Mardi 18 février 2014

- Présidence de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente -

Audition de Mme Aline Mesples, présidente, et M. Gilles Mathelié-Guinlet, secrétaire général, Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE)

La réunion reprend à 16 h 45.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous auditionnons à présent les représentants de l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE), Mme Aline Mesples, sa présidente, et M. Gilles Mathelié-Guinlet, son secrétaire général.

Nous souhaitons comprendre comment se répercute le système écomouv' chez les transporteurs. Ce système, de votre point de vue, est-il prêt ? Que pensez-vous des services offerts par les sociétés habilitées au télépéage (SHT) ? Que pensez-vous de la procédure d'enregistrement, d'une manière générale ?

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Aline Mesples et M. Gilles Mathelié-Guinlet prêtent serment.

Mme Aline Mesples. - L'OTRE est une fédération patronale, représentative des PME à capitaux familiaux du transport routier, fondée en 2000. Elle a voulu dès sa création, s'inscrire dans une dimension européenne, répondant ainsi à la réalité du marché du transport routier français de marchandises, de par la situation de transit de notre pays.

Concernant le dossier de l'écotaxe, de la délégation de sa collecte et de sa gestion à la société privée Écomouv' pour laquelle vous avez souhaité nous entendre, l'OTRE a toujours eu une démarche constructive sur le projet d'une taxation visant au financement des infrastructures routières. Cet engagement avait une condition : une taxation à iso-fiscalité pour les entreprises de transport routier de marchandises nationales, devant permettre de réduire le différentiel de compétitivité entre les entreprises européennes et les entreprises françaises.

Tout au long des travaux menés sur la mise en place de l'écotaxe, nous avons alerté les pouvoirs publics sur les déviances des choix qui se formalisaient, avec d'un côté une taxation dont la collecte serait sous-traitée à une société privée et des prestataires mandatés, et, d'un autre, le principe d'une taxe dont le transporteur était le redevable, mais qu'il était autorisé à répercuter.

Une fois le choix du contrat de partenariat public-privé fait, la première erreur commise, à notre sens, a été d'écarter les représentants des futurs redevables de l'établissement du cahier des charges. En effet, les particularités de notre secteur et de ses multiples activités n'ont pas été efficacement identifiées à la source et ont contribué à la mise en place d'un système qui s'avère finalement totalement inadapté aux 36 000 entreprises du secteur et, plus globalement, aux propriétaires des quelque 500 000 poids lourds français.

Dès l'appel d'offres, l'OTRE s'est dite surprise de voir dans les candidats en lice une société qui avait dans ses actionnaires une entreprise publique appelée à être une des principales bénéficiaires des recettes de la taxe poids lourds, au nom du report modal, la SNCF, deuxième actionnaire du consortium Écomouv'.

S'agissant des candidats en lice, nous pensons que le choix s'est porté sur l'opérateur qui avait le moins d'expérience sur la mise en place d'un tel système. Ce sont donc les critères financiers qui ont prévalu par rapport aux critères techniques, qui doivent être selon nous prépondérants.

Enfin, une fois Écomouv' désignée, nous nous sommes heurtés à la mise à l'écart de la représentation professionnelle de notre branche et au secret sous lequel cette mise en oeuvre s'est réalisée.

Il est utile, à ce stade, de vous informer de l'absence totale de transparence et d'informations vérifiables émanant du délégataire depuis septembre 2012. Les relations engagées par Écomouv' et les SHT avec les représentants professionnels sont des relations commerciales, basées sur du lobbying, voire des menaces concernant l'obligation d'équiper les véhicules concernés. Il en a été de même avec la mission de la tarification.

Mon propos portera sur les constats que nous avons pu faire tout au long de cette mise en place, à partir de la décision de délégation de ce service public à un consortium privé.

Premier constat : l'obstruction de la mission de la tarification est caractérisée. Durant plusieurs mois, nous avons demandé à la mission de la tarification de nous préciser les éléments techniques et opérationnels du contrat signé, afin de pouvoir appréhender ce qu'allait être la collecte, sans aucune réponse. Elle a refusé de répondre à nos interrogations légitimes, nous renvoyant aux obligations légales, et indiquant même que les litiges éventuels ne pourraient se résoudre que devant les juridictions administratives concernées.

Nous avons donc saisi le 22 mars 2013 les ministres des transports et du budget afin de consulter le contrat de partenariat signé. En l'absence de réponse à cette demande, nous l'avons réitérée, le 3 juin 2013. Une réponse nous est enfin parvenue le 13 août 2013, nous refusant cette consultation au motif du secret industriel et financier de ce partenariat.

Devant une telle obstruction, nous avons saisi la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) le 7 octobre, et obtenu une décision le 5 décembre 2013 et, enfin, une communication de ce contrat le 8 janvier 2014.

Bien évidemment, de nombreux éléments ont été jugés confidentiels et ne permettent pas de connaître la réalité des enjeux juridiques et financiers mais, au-delà, cette obstination à ne pas fournir les informations nécessaires a totalement rompu la confiance de notre organisation, et de nos adhérents, dans le système de perception de taxe qui leur était imposé.

Deuxième constat : les conditions financières sont particulières. Le consortium va percevoir un quart de la taxe pour frais de gestion annuels et retour sur investissement. Pour information, c'est le montant de taxe à l'essieu payé par l'ensemble des propriétaires de poids lourds français... Ceci est purement et simplement inacceptable pour les redevables !

Or, Écomouv' incite les redevables à souscrire un abonnement auprès des SHT et a prévu que 80 % des badges commercialisés le seraient via celles-ci, Écomouv' ne gardant en gestion directe que 20 % du parc poids lourds. Nous constatons donc qu'Écomouv', pour gérer un cinquième du parc, perçoit un quart de la taxe.

Par ailleurs, les SHT ont intégré à leur offre commerciale des frais de gestion, alors même qu'elles perçoivent de l'État pour ce service un loyer annuel par badge délivré, ainsi que les cautions bancaires exigées pour la délivrance des badges. La facture pour les entreprises du secteur est donc particulièrement importante.

Enfin, Geodis, filiale transport de marchandises de la SNCF, a signé un contrat exclusif avec Écomouv' pour la gestion de la logistique du consortium, d'un montant de plusieurs millions d'euros par an, sans aucun appel d'offres.

Comment expliquer de telles dépenses pour percevoir une taxe dans un contexte économique européen et mondialisé très défavorable aux entreprises françaises et, plus particulièrement, aux entreprises du secteur du transport routier de marchandises ? En tant que redevables les entreprises de transport routier sont une clientèle captive et soumise aux diktats d'une entreprise privée, l'administration ne proposant, quant à elle, que le recours, comme je l'ai dit, à la juridiction administrative en cas de litige.

Troisième constat : la sous-traitance par les SHT pose question. Un contrat de délégataire existe entre le consortium et les six SHT. Or, de nombreux prestataires proposent ce type de services par le jeu d'une sous-traitance du contrat initial. Est-ce pertinent et adapté dans le cas de la perception d'une taxe, et réellement prévu par le contrat initial ? Nous contestons cette déviance !

Quatrième constat : la fiabilité du système n'est pas prouvée. En l'absence totale de transparence sur la mise en place de la technologie choisie par le délégataire, la fiabilité du système n'est pas officiellement et contradictoirement vérifiée. En effet, dès le début de l'année 2013, à quelques semaines de la mise en place en Alsace, nous avons recueilli des témoignages de transporteurs indiquant que les tests qu'ils menaient, soit pour les entreprises du consortium, soit pour les SHT, démontraient une absence totale de cohérence des résultats obtenus dans le calcul des kilomètres parcourus, ou le repérage des véhicules par les portiques installés.

Je dois préciser, à ce stade, que les entreprises qui ont témoigné l'ont fait de manière confidentielle, puisqu'elles étaient tenues par des contrats avec les entreprises concernées les obligeant à ne pas révéler les résultats des tests pratiqués.

Pour l'OTRE, les trois reports successifs ne sont que la conséquence de l'impossibilité de pouvoir mettre en oeuvre la technologie choisie, sans incidents.

Le 6 septembre 2013, le ministre des transports convoquait les organisations professionnelles du secteur pour faire le point sur l'avancée du dossier, à trois semaines de la date supposée d'entrée en service. Les quatre organisations ont fait le même constat : le report de la taxe était une nécessité au vu de tous les dysfonctionnements -enregistrements défectueux, fiabilité du système insuffisante, voire inexistante.

Au cours de la réunion, le ministre Cuvillier s'est même étonné, puis offusqué, de l'absence d'engagement des entreprises de transport et de leur non-enregistrement, tout particulièrement pour la société Geodis, dans la démarche de marche à blanc.

Le représentant de la société Heppner s'est étonné, preuves à l'appui, de l'impossibilité pour son entreprise d'entrer dans le dispositif de marche à blanc, alors qu'elle s'était portée volontaire à deux reprises, en juillet, puis en septembre.

