Mercredi 14 décembre 2011

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Etude relative au régime d'assurance maladie complémentaire d'Alsace-Moselle - Audition de MM. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre, Michel Braunstein, président de section, et Mme Marianne Kermoal Berthomé, rapporteur, de la Cour des comptes

La commission procède à l'audition de MM. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre, Michel Braunstein, président de section, et Mme Marianne Kermoal Berthomé, rapporteur, de la Cour des comptes sur l'étude relative au régime d'assurance maladie complémentaire d'Alsace-Moselle.

Mme Annie David, présidente. - Conformément à l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, la commission des affaires sociales a commandé, il y a un an, une étude à la Cour des comptes sur le fonctionnement et les enseignements à tirer du régime local d'assurance maladie complémentaire d'Alsace-Moselle.

M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre. - Le sujet d'étude que la commission des affaires sociales a confié à la Cour est ancré dans une réalité historique remontant à l'annexion par l'Empire allemand des trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle : le régime a ainsi été créé en 1884, maintenu en 1918 et en 1946, malgré l'adoption des ordonnances sur la sécurité sociale, pérennisé en 1991, malgré les difficultés financières, et rendu autonome en 1994.

En outre, il est d'une réelle actualité, tant juridique que financière. Le Conseil constitutionnel s'est prononcé pour la première fois cet été, par sa décision du 5 août 2011, sur les particularités du droit local alsacien-mosellan à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le travail du dimanche dans les départements de l'Alsace et de la Moselle. A cette occasion, le Conseil a dégagé un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République s'agissant du droit local antérieur à la Constitution de 1946. Par ailleurs, le conseil d'administration du régime local d'assurance maladie en Alsace Moselle vient de décider, le 28 novembre dernier, de diminuer le taux des cotisations de 0,1 point. Celui-ci passe ainsi de 1,6 % à 1,5 % grâce à une situation financière favorable et à l'accumulation des excédents passés.

Le régime local d'Alsace-Moselle est un système de couverture du risque santé tout à fait unique en France. Il s'agit en effet d'un régime complémentaire mais obligatoire qui intervient au-delà de la prise en charge du régime général de base et avant intervention éventuelle des organismes complémentaires facultatifs. Nous sommes devant un exemple d'assurance maladie à trois étages : la base obligatoire, la complémentaire obligatoire et la complémentaire facultative. Quand on parle de régime local équilibré, on ne parle donc que de ce deuxième étage de protection sociale et non de l'assurance maladie de base qui reste le régime général.

Il existe en réalité deux régimes locaux : l'un pour les assurés du régime général qui y sont éligibles et l'autre pour les salariés agricoles, la MSA d'Alsace-Moselle ayant un système similaire d'assurance maladie complémentaire obligatoire. Les salariés agricoles concernés sont très minoritaires par rapport aux bénéficiaires du régime général. L'étude de la Cour se concentre donc sur le régime local des assurés du régime général mais les enjeux et les modes d'organisation sont comparables.

Les bénéficiaires du régime local sont d'une part, les salariés du secteur privé et les contractuels de droit public travaillant dans l'un des trois départements, d'autre part les titulaires de revenus de remplacement ayant suffisamment cotisé au régime local, enfin, les titulaires d'une pension de retraite ayant également suffisamment cotisé au régime. Les fonctionnaires des trois fonctions publiques, les travailleurs indépendants et les salariés des régimes spéciaux ne bénéficient pas de ce régime complémentaire obligatoire.

Au total, le régime compte 2,1 millions de bénéficiaires, y compris les ayants droits. Les statistiques des bénéficiaires mériteraient toutefois d'être mieux étudiées car il existe des divergences notables entre les chiffres fournis par la Cnam et ceux du régime local ; c'est une des recommandations de la Cour. Par ailleurs, environ 146 000 bénéficiaires ne résident pas dans l'un des trois départements mais sont affiliés au régime parce qu'ils sont salariés d'une entreprise qui y a son siège social.

