Mardi 29 avril 2014

- Présidence de Mme Marie-Hélène des Esgaulx, présidente -

La réunion est ouverte à 17 h 30

Audition de Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous entendons Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie depuis le 2 avril 2014.

Je rappelle que notre commission d'enquête porte sur « les modalités du montage juridique et financier et l'environnement du contrat retenu in fine pour la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds », sujet différent de celui dont est saisie la mission d'information de l'Assemblée nationale, qui s'interroge sur les contours d'une nouvelle écotaxe pour financer les infrastructures.

Nous souhaitons, madame la ministre, connaître votre analyse sur le choix de la société Écomouv' pour mettre en oeuvre l'écotaxe ainsi que sur le contenu du contrat signé avec elle, et votre appréciation quant à la conduite de ce projet par vos prédécesseurs. Allez-vous maintenir l'écotaxe dans son principe ? Dans ses modalités ? Allez-vous mettre fin au contrat ? Si oui, comment - déchéance, résiliation pour motif d'intérêt général, résiliation pour faute ? Ou bien entendez-vous poursuivre, en signant un avenant au contrat ? Bref, quelle est votre solution pour régler la situation avec Écomouv' ? Et avec les banques ?

Cette audition est ouverte au public et à la presse et fait l'objet d'une captation vidéo. Un compte rendu en sera publié.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Ségolène Royal prête serment.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Vous n'étiez pas au gouvernement lorsque le projet d'écotaxe s'est concrétisé par la signature du contrat avec Écomouv', mais je suppose que vous vous êtes plongée dans le passé afin d'éclairer le futur. Quelle appréciation portez-vous sur le choix de la société Écomouv' et sur l'ensemble des choix qui ont conduit à privilégier, plutôt qu'un système déclaratif ou une vignette, une option technologique mise en oeuvre dans un partenariat public-privé ?

Mme Ségolène Royal, ministre. - Je vous remercie d'avoir souhaité m'entendre et de rappeler ici que je n'ai pas eu part à la signature de ce contrat. Nous sommes aujourd'hui dans une impasse et je suis heureuse que le Sénat et l'Assemblée nationale se soient saisis du sujet, car vos travaux éclaireront le gouvernement et nous aideront à prendre les bonnes décisions.

La première curiosité, en cette affaire, tient au calendrier. Voilà une réforme qui a été décidée lors de la conférence intergouvernementale de 2007, votée dans la loi Grenelle de 2008, dont elle constituait une mesure emblématique. Le contrat n'est pourtant conclu que fin 2011, et fait l'objet, le 6 mai 2012, d'un décret fixant les modalités de répercussion, pris de façon précipitée en un temps où le gouvernement d'alors aurait dû se contenter d'expédier les affaires courantes, ce qui va déclencher les événements en Bretagne.

Ce dispositif très technique reposait, dans ses grandes lignes, sur une répercussion au réel, mais requérait des calculs a priori de l'écotaxe générée par la prestation de transport, puis des calculs a posteriori de l'écotaxe effectivement générée par la prestation de transport en fonction des trajets réellement entrepris, avec des règles de partage pour les transports mélangeant plusieurs clients. Les transporteurs ont considéré que ce dispositif était complexe et fragilisait leurs relations commerciales puisqu'il supposait une modification a posteriori du coût de la prestation de transport. Solidement organisés, ils avaient, dès 2010, indiqué au gouvernement qu'ils seraient attentifs à voir retenu un dispositif leur permettant de répercuter l'écotaxe sur leurs clients, c'est à dire les chargeurs. Il y a là une première perversion du système, puisque destiné, à l'origine, à faire payer aux camions le coût d'usage des infrastructures, il conduira, in fine, à faire payer les chargeurs, c'est à dire les producteurs.

A son arrivée, le nouveau gouvernement a souhaité concevoir un dispositif alliant simplicité et garanties pour les transporteurs, mais prenant sans doute insuffisamment en compte la sensibilité pour les chargeurs, exacerbée en Bretagne. Il reposait sur les principes suivants : il était calculé, pour chaque région, le montant total de l'écotaxe générée par tous les transports de la région ; ce montant, rapporté au cumul de tous les transports effectués dans cette région permettait de calculer un taux unique pour la région concernée et toutes les prestations de transport, quel que soit le réseau utilisé, y étaient affectées d'une majoration sur la base du taux calculé. On peut l'illustrer avec l'exemple de la Bretagne, où il est calculé que le montant total de l'écotaxe générée dans la région, une fois inclus l'abattement de 50 % qui lui est reconnu, serait de 45 millions d'euros. L'ensemble des prestations de transport étant de 1 200 millions d'euros, l'écotaxe représente 3,7 % de ce montant. Il est donc décidé que tous les chargeurs de la région acquitteront sur leur facture, pour tous les transports qu'ils commandent, une majoration de 3,7 %. Ainsi pour toutes ces entreprises, l'écotaxe se traduit, simplement et douloureusement, par une majoration uniforme de 3,7 % de leur budget transports. On n'est plus du tout dans le principe de départ : les transporteurs ont obtenu un dispositif sécurisant, mais pour les chargeurs, l'écotaxe se traduit en une simple taxe sur les prestations de transport, comme si avait été créé un taux de TVA majoré sur l'activité transport.

L'entreprise Écomouv' qui a accompagné, et j'imagine conseillé, le gouvernement qui a édicté le décret du 6 mai 2012 et conduit à ces adaptations porte sa part de responsabilité. Ce qui faisait le coeur du contrat, qui tendait à faire payer les transporteurs, a été perdu de vue.

Deuxième observation, ce contrat comporte des clauses assez exorbitantes, puisqu'il prévoit une rémunération des fonds propres à hauteur de 17 %, à quoi s'ajoute un coût de prélèvement de 25 % - très au-delà des coûts de recouvrement par l'administration fiscale. Est-ce bien défendre les intérêts de l'Etat que de donner à une entreprise privée le pouvoir de percevoir une taxe à un tel coût ? Sans compter que toutes les péripéties qui ont entouré ce contrat, depuis les retards dans les équipements et leur installation, en passant par les négociations avec les transporteurs, qui ont retardé l'exécution du contrat, signé fin 2011, jusqu'à la remise en cause de son objet initial par le décret du 6 mai 2012 visant à répercuter la taxe sur les chargeurs, ont fait subir un préjudice considérable à l'intérêt général. On entend beaucoup parler, dans cette affaire, du préjudice subi par Écomouv'. J'indique que je ferai valoir aussi celui qu'ont subi l'Etat et les collectivités territoriales, qui ont besoin du produit de cette taxe pour engager leurs travaux. Il faudra clairement évaluer la responsabilité d'Écomouv' dans ces atermoiements.

L'entreprise, de surcroît, n'a pas été parfaitement opérationnelle. Il y a eu du retard dans les installations. On est là dans un système qui coûte avant de rapporter. Et il n'y a pas même de certitude sur le coût, puisque le contrat peut être révisé en fonction du coût réel et que le chiffre de départ, de 250 millions d'euros, a vite enflé. En regard de quoi on n'a aucune certitude quant au rendement. On est en droit de se demander s'il n'y a pas, là aussi, un déséquilibre.

