Mardi 31 janvier 2012

- Présidence de Mme Jacqueline Gourault, présidente, puis de Mme Patricia Schillinger, vice-présidente -

Le statut de l'élu - Présentation du rapport d'information

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Aujourd'hui, nous examinons deux rapports : celui de MM. Dallier et Peyronnet sur le statut de l'élu, et celui de M. Krattinger sur les transports. Je laisse donc la parole aux rapporteurs.

M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur. - Le précédent bureau de la délégation nous avait confié une réflexion sur le statut « social » des élus, en parallèle d'un travail mené sur le cumul des mandats, qui vous sera présenté par nos collègues François-Noël Buffet et Georges Labazée le 14 février.

Nous avions déjà présenté les conclusions de ce travail à la délégation en décembre 2010. Nous croyons pouvoir dire, Philippe Dallier et moi-même, qu'elles ont été globalement bien accueillies. Un report de leur adoption avait cependant été souhaité par son président, afin que les contours de certaines de ces propositions puissent être précisés.

L'ensemble des interrogations que nous avions soulevées restent malheureusement d'actualité, ce qui nous conduit à vous les présenter une nouvelle fois aujourd'hui, avec quelques aménagements de forme plus que de fond. Je tiens à préciser que nous avions réalisé ce travail en étroite collaboration avec l'AMF. Depuis, cette dernière n'a pas modifié ses positions à ce sujet.

Si vous le permettez, je voudrais désormais rappeler quelques éléments sur la démarche suivie et l'état de la réflexion sur le statut de l'élu, au risque de me répéter, à l'attention de nos collègues qui ont rejoint la délégation depuis peu.

La question du statut de l'élu local s'est posée de manière nouvelle dès l'acte I de la décentralisation. Les éléments dispersés et disparates qui tenaient lieu de statut de l'élu avant 1982 ne répondaient pas aux exigences nouvelles posées par les transferts de compétences organisés par le législateur.

Dès janvier 1982, le rapport de notre ancien collègue Marcel Debarge avait défini les fondements d'un statut « moderne » de l'élu local. L'objectif était de donner aux élus locaux les moyens de relever le défi de la décentralisation et d'introduire de nouveaux comportements conformes aux exigences de la démocratie.

Bien que la pertinence de l'analyse réalisée par Marcel Debarge n'ait été remise en cause par aucun observateur, il a fallu attendre près de dix ans pour que ses préconisations trouvent une traduction juridique avec la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux. La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ont renforcé le dispositif initial, permettant aux élus d'exercer leurs mandats dans un contexte plus favorable.

L'intention du législateur était double : il s'agissait, d'une part, accorder aux élus locaux le temps nécessaire pour exercer des fonctions de plus en plus lourdes et complexes, et, d'autre part, étendre le bénéfice de ce corpus de règles à un nombre plus grand d'élus locaux, plutôt que de développer un statut particulier pour les présidents d'exécutifs locaux.

La question qui se pose désormais est de savoir si cet édifice législatif suffit à bâtir un statut de l'élu local. La réponse semble négative. Tel est le sentiment exprimé par les élus locaux, mais aussi les parlementaires qui saisissent régulièrement le Gouvernement de la question de l'élaboration, ou de l'achèvement, d'un véritable statut de l'élu.

En décidant de se saisir de cette question, notre délégation a souhaité donner un coup de projecteur sur un statut de l'élu constitué de nombreuses dispositions disparates et sur l'insatisfaction qu'il génère.

L'inventaire et l'analyse que nous avons élaborés dressent un état des lieux mitigé. S'il est incontestable que tous les sujets mis en exergue par le rapport de notre ancien collègue Marcel Debarge (indemnités, protection sociale, droits d'absence) ont reçu des réponses, et qu'aucune catégorie d'élu local n'a été laissée à l'écart par ces évolutions législatives, comment expliquer la persistance d'un sentiment d'insatisfaction ?

Peut-être la logique du statut ébauchée depuis 1992 est-elle arrivée à son terme ? Des aménagements sont, certes, encore possibles et nous allons d'ailleurs vous soumettre des propositions en ce sens ; mais il ne s'agira pas d'une réforme majeure, ni d'un changement de référentiel dans la manière d'aborder la problématique du statut de l'élu.

Alors que les attentes des élus locaux sont de plus en plus importantes, tout comme les charges pesant sur eux, l'heure n'est-elle pas venue d'imaginer un nouveau cadre pour leur permettre d'exercer dans les meilleures conditions leurs mandats ?

Pour essayer d'y parvenir, tout en respectant les contraintes financières qui s'imposent aux collectivités territoriales, nous avons choisi de concentrer notre attention sur trois sujets principaux : premièrement, l'amélioration immédiate du statut des maires ; deuxièmement, l'ajustement des mesures existantes ; troisièmement, une réflexion sur l'opportunité de maintenir le principe de gratuité des mandats.

Je commence par la situation des maires, qui nous a semblé le sujet le plus préoccupant. Une crise des vocations est palpable, comme nous avons pu le constater à l'occasion des dernières élections municipales de 2008. Il faut dire que les charges pesant sur les maires sont de plus en plus lourdes, du fait des transferts de compétences et de la complexité toujours plus grande des politiques publiques ; sans compter les attentes de nos concitoyens, qui sont de plus en plus importantes à l'égard de leurs élus locaux, et de leur maire en particulier.

Il nous a donc semblé indispensable d'apporter une réponse spécifique à la situation des maires et, plutôt que de continuer à saupoudrer en quelque sorte les améliorations du statut de l'élu local, de différencier la situation des maires par rapport aux autres élus locaux.

Notre objectif prioritaire est de permettre aux maires qui le souhaitent de cesser leur activité professionnelle pour exercer leur mandat à temps plein. Cette possibilité leur est, certes, déjà ouverte. Pour autant, les modalités de cette cessation d'activité ne sont pas totalement satisfaisantes, notamment en termes de rémunération : le maire est souvent moins bien payé que certains de ses collaborateurs, et cette rémunération est peu élevée au regard des responsabilités qui lui sont confiées. Nous avions donc proposé une majoration de 50 % de l'indemnité des maires soumise à l'approbation du conseil municipal, réservée à ceux qui cesseraient complètement leur activité professionnelle, une majoration de 25 % pouvant être accordée à ceux qui choisiraient de maintenir une activité professionnelle à temps partiel. L'idée était de venir en compensation des charges assumées par les maires, mais également de les inciter à exercer ce mandat à temps complet, sans que cela ne se traduise par une dégradation matérielle de leur situation. Cette proposition avait suscité une réserve lors de la première présentation de ce rapport, de la part de notre collègue Yves Détraigne. Il avait notamment fait valoir qu'elle pouvait avoir des conséquences dommageables sur les finances des plus petites communes, alors que le développement de l'intercommunalité allait certainement changer la nature de la fonction de maire dans ces mêmes petites communes. Nous avons toutefois décidé de maintenir cette proposition, considérant qu'une amélioration du statut de l'élu implique nécessairement un minimum d'efforts de la part des collectivités - même s'il est évident que ces efforts doivent être maîtrisés.

