Mardi 31 janvier 2012

- Présidence de Mme Anne-Marie Escoffier, présidente -

Audition de représentants de collectivités locales

La mission procède à l'audition de MM. Claudy Lebreton, président du Conseil général des Côtes d'Armor, président de l'Assemblée des Départements de France (ADF) et Thierry Carcenac, député, président du Conseil général du Tarn, Martin Malvy, président du Conseil régional de Midi Pyrénées, porte-parole de l'Association des Régions de France (ARF) et Pierrick Massiot, vice-président du Conseil régional de Bretagne , Charles-Eric Lemaignen, président de la Communauté d'agglomération Orléans Val de Loire, président délégué de l'Assemblée des Communautés de France (AdCF) et Philippe Tarillon, président de la Communauté d'agglomération du Val de Fensch, membre du conseil d'administration de l'AdCF, Jean Claude Boulard, maire du Mans, président de la communauté urbaine du Mans, pour la représentation commune de l'AMGVF et de l'Association des Communautés urbaines de France (ACUF) et de M. Philippe Laurent, maire de Sceaux et vice-président de l'Association des Maires de France (AMF).

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. Merci d'avoir accepté de vous joindre à nous pour cet après midi de travail et de réflexion.

S'agissant de la réforme intervenue sur la taxe professionnelle, le Sénat a choisi de mettre en place une mission que je préside et dont le rapporteur est Charles Guené.

Cette mission a débuté ses travaux il y a environ deux mois ; nous avons souhaité entendre les différents acteurs concernés par cette réforme de la taxe professionnelle, qui n'est en aucun cas une suppression pour reprendre des mots que j'ai bannis de mon vocabulaire mais une substitution.

Nous avons organisé un certain nombre de rencontres avec les services de l'Etat et avec le monde de l'entreprise pour connaître les conséquences de cette réforme. Nous voilà aujourd'hui face à vous, représentants des collectivités territoriales, pour vous entendre sur ce point.

Au delà de ces rencontres qui ont lieu à Paris, nous nous sommes déplacés sur le terrain. Au cours de notre première rencontre, nous avons rendu visite au Président Martin Malvy, en Midi Pyrénées. Au cours de ce déplacement, nous avons rencontré les services de l'Etat ainsi que les représentants du monde de l'entreprise et des collectivités territoriales.

Nous étions la semaine dernière en Haute Marne, dans le « territoire » du rapporteur Charles Guené. Nous serons à Dunkerque la semaine prochaine, ville qui concentre de grands sites industriels. Nous verrons enfin le cas l'Ile de France pour y étudier les conséquences de la réforme qui sont un peu particulières.

Cette réforme a eu pour effet de réorganiser l'architecture fiscale locale en transférant le produit de certains impôts entre les différentes catégories de collectivités et en accordant une fraction de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à chaque niveau.

La seconde conséquence a été le remplacement de la taxe professionnelle par la Contribution Economique Territoriale (CET) et la Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) à un taux unique fixé au niveau national. Une troisième mesure a réduit la part de la fiscalité économique locale dans les recettes, en prévoyant des dispositifs de compensation financière des pertes subies par les collectivités et en territorialisant la CVAE afin de maintenir le lien entre les collectivités et le monde de l'entreprise.

Nous attendons que vous nous fassiez, si vous le pensez utile, des propositions d'aménagement et de révision du dispositif de façon à l'améliorer afin, le cas échéant, que nous puissions les présenter dans le cadre d'une prochaine révision en loi de finances.

Nous aimerions donc que vous nous indiquiez les conséquences que vous avez pu mesurer sur le lien entre les entreprises et le territoire et sur le fonctionnement des fonds de péréquation dont tout le monde a salué l'intérêt mais dont les mesures concrètes sont plus difficiles à établir. Enfin, nous souhaiterions connaître les marges de manoeuvre que vous imaginez concernant ces dispositifs.

Monsieur le Ministre, vous avez la parole...

M. Martin Malvy, président du Conseil régional de Midi Pyrénées, porte-parole de l'Association des Régions de France (ARF). - Nous nous sommes en effet rencontrés à Toulouse, où je vous ai accueilli avec plaisir. Je vais sans doute dire la même chose mais nous formerons un duo avec Pierrick Massiot...

Je serai direct : si l'on veut modifier les choses, il faut faire le constat de la réalité. Vous avez parlé, Madame la Présidente, de « substitution ». Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce terme. La substitution signifierait qu'une recette a été mise en place à la place d'une autre, sans conséquences. Or, il y a eu réallocation et les conséquences ont été lourdes. Sans semer quelque zizanie que ce soit entre les collectivités territoriales j'ai également d'autres fonctions il faut bien reconnaître que les régions ont été les sacrifiées de la réforme !

Ce fait est assez largement reconnu aujourd'hui et nous sommes à la limite de l'exercice.

Je ne reviendrai pas sur ce que vous avez dit à propos du transfert des cotisations mais les régions perçoivent en réalité aujourd'hui 25 % du produit de la CVAE, tout le reste de leurs ressources dépend d'un mécanisme fixé par les textes et modifiable en loi de finances. Comment peut-on encore parler d'autonomie financière ? La seule autonomie fiscale qui nous reste concerne les cartes grises, soit 6 à 7 % des recettes. Faire évoluer 6 % des recettes de 3 % est bien maigre pour répondre aux besoins qui sont les nôtres !

Le premier élément négatif est donc la suppression du pouvoir de taux des régions sauf en matière de cartes grises. Or, c'est un élément essentiel de la dynamique de croissance des recettes. Le taux de CVAE, vous l'avez rappelé, est fixé au niveau national par le Parlement. C'en est donc fini : les régions n'ont plus les moyens d'évoluer !

Le second élément réside dans la structure de la base fiscale, assise sur des flux par définition soumis aux aléas de la conjoncture économique, par opposition aux stocks de l'ancienne taxe professionnelle ou de la part régionale du foncier bâti, également supprimée. Il n'y a pas substitution mais réallocation dans des conditions différentes. Il en résulte un passage d'un effet base de 4,5 % en moyenne avant la réforme à 0 %, dans un contexte de croissance nulle on le verra d'ailleurs dans les jours qui viennent...

Il faut par ailleurs ajouter que la mise en oeuvre de la réforme a impliqué une année blanche en termes d'effet base entre 2010 et 2011, ce qui a correspondu à un manque à gagner sensible. Dans la région que je préside, 14 millions d'euros ont ainsi disparu !

CVAE, imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et Fonds national de garantie de ressources (FNGIR) : voilà ce qui est attribué aux régions, le FNGIR résultant d'un reversement fixe de la région Ile de France au titre du trop perçu au profit des autres régions, afin de tenter de pallier les écarts de richesse fiscale, qui sont considérables. De fait, on a vu ce qu'il est advenu de la CVAE en Ile de France qui, de 600 millions d'euros de taxe professionnelle, est passée à 1,2 milliard d'euros de base alors que, dans la plupart des régions, l'inverse s'est produit, entraînant une diminution par rapport aux bases de la taxe professionnelle d'où la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) qui vient s'y ajouter...

Or, les montants du FNGIR, alimentés par la CVAE, et la DCRTP, sont gelés par définition et en valeur. Dans ma région, ceci a des conséquences extrêmement négatives : comme pour l'ensemble des régions, le pouvoir de taux est réduit à néant mais, en outre, l'effet base se limite maintenant à 46 % des ressources de substitution à l'ancienne fiscalité directe ! Etant concentré sur la CVAE, il sera quasi nul en 2011 et 2012, compte tenu des perspectives actuelles de crise économique.

Par ailleurs et c'est valable pour l'essentiel des régions s'il y a croissance, celle-ci s'appliquera sur ces 46 % de base. La progression va donc être divisée pas deux ou trois par rapport à la situation antérieure. Ce mécanisme pervers, basé sur les flux, a en même temps redistribué la richesse fiscale en fonction des sièges des sociétés plus que de l'activité économique elle même, l'évolution s'étant produite du jour au lendemain.

J'ajoute que cette structure de recettes est totalement en contradiction avec celle des dépenses. Un certain nombre sont d'ailleurs contracycliques et mécaniquement incompressibles. Les dépenses de formation professionnelle qui reposent largement sur les régions, par exemple, sont des dépenses en croissance. Je pense également aux dépenses d'infrastructures de transport. C'est une anomalie de l'époque que l'on demande aux collectivités territoriales, régions, conseils généraux, communautés, de participer aux infrastructures ! Ce sont des dépenses extrêmement lourdes. Un certain nombre de présidents de région pourraient en témoigner...

Les dépenses comme le « compte TER », que la SNCF réclame aux régions, représentent une augmentation, à périmètre constant, de 3 à 6 % par an, voire 7 %, équivalant à une somme comprise entre 3 et 10 ou 15 millions d'euros supplémentaires.

Je pourrais y ajouter, au lendemain des transferts, les personnels des lycées, dont les 2.500 à 3.000 salariés sont la source d'une forte augmentation des dépenses de fonctionnement ou encore les écoles d'infirmières qui ont été transférées dans des conditions inacceptables pour les régions. Si la loi stipule que les dépenses de fonctionnement et d'équipement sont à la charge des régions, ce qui a donné lieu à compensation, elle n'a jamais précisé que c'était aussi le cas des équipements collectifs, constructions et reconstructions d'écoles d'infirmières. Il n'y a d'ailleurs pas eu de compensations en la matière !

Il existe une véritable contradiction entre la situation financière qui est faite aux régions et la nature des dépenses auxquelles elles ont obligation de souscrire, sauf à diminuer ce qu'elles consacrent au développement économique, l'Etat s'étant retiré du financement de la modernisation des PME ou des efforts de recherche. Or, j'ai cru comprendre qu'il s'agissait là d'une priorité nationale. Le choix est donc là désormais !

Cette réforme a des conséquences extrêmement négatives. Il est de notre devoir d'insister sur ce point avant d'en arriver à des propositions car il s'agit d'un problème essentiel de croissance économique, de formation et de communication.

J'ajoute que la réforme s'est faite sans concertation et que les incertitudes demeurent aujourd'hui encore. Je rappelle que les notifications définitives des ressources de 2011 issues de ce nouveau panier de recettes n'ont été transmises aux régions par les services fiscaux que mi novembre 2011. C'est une prouesse de savoir ce que sera le résultat des recettes en fin d'exercice budgétaire !

Au total, pour 2011, les estimations de produits de la CVAE et, par ricochet, du FNGIR, se sont avérées supérieures à la réalité ! En conséquence, la part de DCRTP a augmenté. C'est pourquoi, en urgence, à l'occasion de l'examen de la dernière loi de finances rectificative pour 2011, cette dotation a été abondée de 500 millions d'euros supplémentaires !

