Mercredi 18 mars 2015

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 40.

Audition de Mme Hortense Archambault, ancienne directrice du festival d'Avignon, MM. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail et Jean-Patrick Gille, député, co-auteurs du rapport Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle

La commission auditionne Mme Hortense Archambault, ancienne directrice du festival d'Avignon, MM. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail et Jean-Patrick Gille, député, co-auteurs du rapport Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous entendons ce matin les auteurs du rapport sur le régime social des intermittents du spectacle, remis au Premier ministre le 7 janvier dernier et intitulé Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle. Je souhaite la bienvenue à Hortense Archambault, qui a codirigé le festival d'Avignon pendant dix ans ; à notre collègue député Jean-Patrick Gille, et à Jean-Denis Combrexelle, qui, en tant qu'ancien directeur général du travail, connaît le détail administratif et gestionnaire du dossier. C'est bien en raison de vos expériences que le Premier ministre vous a réunis dans une mission de concertation l'été dernier, dans les circonstances dont chacun, ici, se souvient.

Notre commission de la culture, vous le savez, suit de très près le régime social des intermittents. C'est à ce titre qu'un groupe de travail conjoint à notre commission et à la commission des affaires sociales, animé par notre collègue Maryvonne Blondin, avait établi un ensemble cohérent de douze propositions. Le titre de son rapport, Régime des intermittents : réformer pour pérenniser, présenté lors d'une table ronde organisée fin 2013 à l'initiative de notre présidente d'alors, Marie-Christine Blandin, me paraît également constituer un fil rouge de votre rapport.

M. Jean-Patrick Gille, député. - On se souvient qu'à la suite de l'accord du 22 mars entre les partenaires sociaux gérant l'Unedic, les cotisations d'assurance chômage pour les annexes 8 et 10 avaient été relevées de 2 % et le cumul entre allocation et revenu plafonné à 4 800 euros - pour une économie de 80 millions - ; en même temps qu'avait été largement augmenté le différé d'indemnisation pour une économie de 100 millions en année pleine. S'était, sur ce fait, engagé le conflit des intermittents, qui avait conduit à l'interruption du festival de Montpellier et fait peser une sérieuse menace sur celui d'Avignon. Le Premier ministre m'avait alors confié une mission d'urgence. N'entendant pas remettre en cause un accord passé entre les partenaires sociaux en abrogeant son agrément, comme le réclamaient les intermittents, il avait alors annoncé que le budget de la culture serait sanctuarisé, que l'État prendrait en charge le différé d'indemnisation et qu'une mission de concertation serait diligentée. Elle fut confiée à notre trio, improbable, mais qui a bien fonctionné.

Le conflit de l'intermittence est récurrent : une secousse tous les deux ans et, tous les dix ans, un séisme, le dernier en date étant celui de 2003, qui a rouvert la plaie. Pour nous, ainsi que je l'avais déjà souligné à l'époque, le problème central tient moins au fond qu'à la méthode. Comment discuter des annexes sans se laisser enfermer dans ce triangle infernal où partenaires sociaux de l'Unedic, acteurs de la culture et État se renvoient la balle ? Notre mission n'était pas de jouer les médiateurs en produisant, comme cela a trop souvent été le cas, un rapport sans lendemain, mais bien plutôt de nous appuyer sur une concertation avec l'ensemble des partenaires. Il s'agissait de parvenir à réunir les partenaires sociaux, ceux de la branche, la coordination des intermittents, l'État, les collectivités. Il a fallu user de beaucoup de diplomatie pour que tout le monde reste autour de la table, mais nous y sommes parvenus, et nous avons ainsi créé un cadre de discussion reconnu par tous.

Il fallait, ensuite, parvenir à dresser un diagnostic partagé. Pour dire les choses abruptement, c'est l'Unedic qui a les chiffres, mais la coordination, qui la juge acquise au Mouvement des entreprises de France (Medef), s'en méfie. Nous nous sommes donc adjoint des experts pour mener ce travail en commun. Les annexes de notre rapport montrent comment nous avons modélisé le système des annexes 8 et 10, non pas à partir d'un échantillon, comme cela est souvent le cas, mais en recensant 10 000 cas réels - sur les 100 000 concernés - dont le parcours a été reconstitué, ce qui a permis de procéder à des simulations crédibles en faisant jouer les paramètres. C'est désormais un outil précieux au service des acteurs.

Nous avons également mis en place des groupes de travail sur des sujets récurrents comme le rapport aux prestataires et, en particulier, Pôle emploi ; sur la formation professionnelle, étant entendu que l'accord récemment signé avait largement déblayé le terrain ; sur des questions sociales, enfin, comme celle des matermittentes.

Notre rapport esquisse, en tablant sur la dynamique que peut susciter ce cadre de travail, un scénario de sortie de crise, présenté le 7 janvier dernier au Premier ministre, qui nous a ensuite revus avec les ministres concernés, François Rebsamen et Fleur Pellerin. Son principe de base ? Faire confiance et renvoyer chacun, État et partenaires sociaux, à ses responsabilités, afin de faire venir le secteur à maturité. Un secteur où l'on se heurte à cette difficulté que ses salariés ne s'y sentent pas toujours représentés par les syndicats - d'où l'émergence d'une coordination - tandis que côté employeur, aucun syndicat n'est représenté dans les grandes organisations comme le Medef, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) ou l'Union des professions artisanales (UPA). En revanche, depuis 2003, un important travail conventionnel a été réalisé, sous l'impulsion de Jean-Denis Combrexelle, alors directeur du travail. Le secteur s'est structuré, passant de quarante à neuf branches, au sein desquelles l'interprofession peut désormais s'appuyer sur des interlocuteurs responsables. Je me réjouis que le Premier ministre ait repris notre scénario, en y ajoutant quelques propositions.

Nous recommandons, tout d'abord, d'inscrire l'existence des annexes 8 et 10 dans le code du travail. Le véhicule pourrait en être la loi sur le dialogue social. Il est vrai qu'elle ne viendra pas transcrire un accord, puisque les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à s'entendre, mais elle a cet avantage qu'elle devrait rapidement être présentée en conseil des ministres, autour de la mi-avril, et devrait donc être adoptée par le Parlement avant l'été. C'est une mesure d'apaisement ; elle lèvera l'éternelle menace sur les annexes qui planait sur toutes les négociations. Il faudra, au-delà, trouver une formule pour indiquer que les partenaires sociaux, dont relève la négociation sur l'assurance chômage, devront prendre en compte ces annexes propres à la culture. L'idée est que l'interprofession énonce les principes généraux de l'assurance chômage et en définit le cadre financier, mais en laissant jouer un principe de subsidiarité au bénéfice des professionnels du secteur de la culture - salariés et employeurs - qui sont le mieux à même de définir les critères s'y appliquant. Et c'est bien pourquoi il était important de les doter d'une capacité d'expertise. Reste à savoir si ce qu'ils décideront doit s'imposer ou être simplement pris en compte ; il reste là un équilibre à trouver.

Nous recommandons, en deuxième lieu, d'encadrer le recours au CDDU, le contrat à durée déterminée d'usage. Cela relève cette fois non de la loi mais de la négociation. Le fait est qu'il convient de contenir certains phénomènes d'optimisation, en interdisant, par exemple, le recours à ce contrat pour des durées minimes, qui peuvent parfois être inférieures à quatre heures. Ajoutons que dans un secteur comme l'audiovisuel, tout passe par le CDDU, y compris pour les secrétaires, les chauffeurs, alors que le recours à ce contrat est normalement limité par les listes annexées. Le Premier ministre juge qu'il faut revoir ces listes pour les élaguer. Il n'est pas normal non plus qu'une entreprise multiplie les CDDU passés avec une même personne, pour atteindre des volumes pouvant aller jusqu'à 900 heures annuelles.

