Mercredi 3 avril 2013

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -

Financement privé des associations - Audition de Mme Sylvie Banoun, sous-directrice de la vie associative et de l'éducation populaire, et M. François Vareille, secrétaire général du Haut conseil à la vie associative (HCVA), sur les travaux d'évaluation et les propositions du HCVA

La commission auditionne Mmes Sylvie Banoun, sous-directrice de la vie associative et de l'éducation populaire, et M. François Vareille, secrétaire général du Haut conseil à la vie associative (HCVA), sur les travaux d'évaluation et les propositions du HCVA sur le financement privé des associations.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui des représentants du ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, chargés de suivre les travaux du Haut conseil à la vie associative, qui vient de publier un rapport d'étape sur le financement privé des associations. Cette audition est l'occasion pour nous de prendre connaissance des propositions de ce rapport qui ont vocation à alimenter un projet de loi-cadre relatif à l'économie sociale et solidaire, annoncé pour le second semestre.

Je vous rappelle qu'une réflexion d'ensemble est conduite sur l'avenir du secteur associatif, dans le cadre d'un groupe de travail, dont je suis moi-même membre aux côtés de notre collègue Claude Dilain, chargé d'élaborer une nouvelle charte des engagements réciproques entre les pouvoirs publics et le monde associatif.

Je vous rappelle enfin qu'il existe au Sénat un groupe d'études sur l'économie sociale et solidaire, qui auditionnera prochainement M. Benoît Hamon, et un autre sur l'éducation populaire et la culture, présidé par notre collègue Jacques-Bernard Magner.

Mme Sylvie Banoun, sous-directrice de la vie associative et de l'éducation populaire. - Je laisserai François Vareille présenter le contenu du rapport mais permettez-moi tout d'abord de rappeler la raison d'être du Haut conseil à la vie associative. Tout d'abord, en 1983, fut constitué un Conseil national de la vie associative (CNVA) afin que l'État ait un interlocuteur avec lequel dialoguer. À l'époque, les associations n'étaient pas organisées en coordination. Le CNVA avait donc pour fonction de les représenter, en s'appuyant sur une structure d'ailleurs relativement lourde comprenant 70 titulaires et 70 suppléants, des représentants des pouvoirs publics et quelques personnalités qualifiées. Il fonctionnait comme une sorte de parlement des associations. Au fil du temps, il a pu développer des compétences et une expertise.

Le 17 décembre 2009, la conférence de la vie associative a suivi une recommandation du CNVA pour le transformer en organe resserré, consacré à l'expertise, prenant acte de l'organisation du secteur associatif. C'est ainsi que naquit le HCVA, comprenant 25 membres choisis pour leurs compétences en matière de vie associative, 5 personnalités qualifiées et 11 représentants de différents ministères.

Le HCVA s'est doté de groupes de travail dont l'assiduité des membres est contrainte par le caractère resserré de la structure. Le HCVA comprend un député et un sénateur ici présent, M. Jacques-Bernard Magner. Les travaux ont débuté récemment et plusieurs saisines ont été effectuées avant l'été, dont celle visant à obtenir un avis sur le financement privé des associations. L'objectif est d'apporter un regard qui ne soit ni celui de l'administration, ni celui des représentants des associations, qui s'inscrirait nécessairement dans une logique de défense de leurs intérêts.

Je souhaite ajouter qu'une partie importante de la question du financement privé est liée à celle de la fiscalité, ce qui soulève la question de la définition de l'intérêt général et de son interprétation par l'administration fiscale.

