Mardi 21 février 2012

- Présidence de M. René Teulade, président d'âge -

Constitution

M. René Teulade, président d'âge. - Cette mission de vingt-sept membres a été créée à l'initiative du groupe UMP, en application de son droit de tirage. La liste de ses membres a été approuvée par le Sénat lors de sa séance du mardi 14 février.

M. le président d'âge procède à l'appel nominatif des membres présents, puis à la recension des délégations de vote.

M. René Teulade, président d'âge. - L'ordre du jour appelle l'élection de notre président.

M. Alain Milon. - Le groupe UMP présente la candidature de Mme Chantal Jouanno, à l'origine de la demande de constitution de cette mission.

M. Jacky Le Menn. - Le groupe socialiste ne présente pas de candidature.

Mme Chantal Jouanno est désignée présidente par acclamations.

Présidence de Mme Chantal Jouanno, présidente -

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je vous remercie pour votre confiance. La présidence de cette mission est un honneur et une responsabilité. Nous allons procéder à l'élection du rapporteur.

M. Jacky Le Menn. - Le groupe socialiste présente la candidature de M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau est désigné rapporteur de la mission par acclamations.

La mission complète son bureau, qui est ainsi constitué :

Vice-présidentes : Mmes Aline Archimbaud (groupe écologiste), Laurence Cohen (CRC), Catherine Deroche (UMP), Catherine Génisson (groupe socialiste), Nathalie Goulet (UCR). Vice-président : M. Gilbert Barbier (RDSE).

Mme Chantal Jouanno, présidente. - En octobre dernier, lors de l'examen du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, certains d'entre nous avaient prédit que le prochain scandale sanitaire serait dû à un dispositif médical. Ils étaient malheureusement visionnaires ! Le scandale est survenu alors même que le législateur vient de renforcer le contrôle des dispositifs médicaux sur plusieurs points : règles de publicité, spécifications requises pour être remboursés et évaluation. Avant le 30 juin 2012, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé doit remettre au Parlement un rapport dressant le bilan des règles applicables à la sécurité des dispositifs médicaux et présentant des mesures susceptibles de l'améliorer.

L'objet de notre mission est à la fois plus large et plus restreint. Plus restreint, puisqu'il concerne les seuls dispositifs médicaux implantables, c'est-à-dire ceux qui présentent les risques les plus élevés. Sans nous prononcer sur le fond du scandale pour lequel des instructions judiciaires sont en cours, j'observe que celui-ci porte malgré tout sur l'un des dispositifs les plus contrôlés car les plus risqués.

Notre travail, qui devrait nous conduire à élaborer des recommandations, s'inscrit dans le calendrier communautaire. Une consultation publique est en cours depuis 2008, pour réviser la réglementation applicable, le projet devant être finalisé le mois prochain.

Le Gouvernement, à partir de l'affaire PIP et des inspections qu'il a diligentées, a fait des propositions de renforcement des investigations cliniques préalables. Faut-il instituer une autorisation de mise sur le marché, comme pour les médicaments ? Le dispositif de surveillance et de transparence des organismes chargés de la certification doit être également examiné, en l'absence de vision commune des exigences qui incombent à ces organismes.

Des propositions sont à faire en matière de contrôle. Dans le scandale PIP, les contrôles n'ont pas permis d'y voir plus clair. Faut-il aller plus loin, en exigeant de l'agence des contrôles inopinés et non plus seulement aléatoires ou volontaires ?

Il nous faut aussi adapter le système de vigilance et d'alerte. Dans l'affaire PIP, si nous avions eu un système d'alerte européen, il aurait pu réagir, dès 2007, lorsque la première difficulté a été signalée au Royaume-Uni. En France, les professionnels de santé, peut-être parce que notre dispositif est trop lourd, n'ont pas, depuis 2008, suffisamment alerté, ce qui nous renvoie au problème de la vigilance.

Notre champ d'investigation est aussi plus large que les seuls dispositifs médicaux. Les interventions à visée esthétique, que j'ai souhaité y inclure, constituent un domaine où nos conclusions sont particulièrement attendues, selon les échanges que j'ai eus avec le ministère de la santé et les responsables de nos autorités sanitaires : au-delà de la chirurgie esthétique qui constitue une spécialité médicale reconnue et réglementée, s'étend le champ de la médecine esthétique, qui est encadrée de façon très variable et relève souvent du contrat privé. Le patient y est souvent considéré comme un client ; les impératifs de santé publique ne prévalent pas toujours.