Le ministre, répondant à la volonté des organisations professionnelles, a alors décidé de la mise en place d'un comité de suivi de la mise en oeuvre de l'écotaxe. La première réunion de ce comité aura lieu cinq semaines après ! Sur le même principe, des commissions régionales de suivi de cette mise en place et de l'impact de celle-ci sur l'économie du transport devaient être initiées. Au moment de la réunion du comité national de suivi, toutes ces commissions régionales ne s'étaient pas réunies !

Tout ce dispositif d'information et de concertation n'a pas été en mesure de répondre à l'ensemble des questions que la profession se posait, et encore moins de résoudre les problèmes posés.

Cinquième constat : la marche à blanc s'est révélée être un trompe l'oeil. N'ayant jusque-là jamais été sollicitée par Écomouv', l'OTRE s'est engagée pendant la réunion ministérielle à s'inscrire dans la marche à blanc. Au total, ce sont une trentaine d'entreprises, réparties sur le territoire, et de tailles différentes, qui ont tenté de se lancer dans cette phase de test. Seules les PME ayant contracté avec une SHT avaient la possibilité de participer à la marche à blanc. Il n'était pas possible pour une PME non abonnée de récupérer ses badges auprès du délégataire et de tester le dispositif ! La possibilité pour ce type d'entreprises de s'inscrire sur le site Écomouv' est d'ailleurs arrivée bien plus tard, fin novembre 2013.

Au final, sur la trentaine d'entreprises proposées par l'OTRE, une seule arrivera à passer toutes les étapes pour démarrer ces tests grandeur nature. Le bilan de cette phase de marche à blanc est catastrophique. Quant au test mené par l'entreprise Guisnel -800 cartes grises moteurs- il révèle une incohérence et une inadaptation totales du mode de facturation. Nous avons un dossier à vous remettre au sujet de ce test...

Aujourd'hui, aux dires des déclarations d'Écomouv' lors de son audition devant la mission parlementaire de l'Assemblée nationale, le bilan de la marche à blanc qui aurait été menée sur les véhicules de Geodis serait tout à fait probant. Comment croire qu'une entreprise non badgée en septembre 2013 a pu contribuer à valider le système en si peu de temps ? Si tel est le cas, pourquoi ne pas rendre public ce bilan, si cela doit définitivement asseoir le système retenu ?

Nous avons, à de multiples reprises, demandé communication des résultats, sans succès. Les retours de la société Guisnel et l'article de presse sur les transports Orain, que nous avons joints à notre dossier, démontrent que le système ne fonctionne toujours pas.

En conclusion, l'ensemble des éléments démontrent des dysfonctionnements majeurs dans la phase d'enregistrement que la société Écomouv' est incapable d'assumer, malgré le travail préparatoire et de vérification effectué par les SHT, et dans le calcul de la taxe.

Quant au système de facturation de la taxe, il est faux et invérifiable ce qui est inacceptable : il n'y a pas de mention des kilomètres parcourus, pas de localisation géographique et temporelle des trajets, et pas de mention du tarif kilométrique appliqué.

Enfin, à ce jour, nous ne savons toujours pas si le dispositif correspond au cahier des charges proposé par l'État, et -plus important- s'il est adapté à la réalité du quotidien des entreprises de transport routier.

Le dernier constat concerne l'absence de contrôle périodique de fonctionnement des badges. Alors que le principe de la taxe est un nombre de kilomètres parcourus multiplié par un taux de taxe, en fonction des caractéristiques du véhicule, nous n'avons aucune garantie sur la métrologie des badges et sur leur fiabilité dans le temps.

De nombreux équipements de contrôle ou de comptabilisation sont installés dans les véhicules poids lourds, qu'il s'agisse des temps de travail ou de la limitation de vitesse du véhicule. Tous ces équipements font l'objet de vérifications à échéances périodiques. Nous nous demandons donc pourquoi le badge n'a pu faire l'objet de ce type de vérification.

Au regard de l'ensemble de ces constats, l'OTRE exprime clairement son opposition à l'écotaxe Écomouv' mais, consciente des enjeux relatifs au financement des infrastructures et à la transition énergétique, elle a fait des propositions alternatives en ce sens à la mission parlementaire réunie sur ce sujet.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Votre confiance dans le dispositif actuel semble limitée, si je peux me permettre ce doux euphémisme !

Établissez-vous un distinguo dans les procédures des SHT et les enregistrements directs d'Écomouv', entre redevables abonnés et non-abonnés, ou récusez-vous de façon générale les procédures et les enregistrements ?

Mme Aline Mesples. - À ce jour, les relations les plus précises et les plus directes que nous avons eues, en tant qu'entreprises ou organisations professionnelles, ont concerné les SHT, qui ont fait la démarche d'aller dans les entreprises, et de se présenter devant les organisations patronales.

Les relations avec Écomouv' sont plus institutionnelles et moins précises. Nous ne pouvons vous dire comment Écomouv' traite ses abonnés, puisqu'ils n'ont permis qu'en novembre 2013 à ceux qui souhaitaient acheter un badge de le faire directement auprès d'eux. Très rapidement, le report sine die a stoppé les démarches.

Concernant les SHT, la phase de préparation du dossier de ceux qui désiraient s'enregistrer s'est déroulée sous une relative bonne assistance. Cependant, la transmission du dossier à Écomouv' et son retour se sont moins bien passés. Le dossier de marche à blanc complet a parfois été renvoyé pour un second examen lorsqu'un véhicule, sur un parc de dix, présentait un problème de papiers, alors que les neuf autres auraient pu être retenus. Il y a également eu un problème important concernant un certain nombre de documents facultatifs, qu'Écomouv' exigeait.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - À combien estimez-vous le temps nécessaire entre le premier contact pour s'enregistrer et le retour du dossier après enregistrement de l'ensemble de la flotte ?

Mme Aline Mesples. - Entre quinze jours à trois semaines au minimum. Certains n'ont jamais eu de retour. Pour Guisnel, on a enregistré 25 jours pour quatre boîtiers : on est donc loin du compte sur les 800 véhicules à équiper !

Il y a également un travail à réaliser en amont. Tout le monde ne peut accéder à l'abonnement auprès des SHT, puisque se pose la question du cautionnement bancaire, c'est-à-dire de l'encours de taxe à payer par le transporteur. Dans ce système, la SHT paye à Écomouv' la taxe due. La SHT, ayant déjà payé Écomouv', veut se garantir des difficultés financières que pourrait rencontrer le transporteur. Alors que toutes les entreprises ont des difficultés économiques -redressement, période d'observation- certaines n'ont pas obligatoirement eu la possibilité de s'inscrire auprès d'une SHT.

En second lieu, les SHT sont les fournisseurs de certains transporteurs en matière de péage et de gas-oil. Lorsque les encours sont trop importants, quelques-unes refusent de travailler avec ces sociétés en difficultés. Cela peut arriver à de petites, de moyennes ou de très grosses structures. Plus on est gros, plus l'encours peut être important.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Selon vous, Écomouv' ne dispose donc pas aujourd'hui d'enregistrements réels, mais de tests pour ce qui concerne les redevables non abonnés, qui ne passent pas par les SHT...

Mme Aline Mesples. - D'après ce que nous savons, il n'existe pas actuellement d'enregistrement de non abonnés auprès d'Écomouv'.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Il ne peut donc s'agir que de tests...

Mme Aline Mesples. - Même pas ! Parmi les entreprises proposées pour la marche à blanc, l'une ne souhaitait pas s'abonner ; elle a alors voulu entrer dans la marche à blanc directement avec Écomouv', ce qui n'a pas été possible.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - A quelle période ?

Mme Aline Mesples. - En octobre-novembre 2013...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Estimez-vous que le système pose problème par rapport à l'égalité entre petits et gros transporteurs ?

Mme Aline Mesples. - Je ne suis pas sûre que ce soit un problème de taille. Je pense que c'est surtout un problème d'activité, de situation géographique, et de santé de l'entreprise.

Le problème vient du fait qu'une petite entreprise se voit théoriquement appliquer par ses fournisseurs des tarifs plus élevés qu'une grosse entreprise. Les offres commerciales des SHT vis-à-vis des gros transporteurs sont meilleures que vis-à-vis des petits.

Pour ce qui est de la complexité, la mise en place de 800 badges pour une entreprise comme Guisnel représente quelque chose d'énorme -perte d'exploitation liée à l'installation, mobilisation de personnel dans le cadre d'un atelier intégré, etc. En dehors de l'offre commerciale, il n'y a, selon moi, pas de différence.