Les prestations sont toujours complémentaires à celles servies par le régime de base de la sécurité sociale et dans la limite du tarif conventionnel. Le régime local ne prend donc pas en charge les dépassements d'honoraires. Il complète les remboursements au titre de l'hospitalisation jusqu'à 100 % du tarif de la sécurité sociale et prend en charge le forfait journalier hospitalier. Pour les soins ambulatoires (consultations, médicaments...), le principe de base est celui d'une prise en charge complémentaire jusqu'à 90 % du tarif de la sécurité sociale pour laisser un ticket modérateur résiduel de 10 % à l'assuré. Le régime local a toutefois décidé en 2005 de déroger à ce principe pour rembourser moins ou pas du tout les médicaments dont le service médical rendu n'était pas suffisant : pour ceux à vignette orange, il n'y a pas de prise en charge par le régime local, et pour ceux à vignette bleue, le ticket modérateur résiduel s'élève à 20 % pour l'assuré.

Le régime local est financé par une cotisation de 1,6 % (1,5 % à compter du 1er janvier 2012) due uniquement par le salarié ou l'ancien salarié, sur la totalité de son salaire ou de son revenu de remplacement ; contrairement aux autres cotisations sociales, il n'existe pas de part versée par l'employeur. La prise en compte de l'ensemble du salaire ou du revenu dans l'assiette de cotisation date seulement de 1985 ; ce n'est pas un principe d'origine. Des exonérations sont prévues, sur le même modèle que la CSG, pour les retraités et les chômeurs non imposables ; en pratique, environ la moitié des retraités est exonérée.

Ce mode de financement est une caractéristique forte de ce régime, très différent de celui applicable aux complémentaires facultatives. Il se révèle très solidaire grâce à des cotisations déplafonnées et à des exonérations sur les retraités les plus modestes. Par comparaison, les tarifs des organismes complémentaires facultatifs sont le plus souvent forfaitaires et croissants avec l'âge de l'assuré. Le régime assure donc un double effet de redistribution, financier et générationnel.

Le régime est autonome depuis 1994 et géré par un conseil d'administration composé quasi exclusivement de représentants d'organisations syndicales de salariés. On peut noter que ce conseil, qui dispose de compétences larges en termes de niveau de prestations servies et de fixation du taux de cotisation, dans une fourchette fixée par décret entre 0,75 % et 2,5 %, joue pleinement son rôle de décision et d'animation de la vie du régime.

Au quotidien, le régime s'appuie très fortement sur les caisses de base du régime général ; les prestations et les cotisations sont en effet gérées par elles : les caisses primaires d'assurance maladie du régime général servent les prestations complémentaires obligatoires du régime local et les Urssaf recouvrent les cotisations correspondantes sur les revenus d'activité.

De ce fait, le coût de fonctionnement du régime, qui n'emploie que très peu de personnel en propre (5,2 agents équivalents temps plein), apparaît aujourd'hui réduit : environ 4 millions d'euros, soit moins d'1 % des prestations servies, qui sont principalement constitués d'un remboursement forfaitaire de 0,5 % du niveau des prestations à la Cnam et de 0,5 % de celui des cotisations à l'Acoss. Cette facturation forfaitaire ne permet pas de mesurer le coût réel de gestion du régime : si une comptabilité analytique était mise en place, il serait certainement plus élevé mais resterait à un niveau faible.

Après cette présentation des conditions de fonctionnement du régime local, deux questions se posent : les raisons de son équilibre financier et les enseignements à tirer sur le plan national.

Deux précisions préalables sont nécessaires.

Tout d'abord, l'équilibre du régime complémentaire obligatoire d'assurance maladie ne reflète pas une situation analogue sur le régime de base. Il n'est pas possible d'établir un compte régional du régime général mais il n'y a aucune raison objective pour que l'Alsace-Moselle soit dans une situation plus favorable que les autres territoires puisque les évolutions de la masse salariale et les consommations de soins y sont comparables. Ainsi, les études disponibles montrent que la consommation médicale de la région Alsace est très proche de la moyenne nationale. Une des particularités de l'Alsace, rappelée par la Cnam en mai dernier, est la forte proportion des dépassements d'honoraires mais il n'est pas possible d'établir un lien direct avec l'existence d'un système de solvabilisation publique plus généreux puisque la Moselle est dans une situation très différente avec, au contraire, très peu de dépassements.