Les deux autres propositions n'avaient pas soulevé d'opposition. Pour mémoire, il s'agit de prévoir une rémunération des maires au titre des activités effectuées pour le compte de l'Etat, et de relever le seuil démographique à partir duquel un maire bénéficie de l'indemnité de fonction fixée au taux maximal par la loi (passer de 1 000 à 3 500 habitants), sauf avis contraire du conseil municipal.

Ces trois mesures, d'inégale importance, nous semblent de nature à renforcer le statut des maires, dont le rôle dans notre système local est irremplaçable et dont l'action est saluée par nos concitoyens.

M. Philippe Dallier, rapporteur. - Dans un deuxième temps, nous avions proposé un ajustement la législation actuelle afin d'améliorer ponctuellement la situation des élus locaux.

Ces propositions peuvent être regroupées autour de trois grandes catégories composant l'actuel statut de l'élu local : les droits d'absence, les retraites et le statut juridique de leur indemnité. Je me permets à mon tour de les exposer.

Comme vous le savez, la plupart des élus locaux bénéficient de plusieurs dispositifs dits de droits d'absence : autorisations d'absence, crédits d'heures, congé formation, congé pour se présenter aux élections locales et, bien entendu, possibilité de suspendre son contrat de travail. L'objectif de ces dispositifs est de leur permettre de concilier une activité professionnelle avec l'exercice d'un mandat local. S'ils peuvent apparaître insuffisants ou incomplets, il n'en demeure pas moins que le législateur a cherché à définir un équilibre fragile entre l'intérêt de l'employeur de l'élu local et les contraintes liées à l'exercice du mandat.

Dans ce domaine, les propositions que nous avions faites n'avaient pas soulevé de difficultés, sous réserve du remplacement du terme de « droit à la cessation d'activité » par celui de « suspension du contrat de travail », plus intelligible, à la demande de notre président d'alors, M. Claude Belot. En réalité, les deux expressions figurent dans notre droit ; le code général des collectivités territoriales parlant de la « cessation d'activité » et renvoyant aux dispositions du code du travail, qui, de son côté, parle de « suspension du contrat de travail ». Comme il s'agit, dans le cadre de notre rapport, d'ouvrir des pistes et non de formaliser une proposition de loi, nous ne voyons pas d'objection à parler de « suspension de contrat de travail ». Sur le fond, il s'agit d'élargir les catégories d'élus susceptibles d'être autorisés à suspendre leur contrat de travail pour se consacrer à leur mandat, en ouvrant cette possibilité aux adjoints des communes et vice-présidents d'EPCI à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants, ainsi qu'aux conseillers territoriaux. Je précise que la proposition de loi visant à renforcer l'attractivité et à faciliter l'exercice du mandat local adoptée par le Sénat en juin 2011 à l'initiative de nos collègues Bernard Saugey et Marie-Hélène des Esgaulx prévoit également que ce droit soit étendu, mais aux seuls adjoints des communes de plus de 10 000 habitants.

L'autre proposition que nous avions formulée consiste à accorder le bénéfice du crédit d'heures aux conseillers municipaux élus dans les communes de moins de 3 500 habitants qui sont, à ce jour, les seuls élus exclus de ce dispositif. Celui-ci, rappelons-le, permet à l'élu de disposer du temps nécessaire à l'administration de la commune, c'est à-dire à la préparation des réunions des instances dans lesquelles il siège.

Hormis les droits d'absence, nous avions également proposé des ajustements législatifs dans le domaine de l'acquisition des droits à pension. Deux évolutions sont envisageables. Il s'agirait, d'une part, de rendre obligatoire, pour les élus qui n'ont pas cessé leur activité professionnelle, l'adhésion au régime de retraite par rente. Cette adhésion est aujourd'hui facultative et un certain nombre d'élus locaux y renoncent pour éviter de faire peser un poids supplémentaire sur les finances communales. D'autre part, dans le même esprit, nous estimons nécessaire que les élus cessant leur activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat puissent également souscrire à cette retraite par rente qui, je le rappelle, constitue une dépense obligatoire pour les collectivités territoriales. Cette dernière proposition représente une rupture avec le droit actuel selon lequel la retraite des élus locaux est formée de deux niveaux seulement (régime général et Ircantec ou Ircantec et retraite par rente).

Nous souhaitons ainsi, dans le prolongement de nos propositions précédentes, favoriser les élus qui cessent leur activité pour se consacrer à leur mandat local, afin que ce choix ne se traduise pas par une dégradation de leur situation matérielle.

Dans un troisième temps, il nous semble nécessaire que les pouvoirs publics se penchent sur le statut juridique des indemnités versées aux élus locaux qui, vous le savez, ne présente ni le caractère d'un salaire, ni celui d'un traitement, ni celui d'une rémunération quelconque. Pourquoi préciser ce statut juridique alors que la question de la fiscalité de l'indemnité ou du prélèvement des cotisations sociales a été réglée ? Notre présidente Mme Jacqueline Gourault avait eu l'occasion de le souligner devant nous, avec force, lors de la table ronde organisée par notre délégation le 1er juin 2010. Il s'agit de lever certaines incertitudes auxquelles sont confrontés les élus locaux. C'est le cas notamment du statut de la fraction représentative des frais d'emploi. Cette fraction non imposable, versée à tous les élus locaux qui perçoivent une indemnité, pose des problèmes concrets aux élus, notamment en cas de cumul d'indemnités avec des allocations ou des prestations versées sous condition de ressources. C'est pourquoi plusieurs de nos collègues ont adressé au gouvernement de nombreuses questions écrites sur la situation des élus locaux qui se voyaient privés du bénéfice de l'allocation adulte handicapé (AAH), du fait d'une mauvaise interprétation de la prise en compte de la fraction représentative des frais d'emploi dans le calcul de la rémunération des élus. Il s'agit là de clarifier le droit en vigueur afin de sécuriser la situation des élus locaux.

M. Claude Belot avait regretté le caractère imprécis de la proposition visant à « préciser la définition juridique de l'indemnité ». Nous la maintenons toutefois, considérant que les propositions que nous faisons ne constituent pas une proposition de loi mais des pistes de réflexion. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas souhaité régler définitivement cette question, mais appeler à une analyse plus approfondie, d'autant plus nécessaire que toute décision prise en la matière aura des conséquences dans un certain nombre de domaines, qu'il convient d'évaluer avec précision en amont, en concertation avec les élus locaux.

Pour conclure, je voudrais aborder un sujet particulièrement complexe et polémique, comme j'avais déjà eu l'occasion de le faire lors de la première présentation de ce rapport, celui de la gratuité du mandat. Nous estimons nécessaire d'aller de l'avant sur la question du statut de l'élu afin de tenir compte des contraintes de plus en plus lourdes qui pèsent sur les élus locaux.