Nous proposons de pérenniser la mission d'expertise et de rechercher les moyens de susciter des sorties par le haut, en accompagnant certains intermittents vers le contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Car l'intermittence n'est pas l'horizon indépassable de l'artiste ou du technicien du spectacle. Le Premier ministre a lancé l'idée d'un fonds pour l'emploi artistique, qui devrait être discutée dans le cadre de la Conférence pour l'emploi artistique que pilotera, en septembre, le ministère de la culture. On pourrait imaginer que le financement d'un tel fonds soit assuré par redéploiement des crédits affectés à la compensation du différé, pour peu que la convention d'assurance chômage soit renégociée.

Nous émettons, enfin, une série de propositions, parmi lesquelles l'amélioration des relations avec Pôle emploi. Il semble que nous devrions, sur ce point, parvenir à un accord. Le CDDU ne représente pas moins de 4 millions de contrats, qui concernent 250 000 personnes. Pour peu qu'un grain de sable vienne enrayer la procédure, que le contrat s'égare dans les limbes du numérique, que Pôle emploi le rejette comme n'appartenant pas au domaine artistique, ce peut être, pour l'intermittent, une catastrophe car il n'atteindra pas les 507 heures et sortira du régime. Il se retrouvera, faute d'interlocuteur, plongé dans un univers kafkaïen. Nous avons proposé que Pôle emploi mette en place une ligne téléphonique dédiée, nomme un médiateur et que des comités d'usagers puissent, dans les régions, repérer rapidement ce type de cas qui, pour n'être pas nombreux, n'en posent pas moins humainement problème.

Nous appelons, également, à redonner une gouvernance au Guso, le guichet unique pour les spectacles occasionnels - qui n'est plus piloté - et à améliorer l'accès des intermittents aux droits sociaux.

Tel est le scénario que le Premier ministre a validé, en indiquant qu'il y mettrait des moyens, qu'il dégelait dès à présent les crédits de la culture - ce qui n'est pas un mince privilège par les temps qui courent - et qu'il entendait les augmenter l'an prochain.

Je vous invite à vous pencher sur les annexes de notre rapport. Dans le travail d'expertise qui y est retracé et qui doit beaucoup à Hortense Archambault, nous avons pris en compte - c'est inédit - toutes les propositions, venant de tous les horizons. La tension qui règne entre le secteur et l'interprofession fait du conflit des intermittents un conflit très particulier. L'État pourrait en être l'arbitre, mais il n'a pas la main sur l'Unedic. Se pose, au-delà, la question des paramètres. Faut-il en revenir à une période de référence de douze mois dont les simulations montrent que le coût - 40 à 50 millions - ne serait pas insurmontable ? Quitte à trouver des ressources du côté du plafond de cumul, qui, ramené de 4 300 à 3 000 euros, produirait 100 millions d'économies ? Telles sont les discussions qu'il faudra mener, sachant que la date butoir de renégociation du régime général et de ses annexes est fixée à juin 2016. Soit l'époque des festivals...

Mme Hortense Archambault, ancienne directrice du festival d'Avignon. - Le travail d'expertise qu'a décrit Jean-Patrick Gille a eu ceci de bénéfique qu'il a fait travailler ensemble les acteurs, ce que l'on croyait ne jamais pouvoir faire. Les représentants de la coordination ont travaillé main dans la main avec les services statistiques de l'Unedic, c'est inédit. Et c'est un signe de maturité du secteur, qui avait beaucoup souffert de la réputation - dont il était aussi responsable - du système de l'intermittence, considéré comme très confortable et pour les employeurs et pour les salariés. Depuis 2003, il y a eu une prise de conscience : l'intermittence a diminué, ainsi qu'en témoigne le rapport de la Cour des comptes ; c'est la preuve que tout le monde veut régler le problème. C'est ainsi que l'on a pu mettre autour de la table les employeurs du secteur et réunir trente-sept organisations. Tous les acteurs qui détiennent des statistiques étaient là : l'Unedic, Pôle emploi, Audiens, les ministères de la culture et du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, auxquels ont été associés des experts extérieurs, pour garantir que les données n'étaient pas orientées.

Nous n'avons pas de modèle clé en main à proposer mais un outil qui permet de faire jouer une combinaison de paramètres et de voir quel en est l'effet. Moyennant quoi, le secteur peut faire des propositions qui lui conviennent et sur lesquelles il peut engager sa responsabilité.

Mais il est aussi une responsabilité qui incombe à l'État, ainsi qu'aux collectivités territoriales, acteurs majeurs de l'intermittence, comme employeurs, donneurs d'ordre et financeurs. C'est l'objet d'une partie de notre rapport. Le respect de la convention par tous est essentiel et nous en appelons à la responsabilité de chacun. Certes, on peut prévenir l'optimisation en ajustant la liste des métiers pour lesquels il peut être fait recours au CDDU, mais il faut avoir conscience que ces comportements peuvent aussi tenir au fait que les financements sur lesquels peuvent compter les structures de production, bien souvent insuffisants, conduisent à de petits arrangements.

Jean-Patrick Gille a parlé de sortie de l'intermittence par le haut. C'est une question qui fait débat. Hormis dans quelques orchestres ou ballets, tous les artistes sont intermittents. Leur perspective de carrière se situe dans l'intermittence. En s'appuyant sur un fonds de soutien pour l'emploi, on doit pouvoir stabiliser un peu les choses grâce à des aides permettant d'allonger les tournées, de mensualiser, qui ne relèvent pas de la politique culturelle, fondée sur des critères de qualité artistique, mais du soutien à l'emploi. J'insiste sur cette différence. Il s'agit bien de soutenir l'emploi culturel, à l'instar de ce qu'était le projet, soutenu par la Confédération générale du travail (CGT), des cafés culture.

M. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail. - Si la convention d'assurance chômage en est à l'origine, nous n'en avons pourtant pas fait le point de départ de notre rapport. Il ne s'agissait pas pour nous de regarder la culture sous le seul prisme de l'intermittence et de la précarité. Nous avons d'abord parlé de culture, de projet artistique, d'emploi, du rôle économique de la culture, aussi, pour en tirer les conséquences sur l'assurance chômage.

J'insiste sur l'originalité de la méthode. Il est difficile de nouer le dialogue entre l'interprofession et les professionnels de la culture, tant ces mondes sont distants. Chacun y a mis du sien. Notre méthode innove en ceci qu'elle s'efforce d'articuler la négociation interprofessionnelle et celle du secteur, en distinguant ce qui relève de la responsabilité de l'État, des collectivités locales, de l'interprofession, des professionnels de la culture. Au-delà de ce qui sera inscrit dans la loi, nous appelons chacun à respecter ce maître-mot : responsabilité.

Mme Maryvonne Blondin. - Je remercie notre présidente d'avoir retracé le travail de la commission que j'ai eu l'honneur de conduire sous la présidence de Marie-Christine Blandin. Je rappelle également que l'année 2003, qui a été évoquée, est aussi celle qui a vu la mise en place du comité de suivi, auquel certains, ici, participent.

Le sujet de l'intermittence est récurrent. Je me réjouis qu'enfin les acteurs aient noué le dialogue, ainsi qu'y appelait notre groupe de travail, qui avait choisi un titre éloquent à son rapport : Réformer pour pérenniser. Ce qui doit être au point de départ, ainsi que l'a rappelé Jean-Denis Combrexelle, c'est bien la culture et l'emploi, et non l'assurance chômage. Notre statut de l'intermittence fait de nous un cas unique en Europe.

Responsabilité, équilibre, confiance, lutte contre les abus : autant d'exigences qui semblent avoir trouvé réponse dans vos propositions. La première tend à inscrire les annexes 8 et 10 dans le code du travail, sans les confondre avec l'annexe 4, relative à l'intérim. Il s'agit aussi de faire en sorte que les acteurs du secteur soient, conformément à leur souhait, pleinement reconnus dans les discussions entre partenaires sociaux. J'espère que vos propositions en faveur d'une nouvelle gouvernance y pourvoiront.

