Mercredi 25 novembre 2015

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Loi de finances pour 2016 - Mission « Médias, Livre et industries culturelles » - Crédits « Presse », « Livre et industries culturelles », « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public », « Audiovisuel extérieur » - Examen des rapports pour avis

La commission examine les rapports pour avis de M. Patrick Abate, rapporteur pour avis sur les crédits « Presse », de Mme Colette Mélot sur les crédits « Livre et industries culturelles », de M. Jean-Pierre Leleux sur les crédits « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » et de Mme Claudine Lepage sur les crédits « Audiovisuel extérieur » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2016.

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits du programme « Presse ». - « Notre liberté dépend de la liberté de la presse et elle ne saurait être limitée sans être perdue » : en cette année 2015 où, un fatal 7 janvier, cette liberté, dans son expression la plus engagée et la plus indépendante, a été meurtrie, la conviction exprimée il y a plus de deux siècles par Thomas Jefferson n'a jamais semblé si vraie ; elle a été confortée, malheureusement, ce 13 novembre par les événements tragiques, qui ont ciblé notre « vivre-ensemble », notre démocratie et notre liberté.

Pourtant, chers collègues, la presse souffre toujours d'une érosion de ses ventes, du vieillissement de son lectorat, de la fuite des recettes publicitaires vers d'autres supports et des contraintes, financières et technologiques, d'une mutation numérique à la fois fossoyeur et espoir d'équilibres économiques à venir.

Le constat est devenu lieu commun et pourtant, il se pourrait que 2016 représente un tournant : les investissements destinés à la modernisation des structures et des méthodes de travail commencent à porter leurs fruits, le système de distribution retrouve une stabilité à laquelle peu croyaient encore et l'Agence France-Presse s'est engagée dans une réforme a minima, certes, mais qui garantit à ce jour la poursuite de son activité.

Cela dit, les crédits du programme 180 font apparaître un affaiblissement du soutien de l'État en faveur de la presse. S'il se limite à une diminution de 1,1 % cette année, il fait suite à un resserrement des aides de 3 % entre 2014 et 2015. Le recul constaté représente la conséquence d'un moindre dynamisme des aides au guichet et rien n'a été entrepris, notamment à travers le fonds stratégique pour le développement de la presse, pour remédier à cette atonie.

Outre le taux de TVA « super réduit » de 2,1 % au bénéfice de l'ensemble des titres pour un coût d'environ 170 millions d'euros, l'aide de l'État à la presse - 128,8 millions d'euros en 2016 - se divise en trois catégories : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation.

Les aides à la diffusion diminuent de 1,4 % pour un montant de 57,7 millions d'euros. L'aide au portage conserve sa dotation de 36 millions d'euros, mais le mécanisme d'exonération de charges pour les vendeurs-colporteurs enregistre un repli logique, consécutif à la réduction du nombre de professionnels.

Les aides au pluralisme, en revanche, enregistrent une augmentation de 34,8 % pour s'établir à 15,5 millions d'euros grâce l'élargissement du dispositif, par un décret du 6 novembre 2015, à des titres d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires à parution non quotidienne.

Nul ne contestera ici l'utilité d'un soutien renforcé en faveur de la presse d'opinion, aux ressources publicitaires réduites : les temps troublés que nous traversons rendent, au-delà de la simple information, l'analyse et le débat indispensables à l'appréhension d'un monde qui semble échapper à notre compréhension. Le renforcement du ciblage des aides directes en faveur de ces journaux constitue un point remarquable de l'évolution des crédits du programme 180 et mérite d'être salué.

La mesure complètera utilement, pour les titres concernés, les mécanismes fiscaux que nous avons adoptés dans le cadre de la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse. Le plus symbolique de ces mécanismes est le dispositif « Charb » pour lequel vous connaissez mon attachement, qui permet aux particuliers de déduire de leur impôt sur le revenu les dons aux associations qui oeuvrent en faveur du pluralisme de la presse.

Enfin, les aides à la diffusion reculent de 7,5 % à 55,6 millions d'euros pour 2016. Cette diminution ne doit toutefois pas nous inquiéter outre mesure, d'abord parce que la réduction porte essentiellement sur l'aide à la modernisation sociale des imprimeries, au titre de laquelle seulement deux dossiers au bénéfice des groupes Le Monde et Amaury nécessitent encore des financements, et, surtout, parce que le soutien de l'État à Presstalis est maintenu à 18 millions d'euros.

Je salue, à cet égard, les efforts considérables réalisés par l'entreprise ces dernières années, au prix de lourds sacrifices sociaux - 1 500 emplois ont été supprimés depuis 2010 - pour retrouver l'équilibre des comptes. Malgré des retards dommageables dans la mise en oeuvre des réformes prévues par le plan stratégique conclu avec l'État, notamment la restructuration du réseau des dépositaires, l'équilibre d'exploitation sera atteint en 2015 grâce à des économies comprises entre 25 et 35 millions d'euros par an depuis quatre ans. Avec de nouveaux développements dans le domaine numérique et des finances assainies, Presstalis a su trouver les moyens de son développement futur. Le défi a été relevé.

Le bilan du fonds stratégique pour le développement de la presse est plus contrasté : doté de 29,6 millions d'euros de crédits en 2016, en diminution de 2,6 %, le dispositif cofinance des projets de développement numérique de sites majoritairement d'information politique et générale. L'aide apportée étant fonction de la capacité d'autofinancement des éditeurs, son montant varie entre 800 euros et 700 000 euros, pour une moyenne de 95 000 euros par projet. Effet pervers de ce système, il prive les titres qui ne disposent pas ou peu de fonds propres de l'accès à une aide à la modernisation, pourtant essentielle dans un marché où le numérique représente l'unique voie de développement du lectorat, même si son modèle économique n'est pas encore parfaitement stabilisé. Cette faille explique un niveau décevant de mobilisation des fonds disponibles et, partant, la réduction de la dotation en 2016.

J'appelle par conséquent le ministère de la culture et de la communication à réviser les critères d'attribution de cette aide, afin qu'elle bénéficie plus largement aux éditeurs modestes. Par ailleurs, compte tenu de la complexité des dossiers de demande d'aide et du frein que constitue le seuil d'entrée dans le dispositif, je souhaite que soit envisagé un recours facilité aux jeunes du service civique pour des postes de développement informatique, dans les entreprises de presse qui ne peuvent prétendre à l'aide du fonds stratégique, afin de renforcer en leur sein, même provisoirement, les compétences utiles à la mise en oeuvre, d'une stratégie numérique d'avenir, à la condition expresse qu'il ne s'agisse pas de remplacer à moindre frais de potentiels emplois pérennes ou des salariés en poste.

La seconde partie de mon propos portera sur un point très précis de la mission « Économie », l'aide au transport postal. Avec 1,3 milliard d'exemplaires distribués chaque année, La Poste, dont c'est l'une des missions de service public, contribue à 30 % de la diffusion de la presse, à des tarifs dérogatoires au droit commun, dont l'évolution est fixée par des accords tripartites avec l'État et les éditeurs ; leur montant varie en fonction des familles de presse. Les accords Schwartz, signés pour la période 2009-2015, ont donné lieu à des manquements répétés de l'État à sa parole, au détriment de la presse et de La Poste. Ainsi, dès 2009, lors de la clôture des états-généraux de la presse écrite, l'application de la hausse tarifaire a été reportée d'un an. Ce moratoire postal a eu un impact d'environ 30 millions d'euros chaque année sur les comptes de La Poste.

Le désengagement unilatéral de l'État s'est poursuivi avec l'annonce, le 10 juillet 2013, de la sortie progressive du moratoire sur les tarifs postaux, afin de rejoindre la trajectoire initialement prévue par les accords Schwartz. Pis, en 2014 et en 2015, la contribution prévue dans l'accord a été réduite chaque année de 50 millions d'euros afin de tenir compte du bénéfice, pour La Poste, du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). En conséquence, l'aide de l'État au titre du transport postal a été de 150,5 millions d'euros en 2014 au lieu des 200 millions d'euros prévus, puis de 130 millions d'euros en 2015 contre 180 millions d'euros prévus.

Les accords Schwartz arrivant à échéance le 31 décembre 2015, les ministres de la culture, de l'économie et des finances, ont confié une mission sur l'avenir du transport postal de la presse à Emmanuel Giannesini, membre de la Cour des comptes et président du comité d'orientation du Fonds stratégique pour le développement de la presse. Cette mission devra proposer différents scénarios afin de définir le nouveau cadre du soutien public à l'acheminement des abonnements de presse, comprenant à la fois l'aide au transport postal et l'aide au portage. Ses conclusions ne sont pas encore connues. Dans cette attente, l'aide au transport postal a été fixée, pour 2016, à 119 millions d'euros dans le cadre de la mission « Économie » du projet de loi de finances, soit une nouvelle diminution drastique, qui augure mal du résultat des négociations relatives à l'après-Schwartz.

La Poste et les représentants des différentes familles de presse m'ont fait part de leurs craintes pour l'avenir. Nul ne sait si un nouvel accord sera conclu ou si, comme le proposait le rapport de Roch-Olivier Maistre sur les aides à la presse en 2013, une relation commerciale ordinaire sera instaurée entre La Poste et les éditeurs de presse.

En tout état de cause, une augmentation des tarifs postaux est bel et bien prévue, alors que les éditeurs ont, durant la période d'application des accords Schwartz, déjà consenti un effort de 110 millions d'euros. Elle devrait majoritairement peser sur les magazines, notamment sur ceux appartenant à une nouvelle catégorie de presse de divertissement et de loisir, sur lesquels pourrait s'appliquer une hausse de plus de 60 % en quatre ans. J'estime cette perspective déraisonnable, dans un contexte où les magazines connaissent également des difficultés financières et, surtout, où le maintien d'une solidarité entre familles de presse, au-delà de la seule TVA, est plus que jamais nécessaire - sans compter la difficulté à définir la nouvelle catégorie.

Je conclurai en présentant les crédits consacrés à l'Agence France-Presse (AFP). Conformément aux engagements de la France à la suite des recommandations de la Commission européenne, traduites dans la loi du 17 avril 2015 puis dans le contrat d'objectifs et de moyens signé avec l'État le 15 juin dernier, le financement public de l'Agence distingue désormais le paiement des abonnements au fil AFP souscrits par les administrations de la compensation des missions d'intérêt général qui lui sont confiées. Le projet de loi de finances prévoit 21,6 millions d'euros au titre des abonnements, somme fixée par la nouvelle convention entre l'État et l'AFP, et 105,9 millions d'euros de subvention pour charge de service public.

