Mercredi 1er février 2012

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Sommet social - Table ronde réunissant les représentants
des syndicats de salariés

Mme Annie David, présidente. - Je remercie les représentants des organisations syndicales, qui ont dégagé du temps pour nous rencontrer.

Notre table ronde fait suite au sommet social qui s'est déroulé à l'Élysée le 18 janvier. En accord avec le président Jean-Pierre Bel, qui regrette de ne pouvoir être présent aujourd'hui, j'ai souhaité connaître vos réactions à la suite de ce sommet, mais aussi des annonces du Président de la République, pour encourager le chômage partiel, inciter à l'embauche de jeunes dans les très petites entreprises, recruter mille personnes en CDD à Pôle emploi, après les mille deux cents suppressions de postes intervenues l'an dernier. S'ajoute la mission confiée à Gérard Larcher sur la formation professionnelle après les deux lois adoptées en 2009 et 2011. Au total, 430 millions d'euros seraient mobilisés en urgence pour combattre la montée dramatique du chômage.

Estimez-vous que ces annonces soient à la hauteur des enjeux ? Regrettez-vous que certaines de vos propositions n'aient pas été retenues ? Si oui, lesquelles ? Faut-il une nouvelle loi sur la formation professionnelle ?

D'autre part, que vous inspire le transfert de cotisations patronales vers la TVA, à concurrence de 13 milliards d'euros ? Je rappelle que la TVA est à nos yeux une taxe injuste parce qu'elle pénalise surtout les ménages défavorisés. Que pensez-vous des accords compétitivité-emploi permettant d'imposer aux salariés une réduction du temps de travail et de la rémunération, malgré les dispositions contraires inscrites dans le code du travail ? Enfin, quel est votre sentiment sur l'obligation qui serait faite aux grandes entreprises d'avoir au moins 5 % de jeunes en alternance ou en apprentissage ?

M. Bernard Van Crayenest, président de la CFE-CGC. - A nos yeux, le sommet social était une réunion de travail comme nous en avons connu autrefois. Il y en avait un par mois lorsque la crise financière a éclaté en 2008, mais cette pratique avait disparu depuis 2010.

La loi Larcher du 31 janvier 2007 impose que toute évolution du code du travail soit précédée par la consultation des partenaires sociaux. Une bonne pratique consiste donc à fixer en début d'année un agenda social. En 2011, son élaboration n'a été l'oeuvre que des partenaires sociaux...

La montée inquiétante du chômage peut justifier des mesures défensives ou offensives.

Il faut à l'évidence retrouver les voies de la croissance économique qui nous fait cruellement défaut. Notre pays n'est pas le seul, mais nos concitoyens subissent la montée continue du chômage : au moins égal à 7 % depuis trente ans, il avoisine aujourd'hui 10 % en raison d'un mauvais positionnement de nos entreprises dans la compétition mondiale et même au sein de la zone euro. Pour relancer la croissance, la CFE-CGC met depuis longtemps l'accent sur la compétitivité des entreprises. En ce domaine, la France est caractérisée par une succession de mesures dont chacune est peut-être pertinente, mais qui ne forment pas un ensemble cohérent permettant d'affronter les défis. La réforme de la taxe professionnelle est bienvenue, mais elle n'a pas été évaluée. Nous ignorons donc si elle a permis d'améliorer la compétitivité des entreprises les plus exposées à la concurrence internationale. Par ailleurs, les exonérations de cotisations sociales sur les faibles rémunérations ont un effet pervers : la « trappe à bas salaires ».

Les grandes entreprises échappant en pratique au taux légal de l'impôt sur les sociétés alors que les PME le subissent de plein fouet, nous suggérons que l'assiette de l'impôt sur les sociétés prenne en compte le bénéfice réinvesti en recherche et développement, dans l'outil de production ou l'emploi. A ce jour, cette suggestion n'a pas eu de suite.

La CFE-CGC propose depuis longtemps une cotisation sociale sur la consommation. Par définition, cette cotisation serait affectée. Le vrai problème du financement de la protection sociale est le vieillissement de la population. Il faut certes améliorer la gestion du système de soins et combattre la fraude, mais il faut aussi dégager des moyens supplémentaires pour élargir les recettes sociales, à l'instar de la CSG autrefois, car le financement actuel exerce une pression négative sur les effectifs et les salaires. Nous constatons aujourd'hui que le transfert partiel du financement de la politique familiale sur la TVA se traduirait par une hausse de 1,6 point. Les entreprises les plus exposées à la concurrence internationale sont-elles ciblées ?

Par ailleurs, notre économie est caractérisée par une forte dichotomie entre grands groupes et PME, les salariés de celles-ci n'ayant accès ni à l'intéressement, ni à la participation, ni à l'épargne salariale.

Nous estimons insuffisantes les propositions faites pour retrouver les voies de croissance et offrir à nos entreprises les moyens de tirer leur épingle du jeu dans la concurrence internationale.

Un document sur la compétitivité a été ratifié par les organisations d'employeurs et par trois organisations syndicales. La France doit dynamiser ses actions de recherche et développement : alors que la stratégie de Lisbonne de mars 2000 indiquait que chaque pays consacrerait 3 % de sa richesse à la recherche et au développement à l'horizon 2010, nous stagnons à 2,1 %, avec des masses analogues pour les secteurs public et privé. La CFE-CGC estime que le fonds stratégique d'investissement devrait revoir sa doctrine de participation minoritaire, insuffisamment ciblée vers les entreprises exposées à la compétition internationale. Nous souhaitons également que soient accélérés les investissements liés au grand emprunt. Il nous semble pertinent de créer une banque de l'industrie sur le modèle d'Oseo, surtout si elle peut s'affranchir de Bâle III pour consacrer ses ressources à l'économie réelle et à l'investissement au lieu d'accumuler des fonds propres. Enfin, nous souhaitons qu'un encouragement fiscal oriente l'épargne des ménages vers le financement de l'économie.

J'en viens au volet défensif : le chômage partiel peut éviter de rompre le contrat de travail. Dès 2008, nous avons dénoncé l'inégalité devant le chômage partiel. La possibilité d'effectuer un contrôle a posteriori va dans le bon sens.

Faut-il réformer la formation professionnelle ? Il convient sans aucun doute d'améliorer la formation des demandeurs d'emploi ; sur l'enveloppe d'un milliard d'euros prévue à cette fin, le Gouvernement a prélevé 300 millions au détriment du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Il faut cesser de reprendre d'une main ce que l'on vient de redistribuer de l'autre !

En moyenne, les entreprises comptant plus de deux cent cinquante salariés emploient 1,7 % de personnes en apprentissage. Pour atteindre 4 % ou 5 %, il faudrait disposer de tuteurs disponibles et formés.

Les accords compétitivité-emploi vont être discutés dans le cadre d'une négociation nationale interprofessionnelle. Nous ignorons si elle peut aboutir en deux mois. Il importe d'éviter les effets d'aubaine et les redondances. En outre, leur application dans une entreprise suppose, à notre avis, l'accord majoritaire des salariés. J'insiste enfin sur la clause de retour à meilleure fortune offrant aux salariés des perspectives claires de contrepartie pour les sacrifices consentis.

M. Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT. - Dès la rentrée de septembre, la CFDT a demandé qu'un sommet social prenne des mesures urgentes dans le domaine de l'emploi. Le chômage partiel augmente depuis juillet. Nous voulions un sommet sur l'emploi, pas un sommet de crise.

J'en viens à nos propositions. La première consiste à simplifier le recours au chômage partiel. Sur ce point, nous sommes sur le bon chemin, dans la concertation entre les partenaires sociaux et l'Etat.

Il reste que les chiffres du chômage sont gonflés par les salariés en fin de CDD ou en fin d'intérim. En ce domaine, qu'il s'agisse de formation, des moyens attribués à Pôle emploi ou des contrats aidés, les mesures annoncées restent très insuffisantes. Nous n'avons eu aucune réponse à nos propositions sur l'accompagnement des jeunes vers l'emploi.

