Mardi 13 septembre 2016

- Présidence de Mme Chantal Jouanno, présidente -

Audition de Mmes Inès Taittinger, pilote de course, Chantal Le Creurer, ancienne pilote de rallyes automobiles, Mélanie Astles, pilote de voltige aérienne, et M. Jean-Claude Girot, commissaire général du Mondial de l'Automobile

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Pour clôturer notre cycle d'auditions sur le rapport « Femmes et voitures », avant sa présentation devant la délégation le 20 septembre, nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir :

- Chantal Le Creurer, ancienne pilote de rallyes automobiles, de sa profession éditrice de magazines, qui a également été l'une des premières journalistes « Auto » dans le milieu ;

- Inès Taittinger, pilote de course automobile qui a participé aux dernières 24  heures du Mans ;

- Mélanie Astles, pilote de voltige aérienne et passionnée de sports mécaniques comme la course automobile ;

- Jean-Claude Girot, commissaire général du Mondial de l'Automobile, événement qui ouvrira ses portes au public le 1er octobre prochain.

Je suggère que mes collègues Christiane Kammermann et Anne Emery-Dumas se présentent.

Mme Christiane Kammermann. - Bonjour, je suis sénateur des Français établis hors de France, ce qui représente une lourde charge car ma circonscription, en quelque sorte, c'est le monde... Je fais partie de la délégation et je suis également membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Christiane est de longue date très engagée dans la délégation.

Mme Christiane Kammermann. - J'aimerais faire plus, mais les contraintes liées au fait que je sois élue des Français de l'étranger sont considérables...

Mme Anne Emery-Dumas. - Bonjour, je suis sénatrice de la Nièvre, donc d'un territoire qui a la chance d'avoir un beau circuit automobile, celui de Magny-Cours, dont je suis par ailleurs, pour des raisons personnelles et professionnelles, très proche.

Je suis ainsi tout particulièrement intéressée par le sujet du rapport de la délégation sur « Femmes et voitures ». J'ai tout de suite pensé qu'il serait bon qu'on puisse, entre autres, y parler des femmes pilotes, car c'est aussi un moyen de donner une image de la femme et de son rapport à la voiture qui diffère un peu du stéréotype habituel...

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - J'en viens à notre sujet. Cela fait maintenant plusieurs mois que nous travaillons sur ce rapport à l'intitulé délibérément provocateur, qui peut faire sourire. Au-delà des stéréotypes, nous souhaitons y aborder des problématiques plus lourdes, voire graves, qui touchent aussi bien à la question des femmes isolées sans permis ou sans voiture, qu'à la place des femmes dans les différents métiers scientifiques et techniques du secteur automobile, ou bien encore, aux différences existant entre les hommes et les femmes en matière d'accidentalité routière.

Aujourd'hui, Mesdames, nous comptons sur vous pour nous parler de votre passion pour ces sports extrêmes, de votre expérience et de votre ressenti, en tant que femmes, dans des univers encore très masculins :

- qu'est-ce qui vous a donné envie de pratiquer le rallye automobile/la voltige aérienne ?

- l'environnement familial ou le cadre éducatif ont-t-ils étés des facteurs importants dans la découverte et la transmission de cette passion ?

- quels sont les obstacles que vous avez rencontrés ?

- quels sont vos prochains défis ?

En résumé, quelle différence existe-t-il entre l'angle féminin et l'angle masculin dans la pratique des sports extrêmes ?

Jean-Claude Girot, pourriez-vous, pour votre part, nous dire quelques mots de la manière dont le thème du rapport de la délégation peut être perçu à la veille du Mondial de l'Automobile : qu'attendez-vous de notre travail, et comment pourrions-nous le mettre en valeur dans le cadre du salon ?

Je laisse désormais la parole à Mélanie Astles, qui n'est pas une pilote de course automobile, mais qui aura certainement beaucoup de choses à nous dire en tant que pratiquante d'un sport extrême - la course aérienne - où les femmes sont encore très peu représentées.

Mme Mélanie Astles, pilote de voltige aérienne. - Je suis pilote de voltige aérienne et de course d'avion, également passionnée depuis l'enfance par les sports automobiles et mécaniques en général. Je suis la première femme devenue pilote au sein de la Red Bull Air Race. Il s'agit d'un championnat du monde de vitesse : c'est donc le pilote le plus rapide qui gagne. Cela fait treize ans que la course existe, et il n'y avait jamais eu de femme jusqu'ici. Sur 22 pilotes, je suis la seule femme.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Qu'est-ce qui vous a menée à cette passion dans votre parcours personnel ?

