Jeudi 23 novembre 2017

- Présidence de Mme Élisabeth Lamure, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Communication de Mme Élisabeth Lamure sur les dispositions du projet de loi de finances pour 2018 intéressant les entreprises et examen d'amendements

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Si la commission des finances et les autres commissions sont saisies du projet de loi de finances (PLF) pour 2018, notre délégation peut compléter leurs travaux afin d'être utile aux entreprises, par une intervention calibrée.

En première partie de la loi de finances, le Gouvernement propose deux évolutions majeures qui auront des incidences sur les entreprises et, plus spécifiquement, sur leur financement. À l'article 11, la mise en oeuvre d'un Prélèvement forfaitaire unique (PFU), communément appelé flat tax, est une refonte globale du régime d'imposition des revenus du capital. À compter du 1er janvier 2018, ce PFU sera prélevé au taux proportionnel de 30 % et se substituera, dans la plupart des cas, à l'imposition des revenus du capital selon le barème progressif de l'impôt sur le revenu. Cela réduira de fait le coût du capital.

Deuxième évolution, à l'article 12, l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est transformé en Impôt sur la fortune immobilière (IFI) ; plusieurs dispositifs applicables dans le cadre de l'ISF ne sont pas transposés à ce nouvel IFI. Ainsi, le Gouvernement a fait le choix de renoncer au dispositif « ISF-PME », qui permet aux souscripteurs particuliers de déduire de leur ISF - dans la limite de 45 000 euros - 50 % du montant qu'ils investissent au capital de PME. Nous reviendrons sur ce sujet important de l'investissement dans les PME en abordant la deuxième partie du projet de loi de finances. Par ailleurs, le sort réservé par l'IFI à l'immobilier d'entreprise est un sujet de préoccupation, car il ne faudrait pas que les propriétaires d'immobilier d'entreprise se trouvent taxés sur ces biens affectés à l'activité productive ; la commission des finances ayant décidé hier de proposer la suppression totale de l'ISF, ce qui signifie renoncer à la création de l'IFI, nos craintes sont devenues sans objet pour l'instant et je ne vous proposerai donc pas d'amendement à ce sujet. Certains amendements circulent par ailleurs dans nos rangs à ce sujet.

Concernant encore la première partie de la loi de finances, je n'évoquerai que brièvement le sujet de la baisse des ressources affectées aux chambres de commerce et d'industrie. L'article 19 du PLF prévoit une diminution du produit des taxes affectées aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) résultant d'une baisse de plafond de 150 millions d'euros, soit 40 %. Le Gouvernement s'est engagé à ce que cette mesure soit ponctuelle et ne s'inscrive pas dans une logique de baisse tendancielle : le plafond de 2019 serait dès lors celui de 2018. Nous avons déjà eu l'occasion de faire part de notre préoccupation à ce sujet lors de notre dernière réunion, tant les CCI ont déjà subi de coupes budgétaires. La commission des affaires économiques dont je suis membre s'en inquiète aussi. Des amendements seront déposés pour lisser cette baisse dans le temps. Donc il ne me semble pas nécessaire que la délégation se mobilise plus avant.

Dernière mesure sur laquelle je crois utile d'attirer votre attention en première partie de la loi de finances : l'article 10 bis, ajouté par l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur général Joël Giraud. Il s'agit d'une disposition favorable à la transmission familiale d'entreprises en zone rurale, qui répond à un sujet de préoccupation sur lequel notre délégation a déjà travaillé et qui mérite à ce titre d'être ici soulignée : ce nouvel article étend à la première transmission familiale d'une entreprise l'exonération d'impôts qui s'applique en zone de revitalisation rurale (ZRR). Depuis la réforme des ZRR de 2016, les entreprises peuvent bénéficier pendant cinq ans d'une exonération de l'impôt sur les sociétés. Cet article vise donc à faire bénéficier de ce dispositif la première transmission familiale, ce qui est une bonne mesure.