Votre rapport soulève le problème épineux des relations avec Pôle emploi. Jean-Patrick Gille se souviendra que lors de son audition par notre groupe de travail, j'avais insisté sur les graves difficultés qui se posaient et qui, pour être levées, exigeaient, à mon sens, une structure dédiée au sein de l'organisme. Les conseillers de Pôle emploi méconnaissent, dans leur majorité, les spécificités du secteur. En Bretagne, seuls deux conseillers sur trente-trois sont à même de dialoguer avec les artistes et les techniciens du spectacle. C'est bien peu. Je ne sais si vos propositions suffiront à résoudre ces difficultés. Je reste vigilante.

Je me réjouis de voir votre rapport revenir sur le problème des matermittentes, que le Sénat avait soulevé, à l'initiative de notre commission, lors de la discussion du projet de loi relatif à l'égalité réelle entre les hommes et les femmes.

Je retrouve, dans l'idée d'un fonds pour l'emploi artistique, l'inspiration de la septième recommandation de notre rapport, qui visait à faciliter l'accès des artistes et techniciens sortis du régime aux dispositifs de solidarité nationale. Le fonds dédié dont vous préconisez la création pourrait peut-être être abondé par les crédits de solidarité auxquels les intermittents peinent à avoir accès et qui restent inutilisés.

Reste la question du nombre d'heures. Nous avions préconisé de porter à 90 la part des 507 heures qui pouvait être imputée sur des activités d'enseignement et d'éducation artistique. J'aimerais savoir comment vous vous situez dans ce débat.

Hortense Archambault a rappelé que les orchestres comptaient des artistes en CDI. C'est là un sujet épineux pour les collectivités, car ils coûtent. Certes, il faut éviter les recours abusifs au CDDU, mais il faut avoir conscience des problèmes que pose le CDI, notamment dans les orchestres.

Mme Marie-Christine Blandin. - Je remercie nos invités pour la qualité de leur rapport, tout en finesse. Vous y êtes allés délicatement, ce qui vous rend, du coup, plus prudents qu'incisifs. Je regrette, comme Maryvonne Blondin, votre amnésie sur les travaux passés. Du comité de suivi mis en place sous la houlette de Jack Ralite et Noël Mamère à la suite de la réforme Fillon, qui avait tout de même permis de venir en aide aux intermittents en longue maladie et de créer un fonds de soutien venant au secours de ceux qui se trouvaient brutalement exclus par la machine, vous ne dites pas un mot. Ni du travail du Sénat qu'a rappelé Maryvonne Blondin, et des nombreuses auditions que nous avons menées. Ni de notre travail acharné d'amendements en faveur de l'intermittence, qui, soit dit en passant, s'est souvent trouvé remis en cause par l'Assemblée nationale. Cela méritait d'être dit.

Je me réjouis que vous proposiez que soit inscrite dans la loi l'existence des annexes 8 et 10. C'est un pas décisif. Je partage, en revanche, la déception de Maryvonne Blondin quant à vos propositions sur Pôle emploi. Le traitement arbitraire, sourcilleux, revêche que l'on réserve aux intermittents dans ses antennes aurait mérité un article de simplification dans la loi Macron. Et pas en faveur des employeurs, pour une fois !

Je vous trouve un peu taiseux sur l'audiovisuel et le dumping social qui s'y pratique, sous des dehors de vertu, par le moyen de l'externalisation de la production. L'audiovisuel public s'est certes mis en ordre, mais cela ne lui coûte guère puisqu'il passe commande à des voyous qui malmènent les artistes.

L'intermittence, dites-vous, diminue. Mais c'est aussi parce que de petites structures disparaissent, du fait de la diminution des subventions.

Trois questions, enfin. La première est politique. L'intermittence est-elle pour vous une couverture sociale adaptée ou bien aussi une juste contribution de tous à la vitalité du tissu culturel ? Un peu à la manière dont les employeurs financent, dans les entreprises, les oeuvres sociales. Ne pensez-vous pas que l'on devrait aller plus loin dans la reconnaissance des activités pédagogiques ? La réforme des rythmes scolaires était, à mon sens, une formidable occasion d'échanges au bénéfice de chaque partie.

Tout le monde s'est insurgé, avez-vous dit, contre l'idée d'un portage de l'emploi par des structures intermédiaires. Je suis preneuse de tous les arguments que vous pourrez m'apporter, car dans le Nord, nous subissons les assauts de la société mutuelle d'artistes (Smart), qui essaye de prendre pied en France.

M. Alain Vasselle. - Les conséquences financières de la prise en charge de la période de non-activité des intermittents m'interpellent. J'aimerais savoir si vous consacrez une partie de votre rapport à ces questions, si vous chiffrez précisément les choses. Vos propositions auront-elles pour effet d'assurer la neutralité financière du régime pour l'ensemble de la société ? Avez-vous identifié la part employeur, la part salarié, la part de l'État et celle des collectivités ? Comment se traduit la compensation ? Comment est alimenté le fonds pour l'emploi ?

Je rebondis sur les propos de Mme Blandin, qui disait que les activités pédagogiques pourraient être plus largement prises en compte et que la réforme des rythmes scolaires mise en place, ajouterais-je, sous contrainte, à l'initiative du Gouvernement, en était l'occasion. L'idée de faire intervenir les artistes dans les plages périscolaires est intéressante, à condition que le processus soit financé à 100 % par l'État. Ce serait, à n'en pas douter, une occasion pour nos jeunes enfants de se vivifier à la source de l'art, ce qui manque beaucoup dans nos écoles primaires.

M. Pierre Laurent. - Je salue la qualité de ce travail, qui intervient après une année de crise aiguë. Mais nous devons être lucides sur la fragilité du contexte. La question qui se pose est celle de l'emploi artistique, or, nous traversons des temps difficiles. Les effets cumulés de la réduction de voilure sur les événements culturels et, au-delà, du financement de la culture, posent un grave problème. Quelles que soient les divergences d'interprétation quant au partage des compétences en la matière que prévoit la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), il est clair que si l'on continue sur la trajectoire actuelle, on va à nouveau vers de très lourds problèmes. Si nous sommes tant soit peu attachés à l'emploi artistique, nous devons donc être tout particulièrement vigilants aux conséquences des choix qui seront faits, tant pour les collectivités que pour le budget national. Même si le mouvement a permis d'arracher des décisions, comme le dégel des crédits de la culture, qui n'étaient pas prévues au programme.

La convention a été, je le rappelle, agréée, alors qu'au printemps dernier, toute la profession la contestait. Certes, l'État prendra en charge le différé, mais on n'en reste pas moins sous la menace. Depuis le 1er octobre, la convention est en vigueur et des gens sortent sans cesse du système. Telle est la réalité.

Ce qu'a réalisé la mission sur le chiffrage est une avancée importante. Les trois auteurs du rapport le savent : en l'absence d'une réelle capacité de confrontation des hypothèses, les désaccords pouvaient mener à l'explosion. C'est un outil qu'il faut préserver et qui, sans amener d'emblée le consensus, n'en a pas moins, aux yeux de la profession, levé les hypothèques que l'on faisait peser sur ce que l'on considérait comme des conjectures.

J'en viens à vos propositions et, en premier lieu, à ce que vous préconisez d'inscrire dans la loi. Le véhicule que vous envisagez - la loi sur le dialogue social - est périlleux, car les partenaires sociaux n'ont pas signé d'accord. On est sur un champ de mines. Et ce qu'on nous annonce n'est pas pour nous rassurer. Ce contexte est propice à une dénaturation de vos intentions. Vous entendez que la loi sanctuarise les annexes, mais aussi qu'elle définisse la méthode du dialogue social qui doit les accompagner. Il faudra être plus que vigilants. Qui décidera de l'enveloppe ? L'enjeu est de traiter d'un régime constitutif de l'emploi artistique, qui doit s'acheminer vers un fonctionnement vertueux de l'intermittence. Ne craignez-vous pas qu'il se solde par un souci de rationnement des dépenses, qui nous mènerait au-devant de bien des déboires. Que proposez-vous dans votre rapport ? De fabriquer une rustine, ou d'encourager l'innovation dans l'emploi artistique ? Le chemin que vous ouvrez est intéressant : sanctuariser les annexes, poser les règles du dialogue social et ouvrir ce faisant une discussion sur le contenu de ces annexes. Mais il exigera une extrême vigilance.