Globalement, cette dotation est stable. Si elle permet à l'AFP de poursuivre son activité, elle ne règle en rien les difficultés de l'Agence à investir, compte tenu de l'absence de fonds propres et d'un endettement déjà inquiétant, grevé par sa filiale technique de moyens AFP Blue. Notre collègue Philippe Bonnecarrère avait déjà pointé ce risque dans son rapport : la situation n'a guère évolué depuis et ses craintes, que je partage, sont toujours d'actualité.

Je vous propose par conséquent que notre commission s'en remette à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne l'adoption des crédits de la presse au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Personnellement, je ne serai pas défavorable à leur adoption.

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du programme « Livre et industries culturelles ». - « À la barbarie des terroristes, nous devons opposer l'invincible humanité de la culture », affirmait solennellement François Hollande quelques jours après les attentats du 13 novembre dernier, lors de la 70e conférence générale de l'Unesco. Je pense que notre commission partage cette déclaration. À force de menaces, le livre et la musique - la culture en somme -, fruits de l'esprit de nos artistes et symboles de nos valeurs, n'ont jamais semblé si indispensables au vivre-ensemble.

Pourtant, les industries culturelles sont bien souvent malmenées par une modernité dont le rythme s'accorde difficilement avec le temps de la création, les contraintes de la production et le tempo lent du lecteur et du mélomane. Elles résistent cependant et parviennent, progressivement, à se rénover tout en demeurant fidèles à leur vocation créatrice.

Les gouvernements qui se sont succédé depuis la percée du numérique dans le monde de la culture ne sont pas étrangers à cette réussite. Ce projet de loi de finances ne limite en rien le soutien public : le programme 334 « Livre et industries culturelles » reçoit 265,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 276 millions d'euros en crédits de paiement. À périmètre constant, l'effort supplémentaire s'élève à 1,4 % par rapport à 2015, au profit des seules industries culturelles.

Hélas, malgré cette discrète embellie, les crédits destinés au livre et aux industries culturelles ne bénéficient qu'a minima aux secondes. La promotion du livre et le soutien à la lecture accaparent 96,8 % des crédits, dans la mesure où le programme 334 comprend le financement d'opérateurs coûteux et notamment de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Contrairement à la production cinématographique et audiovisuelle, le livre, la musique et les jeux vidéo ne sont soutenus qu'au travers d'aides éparpillées et de crédits d'impôt par trop restrictifs. Les performances affichées par ces filières n'en sont que plus méritoires.

Action reine du programme 334, l'action n° 1 « Livre et lecture » est dotée de 256,4 millions d'euros en crédits de paiement. Mais ne nous y trompons pas : cette enveloppe, pour généreuse qu'elle paraisse, est en réalité presque exclusivement destinée à la subvention pour charges de service public de la BnF (215 millions d'euros). Bien sûr, il s'agit d'un établissement prestigieux, dont la politique de collaboration avec les bibliothèques territoriales doit être saluée, dont l'engagement en faveur du patrimoine écrit par l'achat régulier de pièces rares grâce à la mobilisation d'un généreux mécénat n'est plus à démontrer et dont, enfin, l'ambitieux programme de numérisation affiche des résultats dont la France peut s'enorgueillir.

La bibliothèque nationale numérique Gallica, inaugurée en 1997, compte désormais 3,4 millions de documents. Avec 40 000 visites par jour, soit 15 millions de lecteurs chaque année, le succès est à la hauteur des sommes dépensées. Avec le lancement, quelque peu tardif, de la numérisation des livres indisponibles du XXe siècle, dont nous avions voté à l'unanimité le principe en 2012, et le développement de nouveaux partenariats pour poursuivre la numérisation des collections, l'outil devrait encore renforcer son attractivité.

Mais que dire a contrario des vicissitudes immobilières de l'établissement ? La rénovation du site historique du quadrilatère Richelieu ne cesse de prendre du retard et de voir son coût régulièrement augmenter, passant de 211 à 230 millions d'euros. Le chantier, entamé en 2011, devrait se terminer en 2017 ; 2016 verra l'achèvement de la première phase et l'installation dans les lieux de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA). En revanche, le flou demeure complet sur le financement des travaux de finition, notamment la rénovation des façades et des parties classées. Le site Tolbiac-François Mitterrand n'est pas épargné par les travaux à répétition : la maintenance y est coûteuse - 1 million d'euros par tour pour la modernisation des ascenseurs, par exemple - d'autant que de récentes inondations ont fait d'importants dégâts sur les canalisations, nécessitant 5,4 millions d'euros pour leur remise en état.

Reste qu'une fois l'immense paquebot François-Mitterrand financé, fonctionnement et travaux compris, peu de moyens demeurent disponibles pour d'autres établissements : la Bibliothèque publique d'information est chichement dotée de 7,2 millions d'euros pour 1,35 million de visiteurs annuels quand la BnF en reçoit péniblement 810 000. Plus grave encore, ces moyens font défaut pour de véritables de projets au bénéfice du développement de la lecture, notamment auprès des publics les plus éloignés, et le soutien au réseau de vente de livres.

Qui plus est, le Centre national du livre (CNL), l'opérateur en charge du soutien aux éditeurs, pour des projets culturellement ambitieux, et aux libraires les plus fragiles, peine à trouver les moyens de fonctionner convenablement. Sa dotation, assise sur le produit de la taxe sur les appareils de reprographie et de la taxe sur les éditeurs, n'a cessé de s'éroder pour passer sous le seuil des 30 millions d'euros. Une mission commune à l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et au contrôle général économique et financier est en cours pour comprendre les raisons du piètre rendement de ces taxes. Si le caractère pérenne de leur moindre rentabilité devait se confirmer, d'autres modalités de financement devront être envisagées au bénéfice du CNL.

Il est, dès lors, plus qu'heureux que le marché du livre se porte bien. Après une légère érosion ces dernières années, les ventes se sont stabilisées à environ 422 millions d'ouvrages en 2014, dont un quart de littérature, pour un chiffre d'affaires éditeurs de 2,7 milliards d'euros. 2015 devrait également présenter un résultat satisfaisant, d'autant que les attentats du mois de janvier ont entraîné une augmentation sensible des ventes d'essais philosophiques, y compris anciens, et d'ouvrages religieux. La part du numérique demeure modeste, à 6,4 % du marché.

Contrairement à la musique, les mutations technologiques n'ont nullement entamé cette industrie culturelle traditionnelle, qui demeure ancrée dans les pratiques des Français, comme l'achat en librairie survit toujours face à la concurrence d'Internet. Nous nous étions beaucoup inquiétés il y a quelques mois, de l'avenir de ces commerces de quartier. Des difficultés subsistent, mais le secteur se porte mieux grâce, notamment, au dispositif que nous avons voté en 2014 à l'unanimité interdisant le rabais de 5 % et la gratuité des frais de port aux sites de vente en ligne de livres. Je vous transmets les remerciements des professionnels.

L'action n° 2 « Industries culturelles », qui regroupe la musique, le jeu vidéo et la dotation à la Hadopi, n'étant dotée que de 15,9 millions d'euros, elle appelle de plus brefs commentaires. Point le plus marquant, après avoir perdu 60 % de son chiffre d'affaires et 50 % de ses salariés en dix ans, le marché de la musique est en passe de réussir, grâce au streaming, sa mutation numérique. En croissance de 34 % en 2014, celui-ci représente désormais 16 % du chiffre d'affaires de l'industrie musicale et 55 % des revenus numériques. Il est heureux que la récente médiation confiée à Marc Schwartz ait abouti à un meilleur partage de la valeur au profit des artistes-interprètes sur ce mode de diffusion.

Après une période délicate, dont nos collègues Bruno Retailleau et André Gattolin s'étaient émus dans un rapport consacré en juillet 2013 à l'industrie du jeu vidéo, les studios français renouent avec la croissance. Les produits issus de nos studios, souvent de taille modeste, employant des techniciens et artistes de l'animation, dont les compétences demeurent fort prisées à l'étranger, ont un succès enviable sur le marché mondial malgré une capacité d'investissement encore insuffisante. L'extension du crédit d'impôt, enfin autorisée par la Commission européenne, représente un coup de pouce significatif pour l'industrie française du jeu vidéo face à une farouche concurrence fiscale internationale.

Enfin, après un assèchement dramatique de ses fonds, la Hadopi retrouve un peu d'oxygène, avec une dotation de 8,5 millions d'euros. Néanmoins, cette enveloppe reste insuffisante pour que la Haute Autorité développe son activité de lutte contre le piratage et de promotion de l'offre légale. Or, alors que le principe même d'une application du droit d'auteur dans l'univers numérique est parfois remis en cause, la Hadopi n'a jamais été si utile. En ce sens, je souscris pleinement aux ambitieuses propositions de modernisation et de renforcement de l'institution développées par nos collègues Corinne Bouchoux et Loïc Hervé en juillet dernier. Je souhaite qu'elles trouvent prochainement leur traduction législative.

Pour conclure et compte tenu de ces observations, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles».

Mme Mireille Jouve. - Je salue tout particulièrement la création du Fonds de soutien à l'information sociale de proximité, doté d'1,5 million d'euros. Le rôle des médias locaux, souvent de taille modeste, est, en effet, essentiel au maintien du lien social et à notre vitalité démocratique. Le taux de TVA à 2,1 % constitue par ailleurs, depuis 2014, un encouragement bienvenu à la diffusion de la presse en ligne, même s'il est trop tôt pour en ressentir les effets. Cependant, il ne doit pas nuire à la qualité éditoriale : certains grands titres remplacent leurs journalistes d'investigation par des employés relayant, devant leur ordinateur, une information produite ailleurs. Le rachat de nombreux titres par de grands groupes industriels nécessite lui aussi une grande vigilance à l'égard de l'indépendance des rédactions et du maintien du pluralisme. Je salue également l'extension des aides au pluralisme aux publications fragiles à parution non quotidienne ; je me félicite enfin du maintien des crédits au livre et aux industries culturelles et de la bonne résistance du marché du livre.