En deuxième partie de la loi de finances, plusieurs articles doivent retenir notre attention. Les articles 41 et 42 organisent la fin du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et la baisse de l'impôt sur les sociétés. La fin du CICE est le pendant de l'allégement de charges sociales prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 : l'an prochain, le taux du CICE reviendra à 6 %, après avoir été porté à 7 % en 2017. En 2019, le CICE sera totalement supprimé, les allégements de charges patronales prenant le relais. Parallèlement, le taux de l'impôt sur les sociétés connaîtra une trajectoire de baisse progressive à partir de 2018, pour atteindre 28 % en 2020 puis 25 % en 2022.

Comme je l'avais évoqué lors de notre dernière réunion, la baisse des charges sociales va mécaniquement augmenter l'impôt sur les sociétés (IS) : ces charges sont déductibles de l'assiette de l'IS, donc moins de charges signifie plus d'IS. Le Gouvernement fait valoir que cet « effet d'IS », coûteux pour les entreprises, sera neutralisé par la réduction progressive du taux de l'IS à 25 % d'ici 2022. Mais il n'est pas certain que, dans l'intervalle, les entreprises soient gagnantes : les informations disponibles ne permettent pas de prévoir finement le gain net que les diverses entreprises vont tirer de toutes ces réformes année après année. Le Gouvernement ne publie que des chiffres à horizon 2022. Il serait intéressant d'interroger le ministre sur l'impact net de ces mesures sur les différentes catégories d'entreprises en 2019, 2020 et 2021. Cela nous permettrait d'y voir plus clair sur le moment à partir duquel la politique économique de ce Gouvernement soutiendra effectivement les entreprises : en tout cas, ce ne sera sans doute pas le cas l'an prochain, puisqu'en 2018, les entreprises perdront un point de CICE et le taux de leur IS ne sera abaissé à 28 % que pour leurs 500 000 premiers euros de bénéfice.

Autre article important dans la deuxième partie du PLF, l'article 39 sexies, introduit par l'Assemblée nationale : cet article vient aménager le dispositif « Madelin » qui offre une réduction d'impôt sur le revenu (IR) aux particuliers qui investissent dans les PME. L'objectif est d'apporter un début de réponse à la disparition du dispositif ISF-PME qui représente aujourd'hui un réel soutien à l'investissement dans ces entreprises. En 2016, 516 millions d'euros ont en effet été investis grâce au dispositif ISF-PME via des fonds d'investissement, et 250 millions ont été apportés en direct. Le coût de l'ISF-PME a été chiffré à 620 millions en 2015 par la Cour des comptes.

Lors de l'examen du PLF à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a donc accepté de compenser la suppression de l'ISF-PME par un élargissement du dispositif IR-PME : ayant un effet de levier particulièrement efficace, ce dispositif fiscal est toutefois restreint aujourd'hui, non seulement par le taux limité de la réduction d'impôt qu'il autorise - l8 % - mais aussi parce que cette réduction reste soumise au plafonnement général des niches fiscales à 10 000 euros.

En France, nous sommes très éloignés du système britannique que nous avions mis en avant dans le rapport de notre délégation en juin 2015, adopté au retour de notre déplacement à Londres, initié par Olivier Cadic : au Royaume-Uni, la réduction l'impôt est de 30 %, à concurrence d'un million de livres investies. Ce n'est pas un hasard si la Grande-Bretagne attire 36 % des investissements en capital-risque en Europe !

L'Assemblée nationale a finalement adopté la proposition timide du Gouvernement de porter le taux du dispositif IR-PME de 18 à 25 %, en maintenant le plafond de 10 000 euros. Or, un taux supérieur avec un plafond inchangé affaiblit la portée du dispositif, même s'il existe des possibilités de report de la réduction d'impôt sur cinq ans.