Les enjeux de notre mission touchent la santé publique et la sécurité sanitaire ; ils sont aussi économiques et culturels. J'y vois le prolongement de ma mission sur l'hypersexualisation. Il est supposé que les hommes et les femmes qui recourent à la chirurgie esthétique le font en toute conscience des risques qu'ils acceptent, selon leur libre-arbitre. Le culte et la valorisation de l'apparence qui dominent aujourd'hui notre société appellent pourtant une amélioration de notre législation mais aussi de notre système de suivi et de contrôle.

Sur le champ de notre mission, que nos premières auditions pourront contribuer à préciser, je vous propose un premier échange de vues.

Mme Nathalie Goulet. - La mission sur le Mediator avait procédé à plusieurs auditions très instructives sur la pharmacovigilance ; je songe notamment à celle d'un spécialiste de Bordeaux sur le système d'alerte et ses failles. Il y aurait beaucoup à dire sur les lieux et les conditions dans lesquelles sont pratiqués les soins esthétiques. Nous déplacerons-nous à l'étranger, par exemple aux Etats-Unis, où le système de contrôle mis en oeuvre par la FDA (Food and Drug Administration) est extrêmement intéressant ? Nous pourrions nous en inspirer, selon le voeu de Marie-Thérèse Hermange, rapporteur et de François Autain, président de la mission sur le Mediator.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - En effet, ce sont des auditions intéressantes. Le système d'alerte est complexe.

Des déplacements à l'étranger sont envisageables. Hors Europe, outre les Etats-Unis et le Canada, qui ont toujours fait preuve d'une grande prudence en ce qui concerne les prothèses à base de silicone, j'ai pensé au Brésil et à la Corée, où la pratique - la culture - de la chirurgie esthétique est très développée, puisqu'elle est même offerte en cadeau à de jeunes filles mineures.

Mme Catherine Génisson. - Notre mission se limite-t-elle à la chirurgie réparatrice ou esthétique, ou s'étend-elle à tous les dispositifs médicaux implantables, dont les prothèses de hanche, de genou, de coeur, les défibrillateurs implantés, auquel cas la recherche clinique serait un sujet majeur à aborder ? Nous l'avions effleuré à propos de l'agence du médicament, nous devrions aller plus loin.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je suis ouverte à toutes les pistes de réflexion. Nos premières auditions nous permettront aussi de mieux définir notre champ. Lorsque nous aurons entendu le ministre, les responsables de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), nous verrons s'il faut l'élargir à l'ensemble des dispositifs médicaux implantables, qu'ils aient une visée esthétique ou non. En l'absence de notre rapporteur, avec lequel nous devrons déterminer le champ de la mission, je ne puis trancher.

Mme Catherine Troendle. - Mon mari ayant travaillé pour la recherche pharmaceutique de Novartis, je connais bien le fonctionnement de la FDA, dont les décisions ne s'arrêtent à aucune considération d'ordre financier. Nous pourrions nous en inspirer.

Notre champ d'investigation s'étendra-t-il à des pratiques répandues chez les jeunes, telles que le piercing ou la pose d'implants sous-cutanés, qui comportent des risques d'infection, ainsi que la réglementation de ces phénomènes ?

Mme Christiane Kammermann. - En effet !

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Ces pratiques sont susceptibles d'être examinées, comme les interventions esthétiques que sont les injections, le comblement des rides, les différentes techniques d'épilation, la lypolyse. Nous sommes souvent interpellés sur la nécessité de mieux les encadrer.

M. Philippe Bas. - Notre point de départ est de nature très différente de celui de l'affaire du Mediator. Il s'agit d'une fraude avec une intention dissimulatrice ayant déjoué les interventions effectuées qui ne relèvent pas toutes des pouvoirs publics français. Les questions qui nous sont posées sont d'une autre nature et concernent l'ensemble des dispositifs médicaux : nous retrouvons les mêmes problèmes de certification et de contrôle. Il n'est pas utile de dresser un inventaire exhaustif des dispositifs ou procédés concernés, dès lors que les problèmes de droit sont de même nature, encore que les régimes juridiques applicables puissent être différents.