Ensuite, le régime local n'a pas toujours été excédentaire. Dans les années 1980, les comptes se sont fortement dégradés sous l'effet notamment de la prise en charge du forfait journaliser hospitalier. En 1989, le régime était déficitaire de plus de 15 millions d'euros. Ce sont d'ailleurs ces difficultés financières qui ont conduit à la réforme du régime dans les années 1994-1995, réforme qui s'est traduite par une autonomie de gestion alors que jusqu'alors les décisions étaient prises par les ministères.

Globalement, les enjeux financiers sont relativement modestes par rapport au régime de base, puisque les dépenses se sont élevées à environ 450 millions d'euros en 2010. Depuis une dizaine d'années, les résultats ont été excédentaires, sauf en 2008, avec un excédent record en 2007 du fait de l'arrivée à échéance de placements qui ont suscité, cette année-là, un produit financier de 41 millions d'euros. Enfin, les réserves financières atteignent désormais 300 millions.

En définitive, la bonne santé financière du régime relève davantage de ses modalités de régulation, définies par voie réglementaire, que de comportements de consommation médicale différents de ceux des autres départements. Un décret encadre les pouvoirs des instances de gestion et fixe un seuil minimal de réserves financières à hauteur de 8 % des prestations.

En ce qui concerne la question de l'extension éventuelle du régime local au reste du territoire, la Cour a retenu deux approches :

- l'approche radicale qui serait la généralisation de ce dispositif d'assurance maladie obligatoire au reste du territoire.

Celle-ci soulèverait une première question : celle de l'augmentation de 1,5 % des cotisations pour les salariés, et eux seuls.

Elle nécessiterait aussi d'analyser l'articulation avec les régimes complémentaires facultatifs, car le régime local ne s'y substitue pas : 81 % des bénéficiaires du régime local contractent une complémentaire santé facultative. En effet, les prestations servies sont différentes : les complémentaires facultatives interviennent avant tout sur les dépassements d'honoraires et les remboursements de frais d'optique et de dentaire. Il faut noter que les tarifs pour les assurés du régime local sont adaptés et inférieurs à ceux applicables aux assurés des autres départements. La Cour recommande d'approfondir la connaissance du recours des assurés sociaux aux complémentaires facultatives en Alsace-Moselle.

L'intérêt financier pour les ménages d'un deuxième étage d'assurance maladie, intermédiaire entre le régime de base et les complémentaires facultatives, dépend de la situation familiale et du niveau de revenu. Pour les personnes célibataires et les salariés aux revenus élevés, le régime local qui est obligatoire se traduit par un coût d'assurance plus important que dans les autres départements. Il assure une redistribution en faveur des salariés aux revenus modestes, des familles dont les deux conjoints y sont affiliés et des retraités. La création d'un système à trois étages impliquerait donc des effets de redistribution entre assurés ;

- une seconde approche par les modes de gestion qui pourraient être une source d'inspiration pour l'organisation de l'assurance maladie. Celle-ci ouvre des voies pour des réflexions à approfondir sur le bon niveau de régulation du système de soins, la possibilité d'expérimenter des mesures de gestion du risque permettant de modifier les interventions respectives de l'assurance maladie obligatoire et de l'assurance maladie complémentaires et la mutualisation de la gestion des prestations entre organismes de base et organismes complémentaires afin d'améliorer le service aux assurés et de diminuer les coûts de gestion.

Dans le dernier rapport annuel sur les lois de financement de la sécurité sociale, la Cour a ainsi esquissé une proposition pour étudier la faisabilité d'une gestion de contrats de complémentaires santé par la Cnam pour les publics en difficulté, au-delà des contrats CMU-c, par exemple pour les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé (ACS) dans le cadre d'un contrat type. Il faut avoir conscience que les coûts des complémentaires s'élèvent à plus de 20 % en incluant les frais de commercialisation.

Mme Patricia Schillinger, rapporteure. - Dans le contexte actuel, il est agréable d'entendre les conclusions positives de la Cour des comptes sur les conditions de fonctionnement du régime local d'Alsace-Moselle. Je m'en réjouis.