M. François Vareille, secrétaire général du Haut conseil à la vie associative (HCVA) - Je voudrais rappeler tout d'abord le contexte dans lequel s'inscrivaient les travaux de l'avis rendu. En effet, le début de l'année a été marqué par des débats relatifs à la fiscalité des associations, notamment au régime des dons et du mécénat. Deux éléments sont à prendre en compte :

- une instruction du ministère des finances, soumise à consultation publique, sur la territorialité des dons. Elle a suscité un certains nombre de réactions dont celle du HCVA qui a décidé de s'autosaisir pour émettre des critiques sur le fond mais aussi s'étonner de ne pas avoir été consulté ;

- une perspective de modification législative du régime fiscal des dons a été évoquée dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances. C'est la raison pour laquelle le 26 juillet 2012, Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, a saisi le HCVA pour initier une réflexion plus large sur le financement privé des associations. Les travaux de ce dernier ont été influencés par des éléments extérieurs liés à la préparation d'une loi cadre sur l'économie sociale et solidaire. Il a jugé opportun d'agir en deux temps pour mener ce travail : tout d'abord avec l'adoption d'un rapport intermédiaire le 21 mars dernier, puis avec la publication ultérieure d'un rapport complet devant permettre d'aborder la question plus large de l'intérêt général.

Ce rapport intermédiaire propose des mesures de nature législative, dont il est apparu que certaines d'entre elles pouvaient s'inscrire dans le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire en cours de préparation, les autres dispositions, de nature fiscale, pouvant être intégrées à une loi de finances.

La question du financement privé ne se résume évidemment pas à des enjeux fiscaux, mais la question du mécénat est centrale. Les propositions de l'avis sont regroupées en trois chapitres :

- sur le développement des activités privées des associations ;

- sur la sécurisation et le développement de la générosité du public et du mécénat des entreprises ;

- sur la consolidation des structures associatives.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Notre commission avait mis en place, début 2012, un groupe de travail sur l'influence du droit communautaire sur le financement des services culturels par les collectivités territoriales. Nous avions constaté que les collectivités territoriales avaient recours de façon croissante, sur les conseils de l'administration, aux procédures d'appel à projet et de marchés publics alors que la subvention restait possible. Ce groupe de travail avait conclu à la nécessité pour la France de plaider auprès de l'Union européenne la cause à la fois de l'exception culturelle et des missions d'intérêt général lorsque celles-ci ne pouvaient être assurées par le marché dans des conditions optimales.

M. Jacques-Bernard Magner. - Il est indispensable de clarifier les conditions de recours aux appels d'offres et de versement des subventions. Je suis moi-même président d'une association, « Auvergne Active », filiale de « France Active », chargée d'aider à la création d'entreprises à partir de deux fonds d'aide : l'un pour les entreprises traditionnelles, l'autre pour les entreprises investies dans l'économie sociale et solidaire. Nous sommes constamment sur le fil du rasoir, en nous interrogeant sur notre légitimité à recevoir des financements de la part des différents niveaux de collectivités territoriales (région, département et grandes agglomérations), sans risquer un jour une demande de remboursement de subventions qui auraient été indument perçues en lieu et place d'un appel d'offres. Même si la mise en concurrence a ses vertus, elle peut exercer un effet déstructurant sur les associations existantes qui emploient, ne l'oublions pas, un certain nombre de personnes et ont une expérience à faire valoir.

En ce qui concerne le soutien financier apporté aux associations par le secteur privé, je suis régulièrement interrogé sur les subventions versées via des fondations par les grandes entreprises qui hésitent de plus en plus à prélever sur leur propre budget leurs contributions au monde associatif. Il existe une certaine confusion dans les conditions de perception par les collectivités territoriales et les associations de subventions transitant par des fondations. J'ai interrogé le ministère des finances à ce sujet et j'attends encore sa réponse.

Dans le domaine sportif, une grande entreprise implantée dans mon territoire, « Aubert et Duval », a créé une fondation qui soutient, à l'instar d'autres entreprises, la création d'équipements et de structures permettant de réaliser des activités sportives (stades, terrains, équipes...) et artistiques et culturelles (école de musique, cinéma...). Dans certains cas, la gestion de ces structures a pu être transférée à la collectivité territoriale. La question se pose alors de savoir si la fondation peut, dans le respect du droit, attribuer des subventions aux collectivités territoriales et aux associations qui ont reçu la charge de ces équipements.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Pourriez-vous nous préciser l'origine et l'évolution au cours de la dernière décennie des moyens dont bénéficient les associations, en faisant la distinction entre subventions, appels d'offres, fondations... ?