Nous ne pouvons pas nous contenter de ce petit geste du Gouvernement pour pallier les effets de la suppression de 1'ISF-PME. Il est illusoire de croire qu'en libérant le citoyen français d'un impôt, il investira spontanément dans les PME. Notre délégation serait dans son rôle en proposant de nouveaux moyens pour soutenir significativement l'investissement des particuliers dans les PME. Je vous proposerai donc trois amendements à cet article 39 sexies, les deux premiers pour renforcer la réduction d'impôt sur le revenu accordée au titre du dispositif « IR-PME ».

Le premier amendement propose d'aller plus loin que l'Assemblée nationale en relevant le taux du dispositif Madelin à 30 % et en le plaçant sous un plafonnement global de 18 000 euros. C'était d'ailleurs ce qu'avait publiquement envisagé la députée Amélie de Montchalin, avant de réduire la voilure sous la pression du Gouvernement, qui invoquait le coût d'un tel amendement. En tout état de cause, le coût que représenterait cette évolution de l'IR-PME reste très nettement inférieur au coût du dispositif actuel ISF-PME qui avoisine 620 millions.

Le deuxième amendement propose d'unifier le plafond des versements ouvrant droit à la réduction d'impôt, sans distinguer entre versements directs et versements intermédiés. Aujourd'hui, le plafond de versement ouvrant droit à réduction d'impôt est quatre fois plus bas pour l'investissement intermédié que pour l'investissement direct, alors même qu'il est avéré que la performance de ces investissements est souvent meilleure que celle des investissements directs. La Cour des comptes juge d'ailleurs peu justifié ce traitement fiscal différencié. L'amendement aligne donc les plafonds de versements ouvrant droit à réduction d'impôt, en relevant les plafonds applicables aux investissements intermédiés au niveau des plafonds applicables aux investissements directs.

Le troisième amendement s'inscrit dans le prolongement d'un combat lancinant mené par notre commission des Finances, depuis 2009, contre les frais abusifs d'intermédiation. L'efficacité du dispositif fiscal en faveur des PME est en effet affaiblie lorsqu'une part élevée de l'avantage fiscal est captée par les intermédiaires.

Cette préoccupation avait conduit le Sénat à adopter, le 29 juin 2009, une proposition de loi visant à « renforcer l'efficacité de la réduction d'impôt de l'ISF au profit de la consolidation du capital des PME ». Dans son rapport, la commission des Finances estimait que « l'intérêt général commande d'assurer que l'avantage fiscal consenti par l'État profite avant tout aux entreprises et ne soit pas utilisé pour « gonfler » les frais perçus par les structures d'intermédiation ».

À la suite de cette initiative, des obligations d'information ont été introduites par l'article 20 de la loi de finances pour 2010 pour l'ensemble des acteurs de l'investissement intermédié, concernant tant le dispositif fiscal ISF-PME que le dispositif fiscal IR-PME. Depuis 2011, les fonds fiscaux sont donc soumis à une obligation de transparence en matière de frais de gestion.

Est-ce suffisant ? Hélas non. Quatre années après cet encadrement, la Cour des comptes a ainsi estimé, dans un référé du 26 novembre 2015 sur l'ISF-PME, que les frais réels effectivement prélevés atteignaient en moyenne 4,5 % par an, dont 1,8 % de frais de distribution par les réseaux bancaires. Sur une période de huit à dix ans, ces frais représenteraient ainsi entre 36 et 45 % de la souscription initiale réalisée par le contribuable. Par comparaison, les frais de gestion prélevés par les fonds de capital-investissement destinés aux investisseurs professionnels seraient compris entre 2 et 2,5 % par an.

Les frais des fonds fiscaux avaient même augmenté de 14 % en moyenne après l'obligation de transparence ; cela avait conduit la commission des Finances à faire adopter, dans la loi de finances rectificative pour 2015, et malgré l'opposition du Gouvernement de l'époque, un amendement habilitant le Gouvernement à fixer par décret un plafond de frais, l'Autorité des marchés financiers (AMF) étant chargée de contrôler le respect de ces obligations. Cet encadrement des frais visait l'ISF-PME, et non pas l'IR-PME.