Il semblerait également que les exigences de la loi informatique et libertés ne soient pas respectées, puisque tous les roulants seront enregistrés, même ceux qui ne sont pas soumis à la taxe, le départ entre les redevables et ceux qui ne le sont pas n'ayant lieu qu'ex post. Pourquoi ce problème que soulève la CNIL n'a-t-il pas été anticipé par l'entreprise, et quelle solution technique a-t-elle à proposer pour préserver la vie privée des citoyens ?

Je me demande si Écomouv' n'a pas proposé, au total, un système un peu magique : un taux de recouvrement de 99 %, que même nos services fiscaux, aussi performants soient-ils, peinent à atteindre ; des délais qui paraissaient particulièrement courts pour l'installation des équipements ; un rendement assuré par un dispositif technique qui semblait d'une grande simplicité alors que l'on découvre, in fine, qu'il est extrêmement complexe. Sans parler du mécanisme de répercussion qui dévoie le principe initial du pollueur-payeur.

Je me suis interrogée, enfin, sur la sensibilité de l'opinion à ces portiques. Pour constater que ce mobilier, tout de même assez agressif, ne donnait pas lieu à délivrance d'un permis de construire. C'est ainsi que l'on en a vu tout à coup apparaître, dans certaines communes, sans que le maire soit même informé. Quand les citoyens constatent qu'ils doivent demander un permis de construire pour modifier une façade ou installer une clôture, tandis qu'aucune formalité n'est exigée pour installer ces portiques, qui ne sont pas anodins dans le paysage, qui enregistrent tout ce qui passe dessous et dont la raison d'être exigerait bien des explications, on peut comprendre que certaines réactions locales aient été très vives à l'encontre de ces objets non identifiés qui faisaient ainsi leur apparition.

Tels sont, pour moi, les éléments d'appréciation de ce dispositif. La question est maintenant de savoir que faire. Je n'ai pas de solution miracle, je ne suis pas Écomouv', et j'attends beaucoup de vos investigations et des éclairages que vous pourrez, comme l'Assemblée nationale, nous apporter.

Certaines des pistes que l'on a entendu évoquer me semblent, cependant, poser un problème de conformité à la Constitution. L'idée d'exclure totalement certaines régions, comme la Bretagne, du dispositif, ne contredit-elle pas le principe d'égalité devant l'impôt ? On a également parlé d'une prise en compte des spécificités agricoles : c'est là une piste qui me paraît fort complexe et pourrait donner lieu à contentieux, car comment définir quels producteurs doivent être exonérés ? La répercussion « en pied de facture » jusqu'aux grandes et moyennes surfaces (GMS) ne résoudra pas le problème, parce qu'elle sera facultative. Quant à l'idée d'une régionalisation, elle commence à soulever des inquiétudes quant au volet mobilité des contrats de plan Etat-régions, qui exige de la péréquation et de l'équité dans la répartition de cette taxe.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Vous dites que l'on s'est peu à peu éloigné des objectifs initiaux, mais le principe du pollueur-payeur, retenu par le Grenelle de l'environnement, est bien respecté : les chargeurs sont les donneurs d'ordre.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Vous avez pointé un certain nombre de responsabilités en soulignant le préjudice subi par l'Etat. S'agit-il là d'un argument que vous entendez faire valoir dans une optique de sortie de crise par la négociation avec Écomouv', afin de remodeler le contrat par avenant, ou envisagez-vous plutôt une sortie complète du dispositif de l'écotaxe, pour lui substituer autre chose, comme une vignette, par exemple ?

Mme Ségolène Royal, ministre. - Il est trop tôt pour trancher. J'ai approuvé le processus de conciliation, qui faisait suite à la dénonciation par le gouvernement Ayrault, mais n'ai pas encore donné de mandat précis au conciliateur, car j'attends le résultat des travaux de votre commission d'enquête pour lui adresser des instructions précises.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Vous avez souligné l'écart que l'on constate entre le consensus de naguère, lors du Grenelle, sur le principe de l'écotaxe, et les fortes réticences qui s'élèvent aujourd'hui sur certains territoires. Cette taxe, dans la version qui a été retenue, reste-t-elle bien une imposition écologique ou faut-il considérer qu'elle est devenue douanière ? A moins encore qu'elle ne cumule les inconvénients de ces deux types de fiscalité...

Mme Ségolène Royal, ministre. - Le retour du mot même d'écotaxe soulèvera toujours la même opposition. L'exemple de la Bretagne, que j'ai évoqué, montre qu'il s'agit, finalement, d'un impôt généralisé à 3,7 %. On est bien loin de la logique de la redevance ou du péage routier, auquel il vaudrait la peine de réfléchir. En particulier pour les transporteurs venus de l'étranger, qui transitent sur notre territoire sans contribuer en rien à l'entretien de nos infrastructures routières, pas même par la TIPP puisqu'ils font le plein de l'autre côté de la frontière.

Le dispositif financier et technique du contrat peut-il être remis d'aplomb ? C'est un système extrêmement complexe, et qui implique une déperdition de rendement, de l'ordre de 250 à 300 millions d'euros par an, difficilement acceptable tant au regard du contexte de réduction de la dépense publique que de nos besoins en matière d'infrastructures.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Le contrôle et les exigences de l'Etat - vous avez évoqué le taux de recouvrement - ont beaucoup pesé. Comment envisagez-vous les choses aujourd'hui ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Le taux de 99 % n'a pas été décidé par Écomouv' mais imposé par les services des douanes. C'est un taux très élevé, bien supérieur à celui qui a été demandé en Allemagne, par exemple.

Mme Ségolène Royal, ministre. - Mais les responsables d'Écomouv' se sont déclarés prêts à l'assurer. Nous sommes dans le cadre d'un contrat...

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Mais puisque l'on parle désormais d'aménager ce contrat, envisagez-vous de revoir à la baisse certaines exigences de l'Etat pour rendre le système moins onéreux et plus acceptable, et préserver son caractère incitatif - car il y a là un arbitrage politique à faire : veut-on une taxe douanière ou une taxe écologique ? Est-ce là une piste que vous envisagez ?

Mme Ségolène Royal, ministre. - Non, car je considère, pour l'instant, que c'est l'Etat qui a subi le préjudice principal. Et les collectivités territoriales, qui attendent pour engager leurs travaux. Comment l'Etat pourrait-il revoir à la baisse ses exigences, au risque de remettre en cause la procédure de mise en concurrence qui a présidé à l'attribution du contrat ? Sauf à reprendre le contrôle de l'ensemble du dispositif.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Mais combien de temps peut-on rester dans cette situation ? Écomouv' a demandé la mise à disposition. L'Etat avait deux mois pour répondre, soit jusqu'au 20 mars. Vous n'y êtes pour rien, mais on est aujourd'hui dans une situation presque précontentieuse. A combien estimez-vous le coût, pour l'Etat, de la suspension, au-delà de la perte de recettes ?