Le sommet du 18 janvier aboutit à des mesures intéressantes sur l'emploi, mais très insuffisantes au regard des enjeux. Ainsi, Pôle emploi bénéficiera de mille CDD, alors que nous avions demandé deux mille CDI après les mille cinq cents suppressions intervenues l'an dernier. De même, consacrer 450 millions à l'emploi n'est pas rien mais reste insuffisant, surtout lorsque l'on sait que 300 millions d'euros sont ponctionnés sur le FPSPP : il ne reste donc que 150 millions.

Nombre de nos interrogations sont restées sans réponse. Une concertation sur des mesures structurelles a constitué l'autre volet du sommet.

J'en viens aux trois sujets évoqués dimanche par le Président de la République. La CFDT est hostile à la hausse de la TVA. Nous acceptons le principe d'un transfert de cotisations, car la politique familiale ne doit pas reposer sur le travail, mais il faut discuter ses modalités. Nous souhaitons une augmentation de la CSG, impôt plus juste que la TVA. Sur ce point, notre désaccord est profond. La hausse de la CSG sur les revenus financiers ne suffit pas !

Nous sommes favorables à l'alternance, mais l'objectif annoncé de 5 % de jeunes en alternance dans les grandes entreprises à l'horizon 2015 n'est que du vent, puisque l'objectif légal de 4 % n'est pas atteint aujourd'hui.

Les accords compétitivité-emploi portent sur un vrai sujet, mais cette façon de l'aborder serait la meilleure pour le tuer. En outre, le tempo est irréaliste : il faudra au moins six mois, nous le rappellerons dès la première séance. Enfin, on nous dit qu'il ne se passera rien en cas d'accord, et rien non plus si les négociations échouent... Comme motivation, j'ai connu mieux ! En réalité, il faut aller vers une quasi-codécision des partenaires sociaux dans la stratégie de compétitivité de l'entreprise, avant d'examiner les paramètres d'emploi. Nous ne pouvons accepter une négociation contrainte par le calendrier et sans contenu effectif.

M. Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral de la CGT. - Notre comité confédéral national, qui réunit les fédérations professionnelles et les unions départementales, siège précisément aujourd'hui. Il sera largement consacré au sujet de votre table ronde. Cependant, notre secrétaire général, Bernard Thibault, a commenté hier le sommet social à l'occasion d'un meeting national consacré à la retraite. Sur ce thème, je formulerai trois remarques.

D'abord, il faut distinguer les mesures consensuelles limitées, débattues lors du sommet social, des annonces faites dimanche soir par le Président de République, dont deux retiennent particulièrement l'attention : la hausse de la TVA et les accords compétitivité-emploi.

Ensuite, les mesures débattues lors du sommet social ne sont pas à la hauteur du problème posé : comment agir face à une conjoncture prolongeant la crise économique et financière de 2008, devenue, avec la dette, la crise systémique la plus grave depuis 1929 ? La hausse effrayante du taux de chômage exige une réponse urgente. Nous avons formulé des propositions.

Enfin, les annonces faites par le Président de la République sont inacceptables.

Ainsi, nous sommes radicalement opposés à la TVA dite sociale, même déguisée en simple hausse d'un taux de TVA. J'ai appris hier que le Gouvernement envisageait de ne pas consulter l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), dont je suis vice-président - comme il est normalement obligé de le faire - sous prétexte qu'une loi de finances rectificative suffirait. Les cotisations sociales, même patronales, n'étant qu'une composante socialisée du salaire, le transfert proposé équivaut à une baisse de salaire. Il met fondamentalement en cause le financement de notre protection sociale, qui doit rester assis sur la création de richesses par le travail. Nous avons formulé des propositions en ce sens.

J'ignore ce que le comité confédéral national décidera au sujet des accords compétitivité-emploi. Le problème n'est pas dans la négociation de deux mois, mais dans cette attaque sans précédent contre le code du travail. Or, la compétitivité ne dépend pas seulement du coût du travail.

J'en viens aux mesures à prendre d'urgence.

Nous avons proposé de fusionner les trois dispositifs de chômage partiel. En outre, des mesures structurelles doivent être prises sans tarder pour réformer le financement de la sécurité sociale et le financement de l'économie. La création annoncée d'une banque industrielle reste très en-deçà des besoins, alors que nous avons proposé de longue date que l'on mette en réseau dans un pôle financier public des établissements comme Oseo, la Caisse des dépôts et le fonds stratégique d'investissement. Il faut également examiner le rôle des banques, qui se refinancent à très bon marché auprès de la Banque centrale européenne, mais prêtent à des taux bien plus élevés, notamment aux PME-PMI.

M. Bernard Ibal, conseiller du président de la CFTC. - Tout sommet social est une bonne chose. Celui du 18 janvier a permis des avancées.

Le défi principal nous est lancé par la crise de confiance, mère de toutes les crises. Elle touche la mondialisation, le Gouvernement, l'Europe, l'euro et les entreprises, à un moment où les fins de mois sont difficiles pour plus d'un quart des Français.

Le recours au chômage partiel n'est pas une mauvaise formule, à condition qu'une clause de retour à meilleure fortune permette aux salariés de récupérer ce qu'ils auront perdu. Au lieu de faire du curatif, faisons du préventif en créant une provision pour risque social, défiscalisée, sur le modèle des provisions pour intempéries. Elle serait de nature à rétablir un climat de confiance.

Les accords compétitivité-emploi font craindre le pire car les salariés n'ont aucune garantie réelle. Les exemples sont nombreux de promesses non tenues ! On pourrait utiliser les marges de flexibilité existantes, par exemple sur les RTT. Enfin, le dispositif proposé suscite une difficulté juridique, puisque les accords seraient collectifs, alors que le contrat de travail est individuel. La compétitivité, au demeurant, n'est pas exclusivement liée au coût du travail : elle fait aussi intervenir l'innovation, donc son régime fiscal. La CFTC demande depuis longtemps des états généraux de la fiscalité. Nous approuvons la taxation des transactions financières, mais souhaitons aussi que les plus-values mobilières soient imposées de façon dégressive selon la durée de détention des titres.

La hausse de la CSG sur les revenus patrimoniaux reste très faible au regard des besoins de financement. La TVA sociale compensera la baisse des charges patronales, mais une justice élémentaire exige de réduire aussi les cotisations salariales, pour augmenter le pouvoir d'achat. Ce serait de surcroît économiquement utile en soutenant la demande, dans un contexte où le Président de la République estime à juste titre qu'il n'y a pas de risque inflationniste. Le Haut Conseil au financement de la protection sociale n'ayant pas été consulté, j'ignore son opinion, mais la pérennité des ressources de la branche famille n'est nullement garantie par la hausse de la TVA.

A propos des jeunes, nous approuvons l'incitation à embaucher dans les très petites entreprises et le développement de la formation en alternance, mais ces mesures restent largement insuffisantes. Nous soutenons l'accentuation des mesures déjà prises, en souhaitant surtout qu'elles soient mieux connues.

A l'occasion du sommet social, nous avons demandé avant tout que l'on crée un comité paritaire permanent du dialogue social, car celui-ci est en panne depuis longtemps. Passer aux actes pour rétablir la confiance est la condition sine qua non pour que les mesures prises soient acceptées.

M. Stéphane Lardy, secrétaire confédéral de FO. - Le sommet social n'a pas satisfait toutes les attentes. Vu le contexte électoral, il ne pouvait en aller autrement, mais comme nous sommes républicains, nous venons lorsque le Président de la République nous invite.

Les accords compétitivité-emploi ne peuvent être envisagés sans se référer au chômage partiel, qui réduit le temps de travail et la rémunération concernant les accords compétitivité-emploi, nous sommes prêts à en discuter. En matière de chômage partiel, nous sommes, semble-t-il, arrivés à des conclusions intéressantes lors de la réunion d'hier avec Xavier Bertrand. Etant des syndicalistes optimistes, nous pensons convaincre le patronat qu'il a tort. J'ai d'ailleurs cru comprendre qu'il n'était pas très allant sur la méthode. A notre sens, les accords compétitivité-emploi ne peuvent apporter une solution de fond.