Mme Mélanie Astles. - J'ai suivi un parcours atypique, n'ayant pas de famille exerçant dans ce milieu. Ce qui m'a permis d'arriver jusqu'ici et de m'imposer dans un univers si masculin, c'est ma détermination. Quand j'étais enfant, je voulais devenir pilote de chasse, mais les conseillers d'orientation m'ont découragée de suivre cette voie. J'ai donc quitté l'école à dix-huit ans, avant de passer mon baccalauréat, et je suis entrée dans la vie active. Après avoir travaillé quelques temps, j'ai pu passer mon bac et reprendre mes études. J'ai obtenu mes diplômes de pilote sur le tard. J'aurais pu le faire plus tôt si j'avais eu davantage de moyens et si l'on m'avait aidée, mais j'ai dû me battre énormément pour arriver où je suis.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Pensez-vous que les difficultés que vous avez rencontrées étaient liées au fait que vous êtes une femme ?

Mme Mélanie Astles. - Cela a certainement joué un rôle, car il est objectivement difficile de s'imposer en tant que femme dans un univers aussi masculin. Justement, je voudrais montrer à d'autres que c'est possible. C'est une véritable fierté pour moi d'être parvenue à m'imposer dans ce milieu très sélectif.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Qu'en est-il aujourd'hui ? Rencontrez-vous encore des difficultés liées au fait d'être une femme ?

Mme Mélanie Astles. - Je parlerais de difficultés indirectes, c'est assez subjectif. Je ressens l'impression que je suis freinée en tant que femme, sans que ce phénomène soit flagrant. Il me semble que nous sommes moins poussées que les hommes, qu'on nous prête moins volontiers du matériel technologique dernier cri... Il faut être une vraie battante. Et puis il ne faut pas oublier la barrière de la carrière liée à une éventuelle maternité.

Pour l'anecdote, j'ai failli gagner ma première course, mais cela n'a pas trop plu et l'on m'a fait comprendre qu'il fallait réfréner mes ardeurs face au danger...

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Qu'en est-il de votre intérêt pour le sport automobile ?

Mme Mélanie Asltes. - J'ai été élevée sur la Côte d'Azur, à proximité de Monaco. J'ai donc plusieurs fois assisté au Grand Prix de Formule 1 (F1). J'éprouvais une admiration immense pour Ayrton Senna. Par ailleurs, mon oncle était très engagé dans le sport automobile et il m'emmenait parfois voir des courses. Enfant, j'avais de nombreuses maquettes dans ma chambre. À cette époque, l'un de mes rêves - qui l'est toujours - était de devenir pilote de course. J'ai eu l'occasion de conduire avec Yannick Delmas sur un circuit. C'est donc mon prochain défi !

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - De la voltige aérienne à la course automobile, la transition est toute trouvée pour laisser maintenant la parole à Inès Taittinger.

Mme Inès Taittinger, pilote de course. - J'ai vingt-six ans et je pratique le sport automobile depuis 2009. J'ai commencé de manière atypique, avec l'ancien pilote de Formule 1 Philippe Alliot qui m'a très vite introduite dans cette discipline. J'ai commencé dans un championnat d'Europe avec des courses d'endurance longues - parfois douze heures. Mon rêve était de courir aux 24 heures du Mans, ce que j'ai réussi à faire cette année.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours personnel et sur l'influence éventuelle de votre famille sur cette passion pour la course automobile ?

Mme Inès Taittinger. - Mon père me faisait faire du kart quand j'étais enfant. Je voulais moi aussi être pilote de chasse, ce qui ne m'a pas été possible en raison de mes problèmes de santé1(*). Il me semble avoir toujours été attirée par les sports dits masculins. J'ai commencé tardivement, sans formation ni expérience, avec peu de conseils.

Pour arriver au niveau où je suis aujourd'hui, j'ai beaucoup roulé et j'ai suivi d'intenses années d'apprentissage. Je suivais mon objectif et je ne me suis jamais découragée.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Le manque de conseils était-il dû au fait que vous soyez une femme ?

Mme Inès Taittinger. - Pour moi, être une femme dans ce sport est un atout car nous sommes très peu nombreuses. Cela permet en quelque sorte d'attirer la lumière sur soi. Le revers de la médaille, c'est aussi que l'on ne nous épargne pas lorsqu'on commet des erreurs. Par exemple, aux 24 heures du Mans, j'ai été victime d'une crevaison pendant la course, événement imprévisible qui m'a contrainte à abandonner. Certaines personnes se sont servies de cet incident pour déclarer que je n'avais pas le niveau pour participer à cette course. Mais heureusement, de telles critiques sont rares. C'est un sport où il faut se battre, comme dans n'importe quel sport.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Quels sont vos prochains défis, à défaut de devenir pilote de chasse ?

Mme Inès Taittinger. - Je souhaiterais refaire les 24 heures du Mans et rester dans ce milieu le plus longtemps possible, même si cela n'est pas facile et qu'il faut se battre.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Qu'en est-il de votre parcours scolaire ?