M. Jacques Grosperrin. - À mon tour de féliciter les corapporteurs. Sans vouloir bousculer la sérénité de ce débat, j'observe que, depuis 2003, le statut des intermittents tient une place centrale dans les préoccupations de l'institution culturelle. Reste que le statut qui la soutient est porté par l'ensemble des salariés du privé et leurs employeurs, puisqu'il est chroniquement déficitaire. L'Unedic n'est-elle pas, à ce compte, le premier financeur de l'exception culturelle à la française ? N'y a-t-il pas là quelque paradoxe ?

Alors que la sanctuarisation des crédits de la culture n'est plus à l'ordre du jour, peut-on continuer à penser que le statut des intermittents du spectacle constitue le seul cadre sécurisé pour les artistes français ? Or, il me semble, à la lecture de votre rapport, que tel est le principe duquel vous partez. Je pense, moi, qu'il est d'autres systèmes possibles. Il en existe ailleurs et l'on parle même d'exception française.

M. Alain Dufaut. - Je m'en tiendrai à un témoignage de terrain. Élu d'Avignon, j'ai vécu de près le cataclysme de 2003. Je mesure ce que peuvent être les conséquences économiques de la suppression d'un festival. Et combien les entreprises du tourisme s'en souviennent. Combien en ai-je vu devoir déposer leur bilan ! Depuis quinze ans, la menace est là chaque année. Il faut à tout prix trouver une solution pérenne.

J'ai participé à des « groupes de travail », à des « médiations », à des « comités de suivi ». Le groupe de travail mené par Maryvonne Blondin a conduit un travail sérieux, je ne le nie pas, mais j'ai le sentiment que ces travaux n'ont jamais de suite.

Je souhaite que vos propositions aboutissent enfin à quelque chose de concret. Sanctuariser les annexes rassurera mais, encore une fois, il est urgent d'aboutir à un cadre stabilisé sur lequel s'appuyer. On sait que les spectacles auront à souffrir de la situation financière de l'État et des collectivités, mais s'il s'y ajoute le danger permanent de menaces de grèves et d'annulations, on ne pourra plus tenir. Je vous garantis qu'en province les directeurs de manifestations vivent un calvaire et je ne doute pas qu'Hortense Archambault partage mon sentiment. Il faut en sortir par le haut.

M. Jean-Denis Combrexelle. - Comment éviter que l'on se retrouve, tous les trois ans, dans une situation de crise préjudiciable aux salariés, aux entreprises culturelles et aux collectivités ? Là est la gageure. La réponse passait pour nous, avant tout, par une question de méthode ; il fallait faire en sorte que les gens se parlent. Si notre lettre de mission était innovante, c'est bien par la méthode. Il ne s'agissait pas de produire un rapport de 300 pages retraçant l'historique des travaux antérieurs pour finir par des propositions - d'autant plus courageuses qu'elles sont destinées à rester lettre morte. Telle n'était pas la commande. Je précise : nous ne tenons pas en dédain les travaux antérieurs. Mais nous considérions que l'urgence était de trouver une méthode, dont je me plais même à penser qu'elle pourra servir dans d'autres domaines où le dialogue entre l'interprofession et le secteur peine à se nouer. Nous disons que les grandes organisations interprofessionnelles sont les gardiennes des grands équilibres : ce n'est pas indiquer qui doit décider de l'enveloppe, mais qui doit fixer un cadre. Et qu'il s'agit ensuite de voir selon quelles modalités la négociation avec les branches et les secteurs peut s'engager. Notre rapport ne propose pas une recette toute faite, mais une méthode de dialogue, nourrie par un système d'expertise. Il s'agit à présent de voir comment les acteurs vont réagir.

Mme Hortense Archambault. - C'est la première fois que je participe à un tel travail. Ce qui me frappe, c'est que l'on a le chic, en France, de considérer que cela ne marchera jamais. Or je suis convaincue que pour que quelque chose marche, il faut penser que ça va marcher, que l'on peut trouver des solutions. Ce qui a enclenché cette dynamique de confiance, c'est le travail d'expertise que nous avons engagé. Tout le monde s'accorde à présent sur les chiffres et la seule incertitude dans les simulations porte sur les effets de comportement, qui peuvent produire des variations. Reste qu'en six mois, nous avons fait un gros travail, qui mérite d'être poursuivi. Le sujet est complexe, il touche à de nombreux paramètres. Sur l'éducation artistique, par exemple, nous disons clairement dans le rapport qu'il est paradoxal, alors que le Gouvernement en fait une priorité, que les règles de l'Unedic soient un frein à son développement. C'est aux partenaires sociaux du secteur qu'il devrait revenir de les ajuster. Il s'agit de parvenir à un équilibre budgétaire, dont on n'est pas loin. Les simulations auxquelles nous avons procédé intègrent les économies demandées, mais en jouant sur d'autres paramètres. Les salariés du spectacle veulent un système plus juste, intégrant mieux les petits revenus, les plus importants étant soumis à plafond. Il n'y a pas de raison que cela ne marche pas.

Le fonds pour l'emploi ne doit pas être, à mon sens, un fonds social, mais un fonds d'aide à la structuration du secteur et à l'emploi professionnel. Si l'on parvient à le porter à 90 millions par an, ce n'est pas rien, dans un secteur en pleine croissance et dont les emplois ne sont pas délocalisables. Il faudra, pour décider des orientations, reproduire la méthode qui a été la nôtre, fondée sur le dialogue.

Nous dénonçons fermement, dans notre rapport, le portage salarial qui, avec le statut d'auto-entrepreneur, menace un secteur qui est en train de se structurer. Nous mettons en garde contre toutes les logiques de sous-traitance qui détruisent la relation employeur-salarié et pointons un risque de déresponsabilisation du secteur. Y compris quand une collectivité passe contrat avec une association sur la base d'un montant qui ne lui permet pas de recruter de salariés et l'oblige à avoir recours à des techniques de portage.

Si la France est attachée à sa culture, ce n'est pas seulement pour des raisons économiques mais parce que la culture est profondément ancrée dans notre projet de société. Telle est ma conviction.

M. Jean-Patrick Gille. - Nous n'avons pas voulu produire un rapport de plus et c'est pourquoi nous avons adopté une démarche de résolution des problèmes avec tous les acteurs concernés. Nous avons réussi, en six mois, à transformer leur relation et à créer un cadre de travail. Les partenaires du secteur doivent poursuivre, pour aller au bout de la démarche. Le scénario idéal serait qu'ils parviennent à s'accorder, pour revenir vers l'interprofession avec des propositions communes.

En ce qui concerne le cadrage financier, nous sommes partis de l'idée que le secteur culturel est un secteur économique à part entière, pour ne pas dire une industrie, florissante de surcroît, puisqu'elle représente, avec 60 milliards, 3 % du produit intérieur brut (PIB). C'est autant que la construction automobile, à cette différence près que c'est un secteur en croissance, quand celui de l'automobile recule. Là-dessus, 7 milliards environ de rémunération sont versés, dont 1,3 milliard vient de l'indemnisation par l'assurance chômage, laquelle ne perçoit que 250 à 300 millions de cotisations. La Cour des comptes a dénoncé à plusieurs reprises le déséquilibre du système. Mais son raisonnement, ainsi que je me suis permis de le lui faire observer, est simpliste, parce que l'on est dans un système assurantiel, qu'il faut penser le régime de l'intermittence dans l'ensemble du système d'assurance chômage. Une comparaison pour l'illustrer : dans l'assurance automobile, personne ne prétend faire face aux dépenses de réparation avec les seules primes de ceux qui ont eu un accident, il y aurait forcément déficit.