Dans son rapport, la Cour évoque la participation du régime local à différents fonds ou organismes nationaux, dont le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (Fmespp) ou l'établissement pour la prévention des risques d'urgence sanitaire (Eprus). Pourriez-vous apporter des précisions sur l'importance de ces financements ? Quelle en est la légitimité, puisque ces fonds et organismes sont théoriquement abondés, en tout ou partie, par les régimes obligatoires de base ?

Le régime local a connu des difficultés financières dans les années 1980 ; diverses mesures adoptées au début des années 1990 ont permis de restaurer ses résultats, notamment une réserve obligatoire de 8 %. La Cour souligne, à juste titre, que cette réserve joue un rôle contracyclique en permettant de ne pas augmenter les cotisations durant une crise économique. Le régime vient d'ailleurs de décider de ramener de 1,6 % à 1,5 % le taux de cotisation, grâce à la mobilisation de ses excédents passés. Pour autant, le décret de 1995 ne permet pas de descendre en-dessous de 8 %, même en période de crise. Dans ces conditions, quelle appréciation portez-vous sur ce seuil ?

Enfin, le rapport précise que les dépenses du régime local ont progressé de 8,4 % entre 2004 et 2010. Comment expliquer ce taux très faible au regard de l'évolution des dépenses d'assurance maladie sur cette période, qui ont augmenté de 21,7 % ?

M. Antoine Durrleman. - Nous avons en effet été frappés de constater que le régime local participe à treize dispositifs nationaux, pour un montant total d'environ 535 000 euros en 2010. Un article du code de la sécurité sociale prévoit une répartition de la dotation annuelle de financement des établissements de santé entre régimes d'assurance maladie en fonction des journées d'hospitalisation prises en charge par chaque régime, mais le régime local d'Alsace-Moselle est le seul régime, sur les quinze concernés, qui n'est qu'un régime complémentaire. Il est d'ailleurs anormal que le régime ne participe pas à la commission nationale de répartition des charges, qui répartit les montants dus entre les régimes. En outre, le régime paie, de manière erronée, à la fois pour les salariés du régime général et pour les salarié du régime agricole.

En ce qui concerne le niveau de la réserve obligatoire, il faut se souvenir que les règles prudentielles ont été instaurées par les textes réglementaires en 1995, au moment où il s'agissait de garantir la soutenabilité du régime local, alors confronté à des difficultés financières et menacé dans son existence. Ces règles sont donc la contrepartie de l'autonomie de gestion du régime. Dans les faits, les réserves sont largement supérieures au seuil et atteignent aujourd'hui plus de 50 % des prestations du régime. D'ailleurs, le président du conseil d'administration du régime a récemment proposé à la tutelle ministérielle de faire passer le seuil de réserves à 20 % en échange de la suppression de l'obligation d'un ticket modérateur minimal de 10 % sur les dépenses ambulatoires.

L'évolution modérée des dépenses du régime entre 2004 et 2010 est en effet nettement moindre que celle des dépenses d'assurance maladie globales. Deux éléments peuvent être avancés : d'une part, la progression des patients en affection de longue durée diminue mécaniquement les prestations servies par le régime local, qui prend en charge tout ou partie du ticket modérateur ; d'autre part, les mesures de régulation des dépenses prises par le régime local avec le déremboursement des vignettes orange et la baisse du niveau de remboursement pour les vignettes bleues représentent 5 % des dépenses du régime.

Mme Gisèle Printz. - Le régime local est un exemple très positif de discipline et de solidarité et nous l'avons conservé depuis l'annexion des trois départements par l'Allemagne. Pourquoi ne pas l'appliquer dans le reste de la France ?

Mme Muguette Dini. - Je me réjouis également que la commission ait commandé cette étude à la fin de l'année dernière ; manifestement, le sujet était très pertinent. La question que nous devons nous poser est de savoir si un système aussi remarquable est applicable ailleurs, notamment au regard de l'assiette de la cotisation assise uniquement sur le travail. Les modalités de gestion par les représentants des salariés, plutôt exemplaires d'après ce qui a été décrit, montre également qu'on peut tout à fait faire confiance au bon sens. En tout cas, peut-être pourrait-on engager une réflexion sur une expérimentation.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Parmi les éléments présentés, je retiens que le régime repose uniquement sur les salariés, qu'on ne constate pas de différence manifeste de comportement en termes de consommation de soins et qu'il n'existe pas de raison substantielle pour que le régime de base connaisse les mêmes déséquilibres financiers qu'au niveau national. Finalement, comment pourrions-nous envisager de le transposer ? Par ailleurs, les fonctionnaires sont-ils liés ou concernés par le régime local ?