Mme Inès Taittinger. - Mes graves problèmes de santé m'ont contrainte très tôt à beaucoup manquer l'école, ce qui fait que j'ai rapidement décroché. Plus tard, j'ai rejoint une école américaine pour une durée de cinq ans, qui m'a permis de valider un baccalauréat. Les études ne me conviennent pas forcément, sans doute à cause de mes absences répétées. Mon père m'a beaucoup aidée à trouver une discipline qui m'intéresse. Le sport automobile est une réelle passion pour moi.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Qu'est-ce qui, toutes les deux, vous a permis de forcer la porte de ces sports très fermés aux femmes, sans famille implantée dans ces univers ?

Mme Mélanie Astles. - En ce qui me concerne, c'est ma détermination qui m'a permis d'aller si loin et de ne jamais abandonner. Je suis quelqu'un qui ne lâche rien. J'ai rencontré beaucoup d'obstacles et j'aurais pu jeter l'éponge plusieurs fois.

Mme Anne Emery-Dumas. - Ma question s'adresse à Inès Taittinger. Êtes-vous pilote d'endurance plutôt par choix ou bien seriez-vous aussi attirée par les courses de vitesse ?

Mme Inès Taittinger. - Cela n'a pas été un choix au départ car j'ai commencé dans un championnat d'endurance avec Philippe Alliot, j'y ai fait mes gammes et j'ai beaucoup appris au contact de pilotes qui avaient déjà participé aux 24 heures du Mans.

J'ai cependant commencé à courir sur le tard, à dix-neuf ans, en apprenant « sur le tas », alors que beaucoup de pilotes débutent dès l'âge de cinq ans dans des compétitions de karting ; mon apprentissage a été assez long car pendant trois années je n'ai roulé et appris que pendant les courses.

En côtoyant les autres pilotes, il m'est apparu que je devais participer à l'épreuve reine de l'endurance que sont les 24 heures du Mans, à laquelle tout pilote rêve de participer, ainsi qu'aux deux autres épreuves mythiques : les 500 miles d'Indianapolis et le Grand Prix de Monaco.

Les 24 heures du Mans sont une course très difficile qui demande une préparation intensive mais j'ai vécu un rêve en y participant cette année, en compagnie de pilotes que je n'avais encore jamais vus qu'à la télévision.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Comment avez-vous débuté dans le sport automobile ?

Mme Inès Taittinger. - Mon père conditionnait mes débuts en course automobile à l'obtention de mon permis de conduire.

Dès la délivrance de celui-ci, Philippe Alliot m'a organisé une journée de découverte au circuit de Magny-Cours ; j'ai adoré et j'ai enchaîné d'autres entraînements avant de débuter en course trois mois plus tard sur ce circuit, dans une épreuve d'endurance à laquelle m'avait inscrite Philippe Alliot.

Mme Chantal Le Creurer. - Mon parcours est sensiblement différent car je n'ai jamais été pilote de course ni participé aux 24 heures du Mans ; j'avoue même ne jamais être allée aux 24 heures du Mans !

Mon parcours est familial, mon père était un sportif passionné de belles voitures ; il en changeait régulièrement, pour le plus grand bonheur des constructeurs. Il participait aussi à des rallyes régionaux dans la région de Lyon/Roanne et m'emmenait assister aux grandes courses qui se déroulaient en France, notamment le Grand Prix de Monaco. J'adorais cela, les sensations et la poussée d'adrénaline qu'elles procurent, ainsi que l'odeur particulière et l'ambiance exceptionnelle qui existent sur un circuit.

Ensuite, des amis de la célèbre équipe de ski de Jean-Claude Killy avaient monté un équipage avec des « berlinettes » Alpine Renault et participaient à des rallyes - sans toutefois me laisser le volant - mais c'était néanmoins agréable.

Puis, j'ai poursuivi un parcours dans le monde automobile d'une autre manière, par le biais de mon agence de conseil en communication à Paris ; en effet, nous avions décroché un important marché qui soutenait à l'époque des pilotes de Formule 1 (F1) tels que Nelson Piquet et Satoru Nakajima. J'ai donc eu l'occasion de me rendre sur de nombreux circuits de F1.

Par ailleurs, avec un groupe d'autres passionnés, nous avons fait revivre le circuit de Montlhéry qui était alors à l'abandon, et créé l'épreuve des grandes heures automobiles de Paris dont la prochaine édition se déroulera dans quelques jours. Des pilotes de F1 y courent sur d'anciennes voitures de compétition.

Il y a une quinzaine d'années, conviée en tant que journaliste et éditeur de magazine à un essai automobile, j'y ai rencontré des collègues masculins de la presse professionnelle automobile qui m'ont tout d'abord regardée avec une curiosité amusée, avant de changer d'avis en me voyant conduire. Je continue à travailler avec différents magazines pour parler d'automobile ; je ne mets pas la tête dans le moteur mais je suis capable de changer une roue, j'adore essayer des véhicules sur circuit et me laisser griser par la conduite d'une belle voiture.