Aussi, nous nous interrogeons sur l'opportunité de maintenir le principe de gratuité des mandats locaux qui a, jusqu'à présent, constitué un frein à l'adoption d'un statut plus protecteur des élus. La suppression de ce principe est souvent perçue comme synonyme de professionnalisation des fonctions électives. Or, ce terme de professionnalisation - utilisé comme repoussoir dans de nombreux débats sur le statut de l'élu - est impropre. Ce que nous voulons éviter, ce n'est pas la professionnalisation des élus locaux, qui est nécessaire, mais bien la création d'un statut comparable, par exemple, à celui de la fonction publique, qui offrirait aux élus une carrière avec des revalorisations régulières de salaires, voire des promotions.

Nous pensons que la suppression du principe de gratuité ne conduit pas automatiquement à l'instauration d'une « carrière ». Aussi souhaitons-nous inviter les membres de notre délégation, nos collègues sénateurs et l'ensemble des acteurs à une réflexion rénovée sur ce thème et sur les moyens de mettre en oeuvre un statut de l'élu protecteur, susceptible de répondre aux attentes des élus locaux et aux défis qu'ils relèvent quotidiennement.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Merci, Messieurs les rapporteurs. J'ouvre le débat. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. - Merci, Madame la présidente. La prise en charge financière des mandats locaux est le fond du problème. Nous devons éviter deux écueils : d'une part, une prise en charge financière insuffisante du coût des mandats locaux, qui pénalise les élus et, d'autre part, une prise en charge excessive pouvant conduire à une professionnalisation, ce qui mettrait l'élu dans une situation difficile le jour où il perd son mandat. Nous devons trouver un juste équilibre.

Par ailleurs, un autre point doit être soulevé : certains élus, qui exercent une activité professionnelle, peuvent être amenés à la suspendre pendant l'exercice de leur mandat. On évoque souvent la surreprésentation de certaines catégories socioprofessionnelles, celle-ci s'explique par la faculté de retrouver son emploi à la fin du mandat, qui diverge fortement selon les métiers. Or, il s'agit d'un élément essentiel de la possibilité, pour tous les citoyens, d'accéder à un mandat électif. Certaines catégories socioprofessionnelles sont, de ce point de vue, plus favorisées que d'autres.

En ce qui concerne la juste compensation financière, certaines choses peuvent en effet être améliorées mais, pour l'exercice de certains mandats, l'indemnisation me paraît correcte, surtout si l'on compare avec l'environnement professionnel de certains salariés.

Je souhaite par ailleurs insister sur un sujet qui n'a pas été évoqué : les personnes qui ont quitté volontairement leur emploi pour exercer un mandat local ne peuvent pas valider leurs trimestres de cotisation pour la retraite. Certes, il existe des complémentaires santé. Mais, ce qui compte, comme nous avons pu le voir lors du débat en séance publique sur la réforme des retraites, c'est la validation des trimestres. Je propose donc d'offrir à un élu la possibilité de continuer à cotiser et à valider ses trimestres.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Merci. M. Antoine Lefèvre a demandé la parole.

M. Antoine Lefèvre. - Je voudrais revenir sur ce qui a été dit par nos rapporteurs. La question du cumul des mandats est indissociable de celle du statut de l'élu. En effet, le cumul est un moyen pour certains élus de compenser la renonciation à une activité professionnelle. Lorsque j'ai été élu maire d'une ville de préfecture, j'ai fait le choix de mettre de côté ma carrière professionnelle pour me consacrer à plein temps à mon mandat local. N'étant pas fonctionnaire, je disposais d'une garantie de reprise dans mon entreprise de deux ans. Ce délai est toutefois incompatible avec la durée du mandat. Aussi, on m'a conseillé d'avoir un deuxième mandat pour éviter une situation précaire, surtout en cas de non-réélection à mon mandat communal. Je suis prêt à rouvrir le débat sur le cumul des mandats, mais une bonne représentation des élus de toutes les catégories socioprofessionnelles nécessite une amélioration du statut de l'élu.

Dans la même perspective, je voudrais évoquer un sujet qui me tient particulièrement à coeur : la cotisation pour la retraite. Ayant fait le choix de suspendre ma carrière professionnelle, avec les risques que j'assume, j'ai appris que je n'avais pas le droit de cotiser. Lorsque je me suis adressé au service juridique de l'AMF, on m'a informé qu'en cas de non-réélection, je relèverais de la CMU. Pour ceux qui ont fait le choix d'être élu à temps plein, c'est la double peine. J'ai interrogé les gouvernements à de nombreuses reprises, par des questions écrites et orales. La réponse est toujours la même. Nous sommes trop peu nombreux dans ce cas, d'où une absence de modification de la loi. Nous ne demandons pas un traitement de faveur ; mais la possibilité de pouvoir cotiser. Je pense qu'il y a une profonde injustice dans le statut de l'élu.

Je voudrais aborder un autre sujet : le principe de gratuité des fonctions électives. Je le trouve assez hypocrite. Nous savons bien que dans beaucoup de communes, notamment les communes rurales, le fait d'accepter de ne pas recevoir des indemnités est devenu un élément de choix du maire. Or, c'est avant tout la situation sociale qui permet ou non de refuser ces indemnités. Il y a donc une distorsion. Ainsi, certains jeunes élus ne peuvent pas bénéficier des indemnités qui leur sont pourtant dues et qui doivent être votées lors de la première réunion du conseil municipal. Il y a donc une hypocrisie et un vrai malaise sur ce sujet. Aussi, la délégation doit appuyer ce projet de suppression de la gratuité du mandat qui ne correspond plus du tout à la réalité.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je vous remercie pour cette intervention constructive et pour ce témoignage.

M. Raymond Couderc. - Je vais défendre la même idée en apportant un éclairage différent. Nous devons faire en sorte que les indemnités soient de droit et que le vote devienne optionnel. Il interviendrait seulement pour diminuer ou supprimer ces indemnités. Avoir des indemnités de droit permettrait d'éviter ce sentiment de « faire de la charité » pour les élus qui veulent bien s'occuper de la commune. Par ailleurs, les conseils municipaux doivent mieux représenter la diversité de la société, en termes socioprofessionnels, mais aussi en termes de classe d'âge. Or, j'observe dans les conseils municipaux des villes de même taille que la mienne que la charge est devenue tellement chronophage, que les conseillers municipaux sont majoritairement des retraités. Pourquoi ? Parce que nous sommes obligés, aujourd'hui, dans nos villes, de déléguer à tous les élus de l'équipe municipale. Et ceux-ci ont des réunions en permanence : avec les services de l'Etat, du conseil régional, du conseil général, ou de concertation, en raison de textes devenus trop compliqués et nécessitant ces rencontres pour leur bonne application. Dès lors, ils sont obligés de se consacrer à plein temps, ou quasiment à plein temps, à leur mandat. Si nous n'arrivons pas à trouver une solution satisfaisante pour la compensation financière des élus de nos communes, les conseils municipaux seront composés majoritairement de personnes non actives.