On met souvent en avant le cas de l'entreprise Poclain : ailleurs, certains accords ont bien fonctionné, d'autres non. Le code du travail n'interdit pas la conclusion de ce type d'accord mais requiert l'accord individuel de chaque salarié. Or, le patronat se comporte comme s'il était au supermarché, préférant selon les cas des accords collectifs ou individuels. A nos yeux, le problème n'est pas d'ordre juridique, mais d'acceptation sociale.

D'après la Cour de Cassation, le chômage partiel ne modifiant pas le contrat de travail, son refus par le salarié constitue une faute grave justifiant son licenciement. La situation est différente si un accord collectif prévoit une baisse des salaires et du temps de travail. Une intervention législative est donc nécessaire pour mettre en place les accords compétitivité-emploi, comme ce fut le cas lorsque les lois Aubry ont réduit le temps de travail.

Le modèle allemand a beaucoup été cité. Or, d'après la Cour des comptes, l'Allemagne consacre 6 milliards au chômage partiel, dix fois plus que la France. Les accords compétitivité-emploi y relèvent de la codécision, telle qu'elle est pratiquée outre-Rhin, avec des représentants syndicaux siégeant au conseil d'administration ou de surveillance. Ce serait pour la France une révolution copernicienne : lorsque j'ai demandé au patronat s'il était disposé à introduire la codécision, je n'ai entendu qu'un grand silence. Nous négocierons donc sans illusions. Au demeurant, les outils existent dans le code du travail mais ils sont mal utilisés par les entreprises, dont les dirigeants ne veulent pas parler de stratégie avec les salariés.

J'en viens à la formation professionnelle qui est de la responsabilité des régions, que le Président de la République met en cause. Nous faisons, nous, l'éloge de la stabilité. M. Larcher va nous recevoir. Mais l'accord du 7 janvier 2009 n'a toujours pas été étendu par le ministère, ce qui devient ridicule et manifeste une certaine forme de mépris de l'administration pour les accords interprofessionnels.

La réforme du 24 novembre 2009 a été extrêmement lourde pour les organismes paritaires collecteurs agréés. Des conventions d'objectifs et de moyens doivent être signées d'ici trois ans. Si cette réforme est remise en cause, les salariés et les demandeurs d'emploi risquent d'être moins bien formés.

La loi Cherpion sur l'alternance était issue d'un accord interprofessionnel, que nous n'avons d'ailleurs pas signé. Certaines branches sont incapables de savoir combien leurs entreprises comptent d'apprentis. Il faut parfois trois ans pour avoir le retour d'information des branches. Certaines dispositions de la loi sont ésotériques : ainsi en est-il pour les salariés intermittents ou pour les saisonniers.

Il ne nous appartient pas de revenir sur la loi de décentralisation de 2004. Nous souhaiterions que la région soit le lieu unique pour tout ce qui touche à l'emploi et à la formation. En outre, il faudrait supprimer toutes les instances qui se chevauchent et qui, parfois, ne servent à rien. Ainsi en est-il du conseil régional de l'emploi.

Au sommet social, nous avons abordé la question de l'Afpa car cet organisme, qui est extrêmement important pour la formation des demandeurs d'emploi et qui est le seul à proposer un service global, est en train de mourir. Il faut que le Parlement et les régions engagent rapidement un débat sur l'avenir de l'Afpa car des sites vont prochainement fermer.

M. Claude Jeannerot. - Je partage ce qu'a dit M. Berger sur le financement de la protection sociale. D'après lui, ce financement ne doit pas reposer sur le seul travail, mais aussi sur la CSG, qui est un outil plus juste que la TVA sociale. Pour quelles raisons cette solution n'a-t-elle pas été retenue ?

M. Lardy a parlé de la formation des demandeurs d'emploi et a défendu, à juste titre, le rôle de l'Afpa. Nous ne pouvons accepter le saccage actuel de cet organisme mais le Gouvernement nous rétorque que la réglementation européenne interdit de proposer des services intégrés aux demandeurs d'emploi. Si tel est le cas, ce serait un recul considérable qui pénaliserait les demandeurs d'emploi. J'avais dit à M. Wauquiez, lorsqu'il était en charge de ce dossier, qu'il fallait démonter le mythe de la réglementation européenne et doter notre pays d'un vrai service public de la formation professionnelle.

M. Louis Pinton. - J'ai entendu dire que la fiscalité des entreprises n'était pas la même pour les PME et les grands groupes, ce qui choquerait nos concitoyens. Comment les grands groupes font-ils pour échapper à l'impôt ?

Je suis favorable à la création d'une banque de l'industrie, mais comment faire pour qu'elle ne soit pas soumise aux contraintes de Bâle III ? Si tel était le cas, n'y aurait-il pas de distorsion de concurrence avec les banques privées ?

M. Gilbert Barbier. - Depuis de nombreuses années, nous avons un débat de fond sur la protection sociale : comment la financer ? Uniquement par les revenus du travail ou en ayant recours à d'autres sources de financement ?

La branche famille doit être financée d'une autre façon. Mais la branche maladie ne relève-t-elle pas, elle aussi, d'un autre mode de financement ? Une augmentation de la CSG ne compenserait pas les transferts de charge. Certes, la TVA n'est sans doute pas l'instrument idéal mais comment financer autrement la protection sociale dont le volume augmente, d'année en année, de 3 % ? Comment parvenir à équilibrer les comptes ? Je suis surpris par les propositions divergentes que vous faites.

L'Afpa a rendu beaucoup de services en matière de formation professionnelle mais il faut bien reconnaître que beaucoup de ceux qui ont suivi des stages à l'Afpa n'ont pas pour autant retrouvé un emploi. Ne faudrait-il pas mieux adapter les formations à la réalité du marché local du travail ?

M. Laurent Berger (CFDT). - Lors du sommet social, nous avons proposé que l'Afpa soit l'unique opérateur en matière de formation professionnelle car ses compétences sont réelles et reconnues. Si les personnes formées ont du mal à retrouver un emploi, cela est dû au marché du travail. On ne peut en rendre l'Afpa responsable. Cet organisme a peut-être une image vieillotte mais il s'agit d'un formidable outil qui est en danger.

Revoir la formation professionnelle en deux mois ne nous convient pas. On ne peut régler la question du financement de la protection sociale à la va-vite, sans bilan ni études. Nous aurions préféré que le Gouvernement ait recours à la CSG.

Les retraites, le chômage et les accidents du travail relèvent exclusivement du travail. Il existe en revanche d'autres domaines qui relèvent en partie du travail et en partie de la solidarité nationale et d'autres encore qui sont du ressort exclusif de la solidarité nationale.

Le chef de l'Etat a annoncé un transfert de cotisation sur la TVA de 13 milliards d'euros, mais sans demander de contreparties aux entreprises en termes d'investissements, de salaires ou de baisse des coûts. Or, nous avons été échaudés par la baisse de la TVA dans la restauration.

Nous avons finalement accepté de siéger au Haut Conseil du financement de la protection sociale, avec la ferme intention de demander quelles seront les contreparties aux transferts de charges.

La CSG nous semble plus adaptée que la TVA : un point de CSG rapporte 11,4 milliards, son taux peut varier en fonction de la nature des revenus et ses ressources sont affectées. Hélas, nos propositions n'ont pas été entendues.

M. Bernard Van Craeynest (CFE-CGC). - M. Pinton s'est interrogé sur l'égalité de traitement entre les entreprises qui acquittent l'impôt sur les sociétés. Les grands groupes ont leur siège social hors du territoire national, un peu à la façon de ces grandes familles qui se domicilient fiscalement en Suisse ou outre-Quiévrain pour bénéficier de règles fiscales différentes. Ainsi les PME, qui souvent prennent des risques très importants, ne sont pas traitées de la même façon que les grands groupes.