La difficulté apparaît dès lors qu'on est un gros utilisateur de réseau écotaxé et qu'on n'a pas la possibilité d'être abonné pour des raisons économiques ou financières. L'obligation d'être client direct d'Écomouv' a quand même un impact : on paye en amont, et il existe une caution. C'est plus complexe, mais c'est dans le cas où l'entreprise s'est vue refuser d'accéder à l'abonnement SHT, à cause de sa mauvaise santé financière ou économique.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Aujourd'hui, certains transporteurs sont pénalisés par la décision de l'État, qui a suspendu l'écotaxe. Quelques-uns avaient fait l'effort de s'équiper. Il n'existe pas de pénalités pour ces gens-là. Ils n'ont rien payé à ce jour...

Mme Aline Mesples. - Ils ont dû payer l'installation. Ceux qui sont aujourd'hui équipés ne sont que des clients de SHT. À ma connaissance, il n'existe pas de badge Écomouv' en service. Tout dépend des relations que les clients ont avec les SHT, et des conditions qu'on leur propose. Certains badges non installés sont stockés en attente ; ceux qui ont été installés et qui ne sont pas utilisés ne font bien souvent pas l'objet de frais de gestion de la part des SHT. On assiste à une guerre commerciale entre les six SHT. Il n'est pas de l'intérêt commercial pour les SHT de facturer des frais de gestion...

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Les dispositifs embarqués d'Écomouv' n'ont donc pu être contrôlés. Auraient-ils pu l'être autrement ?

Mme Aline Mesples. - Il peut y avoir eu des contrôles, mais pas sur des flottes comme les nôtres. Quand nous sommes entrés dans la marche à blanc, nous n'avons pu le faire avec des badges Écomouv' ...

M. Gilles Mathelié-Guinlet. - La marche à blanc n'a été réalisée qu'avec des badges appartenant à des SHT. La phase d'enregistrement éventuelle des entreprises non abonnées n'aurait pu débuter qu'en novembre 2013, époque à laquelle le Premier ministre a déclaré que la taxe était reportée sine die. Écomouv' était alors dans l'incapacité de permettre aux entreprises non abonnées de s'enregistrer sur son site...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

M. Gilles Mathelié-Guinlet. - Nous l'avons vérifié ! La page, à ce moment-là, n'était même pas ouverte ! Un certain nombre d'éléments étaient expliqués, mais la phase d'enregistrement elle-même n'avait pas encore débuté.

Il semble que des entreprises étrangères aient décidé de s'enregistrer auprès d'Écomouv', mais nous n'avons pu le vérifier. Les entreprises françaises, elles, sont en situation d'attente. Il n'y a rien eu de fait auprès des non abonnés s'agissant de la marche à blanc en tant que telle...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Pensez-vous que les autres syndicats de transporteurs soient sur la même ligne que vous ? Vous êtes une organisation un peu plus en pointe dans la contestation... Vous aviez appelé à suspendre l'écotaxe. Pensez-vous être représentatifs de l'ensemble des autres organisations ?

Mme Aline Mesples. - Nous n'avons pas appelé au boycott de l'écotaxe, mais au boycott de l'abonnement et des badges, nos questions opérationnelles ne recevant pas de réponse. Nous avons découvert le contenu du projet et ses incidences financières peu à peu, grâce à des fuites des SHT, et par des informations glanées de ci, de là, mais nous n'avons pas eu d'information directe ni concrète à propos de la façon dont les choses allaient se passer ! C'est en ce sens que nous avons estimé qu'il était trop tôt pour s'abonner.

Toutes les organisations patronales n'ont pas eu la même attitude, au moins dans leur communication, ou lors des réunions avec le ministère des transports. Pour ce qui est des transporteurs, j'affirme que l'ensemble perçoit le système comme trop compliqué, inadapté. Ils ne veulent pas y entrer, d'autant qu'on est dans un contexte économique très fragile. Pour l'instant, tout le monde conserve une attitude attentiste...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Tout le monde est d'accord pour reconnaître la grande complexité de ce système, même si elle n'apparaît pas partout. Il semble que ce soit à l'origine une demande des douanes...

M. Gilles Mathelié-Guinlet. - Nous sentons-nous représentatifs ? La ligne politique des autres fédérations patronales n'était effectivement pas la nôtre. L'association représentant les cinq plus gros groupements économiques de transport routier, l'Alliance pour le transport routier, qui regroupe Astre, Évolutrans, le groupement Flo, le groupement Tred Union, et France Benne, compte 50 000 salariés. Ils nous ont suivis dès le départ, même en matière de communication avec les médias.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous ne travaillons pas sur l'écotaxe, mais sur le contrat Écomouv'.

Je vous crois volontiers lorsque vous dites que vous avez reçu les informations au compte-gouttes. Nous avons le sentiment que les choses se sont définies peu à peu, et n'étaient pas clairement établies au moment de la rédaction du cahier des charges.

S'agissant des sanctions financières, savez-vous à quoi vous vous engagez en cas de non-équipement d'un camion ?

Mme Aline Mesples. - Ce sont des choses que l'on a découvertes par hasard, par des informations des SHT. On en a vraiment eu connaissance lorsque les SHT ont commencé leur campagne commerciale, en nous prévenant que nous risquions 750 euros d'amende par camion si nous ne nous abonnions pas. Nous avons travaillé le sujet, et nous sommes aperçus que tout défaut d'équipement ou de l'appareil lui-même constituait une infraction -badge débranché même temporairement ou défectueux, etc.... Chaque passage sous un portique ou devant un radar avec un badge ne fonctionnant pas coûte 750 euros, et peut entraîner l'immobilisation totale du véhicule.

Ce qui nous a beaucoup dérangés, c'est la discrimination entre camions étrangers et camions français concernant l'obligation de détenir un badge, où que l'on soit sur le domaine public. Un transporteur espagnol peut ainsi tout à fait entrer sur le territoire français sans badge, alors qu'un transporteur français qui emprunte la même route tous les jours et qui n'utilise aucune route taxable a l'obligation d'avoir un badge qui fonctionne !

Détenir un badge d'abonné sans jamais utiliser le réseau écotaxé entraîne néanmoins une pénalité trimestrielle des SHT pour non-utilisation. Dans le contrat qui lie les SHT à Écomouv', si le badge ne permet pas aux SHT de percevoir d'écotaxe, elles ne peuvent toucher le loyer qui leur est dû. Elles le font donc payer aux transporteurs ! Le transporteur qui n'utilise pas le réseau écotaxé doit avoir un badge branché 365 jours par an et forfaitairement s'acquitter de 750 euros par an.

En matière de transport routier, les contraventions sont très pénalisantes. Certaines peuvent entraîner une immobilisation du véhicule qui se traduit, pour le chef d'entreprise, par des contraventions de quatrième ou de cinquième classe, qui viennent déprécier son honorabilité. Or, un transporteur doit bénéficier d'un casier judiciaire totalement vierge. Sans honorabilité, on ne peut être transporteur. Une telle montée en puissance de sanctions peut mettre un certain nombre de professionnels en danger, du fait de détails relativement bénins. C'est mon appréciation, et je l'assume !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - C'est le fait des douanes : ce n'est pas Écomouv' qui assure le recouvrement forcé...

Mme Aline Mesples. - Certes, mais la sanction est là !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Pouvez-vous nous dire un mot des portiques ?

Mme Aline Mesples. - Il s'agit d'une discrimination entre transporteurs étrangers et transporteurs français. Il est inacceptable que des portiques aient été installés en dehors des axes écotaxés. Cela signifie que la sanction ne s'applique qu'aux transporteurs français, aucun camion étranger n'ayant l'obligation d'avoir un badge en dehors du réseau écotaxé.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Écomouv' affirme qu'il n'existe que six portiques dans ce cas -dont un dans les Pyrénées-Atlantiques.

Mme Aline Mesples. - Ce sont six de trop !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Les camionneurs ont-ils vraiment plus intérêt à prendre l'autoroute ? Cela va-t-il créer un effet d'aubaine pour les concessions ?

Mme Aline Mesples. - Bien évidemment ! Tout dépend de l'état du réseau routier taxable. Bien souvent, il s'agit d'un réseau national et départemental, qui ne présente pas les mêmes garanties de sécurité, de vitesse, de fiabilité, que le réseau autoroutier. Ce dernier ne permet pas non plus de tout faire, et ne dessert pas toutes les régions françaises, loin s'en faut, mais il offre une certaine sécurité. Entre deux itinéraires parallèles, l'un écotaxé et l'autre autoroutier, il est évident que le choix sera celui de l'axe autoroutier pour les transporteurs français. Tel n'est pas forcément le cas pour les transporteurs étrangers. En effet, nous ne décomptons pas le temps de travail de la même manière. Un étranger qui dégage plus de productivité avec son véhicule peut passer plus de temps sur la route, alors que nous faisons partie des transporteurs européens qui ont le temps de travail le plus contraint, du fait de la réglementation française. Nous avons intérêt à emprunter les trajets les moins chronophages. Il y aura donc un report du réseau, particulièrement en matière de longues distances.

