant que ce pays devait mettre à notre disposition puisque l'emprunt était arrivé à échéance et que nous devions, nous même, rembourser les opérateurs sur les marchés. L'opération s'est bien passée même si nous étions très attentifs compte tenu de la situation difficile du pays. Dans ces cas là, nous sommes de simples intermédiaires pour faire bénéficier nos Etats membres plus faibles du AAA. C'est ce que nous faisons pour les soutiens de balance des paiements pour les pays non membres de la zone euro, pour le FESF avec les 60 milliards communautaires et pour des opérations de la Banque européenne d'investissement. Si nous avons ce triple A, c'est parce que les Etats membres donnent une garantie illimitée de fournir des fonds pour payer les opérateurs sur le marché au cas où un Etat, auquel nous aurions prêté de l'argent, ferait défaut. Nous aussi, nous sommes donc sous la surveillance permanente des agences de notations.

Vous m'avez interrogé aussi sur les fonds de cohésion : 40 milliards sont inscrits à la rubrique croissance soutenable et 10 figurent dans les fonds de cohésion pour les nouveaux Etats membres et qui seront gérés directement par la Commission, ce que ces Etats acceptent d'ailleurs mal car ils voudraient gérer eux-mêmes ces crédits. Mais nous souhaitons une assurance que ces fonds seront utilisés dans les projets qui intéressent l'Europe, à savoir les maillons faibles comme les grands liens autoroutiers, ferroviaires ou énergétiques dont l'Europe a besoin pour achever ses grilles.

Avec les programmes de coopération transfrontalière, nous avons renforcé la cohésion territoriale et les dispositions du traité de Lisbonne sont mieux mises en oeuvre. Le nouveau cadre financier pluriannuel apporte plus de moyens pour ces programmes.

J'en viens aux sanctions. Nous cherchons à ce que nos politiques soient au service de nos objectifs, notamment l'objectif 2020. Nous allons donc instaurer une conditionnalité ex ante : lorsque nous négocierons avec les Etats les programmes nationaux pour la mise en oeuvre du cadre stratégique, nous leur demanderons de nous assurer qu'ils disposent des outils nécessaires pour la mise en place et l'accompagnement de ces programmes Nous vérifierons que les objectifs ont été atteints, sinon les paiements seront suspendus. Enfin, la macro-conditionnalité, proposée par la Commission, sera un dispositif très progressif lié à la mise en oeuvre de notre nouvelle politique en matière budgétaire. Il s'agira d'accompagner les décisions du Conseil par des actions concrètes concernant la mise à disposition de fonds. Ainsi, dans le cadre d'un programme d'ajustement, nous examinerons si les programmes financés au titre des fonds auront été amendés pour tenir compte des recommandations du Conseil ou non.

Mme Bernadette Bourzai. - J'ai représenté le Sénat à la conférence sur le cadre financier pluriannuel pour les années 2014-2020 qui s'est tenue à Bruxelles les 20 et 21 octobre dernier, à l'invitation de la Commission européenne et du Parlement européen. Je voudrais indiquer quelques enseignements que j'ai tirés de ces échanges.

D'abord, un consensus s'est dégagé sur la nécessité d'améliorer l'efficacité de la dépense. Le commissaire Hahn a lui-même appelé de ses voeux des dépenses plus ciblées et tournées vers le résultat. La majorité des intervenants ont soutenu l'idée de poser des conditions plus strictes au versement des fonds structurels. Certains ont néanmoins critiqué la macro conditionnalité économique, proposition visant à suspendre le versement des fonds structurels lorsqu'un Etat ne respecte pas ses obligations en termes de dette et de déficit. En réponse, le commissaire Hahn s'est voulu rassurant. Pour lui, ce mécanisme a une vocation plus préventive que punitive. Il a aussi fait observer que ce mécanisme existait déjà pour le fonds de cohésion.

Le représentant de la France, M. Philippe Etienne, a rappelé la nécessité de simplifier les règles, notamment pour le budget recherche ; il a insisté pour une évaluation et une réforme de toutes les politiques européennes, et pas seulement de la PAC ! Il a également appelé à améliorer les synergies entre le budget européen et les budgets nationaux. Des représentants du Royaume Uni et du Danemark ont été encore plus loin dans leur plaidoyer en faveur de l'efficacité budgétaire. Ainsi, le député danois Lundquist est allé jusqu'à conclure la table ronde avec ces mots : « moins, c'est plus », c'est-à-dire que moins de budget, c'est plus d'Europe ! C'est dire la valeur ajoutée de l'Europe...