Mme Ségolène Royal, ministre. - Vous faites allusion à un dédommagement d'Écomouv' ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Je dirais plutôt à l'application du contrat, qui n'est pas suspendu, et comporte des clauses précises...

Mme Ségolène Royal, ministre. - La conciliation va permettre d'intégrer le préjudice de l'Etat. Il y a tout de même un problème d'opérationnalité de l'entreprise, qui s'est traduit par des atermoiements, des délais, des dysfonctionnements, sans parler de la non-conformité aux exigences de la loi informatique et liberté et de la sous-estimation des risques de réactions locales, alors que cela eût été la moindre des choses de prendre contact avec les maires avant l'installation des portiques. Toutes ces difficultés ont été un peu occultées, et l'on comprend pourquoi, par l'entreprise, mais elle devra, dans le cadre de la conciliation, rendre des comptes. Dans sa façon même de se comporter, l'entreprise a provoqué des retards, donc un préjudice.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Notre commission d'enquête doit impérativement, vous le savez, rendre son rapport le 27 mai. Si j'ai bien compris, le conciliateur n'aura pas reçu, à cette date, son mandat ?

Mme Ségolène Royal, ministre. - Vous avez bien compris. On ne va pas donner de mandat au conciliateur alors que vous êtes en train de travailler.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Mais pensez-vous que les banques vont attendre sans rien exiger ?

Mme Ségolène Royal, ministre. - Si l'on entre dans un contentieux, je ferai valoir le préjudice de l'Etat. Car on parle beaucoup du préjudice d'Écomouv', mais moins de l'intérêt général. Et je ne suis pas sûre que l'entreprise sera en position de force dans un contentieux.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Chaque partie a désigné un conciliateur, et ces deux conciliateurs devaient en désigner un troisième. L'a-t-il été ? J'ai du mal à discerner si l'on est véritablement entrés dans une période de conciliation, on si l'on est encore dans une période de négociation, sachant que chacun a intérêt à négocier. Nous avons besoin de le savoir, car nos travaux touchent à leur fin.

Mme Ségolène Royal, ministre. - Les deux conciliateurs désignés par chacune des parties en ont désigné un troisième. Il s'agit de M. Labetoulle. Ils peuvent donc dialoguer, mais nous n'avons pas encore donné de mandat précis au conciliateur que nous avons désigné.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Mais le gouvernement n'a pas encore agréé la mise à disposition ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Dont la demande a été faite en janvier.

Mme Ségolène Royal, ministre. - C'est un élément qui fait partie de la conciliation.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Merci de ces éclaircissements.

M. Michel Teston. - Dans la perspective de la mise en place de l'écotaxe poids lourds, le gouvernement Fillon avait fixé la taxe à l'essieu au niveau minimum. Cela ne constitue-t-il pas, depuis, une importante perte de recettes pour l'Etat ?

Vous avez évoqué une taxation des poids lourds en provenance de l'étranger. Sachant que les transporteurs français paient la TIPP, serait-il envisageable de mettre en place un dispositif visant à compenser le fait que les transporteurs venus de l'étranger ne la paient pas ?

Mme Ségolène Royal, ministre. - L'eurovignette ne peut être mise en place que s'il n'existe pas d'autres péages d'usage des infrastructures. L'Allemagne a pu le faire, car ses autoroutes sont gratuites. Tel n'est pas le cas en France, où les autoroutes, à la différence des routes nationales, sont payantes. Si l'on incitait les camions à les emprunter - tout en veillant à préserver l'équilibre des flux - l'augmentation induite du chiffre d'affaires des autoroutes pourrait être en partie reversée au bénéfice des infrastructures.

M. Éric Doligé. - Vous avez dit que les maires n'avaient pas été prévenus de l'installation des portiques et que les sensibilités avaient pu en être aiguisées dans l'opinion. Mais dans mon secteur géographique, ils l'ont été largement. Des autorisations d'implantation ont été délivrées à la suite de négociations approfondies, entre eux et la société Écomouv', sur le choix de leur emplacement.

Mme Ségolène Royal, ministre. - Tant mieux, car cela n'a pas été partout le cas.

M. Éric Doligé. - Je lisais le compte-rendu d'un entretien entre le président de la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, et le Premier ministre, qui y indique que le système précédent est complètement abandonné et que vous avez ouvert une réflexion sur la remise à plat du dispositif. Confirmez-vous cet abandon ? En quoi consiste la remise à plat ? Nous sommes tous inquiets de voir trainer ce dossier, vous êtes-vous fixé un délai ?

Vous évoquez les responsabilités. Dans le cadre d'une négociation, elles seront partagées. Or, les collectivités territoriales sont directement concernées, parce que les travaux programmés ne sont pas réalisés, mais aussi parce qu'elles devaient bénéficier de recettes. Il faudra le prendre en compte.

Vous dénoncez, enfin, le terme de taxe, mais je vous rappelle que le gouvernement Ayrault n'a pas témoigné des mêmes réserves lorsqu'il a autorisé les collectivités à augmenter les droits de mutation, en déclarant que cela n'était pas important puisqu'une taxe n'était pas un impôt.

M. François Grosdidier. - Vous parlez de remise à plat, mais n'est-ce pas plutôt une remise en cause ? Pour qu'un dispositif soit remis à plat, encore faut-il qu'il soit entré en vigueur, or ici, il semble qu'il soit plutôt question de l'abandonner.

J'ai noté bien des contradictions dans vos propos. A l'encontre de l'entreprise, vous dénoncez à la fois retards et précipitation. Mais nous avons pu constater ici comment le dossier a été appréhendé : les retards que vous dénoncez ont été négociés entre le partenaire privé et l'Etat. Et quand vous attribuez les émeutes en Bretagne à la précipitation avec laquelle aurait été pris le décret, faut-il vous rappeler que des observateurs très neutres s'accordent plutôt à les imputer à un ras-le-bol fiscal, cette taxe s'ajoutant à beaucoup d'autres, bien plutôt qu'au système d'Écomouv', qui avait été largement négocié, avec la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR) et les représentants de Bretagne ?

J'aimerais savoir ce qu'est pour vous la différence entre un dispositif incitatif et un dispositif punitif. Dès lors que l'on pose une réglementation assortie de sanctions, on est, en matière d'environnement comme ailleurs, dans le punitif. Or, le principe même de l'écofiscalité, c'est l'incitation. Je comprends donc mal que vous vous offusquiez de la répercussion sur les chargeurs. Le propre de l'écofiscalité, c'est bien d'intégrer les coûts environnementaux dans le prix de revient, donc dans le prix de vente d'un produit. Il s'agit d'éviter que les viandes issues d'animaux élevés en Bretagne, par exemple, n'arrivent dans nos supermarchés, quand elles sont transformées sur place, à un prix supérieur à celles dont la transformation est délocalisée. Les camions qui sillonnent ainsi la France évitent soigneusement la Suisse et l'Allemagne - qui ont choisi de taxer les transports plutôt que le travail - et, passant par l'Alsace et longeant le sillon rhodanien, polluent notre air et détériorent nos routes, sans rien payer.