Je regrette que les vrais journalistes automobiles soient parfois remplacés par des personnes qui viennent sur les circuits sans même posséder leur permis de conduire ! Confier l'essai de véhicules à des personnes qui ne savent pas conduire est quand même préoccupant.

J'aime conduire mais je suis très prudente en ville ou sur la route, comme le sont d'ailleurs tous les pilotes, mais quand je suis sur un circuit, je n'hésite pas appuyer sur l'accélérateur, quitte à avoir des frayeurs.

J'admire énormément Inès Taittinger de s'investir dans le monde difficile de la course automobile.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - D'autres jeunes femmes pilotent-elles en ce moment à votre niveau ?

Mme Inès Taittinger. - Très peu. L'une d'elles n'a réalisé qu'une demi-saison et n'était pas présente au Castellet pour les dernières courses de la fin de saison. Je ne vais pas m'en plaindre, cela a aussi d'autres avantages...

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Pourquoi y a-t-il encore si peu de femmes ?

Mme Inès Taittinger. - Quand, petite, je regardais des courses de Formule 1, je me disais que c'était un sport d'hommes, interdit aux femmes. Cela est moins vrai aujourd'hui. Ainsi, la course automobile, notamment la F1, commence à s'ouvrir aux femmes ; de plus en plus d'entre elles participent à des épreuves dans diverses catégories de courses ou viennent s'entraîner sur des circuits, même s'il est certain que les places sont chères dans les épreuves les plus prestigieuses et qu'elles y sont encore très peu représentées.

Il n'y a aucun inconvénient à être une femme dans ce sport mais il faut un certain niveau qui ne s'acquiert que par l'entraînement. Le sport automobile attire aussi peut être moins les femmes que la danse classique...

Mme Chantal Le Creurer. - J'ai bien connu deux pionnières : Michèle Mouton ainsi qu'Annie Soisbault, une femme incroyable.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Il y a donc bien des exemples de femmes pilotes, même si elles font figure d'exception.

Mme Mélanie Astles. - C'est une question difficile, mais il est vrai que dès l'enfance, les garçons jouent aux voitures et les filles à la poupée, ce qui conditionne sans doute notre comportement plus tard.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Une dimension physique spécifique, en termes de résistance, pourrait-elle expliquer cette moindre appétence des femmes pour le pilotage ?

Mme Mélanie Astles. - En course aérienne, pour impressionnant que cela paraisse, le corps demeure peu sollicité ; par contre, en voltige aérienne, c'est très violent, le pilote le plus dynamique aux commandes remportant l'épreuve.

J'ai déjà entendu des hommes qui, au sol, faisaient remarquer que l'on pouvait savoir si c'était une femme qui pilotait rien qu'en regardant les évolutions de l'avion...

Mme Chantal Le Creurer. - Seules des femmes participent au Rallye des Gazelles, environ 300, et cela exige d'elles un dépassement de soi.

Deux hommes, parmi lequel Eric Loiseau, qui avaient demandé à voir comment se déroulait l'épreuve, n'en sont pas revenus de la capacité des femmes à résister à la souffrance, aux dunes, aux pannes, aux intempéries. Ces rallyes réservés aux femmes pourraient en inciter d'autres à tenter l'aventure.

Enfin, il n'y a encore que très peu de journalistes femmes - trois tout au plus - qui viennent sur les circuits et réalisent des essais.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - C'est votre tour, Jean-Claude Girot. Autour de cette table très féminisée, vous avez la parole !

M. Jean-Claude Girot, commissaire général du Mondial de l'Automobile. -C'est vrai que les quotas ne sont pas respectés aujourd'hui, puisque je suis le seul homme !

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - J'ai une double question à vous adresser. Tout d'abord, qu'attendez-vous de nos travaux et comment les percevez-vous ? Et, en second lieu, comment réagissez-vous, vous qui connaissez bien le milieu de l'automobile, par rapport à ces témoignages de femmes pilotes ?

M. Jean-Claude Girot. - Je dois dire que quand j'ai appris que la délégation aux droits des femmes du Sénat allait consacrer un rapport au thème « femmes et automobile », et que vous alliez en être rapporteure, j'ai été aussitôt intéressé. Je me suis dit que, ce rapport devant paraître à peu près au moment du Mondial de l'Automobile, il y avait une belle opportunité à saisir pour mettre en valeur ce travail du Sénat à l'occasion du Mondial ! C'est une chance pour nous qu'un rapport parlementaire sorte à une date aussi propice sur un sujet qui nous concerne. Il faut le dire aussi, nos visiteurs et visiteuses sont nombreux. Nous n'en avons pas parlé, mais les femmes exercent souvent une influence directe sur les achats de voiture, qu'il s'agisse du modèle lui-même ou de la couleur.

Il y a donc de multiples motifs de s'intéresser aux relations entre les femmes et l'automobile. Parmi tous ces liens, je suis particulièrement heureux de participer à la table ronde d'aujourd'hui. Je vous remercie d'avoir accepté de présenter le rapport de la délégation dans le cadre du Mondial. Je me félicite vraiment de cette occasion qui nous est donnée de travailler ensemble.