L'augmentation de 2,5 millions des crédits de la Hadopi n'est peut-être pas suffisante pour traquer le téléchargement illégal. C'est en effet un chantier considérable.

Mme Corinne Bouchoux. - Les aides à la presse, au pluralisme et aux nouveaux médias sont bienvenues. Car, si le numérique représente l'avenir, il ne fait pas encore vivre ses acteurs. Notre groupe est par conséquent plutôt favorable à l'adoption des crédits pour la presse.

Des économistes que je qualifierai d'atypiques ont travaillé sur le modèle économique de la presse. Avez-vous étudié, dans le cadre de votre avis, les propositions de Julia Cagé sur le financement des entreprises de presse ?

Quant aux crédits du livre, nous sommes tout à fait favorables à la mixité des publics et à la massification des pratiques de lecture promues par le Gouvernement ; mais massification ne signifie pas démocratisation, et nous en sommes encore loin. Là encore, notre groupe rendra néanmoins un avis favorable.

Mme Christine Prunaud. - Les libraires et éditeurs indépendants demandent, notamment par la voix de l'association l'Autre livre, à bénéficier d'un tarif postal réduit. Ils estiment que le livre ne doit pas être traité comme une marchandise ordinaire. Quelle est votre opinion sur la flexibilité de cette proposition ?

Mme Sylvie Robert. - Nous nous félicitons de l'augmentation de 1,4 % des crédits alloués au livre et aux industries culturelles. Certes, la BnF en reçoit une grande partie, mais notre collègue Colette Mélot a omis de signaler l'augmentation de 1 million d'euros du budget des contrats territoire-lecture développés dans les milieux ruraux et certains quartiers prioritaires.

Je ne conteste pas l'importance de l'aide publique aux industries culturelles, mais le secteur recouvre des modèles économiques très différents : les jeux vidéo sont un marché porteur dont les acteurs jouissent d'une bonne santé financière et artistique.

Je regrette la baisse des aides aux radios locales ; ces radios de proximité jouent pourtant un rôle important.

Enfin, au vu du contenu de son rapport, je m'étonne de l'avis défavorable proposé par notre rapporteur sur les crédits du programme 334.

M. Bruno Retailleau. - Je salue la qualité du travail de Mme Mélot dont nous allons suivre l'avis. La révolution numérique ayant en premier lieu affecté l'industrie de la musique, la progression de 34 % du streaming représente une mutation positive. Nous regrettons que le Gouvernement, au lieu de l'accompagner, ait tenté de supprimer la Hadopi. L'augmentation des crédits est bienvenue mais ne compense que partiellement les baisses successives des trois années précédentes. Nous voterons par conséquent contre l'adoption des crédits de cette mission.

M. Jean-Louis Carrère. - Bruno Retailleau ne félicite que l'un des rapporteurs, or tous deux ont bien travaillé !

M. David Assouline. - Bien que nous restions dans l'expectative quant au dispositif qui suivra les accords Schwartz, la réforme des aides à la presse va dans le bon sens : celui de la transparence des critères d'attribution et d'un recentrement sur les objectifs initiaux de protection du pluralisme. Le pluralisme de la presse, dans le système mis en place à la Libération, reposait sur les quotidiens locaux et régionaux qui assuraient un véritable maillage du territoire. La concentration et le rachat de journaux par des banques et de grands groupes industriels menacent l'indépendance de la presse, mais portent aussi atteinte à sa diversité et à son pluralisme. Il est indispensable de trouver des leviers pour y remédier.

Enfin, appeler à voter contre une augmentation budgétaire constitue une posture incompréhensible. Si un prochain gouvernement vous demande de voter en faveur d'un budget malgré des baisses de crédits, quelle sera votre réaction ?

M. Jacques Grosperrin. - L'augmentation de la dotation de la Hadopi représente un signe de reconnaissance de son travail après les polémiques. Doit-on conclure à son maintien, voire à son renforcement ?

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis. - Notre rapport témoigne effectivement de notre attention aux propositions des nouveaux penseurs que vous évoquez. Julia Cagé vient au demeurant d'être nommée administratrice de l'AFP.

La concentration de la presse m'apparaît moins inquiétante que la concentration de différents médias au sein d'un même groupe. Les journalistes figés devant leur écran se multiplient, et le recours aux pigistes augmente. Notre rapport fait état de ces phénomènes et recommande que les aides à la presse soient liées à un engagement déontologique des éditeurs en la matière.

Par ailleurs, le soutien aux radios associatives locales ressort des crédits de l'audiovisuel et non de la presse.

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - Le président de la BnF propose d'instaurer la gratuité pour les étudiants et les jeunes de 18 à 23 ans, une mesure qui représenterait un manque à gagner de 400 000 euros par an dont il demande la compensation par l'État.

Je ne m'oppose pas à des tarifs postaux réduits pour le transport postal de livres, mais cela sera difficile à obtenir alors que la presse voit ces tarifs augmenter.

Je me félicite de la dotation supplémentaire au profit des contrats territoire-lecture passés par les Directions régionales de l'action culturelle (DRAC). Mais elle ne permettra que de compenser le fait que le CNL subit une baisse de ses moyens, appelée à s'aggraver avec le déclin de la taxe sur la reprographie, qui l'oblige à limiter ses interventions dans les territoires. Une commission étudie en ce moment une réduction des taxes.

L'augmentation de 2,5 millions d'euros de la dotation de la Hadopi ne constitue qu'un rattrapage : en 2014, la Haute Autorité a dû puiser dans son fonds de roulement pour compenser une baisse de la dotation à 6 millions d'euros. Aucun progrès n'est donc à relever dans la lutte contre le piratage. Il ne faut pas voir dans l'augmentation des crédits autre chose que le maintien de la Haute Autorité.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous allons maintenant passer à l'examen des crédits du programme « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique » et au compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - La vie de l'audiovisuel public, cette année encore, n'aura pas été un long fleuve tranquille. Qu'il s'agisse de la grève historique à Radio France, des conditions rocambolesques de la démission de la présidente de l'INA ou de celles, non moins étonnantes de la nomination de la nouvelle présidente de France Télévisions, les raisons ne manquent pas de porter un regard préoccupé sur l'évolution de ce secteur. Au-delà de ces péripéties, il y a des salariés qui s'interrogent sur l'avenir de l'audiovisuel public et qui aiment leur métier. Il y a également les Français qui souhaitent pouvoir se retrouver pour partager des moments en commun, s'informer, se cultiver, se distraire.

Il me semble donc urgent de définir une vision claire de l'avenir de l'audiovisuel public, de ses moyens, de sa légitimité, de ses missions et de sa gouvernance, qui n'existe pas encore ou du moins pas suffisamment pour rassurer les acteurs sur leur avenir. C'est le message que m'ont adressé les syndicats de salariés.

Les initiatives récentes ne répondent qu'imparfaitement aux enjeux. Le rapport Schwartz a contribué à définir la feuille de route de la nouvelle direction. Mais en évitant de se prononcer sur le périmètre du groupe et sur les programmes, il n'a pas clarifié les attentes de l'actionnaire. La création du Comité stratégique de l'audiovisuel public illustre la prise de conscience qu'une meilleure coordination est nécessaire mais cette action reste trop timide pour engager les mutualisations nécessaires.

Au lieu d'avancer courageusement sur la voie des réformes, le gouvernement temporise au risque de voir les problèmes s'aggraver. C'est le cas en ce qui concerne Radio France où le retour à l'équilibre des comptes a été renvoyé sans raison probante à 2018, et aussi pour France Télévisions qui fait des efforts mais reste dépendant d'un financement pas encore stabilisé.

La situation de l'audiovisuel public n'est pas aisée, et loin de moi l'idée que le gouvernement actuel serait responsable de tous ses malheurs. La révolution des usages change radicalement les perspectives du marché publicitaire avec des conséquences immédiates sur les comptes des sociétés. Le déficit de 10 millions d'euros de France Télévisions en 2015 est ainsi le résultat de la dégradation du marché publicitaire. La précédente majorité n'avait pas non plus réussi à stabiliser le modèle économique. Voilà pourquoi nous sommes tous conscients que des changements majeurs sont nécessaires, à commencer par une réforme de la contribution à l'audiovisuel public proposée par André Gattolin et moi-même dans le rapport que nous avons présenté fin septembre.

Cette réforme, les ministères l'ont préparée pendant des mois avant que le gouvernement y renonce à la rentrée pour des raisons politiques. Je le regrette d'autant plus que la solution retenue ne me satisfait pas. Certes, la disparition de la dotation budgétaire ne peut qu'être saluée et le principe d'une affectation du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques peut être considéré comme un moindre mal, puisque cette taxe a justement été créée en 2009 pour compenser la baisse des recettes de France Télévisions. Mais pourquoi l'augmenter de 0,4 point alors que le produit initial de la taxe à 0,9 %, estimé à 225 millions d'euros en 2016, suffit largement à financer les 140,5 millions d'euros dont a besoin France Télévisions ? Cette nouvelle taxe sur les opérateurs risque de se traduire par une hausse de tarif pour les consommateurs qui ne sera qu'une fiscalité détournée. Elle ne doit pas nous dissuader de rappeler l'urgence de réformer la contribution à l'audiovisuel public compte tenu de la baisse du taux d'équipement des ménages en téléviseurs. Plus nous attendrons, plus il sera difficile de soumettre à la redevance des ménages qui en sont exonérés. Je souhaite que le projet de loi de finances 2017 soit l'occasion d'avancer sur ce sujet ; au sein de notre commission, il y a une conviction partagée sur les contours que pourrait prendre cette réforme. Enfin, la contribution à l'audiovisuel public n'augmentera que d'un euro en 2016 du fait de l'indexation, en portant le produit à 3,73 milliards d'euros.

J'en viens à la situation des opérateurs. La présidente de France Télévisions nous a expliqué que, compte tenu de la hausse de 25 millions d'euros des ressources publiques adoptée à l'Assemblée nationale, le déficit prévisionnel qui s'établira à 25 millions d'euros en 2016 pourra être comblé grâce à de nouvelles mesures d'économies sur les programmes.