M. François Grosdidier. - Je partage à la fois les propositions de nos rapporteurs et ce qui a été dit depuis le début du débat. Certes, la question de l'indemnisation des élus est souvent mal comprise par nos concitoyens. Or, je rappelle que si les élus nationaux, régionaux et départementaux sont correctement indemnisés, les élus communaux sont indemnisés de façon dérisoire, certains touchant moins que le SMIC horaire.

En ce qui concerne la suspension de contrat, il faut insister sur la notion de suspension. Je voudrais citer l'exemple de mon adjointe, qui était également conseillère régionale. En tant qu'adjoint au maire, elle bénéficiait d'une suspension de contrat et pouvait cotiser pour sa retraite. Lorsqu'elle a été élue au conseil régional, elle a dû abandonner son mandat communal. Elle ne pouvait dès lors plus bénéficier de suspension de contrat de travail, ni cotiser.

Par ailleurs, je souhaiterais plus d'informations sur la proposition n° 9 : « Relever automatiquement le seuil démographique à partir duquel un maire bénéficie de l'indemnité de fonction fixée au taux maximal par la loi (passer de 1 000 habitants à 3 500 habitants) ». Mes connaissances sont imparfaites, mais il me semblait que dans toutes les assemblées communales, il était procédé à un vote sur les indemnités, et pas seulement dans les communes de moins de 3 500 habitants. Dans ma commune de 15 000 habitants, nous avons toujours délibéré sur les indemnités. Aujourd'hui, il n'y a aucune indemnité automatique pour les mandats communaux. C'est gênant à la fois pour les élus et pour l'opposition. Il est, par ailleurs, difficilement compréhensible pour nos concitoyens que leurs élus consacrent leur première réunion à la fixation des indemnités, après avoir fait campagne sur les problèmes que ceux-ci rencontrent au quotidien. Je ne comprends pas la volonté de mettre en place un seuil à 1 000 habitants. J'estime que dans toutes les communes, à défaut de délibération contraire, les indemnités prévues par la loi doivent être versées. Si un maire ou des adjoints renoncent à tout ou partie de leurs indemnités, c'est leur droit et ils peuvent faire cette démarche, mais la renonciation ne doit plus être perçue comme naturelle.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Il me semble que dans les communes de moins de 1 000 habitants, l'indemnité est automatique.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - J'ai récemment fait adopter un amendement dans le cadre de la proposition de loi de notre collègue Bernard Saugey, reprenant des dispositions que j'avais moi-même proposées. Malheureusement, la proposition de loi Saugey n'a pas été votée. Aujourd'hui, dans les communes de moins de 1 000 habitants, une délibération demeure nécessaire et, la plupart du temps, les maires sont gênés parce que les conseils municipaux ne veulent pas leur accorder les indemnités maximum. Il y a dans le monde rural une profonde évolution. Autrefois, la fonction de maire était exercée bénévolement : l'agriculteur ou le notable qui avait une situation suffisamment installée était maire et on avait pris l'habitude de ne pas voter d'indemnités dans les petites communes. Puis un jour, un citoyen de 32 ans se fait élire et doit prendre sur son temps de travail. Il demande alors une indemnité, ce qui est presque considéré comme indécent. C'est d'autant plus injuste que, pour les communes de moins de 1 000 habitants, l'Etat verse une « dotation de l'élu rural », qui est faite pour compenser, certes en partie, les indemnités attribuées aux maires. C'est une raison supplémentaire pour que ces dernières soient attribuées d'office.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Depuis 2002, la loi prévoit que pour les communes de moins de 1 000 habitants, l'indemnité du maire est fixée au maximum autorisée, sauf autorisation contraire.

M. François Grosdidier. - Ce que je souhaite, c'est que les indemnités soient de droit pour toutes les communes, de la plus petite à la plus grande ville. Lorsque, par exemple, nous créons un poste de rédacteur, nous n'avons pas besoin de déterminer son salaire en conseil municipal. Cela devrait être la même chose pour le maire, car une grille d'indemnisation est fixée par la loi. En ce qui concerne l'indemnisation des conseillers municipaux, je tiens tout d'abord à signaler que les préfectures ont des lectures différentes de ce qui est permis de faire dans ce domaine. A partir de 100 000 habitants, tous les conseillers municipaux perçoivent une indemnité. Je suis en faveur d'un abaissement de ce seuil. Cependant, je ne pense pas qu'il faille priver l'équipe municipale de la possibilité de moduler l'enveloppe globale d'indemnisation. Il s'agit d'éviter les règlements de compte, c'est-à-dire une suspension des indemnités des maires en cours de mandat.

Dans ma commune, l'enveloppe est augmentée de 15 % car nous sommes chef-lieu de canton. C'est sur ces 15 % que j'indemnise les conseillers délégués. Je ne suis pas favorable à la suppression de toute souplesse mais il faut empêcher que, sur un vote politique, l'indemnité d'un maire, qui a des responsabilités et des obligations légales, soit suspendue. Dans tous les cas, je considère que les indemnités reviennent de plein droit aux élus, indépendamment de la taille de la commune. Un maire d'une ville de 30 000 ou de 100 000 habitants gagne moins que les cadres municipaux, alors qu'il s'agit d'un travail à temps plein. Par ailleurs, cela éviterait un débat malsain et le procès de l'exécutif fait par l'opposition au sujet de la première délibération du conseil municipal nouvellement élu. Enfin, je pense à nos collègues élues, les frais de garde étant une contrainte supplémentaire. Aujourd'hui, la ville ne peut pas les prendre en charge, y compris pour les conseillers non indemnisés. Aussi, je suis en faveur d'une prise en charge des frais de garde, indépendamment des indemnités.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - La délibération est effectivement obligatoire dans toutes les communes, quelle que soit leur population. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, le droit prévoit que l'indemnité soit fixée au taux maximal prévu, sauf opposition du conseil municipal. Dans les faits, nous savons bien qu'il y a souvent des discussions à ce sujet.

Je laisse désormais la présidence à Patricia Schillinger, me voyant dans l'obligation de m'absenter, ce dont je vous prie de m'excuser.

M. Rémy Pointereau. - Vos propositions me conviennent dans l'ensemble. Il faudra peut-être rediscuter de la gratuité des fonctions. Je m'interroge toutefois au sujet de la proposition n° 10 « Accorder une majoration indemnitaire de 50 % aux maires qui cessent leur activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat ». Il faudrait à mon sens réserver cette possibilité à un type de communes déterminé. Cette mesure sera en effet très coûteuse et difficile à assumer pour les communes de moins de 1 000 habitants. En outre, elle risque de ne pas être suffisante : avec la limitation du cumul des mandats, cette majoration ne permettra pas aux maires de ces petites communes de vivre de leur indemnité. Pour une commune de 500 habitants par exemple, le maire reçoit environ 600 euros d'indemnités mensuelles. Avec une majoration de 50 %, il percevra 900 euros seulement. Il doit en outre assumer toute une série de dépenses coûteuses : frais de représentation, de déplacement, de réception, etc. Dans ces conditions, comment voulez-vous qu'un maire arrête son activité professionnelle pour se consacrer à son mandat ?