Bâle III oblige les banques à détenir davantage de fonds propres, ce qui se fera au détriment de l'économie. La future banque de l'industrie sera-t-elle soumise à la réglementation de Bâle III ? J'ai demandé aux représentants du patronat si Oséo était soumis à Bâle III et ils ont été incapables de me répondre. Il serait bon de savoir pourquoi nos banques et nos établissements publics sont soumis à des contraintes spécifiques. S'ils peuvent s'en affranchir, qu'ils le fassent.

M. Louis Pinton. - L'impôt sur les sociétés est donc bien le même pour les petites et les grandes entreprises.

M. Bernard Van Craeynest (CFE-CGC). - Certes, mais uniquement pour ce qui est taxable sur notre territoire.

M. Pierre-Yves Chanu (CGT). - Le financement de la protection sociale est un sujet trop important pour le résoudre à la va-vite.

Le Gouvernement a créé le Haut Conseil du financement de la protection sociale et le ministère a insisté pour que les partenaires sociaux nomment leurs représentants avant le 6 janvier. Là-dessus, sans même le consulter, le Président de la République annonce la création d'une TVA sociale. Nous voulons que la protection sociale soit financée par la création de richesses fournies par le travail. En outre, les taux des cotisations patronales pourraient être modulés en fonction des caractéristiques des entreprises. En revanche, nous estimons que la TVA sociale est la plus mauvaise solution qui soit.

M. Bernard Ibal (CFTC). - Sous le vocable de formation professionnelle, il existe une multitude d'aides et de dispositifs. Or, les salariés sont sous-informés. Les syndicats sont là pour les aider mais il serait bon que l'administration et les entreprises diffusent également les informations indispensables.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, les grandes entreprises disposent de services fiscaux qui sont extrêmement compétents et qui permettent, outre l'évasion fiscale, de profiter de tous les effets d'aubaine.

Pendant longtemps, la CFTC a souhaité que la protection sociale soit financée par les entreprises et par les salariés, afin d'éviter l'instrumentalisation et la déshumanisation du travail par les entreprises. Celles-ci doivent continuer à s'intéresser à la vie de leurs salariés, qu'il s'agisse de la famille ou de la santé. Il n'en reste pas moins que la protection sociale ne peut plus être financée, aujourd'hui, par le seul travail. En outre, à l'occasion de la réforme du financement de la protection sociale, les syndicats demandent une meilleure répartition des richesses. Et c'est aussi pourquoi nous réclamions, lors de la réforme des retraites, que la question du partage des richesses soit abordée.

Or, avec cette réforme, 80 % de la protection sociale seront financés par la TVA sociale et 20 % par l'augmentation de la CSG. Nous ne demandons pas la révolution, mais que la richesse soit mieux partagée dans notre pays.

M. Stéphane Lardy (FO). - Ne faisons pas dire au droit européen ce qu'il ne dit pas : il n'interdit pas la création de services d'intérêt économique général (Sieg) ni le maintien des services publics. Nous savons tous que les opérateurs privés n'iront pas sur certains marchés non rentables.

La grande tendance historique de la formation professionnelle, c'est davantage de stagiaires mais moins d'heures par stagiaire. Les courbes se sont croisées dans les années 1990. Désormais, il ne s'agit le plus souvent que de formations brèves d'adaptation aux postes. Or, pour rebondir, il faut des formations longues et qualifiantes. C'est pourquoi nous avons parlé, lors du sommet social, des congés individuels de formation mais pour ce faire, il faut des crédits.

Avant de parler de financement de la protection sociale, nous devons nous interroger sur le niveau de protection que nous voulons pour nos concitoyens. On nous parle de compétitivité. Mais pour défendre quel modèle ? La protection sociale est un outil de redistribution des richesses.

Enfin, le débat n'est pas franco-français mais européen. Or, l'Europe s'est construite sur le dumping fiscal. Ainsi, grâce aux sociétés mères et à leurs filiales, 30 milliards d'euros échappent chaque année au fisc. La plupart des grands groupes ont leur siège social à La Haye ou à Dublin, où le taux d'imposition des sociétés est de 7 %. Il est donc urgent de revisiter les traités européens.

Mme Annie David, présidente. - Pour résumer, il est urgent d'entamer un vaste débat sur le financement de la protection sociale et sur le partage de la richesse. En ce qui concerne la formation professionnelle, nous devons assurer le service après-vote des lois de 2009 et de 2011.

Sommet social - Table ronde réunissant les représentants
des organisations d'employeurs

Mme Annie David, présidente. - En mon nom et en celui du président Jean-Pierre Bel, je souhaite la bienvenue aux représentants des organisations patronales qui ont accepté notre invitation. Nous souhaitons recueillir vos réactions au sommet social du 18 janvier et aux annonces faites par le Président de la République dimanche dernier, notamment sur la formation professionnelle, sur le chômage partiel, sur la hausse de la TVA, sur les accords compétitivité-emploi et sur l'obligation faite aux grandes entreprises d'accueillir 5 % de jeunes en alternance, alors qu'elles ne parviennent même pas à respecter l'actuel seuil légal.

M. Benoît Roger-Vasselin, président de la commission des relations du travail du Medef. - Nous souhaitons simplifier la formation professionnelle afin qu'elle touche plus directement les personnes qui en ont besoin. Un accord a été signé fin 2008 et une loi votée en 2009, et tous les organismes de formation nous demandent instamment une pause dans les réformes car elles n'ont pas encore été mises en oeuvre qu'une nouvelle remplace la précédente. Reste que nous n'avons fait, en 2009, que la moitié du chemin.

Nous avons entamé des négociations sur l'activité partielle et un accord d'étape a été signé pour revisiter les accords de juillet et d'octobre 2009. Il est indispensable que les entreprises y aient accès plus facilement. A l'heure actuelle, de nombreuses PME y renoncent car les mécanismes leur semblent trop compliqués. Il faut une solide direction des ressources humaines pour utiliser ce dispositif. Un accord d'étape a été signé le vendredi avant le sommet social : les salariés en activité partielle pourront désormais suivre une formation professionnelle. L'obstacle juridique franchi, il reste à définir un calendrier qui convienne à tout le monde, notamment aux pouvoirs publics. Je tiens d'ailleurs à leur rendre hommage car ils nous ont fait de multiples propositions que nous n'avons pas toutes retenues. Le dialogue a été fructueux car nous avons tous essayé de parvenir à une solution.

Pour les personnes en activité partielle de longue durée (APLD) qui bénéficiaient jusqu'à présent du maintien de 75 % de leur salaire brut, soit 94 % du salaire net, il est prévu de prendre en charge les 6 % restants pour que les personnes en formation professionnelle ne perdent pas un centime. Nous avons pris des dates pour aller plus loin, simplifier les dispositifs de chômage partiel et, si possible, les unifier - les règles actuelles du chômage partiel offrent une lecture idéale en cas d'insomnie. Cet accord d'étape n'a pas épuisé le sujet, loin de là. Enfin, le dispositif zéro charge pour les TPE est parfaitement adapté.

J'en viens à la TVA sociale : le 15 novembre, Laurence Parisot avait présenté les propositions du Medef qui consistaient à réduire les charges sociales patronales et salariales et à augmenter à due concurrence la TVA, mais aussi la CSG et la CRDS. Le projet du Président de la République est autre, il consiste à transférer le poids des cotisations patronales famille sur la TVA. Depuis des décennies, nous vivons avec l'idée que l'impôt indirect serait injuste parce qu'il pèse sur tous, pauvres et riches, indifféremment. Or, le magazine Alternatives économiques, que le Medef ne subventionne pas, a récemment publié une analyse proche de la nôtre : le caractère antisocial de la TVA est discutable, puisque l'argent est forcément dépensé à un moment ou à un autre du cycle. Nous continuons à préférer nos propositions. Notre politique familiale est l'une des meilleures du monde, elle a enclenché un cercle vertueux, qui nous assure à la fois un meilleur taux de fécondité et un meilleur taux de travail des femmes : attention à ne pas remettre en cause un équilibre fragile.