C'est donc cet encadrement que je vous propose d'étendre à l'IR-PME. L'amendement proposé habilite le Gouvernement à fixer par décret un plafond de frais pour les fonds IR-PME, comme cela a été fait pour l'ISF-PME il y a deux ans.

J'espère que la commission des finances accueillera favorablement ces amendements qui tentent de maximiser autant que possible l'investissement dont peuvent effectivement bénéficier les PME grâce au dispositif Madelin.

Mais cela ne suffira pas à remplacer l'ISF-PME. C'est pourquoi je voudrais également vous soumettre deux autres pistes. La première consiste à revoir le compte PME innovation. Ce dispositif a été initié début 2016 par Emmanuel Macron, quand il était encore ministre de l'économie : il s'agissait d'inciter les personnes physiques impliquées dans la gestion de leur entreprise à réinvestir les plus-values tirées de la cession de leur entreprise dans des PME innovantes ; le dispositif a finalement été mis en place fin 2016 selon des modalités qui le rendent peu attractif. La commission des finances du Sénat l'avait anticipé : elle avait bien tenté d'améliorer le dispositif, qu'elle jugeait trop contraignant et complexe, mais l'ancienne assemblée ne l'avait pas suivie. Je propose que notre délégation rouvre le débat avec la nouvelle assemblée et propose de rediscuter du compte PME innovation, pour atteindre l'objectif souhaitable, à savoir faciliter le réinvestissement, dans d'autres PME, des plus-values dégagées par les entrepreneurs à succès. Je vous proposerai donc de revoir le dispositif du Compte PME innovation pour le sauver d'un échec annoncé.

L'autre piste vise à soutenir l'investissement dans les PME en réouvrant le dispositif de suramortissement qu'a créé la loi Macron de 2015 et qui est arrivé à extinction en avril 2017. Nous en avons déjà parlé avec Martial Bourquin. Les entreprises réalisant un investissement productif éligible ont ainsi pu bénéficier d'un avantage fiscal leur permettant de déduire de leur résultat imposable 40 % du prix de revient de cet investissement. Contrairement à une mesure d'accélération du rythme de déduction de l'amortissement, il ne s'agissait pas seulement d'un gain de trésorerie pour l'entreprise : l'économie d'impôt réalisée était définitive. Ce dispositif a rencontré un franc succès et a permis de relancer l'investissement dans de nombreux secteurs productifs. Notre industrie en a bien besoin.

Des initiatives pour le prolonger ont déjà été tentées, sans succès, à l'Assemblée nationale, le Gouvernement brandissant l'argument du coût. Aussi, je vous propose un amendement ciblé, à la fois dans le temps et dans son étendue : les investissements éligibles se limiteraient à ceux dédiés à la mécanisation, la robotisation et la numérisation, car l'objectif prioritaire doit être de soutenir la nécessaire transition de l'industrie française vers l'industrie du futur, source d'emplois ; et le prolongement du suramortissement ne se ferait que sur un an, le temps que le projet de loi sur les entreprises annoncé pour le printemps 2018 permette de fixer un cadre pérenne pour favoriser leur numérisation. Ceci réduira de manière significative le coût financier de l'amendement.

Comme cet amendement doit être examiné en première partie, il nous faut le déposer dès l'issue de notre réunion. C'est pourquoi je vous le fais distribuer et vous remercie de vous faire connaître maintenant si vous souhaitez le cosigner.

Les autres amendements concernent la deuxième partie du PLF : il nous reste une dizaine de jours avant de devoir les déposer. Je vous les ferai transmettre par écrit prochainement, afin de recueillir vos éventuelles signatures avant le délai-limite de dépôt qui est le 6 décembre pour les articles de la deuxième partie du PLF non rattachés aux crédits.

Les initiatives de la délégation aux entreprises attesteront de notre volonté de soutenir l'investissement dans les PME et les entreprises innovantes, ainsi que leur mutation vers le numérique.