M. Ronan Kerdraon. - Comment expliquer que le régime soit si excédentaire ? Cela tient-il à sa gestion, à la modération des dépenses d'assurance maladie ou à encore autre chose ? Par ailleurs, pourrait-on imaginer que certaines régions procèdent à une expérimentation ?

M. Jean-Louis Lorrain. - Notre région n'est pas nécessairement plus vertueuse que les autres mais il est vrai qu'elle présente des particularismes. On peut estimer qu'il y a une forme de paradoxe pour un régime qui n'est pas épargné par le chômage et le vieillissement de la population de connaître une telle situation financière et d'être aussi vivant.

Avant de s'interroger sur l'extension du régime, celui-ci est également susceptible d'être lui-même amélioré : par exemple, met-il en oeuvre des innovations dans la prise en charge de certains patients, notamment pour le maintien à domicile ?

La pérennité du régime provient aussi d'un choix de société porté sur l'efficience ; il peut éventuellement inspirer des modifications ou des expérimentations sur le plan national mais il est toujours difficile de transposer tel quel un modèle.

M. Jacky Le Menn. - On dit souvent que les charges sociales pèsent sur les entreprises et l'activité. Or, dans ces trois départements, il existe en définitive une cotisation supplémentaire à la charge des seuls salariés sans que l'on constate de différences notables en termes d'emploi, sauf peut-être en Moselle mais pour des raisons plus structurelles. Cet exemple ne va donc pas dans le sens de ceux qui dénoncent périodiquement le coût du travail en France.

Par ailleurs, pouvez-vous apporter des précisions sur les modalités de gestion de la réserve financière du régime ? Est-elle gérée comme un fonds de pension, finance-t-elle des secteurs économiques porteurs de la région ?

Mme Patricia Schillinger, rapporteur. - La Cour des comptes dispose-t-elle d'informations sur les accords bilatéraux qui prévoient des changements en 2014 dans les obligations d'affiliation à l'Urssaf des travailleurs transfrontaliers ?

M. Michel Vergoz. - Ce sujet est particulièrement intéressant et je voudrais vraiment qu'on puisse en tirer des enseignements et des conclusions pratiques. Je relève également que le régime est entièrement alimenté par les salariés et qu'il apporte deux types de redistribution, financière et intergénérationnelle. Vous avez évoqué les affections de longue durée ; c'est là aussi une question centrale car les deux tiers des dépenses d'assurance maladie sont dorénavant destinées à des patients en ALD.

Au fond, cette réflexion doit porter sur l'organisation du niveau complémentaire de couverture maladie, dont le coût est de plus en plus élevé pour nos concitoyens. A cet égard, le régime local d'Alsace-Moselle prend notamment en charge le forfait hospitalier.

Mme Annie David, présidente. - A mon tour de souligner le grand intérêt de ce rapport. Si j'ai bien compris, ce régime complémentaire est financé par une cotisation supplémentaire à la charge des seuls salariés ; elle vient en plus des cotisations et contributions pour le régime de base et pour les assurances complémentaires, notamment celles de groupe en entreprise qui sont de fait obligatoires. Les employeurs ne participent pas au régime, alors qu'ils le font pour le régime de base, ainsi que pour les mutuelles dans la plupart des entreprises.

Finalement, le régime n'est-il pas équilibré du fait qu'il s'ajoute aux deux autres étages, de base et complémentaire classique ?

M. Antoine Durrleman. - La crise financière de la fin des années 1980 a renforcé le souci de protéger le régime car la population y est très attachée. Elle explique donc largement le niveau des réserves et les modalités prudentes de gestion. En outre, on peut noter que le niveau des salaires est globalement plus élevé en Alsace que dans le reste de la France, ce qui permet un niveau de ressources important, mais cet argument ne vaut pas pour la Moselle.