Quant à ces témoignages de femmes pilotes, ce que j'entends aujourd'hui est réellement fabuleux pour moi : le Mondial de l'Automobile, c'est une passion, c'est même un rêve ! Et le rêve n'appartient pas à un sexe déterminé. Les témoignages de ces pilotes, qui nous ont fait partager leur passion, leur rêve de devenir pilote, le confirment. Moi qui ai une longue pratique des arts martiaux, y compris en tant qu'entraîneur d'une équipe féminine, je l'ai constaté : il y a chez les femmes une passion, une détermination, une ardeur dans l'entraînement qui peuvent dépasser celles des hommes, surtout quand ça devient un peu dur ! C'est peut-être paradoxal, mais c'est comme ça...

Je suis heureux que le Mondial donne prochainement l'occasion à ces femmes pilotes d'exprimer publiquement la passion qu'elles ressentent depuis l'enfance. Moi aussi, j'ai rêvé d'être pilote... mais je n'ai pas accompli ce rêve ! La voiture fait toujours rêver les gens, d'ailleurs, au-delà de la passion du sport : acquérir une voiture, c'est toujours un événement dans une famille. Changer de voiture fait toujours plaisir. Et au Mondial, cette dimension est bien présente, puisqu'un visiteur sur quatre est acheteur. Quant aux trois autres, ils viennent rêver, que ce soit en regardant les voitures de luxe ou en découvrant les nouveaux modèles. De surcroît, nous avons au Mondial un stand dédié au sport, en partenariat avec la Fédération internationale du sport automobile. Nous allons par ailleurs cette année proposer au public une exposition intitulée « L'automobile fait son cinéma », qui permettra à nos visiteurs de découvrir 48 voitures qui ont marqué des films ou des séries télévisées.

Là encore, on voit bien que cette passion peut être commune aux hommes comme aux femmes.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Et y a-t-il des éléments en particulier que vous attendez de nos travaux ? Y a-t-il des points qui vous intéressent plus que d'autres ?

M. Jean-Claude Girot. - D'abord, j'ai hâte de lire ce rapport. Car son contenu est encore secret... Je crois savoir que vous y évoquez aussi les métiers de l'automobile, qui ont toute leur place au Mondial, plus particulièrement sous l'angle de l'accès des femmes. De ce point de vue, il aurait été intéressant que Linda Jackson, directrice générale de Citroën, participe à cette table ronde, car il n'est pas fréquent que des femmes parviennent à des postes aussi importants aujourd'hui dans ce secteur, quoique dans les grandes entreprises automobiles, il me semble que les femmes arrivent actuellement en nombre. Dans l'entreprise, c'est la compétence et la passion qui comptent. Et là encore, on ne peut pas dire que la compétence et la passion soient réservées aux hommes... Les femmes ont peut-être aussi pour traits de caractère d'être opiniâtres et de persévérer. Là encore, ce sont des atouts dans l'entreprise.

Dans le sport, il y a avant tout la passion qu'on y met. Il y a aussi - vous ne me direz pas le contraire - le temps que l'on passe à l'entraînement. Il n'y a pas de secret ! Et cela, c'est vraiment universel.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Oui, la volonté est essentielle.

M. Jean-Claude Girot. - C'est aussi vrai dans l'entreprise. J'imagine que la passion et la volonté ont également leur rôle à jouer dans votre métier de parlementaire, dont on imagine combien il est prenant, a fortiori quand on représente les Français de l'étranger comme Christiane Kammermann.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Nous reviendrons sur le Mondial à propos d'un sujet qui sera évoqué dans le rapport : c'est la question des hôtesses. Restons-en pour le moment au monde de la course et de la compétition. Est-ce plus difficile de trouver des sponsors quand on est une femme ? Peut-être, d'ailleurs, est-ce un avantage d'être une femme quand les femmes sont très peu nombreuses... Qu'en pensez-vous ?

Mme Mélanie Astles. - Le problème de l'accès aux sponsors est probablement le principal problème auquel j'ai dû faire face depuis le début de ma carrière sportive. J'ai réussi à trouver un sponsor il y a seulement deux ans. Cela m'a demandé un travail acharné, pendant cinq-six ans. J'ai consacré à cette recherche un temps considérable. Le plus dur, depuis le début de ma carrière sportive, a été de trouver de quoi mettre de l'essence dans un avion qui d'ailleurs n'était pas le mien... J'ai toujours dû partager un avion, avec les aléas que cela peut représenter.