Mme Sylvie Banoun. - Nous ne pouvons dégager que des tendances sur l'évolution des parts respectives, au sein des financements publics, des subventions et des appels d'offres, tant que nous ne disposons pas des résultats de l'enquête sur les ressources des associations (y compris le bénévolat) qui sera lancée en 2014 par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), dont le questionnaire est en cours d'élaboration. Je rappelle que l'élaboration d'un tel questionnaire prend, en règle générale, 18 mois. Cette enquête devrait être périodique, tous les quatre à cinq ans, et devrait nous permettre d'évaluer avec plus de précision l'évolution des différents types de financements.

Les travaux, du reste parfaitement estimables, d'une chercheuse du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Vivianne Tchernonog, ont été conduits à partir de l'enquête réalisée en 2002 par l'INSEE et dont les résultats ont été publiés en 2007. Elle a procédé à des réactualisations de ces données sur la base de postulats qui méritent d'être interrogés. Elle conclut à un poids à peu près équivalent des financements publics et des financements privés, malgré quelques variations dans le temps aussi bien dans un sens que dans l'autre. Elle observe, au sein des grandes coordinations associatives, une montée en puissance durable de la commande publique par rapport à la subvention.

En ce qui concerne les apports du mécénat, ils sont globalement marginaux et restent compris entre 3 % et 5 % des ressources des associations. Les associations sur lesquelles se concentrent le mécénat sont, en revanche, particulièrement dépendantes de ce type de ressources. Je rappelle que plus de 85 % des associations sont des structures sans employeur avec un budget annuel de l'ordre de 15 000 euros, sur un total d'1,3 million d'associations. Les deux millions de salariés du secteur associatif se concentrent donc sur 15 000 à 20 000 associations. Le panorama du monde associatif est encore plus éclaté que celui des entreprises.

La sécurité juridique des subventions versées aux associations par d'autres organismes que les pouvoirs publics mérite d'être renforcée. Nous travaillons sur cette question dans le cadre d'un groupe de travail réunissant des représentants des ministères, des associations de collectivités territoriales et du secteur associatif. Nous avons orienté nos travaux dans trois directions afin de sécuriser la subvention comme mode de soutien financier aux associations :

- réfléchir sur l'opportunité d'une définition légale de la subvention. Il reviendra à la représentation nationale de valider ou d'amender la définition qui aura été arrêtée. En termes d'affichage, une telle définition ayant force légale présente un avantage certain pour des collectivités territoriales partagées entre les prescriptions du code des marchés publics et les précisions apportées par la jurisprudence, notamment la décision Commune d'Aix-en-Provence du Conseil d'État du 6 avril 2007. La définition n'aura pas de valeur ajoutée si elle se cantonne à répéter l'interprétation du droit par le juge. Elle sera également contreproductive si elle impose un carcan juridique encore plus contraignant que la jurisprudence. Il faut, par ailleurs, tenir compte de l'interférence, dans les questions de financement public d'activités de nature économique ou non, de règles communautaires dont l'articulation avec les règles nationales est encore loin d'être évidente. La définition envisagée ne doit pas se contenter de retranscrire les éléments du droit communautaire, elle doit prendre la mesure de l'impact des dispositions européennes sur notre droit national ;

- élaborer une procédure qui permettra, en amont de l'octroi des subventions, un diagnostic partagé entre associations et collectivités territoriales et l'établissement d'orientations générales pour le territoire. Si les associations disposent d'une forte capacité d'initiative, les collectivités territoriales ont également une vision stratégique des intérêts et des besoins de leur environnement. Certaines collectivités ont déjà entrepris spontanément cette démarche, comme le conseil général de la Seine-Saint-Denis sur des questions thermiques. La ligne de partage pour éviter une requalification doit être suffisamment précise. Cet élément devrait être intégré dans une nouvelle circulaire qui doit venir préciser un précédent texte que nous avions élaboré quelque peu dans la précipitation lorsque nous avions pris conscience de la prégnance des règles communautaires en matière de financement des associations ;

- établir une grille d'éléments qui permettraient de distinguer les services d'intérêt général économiques, qui relèvent de l'articulation entre les règles nationales en matière de commande publique et de subventions et les règles communautaires relatives aux aides publiques de toute nature (dites « aides d'État »), et des services d'intérêt général non économiques. Nous pouvons nous appuyer sur la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans l'appréhension d'un certain nombre d'éléments relativement ténus, mais nous ne pouvons pas nous contenter de ses conclusions qui aboutissent à une liste somme toute assez restrictive.