L'examen des conditions permettant de détecter plus rapidement la fraude doit conduire à réfléchir à la manière dont les autorités publiques prennent en charge la sécurité sanitaire : quels protocoles appliquer ? Avec quel degré de transparence ? Nous touchons là un domaine où l'émotion ne facilite pas la rationalité des décisions. Est-il vraiment utile, en l'absence de risque de cancer avéré, de faire enlever tous les implants posés, ce qui peut entraîner des conséquences sur l'offre de soins globale ? Notre réflexion ne doit pas s'arrêter au contrôle de la sécurité sanitaire mais s'étendre à la manière de gérer les crises, pour y mettre un peu plus de rationalité et de transparence.

Il n'y a pas d'inconvénient à examiner des sujets qui ne seraient pas d'ordre médical : l'angle d'attaque s'élargit alors à toute utilisation du corps humain à des fins esthétiques qui peut avoir un impact sur la santé, même si elle n'a pas pour objet de soigner. C'est un sujet très intéressant, mais différent de la fraude à l'origine de l'émotion populaire à laquelle nous entendons répondre par cette mission.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Ne confondons pas la fraude extrêmement organisée de l'entreprise qui fait aujourd'hui l'objet de poursuites pénales et notre sujet, même si le dispositif de contrôle et de surveillance doit être renforcé en raison de cette fraude. Nous devons réfléchir au statut des lanceurs d'alerte. Les salariés de l'entreprise qui auraient eu connaissance de cette fraude l'auraient-ils dénoncée s'ils avaient été protégés ? Les fraudeurs ont eu bien peu de considération pour leurs clients ! La décision d'explantation préventive a aussi été prise par le Royaume-Uni. Au-delà des risques de cancer, elle vise à empêcher les fuites et les ruptures qui rendraient toute intervention ultérieure impossible.

Mme Catherine Génisson. - Nous devons travailler en profondeur et non en réaction à des événements, si dramatiques soient-ils. Le point de départ de la mission est un cas de fraude, mais la question posée est celle des dispositifs médicaux implantables, qui ne sont pas toujours interchangeables. Une prothèse totale de hanche peut parfaitement être personnalisée aujourd'hui. L'obligation de contrôle ne concerne pas seulement la fabrication de la prothèse mais aussi celui qui la pose et la façon dont il la pose, qui s'apprécie au cas par cas. Le champ d'étude est donc très vaste.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Sur notre périmètre, je vous propose un rendez-vous après nos premières auditions, afin de ne rien oublier et de ne pas aller trop loin, d'autant que notre calendrier n'est pas simple.

Mme Caroline Cayeux. - Les greffes d'organes relèvent d'une autre logique.

M. Philippe Bas. - Je ne les visais pas !

Mme Catherine Deroche. - Nous nous intéressons aux objets implantés dans le corps d'une personne...

Mme Catherine Génisson. - La fabrication des prothèses en fait partie...

Mme Catherine Deroche. - ...jusqu'au moment où ils sont implantés, ainsi qu'à la sécurité de ce geste, sinon nous risquons de trop élargir notre mission.

M. Jacky Le Menn. - Nous nous intéressons à la production, pas au modus operandi.

Mme Catherine Génisson. - Donc aux prothèses.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Ce qui m'a fait réagir, c'est la croyance que ces interventions « qui ne servent à rien » sont anecdotiques et accessoires, donc que les victimes auraient « mérité » leur sort, et qu'un moindre contrôle, une moindre considération seraient de mise. Nous sommes en présence d'un phénomène massif : 300 000 interventions, un marché en augmentation de 10 % par an !