Deuxième grande idée force des intervenants : le cadre financier doit être mis au service de la croissance. Le représentant de la chambre des communes a demandé de se concentrer sur une seule question : pourquoi la croissance stagne-t-elle dans l'UE ? La plupart des intervenants, au premier rang desquels l'espagnol Salvador Garriga-Polledo, rapporteur pour le Parlement européen sur le cadre financier pluriannuel, ont estimé que le cadre financier pluriannuel pouvait être un instrument au service de cet objectif. C'est pourquoi le Parlement européen veut augmenter d'au moins 5 % les dépenses de l'Union pour 2014-2020. D'autres intervenants ont plutôt demandé un lien plus étroit entre les dépenses de cohésion et celles de compétitivité. Le commissaire Hahn a mis l'accent sur le fonds « Connecting Europe » doté de 50 milliards d'euros et sur l'augmentation de 80 milliards d'euros du budget Recherche et innovation. Philippe Etienne a demandé de ranger aussi la sécurité alimentaire parmi les dépenses d'avenir. Un député allemand a estimé, pour sa part, que les moteurs clefs de la compétitivité européenne seraient l'exploitation d'une économie pauvre en carbone et le marché unique du numérique. Surtout, de très nombreux intervenants ont défendu la politique de cohésion, en considérant qu'elle est non seulement un outil de solidarité mais aussi un investissement d'avenir.

Troisième constat que l'on peut dégager de cette table ronde : un consensus est loin d'être complètement acquis aujourd'hui. Ainsi, concernant la PAC, certains, comme le ministre italien chargé des affaires étrangères, ont jugé que la Commission allait trop loin. D'autres au contraire ont jugé qu'elle n'était pas assez audacieuse ; par exemple, un député portugais a dénoncé la lenteur du processus de convergence des paiements, puisque cette convergence ne sera complètement effective qu'en 2037 pour les pays baltes!

De même, pour ce qui concerne la politique de cohésion, une tension est apparue entre les principes de solidarité et d'efficacité. Le représentant de la Hongrie a critiqué l'abaissement du plafond des aides dont un Etat peut bénéficier au regard de son PIB, ce qui traduirait un défaut de solidarité à l'égard des Etats les plus pauvres. D'autres, comme les élus lettons ou slovènes, ont souligné la faible absorption des fonds structurels dans certains pays, et ont jugé prioritaire de récompenser les pays les plus efficaces dans la consommation des crédits.

Je voudrais souligner que le Parlement européen a affiché une position très ferme. Le rapporteur Böge a insisté sur le rôle que le Parlement européen entend jouer dans l'élaboration du cadre financier pluriannuel, y compris sur les ressources budgétaires, alors que cet aspect n'entre pas, selon les traités, dans ses compétences. Et il a exclu de ramener le montant du cadre financier sous la barre de 1 % du RNB (revenu national brut).

Pour ma part, j'ai soutenu la position française sur la PAC et la recherche, y compris l'importance des projets ITER et GMES. Conformément à la position prise par le Sénat, j'ai bien sûr soutenu la politique de cohésion, en particulier la création d'une nouvelle catégorie de régions en transition. J'ai insisté également sur la nécessité de rétablir les moyens des régions ultrapériphériques, mais le Commissaire Hahn s'est limité, sur ce sujet, à encourager la coopération entre ces régions, ce qui s'entend pour les Caraïbes, mais moins bien pour La Réunion ou Mayotte et qui justifie notre vigilance à l'avenir !

M. Simon Sutour, président. - Ce sujet va continuer à nous occuper tout au long de l'année 2012, surtout au cours du second semestre.

- Présidence de M. Daniel Raoul, président -

Travaux de l'Opecst sur la sécurité nucléaire - Désignation des membres de la commission associés

Enfin, la commission procède à la désignation des huit membres associés aux travaux de la mission de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur la sécurité des centrales nucléaires et l'avenir de la planète.

Sont désignés :

- pour le groupe SOC-EELV : MM. Didier Guillaume et Michel Teston ;

- pour le groupe RDSE : M. Raymond Vall, en remplacement de M. Jean-Marie Bockel ;

- pour le groupe CRC : Mme Mireille Schurch, en remplacement de M. Jean-Claude Danglot ;

- pour le groupe UMP : Mme Élisabeth Lamure et MM. Ladislas Poniatowski et Alain Houpert ;

- pour le groupe UCR : M. Jean Claude Merceron.