Par exemple, l'année dernière, aux championnats du monde, les pilotes avaient en moyenne chacun de 1 000 à 1 500 heures de vol. J'en avais 150 ! Si j'arrive à tenir tête à des pilotes de ce niveau là - je ne suis pas parmi les meilleurs, mais pas non plus parmi les derniers -, c'est parce que j'ai dû mobiliser d'autres méthodes de préparation, physique et mentale, que des entraînements à bord. J'ai peut-être 2 000 heures de voltige, mais dans ma tête ! Aujourd'hui même, j'ai reçu la bonne nouvelle : j'ai réussi à financer un avion. Je vais aller le chercher en Allemagne dès demain. Je vais enfin pouvoir m'entraîner et effectuer, comme les autres pilotes, 100 à 150 heures d'entraînement par an. Ce que j'ai fait en dix ans, je vais pouvoir le faire en une année !

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Quand vous dites « comme les autres pilotes », vous vous référez au fait d'être une femme ou aux difficultés liées à l'accès aux sponsors et aux financements ?

Mme Mélanie Astles. - Mes difficultés viennent aussi du fait que je viens d'un milieu très modeste où les moyens sont très limités. Du reste, dans le milieu de l'aviation, je ne connais personne qui ait mon parcours. Y arriver sans argent est un vrai défi. Mais il s'est toujours trouvé, comme par magie, des gens sur mon chemin qui ont été là pour moi au bon moment et qui m'ont encouragée. Tous ces soutiens comptent énormément. On ne peut pas y arriver tout seul. La détermination ne fait pas tout.

Mme Inès Taittinger. - J'ai eu la chance de débuter dans ce milieu avec le soutien de mon père. Pour participer aux 24 heures du Mans, il fallait que je trouve des partenaires et j'ai rencontré beaucoup de difficultés. J'ai, durant deux à trois ans, essuyé des refus et je n'ai par ailleurs eu que très peu de rendez-vous. Il y a déjà comme problématique le fait que le sport automobile ne soit pas extrêmement bien perçu. Pourtant ce sport est un véritable laboratoire qui développe de nouvelles technologies sur l'hybride, la consommation d'essence, la sécurité, etc.

Aujourd'hui, en ayant fait les 24 heures du Mans, j'arrive à avoir plus d'opportunités, mais ce ne sont pas des opportunités de partenariat. Ce sont essentiellement des propositions pour aller rouler gratuitement à l'étranger. Le Mans m'a par ailleurs permis de disposer de plus de visibilité internationale, notamment aux États-Unis ou encore en Asie. Je vais ainsi faire une course à Miami à la fin du mois de novembre, et j'espère que cela me permettra de trouver des sponsors, même américains, mon objectif étant de refaire les 24 heures du Mans. Mais il est vrai qu'en France, il est difficile d'avoir des partenaires et encore plus pour le sport « auto », le problème étant à mon avis davantage lié aux préjugés relatifs au monde de l'automobile qu'au fait d'être une femme.

Je suis aujourd'hui sponsorisée par Coyote (assistant à la conduite communautaire), qui ne s'attendait pas du tout à bénéficier d'autant de retombées médiatiques, si bien qu'il souhaite maintenant reconduire le partenariat pour l'année prochaine. C'est vrai que personne ne me pensait capable de faire les 24 heures du Mans.

Quand j'essayais de « vendre » cet événement auprès d'éventuels partenaires, je leur disais : « C'est une course internationale, vous allez avoir de la visibilité, oubliez le fait qu'il s'agit de sport automobile, mais pensez à la visibilité que je vous offrirai ». Coyote n'imaginait pas en effet que ça allait prendre cette ampleur.

Mme Chantal Le Creurer. - Je suis très admirative de ces deux femmes. Il y a quelques jours, j'ai visionné un évènement à Abu Dhabi où j'ai pu constater, sidérée, à quoi ressemblait la voltige aérienne. Et j'imagine aussi Inès mettre son casque et appuyer sur l'accélérateur, et je trouve cela incroyable. Je pense que pour une marque, c'est un développement d'image très intéressant...

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Y'a-t-il beaucoup de courses 100% féminines ?

Mme Chantal Le Creurer. - À part le Rallye des Gazelles, non.

Mme Mélanie Astles. - En voltige aérienne, nous avons un championnat masculin, mais ouvert aux femmes. Aux championnats du monde en 2014, parmi les 70  participants, nous étions cinq femmes. J'ai fini 7ème sur 70.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Il n'y a donc pas de championnat féminin ?

Mme Mélanie Astles. - Non, j'ai été la première femme, mais je n'ai pas eu de titre « féminin ». La compétition était mixte. En revanche, s'il y a un certain nombre de femmes qui participent à une course, en général sept ou huit, on commence à faire un titre « différencié » entre les hommes et les femmes.

Mme Inès Taittinger. - Je trouve ça bien que ce soit mixte, car cela permet d'attirer des partenaires, de donner davantage de visibilité etc. Il s'agit par ailleurs, avec la voltige aérienne, d'un des rares sports mixtes.