M. Michel Le Scouarnec. - Lorsque les équipements publics sont utilisés comme support par les entreprises privées, notamment les stades sportifs pour l'affichage de panneaux publicitaires, peut-on considérer qu'il s'agit de dons purs, alors que les entreprises partenaires y trouvent également un intérêt commercial ?

Mme Sylvie Banoun. - Le mécénat suppose l'absence totale de contrepartie au bénéfice du donneur. La publicité ne peut donc être considérée comme une forme de mécénat. La question de la mise à disposition d'équipements publics à des partenaires privés, éventuellement non lucratifs, se pose également dans d'autres contextes. Il importe par exemple de savoir si, lors de leurs délibérations, les collectivités territoriales entendent valoriser cet équipement. Si c'est le cas, la mise à disposition devrait normalement être considérée comme une subvention au profit de l'association qui doit la présenter comme telle dans son budget. L'ignorance de cette règle peut conduire certaines associations à ne pas être en règle avec leurs obligations de publication de comptes et de certification par un commissaire aux comptes. Sur ce point, nous espérons clarifier les règles afin de sécuriser les financements des associations.

M. Pierre Bordier. - J'ai du mal avec le même vocable qui est utilisé pour parler des petites associations locales et des services externalisés de collectivités. Quand on parle de subvention, on dévie le financement de la collectivité vers l'association. Ce mélange de vraies associations avec d'autres structures me gêne.

Mme Sylvie Banoun. - La loi de 1901 dit peu de chose : une association est un lieu où se réunissent au moins deux personnes qui veulent partager autre chose que des bénéfices. La question est de savoir si une association se mesure à son poids relatif en termes de bénévoles ou en nombre de salariés, ou en fonction de ses secteurs d'action. Dans les associations de quartier, on trouve souvent des bénévoles. Quand la gouvernance et le financement relèvent d'une catégorie d'acteurs ou d'un acteur, pour nous, ce sont des associations qui représentent des intérêts particuliers. La question est celle de l'intérêt général. J'appelle ces associations des associations « paravents ». Dès lors que c'est affiché, cela ne me gêne plus.

Mme Maryvonne Blondin. - De quelle association parlons-nous ? Il y a des associations qui gèrent des centres médico-sociaux, et qui sont conventionnés. Cela pose la question du conventionnement. À côté de cela, on trouve des associations sportives, de solidarité internationale... qui ont un budget moindre. Certaines atteignent le seuil de 23 000 euros au-delà duquel il faut passer une convention. D'autres petites associations doivent remplir une charte de citoyenneté.

Au niveau des associations culturelles, l'enseignement des langues régionales est souvent mis en oeuvre par des associations agréées par l'éducation nationale. Mais comme ce n'est pas encore une mission de l'éducation nationale, ce sont souvent les collectivités territoriales qui financent ces associations au travers d'une convention tripartite ou quadripartite. Ces associations sont présentes sur certains territoires. On doit passer par un marché d'appel d'offres. Or, ces marchés sont très lourds pour les collectivités, même si c'est une procédure adaptée, et rendent les situations très compliquées.

J'ai l'exemple d'une association de solidarité internationale qui fait à la fois de l'humanitaire et du micro crédit. Elle ne peut pas recevoir de dons qui permettent au donateur de bénéficier d'une exonération fiscale car l'administration fiscale considère que l'association entre dans le champ économique.

Avez-vous des propositions à nous faire sur ce sujet ?

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - À travers tous ces cas particuliers, il serait bon d'établir un vademecum sur ce que l'on peut ou pas faire.

