Mardi 3 avril 2012

- Présidence de M. Philippe Esnol, vice-président -

Audition de M. Victor Haïm, candidat aux fonctions de Président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA)

M. Philippe Esnol, président. - Je voudrais tout d'abord excuser le Président Raymond Vall qui, en raison des grèves, n'a pu rejoindre le Sénat.

En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous devons procéder à l'audition de M. Victor Haïm, candidat aux fonctions de Président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, l'ACNUSA, cette nomination par décret en Conseil des ministres ne pouvant intervenir qu'après l'audition du candidat devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette audition doit être suivie d'un vote.

Les modalités de cette audition et du vote ont été précisées par la loi organique du 23 juillet 2010 et la loi ordinaire de la même date.

Il est ainsi prévu que l'audition est publique et ouverte à la presse. À l'issue de cette audition, nous procèderons au vote qui se déroulera à bulletin secret. Je vous rappelle qu'il ne peut y avoir de délégation de vote et que le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat. L'Assemblée nationale procédant après nous à cette audition, nous attendrons pour procéder au dépouillement.

Je vous rappelle qu'en application de l'article 13 de la Constitution, le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois-cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Monsieur Haïm, vous êtes actuellement président de chambre à la cour administrative d'appel de Versailles. Pouvez-vous nous indiquer quel a été votre parcours professionnel, quelle est votre motivation pour prendre la présidence de l'ACNUSA et comment vous envisagez d'occuper cette fonction ?

M. Victor Haïm, candidat aux fonctions de Président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA). - Vous excuserez, je l'espère, les faiblesses de mon discours, c'est la première fois que je passe une audition de cette nature. Le Conseil d'État a sollicité ma candidature il y a seulement un peu plus de trois semaines, ce que j'ai fait avec plaisir après avoir examiné le travail de l'ACNUSA et pris contact avec la personne qui en assure actuellement la présidence, une ancienne collègue.

En ce qui concerne mon cursus, j'ai commencé par des études de philosophie et poursuivi par des études de droit. J'ai passé une maîtrise de droit privé, une maîtrise de droit public, un DEA et un doctorat de droit public.

Ma carrière professionnelle comporte, jusqu'à présent, deux parties. De 1978 à 1988, j'ai été attaché puis conseiller d'administration scolaire et universitaire à l'Éducation nationale, notamment comme secrétaire général adjoint à l'université de Nanterre. Major du concours organisé en 1987 lors de la création des cours administratives d'appel, j'ai eu l'honneur et le plaisir d'être nommé à Versailles dès 1988 puis à la cour administrative d'appel de Paris en 1993. Je suis devenu président en 2004 et, depuis 2010, je suis président de chambre à la cour administrative d'appel de Versailles. J'ai passé une grande partie de ma carrière dans les tribunaux - une bonne dizaine d'années - en tant que commissaire du gouvernement, ce qui correspond aujourd'hui à la fonction de rapporteur public. J'ai par ailleurs assuré des fonctions de transaction et de conciliation, notamment en tant que président, pendant plus d'une dizaine d'années, de commissions départementales des impôts directs à Melun, Évry et Paris, et en tant que président, depuis 2005, du comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics de Paris. Aimant beaucoup l'élément pédagogique, j'ai également assuré des fonctions d'enseignant à Sceaux - où j'ai enseigné pendant neuf ans, en tant que professeur associé, le droit fiscal, la procédure contentieuse et la philosophie du droit - ainsi qu'à Sciences-Po et au Centre de formation de la juridiction administrative.

En ce qui concerne mes activités annexes de citoyen, je me suis investi dans une fédération de parents d'élèves et, puisque je pratique l'alpinisme et l'escalade, dans le comité juridique de la Fédération française des clubs alpins et de montagne, au sein duquel je me suis occupé des dossiers relatifs à la protection de l'environnement, à la montagne, à l'interdiction des véhicules autotractés dans les zones protégées, à la définition des règles applicables dans les parcs nationaux, à l'interdiction en certaines circonstances de la pratique de l'escalade ou du canyoning.

Je ne suis donc pas seulement tourné vers les questions de droit administratif, domaine dans lequel ma dominante fut surtout le droit des contrats publics, le droit fiscal, le droit de la fonction publique et, accessoirement, le droit de l'environnement.

Auteur d'environ 250 publications, j'ai une expérience à la fois pédagogique, juridique et de conciliation.