La gestion de cette réserve est très encadrée au niveau réglementaire ; elle n'est aucunement spéculative et ne peut pas être assimilée à la logique à long terme d'un fonds de pension.

En ce qui concerne les marges d'amélioration, le décret organisant le régime lui permet de contribuer à des actions de prévention dans la limite de 0,5 % des prestations versées. Aujourd'hui, en lien avec les ARS, ce budget s'élève à 0,13 % et est principalement destiné aux cancers et maladies cardio-vasculaires. En outre, le régime souhaitait accélérer la pénétration des génériques en les remboursant à 100 %, mais les développements informatiques nécessaires à la mise en oeuvre de cette mesure étaient trop importants selon la Cnam. Cette proposition présente d'ailleurs moins d'actualité depuis que les génériques ont pris, malgré tout, une part non négligeable du marché du médicament en France.

Le régime local est très lié au régime de base mais il n'est pas possible de reconstituer les comptes de ce dernier à un niveau régional. Le régime d'Alsace-Moselle connaît des coûts de gestion réduits et subit moins que les autres organismes complémentaires le contrecoup des désengagements de l'assurance maladie, car il intervient non pas sur le reste à charge pour l'assuré mais sur le ticket modérateur calculé par rapport au tarif de la sécurité sociale. En outre, la progression des ALD ne peut que soulager les finances du régime local, puisque les dépenses liées sont déjà prises en charge à 100 % par le régime de base.

Enfin, la Cour n'a pas expertisé la question des transfrontaliers, notamment celle de leur affiliation.

M. Michel Braunstein, président de section. - Les placements réalisés par le régime sont certes d'une très grande sécurité, mais ils ont fourni des rendements d'un niveau tout à fait correct.

Par ailleurs, le régime local est une construction historique ancienne mais il a connu des évolutions importantes, par exemple lorsque la cotisation a été assise, à partir de 1985, sur le salaire déplafonné.

M. Antoine Durrleman. - La Cour n'a pas entendu de revendication particulière de la part de la population non affiliée au régime, notamment les fonctionnaires, pour y adhérer.

En ce qui concerne l'extension au niveau national, il faut être conscient que la ponction financière sur les seuls salariés et retraités représenterait des sommes considérables. Une expérimentation régionale demanderait une analyse juridique spécifique : si la Constitution reconnaît dorénavant la possibilité d'en mener dans un cadre législatif précis, la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel considère que le droit local n'est pas contraire au principe d'égalité en raison de l'histoire de ces trois départements. En outre, l'un des aspects intéressants du régime réside dans la possibilité pour le conseil d'administration d'adapter le taux de cotisation et de moduler le niveau des prestations.

Mme Annie David, présidente. - A partir de cet exemple se pose clairement la question de l'évolution de notre régime de protection sociale.

Recherche impliquant la personne humaine - Désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire

La commission procède à la désignation de sept candidats titulaires et de sept candidats suppléants appelés à faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine.

Sont désignés :

- comme candidats titulaires : Annie David, Jean-Pierre Godefroy, Ronan Kerdraon, Jacky Le Menn, Catherine Deroche, Jean-Louis Lorrain et Gérard Roche ;

- et comme candidats suppléants : Gilbert Barbier, Luc Carvounas, Caroline Cayeux, Colette Giudicelli, Marc Laménie, Gisèle Printz et Patricia Schillinger.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Il serait souhaitable de réunir les membres de la commission mixte paritaire avant qu'elle ait lieu. Je crois qu'il serait utile de rappeler à tous ses membres quels étaient les points de désaccord entre l'Assemblée nationale et le Sénat puisqu'il s'agit d'un débat vieux de plus d'un an. Il me paraît important de nous concerter sur les sujets éventuellement négociables avec nos collègues députés.

Mme Annie David, présidente. - Je propose l'envoi d'une note aux membres de la commission mixte paritaire sur l'état du texte qui a été voté, il y a déjà longtemps.

Mme Aline Archimbaud. - Peut-on adresser cette note à tous les membres de la commission des affaires sociales ?