On ne peut que saluer cet engagement de retour à l'équilibre dès 2016, même si l'entreprise reste structurellement déficitaire et devra infléchir son modèle économique. La réglementation sur la production doit évoluer rapidement afin que France Télévisions puisse mieux valoriser ses 400 millions d'investissement dans la création audiovisuelle. La présidente de France Télévisions s'est déclarée favorable à un remplacement progressif de la publicité par les recettes issues des droits attachés à la production dans le modèle de financement mixte du groupe public. C'est une orientation que nous sommes nombreux à partager, conscients toutefois qu'il s'agit d'un objectif de long terme. Dans l'immédiat, les recettes publicitaires resteront nécessaires pour compléter les 2,56 milliards d'euros issus de la contribution à l'audiovisuel public et les 140,5 millions d'euros affectés sur le produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques.

Un projet tel que celui d'une chaîne d'information en continu, engagé par la présidente de France Télévisions, ne peut être lancé à la légère. La réputation du service public étant en jeu, la décision devra répondre à deux impératifs : proposer une offre radicalement différente de l'existant et la rendre accessible au plus grand nombre. Ces deux conditions incitent à éviter la précipitation et à s'interroger sur la meilleure utilisation des canaux qui pourraient être disponibles - je pense au canal utilisé aujourd'hui par Numéro 23, compte tenu de l'abrogation de son autorisation décidée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à compter du 30 juin 2016.

Sur une note plus positive, le plan de départs volontaires, achevé d'ici la fin de l'année, devrait dégager d'importantes économies sur la masse salariale, ce qui conforte l'intérêt de ce type de mesures pour réduire les coûts.

L'audience d'Arte poursuit sa progression, s'établissant à 2,2 % depuis le début de 2015. L'image de la chaîne continue à s'améliorer, témoin le succès de son offre numérique. Les moyens accordés à Arte seront en hausse de 2,5 millions d'euros en 2016 à 264,3 millions d'euros, soit une stabilité en termes réels. Je regrette que cette chaîne qui porte haut les voix de la culture n'ait pas bénéficié d'un véritable soutien depuis 2012. Par rapport aux objectifs prévus dans le COM 2012-2016, la chaîne accuse un déficit de 34,6 millions d'euros de contribution à l'audiovisuel public. Là encore, on a le sentiment que les efforts des plus méritants ne sont pas récompensés.

La situation de Radio France m'inquiète. La Cour des comptes a pointé de très nombreuses défaillances et formulé des recommandations qui n'ont pas reçu de véritables réponses de la part de l'actionnaire. La grève de 28 jours qui a eu lieu au printemps n'a pas résolu les problèmes de fond en dépit du travail utile du médiateur. Les syndicats m'ont confié que les braises du conflit n'étaient pas éteintes.

Nous sommes ici au coeur des défaillances de l'ensemble de notre audiovisuel public : les réformes ont trop longtemps été repoussées, en particulier en ce qui concerne les méthodes de travail et l'ajustement des effectifs.

Faute de véritable vision pour la société, les réformes sont vécues de manière uniquement négative et comptable par un personnel compétent et très investi, qui ne comprend pas quel avenir on lui prépare. Le projet de chaîne d'information en continu traduit bien cette difficulté avec des salariés qui craignent de se faire absorber par le grand frère, France Télévisions. Le gouvernement temporise avec le souci d'éviter les réactions sociales. On peut le comprendre mais cela ne fait qu'aggraver la situation. Le plan de départs volontaires a été abandonné en faveur d'un non-renouvellement de tous les départs qui aura un impact moindre sur le retour à l'équilibre des comptes. La réforme des formations musicales et la décision sur la poursuite de la diffusion hertzienne du Mouv' ont été renvoyées à 2017. La proposition de fusion des rédactions de Radio France, France Info et France Culture faite par la Cour des comptes, qui constitue le pendant du projet Info 2015 à France Télévisions, a été purement et simplement écartée. Autant dire que le compte des réformes n'y est pas.

La situation financière de Radio France reste très fragile. Le déficit sera ramené à 10 ou 12 millions d'euros en 2015 pour des raisons comptables. En 2016, un nouveau déficit est prévu à hauteur de 16,56 millions d'euros malgré une hausse des ressources publiques de 5 millions d'euros ; il serait encore de 6,46 millions d'euros en 2017. La spécificité de Radio France est mise à mal sur le plan de la publicité. Si l'aménagement du cahier des charges répond sans doute à un besoin, l'absence d'encadrement de la publicité sur les sites Internet du groupe menace l'identité de la radio publique. L'examen du prochain contrat d'objectifs et de moyens de Radio France sera l'occasion d'évoquer ces sujets.

Le nouveau président de l'Institut national de l'audiovisuel, semble avoir pris la mesure des difficultés. Son projet de « retour aux fondamentaux » est le plus raisonnable pour les finances publiques sans être pour autant dénué d'ambitions, comme l'illustre sa volonté de coopérer avec France Télévisions dans le lancement de sa future plateforme de vidéo à la demande. Je retiens aussi sa volonté d'instaurer une véritable culture du contrôle de la dépense qui faisait défaut à l'institution. La reconduction des crédits à hauteur de 89 millions d'euros était, dans ces conditions, sans doute inévitable compte tenu du niveau de la masse salariale et de l'absence de marges de manoeuvre à court terme.

Je porte donc un regard très contrasté sur la situation de l'audiovisuel public, avec une inquiétude sur au moins un des grands opérateurs. L'insuffisance des réformes engagées sur les ressources ou sur le fonctionnement et l'organisation des sociétés et l'absence de volonté d'engager une véritable politique de mutualisation à tous les niveaux m'invitent à vous proposer d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi qu'au compte de concours financier « avances à l'audiovisuel public » de l'audiovisuel extérieur.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur. - L'examen des crédits de l'audiovisuel extérieur intervient dans un contexte particulier. Depuis janvier, toutes les chaînes de télévision du monde ont pris la triste habitude de relater les attentats qui frappent notre pays. Ceux-ci résultent de la radicalisation de nombreux jeunes Français, essentiellement au travers de médias étrangers et sur Internet. Jamais une information libre, accessible en plusieurs langues - dont l'arabe - n'a été aussi nécessaire. Nos médias sont aussi devenus des cibles. Ainsi, RFI et Monte-Carlo-Doualiya sont scrutés par les gouvernements de certains pays, qui exercent des pressions sur la programmation, et TV5 Monde a fait l'objet d'une attaque informatique sans précédent le 8 avril dernier, qui a presque détruit ses infrastructures et occasionné des coûts importants.

Pourtant, les moyens dévolus à l'audiovisuel extérieur restent contraints, en particulier du fait de la mauvaise santé financière de France Télévisions et de Radio France, qui bénéficient de l'essentiel des moyens disponibles. Alors qu'il y aurait urgence à développer notre audiovisuel extérieur, le PLF 2016 se contente de préserver les moyens et donc limite les nouveaux projets. Cette situation appelle une réforme, dès que possible, de la contribution à l'audiovisuel public, propre à préserver durablement les moyens de l'audiovisuel, et une accélération des réformes dans les grands groupes publics pour dégager des marges de manoeuvre. France Médias Monde a déjà réalisé d'importants efforts lors de la fusion de France 24 et de RFI, tout comme TV5 Monde. Les bons élèves ne doivent pas être condamnés à assumer les errements des plus dissipés !

Chaque semaine, 90 millions d'auditeurs et de téléspectateurs suivent les programmes de France 24, de RFI et de MCD. Ces chaînes occupent des places de premier plan en Afrique et au Proche-Orient. La forte progression des audiences a été obtenue avec des moyens publics globalement identiques depuis 2010. Selon les syndicats, la présidente de France Médias Monde, Mme Saragosse, a su rétablir un dialogue social de qualité et un climat de confiance. Certes, les négociations sur l'accord collectif ont pris du retard, mais elles devraient aboutir d'ici la fin de l'année ou, au plus tard, début 2016.

Le PLF 2016 attribue 244 millions d'euros à France Médias Monde, issus entièrement du produit de la contribution à l'audiovisuel public : c'est 2 millions d'euros de plus qu'en 2015. Compte tenu du pacte de compétitivité et de certaines dispositions fiscales concernant notamment la taxe sur les salaires, le groupe touchera 3,1 millions supplémentaires. Ce surcroît de moyens, bienvenu, reste très limité : le contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2013-2015 prévoyait une augmentation de 10,8 millions d'euros. Dans ces conditions, le développement de France Médias Monde est interrompu en Amérique latine et reste très limité en Inde et plus généralement en Asie du Sud-Est. Les syndicats ont une conscience aiguë de la situation et souhaitent que l'État explique clairement ses ambitions pour l'audiovisuel extérieur. De plus, le projet de chaîne d'information en continu, auquel est associé France 24 - sans en être l'initiateur - constitue une source d'inquiétudes.

Le ministre des Affaires étrangères et du développement international, qui exerce une cotutelle sur France Médias Monde, a réaffirmé récemment la nécessité de donner une nouvelle impulsion à son développement. Nous aurons prochainement l'occasion de nous prononcer sur cette ambition puisque le projet de contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 devrait nous être soumis pour avis au premier trimestre de 2016. La direction de France Médias Monde a identifié trois scénarios d'évolution des moyens. Le premier, avec une hausse des ressources de 0,7 % par an, soit moins que l'évolution de 0,8 % prévue en 2016, préserverait l'outil existant en limitant son développement. Le deuxième prévoit une hausse des moyens de 1,5 % par an pour poursuivre les actions engagées, notamment pour augmenter la notoriété des chaînes. Seul le troisième, qui envisage une hausse des ressources publiques de 2,1%, permettrait à notre pays de renforcer son influence et d'engager la déclinaison de France 24 en espagnol en Amérique latine. C'est celui que vous avez soutenu auprès de la ministre, Madame la présidente, et qui a notre préférence.

Les conséquences de la cyberattaque du 8 avril dernier obèrent fortement les comptes de TV5 Monde puisque, selon son directeur général, M. Yves Bigot, le surcoût en 2015 devrait s'élever à 4,8 millions d'euros du fait du matériel à remplacer et des protections nouvelles à installer. Le gouvernement a autorisé la chaîne à réallouer 1,2 million d'euros, initialement prévus pour les programmes, à cette dépense, et la fédération Wallonie-Bruxelles a accordé 1 million d'euros au titre de 2015-2016. Mais il manque encore 1,8 million d'euros de la part des autres partenaires. Une réunion des bailleurs, prévue en fin de semaine, devrait compléter le tour de table.