Nous sommes favorables aux accords compétitivité-emploi, même si le calendrier retenu pour lancer le projet - deux mois - nous semble quelque peu... inhabituel.

Nous comprenons, enfin, le passage à un taux de 5 % d'apprentis, si les entreprises sont prêtes à jouer le jeu. Nous plaidions plutôt pour un taux de progression, sachant qu'une augmentation d'un point ne changera rien dans les branches qui recrutent déjà beaucoup d'apprentis et risque de pénaliser, ailleurs, des entreprises qui ne parviennent pas à ce chiffre malgré leurs efforts. Cela dit, c'est un point qui peut se prêter à la négociation.

M. Jean-Louis Jamet, vice-président délégué de la CGPME. - Sur la formation professionnelle, je rejoins Benoît Roger-Vasselin : évitons de superposer les réformes sans aller au bout d'aucune.

L'élargissement du dispositif de chômage partiel est intéressant, à condition de bien distinguer grandes entreprises d'une part, PME-PMI et très petites entreprises de l'autre. Pour ces dernières, l'allègement administratif est bienvenu, mais le financement gagnerait à être plus incitatif. L'accord national interprofessionnel du 13 janvier, dont nous serons signataires, est un premier pas, mais l'Etat devra aller plus loin. Il est bon de réduire les délais d'instruction, mais nous militons, au-delà, en faveur de l'acceptation implicite au terme d'un délai de dix jours, ainsi que l'a proposé la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle. La participation de l'Etat au financement de l'allocation spécifique devrait être plus significative pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés, et intervenir plus rapidement, car il est difficile pour les PME de faire l'avance, ce qui peut les amener à renoncer. L'écart pourrait aller d'une à trois semaines. Cela est encore plus vrai pour les entreprises de moins de cinquante salariés, soit 97 % de nos entreprises. Sur un prix de l'heure à 6,84 euros aujourd'hui, l'Etat prend en charge 3,34 euros pour les entreprises de plus de deux cent cinquante salariés, et 3,84 euros pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés. Nous plaidons pour une prise en charge supplémentaire, au bénéfice de ces dernières, d'un euro et pour que l'activité partielle de longue durée puisse entrer dans le dispositif incitatif.

Les accords compétitivité-emploi s'inspirent de l'exemple allemand. Or nous comptons beaucoup moins d'entreprises de taille intermédiaire que nos voisins car le poids des charges sociales freine le développement de nos PME. Il paraît donc difficile de transposer tel quel le modèle allemand. Sans compter que la généralisation de ces accords supposerait de modifier en profondeur notre droit du travail, aux termes duquel on ne peut modifier un élément substantiel du contrat de travail, comme le salaire, sans l'accord de chaque salarié. Et le licenciement n'est pas une solution, puisque l'entreprise devra alors, en cas de recours, démontrer au juge qu'il repose sur une cause « réelle et sérieuse », ce qui est parfois difficile. Selon le ministère du travail, enfin, au-delà de la contrepartie en matière d'emploi, ces accords devront être signés par un syndicat représentatif, condition difficile à remplir, là encore, dans certains cas. Les oppositions seront fortes de la part des grandes confédérations syndicales, et il faudra passer par la loi, ce qui ne laisse pas augurer une rapide entrée en vigueur. On sait en outre ce qu'il en est de la présence des syndicats représentatifs dans les PME-PMI de moins de deux cents salariés : la signature restera impossible où ils ne sont pas implantés.

Le dispositif allemand repose sur une palette de contreparties : une garantie de l'emploi sur quatre à cinq ans, sur laquelle nos petites et moyennes entreprises auraient du mal à s'engager ; un aménagement des conditions de travail, compliqué à mettre en oeuvre pour nos entreprises, eu égard à son coût ; un droit de regard des syndicats sur la situation économique et la stratégie d'investissement des entreprises, dont il n'est pas sûr qu'elles soient prêtes à s'engager dans cette voie. Intellectuellement séduisant, le donnant-donnant de ces accords peut apporter une souplesse dans la gestion des emplois en limitant les licenciements collectifs, mais, outre les problèmes juridiques qu'ils soulèvent, ils semblent mieux adaptés aux grandes entreprises qu'aux petites. Puisqu'il faudra une loi pour modifier notre droit du travail, elle devrait inclure une disposition autorisant, en cas d'absence d'organisation syndicale représentative dans l'entreprise, à signer un accord avec les instances représentatives du personnel ou par référendum à la majorité des deux tiers.

En ce qui concerne la TVA dite sociale, la CGPME avait proposé un transfert partiel de certaines cotisations employeurs et salariés, de façon à alléger les charges sur l'entreprise tout en préservant, voire en améliorant, le pouvoir d'achat de ses salariés. L'augmentation de la TVA, pour peu que l'on ne touche qu'à son taux normal sans affecter les produits de première nécessité, présente l'avantage d'offrir une assiette large et de n'affecter que marginalement le pouvoir d'achat puisque ceux qui en ont les moyens pourront continuer d'acheter les produits technologiques fabriqués à l'étranger, si bien que la consommation ne baissera pas. Notre proposition était une augmentation de deux points de la TVA qui aurait rapporté 30 milliards et une hausse de la CSG d'un point ; elles auraient été compensées par une baisse de 2,4 points des cotisations familiales patronales (11,5 milliards) tandis que les cotisations vieillesse, patronales et salariales, auraient été allégées de deux points, soit 8,4 milliards dans chaque cas.

M. Jean Lardin, président de l'UPA. - La formation professionnelle ne correspond plus aux besoins de la société : dans la branche coiffure, pour ne prendre qu'un exemple, comme il n'y a eu ni accord pour déterminer l'OPCA (organisme paritaire collecteur agréé) compétent, ni arbitrage de la délégation générale à la formation professionnelle et du ministère, aucune formation professionnelle n'a pu avoir lieu depuis six mois, et il en sera de même pour les six mois à venir. On sait bien que lorsqu'on laisse les entreprises libres de choisir leur organisme collecteur, on risque, selon leur degré de maturité, voire au gré de l'humeur du comptable, de grosses surprises. Le Président de la République a annoncé d'emblée que la réforme de la formation professionnelle devra être poursuivie. Il a raison, car elle n'apporte pas, pour l'heure, de solution au problème que je viens d'évoquer. Autre question, celle de la mutualisation des ressources. Pour nous, il serait bon qu'elles le soient à 100 %, afin que chaque euro collecté finance la formation professionnelle.

Nous sommes favorables à l'ouverture de la formation professionnelle d'entreprise aux salariés privés d'emploi, sous réserve de ne pas amputer les moyens nécessaires aux salariés de l'entreprise. N'allons pas lâcher la proie pour l'ombre. Il faut retenir le bon dosage pour traiter tous les publics.

Beaucoup a été dit sur la question du chômage partiel, mais j'ajouterai que les 1 200 000 entreprises artisanales et commerces de proximité ne sauraient en aucun cas recourir à un dispositif qui n'a pas été calibré pour eux et qui reste beaucoup trop complexe à mettre en oeuvre. Cela est d'autant plus regrettable que nos chefs d'entreprise sont convaincus qu'il faut éviter les licenciements intempestifs, et penser à ceux qui les entourent, qui sont aussi leurs clients.

J'en viens à la question de la TVA. Nos activités sont de main-d'oeuvre, d'où l'importance du coût du travail. Ce que nous vendons, ce sont essentiellement des savoir-faire - celui du coiffeur, celui du peintre -, des services sur-mesure. Mais parce que le financement de notre protection sociale repose sur la masse salariale, le coût du travail devient prohibitif, si bien que nos clients ont du mal à consommer nos prestations. Or, le chiffre d'affaires des entreprises que je représente repose plus que tout autre sur le pouvoir d'achat des Français.