La situation représente un risque accru pour les finances locales, dans le contexte de raréfaction des ressources budgétaires de l'Etat que l'on connaît, la part des dotations de compensation étant aujourd'hui majeure, avec le risque qu'à un moment ou un autre l'Etat, à travers la loi de finances, réduise ses compensations aux collectivités. On en a eu, quelles que soient les majorités, des exemples assez clairs !

Il y a donc un constat d'insuffisance et la nécessité de mettre en place un mécanisme de péréquation. Je précise que les régions étaient parvenues à un accord sur la péréquation en matière de dotation globale de fonctionnement (DGF), le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale s'étant engagé sur une dotation complémentaire de 13 millions d'euros. Le dispositif a été modifié et les 13 millions repris. Nous avons fait savoir que nous étions néanmoins favorables à la mise en oeuvre de la réforme telle que nous la proposions. Cela n'a pas été accepté. Les six ou huit régions qui devraient entrer dans la péréquation n'y sont pas entrées, les autres conservant ce qu'elles avaient accepté de perdre.

Je voudrais dire fermement que notre acceptation de la réforme de la DGF ne saurait valoir en aucune manière accord sur ce qui pourrait advenir de la réforme de la péréquation horizontale à partir de l'évolution du flux de la CVAE.

Je tenais à replacer le problème dans son contexte, la situation est devenue impossible. J'ai décidé hier de supprimer le stand de la région sur le site de la foire exposition de Toulouse, qui représente un budget de 80.000 euros. Nous en sommes là des économies !

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. M. Massiot souhaite t il prolonger cette information ?

M. Pierrick Massiot, vice-président du Conseil régional de Bretagne. La substitution de la taxe professionnelle a un coût pour l'Etat 5 à 6 milliards d'euros et pour les collectivités, je n'y reviens pas... Pour les entreprises, elle représente une économie, par rapport à l'ancienne taxe professionnelle, de l'ordre de 8 milliards selon le rapport du Sénat d'octobre 2011.

Quel est l'impact de ces 8 milliards sur la compétitivité des entreprises ? A notre connaissance, il n'existe pas d'études permettant de le mesurer, ces 8 milliards représentant pratiquement les deux tiers de ce que les entreprises sont censées économiser avec la suppression de 5,4 % des cotisations patronales envisagée récemment. C'est une somme extrêmement importante. Ces 8 milliards ont ils servi à diminuer le coût de la production et le prix de vente des produits ou ont ils été intégrés dans les marges ? Il serait intéressant d'en avoir une estimation.

Quant à la CVAE, le mécanisme prévu en loi de finances 2011, par le biais d'un amendement passé rapidement fin décembre 2010, aboutit à des conséquences pour la quasi totalité des régions, hormis une, qui nous paraissent impossibles à accepter. La concentration des bases fiscales sur la seule région Ile de France, qui représenterait près d'un tiers de la totalité des bases nationales contre 13 % auparavant, conduit à une dynamique très préoccupante. Si l'on prend le seul exemple de l'évolution de 3 %, supposée uniforme, des bases sur l'ensemble du pays, une région comme la Basse Normandie verrait son produit augmenter de 1,5 % chaque année, celui de l'Ile de France augmentant de 6 %. Ce qui aboutirait, en une dizaine d'années, à une concentration considérable des produits de substitution à la taxe professionnelle dans une seule région, au détriment de toutes les autres.

Ceci nous paraît inacceptable en l'état et nous souhaitons que le Parlement puisse se saisir de cette question, la loi de finances 2012 n'en ayant pas fait mention. Nous espérons voir traité ce sujet dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2013.

En complément des réflexions sur la fiscalité destinée aux régions nous n'avons en effet plus aucun pouvoir de taux plusieurs hypothèses peuvent être évoquées...

Il a déjà été fait mention à plusieurs reprises du versement transport. Les régions sont autorités organisatrices de transport. Elles répondent aux mêmes objectifs qui ont justifié l'instauration des versements transport en milieu urbain et rendent beaucoup de services pour les trajets pendulaires domicile travail. Par ailleurs, la décentralisation du transport ferroviaire régional a abouti à une considérable augmentation de celui ci puisque, sur les dix dernières années, on enregistre une progression de 40 %.

Ce versement transport, acquitté par les entreprises de plus de dix salariés mais aussi par les administrations, permettrait de réaliser, pour une hypothèse de 0,2 % de taux, un produit national de l'ordre de 800 millions d'euros environ. Si l'on considère que la part administrative dans le versement transport est de l'ordre de 30 %, cela représenterait un effort pour les entreprises de l'ordre de 550 millions d'euros, à rapprocher des 8 milliards d'euros économisés sur la taxe professionnelle et des 12 milliards d'euros envisagés dans le cadre de la suppression de la part patronale sur certaines cotisations.

Le versement transport pourrait constituer, pour les régions, une fiscalité dédiée à ces investissements, qui seront extrêmement importants dans les années à venir.

Parallèlement pourrait également démarrer une réflexion sur le produit de la taxe d'apprentissage et des financements liés à la formation alors qu'aujourd'hui il y a une grande opacité sur la façon dont les fonds collectés sont utilisés. L'apprentissage constitue un levier important pour l'emploi, notamment pour les jeunes. Les régions ont par la loi compétence en la matière ; elles devraient être à l'avenir davantage consultées et associées à la réflexion sur la façon dont le « paquet » de ressources liées à la taxe d'apprentissage pourrait financer le développement de ce secteur. Ceci vaut évidemment pour les fonds récoltés au titre de la formation, où le financement par branche paraît aussi très opaque.

Nous pensons que des marges de manoeuvre pourraient être trouvées, avec l'avantage, s'agissant de la taxe d'apprentissage ou des fonds formation, de pouvoir raisonner à somme nulle.

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - La parole est à M. Laurent.

M. Philippe Laurent, maire de Sceaux et vice-président de l'Association des Maires de France (AMF). - Je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir invité l'AMF à vous faire part de son analyse de la situation. Vous nous avez adressé une liste de questions ; nous avons choisi d'y répondre de manière sommaire au moins oralement.

Tout d'abord, les ratios d'autonomie fiscale, tels que nous l'entendons à l'AMF et je pense dans l'ensemble des associations, n'existent pas dans la Constitution, celle ci ne reconnaissant que l'autonomie financière. Je n'entrerai pas dans le débat des différences entre ces deux notions, chacun ici les connaissant.

Sur les 47 milliards d'euros d'impôts et de DCRTP perçus par le bloc communal, environ 88 % peuvent faire l'objet d'une certaine modulation par le taux. Ce pourcentage ne tient cependant pas compte du FNGIR qui peut représenter, pour certains EPCI ou communes, une part de recettes non négligeable, par définition non modulable.

Il convient aussi de noter que le taux de cotisation foncière des entreprises (CFE) est désormais totalement lié au taux des impôts des ménages, la majoration dans la limite de 1,5 fois ayant été supprimée en même temps que la taxe professionnelle.

Enfin, en ce qui concerne les EPCI qui lèvent la fiscalité professionnelle unique, la part d'impôts non modulable est plus importante, ceux ci percevant plus des trois quarts de la CVAE du bloc communal.

S'agissant de la croissance attendue des différents impôts locaux et de ses conséquences en termes d'inégalités territoriales, la progression des bases correspond globalement à ce qui existait avant la réforme, notamment pour les taxes foncières.

Pour la CVAE en revanche, il est impossible de réaliser des prévisions fiables, surtout en cas d'établissements multiples. La prévisibilité est, quoi qu'il en soit, beaucoup plus incertaine que lorsqu'il s'agissait de la prise en compte notamment des équipements et biens mobiliers (EBM) ou des valeurs locatives foncières s'agissant de l'ancienne taxe professionnelle.

Cependant, il existe moins de possibilités d'optimisation de la part des entreprises avec le risque que celles ci prêtent moins d'attention à l'établissement des déclarations, par exemple concernant le nombre de salariés par établissement. La justesse de la répartition pourrait donc en souffrir.

Il est à ce jour difficile de se faire une opinion sur la CVAE compte tenu de la notification tardive des produits 2011 et des différentes évolutions législatives relatives à sa territorialisation.

S'agissant de l'évolution du panier fiscal des différentes catégories de collectivités, que pouvons nous dire à l'heure actuelle ? Pour l'AMF, la répartition actuelle apparaît relativement satisfaisante pour le bloc communal qui dispose encore d'un panier de ressources diversifié, ce qui n'est pas le cas des départements ou des régions.

L'attribution d'une part de CVAE au bloc communal, pour laquelle l'AMF s'est beaucoup battue, était une nécessité même si l'on peut considérer que la part de 26,5 % reste insuffisante. Pour le moment, il est nécessaire de s'en tenir au statu quo afin de pouvoir suivre l'évolution des recettes sur plusieurs exercices avant de proposer, le cas échéant, une nouvelle répartition.

S'agissant de la transmission des évaluations et des informations, la notification des montants définitifs ne date que de décembre 2011. Aucune information sur les éléments de calcul n'a été fournie. Les écarts constatés entre prévision et notification devront faire l'objet dans les mois qui viennent d'explications précises. L'ensemble des associations d'élus a demandé à la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP), lors d'une réunion qui s'est tenue la semaine dernière, de notifier toute une série d'informations permettant de s'assurer de l'origine de la CVAE, notamment en cas d'entreprises multi établissements.

Les amendements qui ont été votés en loi de finances 2012, à l'initiative des associations d'élus, devraient permettre de disposer de ces informations. Il est regrettable que les communes et les EPCI n'aient pu disposer des informations nécessaires à la prise de décisions en matière de cotisation minimum de CFE.

S'agissant de la répartition géographique du produit de la CVAE, les chiffres ont été diffusés par la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL) dans son bulletin d'information statistique. Ces chiffres sont intéressants mais ne permettent pas une analyse suffisamment pertinente au stade actuel. Cela étant, les remarques des représentants de l'ARF, sur la concentration de la CVAE sur certaines régions et sur l'une d'elles en particulier sont totalement exactes.

S'agissant de l'avenir de la CET et des aménagements que nous pourrions proposer, la modulation du taux, avec possibilité de dépasser le taux de 1,5 % dans certains cas est l'une des solutions à envisager. Elle a été préconisée sous forme d'un « tunnel de taux » par le rapport Fouquet, qui aboutissait à la prise en compte de la valeur ajoutée comme base principale de taxation économique en direction des collectivités locales.

Un point nous paraît devoir être analysé en profondeur. Il s'agit du coût des dégrèvements barémiques. On se souvient dans quelles conditions ils ont été mis en place. Ils représentent 3,6 milliards d'euros. C'est un coût extrêmement élevé ; il conviendrait de vérifier qu'il se justifie dans tous les cas.

La création de la nouvelle IFER est également étudiée pour certaines activités qui ont pu bénéficier d'effets d'aubaine du fait de la disparition de la taxe professionnelle.