M. Gilles Mathelié-Guinlet. - Il est choquant de considérer a priori les transporteurs français comme des fraudeurs. C'est ce qui nous a été dit lors de l'audience devant le Conseil d'État, à propos du référé suspension que nous avions déposé contre le décret du 26 juillet 2013. Le représentant du ministère l'a clairement exprimé : « Nous sommes partis du fait que les entreprises françaises peuvent frauder » ! C'est assez outrageant, même en termes de droit. Comme l'a dit Mme Mesples, un seul portique, c'est un de trop !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Cela faisait partie du cahier des charges de l'État !

Nos questions portent sur le fait de savoir si on a eu ou non raison de passer par un partenariat public-privé (PPP), sur la nature des engagements entre l'État et Écomouv', la réalisation de ces engagements et le coût de la suspension.

Vous avez été entendus par la mission d'information de l'Assemblée nationale. Je ne sais si vous leur avez fait des propositions. Même si nous dépassons là notre rôle, comment voyez-vous la sortie de crise ?

Mme Aline Mesples. - Il est évident, selon nous, que le système actuel doit être totalement abandonné. Il n'est pas adapté à la réalité des entreprises. On n'a pas tenu compte du fait qu'il existe déjà, en France, un péage autoroutier. On assiste à une multiplication des péages, et deux systèmes totalement différents coexistent. Selon nous, Écomouv' coûte bien trop cher. Un quart de la taxe va à la société privée qui perçoit l'impôt. Philosophiquement, nous avons du mal à l'admettre ! On aurait pu faire bien plus simple.

Les propositions que nous avons formulées auprès de la mission d'information de l'Assemblée nationale sont principalement de deux ordres. La première concerne la taxe à l'essieu, qu'il faudrait modifier afin qu'elle puisse être perçue de la même manière auprès des transporteurs étrangers et des transporteurs français. Elle peut être, comme c'est déjà le cas, journalière, hebdomadaire, mensuelle, trimestrielle ou annuelle. Ceci peut répondre à la demande du transport international ou du transport de transit.

La seconde piste est celle de la taxation des marchandises transportées.

Nous sommes en train de préciser ces deux propositions, avec le volet juridique que nous devons examiner, en particulier concernant la taxe à l'essieu. À ce jour, les éléments dont nous disposons en la matière démontrent que l'on est bien dans le même objectif que la directive européenne qui a conduit à l'écotaxe. On peut fort bien trouver un système, après avoir amendé ce qui existe, pour percevoir cette taxe à l'essieu à la fois auprès des transporteurs français et des transporteurs étrangers. Ceci permettrait des rentrées d'argent très rapides.

Nous sommes conscients que l'argent de l'écotaxe manque au budget des infrastructures ; nous ne sommes pas opposés à tout ceci, bien au contraire, mais les entreprises de transport qui adhèrent à notre organisation gagnent très peu d'argent. Nous n'avons tout simplement pas les moyens de payer la taxe. Une taxe très compliquée à mettre en place, qui coûte cher en frais de gestion et difficile à répercuter, à ce stade, est totalement inenvisageable ! Bien sûr, nous sommes des citoyens comme les autres, et la loi s'applique à tous, mais ce système est d'une grande complexité.

Si nous avions été associés d'entrée de jeu, on aurait pu atteindre un objectif identique avec nettement moins de moyens et de façon bien plus simple ! On a nous-mêmes du mal à comprendre comment la taxe va être perçue et quels sont les critères : comment voulez-vous que l'on répercute auprès de nos clients quelque chose que nous avons du mal à chiffrer ? Le conseil d'administration de notre organisation s'est réuni ce matin. Le message qui en est ressorti est que nous n'avons actuellement pas de visibilité sur nos coûts et sur nos prix de revient. Nous sommes donc incapables de négocier nos prix avec nos clients, faute de savoir ce que nous coûte chaque véhicule qui roule avec son conducteur. C'est là toute la difficulté. La grande complexité de l'écotaxe vient de l'obscurantisme qui règne autour !

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Que pensez-vous d'un fonctionnement sur la base d'un système déclaratif ?

Mme Aline Mesples. - C'est ce que nous proposons avec la taxe à l'essieu. Si celle-ci était à la fois perçue auprès des transporteurs français et étrangers, le portique pourrait servir à contrôler les plaques d'immatriculation et à vérifier, par télédéclaration, que tous les transporteurs ont bien payé la taxe. En outre, notre secteur fait l'objet d'une concurrence déloyale, que je qualifie personnellement de délinquance. Certains opérateurs français et étrangers travaillent en dehors des règles en vigueur sur notre territoire. Les portiques pourraient permettre des opérations de contrôle du cabotage illégal et des véhicules légers, ainsi que la régulation.

Remonter le tonnage à 12 tonnes pour l'écotaxe poids lourds, comme l'ont fait les Allemands, est une très mauvaise idée : à l'heure actuelle, on a une concurrence totalement déloyale des véhicules légers, particulièrement étrangers, en totale contradiction avec le développement durable ! On fait circuler dix véhicules pour transporter ce qui pourrait l'être dans un seul poids lourd. Les dépenses de gas-oil et le CO2 sont multipliées par cinq !

M. Gilles Mathelié-Guinlet. - Un certain nombre de personnes opposent à la proposition de taxe à l'essieu qu'il ne s'agit pas d'un droit d'usage, et qu'elle serait en outre très compliquée à mettre en place en France, du fait de l'existence du système de péage autoroutier, qui ne permet pas de fiscaliser le reste des infrastructures.

Les premières analyses de nos conseils en fiscalité vont plutôt à l'encontre de cet argument : les objectifs retenus qu'il s'agisse de l'écotaxe ou de la taxe à l'essieu seraient bien les mêmes, même si l'on est sur un droit d'usage pour la taxe à l'essieu, et sur une redevance kilométrique pour l'écotaxe.

Aujourd'hui, le système allemand permet d'être aussi précis : avant d'entrer sur le territoire allemand, le transporteur doit indiquer exactement le trajet emprunté. S'il modifie ce trajet, la sanction est lourde. Il y a donc bien la possibilité, pour les transporteurs étrangers, de déclarer, soit via Internet, soit via des bornes, le trajet sur autoroute ou sur un réseau taxable emprunté par le camion étranger !

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je vous remercie d'avoir demandé à être entendus par notre commission d'enquête. Cette démarche nous aide à y voir plus clair !

La réunion est suspendue à 17 h 35.

Audition de Mme Anny Corail, chef de la mission taxe poids lourds, et M. Jean-François Heurion, adjoint, Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI)

La réunion reprend à 17 h 45.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Pour notre dernière audition de la journée, nous entendons Mme Anny Corail, chef de la mission taxe poids lourds, que nous avons déjà reçue à plusieurs reprises, et M. Jean-François Heurion, son adjoint, de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

Nous avons souhaité entendre de nouveau des représentants de la mission taxe poids lourds pour comprendre comment les procédures de tests et de vérification du système Écomouv' ont été menées par les douanes.

Quel a été notamment le rôle des douanes pendant les vérifications d'aptitude au bon fonctionnement (VABF) et la vérification de service régulier (VSR) ? Comment s'est passé le processus d'enregistrement des dossiers ? Y a-t-il une bonne compatibilité entre les systèmes logiciels des douanes et la gestion électronique des documents d'Écomouv' ? Comment a été vérifiée la base de 190 000 abonnés dont fait état Écomouv' ?

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Anny Corail et M. Jean-François Heurion prêtent serment.

Mme Anny Corail. - Pour la bonne compréhension des actions menées pour s'assurer de la qualité du dispositif construit par la société Écomouv' et expliquer pourquoi la mise à disposition a dû être reportée à deux reprises, il semble d'abord nécessaire de présenter le suivi par l'État de la conception et de la recette réalisées par le prestataire commissionné, puis de préciser comment s'est déroulée la VABF. Je terminerai par un point de situation sur les tests de VSR.

Partant d'un cahier des charges, le déroulé d'un projet est rythmé par un séquencement d'étapes, de conceptions et de tests. Pour l'écotaxe, ces étapes sont toutes précisément prévues dans le contrat signé entre Écomouv' et le ministère de l'écologie.

L'État a ainsi créé une équipe projet, qui a participé à la rédaction du cahier des charges, au dialogue compétitif et au choix du prestataire ; elle est composée d'une douzaine de personnes, appartenant à la mission de la tarification de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), et à la mission taxe poids lourds de la DGDDI. Elle est pilotée par un directeur de projet, Antoine Maucorps, son adjoint à la mission de la tarification, Olivier Quoy, et par moi-même.