Pour des communes de petite ou de moyenne taille, je me demande s'il ne vaudrait pas mieux faciliter le remboursement des frais de représentation et de déplacement, que les maires financent aujourd'hui avec leur indemnité de fonction.

Avec cette proposition n° 10, nous allons vers une professionnalisation des élus. Je redoute que certaines personnes se présentent aux municipales dans l'idée qu'ils vont être rémunérés pour des fonctions exercées à temps plein, alors que dans les plus petites communes, les maires ont besoin de consacrer au maximum deux ou trois jours par semaine à l'administration de leur commune. Permettez-moi donc de vous faire part de mon inquiétude au sujet de cette proposition. Je me demande si un seuil en nombre d'habitants ne devrait pas accompagner cette proposition.

Je constate également qu'aujourd'hui, il est plus facile pour un fonctionnaire d'exercer un mandat local, que pour un agriculteur ou une personne exerçant une profession libérale... et il ne s'agit pas seulement là d'une question d'indemnité.

M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur. - Ce qui est en jeu ici, ce n'est pas le montant de l'indemnité, mais la possibilité d'exercer à temps partiel. Je comprends ces arguments. Il est toujours délicat d'instaurer des seuils.

Les indemnités ont été nettement revalorisées entre 1992 et, aujourd'hui, l'indemnité brute d'un maire d'une commune de moins de 500 habitants a, par exemple, augmenté de 370 euros à 650 euros environ. Celle d'un maire d'une commune de 10 000 à 19 999 habitants a augmenté de 1 700 euros à plus de 2 400 euros. Pour une commune de 1 000 habitants, l'indemnité est actuellement de 1 600 euros environ. Si l'on y ajoute une majoration de 50 %, elle s'élève à 2 400 euros. Cela me semble raisonnable.

M. Rémy Pointereau. - Certes, mais qui paie ? Je préférerais que l'on parle de frais de représentation.

M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur. - Il pourrait être ajouté que la mesure proposée pourra éventuellement être limitée aux maires des communes n'excédant pas un certain seuil de population.

M. Philippe Dallier. - Tout à fait.

M. Rachel Mazuir. - Les frais kilométriques d'un président ou d'un vice-président de conseil général sont pris en charge. Je me demande si cette possibilité n'est pas également offerte aux maires ?

Mme Patricia Schillinger, présidente. - Effectivement, notamment pour les grands déplacements.

M. Rémy Pointereau. - Une délibération est nécessaire à chaque fois.

M. Rachel Mazuir. - Je ne suis pas sûr que l'approche du statut de l'élu par les indemnités soit la voie à suivre.

M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur. - Bien sûr, il ne s'agit que de la proposition n° 10.

M. Rachel Mazuir. - Le problème principal, récurrent, est celui de l'inégalité flagrante devant la possibilité d'être candidat. Aujourd'hui, seuls les hauts fonctionnaires ont un statut de l'élu ! Ils peuvent continuer leur carrière et retrouver des fonctions après leur mandat, à un niveau égal à celui auquel ils pourraient prétendre sans avoir interrompu leur activité professionnelle. Dans le reste de la fonction publique toutefois, des difficultés existent, puisque la progression de carrière est interrompue.

Dès lors, comment permettre à des ouvriers, par exemple, d'être candidats et de retrouver leur travail à la fin d'un mandat, tout en conservant une progression dans leur carrière ? Comment permettre aux femmes qui, dans notre société - et il s'agit là d'un constat et non d'un jugement de valeur -, s'occupent largement des enfants, d'être candidates ?

A mon sens, cette question doit être traitée de manière prioritaire, avant celle de l'indemnité, même si je reconnais qu'il est difficile d'y trouver des réponses. S'agissant des indemnités, il est vrai que leur octroi pourrait être simplifié si elles étaient de droit et ne nécessitaient plus le vote de délibérations.

Pour les petites communes, j'ai constaté personnellement l'absence de candidats aux fonctions de maire dans mon département. Il a parfois fallu attendre plus d'un mois pour que certains maires soient désignés !

Je peux, en outre, témoigner qu'être maire de petite commune implique en général beaucoup plus de travail qu'être adjoint au maire dans une grande ville, tant les sollicitations sont nombreuses.

Je rappelle que les indemnités sont très différentes selon les situations. Outre ces dernières, il y a le problème des retraites. La préoccupation principale doit être de trouver les moyens de faciliter l'accès de tous aux fonctions électives, et je suis persuadé que l'indemnité n'est pas la seule réponse.

M. Philippe Dallier, rapporteur. - Nous sommes bien d'accord sur le fait que l'indemnité n'est pas le problème principal. Les inquiétudes liées à la retraite ou au retour à l'emploi en cas de défaite électorale sont effectivement plus importantes. S'agissant de la retraite, je proposerais bien que tout le monde soit affilié au régime général, y compris les parlementaires. Ces derniers ne pourraient alors plus être accusés d'être privilégiés. Le fait de cotiser à la même caisse permettrait en outre de valider les trimestres effectués. Mais il faudrait alors que cette réforme soit globale : il devrait également être mis fin à l'ensemble des régimes spéciaux... Ce serait à mon sens la solution la plus égalitaire.

Si les élus cumulent les mandats, c'est certes pour des raisons d'indemnité, mais aussi parce qu'ils ont peur de se retrouver sans activité à la fin de leur mandat. Dans la fonction publique, il est effectivement possible de retrouver un poste du jour au lendemain mais, en cas de suspension du contrat de travail, dans le privé, une telle possibilité n'existe pas au bout de deux mandats. Il est difficile de résoudre ce problème : nous ne pouvons pas obliger une petite entreprise à reprendre son employé au bout d'une douzaine d'années... Nous avons bien vu comment le débat public sur l'indemnisation des parlementaires a terminé, il s'agit d'une question épineuse.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Effectivement, les indemnités sont toujours sujettes à discussion. Je voudrais évoquer la question des grilles indemnitaires des EPCI. Lorsqu'une commune ne possède qu'un seul représentant au conseil de l'EPCI, ce dernier assiste à toutes les réunions, qui sont nombreuses. Or, il ne perçoit aucune indemnité pour cela, alors que les présidents et les vice-présidents en ont une. Et si l'on divise une enveloppe commune pour l'ensemble des membres de l'organe délibérant, cela représente un faible montant en comparaison à l'activité fournie, surtout si on le compare à l'indemnité du président.