S'agissant de la question des ratios d'autonomie financière, a priori et en l'état actuel des choses, le bloc communal n'a pas constaté globalement de modification, dans la mesure où, dans le calcul et les normes utilisés pour la définition de ces ratios, la CVAE est considérée comme un impôt territorialisé alors que les collectivités territoriales n'ont les moyens d'influer ni sur le taux, ni sur la base.

Nuançons ces appréciations en remarquant que le montant de la DCRTP affecté au bloc communal, soit 1,250 milliards d'euros, vient mécaniquement diminuer ce fameux ratio !

S'agissant du mécanisme de la DCRTP ou du FNGIR, il était protecteur en 2010. Dans la mesure où aucune indexation n'est prévue, il ne le demeurera pas à long terme, notamment pour les collectivités qui perçoivent des montants importants de DCRTP et de FNGIR. Il pourrait donc être suggéré au Sénat de vérifier chaque année l'évolution des ressources fiscales consolidées avec les garanties et de s'assurer qu'aucune diminution de ces compensations ne soit votée.

S'agissant de la compensation à l'euro près pour les collectivités, c'est le cas à l'instant « T », sauf à vérifier ce que nous n'avons pu faire de manière certaine qu'il n'y a pas eu de décalage dans l'appréciation exacte de la compensation. C'est un point essentiel qui peut aboutir à une perte définitive de 2 ou 2,5 % de richesse fiscale. C'est d'autant plus important que le taux est fixe.

Il conviendra aussi d'être vigilant avec les ressources provenant des fonds départementaux de taxe professionnelle, notamment au titre des grandes surfaces.

S'agissant des instruments de péréquation horizontale, un travail important a été mené par le Parlement et par l'ensemble des associations d'élus, notamment au sein du Comité des Finances Locales (CFL). Nous considérons qu'il est trop tôt pour juger des effets de ce fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Il est également trop tôt pour juger du Fonds de solidarité de la région Ile de France (FSRIF). Il est d'ailleurs, à ce titre, fort opportun que le Sénat ait voté une demande de rapport portant sur l'analyse des conséquences de la mise en place du Fonds de péréquation. Ce rapport doit être remis avant le 1er octobre mais il nous paraît important que Parlement et associations d'élus puissent y travailler ensemble. Nous pourrons donc imaginer une méthode de travail lors de la prochaine réunion du CFL, sans attendre cette évaluation.

Concernant les critères de répartition, nous pensons que les dispositions votées par le Sénat en loi de finances sont allées dans le bon sens. Il sera évidemment nécessaire d'analyser toutes leurs incidences. Pour le calcul du potentiel fiscal, cependant, la prise en compte du FNGIR ou de la DCRTP sans ajustement tenant compte des bases des anciens impôts peut apparaître comme relativement injuste. C'est un point essentiel sur lequel il nous faudra travailler.

S'agissant des relations entre les collectivités territoriales et les entreprises, nous avons, au sein de l'AMF, procédé à une enquête rapide auprès d'un certain nombre de nos adhérents, notamment les membres de la commission des finances qui nous ont indiqué ne pas avoir eu de retours particuliers de la part des acteurs économiques sur cette affaire.

Lorsqu'on pose la question aux acteurs économiques de savoir quelle réforme est nécessaire, la réponse porte quasi systématiquement sur les charges sociales.

Certains élus ont simplement précisé que des entreprises pour lesquels il n'était pas forcément attendu d'allégements étaient bénéficiaires comme les entreprises de transport, alors que des artisans ou des maisons de presse estimaient payer davantage avec le nouveau système. On peut donc s'interroger sur le retour sur investissement en termes de ressources fiscales. Les collectivités territoriales peuvent attendre de nouvelles implantations d'entreprises. Les retombées en matière d'emploi seront donc essentielles pour favoriser l'accueil d'entreprises, notamment industrielles et faire en sorte que les habitants les acceptent.

Enfin, l'allégement de la charge fiscale pour les entreprises industrielles est elle de nature à éviter les délocalisations ? La réforme, initialement ciblée sur les entreprises industrielles, a finalement touché pratiquement toutes les catégories de redevables. Ainsi, des professions libérales employant moins de cinq salariés sont assez largement bénéficiaires. Il est difficile de juger de manière précise les effets de la réforme sur les entreprises puisque le critère de la taxe professionnelle n'était pas parmi ceux cités le plus souvent pour justifier les délocalisations.

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - La parole est à M. Lemaignen.

M. Charles Eric Lemaignen, président de la Communauté d'agglomération Orléans Val de Loire, président délégué de l'Assemblée des Communautés de France (AdCF). - Je mettrai plus particulièrement l'accent sur quelques points puis Philippe Tarillon complétera mes propos s'agissant de la répartition géographique, de la problématique des communes industrielles et de la question de la consolidation.

Je voudrais nuancer les choses pour ce qui est de l'autonomie fiscale. Il existe en effet, sur ce point, des querelles d'école entre autonomie financière et autonomie fiscale.

En matière d'autonomie fiscale, je rappelle que la France était, après la Suède, de très loin en tête en Europe. La comparaison est donc parfois intéressante.

En second lieu, notre autonomie fiscale était auparavant fortement nuancée par le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée. Mon voisin, dans le Val de Fensch, bénéficiait d'une d'autonomie fiscale quasiment nulle, 80 % de ses bases étant plafonnées.

En matière de taux de la CVAE, l'AdCF était favorable au taux unique. En l'absence d'un taux unique, les optimisations fiscales auraient été pires que dans le système précédent, la meilleure assiette de l'impôt économique étant la valeur ajoutée plutôt que les EBM. La taxe professionnelle est depuis longtemps une morte en sursis et la valeur ajoutée ne peut être appréhendée qu'au niveau des entreprises pluri établissements.

Or, le rapport Fouquet prévoyait un tunnel de taux ; on sait bien qu'un tunnel de taux, qui est forcément limité pour éviter les optimisations, entraîne très vite les collectivités vers un plafond. Ce n'est alors plus un tunnel de taux mais un taux unique. Il n'est qu'à considérer les droits de mutation...

Nous étions favorables à un taux unique et avons considéré même si on peut fort bien en comprendre les raisons que le taux intermédiaire constituait une erreur. On peut comprendre qu'il ne fallait pas seulement encourager les entreprises industrielles soumises à la mondialisation mais aussi aider les petites entreprises créatrices d'emplois. Il n'empêche que l'on a créé une « usine à gaz ». Le Sénat a réussi à trouver un système pour ne pas totalement pénaliser la répartition de l'assiette de l'impôt économique. Néanmoins, l'expliquer à des profanes n'est pas toujours très simple. Il fallait probablement rester sur un taux unique qui aurait pu être descendu à 1,16 % pour avoir un résultat équivalent, plus sain pour tout le monde.

Comme l'ont dit Martin Malvy et Philippe Laurent, nous avons perdu un an mais il faut reconnaître que 2009 a été une année calamiteuse. Si on l'avait prise en charge, la situation, pour les collectivités, je le crains, aurait été plus défavorable. Il faut donc nuancer les choses...

Le troisième élément est constitué par le nouveau panier fiscal du bloc local. On assiste à une modification totale de ce panier : désormais, la réforme correspond à la généralisation de la fiscalité mixte. Les stratégies fiscales et financières des communes de l'intercommunalité seront donc forcément différentes de ce qu'elles étaient par le passé. Des pactes financiers et fiscaux entre les communes et l'intercommunalité seront nécessaires car elles prélèvent l'argent sur le même contribuable ; on ne peut imaginer des stratégies fiscales totalement différentes entre l'élu communal au sein de sa commune et l'élu communal au sein de son intercommunalité, par exemple en matière de taxe d'habitation !

L'AdCF était favorable au fait que le bloc local dispose de plus de CVAE ; cette dernière aurait probablement dû être mieux répartie entre les régions et le bloc local. Il en a été décidé autrement.

Le discours de l'ADF me laisse parfois rêveur ! Ce n'est pas une critique mais, objectivement, les départements disposent de moins d'autonomie fiscale. Nous aurions bien voulu vous laisser la taxe d'habitation : ce n'est pas nous qui avons souhaité la confier à quelqu'un d'autre ! Le fait que la taxe d'habitation se situe dorénavant au niveau du bloc local empêche désormais toute évolution vers une taxe d'habitation sur le revenu. Il faut assumer les responsabilités que nous avons prises les uns et les autres !

Quant à la nouvelle dynamique des bases, elle est difficile à appréhender aujourd'hui. Je partage les propos de Philippe Laurent : même si l'on constate d'incontestables progrès, il reste beaucoup à faire en matière d'information. Aujourd'hui, nous pilotons nos investissements dans le brouillard, alors que les collectivités représentent 71 % de l'investissement public !

C'est d'autant plus difficile que nos bases dépendent à 75 % des valeurs locatives. Il existe une évidente incertitude à propos de la mise en place de la réforme des valeurs locatives que nous appelons de nos voeux qui risque de provoquer des effets de transfert de la matière imposable plus importants que ceux qu'on a connus avec la réforme de la taxe professionnelle. Prenons donc garde au double effet, comme dans le cas des collectivités industrielles, où la réforme de la taxe professionnelle a favorisé les territoires résidentiels.

Cinquième élément : je pense qu'il faut différencier péréquation et nouvel impôt économique. Faire peser la péréquation sur le seul impôt économique me paraît déraisonnable et risque d'entraîner des effets pervers. Il me semble donc sain, parallèlement à la réforme de la taxe professionnelle, d'avoir eu le courage de mettre en place une amorce de la réforme de la péréquation même si la conjoncture était délicate. L'AdCF se réjouit qu'on ait pris en compte le Potentiel Financier Intercommunal Agrégé (PFIA). Nous avions même souhaité qu'on y intègre les dotations d'intercommunalité, voire la dotation de péréquation.

L'AdCF se réjouit également du fait que le Sénat ait pu renforcer le critère des revenus. Nous avions souhaité un revenu médian plutôt que moyen mais on reste dans le même esprit. Plus on aura de critères diversifiés, mieux on mettra à jour le lobbying qui, aussi justifié soit il, rendra le système parfaitement illisible pour tout un chacun !

Incontestablement, des problèmes se posent et il va falloir revoir la répartition entre le FSRIF et le FPIC. Sans doute les clauses de revoyure le permettront elles...

En outre, il faudrait que les critères de répartition se rapprochent les uns des autres, des critères contradictoires risquant de compromettre la péréquation.

Enfin, je partage les propos qu'a tenus Philippe Laurent concernant les relations entre entreprises et collectivités. On a déjà connu cela au moment de la mise en place de la Taxe Professionnelle Unique (TPU) : les communes ne voulaient plus des entreprises sur leur territoire, la taxe professionnelle allant à l'intercommunalité. Il faut être vigilant. La difficulté perdurera face aux industries polluantes, que personne ne voudra accueillir, les populations y étant défavorables et le retour sur investissement assez faible c'est le moins que l'on puisse dire pour les collectivités...