J'insiste sur le fait que l'équipe a mis en commun des compétences diverses : ingénieurs, juristes, fiscalistes des douanes. Nous sommes accompagnés par une assistance extérieure, Capgemini, qui propose à la fois des compétences techniques et juridiques. Nous nous sommes également fait assister par la Direction des affaires juridiques et par la Direction de la législation fiscale pour certaines compétences juridiques. La Douane s'est en particulier appuyée sur ses services juridiques, comptables, et informatiques.

Nous sommes à cet effet intervenus dès la conception du projet. Dans le cadre d'un contrat public-privé, le prestataire est maître d'ouvrage et maître d'oeuvre. Il lui appartient d'établir les spécifications du dispositif, à partir du cahier des charges élaboré par l'État. Nous avons donc émis des remarques sur les spécifications générales et détaillées.

Les principaux points de désaccord ont donné lieu à des ateliers spécifiques à propos des interfaces, ou de certains aspects du guide de procédure, ce qui nous a permis d'apporter des précisions sur ce que nous attendions.

Une fois la conception effectuée, il s'agit de vérifier si le dispositif répond bien au cahier des charges de l'État. Une recette a été établie par Écomouv', avec des tests unitaires réalisés par des sous-traitants comme Thales, pour le dispositif de contrôle, Steria pour le dispositif de collecte et le système central, Magneti Marelli pour les équipements embarqués, Autostrade pour les bornes de distribution des équipements embarqués

Écomouv' a ensuite procédé aux tests d'intégration pour réunir l'ensemble des modèles dans un système global, ainsi qu'aux tests de non-régression, afin de s'assurer que la nouvelle version était au moins aussi bonne que la précédente, plusieurs versions ayant été réalisées au fur et à mesure de l'avancée des travaux.

La recette a débuté le 30 juillet 2012 ; l'assistant de l'État, Capgemini, a suivi les tests, produisant 23 rapports hebdomadaires du 7 août 2012 au 8 février 2013. Ce suivi a permis à l'État de constater que la recette d'Écomouv' laissait apparaître des défauts majeurs. Leur trop grand nombre nous a conduits à refuser d'entrer en VABF en février 2013. Un mois plus tard, nous avons reçu un rapport complet d'Écomouv', annonçant la correction des défauts identifiés. La VABF a été autorisée à partir du 5 avril 2013.

La VABF est le moment où l'on teste les fonctionnalités d'un point de vue métier. Dans le projet écotaxe, l'État s'est plus particulièrement assuré que le dispositif était conforme aux prescriptions. Écomouv' n'est pas intervenue pour réaliser les tests, mais a tenu certains rôles à notre demande. Nous lui avons ainsi demandé de jouer un opérateur du Centre de traitement des anomalies (CTA), afin de voir comment réagissait le système.

Le « défaut majeur » désigne le ou les défauts qui interdisent, par leur ampleur ou par leur nombre, l'usage en condition normale du dispositif. Le défaut mineur désigne, a contrario, le ou les défauts qui, par leur ampleur ou leur nombre, n'interdisent pas l'usage en condition normale du dispositif. La constatation de défauts majeurs a finalement conduit à réaliser trois VABF successives.

L'État a procédé à la définition du plan de tests, que nous avons partagé en différents chantiers identifiant la collecte, le contrôle, la sécurité, l'enregistrement, la formation des redevables, chaque chantier pouvant ensuite être divisé en sous-chantier. Nous avons notamment tenu compte des observations portant sur les spécifications fonctionnelles générales (SFG) et sur les spécifications fonctionnelles détaillées (SFD), dont l'exécution nous paraissait ne pas pouvoir être correcte. Un chantier comme l'enregistrement a été décliné en différents sous-chantiers -enregistrement à une borne automatique, enregistrement par Internet, ou auprès d'un point de distribution avec personnel...

Les tests de VABF se sont déroulés à Paris, chez Écomouv'. Nous avons en outre vérifié le système informatique du prestataire, qui est important pour que les forces de l'ordre puissent obtenir des informations sur les contrôles automatiques, la liquidation de la taxe, l'établissement des avis de paiement, les détails de liquidation.

Au centre de traitement d'Écomouv', à Metz, nous avons vérifié le fonctionnement du CTA sur les rapports de passages issus des tests réalisés sur le terrain lors de campagnes en Alsace.

Nous avons également mené des tests avec le centre d'appel pour simuler la procédure de secours, et des tests d'enregistrement par des agents du Service de la taxe poids lourds (STPL).

Nous nous sommes également rendus chez Thales, à Brétigny-sur-Orge, où nous avons vérifié le contrôle automatique des véhicules en fonction de différentes configurations. Nous avons fait circuler des véhicules sur le réseau taxable. Nous avons demandé aux brigades des douanes de Strasbourg, Rouen et des Ulis de réaliser des contrôles routiers.

Une fois les tests rédigés, nous les avons répartis entre une trentaine de testeurs -douanes, DGITM, Capgemini. Le testeur devait nous dire si le test était bon ou non. Si celui-ci s'avérait mauvais, nous demandions au testeur de décrire ce qui ne correspondait pas aux attentes.

Un outil dédié, HP ALM (HP Application Lifecycle Management), nous a permis d'intégrer toutes les opérations, et de réaliser un suivi des tests, afin de les qualifier, aucun testeur n'ayant émis d'avis sur la criticité des tests. Nous avons réalisé hebdomadairement une qualification provisoire avec le directeur de projet et nos adjoints.

Nous avions également une fois par semaine un échange avec Écomouv' sur les défauts majeurs identifiés lors des tests de la semaine, l'objectif étant de partager la qualification envisagée, majeure ou mineure, afin d'anticiper les corrections, et de permettre à Écomouv' de ne pas attendre la fin de la VABF pour commencer les corrections. L'objectif était de mettre la taxe poids lourds en oeuvre le plus rapidement possible. À la fin de chaque VABF la qualification définitive était réalisée, au vu de l'ampleur des défauts ou de leur nombre.

La première VABF a commencé le 8 avril 2013 et s'est terminée le 13 juin 2013. Compte tenu du nombre important de défauts majeurs détectés sur divers chantiers -enregistrement, collecte, liquidation...- nous n'avons pas estimé être en mesure de prononcer la VABF. Nous avons donc demandé à Écomouv' d'apporter les corrections nécessaires, ce qu'elle avait déjà commencé à faire, afin de nous permettre de réaliser une VABF complémentaire.

Nous avons scindé les lots en deux, le premier lot spécifique à l'enregistrement et le second sur le reste du dispositif. Le délai estimé était de trois mois minimum. .

Le premier lot de la VABF s'est étalé du 24 juin au 12 juillet 2013. N'ayant pas détecté de défauts majeurs, nous avons autorisé Écomouv' à passer en VSR concernant l'enregistrement des abonnés. Nous avons donc, dans un premier temps, pu ouvrir l'enregistrement aux abonnés, puis aux non abonnés. Nous attendions en effet plus d'abonnés que de non abonnés, ces derniers étant plutôt des occasionnels, la majorité des redevables devant passer par une société habilitée de télépéage (SHT).

La VABF du second lot a été réalisée du 2 juillet au 22 août 2013. On a pu constater qu'une grande partie des défauts majeurs avait été corrigée, mais il en restait encore un certain nombre, de nouveaux défauts majeurs étant par ailleurs apparus. En fait, lors de la première VABF, certains défauts majeurs nous avaient empêchés de dérouler les tests jusqu'au bout...

Fin août, il restait encore un certain nombre de défauts majeurs. Nous avons donc estimé ne pouvoir mettre le système en service. Le 2 septembre 2013, l'État a adressé à Écomouv' la liste des défauts majeurs et mineurs restant, en lui demandant de procéder aux corrections, afin de permettre une nouvelle VABF. Le 7 septembre 2013, le report de la mise en oeuvre de la taxe a été annoncé au 1er janvier 2014 par communiqué de presse.

La VABF finale s'est déroulée du 16 septembre au 8 novembre 2013. Elle a permis de constater la présence de défauts mineurs et d'un seul défaut majeur, lié à l'absence d'homologation des chaînes de collecte et de contrôle. Une non-conformité pouvant entraîner une contestation de masse, l'homologation sécurisait le redevable, mais aussi l'État, la preuve étant à la charge du redevable en cas de contestation.

S'agissant de la VSR elle-même, l'État n'y participe pas, sauf exceptions (CMP, Interfaces SI douane). . On peut toutefois les observer et analyser le rapport de VSR qui doit être produit par Écomouv', l'objectif étant de s'assurer que les tests ne recensent plus de défauts majeurs.

Nous avions autorisé Écomouv' à réaliser les tests de VSR dès l'été ; Écomouv' a retenu pour son rapport les tests réalisés à partir du 8 octobre, ceux-ci portant sur la version devant être mise en oeuvre à partir du 1er janvier.