Le PLF 2016 accorde 76,8 millions d'euros à TV5 Monde, soit une hausse de 0,7 million d'euros. L'entreprise bénéficiera, en outre, d'une économie de taxe sur les salaires de 1,7 million d'euros à compter de 2016, liée à son financement par la contribution à l'audiovisuel public. Au lieu d'être affecté au développement des programmes et des nouveaux projets, ce surcroît de ressources sera intégralement consacré au financement des dépenses de sécurité, pour un coût estimé à 2,2 millions d'euros. Six ingénieurs ont été recrutés par TV5 Monde pour renforcer ses moyens de défense et un contrat avec la filiale d'Airbus spécialisée dans la défense électronique prévoit l'augmentation du niveau des protections et la formation du personnel.

La protection de nos médias est une priorité et je ne suis pas sûre que les autres sociétés aient pris la mesure du risque qu'elles encourent, même si le gouvernement est mobilisé sur ce sujet qui a été évoqué lors de la première réunion du nouveau Comité stratégique de l'audiovisuel public. Je rends hommage au personnel de TV5 Monde, qui a su répondre avec compétence et rapidité à la cyberattaque du 8 avril et qui ne compte pas ses heures depuis pour rétablir l'ensemble des systèmes, ce qui n'est pas encore complètement achevé. Hélas, le niveau des moyens a obligé la direction à affaiblir l'offre de programmes du bouquet aux États-Unis pour financer le projet de chaîne jeunesse en Afrique. N'aurait-il pas été possible d'aider un peu la chaîne pour lui éviter de tels arbitrages ?

M. Rémy Pflimlin a conservé la présidence du conseil d'administration de TV5 Monde jusqu'à la prochaine assemblée générale, qui aura lieu au printemps 2016. Or cette présidence doit normalement échoir au président en titre de France Télévisions. Si l'implication de l'ancien président de France Télévisions dans le développement de TV5 Monde explique cette décision, il ne faut pas que l'absence de la présidente de France Télévisions des organes de direction de la chaîne francophone affaiblisse la qualité de ses échanges avec son premier actionnaire, qui constitue une des conditions de son développement. France Télévisions met chaque année 22 000 heures de programmes à la disposition de TV5 Monde.

Bref, les moyens de l'audiovisuel extérieur restent un peu limités mais grâce aux équipes des deux sociétés nous avons un outil précieux pour notre influence dans le monde. Le PLF 2016 consolide cette situation. Je vous proposerai donc de donner un avis favorable aux crédits de l'audiovisuel extérieur, en espérant qu'un geste supplémentaire sera fait dans le cadre du prochain COM de France Médias Monde.

M. David Assouline. - Nous avons beaucoup débattu du financement de l'audiovisuel public, auquel nous sommes tous très attachés. Si chacun renonçait aux postures, nous pourrions largement nous entendre. Le rapport de M. Leleux montre qu'il ne faut pas trop attendre. Or certains se tiennent au coin du bois et s'empresseront de faire capoter toute proposition par leur démagogie. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'accroître les ressources, mais M. Retailleau s'oppose publiquement à la hausse de la contribution à l'audiovisuel public.

M. Bruno Retailleau. - De fait.

M. David Assouline. - Évidemment, puisqu'elle serait impopulaire ! Pourtant, elle est loin d'atteindre le même niveau que chez nos voisins anglais ou allemands. Il faut également élargir son assiette, pour y intégrer le million de personnes qui regardent la télévision sur d'autres appareils. J'ai participé à la préparation de cet élargissement, mais nous avons dû interrompre nos efforts car certains se préparaient à proclamer que nous ferions entrer un million de personnes dans l'impôt... Vous avez supprimé la publicité après vingt heures sans compenser la perte de ressources. Même sous M. Copé, la taxe qui porte son nom n'y a jamais été affectée. Vous souhaitez un budget plus important sans ressources publicitaires et sans augmentation de la redevance ni élargissement de son assiette. C'est impossible et vous le savez !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. - Ils sont de bonne foi !

M. David Assouline. - Nous sommes d'accord sur l'essentiel. Même si vos critiques ne sont pas partagées par votre camp, elles vous autorisent à voter contre un budget en augmentation. Or seuls les actes comptent.

On le voit bien dans le contexte actuel : l'information audiovisuelle en continu rythme notre quotidien. On peut le déplorer mais c'est un fait. Même pour les riverains des attentats - même, hélas, pour leurs auteurs - elle joue un rôle fondamental. Dès lors, il est extrêmement regrettable que le service public n'ait pas de chaîne d'information en continu, qui présenterait des garanties de citoyenneté, de pluralisme, d'indépendance et de professionnalisme, et qui s'appuierait sur un réseau de plusieurs milliers de journalistes. Il faut aller vite, monsieur Leleux, et ne pas se montrer frileux. Nous avons les moyens de créer rapidement une chaîne qui donnerait le la de l'information aux chaînes privées, au lieu que ce soit l'inverse.

M. Louis Duvernois. - L'audiovisuel public national et l'audiovisuel extérieur ne peuvent plus être dissociés. Vu la contrainte budgétaire, l'interaction entre eux est indispensable. Déjà, France Télévisions fournit 22 000 heures de programmes à l'audiovisuel extérieur. Or la gouvernance n'est pas satisfaisante. Il devient impératif d'élaborer une nouvelle politique de l'audiovisuel public y incluant l'audiovisuel extérieur, doublée d'un plan de financement opérationnel. Faute de réformes, la situation financière se détériore. Administrateur de France Médias Monde, je souscris aux propos de Mme Lepage : c'est le troisième scénario qui doit être retenu si nous ne voulons pas sous-estimer notre représentation audiovisuelle à l'extérieur, qui n'est pas sans servir nos intérêts économiques.

Mme Marie-Christine Blandin. - M. Leleux appelle de ses voeux un grand média global et le retour à l'équilibre financier. Nous partageons ce souhait, mais vous n'avez pas assez insisté sur la qualité de service public. Chacun doit voir la différence entre son offre et celle des médias privés. Arte est exemplaire, et le nombre de ses spectateurs augmente. Sur d'autres chaînes, la différence n'est pas toujours immédiatement perceptible.

Les recommandations du groupe de travail de notre commission sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision concernant le partage des droits d'exploitation et la fin du statut d'animateur-producteur constituent des gisements de ressources considérables. Certains se comportent moins en vendeurs de produits culturels que comme de véritables sangsues à la mamelle du service public. Il serait bon de faire le ménage avec courage. De même, les écologistes ont toujours soutenu l'extension de l'assiette de la redevance aux résidences secondaires, quand d'autres ont reculé au moment du vote.

Où en sommes-nous du passage à la radio numérique terrestre ? Le soutien de 29 millions d'euros à l'expression des radios locales s'ajoutera-t-il bien au soutien aux médias de proximité de 1,5 million d'euros ?

Mme Mireille Jouve. - Nous nous félicitons que l'audiovisuel public soit épargné par les coupes budgétaires et bénéficie d'un compte dédié. Ce PLF augmente même ses ressources et accroît son indépendance vis-à-vis de l'État. Mme Ernotte a évoqué le renforcement des services de vidéo à la demande pour consolider les ressources de France Télévisions. La télévision de rattrapage est de plus en plus sollicitée par les jeunes de moins de 24 ans. Pour favoriser ce renouvellement de l'audience, ne faudrait-il pas étendre la rediffusion au-delà de sept jours ? Nous devons aussi élargir l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public à tous les appareils susceptibles de donner accès à ses programmes, sans pénaliser les usagers qui s'en acquittent déjà. France 24 n'est disponible sur la télévision numérique terrestre, depuis septembre 2014, qu'en Île-de-France. Pourtant, France Médias Monde est financée par la contribution à l'audiovisuel public, que l'on paie partout en France. La création d'une chaîne d'information en continu tirerait parti d'une mutualisation entre les rédactions de France 2 et de France 3 et bénéficierait de la qualité du service public, mais elle aurait un coût et devrait trouver un canal.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Engager des réformes de fond, très bien, mais comment les financer ? L'augmentation de la redevance et l'élargissement de son assiette ne sont pas des mauvaises pistes. J'ai voté pour la suppression de la publicité mais je considérais qu'il fallait prévoir des ressources de substitution. Créer un grand média d'information est une bonne idée, à condition qu'il soit ouvert à tous et qu'il offre une garantie de qualité. Mais comment réfléchir dans le cadre d'un budget contraint ? Il faut lever ce gage ! Pour être piloté correctement, France Télévisions doit être financé par une dotation d'État - plus stable que le produit d'une taxe, qui peut toujours être réaffecté.

Mme Maryvonne Blondin. - Malgré la réforme d'octobre dernier, qui avait resserré les critères pour bénéficier de l'aide du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) accorde de plus en plus d'autorisations et les budgets n'augmentent pas. Or, les recettes des radios associatives sont très variables, alors qu'elles assurent un vrai maillage du territoire. Nous devons donc être vigilants.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. - Une réforme du financement de l'audiovisuel public semble nécessaire à tous et tous l'estiment urgente. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont voulu faire passer la taxe de 0,9 % à 1,3 %, ce qui rapporterait 100 millions d'euros de plus. Ce serait un détournement de fonds puisque cette taxe a été créée en 2009 pour compenser la perte de ressources publicitaires. Elle était donc moralement, sinon comptablement, affectée, et le Gouvernement ne saurait l'augmenter pour alimenter le budget général. Si notre rapport évoque une hausse temporaire de la CAP, ce n'est que pour compenser l'absence de réforme de l'assiette de la redevance, qui autoriserait une baisse de son tarif, comme en Allemagne. Les économies sont indispensables et il faut exercer une pression pour qu'elles soient faites, mais certaines prennent du temps : avant de réduire les coûts, un plan de départs volontaires représente une dépense supplémentaire. J'ai souhaité éviter une augmentation de la taxe sur les opérateurs de communication électronique car à 0,9 %, elle rapportera 225 millions d'euros en 2016, ce qui suffira largement à compenser la suppression - saine - de la dotation budgétaire de 160 millions d'euros.