Dans d'autres secteurs aussi, il y a un décalage. L'État verse 1 milliard d'aides à la presse et cela fait consensus. Même chose pour l'agriculture en zone de montagne. Et je ne parle pas des bureaux de tabac, auxquels on a accordé, il y a deux ans, 300 millions pour compenser la baisse attendue de leur chiffre d'affaires liée à l'augmentation du prix du tabac, pour s'apercevoir, in fine, que la consommation n'avait pas diminué...

Est-ce à l'Unedic de payer ? Comme Jacques Grosperrin, nous nous sommes interrogés. Le Medef et la Confédération française démocratique du travail (CFDT) considèrent que l'État devrait aussi mettre au pot. Mais comment ? Si on met de l'argent public, ne serait-il pas plus judicieux de l'affecter, plutôt qu'à la compensation des déficits, au soutien à l'emploi et à la création ?

S'agissant de la protection sociale, des retraites, le secteur est équilibré. Voire légèrement excédentaire pour ce qui concerne les retraites, pour des raisons tenant à la démographie du secteur.

J'en viens aux relations avec Pôle emploi, qui, en pleine restructuration, rechignait un peu à ouvrir une ligne dédiée. Mais c'est à présent vers quoi l'on s'achemine. Nous avons rencontré le médiateur de Pôle emploi, qui, tout en relativisant le nombre des personnes en difficultés, a reconnu que celles qui en rencontrent tombent dans un univers kafkaïen. Il faut remettre de l'humain dans la relation. Le médiateur observe que quand un problème remonte jusqu'à ses services, on trouve généralement une solution, mais qu'il existe aussi des difficultés de nature plus techniques, liées à la manière jugée parfois abusive dont l'Unedic interprète les textes.

Le fonds pour l'emploi n'est pas une reprise des fonds de solidarité, dont les versements s'établissent autour de 10 millions et ont trouvé leur rythme de croisière. L'idée est de créer un fonds plus important, au service du développement de l'emploi. Les travaux de la Conférence pour l'emploi artistique préciseront les choses.

Nous ne prenons pas position sur la question des heures ouvrant droit à indemnisation. Il s'agissait pour nous de donner des outils au secteur, avec la conviction que c'est à son niveau que les choses doivent être traitées - quitte à retenir des variantes selon les branches - plutôt que par les grandes confédérations, un peu éloignées de ses réalités.

Pierre Laurent a posé la bonne question : qui fixe l'enveloppe ? Là est le vrai sujet. Ceux qui gèrent l'assurance chômage doivent prendre en compte ce qui ressortira de la négociation propre au secteur. Les partenaires sociaux, qui définissent les principes généraux, ont aussi vocation à définir le cadrage financier : ils doivent le faire en concertation avec ceux du secteur.

Le véhicule législatif retenu est périlleux ? Ils le sont tous un peu... Outre que le sujet a bien trait au dialogue social, il y a urgence. L'autre véhicule possible serait le projet de loi création et patrimoine, mais il n'est toujours pas programmé.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie de cet échange nourri. Marie-Christine Blandin a rappelé les travaux que nous avons menés depuis 2003. Je tenais à y ajouter le nom d'Etienne Pinte, député maire de Versailles, qui a été très actif...

Mme Marie-Christine Blandin. - Bien sûr ! Il a été cofondateur du comité de suivi.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Il est temps d'apporter des solutions à cette question qui ne cesse de resurgir, dans un contexte difficile de baisse des dotations de l'État et du budget des collectivités, qui financent, il ne faut pas l'oublier, les deux-tiers du spectacle vivant. Notre responsabilité partagée n'en est que plus grande dans le soutien à l'emploi artistique, au service d'une politique culturelle et artistique ambitieuse pour notre pays.

Merci d'être venus éclairer notre réflexion. Les travaux que nous avons menés nous préparaient utilement à cet échange. Nous avons ainsi nous-mêmes formulé plusieurs propositions qui nous seront utiles le moment venu, quand il s'agira de légiférer.

La réunion est levée à 11 h 10.

Audition de M. Jacques Sallois, président de la commission scientifique nationale des collections (CNSC), sur le rapport de cette commission au Parlement

La réunion est ouverte à 11 h 15.

Puis la commission entend M. Jacques Sallois, président de la commission scientifique nationale des collections (CNSC), sur le rapport de la CNSC au Parlement prévu par l'article 4 de la loi n° 2010-501 du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous auditionnons Jacques Sallois, président de la commission scientifique nationale des collections, sur le rapport de cette commission au Parlement, prévu par la loi du 18 mai 2010 autorisant la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections. M. Sallois est accompagné de Mme Marie-Christine Labourdette, directrice des musées de France - dont les services assurent le secrétariat de la commission - et de Mme Claire Chastanier, qui a suivi les réflexions conduites spécifiquement sur les restes humains.

On se souvient peut-être ici de ce qu'on a appelé « l'affaire des Têtes maories » et qui est à l'origine de la loi de 2010 aussi bien que des changements intervenus dans la commission scientifique, installée avec un retard certain, fin 2013 seulement.

En quelques mots, je rappelle qu'à Rouen, en 2007, nous avions décidé de restituer à la Nouvelle-Zélande, qui la réclamait depuis dix ans, une tête maorie que le Muséum de Rouen détenait depuis 1875 ; je rappelle aussi que cette tête est un reste humain - une tête tatouée et momifiée - et que nous nous étions fondés sur le principe de non-patrimonialité du corps humain, inscrit au code civil. Le ministère de la culture s'y était opposé, au nom de l'inaliénabilité des collections publiques, en arguant que cette tête humaine était bien « un objet de collection » d'un musée de France, inaliénable en dehors de la procédure du déclassement ; la phase judiciaire était allée jusqu'à la cour administrative d'appel, puis nous avions adopté au Sénat, sur ma proposition, le texte qui allait devenir la loi de 2010 autorisant la restitution de toutes les têtes maories à la Nouvelle-Zélande.

Nous avons donc enfin pu, en mai 2011, restituer « notre » tête maorie du Museum de Rouen, puis les 20 autres têtes présentes sur le sol français ont été restituées en janvier 2012 lors d'une cérémonie au Musée du quai de Branly, à l'issue de cette magnifique exposition « Mâori, leurs trésors ont une âme ».

Monsieur le président Sallois, vous êtes un très bon connaisseur des politiques culturelles et des collections publiques : vous avez, en particulier, dirigé les Musées de France et vous présidez aujourd'hui la commission de récolement des dépôts d'oeuvres d'art ; la Commission scientifique nationale des collections a une fonction de conseil en matière de déclassement ou de cession de biens culturels appartenant aux collections ; elle s'est réunie une douzaine de fois depuis son installation tardive et vous êtes en mesure de nous présenter son premier rapport au Parlement... que nous avions espéré initialement... pour fin 2011 !

Quelles sont les grandes lignes de ce rapport ? Pouvez-vous nous dire, aussi, quelles suites vous imaginez pouvoir donner ou être données à vos travaux ?

M. Jacques Sallois, président de la commission scientifique nationale des collections. - Merci, madame la présidente, de l'attention que vous portez à nos travaux et je remercie également le sénateur Vincent Eblé qui a été un membre très efficace et très assidu de la commission.

Dans le débat sur la loi de 2010 autorisant la restitution des « têtes maories », le Sénat avait déploré l'absence de toute doctrine en matière de déclassement, malgré l'institution d'une commission scientifique dès 2002, ainsi que la position constante des musées qui n'envisageaient quasiment pas de déclasser la moindre pièce de leurs collections ; c'est pourquoi vous aviez prévu que la nouvelle commission scientifique nationale des collections examinerait les conditions de déclassement de l'ensemble des collections du domaine public et qu'elle remettrait au Parlement, dans un délai d'un an, « un rapport sur ses orientations en matière de déclassement ou de cession des biens appartenant aux collections ». En février 2011, est publié le décret organisant la commission et ses quatre collèges, puis il a fallu attendre la fin 2013 pour que soient désignés les représentants des assemblées parlementaires et des collectivités territoriales, et nommées les personnalités qualifiées ; nous avons commencé nos travaux sans délai, puis, le 21 novembre dernier, la commission plénière a adopté le projet de rapport que je vous présente aujourd'hui.