Les opérations de VSR se sont déroulées du 15 au 17 juillet 2013 pour l'enregistrement des redevables abonnés. Une VSR a eu lieu pour l'enregistrement des redevables non abonnés du 22 juillet au 4 octobre 2013. La VSR définitive a finalement eu lieu du 8 octobre au 20 décembre 2013. Écomouv' a estimé avoir réalisé suffisamment de tests à cette date, ce qui lui a permis, dès que l'État a prononcé la VABF, le 16 janvier, de fournir le rapport de VSR qui nous a été remis le 20 janvier 2014.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Les rapports de VABF sont-ils disponibles ?

Mme Anny Corail. - Oui.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je souhaiterais pouvoir en prendre connaissance...

Mme Anny Corail. - Je le note.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je voudrais en effet bien comprendre ce que l'État a contrôlé, pourquoi et comment on en est arrivé à la première liste de défauts majeurs. Plusieurs personnes nous ont dit que l'une des causes principales des défauts majeurs constatés dans l'enregistrement tenait à la complexité des pièces demandées par l'administration française, aux difficultés à les réunir, notamment pour le faire comprendre aux transporteurs étrangers. L'administration sait tellement bien complexifier qu'elle a rendu l'exécution des enregistrements extrêmement compliquée !

Quelle était la nécessité de demander toutes ces vérifications et ces garanties, notamment pour les redevables abonnés qui passaient par les SHT, garantes du paiement ?

Mme Anny Corail. - Il faut distinguer deux choses, ce qui relève de la VABF, qui est la vérification du dispositif et de son fonctionnement, et ce qui relève de la procédure de l'enregistrement, qui ne fait pas partie de la VABF. On a bien vérifié qu'Écomouv' a respecté les spécifications fonctionnelles demandées pour l'enregistrement, comme des bornes automatiques fonctionnant correctement et permettant aux redevables de s'enregistrer, mais cela n'a rien à voir avec la liste des documents exigés pour l'enregistrement.

Si l'État, pendant la VABF, a bien vérifié qu'Écomouv' a fourni un dispositif permettant de réaliser l'enregistrement, elle n'a toutefois pas vérifié si Écomouv' réalisait correctement l'enregistrement lors de la phase opérationnelle. Pour se faire les douanes ont mené un contrôle inopiné chez Écomouv'. Pour l'instant, nous n'y sommes allés qu'une seule fois.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je ne saisis pas bien : les moyens mis à disposition par Écomouv' sont forcément dépendants des garanties qu'on leur demande de réunir. Si on installe une borne et qu'elle ne fonctionne pas, elle ne sert à rien !

Mme Anny Corail. - C'est cela, en quelque sorte ! La VABF vient bien avant que le dispositif ne soit en production. L'objectif était donc de s'assurer, par exemple, que les bornes permettent de scanner les documents.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Il s'agit donc d'un contrôle d'efficacité, non de performance...

Mme Anny Corail. - En effet. On vérifie s'il est possible de faire comme on l'a demandé, mais non si Écomouv' le fait correctement. Ce sont nos remarques qui nous ont permis d'alléger le dispositif.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Ne vous êtes-vous pas posée la question de savoir pourquoi les pays étrangers ne demandaient pas tous ces documents ? Les SHT vous auraient dit que tous ces documents n'étaient pas nécessaires ailleurs, et se seraient étonnées de tout ce qui leur était demandé...

Mme Anny Corail. - Il ne faut pas tant de documents pour s'enregistrer ! Il est vrai que la liste qui a été dressée est exhaustive...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - J'ai compris que vous vous serviez des documents que vous réclamiez pour créer une base de données sur les clients, alors que les Allemands se contentent du certificat d'immatriculation. C'est une usine à gaz !

Mme Anny Corail. - Les douanes n'ont pas de base de données, bien que tous les véhicules des redevables soient enregistrés.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - À quoi cela vous sert-il ensuite ?

Mme Anny Corail. - Ce n'est pas le but recherché...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Le résultat est là !

Mme Anny Corail. - Il est prévu que tous les véhicules soient enregistrés. On a besoin de connaître le redevable pour lui envoyer la facture.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - On trouve ces renseignements sur les certificats d'immatriculation !

Mme Anny Corail. - Non, pas nécessairement. Le certificat d'immatriculation indique généralement le nom du propriétaire. Ce peut très bien être une banque, ou une société commerciale, sans lien direct avec l'utilisation du camion. Nous avions donc véritablement besoin d'identifier le redevable.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - C'est aux SHT de le faire. Pourquoi avez-vous besoin d'en savoir autant, puisque vous allez être payés ?

Mme Anny Corail. - On ne l'est pas forcément si un manquement est commis. L'objectif est de pouvoir notifier le manquement à la bonne personne. Il ne s'agit pas simplement de notifier l'avis de paiement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - On est là dans le cas d'un recouvrement forcé.

Mme Anny Corail. - C'est cela. On ne peut notifier une infraction à la SHT. Notifier un avis à une société propriétaire qui n'utilise pas le véhicule n'est pas raisonnable, la société n'ayant elle-même rien à voir avec l'utilisation du véhicule. Je pense aux sociétés de location, et aux sociétés de leasing...

L'objectif est bien d'identifier celui qui utilise réellement le camion, propriétaire, locataire ou conducteur, pour pouvoir, en cas de manquement, le notifier au redevable que l'on a identifié.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - La VABF concerne la vérification d'aptitude au bon fonctionnement. Or, vous n'avez pas contrôlé le fonctionnement, mais la mise en place des outils...

Mme Anny Corail- C'est aussi une manière d'en contrôler le bon fonctionnement. L'objectif est de vérifier que l'outil qui est mis à notre disposition répond aux fonctionnalités attendues. Nous avons réalisé des tests en nous mettant à la place du redevable. Il s'agissait donc bien de savoir si cela fonctionnait ou non. Nous n'avons cependant pas vérifié la bonne utilisation que fait Écomouv' de son outil. Ce sont deux choses différentes.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Il s'agissait donc d'un exercice censé déterminer si le système répondait ou non à vos attentes, la VSR, conduite par Écomouv', permettant ensuite de contrôler le bon fonctionnement de l'ensemble. Dans le cas contraire, à quoi pouvait servir la VSR ?

M. Jean-François Heurion. - Il faut replacer les différentes phases dans un projet d'ensemble... La VABF est réalisée sur une plate-forme de pré-production, qui n'est pas celle qui sera opérationnelle. On y teste simplement si les fonctionnalités sont réellement mises en oeuvre, et correspondent au fonctionnement qu'on est en droit d'attendre.

À travers la VSR, on s'assure que le système fonctionne correctement à partir de la future plate-forme de production, dans des conditions réelles. Il existe en effet toujours un risque de mauvais paramétrage ou d'absence de composants. On s'assure que l'environnement est capable d'assurer le fonctionnement une fois le service ouvert.

Ces deux phases peuvent, il est vrai, sembler identiques vues de l'extérieur...

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Cela ne me cause pas de soucis. Ce qui m'ennuie davantage, c'est le fait qu'en matière d'enregistrement de redevables, abonnés ou non, on ne soit que sur l'exploitation réelle. Cela signifie que les 180 818 redevables abonnés sont réellement enregistrés par les SHT, et que les 538 redevables non abonnés le sont par Écomouv'.

Ce chiffre de 538 ne me paraît pas correspondre à une charge réelle ; je me demande même comment on a fait pour avoir ce nombre de non abonnés, alors que les moyens pour s'enregistrer n'étaient toujours pas disponibles en décembre ! D'où sort-on ces chiffres ? Est-on certain de l'existence de 180 818 abonnés enregistrés en situation réelle ? Est-on capable de savoir ce qui relève du test et ce qui relève du réel, nominativement ? Cette flotte est-elle réellement enregistrée ou s'agit-il encore d'un test ?

M. Jean-François Heurion. - Vous vous référez au rapport de VSR fourni par Écomouv', que nous sommes en train d'examiner. Vous me permettrez de conserver des réserves tant que nous n'aurons pas fini l'examen de ce rapport... Nous pourrons ensuite en parler en toute sérénité.

Les abonnés auxquels vous faites allusion sont de futurs utilisateurs, enregistrés sur le système opérationnel, et qui ne font pas partie de la VSR en tant que telle. On est à environ 200 000 abonnés pour 520 non abonnés.

Pour ce qui est de l'origine des non abonnés, le mieux est de demander à Écomouv'. Certains non abonnés se sont peut-être inscrits par l'intermédiaire des bornes automatiques. Je ne saurai vous fournir la réponse tout de suite. Quoi qu'il en soit, ce sont de véritables futurs utilisateurs qui sont enregistrés, l'enregistrement ayant été ouvert officiellement le 19 juillet 2013 pour les abonnés, et en octobre pour les non abonnés. Écomouv' est normalement en mesure de faire le distinguo entre les véhicules réellement enregistrés et ceux qu'elle a fait participer au titre de la VSR, étant maître des véhicules qu'elle fait entrer dans la flotte guidée et dans les tests. Elle peut donc supprimer toutes les données correspondant à ces tests.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - En êtes-vous certain ? Avez-vous les moyens de le vérifier ?