Mme Laurence Cohen. - Je partage l'avis de Mme Génisson : nous devons bien définir notre champ de compétence. Le marché des interventions esthétiques s'accroît malheureusement énormément, jusqu'à devenir un phénomène culturel ; vous avez cité le Brésil, où celles et ceux qui n'y ont pas recours sont considérés comme « différents ». Si nous l'élargissons aux prothèses, intéressons-nous à la production de l'objet, plutôt qu'à la qualité de celui qui le pose. Le champ est énorme, si nous l'étendons à tous les implants, y compris dentaires. Réfléchissons-y, ne nous éparpillons pas mais ne nous restreignons pas trop.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - J'en viens à l'organisation de nos travaux. Nous avons six mois pour rendre nos conclusions, ce qui nous amène à la mi-août, période qui n'est pas la plus propice. Je propose que nous terminions au plus tard à la mi-juillet, sachant qu'en outre la période électorale qui s'ouvre ne facilite pas les choses. Nous devrions consacrer une demi-journée par semaine aux auditions. Je vous propose de nous réunir le mercredi matin, le mardi matin étant occupé par les réunions de groupe...

M. Jacky Le Menn. - Le mercredi matin siège la commission des affaires sociales...

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Pas pendant la période de suspension des travaux de la séance publique !

Mme Catherine Troendle. - Nous pourrions nous réunir le mardi après-midi, après les réunions de groupe qui vont continuer.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je n'y vois aucun inconvénient. Nous pourrions nous réunir le mardi après-midi à compter de la suspension des travaux parlementaires.

Mme Catherine Deroche. - Le mardi après-midi la Mecss (mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale) tient des auditions...

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Nos auditions pourront commencer par les autorités sanitaires et le ministre de la santé avant que la période électorale nous impose une obligation de réserve.

M. Jacky Le Menn. - Elle n'est pas opposable à notre mission !

Mme Chantal Jouanno, présidente. - J'évoquerai ce programme la semaine prochaine avec le rapporteur, afin que nos auditions commencent au plus tard la semaine suivante.

J'évoque enfin la publicité de nos travaux. Ils sont en principe ouverts à la presse. Je suis favorable à la transparence.

Mme Catherine Génisson. - Mon expérience des comités de bioéthique m'enseigne que certaines personnes que nous entendrons seront plus prolixes à huis clos, quitte à ce que nous ouvrions certaines tables rondes à la presse.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Le principe est l'ouverture à la presse. Les personnes que nous entendons peuvent demander le huis clos.

M. Jacky Le Menn. - C'est ainsi qu'il a été procédé pour le Mediator.

Mme Catherine Génisson. - Si les personnes auditionnées demandent le huis clos, la presse le saura et un soupçon pèsera sur elles. Les auditions à huis clos sont souvent plus riches et plus utiles, quitte à ce que nous rendions compte périodiquement à la presse.

M. Ronan Kerdraon. - C'est ainsi que nous avions procédé pour notre rapport sur la tempête Xynthia.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Il s'agissait d'une commission d'enquête. Cette mission a un rôle pédagogique. La publicité de nos travaux y contribue.

M. René Teulade. - C'est évident.

M. Gilbert Barbier. - Je suis réservé. Si les auditions des professionnels de la santé sont ouvertes, nous risquons beaucoup de lieux communs, à la place de l'information précise dont nous avons besoin. Il vaut mieux les entendre à huis clos, quitte à publier ensuite un communiqué de presse : souvenons-nous de certaines auditions irréelles sur le Mediator .

M. Jacky Le Menn. - C'est vrai.

M. Gilbert Barbier. - Nous n'apprenions rien. C'est à huis clos que nous avons pu aller au fond des choses. Ce fut aussi le cas pour la mission sur le médicament en 2006.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Nous pouvons poser le principe de l'ouverture à la presse et tenir, au cas par cas, des auditions à huis clos.

Mme Laurence Cohen. - J'allais proposer l'inverse.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Cela revient au même.

Mme Laurence Cohen. - Nous avons envie d'être efficaces. La proposition de Mme Génisson est pertinente : le huis clos nous permet de travailler en confiance. Les professionnels peuvent aller jusqu'au bout de leurs déclarations. Pour autant, je partage votre souci de transparence : nous ne devons pas ajouter au secret.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Nous trouverons un équilibre, en bureau, la semaine prochaine, et déciderons en fonction des personnes que nous entendrons. L'audition du ministre de la santé pourra être publique, elle aura un effet pédagogique. Nous fixerons le calendrier avec le rapporteur.