En sport « auto » nous partageons les mêmes voitures, il n'y a aucun problème et je trouve ça très bien que l'on arrive, à force de travail et de détermination, à faire notre place dans ce milieu qui reste très masculin. Cela peut être décourageant au début, mais c'est d'autant plus grisant lorsque l'on y parvient.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Venons-en aux hôtesses. Au salon de Shanghai, les autorités chinoises, dans le cadre d'une politique beaucoup plus large de lutte contre le luxe et le « sexy », ont interdit la présence d'hôtesses féminines habillées de manière trop « sexy ». Cette polémique sur les hôtesses, à travers lesquelles les femmes ne seraient que des faire-valoir, a été notamment alimentée par certains sites qui font des classements des salons automobiles en fonction des dix hôtesses les plus « sexy ». Comment se positionne le Mondial de l'Automobile par rapport à ce sujet-là ?

M. Jean-Claude Girot. - Tout d'abord, nous n'avons de notre côté jamais réalisé ce type de concours d'hôtesses et je n'avais pas connaissance d'un tel classement. Mais je préciserai que la France, et Paris plus particulièrement, est le berceau de la voiture, et que la tradition veut que des jolies femmes participent à l'image des salons. Quand je revois les affiches des premiers salons de l'automobile, au début des années 1900, il y avait toujours de belles femmes élégantes aux côtés de la voiture.

Toutefois, au Mondial de l'Automobile, nous avons également de plus en plus d' « hôtes », car outre les deux journées ouvertes à la presse où seuls les journalistes sont conviés et au cours desquelles les marques recourent à des hôtesses qui ressemblent à des mannequins, il ne faut pas oublier que c'est un salon à vocation commerciale. Le personnel d'accueil, qu'il soit masculin ou féminin, est donc présent avant tout pour renseigner le client sur la qualité, le prix et les options de la voiture. Cela nécessite un certain savoir-faire professionnel et une sélection des femmes et des hommes selon ces exigences. Je pense que cette « mixité » se développe de plus en plus. S'il est vrai qu'il y a quelques années, il n'y avait que des femmes qui, comme vous le signaliez, étaient là essentiellement pour la représentation, aujourd'hui ce n'est le plus cas. L'aspect professionnel et commercial associé à l'information du visiteur - client potentiel - joue beaucoup. Mais cela n'empêche pas que des critères physiques puissent faire partie des critères de sélection des hôtes et hôtesses.

Je voudrais dire aussi qu'à Paris, les enfants sont les bienvenus également, car je rappelle que notre salon est gratuit pour les moins de dix ans. Nous avons par ailleurs des garderies pour les enfants en bas âge, cela permet aux parents de visiter en toute tranquillité.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Est-ce que vous sentez que l'on s'intéresse de plus en plus au public féminin dans les salons ? La logique qui voulait, pendant un temps, que seuls les hommes achètent des voitures est-elle en train d'évoluer ?

M. Jean-Claude Girot. - Il me semble que les femmes ont toujours eu une influence sur leur mari quant au choix du modèle, de la couleur, de la qualité des sièges, des tissus, etc. Une voiture, aujourd'hui, c'est aussi le confort, et on constate que beaucoup de véhicules se « féminisent » au regard des critères plus anciens. Cette tendance se développe et je ne m'en plains pas personnellement. J'espère par ailleurs que les visiteuses seront nombreuses cette année au Mondial.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Permettez-moi de revenir sur la polémique de Shanghai. Est-ce que la question vous a été posée ?

M Jean-Claude Girot. - Jamais.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - C'est étrange car cette polémique est récente, elle date de 2015...

Mme Laure de Verdun, attachée de presse du Mondial de l'Automobile. -C'est très récent effectivement, mais je pense que la décision chinoise va au-delà de la question des hôtesses et qu'elle est motivée par des raisons plus profondes, autres que ce qui se passe seulement sur les salons. Il s'agit d'une politique globale anti-luxe.

Par ailleurs, je souligne que, depuis plusieurs éditions, nous avons sur les stands ce que l'on appelle des teams, c'est-à-dire des équipes qui présentent des shows très mixtes, dans une conception globale du stand.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Que pourrait-on faire pour développer la pratique féminine en tant que pilote et, plus globalement, la place des femmes dans l'automobile, en plus de mener une action sur la question de la visibilité et des sponsors ?

Mme Inès Taittinger. - Il faut montrer aux jeunes filles qu'il est possible d'atteindre le plus haut niveau. Les 24 heures du Mans sont la course automobile réputée la plus difficile au monde. Il faut se montrer prêt pour s'engager dans un tel défi, car c'est une course dangereuse : ce n'est pas parce qu'on veut le faire qu'on le peut. Mais plus il y aura de femmes pour tenter l'aventure, plus on en attirera.

De plus, il me semble que, sans qu'il y ait encore beaucoup de femmes pilotes en compétition, en raison d'un manque de temps ou de budget par exemple, beaucoup d'entre elles s'intéressent à la course automobile, se montrent curieuses quant à cette discipline, la plupart découvrant qu'il s'agit d'un sport mixte. Il faut montrer l'exemple en étant présente.