M. Jean-François Heurion. - Oui.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Il s'agit donc d'une vérification que vous allez mettre en oeuvre ?

M. Jean-François Heurion. - On a déjà vérifié récemment certains dires d'une société de transport. Nous sommes allés chez Écomouv' pour déterminer ce qui a été effectué ou non. Nous avons également les moyens de voir si Écomouv' a bien supprimé les données de VSR.

Mme Anny Corail. - C'est bien parce que l'enregistrement est aujourd'hui ouvert de façon officielle, tant pour les redevables abonnés que non abonnés, que nous avions anticipé la VABF et la VSR. Tous les redevables enregistrés dans ces bases sont donc bien prévus pour la mise en oeuvre de la taxe au 1er janvier, et restent enregistrés tant qu'ils le souhaitent...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Êtes-vous vraiment allés faire des contrôles à Metz, en dehors de la VABF et de la VSR ? Il me semble que c'est de votre responsabilité. Je crois que peu de non abonnés sont équipés. Pouvez-vous me confirmer que les 173 portiques fonctionnement ? L'avez-vous observé ? Qui nous le garantit ?

Certaines personnes estiment aujourd'hui que le système ne fonctionne pas ! Notre rôle est de connaître la teneur des engagements de l'État et d'Écomouv'. Que va-t-il se passer suite à la suspension de l'écotaxe ? Il y a là des engagements financiers à la clé ! Il est très important de savoir si Écomouv' a rempli ses engagements ou non, au-delà de la VABF et de la VSR !

Mme Anny Corail. - Il n'est pas prévu que nous vérifiions un par un le fonctionnement des 173 portiques -qui ne sont d'ailleurs plus 173 aujourd'hui. S'ils étaient actionnés, on saurait s'ils sont opérationnels ou non.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Cette vérification n'a pas encore été faite ?

Mme Anny Corail. - Non, nous n'avons pas encore pu la réaliser puisque la taxe n'est pas encore mise en oeuvre. Tous les dispositifs (portiques et déplaçables) ne sont pas mis en oeuvre en même temps. Il est prévu d'en mettre un certain nombre régulièrement en fonctionnement chaque mois, le nombre, l'heure et les jours changeant. L'objectif, pour les déplaçables, est en fait de les déplace régulièrement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Il est bon d'exercer de tels contrôles, mais c'est une course contre la montre ! La question est de savoir si Écomouv' est fondée ou non à demander la mise à disposition ! Les contrôles sont donc essentiels.

Pourquoi l'Allemagne réalise-t-elle l'écotaxe avec un seul document ? Pourquoi en demandez-vous vingt-cinq ? Vous avez monté une incroyable usine à gaz -et c'est peut-être ce qui coûte cher- et l'on vous sent assez frileux pour contrôler si Écomouv' a rempli ses engagements ou non ! Je vous le dis comme je le pense !

Mme Anny Corail. - La règle du jeu, lorsqu'on a un contrat, n'est pas de vérifier si chaque outil fonctionne. On vérifie un certain nombre d'installations, ce qui a été fait. On a d'ailleurs prononcé la VABF.

Par ailleurs, un conducteur peut enregistrer son véhicule avec deux documents qui se trouvent normalement à bord. Vingt ou trente documents ont peut-être été listés, mais il s'agit là de l'ensemble des possibilités. Il faut au maximum six documents pour pouvoir s'enregistrer, pas plus !

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Dans ce cas, il y a un énorme problème de compréhension ! Ce n'est pas le retour que nous en avons ! Il y a au moins un défaut de pédagogie.

Mme Anny Corail. - Je ne conteste pas le fait qu'il faut peut-être faire preuve de plus de pédagogie et de communication sur la manière de s'enregistrer. C'est ce que nous avions commencé à faire, avant que les événements ne tournent différemment.

L'enregistrement d'un véhicule ne nécessite que le certificat d'immatriculation, éventuellement le document relatif à la location, et un document concernant la classe Euro, le taux relevant de celle-ci. Malheureusement, la classe ne figure pas encore sur tous les certificats d'immatriculation. Le détenteur du véhicule, pour bénéficier de la classe Euro qui est la sienne, peut fournir un autre document. On ne demande pas les quatre documents, mais un seul parmi les quatre. L'objectif était de fournir une solution sécurisée pour chacun, et de pouvoir identifier le propriétaire, l'utilisateur ou le locataire. Ces documents se trouvent tous dans le véhicule.

Peut-être y a-t-il eu, dans un premier temps, des applications, par le prestataire commissionné, bien plus restrictives que ce que nous attendions. Nous avons d'ailleurs cherché à savoir quelles étaient les exigences qui posaient problème, et qui n'étaient pas les nôtres. Nous sommes allés faire un contrôle sur place. Des rejets très importants ont existé, du fait que les formats entre les SHT et Écomouv', dans un premier temps, n'étaient pas les bons.

Plus de 50 % des rejets s'expliquent également par le fait que les données n'étaient pas correctement saisies par les SHT. J'ai pu moi-même constater des erreurs dans les noms de redevables, de sociétés, ou dans le numéro d'immatriculation. C'est un dispositif technologique, et l'on est obligé d'être très strict dans l'énoncé des éléments.

Par exemple, la plaque d'immatriculation française est très proche de la plaque d'immatriculation italienne, la différence résidant dans le tiret. Or, si on intègre des tirets alors qu'ils n'existent pas, on enregistre une plaque d'immatriculation française à la place d'une plaque italienne ! Le redevable peut estimer qu'il n'est pas très grave de faire figurer ou non un tiret, mais ce n'est pas le cas, car le dispositif ne reconnaîtra pas le véhicule.

Plusieurs autres détails rendent les choses difficiles pour le redevable, face à un outil qui ne peut faire de différence. Il en va de même pour les documents d'enregistrement. Nous avons eu, fin septembre, des rejets par ECOMOUV' d'inscription de redevables déclarés en qualité de propriétaires, alors que les documents justificatifs joints indiquaient clairement qu'ils n'étaient que locataires. Je pense que les SHT ont appris à être plus rigoureuses, mais il est vrai que les premiers retours ont été massifs, en raison des explications que je viens de vous fournir.

Les questions qui ont été posées par les SHT ont permis d'éclaircir bien des points et d'apporter des assouplissements. Une intervention humaine aurait pu rectifier certaines choses. Avec une saisie entièrement automatique, personne ne peut prendre la responsabilité de changer les données validées par la SHT.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Lors de la seconde VABF, j'ai cru comprendre que les défauts majeurs n'étaient pas aplanis...

Cela étant, êtes-vous informés qu'entre le moment où un transporteur demande à faire son enregistrement et le moment où il est effectivement enregistré, il s'écoule trois semaines à deux mois ?

Mme Anny Corail. - Oui, on nous l'a dit, mais entre le moment où les éléments arrivent chez Écomouv' et la réponse, il ne s'écoule au maximum que 48 heures.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - J'ai cru comprendre qu'Écomouv' disposait d'une zone de stockage de données, et que les traitements pouvaient attendre plus de 48 heures...

Mme Anny Corail. - Oui, mais pas trois jours. En principe, Écomouv' le fait au fur et à mesure...

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Entre 48 heures et deux mois, le laps de temps est important !

Mme Anny Corail. - Mais ce n'est pas forcément du fait d'Écomouv' !

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Ce n'est pas ce qui nous a été dit...

Disposiez-vous d'une grille pour distinguer les défauts majeurs des défauts mineurs ? Vous nous avez dit que la classification dépendait de la nature du défaut, et de leur quantité. Mais encore ?

Mme Anny Corail. - Tout dépendait du fait de savoir si le défaut répondait, ou non, au cahier des charges et avait, ou non, un réel impact sur la collecte, le contrôle ou la qualité des données nécessaires à la définition du point de tarification. Une mauvaise collecte, une mauvaise liquidation, des notifications erronées, des enregistrements impossibles à réaliser étaient considérés comme des défauts majeurs. À l'inverse, le fait que certaines données d'enregistrement figurent par exemple en haut du document, alors qu'elles auraient dû se trouver en bas, était considéré comme un défaut mineur.

Le dispositif Écomouv' n'est pas seul en cause, ces données devant être traitées par le système informatique des douanes...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Avez-vous testé ces échanges ?

Mme Anny Corail. - Absolument.

Tous les recours -pour refus de remboursement ou contestation d'infraction, par exemple- devront être traités par les douanes selon les règles du code des douanes. Nous n'avons pas besoin d'un dispositif fonctionnant comme un péage ou un réseau concédé, mais de quelque chose qui réponde aux règles du code des douanes, car nous allons devoir défendre le dossier selon celles-ci.