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - La parole est à M. Tarillon.

M. Philippe Tarillon, président de la Communauté d'agglomération du Val de Fensch, membre du conseil d'administration de l'AdCF. - Je voulais, en complément de ce que vient de dire mon collègue, apporter une illustration à propos d'un territoire industriel situé dans la vallée de la Fensch, traditionnellement sidérurgique et qui compte 70.000 habitants. Je suis également maire de Florange ; je pense que vous avez dû entendre parler de cette commune et des décisions du groupe ArcelorMittal. La réforme se traduit pour nous, de manière schématique, par un maintien des ressources. L'engagement a bien été tenu mais la structure des ressources change profondément !

Sur un total d'environ 41 millions d'euros de ressources de fonctionnement, près de 80 % étaient auparavant d'origine fiscale. Même si le pouvoir de taux était limité par rapport au plafonnement vis à vis de la valeur ajoutée, nous en sommes à 45 % ! On peut également constater l'évolution de la fiscalité économique, très importante pour ce territoire qui comprend de nombreuses friches industrielles et maints problèmes sociaux.

La TPU représentait près de 30 millions d'euros ; aujourd'hui, la totalité de la fiscalité économique s'élève à moins de 13 millions d'euros, les pouvoirs de taux, CFE et fiscalité traditionnelle, se situant à hauteur de 13 millions d'euros. La dynamique s'appuie donc sur des recettes pour l'essentiel figées, avec une autonomie fiscale réduite à peu de choses.

La péréquation horizontale a constitué une rude bataille ; le texte qui en est ressorti permet d'éviter au moins cette fois la « double peine ». Grâce à la prise en compte du critère des revenus dans la répartition, nous sommes bénéficiaires nets alors que, dans les premières simulations, du fait de l'histoire et de la stratification des bases, nous étions contributeurs, ce qui revenait à ajouter la sanction à la pénalisation.

Le second point sur lequel je veux insister concerne la territorialisation. Il faut revoir celle de la CVAE pour les entreprises multi établissements, même s'il y a eu des progrès au delà du seul critère des effectifs. On sait fort bien aujourd'hui que l'industrie et notamment l'industrie lourde produit beaucoup de valeur ajoutée mais a de moins en moins d'effectifs. C'est toute la problématique de la consolidation, qui permet des mécanismes anti redistributifs.

Enfin, je voudrais attirer l'attention de la mission sur les questions de délocalisation. C'est l'un des motifs qui a justifié la réforme. Je l'illustrerai par le comportement d'ArcelorMittal et par quelques chiffres. Ce n'est pas l'impôt économique qui décidera ArcelorMittal à relancer les hauts fourneaux de Florange !

Hier, 17 millions d'euros de taxe professionnelle sur 30 étaient à la charge d'ArcelorMittal, les divers mécanismes de dégrèvements faisant que l'Etat et nous mêmes étions touchés par le plafonnement ; aujourd'hui, nous avons un peu plus de 12 millions d'euros d'impôt économique. ArcelorMittal, entre la CFE et la CVAE, paie environ 4 millions d'euros au titre du territoire.

Certes, une partie de la CVAE va vers d'autres territoires au titre du siège social mais on mesure bien le gain réalisé par cette entreprise sans qu'elle ait réellement modifié sa stratégie. Il y a donc là une question à se poser...

La mission va se rendre à Dunkerque, autre territoire industriel. Ces industries qui ont peu de report sur l'emploi ou en termes de retour sur investissement comportent de réelles nuisances pour nos territoires. Ce n'est pas le cas de ceux sur lesquels se trouvent les sièges sociaux. On risque donc de voir, à terme, des arbitrages qui ne seront pas forcément favorables à l'industrie mais davantage au résidentiel, aux services ou au commerce. C'est une vraie question qu'il convient de se poser !

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - La parole est à M. Lebreton.

M. Claudy Lebreton, président du Conseil général des Côtes d'Armor, président de l'Assemblée des Départements de France (ADF). - Est-il utile de rappeler combien la taxe professionnelle était, pour les collectivités territoriales et les départements, un impôt important et dynamique ?

On comptait chaque année des créations d'entreprises, des créations d'emplois ; le solde était souvent positif, la croissance de recettes essentielle et importante pour nos collectivités, quelle qu'elles soient.

Une des premières questions que vous posez porte sur le degré d'autonomie fiscale des départements. Les départements représentent un budget d'environ 70 milliards d'euros. La fiscalité, avant les réformes, était de 22,5 milliards d'euros, dont 9 milliards d'euros de taxe professionnelle. Je mets de côté les droits de mutation, qui avoisinent #172;7,5 milliards d'euros.

Les recettes fiscales des « quatre vieilles » représentaient 35 % des recettes de la fiscalité des départements ; aujourd'hui, la moyenne est tombée à 17 % : nous avons donc perdu la moitié de notre pouvoir de taux avec la réforme de la taxe professionnelle et de la fiscalité et n'avons plus que le foncier bâti pour seule recette fiscale locale, moitié moins !

Les dépenses départementales sont des dépenses rigides qui pèsent incontestablement : Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA), Prestation de Compensation du Handicap (PCH) et Revenu de Solidarité Active (RSA) représentent 13 milliards d'euros chaque année. Je ne m'étendrai pas sur la compensation de l'Etat qui a fortement régressé en quelques années, ni sur la couverture de l'APA, au départ de 48 % et tombée à moins de 25 % en moyenne.

Qui plus est, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui sont une recette fiscale indirecte, se sont effondrés en 2008 2009 ; ils ont diminué de 2,5 milliards d'euros en l'espace de deux ans. Même si on a connu une remontée en 2010, l'évolution a été de 60  %. On est face à une recette procyclique qui devient de plus en plus compliquée, dans une situation économique et sociale extrêmement tendue et un marché de l'immobilier doublement impacté, d'une part, du fait des recettes de DMTO et, d'autre part, du foncier bâti.

En second lieu, les incidences du FNGIR et de la DCRTP sont aujourd'hui prises en compte en matière de potentiel fiscal et financier dans tous les calculs de répartition du RSA et de l'APA, au titre de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA).

Compte tenu des nouveaux calculs, un département considéré comme modeste, comme le Gers, qui occupait la 94ème place dans le classement du potentiel financier, est passé à la 44ème place. Le Gers va donc devenir un département riche ! Les Hautes Pyrénées, qui étaient à la 58ème place, sont passés à la 17ème place ; le Tarn, qui était à la 98ème place, est aujourd'hui à la 62ème place.

Nous avons attiré l'attention du Président de la commission des finances du Sénat et de son rapporteur général sur cet état de fait, qui place les départements dans une situation qui n'est pas de la plus grande justice fiscale ni territoriale.

Troisième conséquence : la CVAE va pouvoir, à partir de 2013, participer de la péréquation financière entre départements. Or, dès que la CVAE, liée à l'activité économique et à la croissance des assiettes diminue, la DCRTP augmente. On sait que cette recette des collectivités départementales sera « capée ». Il s'agit donc d'une double peine : les DMTO et la CVAE étant de moins en moins dynamiques face à des dépenses sociales rigides, on se retrouve dans un environnement financier insupportable. Je ne m'étendrai pas sur le sujet, chacun ayant reconnu y compris le CFL que les départements, du fait de ces spécificités, sont dans des situations financières extrêmement difficiles, voire dramatiques pour certains !

Ce sont les départements les plus urbains, notamment en Ile de France, qui vont accaparer une grande partie des recettes de la CVAE. C'est là une répartition des recettes totalement inéquitable.

L'ADF a toujours été plus convaincue par une péréquation verticale qu'horizontale même si, pour certains départements, la péréquation a été positive. On a introduit au sein des départements beaucoup d'inégalités.

Cette exonération de taxe professionnelle a-t-elle permis aux grands groupes de mieux se situer dans la compétitivité internationale ? Mon département a mené des analyses : cette mesure a été bénéfique pour un certain nombre d'entreprises, notamment dans le secteur de l'artisanat mais c'est plus la concurrence des salaires et des charges de certains pays que la taxe professionnelle qui menace les groupes français.

M. Thierry Carcenac, député, président du Conseil général du Tarn.- La fiscalité n'est pas un élément en soi : il faut partir de nos compétences et voir comment les financer.

On dénote toutefois dans ce domaine une certaine impréparation, une certaine instabilité et une inégalité de la répartition de la péréquation, telle qu'on commence à la voir poindre.

Le Président Lebreton l'a dit : nos marges de manoeuvre sont de plus en plus étroites. Nous sommes paralysés soit par une fiscalité figée, qu'il s'agisse de la DCRTP ou de la DGF, soit par les impôts indirects comme les DMTO ou la CVAE et liés par la conjoncture. Les limitations que nous subissons sont très fortes, alors que nos dépenses croisent généralement de l'ordre de 4,5 à 6 % par an.

La commission consultative d'évaluation des charges (CCEC) nous pose la question de savoir si les collectivités locales ont été compensées à l'euro près. Généralement, ceci intervient au moment du transfert. Or, depuis 2008, nos recettes n'ont pas évolué, sauf pour ce qui est de la CVAE, à partir de 2011. Les progressions que nous connaissions donc auparavant au travers des bases ou des créations de richesses sont complètement annihilées. Cela fait longtemps que nous ne voyons plus rien venir du côté de l'économie !

La péréquation des DMTO est trop récente pour que l'on puisse en mesurer l'efficacité ; nous avons d'ailleurs déjà changé de dispositif. Quant à la péréquation de la CVAE, elle ne doit intervenir qu'en 2013.

Nous avons déjà vécu la péréquation verticale, notamment en matière de DGF des départements. Cent départements environ bénéficiaient de la péréquation, quarante urbains et soixante ruraux. Sur les 12,7 à 13 milliards de DGF, la péréquation s'est élevée à environ un milliard dont nous n'avons rien vu, les enveloppes étant figées !

Enfin, s'agissant des valeurs locatives, l'expérimentation portant sur cinq départements dans le cadre des locaux professionnels n'est pas étendue. Nous sommes toujours sur des valeurs locatives qui datent des années 1970 et les effets de transfert risquent d'être très importants. Il faut donc considérer ces éléments.

S'agissant du plafonnement des taux des départements, le taux moyen national en matière de taxe foncière est de 14,38 %, certains départements étant plus proches des 30 %, voire de 35 % alors que d'autres sont très bas. Nous sommes donc très limités en matière de fiscalité et d'autonomie.

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - La parole est à M. Boulard.