On ne peut écarter l'idée d'une augmentation de la TVA : il faut faire reposer le financement de nos prestations sociales sur une assiette plus large. Mais avec un dosage qui laisse assez de pouvoir d'achat pour consommer sur le marché intérieur - celui sur lequel opèrent la plupart des entreprises que je représente. C'est pourquoi nous proposions, outre une légère hausse de la TVA, un élargissement de la CSG, pour que l'ensemble des revenus contribuent au transfert de charge. Et pourquoi ne pas imaginer, puisque le Président de la République s'est emparé de l'idée d'une taxe sur les transactions financières, de flécher pour le financement de notre protection sociale une partie de son produit, si on relevait un jour le taux de ce prélèvement ?

L'annonce d'une augmentation du taux normal de TVA de 1,6 point paraît raisonnable. Nous aurions aimé, en contrepartie, un coup de pouce en faveur des salariés, pour renforcer le pouvoir d'achat de ceux qui subiront, quoiqu'on en dise, car peu d'entreprises ne répercuteront pas cette augmentation, des hausses de prix.

Je ne dis rien, enfin, des accords compétitivité-emploi : comment imaginer que des entreprises de trois salariés puissent en négocier, d'autant qu'ils supposent des prévisions à long terme : dans l'artisanat et le commerce de proximité, autant regarder la boule de Mme Irma.

Sur l'apprentissage, nous restons dubitatifs. Le Président de la République l'a rappelé, les entreprises se contentent souvent d'employer 1 % d'apprentis et préfèrent payer des pénalités ; dès lors, on voit mal en quoi passer l'exigence de 4 % à 5 % changera la donne. Engager des apprentis, cela vient d'une histoire, d'une volonté de transmettre les savoirs, je puis en parler, venant d'une branche qui a porté l'apprentissage à bout de bras. Electricien dans un village de l'Aveyron, je sais bien comment transmettre des savoir-faire ; les entreprises de plus de deux cent cinquante salariés qui abritent beaucoup de compétences ne se demandent pas comment les transmettre. Et comment sanctionner ? Il faut savoir, car cela explique bien des difficultés, qu'un contrat d'apprentissage est passé entre l'employeur, le jeune et le centre de formation. Toute la question sera de déterminer quels plans de formation pourront être préparés dans les grandes entreprises.

M. Marc Laménie. - L'artisanat est la première entreprise de France, ainsi que l'on a coutume de dire, et je remercie le président de l'UPA des documents fort intéressants qu'il nous fait régulièrement parvenir. Combien de fois avons-nous entendu des artisans, notamment dans le bâtiment, nous dire qu'ils ne trouvent pas à recruter ? Les bons artisans sont débordés de travail et, bien souvent, ils n'ont pas de successeur. Et puis, la TVA à taux réduit est un combat permanent des artisans. Se pose enfin la question des marchés publics, auxquels ils renoncent souvent à répondre, n'ayant pas la surface financière requise.

Mme Catherine Procaccia. - Il y a, comme le soulignait M. Lardin, une culture de l'apprentissage ; il y faut un savoir à transmettre, une pédagogie. Est-ce en augmentant le taux exigé que l'on résoudra le problème ? A quoi bon former un apprenti si l'embauche ne suit pas la formation ? Et toutes les entreprises peuvent-elles avoir toujours plus d'apprentis ?

En revanche, je comprends mal la demande d'un coup de pouce sur les salaires : rien n'empêche de l'accorder sans que la loi y oblige. Pourquoi demander une mesure obligatoire ?

Mme Catherine Génisson. - J'ai été sensible à l'intervention de M. Roger-Vasselin sur notre politique familiale, qu'il importe de préserver : elle est en effet l'une des meilleures d'Europe ; elle permet aux femmes de travailler, même si les inégalités professionnelles entre hommes et femmes demeurent.

En ce qui concerne la formation des demandeurs d'emploi, il a peu été question de l'Afpa ; que penser de son avenir ?

Il a été reproché aux accords compétitivité-emploi d'être calqués sur l'Allemagne. Quelle est la position du Medef ?

Mme Isabelle Debré. - On a beaucoup invoqué les vertus de la simplification administrative. J'y ajouterai celles la stabilité juridique et fiscale, il faut y être vigilants.

Sur les accords compétitivité-emploi, c'est la contrepartie salariale qui semble prévaloir dans les esprits. Mais les carnets de commande des entreprises sont sujets à fluctuations. Ne serait-il pas judicieux d'axer cette contrepartie sur l'intéressement et la participation ? J'ai entendu ce matin un candidat à l'élection présidentielle en parler, et cela m'a fait plaisir.

M. Jean Lardin (UPA). - Merci à M. Laménie de son intérêt pour la vie de l'entreprise artisanale. Elle a, c'est vrai, du mal à recruter. Et puisque vous avez pris l'exemple du bâtiment, je peux vous dire que ces difficultés persistent en temps de crise. Pourquoi ? Parce que toutes les institutions de formation confondues - depuis l'éducation nationale, en passant par les chambres de commerce, jusqu'aux maisons familiales rurales - fournissent 50 000 jeunes formés par an quand, même en temps de crise, il en faudrait le double.

Contrairement aux idées reçues, nos salariés sont très qualifiés, capables d'autonomie dans leur travail. Quand un artisan plombier vous envoie deux ouvriers pour changer vos radiateurs, il faut qu'ils sachent se débrouiller, s'adapter au chantier et, croyez-moi, cela ne court pas les rues.

La transmission des entreprises ? Voilà un vrai problème. Je reconnais qu'une part nous en est imputable, et c'est pourquoi l'UPA mène un travail pédagogique auprès de ceux qui partent en retraite pour les inciter, surtout s'ils n'ont pas de successeur dans leur famille ou parmi leurs salariés, à laisser un outil de travail impeccable, qui puisse intéresser un repreneur. Les leaders des deux grandes formations politiques françaises ont insisté sur le manque d'investissement dans nos entreprises. Il se trouve que dans notre brochure « Penser autrement », nous demandons qu'on crée un fonds de développement de l'artisanat, alimenté par redéploiement de ressources du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) et une part de garantie d'emprunt - dont je rappelle qu'elle est à l'heure actuelle apportée aux banques et non pas aux entreprises... Un tel dispositif permettrait, sans coût supplémentaire, de combler le vide laissé par les banques qui se sont détournées du financement des entreprises. Ce dispositif, qui fait partie de nos vingt-huit propositions, concernerait un million d'entreprises, trois millions de salariés.

Sur le passage de la TVA à 7 %, pour le bâtiment, nous regrettons le manque de pédagogie. On a commis une erreur psychologique. Depuis, le dialogue avec Bercy a éclairé les choses et on a trouvé le bon point d'atterrissage. Un travail d'explication préalable aurait évité bien des frayeurs et des coups de sang. Les boulangers rencontrent d'ailleurs le même problème. Il faut discuter avant, comme en Allemagne...

Nos entreprises du bâtiment réalisent entre 35 % et 40 % des marchés publics. Pour leur en garantir l'accès, il faut s'assurer que les formules de dévolution - par allotissement plutôt que par marché en entreprise générale - optimisent la compétition à un maximum d'entre elles. Si les artisans ne peuvent se porter candidats, la concurrence s'en trouve limitée.

Rien n'empêche en effet, madame Procaccia, de donner un coup de pouce aux salaires, sinon la réalité économique : dans l'artisanat, les marges sont faibles. Or, la réduction annoncée sur les cotisations patronales famille touchera surtout des salaires déjà concernés par les réductions Fillon, et ne nous apportera pas assez de marge pour que nous puissions la répercuter sur les salaires.

Mme Catherine Procaccia. - Vous auriez voulu une réduction plus forte ?

M. Jean Lardin (UPA). - Nous préconisions de réduire aussi les cotisations salariales. J'ai bien compris la logique du Président de la République, qui veut abaisser le coût du travail pour améliorer la compétitivité de nos entreprises sur les marchés extérieurs, mais les entreprises que je représente interviennent sur le marché intérieur - c'est une autre logique.