C'est la gestion du projet de création d'une chaîne d'information en continu qui pose problème : chacun veut être chef de file, ce qui freine tout. De plus, il faudra vraiment que cette chaîne se distingue des chaînes privées. La première réunion du groupe de travail ne s'est tenue que la semaine dernière : c'est dire si le projet avance lentement. Oui, il faut assouplir le délai de consultation différée, actuellement limité par les droits d'auteur. Le dialogue entre les producteurs et les diffuseurs doit être encouragé, pour faciliter la diffusion des oeuvres. Mme Gonthier-Maurin est favorable à la suppression de la publicité.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - En liaison avec une compensation !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. - Je partage cette volonté. La publicité constitue 10 % à 12 % du budget de France télévisions : ce n'est pas l'essentiel, mais une marge, qui peut être compensée si l'on pense que l'audiovisuel public doit être libre de publicité. Le développement de la radio numérique terrestre prend du temps, notamment en raison du refus des grandes radios privées. Le CSA a prévu de lancer un appel d'offre pour attribuer les fréquences. Les crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale sont reconduits à l'identique en 2016. Oui, nous devons travailler ensemble à la réforme de la contribution à l'audiovisuel public.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis. - En effet, l'audiovisuel extérieur doit mieux s'intégrer à l'audiovisuel public, même si une partie du travail a été fait. La chaîne publique d'information en continu devrait associer France 24. Pour l'heure, il est difficile de voir quels seront ses contours, puisque Mme Ernotte nous a indiqué que chaque rédaction demeurerait en place. Les réunions de travail ont commencé très récemment et les premiers contacts ont été bilatéraux. L'horizon est la rentrée 2016. Je suis un peu sceptique...

Oui, si le troisième scénario d'évolution des ressources de France Médias Monde était retenu, nous pourrions lancer France 24 en espagnol en Amérique latine, comme le réclame le ministère des affaires étrangères. Pour l'heure, le projet de contrat d'objectifs et de moyens doit faire l'objet d'un arbitrage interministériel. Je plaide pour que France 24 soit diffusée sur tout le territoire, mais on me répond que cette chaîne a été créée pour le rayonnement de la France à l'extérieur. Il serait tout de même intéressant pour nos concitoyens d'y avoir accès.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mme Ernotte elle-même a déclaré lors de son premier conseil d'administration que notre modèle de l'audiovisuel public était usé. Le Président de la République avait annoncé l'an dernier, lors de la clôture d'un colloque au CSA, une nécessaire réforme de la contribution à l'audiovisuel public. Il y a urgence, en effet. Le Sénat est le fer de lance de la réflexion sur ce sujet, notamment grâce aux travaux de MM. Leleux et Gattolin. Je vous propose que nous tenions un débat en séance publique sur les conclusions de leur rapport.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » ainsi qu'à l'adoption du compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2016.

Loi de finances pour 2016 - Mission « Sport, jeunesse et vie associative » - Crédits « Sport » et « Jeunesse et vie associative » - Examen des rapports pour avis

La commission examine ensuite les rapports pour avis de M. Jean-Jacques Lozach sur les crédits Sport et de M. Jacques-Bernard Magner sur les crédits Jeunesse et vie associative de la mission Sport, jeunesse et vie associative du projet de loi de finances pour 2016.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du programme sport. - Le budget du sport s'inscrit dans un contexte particulièrement difficile pour les finances publiques et doit répondre à des enjeux importants, comme la préparation de l'Euro 2016 et la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024. Avec un montant de 230,5 millions d'euros, l'essentiel a été préservé. Ce niveau semble quasiment identique à celui de l'année dernière, où il était de 230,69 millions, mais si l'on fait abstraction des crédits non reconductibles, il est en hausse de 2,73 %. Dans le cadre d'une enveloppe contrainte, ce budget dynamique traduit des priorités assumées, qui peuvent prêter à discussion, mais qui illustrent également une démarche de responsabilité.

Les crédits de l'action n° 1, consacrée au sport pour tous, enregistrent une légère baisse de 2,6 % pour s'établir à 27,11 millions d'euros. Sur ces crédits, 21 millions d'euros vont aux fédérations, même si l'essentiel du financement de ces dernières est le fait du Centre national pour le développement du sport (CNDS). L'action n°1 sert également à financer le Musée national du sport à Nice. On ne peut que se réjouir de la réouverture de ce musée mais son niveau de fréquentation reste en-deçà des attentes.

Le PLF 2016 prévoit une réduction des ressources du CNDS de 5,7 millions d'euros, ce qui les portera à 264,5 millions d'euros. Toutefois, 8,8 millions d'euros lui seront affectés pour assurer le financement du plan « Citoyens du sport » décidé le 6 mars 2015, qui promeut les valeurs éducatives et citoyennes du sport et assure l'accès à la pratique sportive. Ce plan prévoit, notamment, la création de 400 emplois supplémentaires d'éducateurs sportifs au sein des clubs sportifs situés dans les quartiers visés par la politique de la ville.

Les dépenses supportées par le CNDS pour la construction et la rénovation des stades de l'Euro 2016 sont compensées à l'euro près. Une disposition instituant une surtaxe de 0,3 % sur les mises de la Française des jeux permettra de lui affecter 16,5 millions d'euros en 2016. Le même dispositif sera sollicité, à titre exceptionnel, afin de percevoir un complément de taxe de 10,4 millions d'euros pour financer la part de l'État dans le budget de la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques de 2024.

Ces deux grandes compétitions s'inscrivent dans un contexte particulier. Jacques Lambert, le président de la société qui organise l'Euro 2016, me disait déjà lors de son audition avant les événements du 13 novembre, que la sécurité était sa seule vraie préoccupation et que toutes les mesures nécessaires étaient prises en coordination avec le ministère de l'Intérieur. L'inquiétude actuelle porte d'abord sur l'organisation des « fan zones » qui doivent réunir les supporteurs dans des espaces balisés pour assister à la retransmission des épreuves. De nombreuses villes hôtes considèrent qu'elles n'ont pas les moyens d'assurer la sécurité de ces zones. Une mesure de bon sens pourrait consister à ne pas rendre obligatoire l'organisation de ces « fan zones » lorsque les élus ont des doutes sur la sécurité. Quant à la candidature de Paris aux JO de 2024, elle n'est absolument pas remise en cause a précisé le président du CIO, M. Thomas Bach. Bien évidemment, les circonstances nécessiteront une augmentation des dépenses de sécurité, comme ce fut le cas à Londres pour les JO de 2012.

Les crédits de l'action n° 2 relative au sport de haut niveau représentent environ 75 % du programme 219. Ils ont fait l'objet de certaines réallocations afin de financer des mesures nouvelles comme les primes des médaillés aux JO de Rio et la couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles des sportifs de haut niveau, conformément à la proposition de loi que nous avons examinée au mois d'octobre et qui a été adoptée définitivement à l'Assemblée nationale la semaine dernière. Une enveloppe de 1,8 million d'euros est prévue à cet effet pour le second semestre 2016. Nous pouvons nous féliciter de cette avancée attendue par les sportifs, à laquelle nous avons unanimement contribué.

Les crédits alloués aux fédérations dans l'action n° 2 - compte tenu du fonds de concours du CNDS - s'établiront à 78,7 millions d'euros, soit un montant comparable à l'année dernière étant donné le transfert au programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de 2,7 millions d'euros de crédits au titre du versement des compléments indemnitaires des conseillers techniques sportifs. L'annonce d'une réserve de précaution appliquée à ces crédits des fédérations à hauteur de 4,8 millions d'euros a suscité, à juste titre, une certaine émotion à l'aube d'une année olympique. Par conséquent, je soutiens l'amendement de notre collègue Didier Guillaume, rapporteur spécial de la commission des finances, qui propose de réaffecter 4,8 millions d'euros du programme 163 au programme 219, en cas de nécessité.

L'Insep poursuit sa rénovation comme a pu le constater une délégation de notre commission conjointe au groupe d'études des pratiques sportives présidé par notre collègue Michel Savin, lors d'un déplacement, le 29 septembre dernier. En un peu plus de dix ans, ce sont 224 millions d'euros qui auront été mobilisés pour remettre totalement à niveau les installations. Il nous appartient de préserver cet outil unique et de ne pas fragiliser les moyens consacrés à son entretien. Voilà pourquoi, malgré les nombreuses initiatives positives de ce budget, je regrette le prélèvement de 2 millions d'euros opéré sur le fonds de roulement de l'Insep, au travers d'une baisse de la subvention à 20,8 millions d'euros.

Le transfert des centre de ressources, d'expertise et de performance sportives (Creps) aux régions s'est opéré dans de bonnes conditions financières et dans le respect des engagements : près de 52,1 millions d'euros sont prévus pour assurer la rémunération du personnel de ces centres dans les crédits d'intervention de l'action n°2, auxquels s'ajoutent 9,46 millions d'euros de dépenses d'investissement pour moderniser et rénover les infrastructures. La clause de revoyure qui s'appliquera en 2017 devrait tenir compte de la demande formulée par le Sénat que chacune des treize régions métropolitaines dispose d'au moins un Creps. La Normandie, la Bretagne et la Corse en sont encore privées. Enfin, les crédits affectés à la protection des sportifs et à la promotion des métiers du sport restent stables, avec une subvention de 8,36 millions d'euros à l'Agence française de lutte contre le dopage et à l'Agence mondiale antidopage.

Je crois vous avoir présenté ce budget dans tous ses aspects et avec tous ses contrastes. J'espère que vous serez, comme moi, convaincus qu'il comprend suffisamment d'avancées pour recevoir de notre part un avis favorable.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits du programme jeunesse et vie associative. - Le Président de la République a inscrit les politiques de la Jeunesse au premier rang des priorités du quinquennat. L'objectif est clair : faire en sorte que les jeunes vivent mieux en 2017 qu'en 2012, et leur donner la possibilité de s'impliquer en devenant partenaires et acteurs des politiques publiques qui les concernent. Quant aux moyens, ils représentent au total 86 milliards d'euros consacrés à la jeunesse en 2016. Les crédits du programme 163 de la mission « Jeunesse et vie associative » (383,5 millions d'euros) ne sont qu'une fraction modeste de l'effort national. En augmentation de 61,7 % par rapport à 2015, ils témoignent de l'engagement du Gouvernement, qui a quasiment doublé les crédits dédiés au service civique : on passe de 148,5 millions d'euros en 2015 à 294,6 millions d'euros en 2016, sans tenir compte certes du transfert de 4,8 millions d'euros au programme 219, si l'amendement présenté par Didier Guillaume au nom de la commission des finances est adopté.