M. Jean Claude Boulard, maire du Mans, président de la communauté urbaine du Mans, représentant l'AMGVF et l'Association des Communautés urbaines de France (ACUF) - Il va bien falloir apprendre à vivre sans la taxe professionnelle, personne ne proposant de la rétablir ! J'ai lu le programme des uns et des autres : je n'ai trouvé aucune proposition en ce sens ! Il faut donc essayer de tenir compte des erreurs de la réforme pour ne pas en commettre de nouvelles. C'est sur ce point que je voudrais insister à travers six points.

Le premier prendra la forme d'un constat : quelles que soient les collectivités, à des degrés différents, la réforme de la taxe professionnelle s'est traduite par une perte ou une réduction très forte de l'autonomie fiscale des collectivités locales : 41 % pour le bloc communal on n'ose citer le pourcentage des autres ! Il est intéressant de rappeler que cela s'inscrit dans un mouvement historique. Depuis quarante ans, l'Etat ne cesse de remplacer des impôts locaux par des dotations ! Cela a commencé par la réforme de la taxe locale et par l'extension de la TVA au commerce de détail, qui est à l'origine de la DGF, remboursement et non dotation d'Etat. On a perdu la bataille culturelle le jour où on a oublié ce dernier point. L'extension de la TVA au commerce de détail ressemblait beaucoup à la TVA sociale et l'Etat a inventé la DGF pour nous rembourser. Il a ensuite prétendu qu'il s'agissait d'une dotation, puis l'a réduite régulièrement.

Ce mouvement, toutes les majorités l'ont accompagné. Je ne sais plus qui a décidé la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle...mais, dès lors qu'un des deux piliers a été supprimé, on a craint que le second ne le soit également. On pourrait tirer un premier message de ce constat et cesser, à l'avenir, de remplacer des impôts locaux par des dotations. Toutes les collectivités devraient demander que ce processus cesse dans le futur. Il ne s'agit pas de nous rendre nos impôts encore que ce débat n'est pas inutile mais de sanctuariser ceux qui existent car je crains que le vieux rêve que la direction du budget fait depuis quarante ans ne continue à cheminer !

On sait que cela commence par une compensation. On la déclare sanctuarisée pendant deux ans ; elle est quelquefois indexée sur les salaires puis sur l'inflation, avant d'être gelée avant de devenir un outil de péréquation.

Le deuxième constat n'est pas sans importance : la structure du prélèvement local s'est déplacée vers les ménages, ce qui n'est pas une mince affaire. Pour ce qui est du bloc communal, on est passé, s'agissant du foncier bâti et de la taxe d'habitation, de 58 % à 74 % ; en même temps, l'impôt économique est passé de 41 % à 22 %. C'est un sujet qui va compliquer le débat sur l'évolution des valeurs locatives du bloc communal et rendre extrêmement dangereux celui qui est en train de naître sur les dégrèvements.

Si un processus de remise en cause des dégrèvements se met en place au profit d'exonérations qui ne seront plus compensées, le bloc communal, qui dépend à 70 % de l'impôt sur les ménages, va souffrir. C'est un dommage collatéral de la réforme de la taxe professionnelle mais il faut être vigilant.

Le troisième constat a été peu dressé : la réforme a produit une différenciation relativement dangereuse des territoires au plan fiscal, au détriment des territoires industriels et au profit des territoires résidentiels. Je ne suis pas sûr qu'on ait mesuré ce que voulait dire, pour l'avenir d'un pays comme le nôtre le fait qu'au plan fiscal, les territoires résidentiels sont et seront mieux traités que les territoires industriels.

Pour un territoire résidentiel dont la ressource provient pour l'essentiel de la taxe d'habitation et du foncier bâti, l'effet de l'évolution de la richesse fiscale est plus fort ; cependant, les territoires industriels bénéficient des dotations de compensation les plus importantes et d'une part de dotation supérieure par rapport à leur part de ressources fiscales.

En second lieu, l'affectation des territoires en faveur de l'habitat et les effets de la DGF en matière de population conduira à privilégier l'affectation résidentielle par rapport à l'affectation industrielle. La différenciation fiscale entre territoires industriels et résidentiels, peu prise en compte dans les débats, constitue un danger potentiel considérable.

Le quatrième constat nécessite peut être un ajustement. Même les tenants de la réforme admettent qu'ils sont allés trop loin : 3,6 milliards d'euros de dégrèvement et un dommage collatéral, qu'on n'a pas pu réparer s'agissant des Bénéfices Non Commerciaux (BNC), peu délocalisables.

J'ai la conviction que la réforme freine peu les délocalisations ; il n'empêche que certains secteurs non délocalisables ont bénéficié d'un effet d'aubaine. Lorsque les professionnels du BTP se plaignent de leur plan de charge, je leur rappelle qu'ils se sont peu battus, au sein du Mouvement des Entreprises De France (MEDEF), pour rappeler qu'ils ne sont pas délocalisables et que l'essentiel des financements vient du budget des collectivités locales !

Il faut donc prendre garde à l'évolution des seuils de dégrèvement. C'est un débat gagnant gagnant, aussi bien pour l'Etat que pour les collectivités locales. Pour l'instant, l'Etat compense les dégrèvements. Pour combien de temps ? Personne ne le sait mais un travail d'ajustement du périmètre de l'impôt économique pourrait constituer un compromis entre l'Etat et les collectivités locales.

Cinquième observation : peut-on rétablir un peu d'autonomie sur l'impôt économique ? Certes, le rapport Fouquet a prévu des différenciations de taux. On peut également moduler les taux des bases non délocalisables puisqu'il n'existe pas d'effets pervers.

Enfin, c'est un bénéficiaire de la péréquation qui vous le dit : celle ci est dangereuse ! On m'écoutera peut être davantage... Pourquoi ? Moyennant deux ou trois petits amendements, on passe de 500.000 euros de prélèvement à 700.000 euros de bénéfices. Qu'un curseur aussi faible puisse provoquer un tel effet ne peut qu'appeler à la prudence !

Le Parlement, dans sa sagesse, a eu raison de limiter à 150 millions d'euros le montant de la péréquation. Il en est du plaisir comme de la douleur : il vaut mieux les répartir dans le temps ! Il a d'ailleurs fallu instaurer un plafonnement à 10 % sur certains territoires. S'agissant d'un impôt de répartition, tous les plafonnements retomberont sur les autres ! Toutes ces dispositions relativement difficiles à contrôler appellent à poursuivre prudemment et en réalisant beaucoup de simulations, face aux conséquences des différents scénarios.

J'ajoute qu'une ressource nationale destinée à alimenter une partie de la péréquation, notamment dans le cas du réexamen des dégrèvements de l'impôt économique, éviterait à l'avenir, quels que soient ceux qui l'animeront, que l'Etat ne réponde péréquation lorsque les collectivités locales viendront expliquer à ce dernier qu'elles ont un problème d'adéquation entre leurs moyens et leurs dépenses. Compte tenu des allégements massifs d'impôts qui se sont produits depuis des années, la péréquation ne peut constituer une réponse pour l'avenir, sauf à opposer les territoires entre eux ce qui est le rêve de l'Etat !

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Nous avons permis à chacun d'intervenir ; nous allons à présent entrer dans le débat.

Dès lors qu'il y a réforme, le bouleversement est inévitable. Une réforme doit toujours se faire rapidement. Nous en mesurons les effets et cherchons à l'améliorer. C'est le sens même de notre mission.

Que se serait-il passé si, dans la période de crise que nous connaissons, la taxe professionnelle était restée ce qu'elle était ? Nous n'avons pas de réponse puisque nous sommes entrés dans un autre système. Il nous faut cependant en mesurer l'écart.

Manifestement, les régions ont bien du mal à retrouver un équilibre compte tenu des nouvelles ressources, des charges et des compétences qui sont les leurs. A l'inverse, on a le sentiment que le bloc communal a retrouvé un certain équilibre. Reste nos départements : nous avons bien entendu les difficultés qui sont les vôtres, Monsieur Lebreton.

M. Charles Guené, rapporteur. Comme vous l'a dit Mme la Présidente, nous examinons les effets de la réforme au travers des trois acteurs principaux que sont les entreprises, les collectivités locales et l'Etat. On peut estimer que cette réforme était destinée à renforcer la compétitivité des entreprises. Selon M. Carcenac, ce qui intéresse ces dernières, ce sont les réductions de charges. Or, l'effort qui leur a été demandé est sensiblement équivalent au précédent.

En second lieu, je pense que nous allons entrer dans une nouvelle gouvernance de la fiscalité locale. On sent cependant une véritable résistance de votre part. Nous avons prévu de rendre notre rapport en juin afin de le détacher de certaines échéances ; en effet, si la gouvernance appartient à d'autres, nous resterons cependant probablement dans les mêmes schémas !

Les collectivités locales et l'Etat doivent se mettre autour d'une table pour discuter des ressources qui peuvent être affectées aux collectivités locales. Nous sommes peu nombreux à avoir conservé une telle autonomie fiscale !

En outre, celle ci est inégalement répartie et, comme l'a dit M. Boulard, je n'ai pas l'impression d'avoir entendu d'autres propositions. Ce serait d'ailleurs difficile !

Certains ont dit que les choses auraient été différentes si l'on avait pu continuer sur la même lancée en ayant, après la crise, des progressions de ressources fiscales et économiques identiques au passé.

En fait, on sait fort bien que celles ci étaient financées par l'Etat et difficiles à supporter dans une période économique comme celle que nous avons vécue. Il nous faut tous ensemble rechercher des pistes. On dit qu'il a été facile à l'Etat de limiter sa contribution. Nous sommes tous d'accord mais pouvait il faire autrement ?

C'est la préoccupation technique que nous devons avoir, même si nous admettons que chacun doit « plaider pour sa paroisse ». On sait qu'il y a des situations plus difficiles que d'autres. Je conçois que les départements, du fait de leurs dépenses, aient une position très difficile à tenir. Ce sera demain le cas des régions.

On entend dire depuis plusieurs mois que l'impact du FNGIR et de la DCRTP sur les calculs de RSA est durement ressenti. De la même manière, on sait que la péréquation horizontale proposée pour l'heure n'est pas satisfaisante pour les départements. Pour les régions, c'est tout juste si l'on en parle. En revanche, nous n'avons pas de propositions de votre part à ce sujet. Je pense donc qu'il faut engager la démarche tous ensemble.

Je partage les propos de M. Boulard concernant les BNC. On attend là aussi un dispositif constitutionnellement acceptable et supportable. Nous avons également besoin de vous pour le trouver.

Il serait certes préférable de disposer d'impôts nationaux plutôt que de faire appel à la péréquation horizontale mais je ne suis pas convaincu de la différence, au plan territorial, entre la progression de la TVA et celle de la CVAE, par ailleurs actuellement dans une très mauvaise passe. Nos réflexions ont donc leurs limites !