M. Michel Forissier. - Rapporteur pour avis de la mission « Travail et emploi » et du compte spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage », je reprends de nombreux constats dans mon rapport, qui sera présenté le 29 novembre devant la commission des affaires sociales. Cette mission voit ses crédits amputés de 91 millions d'euros, et surtout, en 2019, de 2,7 milliards d'euros. En deux ans, elle passerait de 15,3 à 13,7 milliards d'euros. À périmètre constant, la diminution des crédits s'élève à 1,5 milliard d'euros en crédits de paiement en raison de la compensation des crédits budgétaires de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité, qui finançait jusqu'à cette année l'allocation spécifique de solidarité et divers dispositifs.

Selon le projet de loi de programmation pour les finances publiques pour 2018-2021, la diminution des crédits de la mission devrait se poursuivre. Les plafonds sont fixés à 12,9 milliards d'euros en 2019 et 12,6 milliards d'euros en 2020 - hors remboursement de la dette, paiement des pensions, dégrèvements et remboursements. Alors que le taux de chômage en France, au sens du Bureau international du travail, devrait se stabiliser à 9,5 % en 2018, la dette de l'Unedic devrait dépasser 37 milliards d'euros fin 2018 pour atteindre 39 milliards d'euros en 2021. C'est un point d'inquiétude.

Le plan d'investissement dans les compétences devrait bénéficier de 14,6 milliards d'euros durant le quinquennat, mais son financement n'a pas été précisé. En outre, seulement 1,2 milliard d'euros de crédits de paiement seront consacrés à la mission « Travail et emploi », dont 467 millions pour la Garantie jeunes, initiée par le précédent gouvernement et généralisée depuis le 1er janvier 2017, et 225 millions d'euros pour le plan du solde des formations exceptionnelles des demandeurs d'emploi, mis en oeuvre en 2016 et 2017.

Je ne m'opposerai pas à la réduction à 200 000 du nombre de contrats aidés, puisque cela permet d'en supprimer 280 000, ni à la baisse du taux de prise en charge par l'État. Mais je m'interroge sur leur disparition totale dans le secteur marchand - et je regrette le manque de pédagogie du Gouvernement. Nous voudrions plus de visibilité pluriannuelle et des mesures d'accompagnement pour les anciens bénéficiaires des contrats aidés qui mettent en difficulté le milieu associatif. Les opérateurs de la politique de l'emploi, comme Pôle emploi, les missions locales, les écoles de la deuxième chance ou les établissements publics d'insertion pour l'emploi voient globalement leurs crédits préservés, tandis que les maisons pour l'emploi voient leur dotation réduite quasiment de moitié. Si la situation de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) est maintenue au même niveau l'an prochain, de fortes inquiétudes subsistent sur la pérennité de l'agence. Après l'adoption de l'ordonnance, la directrice n'arrive pas à trouver un projet d'avenir, alors que le président a démissionné. La crise continue.

L'expérimentation des emplois francs en 2013 s'est soldée par un échec. Elle coûte très cher et fait l'objet d'un traitement très inégalitaire sur le territoire, puisqu'elle est liée au périmètre de la politique de la ville. Le traitement peut varier d'un côté à l'autre d'une rue. Je propose un amendement pour réduire cette envolée à une expérimentation de l'ordre de 25 à 50 % de ce qui était prévu.

La réforme de l'apprentissage est la grande oubliée. Nous l'attendons pour le premier semestre de 2018. Les crédits n'ont pas été consommés car l'objectif de 500 000 apprentis n'a pas été atteint : ils ne sont que 430 000. Je prépare également un amendement sur ce sujet, de même que sur l'article 19 relatif au fonctionnement des CCI.

M. Martial Bourquin. - J'ai déposé un amendement analogue à celui que présente notre présidente, à la suite de l'audition, par la commission des affaires économiques, de l'Association pour l'industrie du futur. La Banque publique d'investissement a dénoncé un sous-investissement flagrant dans les PME et PMI. Il faudrait pouvoir présenter à notre délégation ces graphiques. Selon Rexecode, si le différentiel de marges des entreprises entre la France et l'Allemagne s'est progressivement résorbé, l'investissement est encore très timide en France, notamment dans l'industrie du futur. Lorsque notre pays commande 2 000 robots par an, voire 4 000 en cas de fort investissement, chaque année, l'Allemagne investit pour 20 000 robots.