Mme Chantal Le Creurer. - Il faudrait créer des événements autour de la féminisation de la course automobile, en vous mettant en valeur comme modèle. Mais il est vrai qu'il faut pouvoir trouver le lieu et les personnes pour sponsoriser ce type de manifestations.

Mme Inès Taittinger. - Sur ce thème, mon idée était de monter un équipage 100  % féminin pour les 24 heures du Mans, mais cela s'est avéré très compliqué car il faut déjà trouver trois pilotes femmes, mais aussi trois pilotes qui aient le niveau ; je n'y suis pas parvenue. En revanche, je précise qu'à la course à laquelle je participerai à Miami fin novembre, nous serons un équipage 100 % féminin, ma partenaire étant une pilote autrichienne. Il y a en France très peu de pilotes femmes à ce niveau.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Savez-vous si dans les autres pays, il y a davantage de femmes qui exercent la course automobile ou la course aérienne ?

Mme Inès Taittinger. - Je ne sais pas, mais je peux vous dire qu'en France, nous ne sommes guère plus de trois ou quatre filles à pratiquer la course automobile à mon niveau.

Mme Mélanie Asltes. - En voltige aérienne, en haut niveau, nous sommes quatre filles, et en course, je suis la seule. On a une équipe de France, composée de douze personnes au plus, avec une limite de huit personnes du même sexe. Par exemple, cette année, nous sommes neuf, soit huit hommes et une femme (nous étions deux à postuler). Il fallait que je batte des hommes pour avoir ma place en tant que femme. Je précise par ailleurs qu'il est très difficile de rivaliser avec les membres de cette équipe, certains d'entre eux étant des pilotes militaires d'élite - c'est donc leur métier de tous les jours. On voit le décalage avec moi et mes rares heures de vol dans mon vieil avion. Il y a un moment où même la détermination ne peut pas tout.

Toutefois, la mise en avant médiatique est très bénéfique pour se faire connaître et progresser. Par exemple, le traitement médiatique - en France et à l'international - dont j'ai fait l'objet en participant à la Red Bull Air Race m'a permis de prendre un congé sans solde cette année et d'envisager - enfin ! - de pratiquer ce sport comme une activité à plein temps, presqu'en tant que professionnelle, et non plus comme amateur.

Pour créer des vocations, il faudrait envisager des initiations, des actions de sensibilisation dans les écoles et les collèges pour faire découvrir le sport, toucher le volant. Car c'est en faisant les choses qu'on a le déclic.

Mme Inès Taittinger. - On pourrait venir parler de notre passion dans les écoles, emmener les élèves sur un circuit ou assister à une course. À mon avis, l'un des problèmes tient aussi à ce que le sport automobile est encore très peu suivi par les médias en France, contrairement à d'autres pays. Les 24 heures du Mans, la plus grosse course au monde, événement sportif le plus suivi après les Jeux olympiques, n'est ainsi diffusée que par très peu de médias français. Les gens regardent très peu de sport automobile en France : si vous demandez à un enfant de vous citer un pilote, il vous parlera de Michaël Schumacher, qui a arrêté il y a dix ans ! Je pense donc qu'il faudrait ouvrir davantage le sport automobile aux médias français.

Mme Christiane Kammermann. - Je voudrais vous exprimer mon admiration et vous féliciter pour votre courage. Avez-vous déjà eu des accidents importants ou ressenti de grandes frayeurs au cours de vos exploits ?

Mme Mélanie Astles. - Bien sûr, cela fait partie intégrante des sports extrêmes, et c'est aussi ce côté dangereux qui nous attire. Dans notre pratique, nous devons faire face à la perte d'amis décédés dans des accidents, mais cela demeure une passion qui prime sur tout, et rien ne pourra nous arrêter. Pour ma part, j'ai été confrontée à quelques incidents sérieux - je ne parle pas d'accident, sinon je ne serai plus là pour vous en parler -, par exemple, un départ d'incendie dans mon avion.

Mme Inès Taittinger. - La sécurité a heureusement beaucoup progressé en sport automobile et sur les circuits, même si on doit toujours déplorer des décès. Je pense par exemple à Jules Bianchi. Quand on monte dans la voiture, il ne faut pas penser à l'accident, sinon on risque de mal conduire, de se bloquer et de faire une mauvaise performance, voire d'avoir un accident, justement. On parle de sorties de pistes. Mon pire accident à ce jour s'est traduit par une entorse cervicale, ce qui n'est finalement pas grand-chose. Mais il faut bien que cela reste dangereux, car c'est ça qui nous fait monter l'adrénaline !

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - C'est aussi ce qui fait le caractère exceptionnel de ces sports extrêmes. Il me reste à vous remercier pour vos témoignages passionnants.


* 1 Née avec une insuffisance cardiaque, Inès Taittinger a subi très jeune une opération du coeur (note du secrétariat).