M. Claude Haut. - Je pense que toutes ces propositions vont dans le bon sens, mais il est certain que notre réflexion ne permettra pas de régler l'ensemble des questions que se posent les élus. Beaucoup de lois ont traité du statut de l'élu, et nous avons avancé de façon progressive. La prochaine loi sur le sujet ne résoudra pas non plus la totalité des problèmes rencontrés par les élus.

Les propositions dont nous débattons seront discutées au sein de plusieurs organismes, associations d'élus, assemblées, avant d'aboutir à un texte législatif qui n'en retiendra peut-être que quelques-unes. S'il y aura toujours des difficultés au sujet de l'indemnité, que ce soit vis-à-vis des administrés ou des autres élus, nous pouvons apporter des réponses sur d'autres sujets, notamment la question des retraites.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Pour illustrer ces avancées par petits pas, neuf lois ont abordé le système des affiliés à l'Ircantec de 1973 à 2004, pour en étendre progressivement les possibilités d'adhésion.

M. Yves Krattinger. - La stratégie des petits pas que vous évoquez est la seule qui soit réaliste et concrètement envisageable. A travers mon expérience d'élu local depuis près de quarante et un ans, je constate, en matière d'indemnités, que les maires des petites communes sont confrontés à des obstacles, notamment dans leurs relations avec le conseil municipal. Il est en effet difficile de demander à son conseil des indemnités lorsque le maire prédécesseur parvenait à s'en priver. Pourtant, l'exercice des fonctions de maire engendre tout un ensemble de coûts - qu'ils s'agissent de frais de déplacements, de télécommunications, ou autres - qui laissent à penser que le statut de l'élu bénévole ne s'ancre pas dans la réalité et ne peut subsister. En ce qui concerne la question des cotisations retraite, il me semble cohérent d'accepter que l'élu puisse capitaliser quelques trimestres liés à sa fonction et son investissement auprès de ses concitoyens. Il est aussi nécessaire de régler les contraintes liées à l'activité professionnelle, notamment la difficulté de poursuivre son métier dans le secteur privé tout en exerçant les fonctions d'exécutif communal, le problème de la couverture sociale, ainsi que la question du retour à l'emploi éventuel après un ou plusieurs mandats de maire. Ces questions appellent à la réflexion et nous devons les faire progresser peu à peu, chaque fois qu'il nous en sera donné l'occasion.

M. Rachel Mazuir. - Je voulais avant tout relever que la couverture sociale comprend aussi bien la retraite que la couverture santé. Par ailleurs je tenais à faire remarquer que beaucoup d'erreurs sont commises concernant les avantages et indemnités que perçoivent les parlementaires et les élus locaux. Si l'on compare ainsi le poste de vice-président d'un conseil général à celui d'un des douze vice-présidents d'une entreprise de 2 000 employés avec un budget s'élevant à 600 millions d'euros, le salaire de 2 300 euros net perçu par cet élu local est bien loin de celui d'un cadre placé dans une situation professionnelle équivalente.

Mme Patricia Schillinger, présidente. - Ayant bénéficié d'une expérience personnelle d'élue locale depuis 2001, en tant qu'adjointe au maire puis maire en 2008 d'une commune de 3 200 habitants, je pense que les indemnités doivent être de droit pour tout maire en exercice et que ce montant doit être déterminé par le législateur au niveau national. Je propose qu'il en soit de même pour les conseillers municipaux et les adjoints car il est aujourd'hui regrettable que les élus locaux soient l'objet de critiques parce qu'ils percevraient des indemnités à tort au vue de leur situation familiale et de leur vie privée. Le montant des indemnités doit, pour sa part, être fonction du nombre d'habitants que compte la commune, comme en dispose certes l'article L.2123-23 du CGCT. Toutefois, ces seuils sont trop larges car il y a une différence dans la charge de travail d'une commune de 1 000 habitants et d'une commune comme la mienne, alors que les indemnités sont les mêmes. Le lien entre la population et l'indemnité reçue doit être resserré.

M. Rachel Mazuir. - Pardonnez-moi mais je ne partage pas exactement votre avis concernant la charge de travail des élus des petites communes. En effet, aujourd'hui il n'y a plus de services de l'Etat pour assister les élus, seules les communes de plus grande taille vont pouvoir bénéficier de services étoffés pour alléger leur charge quotidienne.

Mme Patricia Schillinger, présidente. - De nombreux maires, moi incluse, devons réaliser le travail de secrétariat car il nous est financièrement impossible de recruter d'autre personnel. Cette situation ne peut perdurer et devra être repensée. Parmi les autres éléments qui doivent évoluer suite à cette réflexion, subsiste la question de la couverture sociale. J'ai été confrontée au cas d'une adjointe au maire qui ne pouvait être assurée par la sécurité sociale car son époux bénéficiait d'une couverture privée dans le cadre de son emploi. Cette situation, même si elle est rare, est regrettable. De même, subsiste le problème de la retraite de l'élu quittant ses fonctions et ne pouvant bénéficier d'indemnité chômage. Je pense qu'il faudrait mettre en place une aide minimum afin de retrouver un emploi.

Mes chers collègues, avez-vous des objections ou remarques à apporter à ce rapport ?

M. Rémy Pointereau. - Je ne souscris pas à la proposition n° 10...

M. Antoine Lefèvre. - Je voulais simplement évoquer un thème abordé au moment de la réforme des collectivités territoriales, celui de l'honorariat. En cette période de recherche de symboles, et dans une optique de réduction des coûts, il serait bien de revoir ces dispositions et, éventuellement, le baisser à deux mandats car il devient rare qu'un élu exerce trois mandats.

M. Rachel Mazuir. - Une dernière remarque : les pompiers volontaires, après vingt ans de services, reçoivent une allocation vétérance, tandis que les élus de base n'ont droit à aucune reconnaissance, surtout ceux qui n'ont pas progressé et sont restés élus de base.

Par ailleurs, même si elle n'a pas été évoquée dans nos débats, il ne faut pas oublier la responsabilité des chefs exécutifs qui requiert d'être assuré dans le cadre d'un éventuel conflit au pénal...

Mme Patricia Schillinger, présidente. - Procédons maintenant au vote. Y-a-t-il des objections ?

Le rapport de MM. Jean-Claude Peyronnet et Philippe Dallier est approuvé.

Les collectivités territoriales et les transports - Présentation du rapport d'information

M. Yves Krattinger, rapporteur. - Notre délégation s'est penchée sur un sujet important pour nos concitoyens aujourd'hui : les transports publics locaux. Lequel ou laquelle d'entre nous n'a en effet jamais été confronté(e) à ces enjeux, dont la dimension territoriale est évidente et dépasse de loin les clivages politiques traditionnels ?

Ces dernières années, nos collègues des commissions permanentes du Sénat ont surtout exploré, à l'occasion de leurs rapports d'information, les problématiques relatives aux infrastructures de transport dans notre pays. De notre coté, il nous a semblé utile d'apporter un complément à ces études car, au-delà de la question des réseaux, qui est cruciale sans aucun doute, la question de l'organisation elle-même des transports publics locaux est un enjeu d'avenir majeur.