Je ne prétends pas détenir la vérité mais je dois rédiger un rapport ; si cela peut alimenter la discussion, ce sera intéressant...

M. Rachel Mazuir. - Je suis Président du conseil général de l'Ain. Je voudrais dire à Martin Malvy, qui pense que les régions sont l'une des premières victimes de la réforme, que les départements Claudy Lebreton l'a rappelé sont dans la même situation ! Si on a plus d'autonomie, nous ne maîtrisons absolument pas les dépenses sociales qui sont quasiment exponentielles.

Une remarque par rapport au fonds de péréquation, dont on m'a dit que les quelques simulations que j'ai vues étaient de qualité : je confirme ce qu'a dit Jean Claude Boulard concernant les secteurs résidentiels et les autres. Dans l'Ain, la Cotière de Lyon et la collectivité territoriale de Méribel, qui détient plus de 20 % de logements sociaux, versent 10 euros par habitant au fonds de péréquation. Dans la banlieue de Genève, les dix communes qui ont le revenu le plus important se situent dans la communauté de communes du pays de Gex ; l'une d'elles est en tête avec 8.000 euros par mois et par habitant. Ceux ci vont payer un euro ! J'apprécie les péréquations horizontales mais il faut que les critères si tant est qu'on puisse en mettre en place de sérieux donnent des résultats qui correspondent à ce qui doit être fait !

Je rejoins donc Claudy Lebreton : les péréquations horizontales paraissent marquer davantage la solidarité nationale mais je me méfie des usines à gaz, jusqu'à ce que l'on m'ait prouvé le contraire !

M. Charles Guené, rapporteur. La péréquation horizontale n'est pas le coeur de notre mission mais nous l'abordons dans la mesure où elle peut constituer une conséquence de la réforme, qui a engendré un bouleversement tel que, sans péréquation horizontale, l'équilibre eut été menacé.

Au Sénat, nous sommes plusieurs à avoir participé à des missions qui ont abordé ce thème. Le parti qui a été pris, notamment par le CFL et l'Assemblée nationale, a été de limiter l'effet de la péréquation sur cette première année. Avec Pierre Jarlier, nous avions voulu introduire d'autres critères. Dans le rapport réalisé avec Philippe Dallier, nous avions souhaité tenir compte de plus de ressources. Cela n'a pas abouti. Je pense qu'il faudra apporter des ajustements.

M. Boulard a estimé que certains paramètres ont bougé. Les curseurs sont extrêmement fins et il conviendra de les travailler. La réforme précédente a vécu un demi-siècle : laissez nous un peu de temps pour l'ajuster !

M. Carcenac évoquait les ressources 2009 et 2010 par rapport à celles de 2011. En fait, la correspondance à l'euro près se situe entre 2009 et 2010. Dans un département que nous avons visité, la DGFiP nous a dit que l'appréciation des textes faite par l'administration et par Bercy avait été très favorable aux collectivités.

Tout le monde n'a pas encore les résultats pour 2011 : on peut donc encore en discuter.

M. Martin Malvy. - Il ne faut pas opposer les collectivités les unes aux autres : le malheur de l'une ne fait pas le bonheur de l'autre ! Ceci est excessivement compliqué et difficile. En réalité, ce sont des moyens que l'Etat peut mettre à la disposition de ses propres services et des collectivités territoriales.

Dire que l'Etat dépense trop pour les collectivités territoriales et qu'il leur verserait moins s'il n'avait pas gardé pour lui toute la fiscalité dynamique en période de croissance est un faux débat. Dans d'autres pays, les collectivités locales bénéficient d'autres ressources et l'Etat verse moins. On ne peut s'enfermer dans ce discours.

Bien sûr, dans la conjoncture qui est la notre, difficultés des finances publiques, crise durable, personne n'y trouvera son compte et tout le monde souffrira. Le pire est d'être amené à réduire les interventions dans le domaine de l'éducation, de la formation, de la croissance et du développement économique.

Je « prêche pour ma paroisse » : un Président de conseil général me disait hier qu'il venait de renoncer à sa participation au financement de la Ligne à Grande Vitesse (LGV). Il ne peut expliquer aux élus qu'il réduit ses investissements de 10 à 15 millions d'euros mais qu'il continue à payer pour le territoire d'une région voisine un TGV qui n'arrivera pas forcément chez eux ! Il en est là, comme j'en suis à supprimer le stand de la région lors de la foire exposition de Toulouse !

Il faut bien voir que les régions sont celles vers lesquelles l'Etat se tourne le plus souvent pour compléter ses financements.

Je posais il y a quelques jours la première pierre de deux bâtiments universitaires à Toulouse avec le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je lui faisais remarquer en aparté que c'était la région qui était le premier financeur de ces deux équipements.

Dans les pôles de compétitivité, en cas de recherche de financements par le Fonds Unique Interministériel (FUI) ou par OSEO, on se tourne vers la région et on indique à l'industriel ou au laboratoire qu'il n'aura sa participation que si la région participe. Je pourrais multiplier les exemples, y compris en matière d'infrastructures ferroviaires, voire routières, comme dans l'Aveyron, où nous sommes, avec le conseil général, les deux seuls à financer les investissements de la route nationale !

On ne peut parler de fiscalité locale si on ne parle pas en même temps des relations de l'Etat avec les collectivités locales. Ma crainte est que tout ceci ait des conséquences non négligeables et rapides en matière de développement économique. Vous connaissez comme moi les problèmes qui vont se poser dans les mois qui viennent en termes de financement des investissements des collectivités territoriales et de capacités d'emprunt si les solutions envisagées par le Gouvernement entrent en vigueur au mieux au mois de juin prochain, avec une applicabilité hypothétique en fin d'année. Cela risque d'induire un fléchissement des investissements dans le bâtiment et les travaux publics, avec des conséquences lourdes en début d'année ou dans les mois qui viennent. Il faut donc voir cela globalement et non circonscription par circonscription.

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - C'est un point auquel nous sommes très attachés et que nous suivrons avec une particulière vigilance !

M. Claudy Lebreton. - Je ne veux pas opposer les collectivités les unes aux autres. Je ne l'ai jamais fait depuis que je suis Président de l'ADF. C'est ainsi que l'on affaiblit l'ensemble des collectivités territoriales. On devrait plutôt réaliser un travail en commun, ce que nous avons tenté de faire avec difficulté lors de la réforme. Avec Jacques Pélissard, Alain Rousset et Michel Destot, nous avons essayé de rechercher des convergences pour être capables de porter un certain nombre de propositions dont Bercy a souligné la cohérence à plusieurs reprises même si l'on peut comprendre les choix politiques...

Je voudrais revenir sur les propos de Charles Guené. Vous avez dit ne pas avoir entendu, dans les interventions des uns ou des autres, de remise en cause de la réforme, dont vous faites vous même une analyse des conséquences. Nous ne sommes pas ici pour parler du futur proche : nous avons exprimé notre point de vue sur la façon dont nous vivons les conséquences de la réforme.

Avec cette crise, on voudrait nous laisser entendre qu'il n'existe pas d'autre solution possible et qu'il n'y a qu'une réponse au problème de la situation financière de la France, sans autre alternative. L'honneur de la démocratie est de faire en sorte qu'il y ait des choix différents. On est convaincu ou on ne l'est pas mais des propositions seront faites. Je voudrais vous rassurer sur ce point !

Je pense que nos concitoyens n'en peuvent plus des injustices, notamment fiscales, qui existent dans notre pays. Certains ont l'impression de payer plus que les autres ! Si des changements devaient intervenir demain à la tête de l'Etat, je pense que nous reviendrions sur la question de la fiscalité nationale mais aussi locale ! Je suis pour ma part profondément convaincu que, pour lutter contre la crise, il faudra approfondir la décentralisation. Il faut revenir sur la question de la clarification des compétences et de leur transfert en proposant une réforme de la fiscalité et des financements publics.

On établit des comparaisons qui ne sont ni raisonnables, ni objectives sur le fait que d'autres pays ont davantage de dotation et moins de fiscalité mais nous avons aussi une histoire et une spécificité. Je pense que la responsabilité des collectivités locales tiendra dans des compétences que nous assumons pleinement, que nous pouvons maîtriser mais avec des recettes qui restent dynamiques. Je suis convaincu que les collectivités assumeront leurs responsabilités. Faut-il recentraliser les dépenses sociales des départements, souvent rigides ? Si ce doit être le cas, nous aurons fait des propositions en matière de fiscalité. C'est pourquoi une part de CSG, même si on n'atteint pas à l'autonomie fiscale et financière inscrite dans la Constitution, est incontestablement une avancée. D'autres solutions sont donc possibles. Les collectivités, en matière de finances publiques et de réforme de la fiscalité, seront amenées à participer au débat et à faire des propositions. Le temps n'est pas encore venu : nous débattons aujourd'hui des conséquences de la réforme appliquée aux collectivités territoriales.

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Nous serions néanmoins heureux que vous nous indiquiez vos pistes, si vous en avez...

Un point va dans le sens de votre intervention : la réforme des collectivités territoriales est en cours et devra s'articuler avec celle de la taxe professionnelle.

M. Jean Claude Boulard. - L'Etat rêve d'opposer les collectivités les unes aux autres dans ce dossier et il est dangereux de verser dans le débat. Nous cofinançons beaucoup de grands équipements et sommes partenaires. Nous avons donc une raison objective d'être solidaires.

En second lieu, l'Etat n'a pas de moyens ; personne ne pense à lui demander des apports supplémentaires mais on peut récupérer ensemble un peu de fiscalité. Personne n'avait envisagé que l'on exonérerait les BNC qui ne se délocalisent pas. Il y a aussi des secteurs non délocalisables sur lesquels existent des marges de prélèvement. L'Etat comme nous mêmes avons des intérêts communs en matière d'ajustement des dégrèvements.

La réforme ne sera pas remise à cause et personne ne le propose mais tout le monde a admis qu'elle est allée au delà du raisonnable. Retrouver un certain nombre de marges constitue une vraie discussion et un véritable enjeu commun.

Enfin, la problématique des territoires industriels et résidentiels va devoir être explorée. Les territoires résidentiels ne comprennent pas pourquoi ils cotisent au FNGIR. Au fil des années, on va avoir un mauvais débat. Cette réforme est un jeu à somme nulle mais plus le temps va passer, plus l'explication va être difficile à fournir.

Il faut aussi étudier l'effet des recettes fiscales. Dans l'avenir, l'assiette des territoires résidentiels progressera plus vite que celle des territoires industriels. Cette donnée, qui a des impacts en termes d'aménagement du territoire, doit être examinée mais il va falloir vivre avec !