Mme Annie David, présidente. - Certainement. Je vous indique que la commission mixte paritaire pourrait se réunir au Sénat la semaine du 17 janvier.

Questions diverses

Mme Annie David, présidente. - J'ai réuni, à trois reprises, le Bureau de notre commission depuis le renouvellement sénatorial et je voulais vous rendre compte, en quelques mots, des décisions qui y ont été prises.

Il a été décidé que la prochaine mission à l'étranger se déroulerait en Suède et au Danemark sur le thème des conditions de travail, de la pénibilité du travail - c'est un sujet qui me tient à coeur - et de la santé des travailleurs. Ce sont notamment dans ces deux pays qu'ont été prises le plus précocement les décisions d'interdiction de l'amiante.

Ce déplacement aura lieu au cours de la seconde quinzaine de mars. Conformément aux règles en vigueur, elle rassemblera une délégation de six sénateurs, que je conduirai. Je vous propose de retenir la répartition suivante : deux membres pour les groupes socialiste-EELVr et UMP et un pour les groupes UCR et RDSE.

Nous allons prochainement solliciter vos candidatures auprès de vos groupes respectifs.

J'en viens aux groupes de travail envisagés.

Au cours des débats sur le projet de loi « médicament », nous avons annoncé la création d'un groupe de travail consacré à l'avenir de la profession des visiteurs médicaux, sous la forme d'une « structure légère » de trois ou quatre membres susceptible de présenter ses conclusions avant la suspension des travaux parlementaires de février prochain.

Ceci étant, cette proposition accompagnait nos amendements sur le texte « médicament », qui ont été balayés à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Je pense donc que l'urgence est moindre et je me demande même si elle est toujours d'actualité dès lors qu'il n'y a plus de menace sur cette profession.

Mme Aline Archimbaud. - Je suis favorable à son maintien, c'est la position du Sénat, cette question est importante. Il faut prendre le temps de mener cette réflexion car on a laissé entendre que nous voulions le licenciement de ces personnes, ce qui n'est pas du tout notre intention évidemment.

Notre rôle est de ne pas travailler que dans l'urgence et d'écouter toutes les parties prenantes.

M. Michel Vergoz. - D'autant que ce travail reste utile : d'ici quelques mois, nous serons heureux de pouvoir porter un texte avec nos collègues députés...

Mme Annie David, présidente. - J'aime votre optimisme ! Mon idée n'est pas de renoncer à ce thème mais il n'est plus une priorité et il faut organiser notre travail.

M. Jacky Le Menn. - Nous sommes effectivement en force limitée et le programme de travail est chargé. Je partage l'avis de la présidente. Il faut hiérarchiser nos travaux selon leur degré d'urgence.

Mme Isabelle Pasquet. - Sur les visiteurs médicaux, j'attire l'attention sur l'intérêt de cette question. Je ne souhaite pas qu'on y renonce et il faut que la commission reste crédible sur ses engagements.

Mme Annie David, présidente. - Certes. Ceci étant, un deuxième sujet me paraît prioritaire parce qu'il a été abondamment évoqué au cours de l'examen du PLFSS, mais aussi lors de l'audition de la Cour des comptes et parce qu'il soulève un vrai problème pour nos jeunes. Le Bureau a décidé la constitution d'un groupe de travail consacré à la situation sanitaire des étudiants et à leur couverture assurancielle. Nous avons pensé à créer un groupe plus étoffé qui rendrait ses conclusions d'ici à l'été. Ce faisant, nous rendrions aussi service à la commission des lois, qui vient d'étudier une proposition de loi sur l'encadrement des soirées étudiantes et qui se préoccupait de l'aspect « santé publique » de la consommation excessive d'alcool chez les jeunes. Ce n'est bien sûr qu'un tout petit aspect du sujet.

Par ailleurs, avec votre accord, je demanderai au service en charge de la législation comparée de nous préparer une étude comparant la protection sociale des étudiants dans différents pays de l'Union européenne, pour connaître les pratiques étrangères.

Pour ce groupe de travail, je serais favorable à ce qu'il soit composé de manière proportionnelle. Quel est votre sentiment ?