Les recours qui existent et les règles qui les régissent peuvent paraître compliqués, même pour Écomouv', mais ils correspondent aux procédures de traitement des demandes de remboursement et des contestations définis par le code des douanes

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - On a donc fait de l'écotaxe une taxe douanière !

Mme Anny Corail. - C'est en effet ce qu'en a fait la loi.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - A-t-on eu raison de le faire ?

Mme Anny Corail. - Je ne me prononcerai pas sur ce point, mais dès lors qu'on en a fait une taxe douanière, et que celle-ci doit être gérée par les douanes, c'est ainsi que les choses doivent être conduites. C'est peut-être plus compliqué du fait de l'existence de deux intervenants, dont le premier peut apparaître, aux yeux du redevable, comme un prestataire privé, ce qu'il n'est pourtant pas lorsqu'il intervient. Nous le désignons d'ailleurs sous le terme de « prestataire commissionné », car il doit appliquer les règles utilisées en matière douanière.

M. Jean-François Heurion. - Un exemple de défaut mineur : lorsqu'il s'enregistre, le redevable peut recevoir un accusé de réception par mail, ainsi que son document d'enregistrement. Il est arrivé que l'objet de ce mail ne soit pas en accord avec la pièce jointe. L'examen de cette dernière permettant de comprendre le mail reçu, nous avons classé ce fait comme défaut mineur, car il n'empêchait pas la compréhension de ce que l'on venait de recevoir.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Pour illustrer la complexité, on peut aussi noter que vous réclamiez lors de l'enregistrement, l'envoi des pièces par Internet, mais également un PDF...

Mme Anny Corail. - Non, cela peut également n'être envoyé que par Internet. Le document est généralement scanné, voilà tout...

M. Jean-François Heurion. - Les scans sont, par nature, souvent en PDF...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Vous êtes donc en train d'examiner le dossier...

Mme Anny Corail. -... Avec l'équipe projet !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Les douze personnes ?

Mme Anny Corail. - Non, nous ne sommes pas douze personnes à travailler sur ce sujet...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Qui examine le dernier document pour dire que la demande de mise à disposition est fondée ?

Mme Anny Corail. - Le directeur de projet, ses adjoints, mon adjoint et Capgemini. Ce dernier élabore un pré-projet et une pré-analyse, que nous vérifions et validons ensuite, un peu comme pour la VABF...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Le délai de deux mois vous sera-t-il nécessaire ?

Mme Anny Corail. - Oui.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Les transporteurs ont évoqué une amende forfaitaire de 750 euros pour défaut de branchement ou absence de boîtier. Confirmez-vous ce montant ?

Mme Anny Corail. - Non, la loi parle d'une amende maximum de 750 euros. Mais ce qui est forfaitaire, c'est la taxe réclamée. À partir du moment où le transporteur n'a pas d'équipement embarqué, on ne peut savoir par où il est passé. Dans ce cas, on applique une taxe forfaitaire.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Quel en est le montant ?

Mme Anny Corail. - C'est en fait l'assiette qui est forfaitaire. Elle porte sur 500 km. En revanche, le taux dépend du véhicule en lui-même. Il n'est pas le même pour un véhicule de catégorie III ou de catégorie I. Quant à la classe euro, on ne la connaît pas, et on ne peut la deviner.

Il est également prévu d'appliquer une valeur de « périphéricité », selon l'endroit où se situe le véhicule.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - 50 % en Bretagne, 25 % en Aquitaine...

Mme Anny Corail. - C'est cela !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Ce n'est pas très simple !

Mme Anny Corail. - Je le reconnais...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Vous rendez-vous compte que vous n'êtes pas capables d'indiquer le montant de l'amende ! Imaginez la réaction du transporteur « lambda » !

Mme Anny Corail. - On ne peut préciser le montant exact de la taxe, mais une taxe forfaitaire est d'environ 75 euros.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - C'est trop compliqué ! On s'étonne du rejet des transporteurs, mais ils nous ont indiqué avoir appris les choses peu à peu, et par la voix des SHT. Ils ont retenu la somme de 750 euros. D'où la tiennent-ils ?

Mme Anny Corail. - Il s'agit de l'amende maximale !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - On a entendu parler d'un doublement de celle-ci...

Mme Anny Corail. - Non, il s'agit du doublement de la taxe.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Tout est donc compris dans les 750 euros ?

Mme Anny Corail. - Non, il existe une taxe qui est due quoi qu'il en soit, dont l'assiette est forfaitaire mais, pour ne pas léser les véhicules de petit gabarit, ni ceux qui circulent dans une zone périphérique le taux qui est appliqué tient compte de la catégorie, classe euro et de la périphéricité lorsqu'elles sont connues...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Cette taxe écologique doit-elle être une taxe douanière ? Je me pose de plus en plus la question ! Je vous le dis sincèrement. Pour tuer quelque chose, il n'y a pas mieux !

Comment les choses se passent-elles si on repasse sous un portique après avoir été contrôlé ?

Mme Anny Corail. - On peut être verbalisé une seconde fois...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - En tant que parlementaire, je me dois de vous dire que nous ne pouvons adhérer à des systèmes si peu clairs. J'ai déjà pointé du doigt la complexité de l'enregistrement ; j'y ajoute celle de la sanction !

Vous nous avez fort bien expliqué les choses du point de vue des douanes, mais je pense qu'on a eu tort de transformer une taxe écologique en taxe douanière ! Ce n'est pas une très bonne idée !

Mme Anny Corail. - L'amende elle-même est une amende transactionnelle, certainement moins importante que les 750 euros prévus par la loi.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Les transporteurs ne peuvent travailler avec une telle épée de Damoclès au-dessus de leur tête, en souhaitant obtenir un bon accord transactionnel ! L'économie ne fonctionne pas ainsi !

Mme Anny Corail. - La proposition transactionnelle est toujours un élément favorable au redevable.

Quant au fait que le taux ne soit pas unique, c'est bien parce qu'il s'agit d'une taxe écologique, qui voulait tenir compte de la nature du véhicule. Ce ne sont pas les douanes qui ont fixé les modalités de définition du taux. Ce taux a été appliqué pour tenir compte de la catégorie du véhicule et de la zone géographique. La douane n'a fait qu'appliquer ces règles.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - On a l'impression, au fil des auditions, que l'État a vraiment voulu faire rentrer un milliard d'euros de taxe, quel qu'en soit le coût pour le contribuable, avec si possible une fraude zéro.

Est-ce un sentiment que vous partagez ? Quel lien faites-vous entre une erreur sur un million et le fait que le taux de fraude fiscale est généralement estimé, en France, autour de 3 % ?

Mme Anny Corail. - Il s'agit d'une question de fiabilité du dispositif. Le taux de fraude que nous avons estimé était proche de 5 %

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Pourquoi ne pas avoir choisi un système déclaratif, certainement plus simple à mettre en place, moins compliqué technologiquement, et qui devait pouvoir amener à un taux de fraude similaire ?

Mme Anny Corail. -... Mais plus difficile à contrôler, sauf à vérifier auprès de chaque entreprise le nombre de kilomètres parcourus ! Je rappelle que le contrôle d'un système déclaratif ne pourrait porter que sur les véhicules immatriculés en France, mais non sur des véhicules étrangers.

Mme Virginie Klès, rapporteur. -... Sauf à imposer à tous les véhicules un système identique à celui qui existe en Allemagne !

Mme Anny Corail. - Le système allemand est en grande partie non déclaratif. Il s'agit majoritairement d'un équipement embarqué. Le déclaratif porte davantage sur les occasionnels. Or, le dispositif que vous proposez relève du déclaratif général. Le déclaratif occasionnel ne pourrait éventuellement toucher que les redevables non abonnés, mais suppose un contrôle bien plus important, alors que le déclaratif général ne comporte pas de dispositif de contrôle. Il est nettement moins efficace que le contrôle par portiques. L'Allemagne joue en grande partie sur des équipements embarqués, plus faciles à contrôler. Le nombre de portiques, en Allemagne, est assez élevé.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - On nous a dit que les portiques permettaient de contrôler un grand nombre de camions à l'heure ; en France, vous nous avez dit que les portiques ne fonctionneraient pas tous en même temps. On ne contrôlera donc pas 800 000 camions à l'heure !

Mme Anny Corail. - Il n'a pas été dit que l'on contrôlerait 800 000 camions ! Nous avons dit que le dispositif de contrôle permettait de contrôler 230 000 passages dans la journée. Ce n'est pas la même chose !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - C'est vrai...

Mme Anny Corail. - L'objectif n'était pas de vérifier 800 000 camions.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous nous intéressons à la façon de faire redémarrer ce système. Même si ce n'est pas notre mission, on ne peut s'empêcher d'y penser !

La réunion est levée à 19 h 00.