Sur ce point, les problématiques que nous avons abordées ont été nombreuses, parmi lesquelles : la répartition des compétences entre les différents acteurs et leur coordination ; la question du financement des transports publics locaux dans les années à venir ; ou encore l'impact des nouvelles technologies dans l'organisation de ces transports.

Au-delà de l'intérêt que nous portons tous à ces problématiques, en tant qu'élus locaux en charge de la gestion des autorités organisatrices de transport (AOT), ces sujets suscitent de nombreuses attentes de la part de nos concitoyens. En effet, ceux-ci veulent une offre de transport moderne, diversifiée, et, dans le contexte actuel marqué par une meilleure prise en compte du développement durable, ils souhaitent une offre de transport soucieuse des impératifs écologiques.

En définitive, c'est l'idée d'une « mobilité durable » qui est au coeur de la révolution des transports publics locaux, aujourd'hui en marche dans nos territoires. Et nous en sommes, en tant qu'élus locaux, les premiers fers de lance.

Vous constatez en effet, toutes et tous dans vos territoires respectifs, que le développement de l'intermodalité, par exemple, s'est notamment traduit par le succès des parkings relais, des vélos en libre-service ou encore du covoiturage. Les comportements en matière de transport sont donc bien, actuellement, en pleine évolution. Ce basculement, ce sont nos citoyens eux-mêmes qui le réclament : plus de mobilité, une offre plus diversifiée, une plus grande accessibilité, une plus grande fiabilité, davantage d'information en temps réel. En clair, les usagers veulent être les acteurs de leur propre mobilité.

Dès lors, si la demande de transports publics évolue, l'offre de transports collectifs doit pouvoir y répondre. Et dans ce contexte, nous, les collectivités territoriales, sommes au premier plan.

A travers ce rapport, j'ai donc souhaité formuler des propositions afin d'encourager ces évolutions. En clair, pour bâtir les transports publics locaux de demain, nous devons nous en préoccuper dès à présent en encourageant la sophistication des systèmes d'information qui va de pair avec l'optimisation du réseau ; en favorisant l'innovation qui va de pair avec la simplification pour les usagers ; en s'appuyant sur des modèles institutionnels au service de l'intermodalité ; et, enfin, en trouvant des sources de financement pérennes.

Ma réflexion, menée sur plusieurs mois, m'a conduit à auditionner de nombreux acteurs des transports publics locaux dans notre pays : le Groupement des autorités responsables de transports (GART), l'Association des régions de France (ARF), la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM), l'Assemblée des communautés de France (AdCF), la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), l'Agence française pour l'information multimodale et la billettique (AFIMB), le Syndicat mixte des transports collectifs de l'Oise (SMTCO), mais aussi la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère de l'Écologie ou encore la Direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'Intérieur, etc. Cela m'a permis de disposer d'une bonne vision d'ensemble et de formuler, je pense, des propositions concrètes et consensuelles parmi ces acteurs.

Par ailleurs, j'ai noté au cours de ces auditions que mes interlocuteurs faisaient référence à des modèles étrangers d'organisation des transports publics locaux. C'est pourquoi j'ai souhaité que notre délégation puisse disposer d'une étude comparative en la matière. J'ai donc missionné, en mars dernier, la division de la législation comparée du Sénat qui a produit une étude sur l'organisation de la compétence « transport » entre les différents niveaux de collectivités locales, en Allemagne, en Espagne, en Italie et en Suisse. Vous pourrez retrouver toutes les observations contenues dans cette étude au sein d'une annexe au présent rapport.

En ce qui concerne la France, je voudrais insister sur deux enjeux fondamentaux pour l'avenir des transports publics locaux : la question de l'intermodalité et celle de la coordination technologique et institutionnelle pour assurer ce que je nommerai « la mobilité courante des usagers ». Pour assurer cette mobilité courante, nos transports publics locaux doivent répondre à deux exigences.

Tout d'abord être en mesure de délivrer une information multimodale, c'est-à-dire de mettre en correspondance efficiente et cohérente les différents systèmes de transport des réseaux urbains, interurbains ou TER. La production de cette information multimodale nécessite donc une bonne coordination entre les différentes AOT, ce qui implique de dépasser les frontières administratives par la création de plateformes uniques : « les systèmes d'information multimodale (SIM) », permettant la mise à disposition des usagers de l'ensemble des informations sur les lignes et les horaires de tous les réseaux de transports publics existant sur un territoire donné. C'est ce qui a été fait de façon très opérationnelle dans le département de l'Oise par exemple.

Ensuite, nos transports publics locaux doivent être en mesure d'assurer la conjonction des systèmes grâce à la billettique unique. Sans outils fiables permettant aux voyageurs d'effectuer un parcours multimodal avec un seul titre de transport, il ne peut y avoir de mobilité courante des usagers. Or, dans notre pays, l'interopérabilité reste encore très incomplète, et ne se déploie pas hors du territoire régional. Par ailleurs, la tarification intégrée reste encore peu développée notamment en raison d'obstacle techniques et institutionnels.

C'est pourquoi, pour faciliter cette interopérabilité des systèmes, il est nécessaire, selon moi, d'agir sur deux points.

Du point de vue technique, d'abord, nous devons faire un effort pour développer des référentiels communs tant pour la mise en réseau des systèmes d'information que des systèmes billettiques. Cela permettra de rendre possible la création de titres intermodaux avec une répartition des recettes entre les AOT. Nous voyons bien que l'interopérabilité est donc autant une question technique qu'une question de gouvernance. C'est pourquoi je vous propose de missionner une structure susceptible de prendre en charge ces questions d'interopérabilité se posant au travers des projets des collectivités. Cette « autorité de l'intermodalité » doit être envisagée au niveau national, la normalisation étant une compétence qui doit relever de l'État dans la mesure où les enjeux sont aujourd'hui mondialisés. Mais si c'est bien à l'État de garantir la cohérence d'ensemble, par l'élaboration d'une norme commune, cette autorité devra également associer les AOT, les experts et les entreprises. C'est le sens de ma première proposition : mettre en place une agence pour l'information multimodale et la billettique aux pouvoirs étendus, dotée d'un pouvoir de décision pour assurer l'interopérabilité des systèmes.

Du point de vue institutionnel ensuite, la question est de savoir s'il faut, ou non, revoir l'organisation de la compétence transport entre les différentes AOT ? Pour ma part, une remise à remise à plat de la compétence transport n'est pas nécessaire, car des outils de coordination existent. Il me parait plus judicieux de les consolider. En clair, il est inutile de développer une structure nouvelle au niveau des territoires, les structures juridiques de gestion commune des transports rassemblant toutes les AOT étant d'ores et déjà utilisables par les collectivités : du simple comité de coordination qui n'oblige à rien, au syndicat mixte de type « SRU » ayant un pouvoir de décision avec un conseil délibératif et une ressource propre. Dans ce domaine, toutes les personnes que j'ai auditionnées étaient d'accord : il faut développer la coopération institutionnelle en utilisant l'outil des syndicats mixtes de type « SRU ». Or, on en dénombre, à ce jour, moins d'une quinzaine. C'est pourquoi, et il s'agit de ma deuxième proposition, je recommande de les généraliser, d'autant que cette forme juridique présente l'avantage pour les AOT de n'être pas obligées de transférer la compétence transport. Cette coordination entre AOT constitue une première étape de la construction d'une « AOT partagée ».