Trois semaines ne m'ont pas permis d'acquérir tout ce qu'il faut savoir sur l'ACNUSA. Cependant, j'ai tenté de cerner la dimension des différents problèmes auxquels elle est confrontée, notamment depuis juillet 2010, date à laquelle le Grenelle II a étendu ses compétences à tous les types de nuisances aéroportuaires. Les compétences de l'ACNUSA sont à la fois générales, sur l'ensemble des aéroports et leur environnement, et plus spécifiques, sur les aéroports où le nombre annuel des mouvements d'aéronefs est le plus élevé, soit douze ou treize aéroports. L'ACNUSA doit agir au niveau de la légistique, de la réglementation et de la préparation des textes, au niveau de la discussion entre riverains et aéroports et au niveau du contrôle grâce à ses pouvoirs de sanction et d'injonction.

M. Philippe Esnol, président. - Mes chers collègues, avez-vous des questions à poser ?

Mme Evelyne Didier. - Vous vous êtes exprimé très clairement : nous savons désormais qui vous êtes et nous avons une idée précise de votre carrière.

M. Philippe Esnol, président. - Des difficultés pouvant exister entre les États membres de l'Union et la Commission européenne à l'égard de mesures à prendre dans le cadre de la protection de l'environnement, la coopération européenne pourrait-elle constituer un axe de travail pour vous à l'ACNUSA ?

M. Victor Haïm. - C'est absolument nécessaire. Un règlement actuellement en préparation devrait prochainement remplacer la directive de 2010 toujours en vigueur, reprenant les mêmes stipulations mais avec le caractère plus contraignant attaché aux règlements. Un nouvel article prévoit en particulier d'accroître le pouvoir de contrôle de la Commission. Or, celle-ci n'a pas à intervenir à partir du moment où les États le font, en vertu du principe de subsidiarité.

M. Vincent Capo-Canellas. - La parfaite connaissance de la matière juridique ainsi que le parcours qui sont les vôtres permettent une adaptation à des fonctions aussi diverses que celles que vous avez connues ou exercez encore, mais la dimension de l'ACNUSA est particulière : les acteurs sont multiples et le secteur de l'aéronautique et de l'aéroportuaire est très spécifique. Avez-vous déjà approché des questions comparables ? Avez-vous d'ores et déjà une idée sur la façon dont vous envisagez la fonction de président de l'ACNUSA et son évolution ?

M. Victor Haïm. - À l'égard des nuisances aéroportuaires, il existe deux types d'interventions : les interventions préventives, en amont, et les interventions curatives ou répressives, en aval.

On peut retenir trois axes d'interventions préventives :

- Les interventions sur les auteurs des bruits, à savoir les avions. L'ACNUSA a un pouvoir de proposition dans ce domaine ; elle y contribue grâce aux spécialistes de son équipe. Lors du Grenelle II, les professionnels de l'aviation avaient pris l'engagement de diminuer les nuisances provoquées par les avions et de remplacer la flotte. L'ACNUSA pourra intervenir pour faire avancer cette dynamique.

- Les définitions des zones d'urbanisme. Les dispositions des articles L. 147-1 et suivants du code de l'urbanisme prévoient les plans de nuisances. Sur la totalité des immeubles se trouvant dans les zones de gêne sonore, seule la moitié est insonorisée. L'ACNUSA a un rôle à jouer dans ce domaine.

- La définition opérationnelle : les modifications d'approche des aéroports, l'interdiction, la réglementation ou la limitation des atterrissages de nuit...

S'agissant des interventions répressives, un travail de collaboration reste à faire : développer les notions de bonus / malus, les sanctions aéroportuaires...

M. Benoît Huré. - Votre rigueur juridique et administrative ainsi que la façon dont vous prenez le temps du dialogue et essayez de faire converger les intérêts vous permettront, je n'ai aucune inquiétude à cet égard, d'assumer cette mission.

M. Victor Haïm. - Mes fonctions de magistrat m'ont conduit à me rendre compte qu'un mauvais arrangement vaut toujours mieux qu'un bon procès, pour les finances publiques comme pour les individus.

M. Philippe Esnol, président. - Pour l'exercice de votre présidence, il vous faudra inciter l'État à renforcer la concertation entre les populations concernées et les différents responsables, notamment la Direction générale de l'aviation civile, en particulier en ce qui concerne les conventions des commissions consultatives de l'environnement. L'ACNUSA a un rôle à jouer dans l'amélioration de la concertation et du débat public.

M. Victor Haïm. - Je suis tout à fait d'accord avec vous. La coordination et l'accessibilité à l'information doivent être renforcées : tout le monde peut y gagner.

M. Philippe Esnol, président. - Monsieur Haïm, je vous remercie.

(M. le Président de la commission raccompagne M. Victor Haïm hors de la salle).

La commission procède au vote à bulletin secret sur la candidature de M. Victor Haïm à la présidence de l'ACNUSA.

Avis sur une candidature aux fonctions de Président de l'ACNUSA - Résultats du scrutin

M. Philippe Esnol, président. - Voici les résultats du scrutin : sur 5 votants, il y a 5 votes favorables.