Mme Françoise Laborde. - J'ai deux questions par rapport à l'Europe. La chambre régionale des comptes a fait des contrôles et nous a demandé de mettre dans la convention la valorisation des locaux. Ce n'est pas simple. Par ailleurs, je reviens sur les associations d'aide à la personne. Pour moi, c'est une délégation de service public. Est-ce que les collectivités se déchargent sur les associations ?

Mme Françoise Férat. - J'aurai une approche plus large. Si le bénévolat reste au centre du dispositif, je m'interroge sur les finances publiques. Le choix des collectivités est parfois insupportable. Il en est de même du financement privé à travers les difficultés des entreprises. Avez-vous eu la perception d'un coup de frein et si oui, comment l'amortir ?

M. Jean-Pierre Leleux. - Une nouvelle loi pour transformer la loi de 1901 me semble très risquée. Il faut la respecter. Notre devoir est de constater les évolutions, les dérives, et il est temps de poursuivre la reconnaissance des divers types d'associations avec des vocations très diverses. Il y a de grandes divergences dans les aspirations du monde associatif. Il faut les identifier. Il y a des effets pervers. On est dans une déviance à risque. Le démembrement de l'action politique est en augmentation. Les collectivités confient des missions de service public sans en retirer le respect dû à l'institution publique. On entend de plus en plus : mais que fait le maire ? Il y a un malentendu entre le bénéficiaire du service et la collectivité habilitée à régler ce service. C'est une dérive. La question se pose de la bonne utilisation des fonds publics et de la bonne perception de l'intérêt général.

J'approuve la valorisation dans les conventions, des subventions, des locaux et des salaires. Il est nécessaire d'avoir une meilleure transparence.

Mme Corinne Bouchoux. - On vient d'évoquer le risque de démembrement de l'action publique, qui me semble-t-il est très clair. Il existe aussi un risque de collusion d'intérêts entre un certain nombre de financeurs et d'associations. Je souhaite surtout intervenir sur l'apparente complexité croissante des dossiers à remplir. Il existe un écart extrêmement important en termes d'information, les communes périurbaines ou rurales se retrouvant dans une situation de quasi-abandon, Internet ne résolvant pas tout. J'indique, en outre, même si cela est peut-être un tropisme géographique, que l'on m'a alertée sur la croissance des contestations de testaments au bénéfice d'associations.

M. Jean-Pierre Plancade. - On ne doit pas toucher à la loi de 1901, c'est un pilier de notre liberté. J'ai été longtemps vice-président en charge des affaires sociales de mon département et j'affirme qu'il est de la responsabilité des collectivités et des élus de vérifier la bonne utilisation des fonds publics. Si l'on devait toucher à la loi 1901, ce serait une erreur et cela porterait une atteinte grave au fonctionnement de notre démocratie.

Mme Sylvie Banoun. - Personne n'envisage de toucher à la loi de 1901, tout simplement parce que nous ne serions peut-être pas en mesure de concevoir une loi aussi lumineuse aujourd'hui. Il y a, en revanche, peut-être des nécessités de toilettage car certaines dispositions sont désormais obsolètes, telles l'interdiction de rédimer - c'est-à-dire de racheter des cotisations par avance - ou celle de biens de main morte relative aux biens immobiliers qui ne seraient pas destinés à l'utilisation normale de l'association.

La question des évolutions n'a pas été posée. En revanche, celle de la définition de la subvention légale ferait l'objet d'un des premiers articles de la loi sur l'économie sociale et solidaire.

Sur l'articulation entre règles communautaires et nationales, on peut dire de façon très schématique que notre droit prévoit un seuil de 23 000 euros au-dessus duquel une convention est nécessaire, et une règle d'autorisation des subventions dès lors que l'initiative du projet provient de l'association. Dans le cas contraire, on se trouve dans le cadre de la commande publique. Il y a parfois un co-diagnostic ; il convient donc d'envisager une procédure adaptée à ce cas de figure. Le droit communautaire ne s'intéresse pas à la distinction entre subvention et commande publique, le seul critère à prendre en compte étant la nature du financement : en cas d'utilisation de l'argent public, il faut justifier a priori les dépenses. Ce sont donc des logiques orthogonales et l'on note une grande complexité des outils à disposition.