M. Pierre Jarlier. - Le bilan de la taxe professionnelle que tirent les collectivités est plutôt mitigé et les élus sont un peu dans l'expectative : on a du mal à en voir les conséquences directes, on parle de répercussions sur les ressources fiscales, sur les marges d'action des collectivités, de transfert vers l'impôt des ménages. On a également beaucoup parlé de la modification du classement des niveaux de richesse des collectivités au regard de la mise en place de cette réforme mais aussi au regard de la réforme de la péréquation.

On voit que les deux réformes sont indissociables. Quand on étudie l'une, il faut regarder les effets de l'autre. On a beaucoup évoqué le FNGIR. Lorsqu'on a mis en place la réforme de la péréquation, on a parallèlement mis en place de nouveaux critères de richesse, un nouveau potentiel financier. Peut être n'a t on pas suffisamment mesuré les impacts des uns sur les autres. Il y en a au moins deux...

En premier lieu, avec le FNGIR, on supprime l'effet de pondération des taux de l'ancien potentiel fiscal et on impacte directement la richesse des collectivités. Le second effet est celui de la prise en compte à part entière du FNGIR dans le potentiel financier pour les collectivités contributrices, alors même que cette richesse est directement issue des entreprises et non des ressources initiales de la collectivité. On confond la richesse du territoire et la richesse initiale de la collectivité. On va devoir faire une analyse importante pour voir quels seront les critères à prendre en compte pour le calcul de la péréquation. C'est particulièrement vrai pour le département, où cela ne commencera qu'en 2013. La loi de finances l'a neutralisé cette année pour les régions. Pour les départements, on a laissé faire, estimant avoir le temps de trancher d'ici 2013.

Certains départements se retrouvent à des niveaux de classement différents. Pour le bloc local, cet effet du FNGIR dans le potentiel financier peut amener certaines collectivités locales à bénéficier de la péréquation horizontale alors qu'elles sont fortement contributrices et considérées comme plutôt riches par ailleurs. Il ne faudrait donc pas reprendre d'un côté ce qu'on a donné de l'autre !

Enfin, je relève une remarque très intéressante a été faite par M. Boulard. Les collectivités sont les grandes perdantes en matière d'IFER. Pour ce qui est de l'éolien, on est passé d'un rapport d'un à un tiers, voire moins alors même qu'il s'agit là de richesses non délocalisables et qu'il y avait possibilité pour les bénéficiaires d'engranger des gains relativement importants. Dans ma communauté, on disposait de 280.000 euros de recettes fiscales au titre de cinq éoliennes ; la nouvelle recette fiscale s'élève à 70.000 euros ! Le reste est payé par l'Etat, à un moment où il a moins d'argent !

La différenciation des taux des recettes fiscales non délocalisables présente donc des potentiels qui permettraient d'affiner des réformes qui, sur ce plan, ne sont pas suffisamment abouties. C'est également vrai pour d'autres activités : certaines entreprises du bâtiment, qui ne demandaient rien, redistribuaient cette richesse aux collectivités, qui investissaient ensuite.

C'est un sujet sur lequel on devrait pouvoir travailler. Il existe des clauses de revoyure mais je pense qu'on a intérêt à croiser la réforme de la taxe professionnelle et celle de la péréquation, les deux étant intimement liées si l'on veut maintenir les moyens des collectivités.

M. Pierrick Massiot. - Je voudrais confirmer ce que vient de dire M. Lebreton : les régions ont aussi des propositions à formuler. Nous avons essayé de répondre à vos questions et déposons des documents plus complets que ce que nous avons pu dire, Martin Malvy et moi même ; nous avons travaillé avec la DGCL en 2011 sur des scénarios différents de ceux qui ont été finalement retenus par la loi de finances 2011. Pour reprendre le thème des IFER, baser l'évolution de celles relatives aux télécommunications sur les transmissions par cuivre nous paraît aberrant alors que la France s'équipe en numérique ! C'est un simple exemple : nous avons plusieurs propositions construites qui pourront, le moment venu, lorsque les parlementaires souhaiteront nous entendre, être évoquées au titre des régions.

M. Philippe Tarillon. - Il ne faut pas confondre la logique qui est celle du FNGIR avec une logique de péréquation. Le poids de l'histoire fait qu'on ne se rappellera plus très bien pourquoi cela a été créé et il faudra alors clarifier les choses pour l'intégrer d'une manière ou d'une autre à la DGF.

En second lieu, une des pistes de travail de votre mission peut reposer sur la territorialisation de la CVAE et sur la problématique de la consolidation. Celle ci a fait débat au moment de la loi de finances, de même toutes les stratégies d'optimisation qui peuvent exister et qui aboutissent à une concentration de la CVAE sur certaines régions l'Ile de France pour ne pas la nommer. Si on ne prend pas garde à cette situation, la CVAE va purement et simplement devenir un impôt national. On retombera alors sur la logique de dotation, ce que ne souhaitent pas les élus locaux.

M. Charles Guené, rapporteur. Je souscris à ce qui a été dit. Nous avons été saisis à plusieurs reprises par les groupes et avons pu constater qu'il fallait travailler à nouveau ce sujet.

Je partage l'analyse de Pierre Jarlier, sauf pour ce qui est des éoliennes. Ceux qui sont dans une intercommunalité sont en effet pénalisés mais les communes qui touchent le supplément ne s'en plaignent pas !

M. Pierre Jarlier. - Il manque beaucoup d'argent !

M. Charles Guené, rapporteur. Pas au niveau du bloc communal...

M. Pierre Jarlier - Le rapport est d'un à trois !

M. Charles Guené, rapporteur. Tous les exemples que j'ai en tête sont à 80 ou 90 %.

M. Christian Favier. - Les résultats de la péréquation horizontale des collectivités départementales sont parfois très paradoxaux. Dans certains départements de région parisienne, les départements confrontés à des charges sociales extrêmement lourdes sont contributeurs alors qu'ils sont dans des situations parfois très difficiles et ne reçoivent rien ! La Seine-Saint-Denis, dont chacun connaît les difficultés, contribue ainsi à ce fonds de péréquation et ne reçoit rien.

Mon propre département, le Val de Marne, où la situation sociale est moins difficile qu'en Seine-Saint-Denis mais qui n'est néanmoins pas des plus faciles, a été contributeur de 19 millions d'euros en 2011. Cette somme sera de 22 millions en 2012. Ce sont des chiffres considérables. Je pense que les critères de charges n'ont pas été suffisamment étudiés. Je comprends que ces sommes soient nécessaires à des départements en difficulté mais cela mériterait que ces questions soient revues.

Quant à la taxe professionnelle, personne ne demande son retour ni ne remet en cause le maintien d'un impôt économique. La question est de savoir si le but recherché est d'alléger la charge des entreprises ou de rechercher un impôt économique plus juste permettant de favoriser l'emploi et de pénaliser les entreprises qui ne sont pas dans une logique de développement de l'emploi mais dans une logique financière. N'est ce pas vers cela qu'il faut tendre ? Comment avoir un impôt économique qui contribue au dynamisme ? A-t-on pu mesurer aujourd'hui les effets de cet allégement du point de vue de la compétitivité des entreprises ? Pour le moment, on n'a pas d'éléments probants de ce point de vue ! Ne faut-il pas étudier ce qui relève des placements financiers des entreprises, qui restent souvent extrêmement importants et qui sont peu mis à contribution dans le cadre du calcul de cet impôt économique ?

Enfin, la difficulté essentielle des départements est l'absence de compensation intégrale des allocations de solidarité, sur lesquelles les départements n'ont aucun pouvoir de décisions. Ce sont des dépenses imposées et nous n'avons pas le pouvoir d'en fixer les modalités, ni les montants. Dans le Val de Marne, l'écart de compensation annuel de l'APA, de la PCH et du RSA s'élève à 80 millions d'euros par an ! Au début de la mise en place de l'APA, on était compensé à 50 % par l'Etat et à 50 % par le département ; aujourd'hui, on est à 25 75 %. Cette question est essentielle pour les départements.

Mme Patricia Schillinger - Je rejoins les réflexions de mes collègues.

Je suis élue d'Alsace, où l'on parle plutôt de fusion entre département et région. Nous nous posons aussi des questions à ce sujet. Peut être pourra t on lisser les inégalités territoriales à cette occasion.

Nous avons aussi nos spécificités en ce qui concerne la taxe professionnelle avec l'aéroport Bâle Mulhouse, des entreprises suisses étant implantées sur le territoire français.

Je soutiens totalement ce qui a été avancé. On constate un manque à gagner certain dans les départements, pour qui la situation n'est pas facile.

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Nous arrivons au terme de notre rencontre. Merci de votre participation et de bien vouloir formuler, comme vous vous y êtes engagés, des propositions complémentaires.

Ainsi que l'a souligné Charles Guené, nous ne remettrons notre rapport que fin juin ; nous disposerons donc de tout le printemps pour enrichir nos réflexions.

Audition de M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Monsieur le ministre, merci de nous avoir rejoints malgré votre emploi du temps chargé. La réforme de la taxe professionnelle, dont le coût est estimé à un peu moins de 5 milliards d'euros, visait, je le rappelle, à améliorer la compétitivité de nos entreprises, notamment industrielles, à éviter les délocalisations et à conforter l'emploi. A-t-elle atteint ses objectifs ?

Le questionnaire que nous avons transmis à vos services nous reviendra, j'en suis certaine, renseigné le plus précisément possible, notamment s'agissant des chiffres de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

M. François Baroin, ministre. - Le Gouvernement est à l'entière disposition du Parlement. Si mes réponses manquent d'exhaustivité, je joindrai un complément au questionnaire qui vous sera renvoyé.

En quelques mots, d'abord, le contenu de la réforme. Dans le cadre de la loi de finances pour 2010, nous avons mis en oeuvre l'engagement présidentiel de supprimer la taxe professionnelle, qui faisait alors l'objet d'un consensus politique. Cette étape majeure, depuis la création de cette taxe en 1974, avait pour but de mettre fin à un système pénalisant les entreprises qui investissent et celles qui possèdent des machines. Une réforme de compétitivité, donc. Nous avons allégé de manière pérenne d'une charge de près de 5 milliards d'euros par an les investissements des entreprises. L'industrie, en particulier, a bénéficié d'un allègement de plus de 30% de son impôt. Une réforme d'équité, également, puisque nous avons, d'un côté, réduit le taux de plafonnement en fonction de la valeur ajoutée de 3,5 à 3 % pour les entreprises qui étaient lourdement taxées et, de l'autre, augmenté sans hésiter la participation des entreprises qui versaient une cotisation égale à seulement 1,5 % de leur valeur ajoutée, voire ne versaient pas de cotisation minimale. Oui, certaines entreprises, tels les établissements financiers, contribuent davantage. Mais pouvions-nous accepter plus longtemps de tels écarts ?