M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la CGPME. - Concernant le financement de la protection sociale, nous avions les mêmes visées que le Medef, sauf sur l'enveloppe, et préconisions un transfert sur la TVA et la CSG selon un système mixte : deux points de TVA sur le taux normal et le taux réduit, ainsi qu'un point de CSG, pour une enveloppe de 30 milliards, utilisée également selon un mix : 2,4 points de moins pour les cotisations patronales familles et deux points de moins sur l'ensemble des cotisations vieillesse, patronales et salariales. Pour diverses raisons, ce n'est pas le choix qu'a fait l'exécutif. Il n'y aura pas de baisse des cotisations salariales. Si ça s'applique, ce sera tout de même une bouffée d'oxygène pour les PMI, notamment celles qui exportent.

L'insertion des jeunes sur le marché du travail passe par deux vecteurs : l'alternance proprement dite mais aussi les contrats de professionnalisation, rarement évoqués, et dont 175 000 ont pourtant été signés en 2011, soit une augmentation de 20 %. Le passage du taux obligatoire de 4 % à 5 % d'apprentis est un signe supplémentaire adressé aux grandes entreprises. Il ne faut cependant pas se leurrer : près de 80 % des contrats de professionnalisation sont signés par des entreprises de moins de deux cents salariés, et le taux est supérieur encore pour l'apprentissage. C'est une question d'histoire et de culture ; il faut que les grandes entreprises fassent davantage d'efforts, mais nous ne nous faisons guère d'illusions : c'est le tissu des PME et des TPE qui assurera une grande part de l'embauche. Cela mériterait récompense...

M. Jean-Louis Jamet (CGPME). - Si la participation est difficile à mettre en oeuvre dans les petites entreprises, nous promouvons en revanche l'intéressement, très important, en effet, pour les relations sociales.

La baisse des cotisations familiales porte sur les salaires compris entre 1,6 et 2,4 Smic, ce qui correspond au salaire médian. Cela évitera les trappes à bas salaires : les entrepreneurs n'hésiteront plus à augmenter les salaires car ils savent que cela ne leur coûtera pas plus cher.

M. Benoît Roger-Vasselin (Medef). - Je suis largement d'accord avec ce qu'ont dit MM. Lardin, Tissié et Jamet. Il n'y a entre nos analyses que de petits décalages. Les allocations familiales sont budgétisées dans un souci de simplification ; l'allègement, qu'ils proposaient, des cotisations vieillesse ne nous paraissait pas opportun juste après la réforme des retraites, par cohérence avec les idées que nous défendions. Mais nous avions proposé trois scénarios, l'un à la danoise, l'autre intermédiaire et le troisième à 30 milliards. Je rappelle que l'ambition du Medef est de représenter non pas les seules entreprises du Cac 40, mais bien nos 1 200 000 entreprises.

M. Jean Lardin (UPA). - On s'en occupe !

M. Benoît-Roger-Vasselin (Medef). - On s'en occupe ensemble. D'où l'intérêt de la concertation.

Sur l'apprentissage, Georges Tissié et Jean Lardin ont été clairs. Il est difficile, culturellement, de faire bouger les entreprises françaises, même s'il est vrai qu'il y a eu des progrès. On a longtemps considéré que la formation professionnelle était faite pour les salariés déjà dans l'emploi. Et l'on entend encore certains dire que nous ne sommes pas là pour remplacer l'éducation nationale. Mais on ne peut laisser les jeunes sans emploi. La réforme de 2009 n'a fait que la moitié du chemin. Il faut s'intéresser aux jeunes ; le contrat de professionnalisation fait partie des solutions.

Après avoir consulté les douze branches les plus importantes, nous avons proposé 60 000 préparations opérationnelles à l'emploi (POE), soit des formations très courtes, répondant aux besoins des entreprises et qui simplifient les circuits en mettant les demandeurs d'emploi directement en relation avec elles - on pourrait aller jusqu'à 80 000. Les partenaires sociaux ont signé quatre accords pour l'emploi des jeunes au premier semestre 2011, ce qui montre bien qu'ils sont très préoccupés par la question.

Merci à Mme Génisson de ses propos sur la politique familiale. Nous l'avons inscrite dans l'agenda social, au second semestre en raison de la conjoncture très tendue. Nous avons des propositions sur le congé de parentalité, terme que nous substituons à celui de congé de maternité, pour prévoir une période supplémentaire qui ne soit pas congé pathologique et laisser au choix de la mère la possibilité de choisir que le congé soit pris en partie par le père, afin de développer l'intérêt des hommes pour les nourrissons. Le débat, même s'il n'a pas suscité un enthousiasme débridé, a été très ouvert au Medef. L'égalité professionnelle ne se limite pas à l'entreprise et le Medef veut contribuer à ce débat.

Sur les accords compétitivité-emploi, notre idée est d'associer les organisations syndicales. Deux négociations sont en cours, l'une sur le paritarisme, l'autre sur la modernisation du dialogue social dans l'entreprise. Mme Parisot s'est prononcée par écrit, avant-hier, pour demander que la proposition du Président de la République constitue un sous-thème de la négociation sur les instances représentatives du personnel : plus les organisations syndicales prennent leur part dans la gestion des entreprises et plus elles participeront à la recherche de compromis. Les accords compétitivité-emploi ne fonctionneront que si l'ensemble des partenaires impliqués réfléchit sur la nécessité du compromis.

M. Jamet a plaidé en faveur de la simplification juridique. Les accords d'entreprise pourront-ils s'imposer dès lors qu'ils seront majoritaires, même aux salariés qui ne les acceptent pas ? C'est là une question de fond. Nous sommes ouverts au débat. On ne peut modifier sans le consentement du salarié un élément substantiel du contrat de travail : telle est la position constante de la chambre sociale de la Cour de cassation. Il faudra bien trancher - on ne peut être assuré tout risque pour le prix d'une assurance au tiers. Prend-on le risque de dire que les accords s'imposent à tous les salariés, ou s'en tient-on à la règle qui veut que le contrat individuel l'emporte ?

Même dilemme pour l'activité à temps partiel. Le délai est ramené de vingt à dix jours, mais le silence de l'administration, à leur terme, vaut-il acceptation ? Si l'on permet à l'entreprise d'agir sans délai, dans l'urgence, il est normal de prévoir un contrôle ex-post de l'administration. Il faut, sur tous ces points, peser les avantages et les inconvénients.

Le Medef est très attaché à la participation et à l'intéressement. Nous conduisons un tour de France pour sensibiliser les dirigeants de PME, mais nous nous sommes heurtés à des réactions que l'on pourrait qualifier d'individualistes, les chefs d'entreprise se déclarant d'accord pour prendre des décisions pourvu qu'elles ne les engagent pas. On peut cependant les comprendre. Je suis DRH d'un groupe de 50 000 salariés, qui compte mille PME. Quand une entreprise de quarante salariés veut signer un accord d'intéressement, elle s'engage pour trois ans. Si, entre temps, elle dépasse le seuil de cinquante, le chef d'entreprise se retrouve piégé : alors qu'il avait voulu anticiper, elle doit cumuler participation et intéressement. Voilà pourquoi la loi de 2001 avait permis d'aller directement à un accord de participation. Pour notre part, nous restons très favorables au principe.

Mme Anne-Marie Escoffier. - Je préside une mission sur l'évaluation de la réforme de la taxe professionnelle, qui poursuivait trois objectifs, soutenir l'activité économique, éviter les délocalisations et renforcer la compétitivité des entreprises, donc l'emploi. Quelle complémentarité voyez-vous entre cette réforme et celles qui viennent d'être annoncées ?

Mme Samia Ghali. - Les élus que nous sommes s'inquiètent des jeunes qui décrochent et sortent du système scolaire sans diplôme. La formation relève en priorité des régions. Le fonctionnement de l'Afpa est une vraie question. Parmi les nombreux organismes de formation sur le marché, beaucoup ne sont rien d'autre que des charlatans. Bien des jeunes ne croient plus aux centres de formation, ni aux missions locales. Il y a là un vrai travail à mener.