Le service civique connaît une montée en charge sans précédent depuis sa création en 2010. Le nombre des volontaires a été multiplié par sept en quatre ans, de 5 000 à 35 000. En concertation avec le milieu associatif - partenaire incontournable -, l'objectif de recrutement a été fixé à 70 000 jeunes en 2015 et à 110 000 en 2016, pour atteindre les 150 000 volontaires à l'horizon de 2017. Pour faire face à cette montée en puissance, les crédits alloués à l'Agence du service civique ont été augmentés en conséquence, ce dont je me réjouis.

L'augmentation du nombre des engagés en mission de service civique ne doit pas avoir pour corollaire une réduction de la durée des contrats. Celle pratiquée en 2015, soit 7,2 mois en moyenne, est un plancher en dessous duquel les contraintes liées à la formation et au suivi des jeunes deviendraient trop importantes, selon le milieu associatif. La qualité des missions exercées ne doit pas non plus être mise à mal. 87,5 % des services civiques sont réalisés au sein de structures associatives. Ce taux peut être amélioré à la marge, mais il importe surtout d'élargir le vivier des missions du service civique.

Je me félicite que la ministre de l'Écologie ait annoncé un programme national de service civique « Transition énergétique, climat et biodiversité » qui créera en deux ans 15 000 missions dans le domaine de l'environnement, dont 5 000 immédiatement. Le ministère de la Culture et de la Communication a élaboré un programme « Citoyens de la culture » qui propose 6 000 missions dans le secteur culturel en 2015, et 10 000 autres en 2016. Le ministre de l'Intérieur a annoncé la création de 3 000 nouvelles missions de service civique d'ici la fin 2016, dont 1 000 cette année, ce qui représente un doublement des effectifs de volontaires par rapport à 2014. Le ministère du Sport a aussi lancé un grand programme de service civique, avec 15 000 nouvelles missions d'ici 2017, dont 4 500 dès cette année. Enfin, le ministère de l'Éducation nationale accueillera 37 000 missions d'ici la rentrée de 2017, dont 5 000 dès la rentrée de 2015. Le ministère des Affaires sociales devrait également créer 10 000 missions. La démarche du ministère des Affaires étrangères s'inscrit dans le cadre d'une rénovation du volontariat de solidarité internationale.

Il reste aux collectivités locales à se mobiliser pour accueillir davantage de jeunes en service civique. La signature de protocoles d'accord entre l'État et l'Association des maires de France, l'Association des régions de France, l'Assemblée des communautés de France et l'Association des maires ruraux de France, est un signe encourageant.

Le programme 163 soutient également le développement de la vie associative et les actions en faveur de la jeunesse. En 2016, les crédits resteront stables à hauteur de 88,9 millions d'euros, ce qui confirme l'absence de tout impact négatif sur le reste du programme de la hausse des crédits accordés au service civique.

À l'occasion de la tenue du Comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté, le 6 mars dernier, le Premier ministre a annoncé un New Deal qui transformera profondément les relations entre les pouvoirs publics et le monde associatif. Ce programme d'actions s'inscrit dans la continuité de la Grande cause 2014 dédiée à l'engagement associatif, de la Charte des engagements réciproques signée le 14 février 2014 ainsi que des travaux parlementaires sur les difficultés du monde associatif.

Un choc de simplification allégera le quotidien des associations, avec la création d'un formulaire unique de demande de subvention, des mesures sur l'appel à la générosité publique, la suppression du registre spécial ou encore le rapprochement des missions d'information, d'orientation et de conseil assurées par les services déconcentrés de l'État, avec les missions d'enregistrement relevant des préfectures et sous-préfectures. De nouveaux crédits seront engagés pour que le secteur associatif puisse développer des actions en faveur de la cohésion sociale dans les quartiers de la politique de la ville. Un abondement de 10,18 millions d'euros des crédits du programme 163 est intervenu mi-2015, afin de soutenir le vivre ensemble et la promotion des valeurs de la République. 11,1 millions d'euros sont prévus dans le projet de loi de finances de 2016, dont une partie servira à financer le dispositif SESAME pour accompagner les 16-25 ans en difficulté d'insertion sociale ou professionnelle (1 500 jeunes devraient être concernés d'ici 2017) vers des emplois d'éducateur sportif ou d'animateur. Ces crédits financeront également la création de 23 fabriques d'initiatives citoyennes dans 17 départements métropolitains et à La Réunion. Ils faciliteront la création de 100 nouveaux postes Fonjep (Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire) pour renforcer les capacités des associations d'éducation populaire et de jeunesse dans les quartiers de la politique de la ville et les territoires fragiles. La troisième action annoncée au cours du Comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté porte sur la rénovation des relations entre les pouvoirs publics et les acteurs associatifs. Enfin, une réflexion a été lancée pour favoriser l'engagement bénévole, notamment celui des actifs et encourager la participation des jeunes aux mouvements politiques, associatifs et syndicaux.

Compte tenu de la très forte augmentation des crédits du programme 163 en direction de la jeunesse, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme.

Mme Corinne Bouchoux. - Je remercie les rapporteurs pour la clarté de leur présentation. On fait souvent référence à un phénomène de désocialisation et de désaffection de la jeunesse pour les valeurs de la République, lorsqu'on veut expliquer les drames que nous avons vécus. C'est dire l'importance stratégique des programmes 219 et 163, et nous nous félicitons des orientations budgétaires qui leur ont été données. Quid du chiffrage revisité des mesures de sécurité pour l'Euro 2016 et les Jeux olympiques de 2024 ?

90 % de la dotation d'action parlementaire servent à financer les investissements immobiliers des collectivités territoriales. Quant à nous, nous l'utilisons pour aider les associations à financer leurs appels à projet. Certaines d'entre elles, et non des moindres, sont dans une situation financière difficile. Elles peinent à recruter de nouveaux bénévoles, à un moment où le vivier vieillit et s'épuise. Les mesures en faveur du service civique arrivent au creux de la vague. Comment mobiliser de nouveaux bénévoles ? Comment faire reconnaître les compétences que les jeunes auront acquises en exerçant leur mission de service civique ?

M. Michel Savin. - Je ne partage pas le point de vue de Jean-Jacques Lozach. Le sport reste le parent pauvre du budget de l'État. L'augmentation annoncée n'est qu'un trompe-l'oeil. Elle se limite en réalité aux 5 millions d'euros prévus pour les médaillés des JO de Rio, auxquels s'ajoutent 1,8 million d'euros ciblés sur la couverture sociale des sportifs de haut niveau. Les autres crédits sont tous en baisse : 700 000 euros en moins pour la promotion du sport, 600 000 euros en moins pour le développement du sport de haut niveau, 6 millions d'euros en moins pour le Centre national pour le développement du sport (CNDS), 2 millions en moins pour l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), 4,8 millions en moins pour les fédérations, soit au total plus de 14 millions d'euros en moins par rapport à 2015. L'amendement déposé par notre collègue Didier Guillaume compense une partie de cette baisse, en ce qui concerne le budget des fédérations, notamment. Il reste insuffisant. Des efforts sont encore possibles, en réduisant d'autres budgets pour éviter de pénaliser davantage celui du sport.

Quant au budget de la jeunesse, il a augmenté de 148,5 millions d'euros en 2015 à plus de 300 millions en 2016. C'est l'essentiel de l'augmentation du budget de la mission. Des contrats de service civique d'une durée de six à sept mois suffiront-ils à garantir une insertion positive des jeunes dans le milieu du travail ? Une étude de l'Insee a conclu à l'inefficacité des contrats aidés. C'est pourtant la voie unique que suit le Gouvernement. Mieux vaudrait réorienter une partie des crédits de la jeunesse vers le sport, en limitant l'objectif de recrutement du service civique à 70 000 jeunes.

Mme Mireille Jouve. - Le budget dédié au sport augmente de 3 %, avec des recettes supplémentaires affectées au CNDS. En 2016, les recettes qui lui sont affectées sous plafond, issues de la Française des jeux, rapporteront près de 100 millions d'euros à l'État. Le projet de loi de finances pour 2016 relève le prélèvement exceptionnel de 0,3 % sur les mises de la Française des jeux pour financer la candidature de Paris aux JO 2024. Ce prélèvement ne devrait pas être reconduit en 2017. En le prolongeant, on pourrait financer la rénovation et construction d'équipements sportifs de proximité. Doté d'une enveloppe importante, le plan « Citoyens du sport » créera plus de 400 emplois d'éducateurs sportifs en 2015-2016. C'est une bonne chose. Mais en maintenant un écart de traitement entre le sport de haut niveau et la promotion du sport pour tous, on accentue les inégalités dont souffrent les territoires ruraux et les quartiers de la politique de la ville.

Le budget de la jeunesse voit ses crédits augmenter grâce au doublement de la part consacrée au service civique. L'objectif est fixé à 110 000 volontaires en 2016 contre 70 000 en 2015, et les missions sont accessibles aux jeunes handicapés. Les structures d'accueil se diversifient. C'est une bonne chose. Les structures du monde associatif supportent 86 % des offres de service civique. Le service civique pourrait être valorisé dans les collèges et les lycées, en sollicitant ceux qui s'y sont engagés pour relayer leur expérience auprès des plus jeunes.

La suppléante de Thierry Braillard à l'Assemblée nationale a suggéré que le droit universel d'évolution professionnelle donne lieu à un compte personnel de formation pour toute personne de plus de quinze ans. Une piste serait que l'engagement citoyen y soit pris en compte.

L'État consacre 30 000 subventions directes de fonctionnement aux associations, soit plus de 2 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 2,5 milliards d'euros de mesures fiscales. Il a prévu une enveloppe supplémentaire de 11 millions d'euros dans les quartiers défavorisés, où le lien social est le plus distendu. Une inquiétude demeure : que la baisse des dotations aux collectivités se répercute sur les subventions aux associations.