Nous avons porté une attention particulière aux PME et aux auto-entrepreneurs. Le barème progressif pour la CVAE et une réduction de celle-ci de 1 000 euros pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros diminuent la charge des premières. Il est prévu, pour les seconds, une exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) durant deux ans après leur création. A cela, il faut ajouter, à partir de cette année, une réduction de la CFE jusqu'à 50 % pour les redevables réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 10 000 euros. S'agissant d'une ressource locale, la décision appartient aux collectivités territoriales et devra intervenir avant le 15 février de cette année. Pour les autres auto-entrepreneurs, nous autorisons les communes, dont l'assiette minimale de CFE est très élevée, à la réduire au rythme qu'elles auront choisi.

Ensuite, le bilan. Globalement, la baisse de cotisation dont ont bénéficié les entreprises est estimée à un montant compris entre 4,5 et 5 milliards d'euros par an en rythme de croisière. Seulement 25 % d'entre elles sont perdantes, contre 60 % gagnantes, un chiffre qui atteint 86 % pour celles dont le chiffre d'affaires est compris entre 250 000 et 500 000 euros. À voir les résultats chiffrés, la réforme a surtout profité à l'industrie et aux petites entreprises, l'objectif est donc atteint.

Quels effets sur la croissance ? Compte tenu de la conjoncture économique actuelle, il est difficile d'estimer les retombées positives de la réforme dans son ensemble. Celle-ci a abouti à une réduction globale de la fiscalité des PME et des ETI qui voient leurs impôts baisser en raison de la progressivité du taux de la CVAE et de l'abattement de 1 000 euros pour les entreprises réalisant moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires. Une chose est sûre : la remise en cause de cette réforme n'améliorera pas la situation.

À la demande de votre mission, nous avons chiffré le relèvement du plafonnement de la CET à 3,5 % de la valeur ajoutée : une charge fiscale supplémentaire de 254 millions d'euros pèserait sur 46 000 entreprises, surtout les grandes entreprises dont le chiffre d'affaires excède 7,6 millions d'euros. Les secteurs de l'énergie et des transports seraient plus particulièrement touchés, 76 millions pour le premier et 50 millions pour le second. Quant au relèvement du taux de CVAE de 1,5 % à 1,6 %, il représenterait une recette de 1 milliard d'euros pour les collectivités territoriales, dont un peu plus de 56 % serait à la charge des entreprises et le reste à celui de l'État. L'effet serait sensible pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 3 millions, et encore plus au-delà de 7,6 millions de chiffres d'affaires. Dans le dernier cas, plus de 66 % des entreprises seraient perdantes, surtout dans les secteurs du service aux entreprises et du commerce. La période que nous traversons, si telle était l'intention du législateur, se prête mal à de telles mesures.

En réformant la taxe professionnelle, nous avons créé un nouveau schéma de financement des collectivités territoriales. Celles qui accueillent des sites industriels bénéficient d'une prime, grâce à des coefficients majorés dans les formules de répartition des recettes de la CVAE. Cette prime suffit-elle ? Au vu des résultats agrégés de la répartition des recettes de CVAE, que Mme Pécresse s'est engagée à fournir d'ici juin 2012, le Gouvernement pourra consolider l'ensemble des données. Les élus disposeront alors des informations pour revoir éventuellement les principes de territorialisation de la CVAE.

Depuis la réforme et l'adoption d'un taux unique de CVAE, le critère fiscal n'est plus déterminant dans le choix d'implantation géographique d'une entreprise. L'idée était, d'une part, de rendre la cotisation plus prévisible, plus homogène pour les entreprises ; d'autre part, de limiter la concurrence fiscale entre collectivités. Revenir sur ce point en permettant notamment aux élus locaux de moduler les taux serait remettre en cause l'équilibre trouvé, sans parler du coût pour l'Etat contraint de prendre en charge une partie des hausses en raison des mécanismes de dégrèvement.

Pour finir, quel serait l'impact de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels sur le nouveau dispositif ? L'expérimentation en 2011, qui a fait l'objet d'un excellent rapport, met en évidence des variations importantes, à la hausse comme à la baisse, des valeurs locatives ainsi que des transferts de charges fiscales des locaux industriels vers les locaux professionnels. D'où la nécessité de prévoir un mécanisme de lissage. S'il est un peu tôt pour en juger, la révision aura des effets sur les entreprises qui disposent d'établissements situés dans des communes différentes. Nous vous communiquerons les estimations dès qu'elles seront établies.

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Merci de cette présentation synthétique. Si nous en étions restés au dispositif de la taxe professionnelle, peut-on évaluer quelle aurait été sa progression au regard de l'évolution de la CET ?

M. Charles Guené, rapporteur. - Si cela est possible, nous aimerions avoir la primeur des chiffres agrégés de la CVAE début juin pour les exploiter dans nos travaux.

Les hypothèses de la « mission Durieux », dont j'étais membre, étaient un peu optimistes. A-t-on, aujourd'hui, une idée plus claire de l'évolution de la CVAE ?

Sur le terrain, du côté de Toulouse, on s'inquiète des dégâts de la cotisation minimale. La formule retenue est-elle adaptée ? Comment compenser la perte résultant de l'exonération des bénéfices non commerciaux ? Il faudra bien, un jour ou l'autre, réfléchir à un substitut acceptable constitutionnellement. Vos services y travaillent-ils ?

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. -Pour la CFE, nous avons noté la proposition d'une modulation de la base minimum en fonction du chiffre d'affaires des entreprises. Qu'en pensez-vous ?

M. Charles Guené, rapporteur. - Effectivement, certaines collectivités territoriales ont la tentation de se refaire grâce à la cotisation minimale. On a protégé les petites entreprises, mais les autres ?

M. Pierre Jarlier. - Qu'envisagez-vous pour une meilleure répartition de la localisation de la CVAE ? Je pense aux établissements multi-sites. Lors de la discussion de la loi de finances, on nous a répondu qu'une réflexion était en cours. Il y a urgence.

M. Michel Delebarre. - Pour être à la tête d'une agglomération à caractéristique industrielle forte, j'avais une relation « affective » avec la taxe professionnelle. Son intérêt tenait à l'évolution de son taux, qui pouvait être positive plusieurs années de suite. Dunkerque, avec une dotation de l'ordre de 120 à 140 millions, est l'un des premiers « bénéficiaires » du mécanisme de compensation parce que l'agglomération accueille une quinzaine d'entreprises Seveso. Comment l'État envisage-t-il l'évolution de la compensation ? La collectivité a besoin de le savoir pour établir des prévisions de recettes.

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Peut-on envisager de mieux distinguer dans les règles de cet impôt les secteurs délocalisables de ceux qui ne le sont pas ? Quid de l'objectif de soutien de l'emploi ?

M. François Baroin, ministre. - L'allègement de la fiscalité des entreprises a certainement contribué à protéger des emplois dans la période de ralentissement économique que nous traversons. Pour l'instant, nous ne pouvons pas en dire plus.

L'évolution de la taxe professionnelle était fonction de l'investissement de l'année « n-2 ». À long terme, une taxe sur la valeur ajoutée est plus dynamique qu'une taxe dont l'assiette repose sur le stock d'investissement.

La localisation de la CVAE ? La DGFiP dresse actuellement un état des lieux pour déterminer s'il y a eu une « fuite » de la cotisation des sites industriels vers les territoires où se situent les sièges. Nous en saurons davantage en juin au vu des chiffres agrégés qui vous seront transmis dans les meilleurs délais.

L'évolution de la compensation dépendra de la nouvelle assiette, c'est-à-dire la valeur ajoutée. Les collectivités dont la base industrielle s'accroît seront récompensées. Grâce au travail du Parlement, et singulièrement du Sénat, nous avons maintenu le lien entre CVAE et territoire.

Les secteurs délocalisables sont ceux dont l'outil de production ne dépend pas du bassin de production. Pour exemple, l'agriculture, la sylviculture et la pêche, qui ont bénéficié à 63 % de la réforme, ou encore l'éducation, la santé et l'action sociale, qui sont gagnants à 88 %. L'automobile, qui elle est délocalisable, a profité de la réforme à 64 % ; les chiffres sont proches pour les biens d'équipement et les biens intermédiaires.

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Et le BTP ?

M. François Baroin, ministre. - Dans ce secteur, 41 % des entreprises y ont gagné, 30 % y ont perdu ; pour les autres, la situation est stable.

M. Pierre Jarlier. - Quelle différence pour les éoliennes entre le produit de l'IFER et l'ancienne recette de taxe professionnelle ? On constate de très grands écarts sur le territoire.

M. François Baroin, ministre. - La question, qui est aussi un sujet d'aménagement du territoire, est très pertinente ; je vous fournirai une réponse précise par écrit.

M. Michel Delebarre. - Dans l'ancien système, nos collectivités menaient un gros travail de suivi de la contribution qui, en liaison avec vos services, débouchait sur des rappels à l'ordre en cas d'oubli ou de fuite. On découvre des fuites sur les contributions en 2010, qui servent aujourd'hui de base. Sont-elles réintégrables ? J'ai cru comprendre que non.

M. Charles Guené, rapporteur. - En Haute-Marne, où la DGFiP est très disponible, on nous a indiqué que l'interprétation est très favorable aux collectivités s'agissant des rôles supplémentaires.

M. François Baroin, ministre. - Je vous ferai passer la note de la DGFiP à ce sujet.

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Dispose-t-on de tous les outils et de suffisamment de personnels pour assumer les contrôles des déclarations des entreprises?

M. François Baroin, ministre. - Oui, le rapprochement de la comptabilité publique et de la direction générale des impôts, qui arrive à maturité, optimise le travail de collecte des informations et de prestations auprès des collectivités territoriales. Globalement, avec notre système territorial puissant et dissuasif, le consentement à l'impôt fonctionne bien. D'autant plus que le contrôle sur la valeur ajoutée est plus simple.

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - En Haute-Marne, effectivement, le travail de la DGFiP est remarquable. Cela dit, il est peut-être plus compliqué dans des départements de grande taille. La fusion des deux directions est une démarche exemplaire, que je salue. Je visais davantage les outils techniques...

M. François Baroin, ministre. - En tout cas, il n'y a pas eu de réduction de l'implication financière pour remplir cette mission.

M. Michel Delebarre. - Quels sont les effets de la réforme à Troyes ?

M. François Baroin, ministre. - Le taux d'emploi y étant supérieur à la moyenne nationale et le tissu de PME relativement solide, nous sommes globalement gagnants, même s'il y a quelques déceptions.

Mme Anne-Marie Escoffier, présidente. - Autrement dit, Troyes contribue au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) !

Merci, monsieur le ministre, des réponses que vous nous avez apportées ainsi que de veiller à nous transmettre des éléments chiffrés pour que notre travail soit d'aussi bonne qualité que nous le souhaitons.