Ce rapport est bref, il constitue une synthèse des textes applicables et des pratiques en vigueur ; il formule non pas une doctrine arrêtée, mais des premières recommandations et orientations qui seront précisées au fil des cas que la commission examinera.

Nous y avons joint deux annexes. La première présente les textes de référence : les lois, les décrets, le compte rendu d'activité de la commission, mais aussi des extraits des débats sur la loi relative aux musées de France, ceux sur le déclassement et l'inaliénabilité du domaine public. La seconde présente les contributions de M. Dominique Poulot sur l'histoire du principe d'inaliénabilité du domaine public et de Mme Marie Cornu sur le champ de compétence de la commission, ainsi que des textes des institutions administratives et instances scientifiques concernées, et un chapitre sur la question délicate des restes humains. J'insiste sur le fait que ce rapport est le fruit d'un travail collectif résultant d'une discussion approfondie avec toutes les administrations concernées.

Le champ de compétences de notre commission ne se laisse pas facilement circonscrire. Il s'articule autour de deux articles : l'article L. 115-1 du code du patrimoine nous donne mission de « conseiller les personnes publiques ou les personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d'art contemporain, dans l'exercice de leurs compétences en matière de déclassement ou de cession de biens culturels appartenant à leurs collections » et l'article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que « font partie du domaine public mobilier de la personne publique propriétaire les biens présentant un intérêt du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique ».

Deux précisions importantes : nous ne sommes nullement compétents pour ce qu'il advient des objets déclassés, non plus que pour les « musées nationaux récupération » (MNR), qui n'appartiennent pas au domaine public puisque l'État n'en est que le détenteur précaire.

Vous savez que le principe d'inaliénabilité est complexe et que ses racines plongent loin dans notre histoire - l'étude de Dominique Poulot en illustre la genèse, du Moyen-âge au XIXe siècle. La loi de 2002 relative aux musées de France a confirmé le principe de l'inaliénabilité des collections publiques et prévu une procédure exceptionnelle de déclassement, sous le contrôle d'une commission scientifique des musées composée uniquement de conservateurs. En 2008, ce principe est confirmé par le rapport que M. Jacques Rigaud a rédigé à la demande du président de la République et de Mme Christine Albanel, ministre de la culture ; suit une demande à la direction des musées de France de préciser sa position à l'égard de l'éventualité de déclassements.

Aujourd'hui, la commission est composée de quatre collèges : le premier formule des recommandations en matière de déclassement de biens appartenant à des collections relevant du domaine public, et sur toute question qui s'y rapporte ; le deuxième rend des avis conformes sur les demandes de déclassement des biens appartenant aux collections des musées de France ; le troisième rend, d'une part, un avis conforme sur les propositions de déclassement des oeuvres ou objets inscrits sur l'inventaire du Fonds national d'art contemporain et confiés à la garde du Centre national des arts plastiques (CNAP), et d'autre part, un avis simple sur les propositions de déclassement des biens des fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) appartenant au domaine public et sur les projets de cession des biens des FRAC n'appartenant pas au domaine public ; le quatrième rend un avis simple sur les propositions de déclassement de toutes les autres catégories de biens appartenant aux collections relevant du domaine public : mobilier national, Sèvres, mobilier des collectivités territoriales, mobilier des autres administrations...

Pour vous présenter les délibérations de la commission sur les collections des musées de France, je vous propose de passer la parole à madame la directrice des musées de France.

Marie-Christine Labourdette, directrice du service des musées de France. -Je précise d'emblée que mon service assure le secrétariat général de la commission dans un esprit de parfaite neutralité afin qu'elle puisse fonctionner librement et rendre ses avis en totale indépendance.

Nous conduisons une réflexion, au bénéfice des musées, sur l'application des exceptions au principe d'inaliénabilité des collections publiques, consacré par la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France et figurant depuis à l'article L. 451-5 du code du patrimoine. L'annexe 6 du rapport détaille la démarche suivie dans les procédures de déclassement et de sortie du domaine public. Nous nous appuyons sur la contribution de la commission scientifique nationale des collections pour déterminer la perte d'intérêt public qui pourrait justifier un déclassement. Il appartient à la commission de se prononcer sur l'intérêt scientifique de l'objet puis de dire s'il est susceptible de perdre sa valeur d'intérêt général.

L'intérêt public d'un objet est déterminé d'abord par le projet scientifique et culturel que le musée met en oeuvre. Que fait-on d'un objet qui apparaît redondant au sein d'un musée ? La perte d'intérêt pour un musée ne signifie pas nécessairement une perte d'intérêt général pour l'objet en soi. La réflexion stimulante qui est menée sur l'articulation entre l'intérêt général et l'intérêt muséal des collections doit nous conduire à une meilleure affectation des dépôts et à mieux préciser les évolutions des transferts de propriété de collections. Le transfert des collections est devenu un sujet prioritaire, notamment dans le cadre du récolement décennal, afin de mieux identifier, de mieux faire vivre et de mieux valoriser les collections.

Le déclassement ne peut intervenir que lorsque toutes les autres solutions ont été écartées comme non pertinentes. La compétence de la commission scientifique nationale des collections doit s'articuler avec celle de l'instance de gestion nationale des musées, le Haut conseil des musées de France.

Certains objets peuvent être désignés comme déclassés de fait, en raison de leur destruction involontaire par exemple, sans pourtant avoir perdu leur intérêt public. Il existe d'autres cas dans lesquels l'exigence de protection du patrimoine est en conflit avec d'autres dispositions juridiques, telles que celles sur les restes humains comme nous l'a démontré la restitution des têtes maories, ou encore les règles applicables aux biens spoliés. La situation des biens classés ou identifiés comme MNR ne pose pas de difficulté. En revanche, nous devons être vigilants pour les biens qui apparaissent comme spoliés mais qui ne font pas partie des collections nationales, ou qui proviennent d'un trafic illicite ayant donné lieu à des inscriptions ou des acquisitions problématiques.

Si le déclassement doit rester exceptionnel puisque que la perte d'intérêt général a peu de chance d'être constatée, il faut être attentif à la question des provenances et des procédures d'acquisition des collections publiques. Il nous faut être particulièrement vigilant sur le risque de spoliation ou de trafic illicite dans l'histoire du bien. La question morale publique doit ainsi être pleinement intégrée par l'ensemble des équipes scientifiques des musées. Il s'agit là d'éléments susceptibles de faire évoluer la doctrine au sein d'un secteur attaché au principe d'inaliénabilité et de constance des collections.

M. Jacques Sallois. - Les orientations qui résultent du débat sur les collections des musées de France peuvent se regrouper autour de trois points que l'on retrouve ensuite dans la plupart des autres domaines : le souhait d'une amélioration de la gestion, car l'inaliénabilité est d'abord mise en cause par les disparitions et les dégradations, et de la rigueur des procédures d'acquisition ; le traitement des questions de déclassement selon des critères scientifiques, ce qui suppose la mise en place d'instances d'examen scientifique pour chaque domaine et, enfin, l'exploration systématique de toutes les alternatives au déclassement, qu'il s'agisse de transferts ou de dépôts.

D'autres institutions muséales peuvent solliciter notre concours, notamment les musées de la Défense ou encore les muséums qui conservent des millions d'oeuvres dont bon nombre sont des spécimens dont on n'a finalement perçu l'intérêt fondamental que récemment à partir d'analyses ADN.

En ce qui concerne le Centre national des arts plastiques, successeur des services de la Couronne et du bureau des travaux d'art, il a déposé des oeuvres dans nombre de musées, de mairies, de préfectures mais aussi d'églises. Il détient un nombre impressionnant d'oeuvres et de biens en dépôt ou en réserve.