Un bon nombre de collectivités ont recours à une convention même lorsque le seuil de 23 000 euros n'est pas atteint, car c'est un outil de dialogue précieux. Je souhaite insister sur un point : bien sûr le contrôle est nécessaire mais il faut aussi une évaluation de ce qu'on a fait ensemble. Des critères partagés doivent donc être définis.

Vous avez insisté sur un malentendu, relatif aux collectivités qui financent de façon très importante des services mis en place par des associations. Cela conduit certaines d'entre elles à opter pour la commande publique pour que les élus locaux puissent afficher leurs choix de manière transparente. Mais il faut rappeler l'intérêt à long terme de la subvention, lié à la capacité des associations à innover. C'est le cas des centres sociaux subventionnés, qui sont d'autant plus pertinents localement qu'ils reçoivent des subventions à long terme.

Sur la question des marchés et appels d'offres, je rappelle que si l'initiative vient de l'association mais que l'on opte pour la commande publique, alors cela revient à une privation de propriété, de spoliation. Les appels à projets sont différents de la commande publique, car les propositions enrichissent l'action initialement envisagée. Ainsi, par exemple, une telle procédure visant à aborder le cas de violences conjugales permettrait de faire émerger des propositions de foyer pour femmes battues, de service périscolaire, etc.

La question que vous soulevez sur les communes périurbaines ou rurales est l'une des plus difficiles à résoudre. La politique conduite par l'État va dans le bon sens mais on constate des insuffisances. Il existe 170 centres de ressources et d'information pour les bénévoles. Une carte des différents lieux d'information est en train d'être dressée : notre maillage n'est pas ridicule, ce qui ne signifie pas qu'il est parfaitement efficace ou connu.

Ensuite, un certain nombre d'associations s'inscrivent dans des « trous » de l'action publique. Mais, on peut retourner le problème. Un certain nombre de politiques publiques sont nées d'initiatives d'associations. Aujourd'hui, la puissance publique doit faire des choix et certains choix sont particulièrement déchirants.

Dans certains pays, à partir du moment où la puissance publique s'empare de ces sujets, ils deviennent suspects. En France, il n'y a pas cette méfiance radicale à l'égard de la puissance publique.

Concernant l'association qui fait de l'action humanitaire et du micro crédit, on est sur des questions très techniques, même si l'enjeu humain est perceptible. L'administration fiscale considère que cette association entre dans le jeu économique dès lors qu'elle fait du micro crédit. Je considère que le micro crédit en Haïti après le tremblement de terre n'a pas d'enjeu économique et n'a pas la même signification que le micro crédit en Bretagne qui lui n'a pas de vocation humanitaire. Il faut s'intéresser au cas d'espèces.

Sur l'instruction fiscale mise à la consultation en février 2012, il y a eu des frictions sur la définition de ce que l'on entend comme action éligible à l'étranger. Il n'y a pas de contestations sur l'objet. La question de la territorialité des dons renvoie à une image de l'action publique, de la société.

Concernant les associations culturelles complémentaires agréées par l'éducation nationale, le rôle de la puissance publique est très différent selon les secteurs et selon la place qu'elle occupe dans le secteur. Ainsi, en matière d'administration pénitentiaire et de justice, l'État est un acteur dominant et il reste peu de place pour les associations qui agissent dans les conditions qu'on leur a défini. À l'autre bout du spectre, on trouve, par exemple, le secteur du loisir éducatif. Ici, les pouvoirs publics apportent un soutien aux projets des associations. Entre les deux, se situe le monde de l'action sociale où l'État fixe les normes d'intervention et les associations se trouvent comme prestataires de service avec un contrôle important de la puissance publique sur le respect des normes et l'utilisation des fonds.