La suspension du dispositif de l'écotaxe se fait au préjudice de ces régions frontalières, mais aussi de la Bretagne. Il est curieux que la réponse du gouvernement Ayrault à la fermeture de l'abattoir Gad, qui signe la délocalisation de l'aval de la filière agroalimentaire, se solde par l'abandon de l'écotaxe, qui avait précisément vocation à relocaliser les activités... Et si tel est bien votre choix, je crains que ne soient déçus les espoirs que vous fondez sur les conclusions de cette commission d'enquête pour permettre à l'Etat de s'exonérer de sa responsabilité financière à l'égard d'Écomouv' en cas d'abandon du projet sur un motif d'intérêt général, autrement dit une décision politique.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Il faut conclure.

M. François Grosdidier. - M. Teston a soulevé la question de la taxe à l'essieu. Les transporteurs français ont bénéficié de sa diminution, qui anticipait la mise en place de l'écotaxe. Ils ont aujourd'hui le beurre et l'argent du beurre. Ils acquittent certes la TIPP...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Il est temps de conclure.

M. François Grosdidier. - Un dernier mot sur le site de l'agglomération messine, où Écomouv' devait s'implanter. Qu'adviendra-t-il des emplois qui devaient compenser la restructuration de nos implantations de Défense ? Et vous sanctionnez encore ce site en lui refusant l'implantation du projet de centrale solaire qui y était prévu !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - On pourrait aussi s'interroger sur le sort des cent trente douaniers qui ont été transférés.

M. Louis Nègre. - Ceux qui attendaient, depuis 2007 que l'on y travaille, que l'écotaxe soit enfin mise en place, comme cela a été fait dans d'autres pays, ont été un peu surpris par vos déclarations à l'emporte-pièce. Qu'allez-vous mettre à la place ? Tout le monde se le demande et, si j'ai bien compris, vous cherchez aussi. Vous avancez l'idée d'un péage, pourquoi pas. Mais il me semble politiquement délicat, à un mois des élections européennes, de parler, comme vous le faites, de faire payer les étrangers. Ne craignez-vous pas de libérer là des tentations démagogiques comme celles du Front national ? Si vous parlez de pénaliser les camions étrangers, où est l'Europe ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous avons beaucoup de questions...

M. Louis Nègre. - Il est un autre point sur lequel je veux attirer votre attention. Votre idée est, semble-t-il, d'envoyer davantage de camions sur les autoroutes, pour leur faire payer une surtaxe. Mais dans le Midi, et notamment dans les Alpes-Maritimes, dont je suis originaire, 600 000 poids lourds passent déjà sur l'autoroute A8. Alors que ce mur de camions est déjà un massacre pour la région, si vous en rajoutez, où va-t-on ? Je vous ai saisi aujourd'hui même d'une proposition de Philippe Mangeard, qui tend à s'appuyer sur le décret du 24 octobre 2011 relatif à l'information sur la quantité de dioxyde de carbone émise à l'occasion d'une prestation de transport...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Vous sortez du périmètre de nos travaux.

M. Louis Nègre. - Il s'agit de rechercher une solution préservant l'intérêt général.

M. Ronan Dantec. - J'essaierai de m'en tenir au sujet. J'ai pour ma part décelé, dans vos propos, madame la ministre, un souci de continuité de l'action de l'Etat qui me rassure. Nous sommes ici très nombreux à penser que le terme d'écotaxe était le pire que l'on pouvait retenir, et que celui de péage routier préserve mieux l'esprit de la redevance que nous entendions, de façon assez consensuelle, mettre en place. Il me semble que l'idée d'un péage qui serait, en somme, une taxe kilométrique sur l'usage, tout en visant à dénouer les blocages, est en continuité avec cet esprit. Peut-être pourrait-on aller encore plus loin vers un système au réel, en le faisant accepter par les transporteurs - puisqu'aussi bien ce sont eux qui ont négocié l'idée du « pied de facture » - pour aller vers une sortie de crise. Est-ce là pour vous une piste, ou bien allez-vous plus loin dans la remise en cause du système ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Vous avez eu, madame la ministre, un propos liminaire roboratif, qui a le mérite de la franchise et de la clarté, mais j'aimerais que l'on se penche sur les précisions que vous avez apportées. D'accord sur le point de départ : nous sommes dans une impasse. Mais où nous conduisez-vous pour en sortir ? J'observe qu'au terme d'une analyse très critique, vous avez conclu en disant que le dispositif pouvait difficilement être remis d'aplomb. Au sein de notre commission, cependant, une autre option semblait pouvoir tenir la corde, qui était de renégocier avec Écomouv' au mieux des intérêts de l'Etat et au plus près de l'objectif écologique de départ - favoriser le report modal. Visiblement, vous l'écartez. Est-ce l'option du gouvernement ? J'aimerais que l'on soit au clair là-dessus. La négociation avec Écomouv', dans laquelle vous commencez un peu haut, comme cela est la règle du jeu, doit-elle déboucher sur une conciliation - dont notre rapporteur conclut un peu vite de vos propos qu'elle est engagée - ou entendez-vous mettre par terre l'écotaxe, en écartant toute idée de compromis avec Écomouv' ? Et dans ce dernier cas, que faites-vous du risque financier, qui se compte en centaines de millions d'euros, pour l'Etat ? Comment assurer l'objectif écologique et le financement de l'Afitf ? Faire payer les autoroutes, et, éventuellement, faire payer sur les autres routes, pourquoi pas, mais à quelle échéance, comment ? Et comment, surtout, envisagez-vous de sortir du système actuel ? Car il ne suffit pas de condamner...

M. Philippe Leroy. - L'écotaxe a été votée, il y a deux ou trois ans, sur tous les bancs politiques. Mais on a vu se déliter l'adhésion à ce voeu national, parce que les transporteurs ont rouspété, parce que les agriculteurs ont rouspété, parce que chacun s'est employé à démonter le système. Et l'on se rend compte que le principe de continuité de l'Etat, par manque de fermeté, n'est pas assuré. Et voilà qu'en quelques années, un système que j'estime pour ma part nécessaire et sur lequel chacun s'accordait se trouve remis en cause.

Entendez-vous, madame la ministre, vous engager dans une conciliation ? Je me pose la question. Vous avez dénoncé la rémunération du capital de 17 %, et les frais de recouvrement de 25 % prévus par le contrat. Si vous entendez démarrer la négociation sur ces bases, il est clair qu'elle ne sera pas purement technique, faite d'adaptations mineures destinées à rassurer telle catégorie socio-professionnelle ou tel territoire. Vous placez la barre très haut, comme l'a relevé M. Capo-Canellas. Il serait bon que les chiffres que vous avez mentionnés soient sûrs.