En dépit de l'hétérogénéité de ses collections, le CNAP se bat farouchement pour faire respecter le principe d'inaliénabilité des oeuvres et il poursuit un travail considérable d'analyse de ses biens. Il admet néanmoins qu'un certain nombre d'oeuvres sont dans un tel état de déréliction que la question du coût de leur conservation peut être posée. À ce titre, il proposera une liste de déclassement.

Demeure le débat difficile sur les FRAC, constitués en 1982, au nombre de 23, répartis en deux catégories statutaires : cinq sont publics (établissement public de coopération culturelle - EPCC -, syndicats mixtes...), les autres sont principalement des associations privées. Pour la première catégorie, nous rendons des avis simples de déclassement. Pour la seconde, nous pouvons être sollicités par les gestionnaires pour des avis sur les possibilités de cession. Les FRAC font aujourd'hui l'objet de profondes mutations. Environ la moitié d'entre eux ont engagé d'importants travaux de construction pour présenter leurs collections sur un modèle proche de celui des musées alors que ces fonds se limitaient antérieurement à une activité de réserve d'oeuvres. Quel que soit cependant leur état, lorsque leurs collections relèvent du domaine public, nous les assimilons aux musées. S'agissant des collections privées, en dépit des différences entre les FRAC dits de « nouvelle génération » et les autres, un accord se dégage pour demander que les mêmes principes leur soient appliqués.

Dans les domaines où les pratiques de déclassement sont fréquentes, nous engageons un débat avec les responsables de collections sur l'évolution de leurs procédures, en vue d'encadrer plus efficacement les modalités de déclassement des oeuvres. C'est notamment le cas du mobilier national, dont l'inventaire a été dressé au XIXe siècle selon des critères désormais obsolètes.

Nous proposons aux institutions concernées un modèle proche de celui développé par la Manufacture de Sèvres, qui a défini ses critères il y a une dizaine d'années. La manufacture classe à l'inventaire de son musée les pièces produites à moins de cinq exemplaires et présentant un intérêt historique, artistique, archéologique ou scientifique au terme du code du patrimoine ; les pièces produites en plus grand nombre mais qui présentent un intérêt certain sont inscrites à l'inventaire de la manufacture ; enfin, les autres pièces sont confiées pour la vente au service commercial, voire terminent à la casse si elles présentent un défaut. Cette procédure rationnelle de déclassement fait l'objet d'un avis en cours de notre commission.

Peuvent également être cités les biens qui relèvent de la direction générale du patrimoine au titre des monuments historiques (des vestiges archéologiques, aux oeuvres héritées de la loi de séparation de l'église et de l'État de 1905), pour lesquels la protection doit être fonction d'un véritable intérêt historique ou artistique. Ainsi, si le Centre des monuments nationaux a d'ores et déjà déclassé de nombreuses oeuvres, sa doctrine en la matière demeure insuffisamment précise.

Nous nous bornons, aussi, à prendre en compte la situation des collections conservées dans les administrations publiques ou les collectivités territoriales (par exemple fonds départementaux d'art contemporain) en convenant qu'elle devra être précisée.

Enfin, notre rapport propose quelques pistes de réflexion s'agissant des restes humains en matière d'inventaire, de gestion et d'encadrement juridique. Mme Claire Chastanier a suivi les travaux du groupe de travail sur les restes humains, qui rendra public ses conclusions dans le courant de l'année 2015.

Je précise, pour finir, que nous travaillons depuis le début de l'année sur plusieurs procédures de déclassement concernant la Manufacture de Sèvres, le Mobilier national et le ministère de la défense.

Mme Corinne Bouchoux. - Votre rapport représente l'aboutissement d'un important travail dont je salue les conclusions et l'objectif de transparence qui les sous-tend. Vous recommandez notamment la systématisation de la numérisation des oeuvres et le développement de bases de données des collections publiques. Je m'en réjouis à la condition que la numérisation se fasse recto verso de façon à pouvoir connaître, grâce au verso, l'origine de l'oeuvre. Certaines, malheureusement, sont entrées dans nos collections légalement sans que leur passé n'ait fait l'objet d'une étude approfondie.

Mme Sylvie Robert. - L'encadrement du déclassement se précise et gagne en transparence, mais des difficultés demeurent. Tout d'abord, encore trop peu de musées se dotent de projets scientifiques et culturels (PSC) qui permettraient d'identifier leurs collections de façon plus cohérente pour leurs financeurs comme pour le public. Ensuite, j'ai pu constater, en étant à l'initiative de la création du FRAC Bretagne, combien il était difficile de transformer une association en EPCC. Le FRAC Bretagne est le seul à être organisé sous cette forme et le statut de la collection a constitué un frein évident. Il serait donc utile de mieux sécuriser juridiquement les collections des FRAC sans que le critère de protection relève seulement du caractère bâti ou non de ces institutions. Je déplore également le désengagement trop fréquent des collectivités territoriales et de l'État en matière de politiques culturelles. Les fonds d'acquisition des musées en pâtissent tandis que se développent des fonds de dotation privés et des dispositifs de financement contributif ; quel est, alors, le statut des oeuvres ainsi acquises ? Enfin, je suis favorable à toute initiative qui favorisera les échanges entre les musées et, plus généralement, la circulation des oeuvres sur l'ensemble du territoire.

M. Jacques Sallois. - Je partage entièrement votre voeu d'une numérisation recto-verso, madame Bouchoux, et même en trois dimensions lorsque cela est nécessaire ; nous avons du reste défini, avec la Commission de récolement, une méthodologie pour le marquage et la numérisation des oeuvres.

Je suis très heureux de vous entendre soutenir les PSC, madame Robert, ils ont été mon cheval de bataille lorsque j'étais directeur des musées de France ; ce dispositif s'est largement diffusé, il est devenu quasiment un réflexe pour les musées, il faut aller plus loin encore pour que toute institution culturelle s'en saisisse, au-delà des musées : cette démarche consacre le principe de responsabilité de l'usage des deniers publics.

Pour les FRAC, je partage encore ce point de vue que la protection ne doit pas s'enclencher seulement sur le critère du bâti et qu'il faut prendre en compte la collection elle-même ; une réflexion est en cours, il faut la poursuivre.

Enfin, la circulation des oeuvres entre musées est encore bien trop rare, nous avons beaucoup à faire en la matière. André Cariou, pendant les travaux de son musée de Quimper, a su visiter un très grand nombre d'autres musées pour y dénicher des peintures « bretonnantes » qui n'intéressaient guère dans les musées concernés, mais qui passionnent aujourd'hui le public breton. Cette démarche exemplaire est encore bien trop rare, c'est dans ce sens qu'il faut aller !

Mme Marie-Christine Labourdette. - Un musée, c'est la rencontre d'un bâtiment, d'une collection et d'un public, c'est une collection qui a un sens : le PSC est indispensable pour expliciter, pour faire connaître la signification de cet ensemble, pour faire vivre le musée - et s'il est vrai que cet outil s'est largement diffusé, il demeure trop lié au subventionnement plutôt qu'il ne féconde la vie quotidienne même des musées.

Les crédits d'acquisition sont en baisse, c'est une réalité ; mais c'est aussi la conséquence de la priorité au récolement : nous avons signifié aux équipes que le récolement de l'existant primerait cette année et l'an prochain sur l'acquisition d'oeuvres nouvelles, ce qui est cohérent avec notre objectif d'une plus grande circulation des oeuvres.

La numérisation des collections est essentielle, elle est indispensable à la connaissance des collections, à leur circulation et, partant, à la démocratisation culturelle ; il faut une bonne qualité de numérisation, mais nous nous heurtons à un problème de coût : une numérisation en 3D coûte autour de 15 euros l'unité, hors manipulation, alors qu'une numérisation d'un support papier, à plat, revient à 20 centimes, nous devons nécessairement sélectionner les oeuvres que nous pouvons numériser dans les meilleures conditions.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Vous avez engagé un travail important, il va se poursuivre et nous aurons l'occasion de vous entendre régulièrement, puisque vous nous annoncez la publication régulière de rapports.