Un troisième sujet a été évoqué mais à plus lointaine échéance. Nous constituerions un groupe de travail commun avec la commission de la culture, si elle en est d'accord, sur l'autisme et la prise en charge éducative de ces enfants.

Enfin, divers autres travaux ont été proposés par nos collègues :

- le Bureau a confirmé le rapport d'information qui avait été confié, voici quelque temps déjà, à Alain Milon sur la santé mentale ;

- j'ai proposé de saisir la délégation aux droits des femmes, qui est désormais reconstituée, d'une demande de rapport à mener en commun sur l'égalité des femmes devant la maternité, avec le cas particulier des intermittentes du spectacle qui ne bénéficient pas du congé maternité ;

- Claude Jeannerot a suggéré que nous puissions entendre, à échéances régulières, les différentes agences sanitaires pour qu'elles nous informent sur leurs travaux et leurs préoccupations. Il a également préconisé des auditions sur le RSA ;

- nous pourrions commander une proposition de loi, au service du Sénat qui y est désormais consacré, sur la professionnalisation des assistants de vie scolaire (AVS) ;

- sur la suggestion de Jean-Pierre Godefroy, nous pourrions solliciter la commission des lois sur le problème de la filiation des enfants nés par gestation pour autrui à l'étranger.

Je vous indique par ailleurs que j'ai demandé à la Cour des comptes l'établissement d'un rapport sur la politique vaccinale française. D'autres sujets ont aussi été évoqués avec les présidents des 5e et 6e chambres que j'ai rencontrés mais doivent encore être confirmés.

Enfin, je vous informe que notre collègue David Assouline, président de la nouvelle commission chargée de l'application des lois, a souhaité que nous suggérions une loi sur laquelle elle pourrait se pencher. Le Bureau a choisi de lui confier le suivi de la loi Handicap.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Il faut qu'au sein des groupes politiques, on hiérarchise nos priorités et qu'on s'assure de la disponibilité des sénateurs pour mener à bien les travaux que nous envisageons. Sur un autre sujet, pour ce qui concerne la commission de l'évaluation des lois, ai-je bien compris que si nous soumettons une loi à son contrôle, nous perdrons toute possibilité d'intervenir ensuite à son sujet ?

Mme Annie David, présidente. - Ce n'est pas tout à fait ce qui m'a été dit. Cette commission va commencer ses travaux. Nous avions nous-mêmes déjà suivi l'application de la loi Handicap, je ne pense pas que nous « perdrions la main » pour autant.

M. Jean-Pierre Godefroy. - J'aimerais qu'on puisse vérifier ce point. Il serait dommage, si tel n'était pas le cas, que la loi Handicap nous échappe.

Mme Patricia Schillinger. - Je voulais proposer le sujet d'un rapport d'information à établir ultérieurement. Cela fait plus de dix ans que l'on n'a pas travaillé sur le thème du chômage.

Mme Annie David, présidente. - J'ai pris bonne note de votre requête. Nous évoquerons cette suggestion au prochain Bureau.

Mme Aline Archimbaud. - Je maintiens notre devoir de suite sur la question des visiteurs médicaux. C'est aussi la vocation de notre commission que d'anticiper les problèmes et d'approfondir la réflexion.

Mme Annie David, présidente. - Nous sommes limités en moyens humains. J'ai moi-même renoncé à plusieurs sujets qui me tiennent à coeur. Aujourd'hui, la priorité est, à mon sens, la protection sociale des étudiants et également la question de la santé des femmes qui, contrairement à ce que certains prétendent, est un vrai sujet.

M. Jacky Le Menn. - Je rappelle que la Mecss va également reprendre ses travaux prochainement sur plusieurs sujets importants.

Mme Claire-Lise Campion. - Je voulais apaiser les craintes de Jean-Pierre Godefroy sur le risque de dessaisissement de notre commission par la nouvelle commission d'application des lois. Elle aura un rôle transversal et produira son analyse sur chacune des lois qui lui seront soumises. Claude Jeannerot et moi y siégeons. Son rôle sera d'alimenter nos commissions permanentes. C'est ma position et nous saurons la défendre.

La commission confirme le souhait de constituer le groupe de travail « protection sociale des étudiants » à la proportionnelle des groupes.