M. Roland Ries. - J'ai été rapporteur sur ce projet de loi et je n'imaginais pas alors que l'on puisse en arriver à cette impasse, tant le consensus était large sur le principe, même si nous avions eu davantage de discussions sur les modalités pratiques de sa mise en oeuvre. Mon souci est à présent, comme c'est ici j'imagine celui de chacun, que nous sortions de cette impasse.

Je suis désormais convaincu que le système qui a été mis en place est un système perfectionniste, qui coûte très cher et dont il se révèle qu'il n'était pas nécessaire. Aurait-on retenu un système déclaratif, avec un taux de recouvrement de 95 % plutôt que de 99 %, ou une vignette, les choses auraient été très différentes.

Il n'y a que deux façons d'en sortir. La première, c'est d'amender le système, en réfléchissant par exemple au tonnage - la préfiguration alsacienne devait porter sur les 12 tonnes, on est ici à 3,5 tonnes - ou en travaillant sur les circuits courts... L'autre hypothèse, c'est d'abandonner le système, ce qui n'est pas sans conséquences financières puisqu'il faudra, même en négociant, indemniser Écomouv'. Et que mettre à la place si l'on veut appliquer le principe, souhaitable, d'un péage pour les poids lourds ? Un système déclaratif ? Une vignette ? Autre chose ?

Bref, nous sommes face à cette alternative. J'aimerais savoir si vous êtes au clair là-dessus.

Mme Ségolène Royal, ministre. - Que de questions ! Je vais tenter de faire la synthèse. Abandon ou remise à plat ? C'est affaire, monsieur Doligé, de vocabulaire. J'ai à gérer, au vrai, une situation de suspension, décidée par le gouvernement et non pas moi, et dont j'hérite. Il est normal que je recherche, avec votre aide et celle de la mission de l'Assemblée nationale, des solutions, et c'est bien pourquoi j'ai parlé de remise à plat - déclaration qui n'a rien de tonitruant.

Vous avez eu parfaitement raison d'évoquer le manque à gagner pour les collectivités locales. Il y a des portiques installés sur certaines routes départementales à la demande des conseils généraux, qui devaient rapporter 160 millions d'euros. C'est un vrai sujet...

Je ne polémiquerai pas avec vous, monsieur Grosdidier. Il est vrai que la loi a été votée à l'unanimité, mais on a vu d'excellents dispositifs théoriques connaître des problèmes d'application. On ne peut pas ignorer la réaction qui s'est manifestée dans le pays. La fiscalité écologique doit être comprise et acceptée par les citoyens, et servir à faire évoluer les comportements. C'est aussi là le fond du problème. Il y a eu un déséquilibre dans le dispositif, car une fiscalité écologique ne vise pas seulement à obtenir un rendement, au service des infrastructures, mais veut aussi inciter à des comportements moins polluants. Vous avez cité les Bretons ; ils ne demanderaient pas mieux que de choisir le fret, encore faudrait-il qu'ils aient le choix. Or, il n'y a pas de transport alternatif. J'ajoute qu'avec le système retenu à l'heure actuelle, la répercussion sur le producteur serait de toutes façons la même, qu'il choisisse la route ou le train. On en est arrivé à un système absurde à coups d'aménagements au gré des rapports de force. Sans polémique, reconnaissons que l'on hérite là d'une drôle de patate chaude ! La loi a été votée il y a six ans - et non pas trois ans - et c'est aujourd'hui qu'il faut trouver des solutions...Et les trouver ensemble, c'est bien pourquoi je ne veux pas entrer dans la polémique, parce que le volet mobilité des contrats de plan en dépend. A nous de travailler collectivement pour que les travaux, qui créeront des emplois, puissent être engagés.

Je ne vise pas les camions étrangers, monsieur Nègre, mais des camions venus de l'étranger. C'est d'ailleurs le dispositif qu'ont adopté le Royaume Uni et l'Allemagne : l'eurovignette aux frontières, dont le coût de prélèvement et de gestion est bien inférieur à celui d'un système de portiques sur l'ensemble du territoire. Il ne nous est pas permis, en France, parce que les autoroutes, qui ont été privatisées dans le contexte que l'on sait, sont payantes. Cela vaut la peine d'y réfléchir. Il n'est pas normal que les autoroutes fassent deux milliards de bénéfice, payés par les usagers, sans que rien n'en revienne au financement des infrastructures dans le cadre des contrats de plan. Pour ne rien vous cacher, nous sommes entrés en contact avec les actionnaires des sociétés autoroutières. Un prélèvement de moitié seulement de leur bénéfice correspond au rendement prévu pour l'écotaxe. Sans frais de recouvrement et sans passer, pour leur collecte, par le truchement d'une société privée. Cela vaut la peine de réfléchir à un partenariat intelligent, sachant que les actionnaires des sociétés autoroutières le sont aussi des entreprises de BTP qui ont intérêt à voir s'ouvrir les chantiers d'infrastructures routières, ferroviaires et de transports urbains en sites propres dont nous avons besoin. C'est une question d'intelligence collective.

Les fondements du texte, qui a été voté à l'unanimité, monsieur Dantec, sont solides. Considérer qu'il y a un droit d'usage sur les routes au même titre que sur les autoroutes est un raisonnement imparable. Sous réserve qu'existent aussi des transports alternatifs à la route, moins polluants, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. S'il s'avère que l'on s'est écarté à l'excès de ces fondements, il faudra bien renégocier l'ensemble du dispositif, ou bien trouver un système à plusieurs variables. Avec une part de prélèvement sur les autoroutes, négociée à l'amiable, pour éviter les délais d'un processus législatif et pouvoir mettre en oeuvre sans tarder les volets mobilité des contrats de plan. Pour avoir signé, comme présidente de région, ce volet mobilité, je sais que les entreprises attendent les chantiers, et qu'il faut les engager sans tarder. C'est là ma priorité. Cela suppose aussi de réorienter une part du trafic de poids lourds vers les autoroutes, en veillant, ainsi que l'a souligné M. Nègre, à ne pas surcharger les axes qui le sont déjà. Avec aussi des portiques aux frontières, qui, ciblant les camions venus de l'étranger, peuvent jouer le même rôle qu'une eurovignette, et apporter une recette supplémentaire.

J'ai l'intuition que si l'on parvient, par la négociation, à ne retenir ainsi que le versant positif de chaque mesure, on peut peut-être arriver à un paquet financier global, qui, levant l'hypothèque des coûts de recouvrement et de la garantie de retour sur capitaux propres, serait équivalent au rendement attendu de l'écotaxe.