Un groupe de travail ad hoc a été constitué sur la question des restes humains, il a entrepris un travail très important pour inventorier l'ensemble des restes humains présents dans les collections qui, elles-mêmes, sont très diverses puisqu'on trouve aussi bien de grandes collections très connues, de tel grand muséum d'histoire naturelle, par exemple, que des collections médicales présentes dans les réserves de centre hospitalier universitaire (CHU).

La commission scientifique nationale pourrait-elle définir des critères sur la conservation de ces restes humains, sur leur statut au regard des collections, pour n'avoir plus à prendre des lois de circonstances, comme nous avions dû le faire pour les têtes maories ?

M. Jacques Sallois. - Ce groupe de travail ad hoc a été constitué - sous l'égide des ministères de la culture et de l'enseignement supérieur - parce que les questions des restes humains vont bien au-delà des procédures de déclassement ; la commission scientifique nationale sera saisie des conclusions de ce groupe.

Nous allons effectivement publier d'autres rapports annuels et nous espérons bien venir vous les présenter régulièrement, avec les responsables des différents secteurs - et par exemple ceux du CNAP et des FRAC.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci encore, nous y comptons bien !

Organismes extraparlementaires - Désignations

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous devons maintenant procéder à la désignation de membres d'organismes extra-parlementaires. Comme c'est l'usage, la répartition des différents postes entre les groupes se rapproche le plus possible de la répartition proportionnelle.

Je vous propose de désigner comme candidats à la nomination du Sénat :

- Mme Françoise Cartron, en tant que titulaire au conseil d'administration de l'établissement public du musée du quai Branly ;

- Mme Sylvie Robert, en tant que titulaire à la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;

- M. Alain Vasselle, en tant que titulaire à l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement et M. Jacques-Bernard Magner et Mme Christiane Hummel en tant que suppléants ;

- M. Michel Savin, en tant que titulaire au conseil d'administration de la société Radio France ;

- Mme Colette Mélot en tant que titulaire au conseil d'administration de l'Institut national de l'audiovisuel et Mme Corinne Bouchoux en tant que suppléante ;

- moi-même, en tant que titulaire au Conseil d'orientation de l'Institut français.

Je vous propose également de nommer, en application de l'article 9 du Règlement du Sénat, les membres appelés à siéger au sein de deux organismes :

- M. Guy-Dominique Kennel, en tant que titulaire au conseil d'administration de Campus France ;

- Mme Claudine Lepage en tant que titulaire au conseil d'administration de l'Institut français.

Mme Dominique Gillot. - Je souhaite proposer ma candidature au poste de titulaire au conseil d'administration de Campus France. Il y a eu une discussion au sein de notre groupe mais pas sur le poste de Campus France qui n'a jamais été évoqué.

Je sais que nous sommes tous interchangeables, et je ne doute pas des compétences de notre collègue Guy-Dominique Kennel, mais j'aimerais vous faire remarquer que je siège à ce conseil d'administration depuis trois ans et que j'y suis particulièrement assidue. Or, la mise en place de ce jeune établissement a été très difficile. Par ailleurs, le mandat de mes collègues députés est de six ans et je ne comprends pas pourquoi il est renouvelé au bout de trois ans au Sénat.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous avons été saisis par le Secrétariat général du Gouvernement (SGG) pour ces nominations.

Mme Dominique Gillot. - Je propose ma candidature et je souhaiterais que la commission se prononce par un vote.

M. Jean-Louis Carrère. - Sans être mandaté pour cela par mon groupe politique, je voudrais vous livrer quelques remarques personnelles sur le contexte général de la commission. Je ne prétends en aucun cas faire la leçon, car j'aurais moi-même sans doute quelques leçons à prendre. Mais lorsque je présidais la commission des affaires étrangères, l'état d'esprit qui y régnait m'a amené, pour chaque dossier important, à nommer des couples majorité-opposition. En outre nous n'avons utilisé des délégations qu'une seule fois en trois années. Certes les questions liées à la défense et aux affaires étrangères sont assez consensuelles, mais je pense que l'on devrait pouvoir trouver des accords en matière de culture. Il me semble que dans notre commission, les gros dossiers sont maintenant systématiquement attribués à la majorité et j'aurais aimé que cela change.

M. Alain Vasselle. - Nous tâcherons de donner satisfaction à M. Carrère par la suite. Pour ma part, j'étais intéressé par le poste de titulaire à la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages, mais j'accepte cette répartition qui relève d'un équilibre général entre la majorité et l'opposition. Par ailleurs, ne pourrait-on pas créer un poste de suppléant au conseil d'administration de Campus France ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - À la prise de mes fonctions, j'ai constaté que la répartition du travail avait très largement favorisé la majorité précédente.

Avec la fin du cumul des mandats, nous entrons, je pense, dans une nouvelle période où les parlementaires seront plus présents et actifs. Nous essayerons d'associer au maximum les membres de la majorité et de l'opposition. C'est déjà le cas pour certains rapports budgétaires, tels que ceux de M. Jean-Pierre Leleux et de Mme Claudine Lepage, que nous aurions pu fusionner pour l'audiovisuel ou ceux de M. Jacques Grosperrin et de Mme Dominique Gillot pour l'enseignement supérieur et la recherche. Actuellement MM. Jean-Pierre Leleux et André Gattolin collaborent dans une mission de contrôle consacrée au financement de l'audiovisuel public.

Par ailleurs, ce qui se pratiquait à la commission des affaires étrangères n'est pas forcément transposable dans notre commission.

Enfin, des rapports aussi importants que ceux du sport, de la presse ou du spectacle vivant sont restés à l'opposition, alors que des collègues de la majorité auraient souhaité s'en charger.

Concernant la nomination aux organismes extraparlementaires, nous nous en tenons au maximum à la représentation proportionnelle.

Mme Dominique Gillot. - Je concède qu'il y a eu une discussion sur la répartition des organismes extra-parlementaires et je ne méconnais pas le changement d'équilibre. Cela dit, je répète que Campus France est un établissement jeune et fragile que je connais bien. Depuis trois ans, je me suis souvent retrouvée seule élue au conseil d'administration. Mon implication sur le sujet a été totale.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je mets aux voix l'ensemble des propositions de nomination aux organismes extra-parlementaires telles qu'elles vous ont été présentées.

Les propositions sont adoptées.

Mme Dominique Gillot. - Compte tenu de ce vote, je retire ma candidature et renonce à ma demande de vote séparé.

Communication diverse

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Lors de sa réunion la semaine dernière, le bureau de notre commission a décidé du principe de la création d'une mission d'information, interne à notre commission, relative à l'orientation. Compte tenu de l'importance de ce sujet, il me semble indispensable que tous les groupes puissent y participer. Si vous en étiez d'accord, cette mission comporterait donc 15 membres répartis de la manière suivante : 6 UMP, 4 SOC, 2 UDI-UC, 1 CRC, 1 RDSE et 1 Écologiste.

Je vous invite à me communiquer le nom des personnes désignées pour faire partie de cette mission, dont je souhaite qu'elle puisse se constituer et établir son programme de travail d'ici à la suspension des travaux parlementaires d'avril.

M. Jean-Louis Carrère. - Vous ne pouvez affirmer que l'attribution d'un poste au groupe RDSE et d'un au groupe écologiste s'appuie sur la proportionnelle !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous avons aussi considéré qu'il serait équitable que tous les groupes soient représentés.

M. Jean-Louis Carrère. - Je préfère cela !

Mme Mireille Jouve. - Je fais partie des sénatrices et sénateurs, peu nombreux, qui ne sont inscrits à aucun groupe politique, et j'avoue avoir de la peine à participer aux travaux de la commission comme il conviendrait. J'observe, qu'une fois de plus, aucune responsabilité n'est attribuée aux non-inscrits.

M. Bruno Retailleau. - Je propose de céder à notre collègue Mireille Jouve, l'un des postes revenant normalement au groupe UMP.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - C'est bien noté.

La réunion est levée à 12 heures.