M. Claude Kern. - Je salue l'augmentation des crédits de la mission dans un contexte budgétaire particulièrement difficile. Une hausse de 32,8 % est spectaculaire, même si elle résulte surtout des crédits affectés au service civique devenu universel, de sorte que tout jeune de moins de vingt-cinq ans y a droit. Les crédits consacrés au développement du service civique bondissent de 148,6 à 300,4 millions d'euros, soit une augmentation de 103,3 %. Pour le reste, les crédits de la mission sont quasiment stables. Le programme dédié au sport voit ses prérogatives élargies, du fait de l'Euro 2016. Quant à celui consacré à la jeunesse et à la vie associative, il met très fortement l'accent sur le service civique. On n'enregistre finalement que deux subventions nouvelles, celle pour les cotisations retraite des sportifs de haut niveau, et celle pour les médaillés des JO de Rio. Les collectivités locales soutiennent le sport à hauteur de 12 milliards d'euros. Avec la baisse de la dotation globale de fonctionnement, elles devront réduire leur engagement financier. Reste à savoir dans quelle proportion. Enfin, le CNDS qui poursuit son assainissement financier, réduit le montant de ses interventions traditionnelles. Dans l'attente du vote des amendements, particulièrement celui de Didier Guillaume, le groupe UDI-UC réserve son vote sur les crédits de la mission.

Mme Christine Prunaud. - Le budget du sport reste stable. Certains projets sont très satisfaisants. Je constate que le plan « Citoyens du sport » a des effets très positifs dans les quartiers populaires de Saint-Brieuc. Il encourage les jeunes à s'investir. Les investissements manquent dans les zones rurales, pour construire des piscines, par exemple. Les communautés de communes interviennent, mais le sentiment d'appartenir à un territoire défavorisé l'emporte. Dans les zones rurales, les nouveaux critères de répartition des zones sensibles prioritaires inquiètent, car les subventions d'aide à l'investissement en dépendent. Les associations d'éducation populaire, comme les maisons de la jeunesse et de la culture ne sont pas non plus rassurées par l'évolution du Fonjep, dont les moyens sont diminués. Les collectivités locales ont ponctionné 10 % des subventions aux associations. Quant aux nouveaux postes que le Fonjep obtiendra grâce à la fusion, aucun moyen supplémentaire n'a été dégagé pour les financer.

Mme Françoise Cartron. - Le service civique suscite bien des interrogations. L'une de ses finalités est de placer les jeunes en situation d'engagement et de responsabilité pour les confronter aux valeurs de la République. Les événements en montrent l'importance. A-t-on évalué le nombre de missions de service civique en moins si l'amendement de Didier Guillaume est adopté ?

Il est urgent de mettre en oeuvre le plan « Citoyens du sport » que le CNDS a élaboré. Le sport est très efficace pour véhiculer des valeurs auprès des jeunes. On regrette d'autant plus qu'il puisse être synonyme d'argent facile ou de performance à tout prix. Certains sportifs auraient besoin d'une formation accélérée sur les valeurs citoyennes et républicaines !

Les fédérations qui fixent les critères de performance pour intégrer un Creps ont parfois des exigences impossibles. À Bordeaux, un jeune peut se retrouver sans rien après deux ans passés dans la section tennis d'un sport-études. C'est bien simple : aucun jeune Bordelais n'est capable de satisfaire aux exigences de la fédération française de tennis !

Mme Samia Ghali. - Le service civique aide les jeunes en marge du cursus scolaire à se réintégrer dans le milieu associatif, en y apprenant les valeurs humanistes et de laïcité. Parfois, des vocations naissent. Les jeunes peuvent aussi se former dans les missions locales que financent les communes, les régions, voire les départements. Il n'est pas nécessaire de multiplier les formations, en négligeant celles qui existent déjà.

Le monde du sport a besoin d'évoluer. Les fédérations bénéficient de financements privés, grâce aux licences. Beaucoup de clubs organisent des stages d'été que les caisses d'allocations familiales (CAF) subventionnent grâce au budget jeunesse. L'approche de l'Euro 2016 justifie que l'on augmente le budget du sport.

M. Jean-Louis Carrère. - J'assure de mon soutien les deux rapporteurs. La vieille antienne selon laquelle les collectivités locales diminueront leurs aides en conséquence de la baisse de la dotation globale de fonctionnement n'a rien d'exact. Au contraire, une fois qu'elles n'auront plus à redistribuer des dotations prélevées par l'État, elles pourront gérer leur budget et faire leurs choix beaucoup plus librement.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Les dotations des collectivités territoriales correspondaient initialement à des transferts de charges.

M. Jean-Louis Carrère. - On est toujours plus riche de l'argent des autres.

M. Pascal Allizard. - Le socialisme s'arrête quand on ne peut plus dépenser l'argent des autres !

M. Jean-Louis Carrère. - Le socialisme n'est pas un angélisme.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Jean-Jacques Lozach a cité les Creps. Leur transfert aux régions doit se faire dans de bonnes conditions. La Normandie, la Bretagne et la Corse n'en disposent pas. Il faudra veiller à ce que ces régions bénéficient du même accompagnement que les autres.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. - La sécurité devient de plus en plus importante. Lorsque Londres a déposé sa candidature pour les JO de 2012, les organisateurs avaient prévu de consacrer 250 millions d'euros au poste de sécurité ; en réalité, les dépenses ont atteint 1,16 milliard d'euros. Les fan zones attirent des dizaines de milliers de supporters et leur sécurité est assurée par les collectivités locales, pas par l'État. Il est probable que certaines d'entre elles devront être annulées.

Quant aux fédérations, elles constituent un monde hétérogène. Certaines ont beaucoup d'argent ; une dizaine d'entre elles sont en difficulté. Leur contrat d'objectifs avec l'État reste stable. Les clubs doivent avoir la possibilité de recruter, ce qui implique des moyens financiers, mais aussi un encadrement suffisant pour les jeunes recrutés. Le fait que de nouvelles formes d'activités corporelles leur échappent a pu les mettre en émoi. La restructuration des régions les inquiète également. Le plan « Citoyens du sport » peut avoir un effet positif sur la relance du bénévolat.

L'année 2016 sera celle de la candidature de Paris aux JO de 2024. Un groupement d'intérêt public (GIP) est en charge de défendre cette candidature, qui dispose d'un budget de 60 millions d'euros, dont 10 viennent de l'État, 10 de la Ville de Paris, 10 de la région Ile-de-France et 30 de fonds privés. En 2012, ce budget avait un montant comparable de 52 millions d'euros. La structuration du GIP, en revanche, a évolué, en favorisant la présence des sportifs qui disposent de 55 % des votes, soit plus que les politiques.

Si l'on peut regretter que le sport ne représente que 0,14 % du budget de l'État, il n'y a là rien de nouveau. L'année 2016 est particulière à plusieurs titres. La loi sur les sportifs de haut niveau s'appliquera pour la première fois et ce sera la deuxième année que s'appliquera celle sur le financement de leurs retraites. À périmètre constant, ce budget est en hausse.

L'Insep est un outil que tous les pays nous envient. Sa trajectoire d'investissement ne sera pas affectée par les 2 millions d'euros de prélèvements sur les fonds de réserve. L'Institut dispose d'un budget de 40 millions d'euros financés pour moitié par l'État, pour moitié par des recettes propres. Il compte 300 employés. Ses responsables ont su ajuster la hausse des tarifs de location d'équipements que beaucoup de fédérations trouvaient trop élevés : de 6 ou 7 %, elle passera à 2 % l'an prochain.

Le taux d'intervention du CNDS s'élève à 15 % en moyenne. Les zones rurales bénéficient également de la dotation d'équipement des territoires ruraux et d'autres dispositifs. Je ne peux qu'être d'accord avec Mme Cartron sur les défaillances individuelles de certains sportifs. Les travaux de notre mission d'information sur la gouvernance du football commenceront très prochainement. Qu'il s'agisse de transparence financière, de lutte contre les conflits d'intérêts ou de cumul de fonctions, la marge de progrès est immense. Certains dirigeants de fédération restent trente ou quarante ans à leur poste.

L'amendement de Didier Guillaume ne deviendra opérationnel que si la réserve de précaution s'applique. Les Creps n'ont pas qu'un rôle sportif. Ils sont aussi de bons outils que les régions gagneraient à exploiter dans leur politique de formation. Quant à leur transfert, le comité d'évaluation des charges a dit qu'il s'était opéré à l'euro près.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis. - La réduction des aides de l'État aux collectivités locales ne se répercutera pas forcément sur leurs subventions aux associations. Tout est question de choix. Dans ma commune, je n'ai pas diminué les aides. Il y a toujours moyen d'ajuster son budget.

L'objectif de 150 000 jeunes engagés dans le service civique a été fixé en 2012 par les deux principaux candidats à l'élection présidentielle. La formule d'un service civique universel est sage. Tous ceux qui le veulent y ont accès. Pour l'instant, on compte quatre fois plus de demandes que de missions proposées. On peine à trouver des missions adaptées. L'amendement de Didier Guillaume ferait disparaître 1760 postes de service civique, si l'on se fie au ratio arithmétique. Espérons qu'ils ne manqueront pas. Quant au sort des jeunes qui ont effectué un service civique, une étude de TNS-Sofres a montré, en 2013, que six mois après la fin de leur service civique, 75 % des jeunes étaient employés, en stage ou en formation. Le service civique a donc aidé ces jeunes à s'intégrer dans le monde du travail. On pourrait effectivement valoriser l'engagement citoyen de ces jeunes en l'intégrant dans un portefeuille de compétences. Le service civique n'a rien à voir avec un emploi aidé. Le service civique n'est pas un emploi, c'est une formation à destination des jeunes qui entrent dans le monde du travail avec un tutorat. Les crédits en faveur du service civique sont à la hauteur des ambitions de ce dispositif, même s'il faut évidemment veiller à préserver aussi les autres axes de la vie associative. Il faut soutenir le bénévolat, en trouvant une forme de valorisation adaptée, qui ne passe pas forcément par une rétribution car, par définition, le bénévolat est désintéressé.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2016.

Questions diverses

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous aurons la semaine prochaine notre première table ronde sur le projet de loi « liberté de création, architecture et patrimoine », dite loi LCAP.

M. David Assouline. - La programmation de l'examen du texte a été avancée. Cela signifie-t-il que nous devrons travailler très vite ? Avez-vous des informations sur le calendrier ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le texte devait être examiné en séance, dans la semaine du 8 février. Le calendrier semble avoir été avancé à la semaine du 25 janvier. Nous devrons nous adapter en conséquence.

La réunion est levée à 12 heures.