Je n'écarte pas, monsieur Capo-Canellas, toute négociation. La preuve en est que nous avons désigné les conciliateurs. C'est en inventoriant toutes les solutions possibles que l'on parviendra à s'en sortir. Je n'ai pas condamné a priori l'écotaxe, mais je constate que ses complexités et les vives réactions qu'elle a provoquées ont conduit à sa suspension. Il me semble très compliqué de créer un dispositif à géométrie variable. Sous réserve d'examen complémentaire, il me semble que renvoyer la responsabilité aux régions ne serait pas leur faire un cadeau. Imaginez-vous que l'Alsace, par exemple, puisse décider seule d'appliquer l'écotaxe, sans provoquer de réactions ?

M. François Grosdidier. - Mais une expérimentation devait y avoir lieu...

Mme Ségolène Royal, ministre. - Les régions connaissent des configurations très différentes, les sensibilités n'y sont pas les mêmes, non plus que la situation des transporteurs et des chargeurs.

Pour être exacte, monsieur Leroy, après vous avoir rappelé que la loi n'a pas été votée il y a deux ou trois ans mais il y a six ans, je vous confirme que la rémunération sur capitaux propres est bien de 17 % et que lorsque nous estimons le coût de la collecte à 25 %, c'est sur la base d'un rendement attendu de 1,160 milliard d'euros, et d'un coût de collecte de 270 millions d'euros - voire davantage, ainsi que l'on nous l'a laissé entendre... Nous sommes donc bien, au bas mot, à 25 %. Cela signifie, en clair, que ces 25 % n'iront pas aux travaux d'infrastructure. Ce qui ne serait pas le cas dans un système de péage.

M. François Grosdidier. - Mais c'est aussi parce que le taux de la taxe est faible.

M. Vincent Capo-Canellas. - S'il était plus élevé, le taux de recouvrement serait moindre.

Mme Ségolène Royal, ministre. - Ne croyez-vous pas que serait peut-être un peu difficile à faire accepter ?

Oui, monsieur Ries, il faut tenter d'amender le système. C'est à quoi réfléchit la mission conduite par Jean-Paul Chanteguet à l'Assemblée nationale, dont j'attends les conclusions. Peut-être avez-vous des propositions à émettre à la suite de la phase d'observation en Alsace ?

M. Roland Ries. - L'expérimentation n'a pas eu lieu.

Mme Ségolène Royal, ministre. - Mais sa phase de préparation a-t-elle apporté des enseignements ?

M. Roland Ries. - Le seuil retenu était à 12 tonnes... Comme la période d'expérimentation aurait été de moins de six mois, on a décidé d'y renoncer. Reste que la demande est réelle en Alsace, qui pâtit d'un fort report du trafic depuis la mise en place de l'eurovignette en Allemagne.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Je vous remercie, madame la ministre. Nous avons compris que vos préoccupations sont plus centrées sur l'écotaxe que sur le contrat Écomouv', qui occupe notre commission d'enquête, et sur lequel je voudrais vous poser une dernière question. Pour vous, la responsabilité principale tient-elle à la personnalité de la société Écomouv' ou à la nature du dispositif retenu - un partenariat public-privé avec un contrat comportant des clauses complexes ?

Mme Ségolène Royal, ministre. - Il m'est difficile de vous répondre car je n'ai pas eu le loisir de comparer les offres, ni de mesurer les réalisations des entreprises candidates dans d'autres pays. C'est peut-être un tel travail qui vous éclairerait.

La réunion est levée à 18h40

La réunion est ouverte à 21 heures

Audition de M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous entendons à présent M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget depuis le 9 avril 2014.

Nous avons souhaité vous entendre, monsieur le ministre, pour connaître la manière dont sont gérés budgétairement la suspension de l'écotaxe poids lourds et le contrat Écomouv'. Comment comptez-vous compenser la perte de ressources pour l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'Afitf, pour l'exercice 2014 ? Les collectivités territoriales recevront-elles une compensation du fait de la suspension, qui résulte d'une décision unilatérale de l'État ?

Avez-vous envisagé toutes les conséquences budgétaires des différentes hypothèses de sortie du contrat ? Laquelle vous paraît la plus adéquate ? En cas de faillite d'Écomouv', liée à l'exigibilité de la dette par les banques et à l'absence de versement de loyers, avez-vous estimé le coût d'un plan social ?

Cette audition, ouverte au public et à la presse, fait l'objet d'une captation vidéo, et un compte rendu en sera publié.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Christian Eckert prête serment.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je vous remercie de votre accueil et m'efforcerai de vous répondre aussi précisément que possible, à ce bémol près qu'arrivé de fraîche date dans mes fonctions avec une actualité particulièrement chargée, je n'ai encore pu prendre toute la mesure du dossier. J'ajoute que certaines questions touchant à des informations couvertes par la protection du secret des affaires ou fiscal, je ne pourrai y répondre que par écrit, dans les formes habituelles.

Permettez-moi de vous dire d'abord quelques mots des origines de la taxe elle-même, qui marque une nouvelle étape de la fiscalité écologique dans notre pays, et trouve son origine dans le Grenelle de l'environnement décidé par la précédente majorité, mais adoptée par le Parlement, grâce à une très large concertation, de façon transpartisane.

D'un taux relativement faible - 13 centimes d'euros par kilomètre -, cette taxe à visée écologique entend inciter à une rationalisation de l'usage du réseau routier en poussant au report modal - objectif largement partagé sur les bancs de nos assemblées - et en décourageant les parcours à vide, qui restent trop fréquents. Elle doit donner un prix à l'utilisation, par les poids lourds, de la route, dont l'usage n'est pas gratuit, contrairement à ce que l'on s'imagine trop souvent ; elle doit aussi permettre de taxer les poids lourds étrangers, qui empruntent notre réseau routier, parfois pour éviter le paiement des écotaxes qui sont déjà en vigueur depuis longtemps dans certains des États européens voisins, comme l'Allemagne, l'Autriche ou la Suisse.

Sa visée n'est pas uniquement comportementale : elle répond également à une logique de rendement, afin de financer des dépenses d'investissement et de maintenance. C'est dans ce cadre que le contrat Écomouv' a été conclu et qu'il convient d'envisager les différentes options qui sont sur la table.

Vous avez entendu plusieurs témoignages, dans le cadre de vos auditions. Je me contenterai donc de rappeler que ce choix a été opéré sous une triple contrainte technique, juridique et financière. Le dispositif impliquait, techniquement, la mise en place d'un péage sur un réseau ouvert, c'est à dire sans barrière, ce qui supposait un savoir-faire dont l'État ne disposait pas en interne. La directive européenne imposait de toute façon que la taxe soit collectée auprès de sociétés privées de télépéage, et obligeait donc à des intermédiations. Financièrement, enfin, le partenariat public-privé permettait un préfinancement par le cocontractant des coûts de construction.

La mission d'appui aux partenariats public-privé, la Mappp, avait, pour ces raisons, rendu un avis favorable à l'opération, même si elle a formulé des réserves importantes, notamment quant à la procédure de résiliation du contrat et à son coût. Son directeur, François Bergère, que vous avez entendu, vous a livré des éclaircissements.