Les écoles de la deuxième chance, elles, ont fait leurs preuves. Je crois beaucoup à ce partenariat entre une entreprise et un jeune, qui doit y trouver un emploi. Le système scolaire ne répond plus aux attentes ; les filières professionnelles devraient être modernisées. Voyez ce qui a été dit : les entreprises ne trouvent pas à embaucher. Celles qui s'installent en zone franche ne recrutent pas les jeunes des quartiers, parce qu'ils manquent de formation, ce qui donne lieu à toutes sortes de frustrations et ne satisfait personne.

M. Dominique Watrin. - L'audition des responsables syndicaux nous l'a rappelé : 13 milliards, ce n'est pas rien, et l'augmentation de la TVA risque de peser sur la consommation, alors que nous sommes proches de la récession, comme le montrent les chiffres récents. N'aurait-il pas été sage d'établir d'abord un diagnostic partagé sur les causes de la désindustrialisation ?

La taxe professionnelle ? Cela a coûté des milliards d'euros à l'Etat, donc aux Français. Or, sur le terrain, les commerçants, les artisans, les PME nous disent qu'ils payent plus qu'avant. A qui sa suppression a-t-elle donc profité et quel a été l'impact sur l'emploi ?

M. Gilbert Barbier. - N'oublions pas le déficit de la sécurité sociale, qui devra emprunter, cette année, 23 milliards. Encore prend-on les chiffres tels qu'ils ont été votés... On peut donc légitimement poser la question, au-delà des seules cotisations familiales, de l'assiette des cotisations maladies, qui devrait être plus large que celle du seul monde du travail.

M. René-Paul Savary. - Le transfert apportera une bouffée d'oxygène aux PMI, nous a dit M. Tissié. Mais nous sommes dans un contexte de crise de compétitivité. On a connu, après tout, la TVA à 33 %. Quelle sera, pour vous, l'incidence réelle de ces mesures sur les prix et la compétitivité de nos entreprises nationales ?

Mme Annie David, présidente. - J'ai à mon tour une question sur la formation attachée au chômage partiel, idée qui me semble intéressante : comment faire, cependant, pour trouver sans délai les formations disponibles ?

Pourriez-vous, enfin, dire quelques mots des vecteurs de la compétitivité ? Car il me semble qu'elle ne repose pas tout entière sur le coût du travail, mais aussi sur l'investissement, sur la recherche...

M. Benoît Roger-Vasselin (Medef). - On avait dénoncé l'impôt idiot qu'était la taxe professionnelle. Sa suppression a beaucoup servi l'industrie, ce qui était d'ailleurs l'un des objectifs de la mesure. Il arrive néanmoins que des artisans, des entreprises de services, subissent un renchérissement dont nous débattons. Nous essayons de dresser un état des lieux précis.

Mme Ghali a évoqué la formation des jeunes. Depuis 2009, nous avons demandé que les régions y soient associées, nous y sommes revenus dans le troisième accord sur la formation des jeunes, et je suis tellement convaincu de l'importance des missions locales que j'ai tenu à assister à leur dernière assemblée générale.

Les organisations patronales et syndicales ont établi, monsieur Watrin, un diagnostic partagé, qui mérite d'être complété. L'on connaît en effet les forces et les faiblesses de l'industrie française et un document a été établi avant les états généraux de l'industrie. L'arriéré est important ; une mesure ne suffira pas à modifier notre culture industrielle.

La question posée par M. Barbier sur le déficit de la sécurité sociale nous place au coeur du débat. Comment renforcer la compétitivité ? Les Danois avaient choisi de créer un choc en portant la TVA à 25 % ; après quelques mois d'adaptation et un transfert de charges massif, le taux de chômage est devenu l'un des plus bas d'Europe et la consommation n'a pas souffert. L'exécutif a choisi une approche progressive. Nous avions pour notre part élaboré trois scenarii, l'un à 30 milliards, l'autre à 50 milliards, le troisième à 70 milliards. Il s'agit d'un pari sur la réaction des consommateurs. Cependant, le schéma du Medef n'était pas une TVA sociale. Modifiant sensiblement la protection sociale, par une action conjointe sur les dépenses et sur le financement, il avait d'ailleurs été élaboré au sein de notre commission de la protection sociale et non de celle de la fiscalité.

Il est un peu tôt, monsieur Savary, pour mesurer les répercussions. Nous complétons notre analyse de la réforme de la taxe professionnelle par une simulation sur le transfert de TVA et une comparaison européenne.

Oui, madame David, nous avons, sur la formation professionnelle, un problème de calendrier, car, si nous avons supprimé l'obstacle juridique lié à la suspension du contrat de travail en cas de chômage partiel, il faut maintenant déterminer s'il s'agit d'une sous-partie du plan de formation ou s'il faut procéder d'une autre manière.

Jamais le Medef n'a considéré que le coût du travail était le seul obstacle à la compétitivité. Quand nous aurons identifié les autres dans un esprit de compromis, nous pourrons passer de nouveaux accords, à l'allemande.

M. Jean-Louis Jamet (CGPME). - Une conclusion macro-économique : le monde a changé avec la mondialisation, et nous sommes demeurés au modèle précédent. Le budget est resté en déficit, l'on n'a pas assez investi dans la production, l'éducation nationale forme mal ses jeunes - l'on a voulu donner le bac à tout le monde, mais le bac ne donne pas d'emploi.

Les Français n'aiment pas l'industrie, disait le président Pompidou, et il avait raison. On le voit bien quand des enseignants du secondaire menacent les mauvais élèves de devenir apprentis. Le développement des entreprises a été miné par les charges. Pourquoi financent-elles la protection sociale ? Il n'y a pas de raison de le leur imposer. Anne Duthilleul avait présenté sur ce sujet un rapport au Conseil économique et social il y a quatre ans. Bref, il nous faut sortir d'un système, et cela demandera du temps.

M. Jean Lardin (UPA). - Nous n'excluons pas l'intéressement et la participation. Seulement, nous ne pouvons pas nous servir des outils existants. Au lieu de décider pour les grandes entreprises puis d'adapter pour les autres, qu'on commence à penser à la majorité des entreprises ; on trouvera, j'en suis sûr des solutions pour les plus grandes...

Si des artisans s'étaient sentis pénalisés par la suppression de la taxe professionnelle, ils me l'auraient dit. Comme toujours, on n'entend que les râleurs : ceux qui sont d'accord ne disent rien. Je ne porterai donc pas de jugement de valeur sur les objectifs énoncés par Mme Escoffier. Ce que nous vivons montre que l'on n'a réussi ni à empêcher les délocalisations, ni à soutenir l'économie, ni à renforcer la compétitivité ; pour autant, je ne l'imputerai pas à la taxe professionnelle.

Ce qui me gêne dans la question de Mme Ghali est qu'elle s'intéresse aux outils. Je préfère, pour ma part, partir des besoins et considérer les compétences qu'on apporte. D'ailleurs, s'il est bon d'offrir une seconde chance, il serait encore mieux d'optimiser la première.

A l'Elysée, le 18 janvier, je n'ai pas distingué le déficit de l'Etat de celui de la sécurité sociale, parce qu'il s'agit d'un bloc qui fait fonctionner la France et que si la réduction de la dette reste le grand objectif à atteindre, on n'y parviendra pas par des déclarations à la veille d'élections.

Je rejoins Benoît Roger-Vasselin sur la prise en charge de l'ensemble des cotisations maladie par l'assiette salaire. Il faudrait en décortiquer les différents aspects.

Quel est l'impact sur la compétitivité ? Nous sommes sur le marché intérieur : j'écouterai attentivement ce que proposera le Medef.

Comment ajuster l'offre de formation pour les chômeurs à temps partiel ? Nous avons les compétences, mais pas la réactivité. Trop souvent, on vient nous offrir ce qui est déjà en catalogue. L'Afpa et l'ensemble des formateurs doivent fournir un effort. Nous aussi, parce que la formation dépend également des entreprises qui doivent avoir un plan de formation à jour et une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Mme Annie David, présidente. - Je vous remercie d'avoir accepté de répondre à nos questions.