Mes troisième et quatrième propositions s'inscrivent dans le droit fil de cette proposition.

D'une part, je propose que le syndicat mixte SRU soit chargé d'établir un schéma directeur régional de l'information multimodale et de la billettique et de le mettre en oeuvre. Il réglerait ainsi les problèmes de zone blanche, d'absence de certaines AOT, d'incohérence ou de redondance et permettrait de pallier le manque de communication entre elles. Cette coordination est indispensable pour faire en sorte que les actions menées au niveau d'un département soient compatibles avec celles menées dans un autre département de la même région. Ce véritable « pôle régional de mobilité » présenterait, en outre, l'avantage de ne pas être une structure lourde mais fédératrice.

D'autre part, si le cadre actuel est suffisant au plan local et régional, à travers ces syndicats mixtes de type SRU, sur le plan national, en revanche, il pourrait être judicieux d'organiser avec le GART, l'ARF, l'ADF et l'AdCF, une forme de « conférence des AOT » pour traiter particulièrement des thématiques liées à la mobilité et améliorer la coordination. C'est pourquoi, je recommande, de mettre en place, au niveau national, une représentation informelle de l'ensemble des syndicats mixtes SRU.

Je voudrais finir mon propos en rappelant combien il est important pour les collectivités territoriales de ne pas rater le virage des nouvelles technologies dans la politique des transports publics locaux. Si nous souhaitons en effet que nos concitoyens deviennent des gestionnaires de leur propre mobilité, nous devrons, à l'avenir, rendre nos transports plus « intelligents ».

M. Rachel Mazuir. - Vous décrivez exactement la démarche que le département que je préside a engagée avec la région Rhône-Alpes. Nous avons, par exemple, mis en place un billet, facturé seulement 2 euros, permettant aux usagers d'effectuer un trajet pour relier n'importe quel point du département, ce qui s'est traduit par une augmentation de 26 % de la fréquentation. La coordination institutionnelle et technologique est plus aisée à mettre en oeuvre dans des territoires de petite taille. A l'inverse, cela devient plus compliqué lorsqu'il s'agit de territoires plus vastes, et notamment de territoires transfrontaliers ; je pense, en ce qui me concerne, à la proximité avec la Suisse. De ce point de vue, les propositions de ce rapport me paraissent excellentes car elles vont dans le bon sens.

Mme Patricia Schillinger, présidente. - Effectivement, dans un territoire transfrontalier, l'enjeu de la billetterie intégrée, fondamental pour les usagers, se pose en termes plus complexes.

M. Yves Krattinger, rapporteur. - Nous devons pour cela répondre aux exigences d'interopérabilité d'un pays à l'autre entre les différents systèmes billettiques. Sur ce point, j'attire votre attention sur le danger que peuvent représenter certains marchands de logiciels qui tenteront de vendre aux collectivités des systèmes qui ne sont pas interopérables d'un territoire à l'autre, tout en faisant prendre en charge le coût de la conception par les collectivités elles-mêmes. C'est notamment pour cette raison que l'État a créé l'Agence française pour l'information multimodale et la billettique (AFIMB), dont je préside le comité d'orientation. Or, cette agence ne dispose, aujourd'hui, d'aucun pouvoir en matière de normalisation. Autrement dit, elle n'est pas en mesure de valider des standards alors même que l'on a besoin d'approfondir l'interopérabilité, notamment au niveau européen, et qu'il faut pour cela un interlocuteur national unique. Par ailleurs, l'AFIMB doit faire face à un trop grand nombre d'acteurs, à savoir près de 400 autorités organisatrices de transport (AOT). Il convient donc de réduire leur nombre à travers une démarche « d'AOT partagée » au niveau régional ou infrarégional, au moins pour ce qui concerne les aspects d'information multimodale et de billettique. En conséquence de quoi, l'interopérabilité, qui est une question essentielle, devra être traitée par la normalisation et la définition de standards communs dans les territoires, en particulier pour ce qui concerne les agglomérations transfrontalières.

Mme Patricia Schillinger, présidente. - C'est exactement la problématique à laquelle nous sommes confrontés dans mon département, frontalier de l'Allemagne, pays où l'organisation des transports publics n'est pas la même qu'en France. C'est pourquoi les propositions formulées dans ce rapport me paraissent extrêmement bienvenues.

M. Claude Haut. - Je partage cet avis : ce rapport formule d'excellentes propositions qui peuvent répondre aux attentes de nos concitoyens. En tant qu'élus chargés de l'organisation des transports publics locaux, nous sommes effectivement tous confrontés à la demande des usagers de pouvoir disposer d'un seul titre de transport pour effectuer plusieurs trajets. L'interopérabilité est donc bien indispensable, mais difficile à mettre à oeuvre, ce que j'ai pu constater dans le Vaucluse : nous avons mis en place un syndicat de type SRU au niveau départemental, mais c'est au niveau régional qu'il convient d'initier cette coopération et c'est précisément lorsque l'on raisonne à cette échelle qu'il est plus difficile de l'envisager. C'est pourquoi il conviendra d'y réfléchir à travers ce rapport qui pourra, peut-être, être à l'origine d'une proposition de loi en la matière.

M. Yves Krattinger, rapporteur. - Nous partageons tous le même constat. La législation actuelle nous permet de réaliser de la coopération à travers le modèle des syndicats mixte, de type SRU, notamment dans le domaine de l'information multimodale. Toutefois la législation ne rend pas ce modèle institutionnel obligatoire. En tant que président de commission au sein du GART, j'ai eu l'occasion d'auditionner de nombreux acteurs qui se sont lancés dans davantage d'intégration ; tous partagent le même constat : il faudrait rendre obligatoire la constitution de syndicats mixte, de type SRU, au moins en matière d'information multimodale et de billettique. Nous devons offrir aux usagers des billets multimodaux qui les incitent à utiliser les transports en commun. Si je prends l'exemple de la SNCF, qui vend aujourd'hui plus de 50 % de ses billets sur Internet, l'enjeu est désormais de pouvoir vendre un billet combinant également les deux extrémités de la chaîne de transport, que ce soit des prestations de location de vélo ou de voiture, de taxi ou de transports en commun. A cet égard, je pense au travail considérable réalisé par le Syndicat mixte des transports collectifs de l'Oise (SMTCO), qui est un modèle du genre que je vous invite d'ailleurs à aller visiter.

Le rapport de M. Yves Krattinger est approuvé.