En tant que secrétaire d'État au Budget, je me dois d'aborder un peu plus en détail les paramètres économiques et budgétaires du contrat. Son équilibre économique a donné lieu à bien des commentaires ; je me bornerai à constater que nous en avons hérité. Nous devons donc nous préoccuper de l'avenir.

Une rupture des relations contractuelles au 1er janvier 2015 pourrait entrainer le versement d'une indemnité à Écomouv', allant jusqu'à 850 millions d'euros, à laquelle il conviendrait d'ajouter les indemnités de rupture de contrats subséquents tels que ceux conclus avec les sociétés habilitées de télépéage, ainsi que certains frais financiers. Au total, les montants pourraient avoisiner les 950 millions d'euros, s'ajoutant à la perte de recettes annuelle liée à l'absence de mise en oeuvre de la taxe - environ 800 millions d'euros la première année, et jusqu'à 1,15 milliard d'euros en année pleine, dont 750 millions devaient revenir à l'Afitf, 250 millions aux prestataires et 150 millions aux collectivités territoriales.

Alors que nous avons 50 milliards d'euros d'économies à réaliser d'ici à 2017 dans le cadre du programme de stabilité, ajouter une telle dépense serait une décision très lourde de conséquences. En particulier, la diminution des ressources dévolues aux transports devrait nous conduire à revoir nos priorités en la matière. À cet égard, un abandon pur et simple de la taxe parait difficilement envisageable.

C'est notamment dans cet esprit que le gouvernement a cherché à maintenir le dialogue avec Écomouv'. Vous savez que la suspension de la taxe décidée par le précédent gouvernement a créé une situation de vide juridique, puisqu'elle n'était pas envisagée par le contrat. Cette situation a ouvert un espace de discussion avec Écomouv', dans lequel le gouvernement entend, avec bonne foi mais fermeté, faire valoir les intérêts publics. C'est dans ce cadre qu'ont été discutées les questions des retards et des pénalités afférentes, ainsi que du devenir des loyers durant la phase de suspension. Afin de préserver la négociation en cours, vous comprendrez que je ne puisse vous en dire davantage publiquement.

Plusieurs options sont ouvertes quant à l'avenir de la taxe, qui permettent une continuité du contrat, sous réserve, le cas échéant, de certains aménagements. Certaines de ces options sont identifiées de longue date. Il s'agit notamment des possibilités d'exemption qui restent ouvertes au titre de la directive, notamment en matière de transport d'animaux ou de transports agricoles de proximité, et qui peuvent être examinées avec bienveillance par la Commission européenne.

Mais il est également sain que le nouveau gouvernement se saisisse du dossier et puisse faire ses propres propositions. Ma collègue Ségolène Royal, que vous avez entendue, a évoqué des pistes de travail, telles que la reconfiguration de la taxe sous la forme d'un péage de transit, se concentrant sur les grands axes internationaux. Il nous faudra pleinement explorer ces pistes avant de prendre une décision définitive. À ce titre, je tiens à réaffirmer tout l'intérêt que le gouvernement portera aux conclusions de votre commission.

Dans tous les cas, nous aurons à concilier deux exigences fortes : la compatibilité de la solution retenue avec le droit européen et sa conformité avec le principe constitutionnel intangible d'égalité. Et il est clair que certaines propositions peuvent heurter, de façon orthogonale, ces deux exigences.

Je suis prêt à répondre à vos questions mais je rappelle, encore une fois, que je suis entré en fonction il y a quelques jours. J'ajoute que comme rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, j'avais demandé que me soit communiqué le contrat Écomouv', qui ne m'a jamais été transmis par le ministère des transports.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Qui est aujourd'hui chargé de négocier ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Mon collègue du ministère des transports.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Donc un secrétariat d'État sous l'autorité de Mme Royal, dont il m'a semblé, tout à l'heure, qu'elle n'avait pas une connaissance intime de ce contrat.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Vu l'importance des sommes en jeu, le dossier n'est pas étranger à la compétence de notre ministère, et sera même traité à un étage encore supérieur...

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Merci de votre propos liminaire. Quelle analyse faites-vous des contraintes respectives de la fiscalité écologique - qui ne vise que certains contribuables, via des taux assez dissuasifs pour modifier leurs comportements - et des exigences de rendement qui sont celles de Bercy - supposant une assiette très large et donc des taux très modérés ? L'écotaxe est-elle pour vous une taxe écologique ou douanière ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Il y a toujours un équilibre à trouver. On l'a vu avec la contribution climat-énergie. La décision qui a été prise n'est pas neutre puisque le poids de cette contribution, s'il restera modéré cette année, s'alourdira de façon significative en 2015 et 2016.

La taxe poids lourds a cette vertu qu'elle fait prendre conscience que l'utilisation des grandes voies routières a un coût, et pas seulement d'investissement. Les élus départementaux voire communaux savent bien que les dépenses d'entretien sont récurrentes. Le transfert de routes nationales aux départements a montré combien cette question était aiguë.