Sur les tendances des engagements des entreprises, nous n'avons pas de chiffres avérés. Le mécénat est à 85 % le fait de PME et ce n'est pas pris en compte. Mais, il ne diminue pas. En revanche, dans les grandes entreprises, leur conception est plus axée sur le retour sur image. C'est d'autant plus vrai si les règles fiscales sur le mécénat sont restrictives. Si le mécénat est hors objet social de l'entreprise, ce n'est plus considéré comme du mécénat, c'est une opération extra-comptable et donc une malversation.

Concernant la déviation des associations, ça arrive. Elles ne sont pas plus vertueuses que le reste de la population.

Sur la valorisation des locaux, le principe est que la petite association de quartier a besoin d'un local mis à disposition par la collectivité qui l'a construit dans un endroit accessible, mis aux normes, l'entretient et le gardienne. Si vous deviez le valoriser comme vous le considérez dans une immobilisation, cela devient une subvention très confortable. Après, il y a plusieurs choix : certaines collectivités décident d'une valorisation dans leurs comptes ou bien d'autres proposent la mise à disposition exclusive et il faut trouver une valeur de marché comparable. C'est comme une location. Quel que soit le choix, cela doit apparaître dans la convention.

Enfin, sur la complexité croissante des dossiers, il faut se méfier des fausses bonnes idées de présenter un dossier unique. La simplification passe parfois par la diversité des supports.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - La situation est très complexe. Il est évident que, lorsque nous entendons valoriser un équipement en le mettant à disposition d'une association, nous ne souhaitons pas que cela la contraigne à dépasser le seuil autorisé de subvention et à la faire basculer de fait dans la procédure des appels d'offres...

Mme Sylvie Banoun. - Je ne me suis peut-être pas exprimée assez clairement mais, au regard des règles communautaires, la question de savoir si nous nous plaçons en situation de subvention ou de commande publique est indifférente. Le seuil de notification préalable à la Commission européenne est de 15 millions d'euros pour un service par an. En revanche, l'enjeu pour le monde associatif réside dans le franchissement du seuil d'assujettissement à des règles de transparence financière qui exigent de l'association la publication de ses comptes et de les faire, le cas échéant, certifier par un commissaire aux comptes. Il faut que les associations soient conscientes de ces différentes règles afin d'éviter de se retrouver dans l'illégalité.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nos sénateurs sont régulièrement sollicités par les élus locaux qui souhaitent être mieux éclairés sur la réglementation applicable au financement des associations. Nous serons naturellement très attentifs au projet de loi annoncé par le Gouvernement qui précisera le cadre juridique des associations relevant du secteur de l'économie sociale et solidaire. Vous avez pu constater la défense radicale au sein de notre commission de la loi de 1901 et nous avons bien compris qu'il n'était pas question de la remettre en cause. Nous vous remercions pour cet exposé.

Nomination d'un rapporteur

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Chers collègues, je vous propose de reporter à la semaine prochaine la nomination du rapporteur sur le projet de loi n° 835 (AN XIVe lég.) (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission), relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Il en est ainsi décidé.

Communication diverses

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - J'attire votre attention sur un arbitrage que je soumettrai à l'accord du bureau de notre commission sur l'examen de la loi sur la refondation de l'école. Le calendrier est assez malencontreux, en raison des deux semaines d'interruption des travaux en séance publique au début du mois de mai. Deux solutions s'offrent à nous : soit nous laissons le plus de temps possible à notre rapporteure Mme Françoise Cartron ainsi qu'aux groupes politiques, auquel cas vos amendements en vue de l'établissement du texte de la commission devront être déposés dès la reprise des travaux - le 13 mai - et le rapport examiné en commission le lendemain, vos amendements en séance sur le texte de la commission devant sans doute être déposés au plus tard le 17 mai ; soit nous nous réunissons pour examiner le rapport de Mme Cartron juste avant la suspension des travaux en séance publique, ce qui réduit le temps disponible pour le travail en amont.

Par ailleurs, je vous rappelle qu'il est prévu que l'examen de ce texte en séance s'engage le 21 mai, lendemain du lundi de pentecôte.