La route n'est pas gratuite. Ce sont, in fine, les contribuables français qui la payent. Il est logique que ceux qui l'utilisent, et en particulier ceux qui ne sont pas contribuables dans notre pays, participent. La vocation, ici, est de rendement. La question du report modal exige, me semble-t-il, des outils qui vont au-delà de seules questions de prix. La mise à disposition de grandes infrastructures, comme la liaison ferroviaire qui va de Luxembourg à Hendaye ou l'aménagement des voies fluviales, est extrêmement onéreuse. Il manque encore de telles alternatives à la route, ainsi que le soulignent les transporteurs. C'est pourquoi l'exigence de rendement est ici plus forte que dans le cas d'autres fiscalités environnementales. L'Afitf, qui finance non seulement les routes mais les autres moyens de transport alternatifs, a besoin de moyens.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - La perte de recettes liée à la suspension de la taxe représente, en année pleine, quelque 750 millions d'euros. Sera-t-elle compensée, pour 2014, via une réduction de la dépense publique ou envisagez-vous d'autres pistes ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Un abondement de 300 millions d'euros a été décidé pour mettre l'Afitf en mesure de respecter ses engagements. Le budget de l'Agence représente cette année un effort en dépense d'environ 1,8 milliard d'euros, comparable à celui du budget précédent. Il est clair qu'en l'absence de recette de substitution, il faudra rapidement se poser des questions quant à de nouveaux engagements, voire à l'engagement de nouvelles tranches de programmes en cours. Alors que le programme de stabilité suppose déjà une économie de 50 milliards d'euros, il est difficilement envisageable de prévoir un nouvel abondement budgétaire sans nouvelle ressource. Le gouvernement y travaille, ainsi que vous l'a exposé ma collègue Ségolène Royal tout à l'heure.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Les collectivités territoriales, qui attendaient des recettes, recevront-elles, d'une manière ou d'une autre, une compensation ? C'est une question que M. Doligé n'aurait pas manqué de vous poser s'il avait pu être parmi nous...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Surtout que cette perte de recettes fait suite à une décision unilatérale de l'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - La décision, c'est vrai, a été prise par l'État. Mais reconnaissons aussi qu'il n'a pas reçu tout le soutien qu'il pouvait espérer de certaines collectivités locales au moment de la mise en place de cette taxe. J'ai entendu certains présidents de région ou de conseils généraux dire qu'ils avaient besoin de l'écotaxe pour abonder leur budget, mais j'en ai aussi vu d'autres se joindre sans grande retenue aux mouvements de protestation, et qui posent aujourd'hui la question de leurs ressources... Si je sors là du cadre purement juridique, c'est qu'il y a tout de même dans ce dossier, soit dit sans acrimonie, une composante politique très prégnante. Car de quoi parle-t-on ? D'un principe adopté à la quasi-unanimité du Parlement qui, ensuite, se voit opposer une résistance sur le terrain, relayée par un certain nombre d'élus, y compris des parlementaires... Cela dit, la question des recettes se pose de la même manière que pour l'Afitf : il faut trouver une ressource de substitution. Reste à savoir si elle ira au seul budget de l'Afitf, ou si l'on retiendra un mode de répartition analogue à celui qui était prévu dans le cadre de l'écotaxe.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Mais sur quel fondement juridique le gouvernement peut-il suspendre une taxe votée par le Parlement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Vous savez quelles étaient, dans ce dossier, les options. On pouvait dénoncer le contrat, pour faute de l'exploitant. Et des fautes, il y en avait, mais était-ce suffisant pour qu'il soit donné raison à l'État ? On a estimé que le risque ne pouvait être pris. L'autre voie, qui a été retenue, était de discuter avec l'entreprise, sur les questions financières, bien sûr, mais aussi celle des personnels : 300 personnes travaillent pour Écomouv', qui risquent un plan social, et 120 agents des douanes sont également concernés, qui ont déjà été déplacés à Metz, et qui devraient se déplacer à nouveau... C'est une dimension humaine qu'il ne faut pas oublier. Je ne crois pas au vu des informations dont je dispose, que la société Écomouv' soit susceptible d'être mise en difficulté à court terme, mais il n'y en aura pas moins des frais financiers, auxquels nous pourrions être appelés à participer, sur le motif que vous avez indiqué.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Mais combien de temps peut-on tenir ainsi ? J'ai cru comprendre que dans votre esprit, on ne pouvait aller au-delà de cet exercice budgétaire, soit du 1er janvier 2015.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Face à de tels enjeux, financiers et humains - encore une fois, plusieurs centaines de salariés sont concernés - le gouvernement serait bien inspiré de prendre une décision politique sans tarder, même s'il faut donner le temps aux nouveaux ministres de prendre la mesure du dossier. S'il devait y avoir des contentieux juridiques, on ne pourra pas, en tout état de cause, attendre leur issue pour trouver une alternative.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Dans les 800 millions d'euros que vous avez évoqués tout à l'heure, vous ne comptez pas de dommages et intérêts contentieux ? C'est un calcul qui ne résulte que de l'application des termes du contrat ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Ce sont les évaluations qui m'ont été fournies, et qui prennent en compte les différents étages de coûts.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Mais qui pourraient être supérieures en cas de contentieux ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Pas forcément, les 950 millions d'euros que j'évoquais constituent l'hypothèse haute. Cela dit, plus le temps passe, plus les frais financiers pèseront lourd.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Au-delà des frais financiers, compte aussi la parole de l'État. On y regarde de près dans toute l'Europe. Il pourrait y avoir, y compris pour des sociétés françaises, des dommages collatéraux, que vous n'aurez pas manqué d'analyser ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Certes. Pour ma part, j'estime que l'Europe eût été bien inspirée de traiter à son échelle ce type de question. Les taxes qui existent dans certains pays posent des difficultés dans d'autres. Il est toujours plus facile de mettre, ex nihilo, quelque chose en place, que d'essayer de concilier des dispositifs qui se sont bâtis sans s'harmoniser...

S'agissant d'une société à majorité italienne, il est sûr que cette affaire comporte un petit volet diplomatique, qui devrait pouvoir se régler...

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Avez-vous analysé le coût global payé par l'État français, en incluant le volet formation, les recrutements pour les douanes, etc. ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Nous disposons d'éléments portant sur l'ensemble des postes - immobilier, fonctionnement, personnel, informatique, mobilier... Je puis vous les faire parvenir par écrit.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Ils incluent toute la phase de préparation et de suivi du PPP ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Oui, on démarre en 2012. Ce sont des sommes qui montent en charge, vous le verrez, et qui se chiffrent, sur certains postes, en dizaines de millions d'euros.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Une fois encore, sur quel fondement une taxe votée par le Parlement peut-elle être suspendue par le gouvernement ? Je souhaiterais une réponse écrite à cette question. C'est une question légitime à laquelle, à mon sens, notre commission doit répondre dans son rapport. De même que nous aimerions savoir si la Mappp, service de Bercy, a, de votre point de vue, correctement agi dans ce dossier, notamment au moment de l'évaluation préalable.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je vous préciserai tout cela par écrit, mais je rappelle qu'il y a eu, sur ce contrat, une première contestation.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Mais le Conseil d'État a annulé la décision du tribunal de première instance, qui cassait le contrat.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - J'étais alors rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, et m'y étais penché. La Mappp avait, je le répète, rendu un avis favorable, avec cependant des réserves sur la procédure de résiliation et le coût.

Quant à la suspension de la taxe, il me semble qu'on peut la fonder sur un motif d'ordre public. Les évènements qui sont intervenus, et que nous connaissons tous, exigeaient un rétablissement de l'ordre public. Force est de constater que la suspension de l'écotaxe a permis, de façon assez rapide sinon immédiate, de mettre fin à des manifestations dont les débordements commençaient à atteindre, en termes humains et surtout matériels, des proportions importantes.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Je comprends qu'il y a eu une décision politique, mais de mon point de vue, il n'y a pas eu un acte juridique. Si demain, une manifestation contre l'impôt sur le revenu se tient devant le Sénat, vous n'allez pas pour autant le suspendre...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - On parle ici de manifestations renouvelées de semaine en semaine, avec d'importantes détériorations matérielles.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Je regrette d'insister, mais il faut apporter une réponse au plan juridique.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je ne conteste pas la légitimité de votre question, mais vous la posez au tout nouveau secrétaire d'État au budget que je suis. Or, elle relève d'un cadre plus large, notamment eu égard à la temporalité du dossier - vous avez certainement entendu les ministres en charge dans les gouvernements antérieurs...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous allons en rester là car le débat en séance sur le pacte de stabilité va s'ouvrir. Je ne le dirai pas à la tribune pour ne pas vous mettre en difficulté, mais il me semble que dans l'annexe 9 de ce pacte, il est indiqué que la réduction des dépenses publiques permettra de couvrir l'absence du produit de l'écotaxe...

Il me reste à vous remercier de vous être prêté à ce difficile exercice.

La réunion est levée à 21 h 40