Le suramortissement a jugulé cette carence. Cette mesure gouvernementale, instaurée en 2015, a connu un succès considérable. Plus de 380 millions d'euros ont été utilisés cette année, et sur cinq ans, elle coûte 2,5 milliards d'euros. Alors qu'une baisse de charges ne bénéficie pas systématiquement à l'investissement, le suramortissement revient à un remboursement de 40 % des investissements, sur facture. Il faudrait cibler davantage sur les industries du futur, pour éviter des investissements en machines d'occasion. Des grands groupes comme Dassault Systèmes ou PSA investissent lourdement. L'usine de Sochaux investit 250 millions d'euros sur trois ans. Et si les équipementiers de rang un investissent, ce n'est pas le cas pour les sous-traitants de rang suivant, souvent des PME ou des TPE. Pour eux, la mesure la plus simple est le suramortissement ; continuons cette mesure pour un an et analysons les résultats. Le Sénat avait déjà proposé sa prolongation à plusieurs reprises. Si notre délégation, au-delà des clivages politiques, le suggère, cela aurait davantage de poids.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Cette mesure, qui a été prise pour deux ans, avait été un succès. Elle avait été élargie notamment aux coopératives agricoles - par exemple de matériel - avant de s'éteindre en avril dernier. Souvent, les PME nous avouent qu'il leur manque peu de chose pour investir... Certes, cette mesure a un coût mais donnons-nous les moyens nécessaires pour investir dans l'économie du futur.

M. Martial Bourquin. - On nous a dit qu'en matière d'industrie du futur, nous avions cinq ans pour nous mettre à niveau. Sinon, les grands groupes, par le global sourcing, iront chercher ailleurs...

Nomination de trois membres du groupe de travail sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Notre délégation, avec celle aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a adopté le 20 juillet dernier le rapport d'étape de nos collègues Martial Bourquin et Rémy Pointereau sur le sujet préoccupant du dépérissement de nos centres-villes. Il exposait la situation, présentait les thématiques à aborder et identifiait des pistes à expertiser. Ce rapport recommandait la constitution d'un groupe de travail sénatorial transpartisan, associant étroitement les commissions permanentes concernées, pour élaborer des propositions concrètes. Le président du Sénat a bien voulu marquer son plein soutien à cette initiative en jugeant important que celle-ci connaisse une suite et un débouché rapides.

Ce groupe de travail ad hoc, composé de 18 membres afin d'assurer la représentation de tous les groupes politiques, sera ainsi chargé d'élaborer, avant l'été 2018, un rapport, une proposition de loi, et une proposition de résolution pour les aspects réglementaires.

Jean-Marie Bockel, président de la délégation aux collectivités territoriales, et moi-même avons donc sollicité les présidents des commissions de la Culture, des Affaires sociales, de l'Aménagement du territoire, des Affaires économiques, des Finances et des Lois. Ces commissions ont désigné, pour les représenter es-qualités au sein de ce groupe de travail, deux de leurs membres, par ailleurs membres de l'une ou l'autre de nos délégations.

Il nous revient de compléter le groupe de travail en nommant trois membres de notre délégation en veillant à assurer une représentation politique équilibrée. La nomination de Martial Bourquin, rapporteur, me semble aller de soi. Deux autres membres de notre délégation restent à nommer.

M. Martial Bourquin, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Michel Forissier sont désignés membres du groupe de travail sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.

Questions diverses

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Le projet de loi qui devait créer le « droit à l'erreur » pour les entreprises n'a finalement pas été présenté en conseil des ministres en juillet, comme prévu initialement. Le Gouvernement vient d'annoncer qu'il serait finalement présenté en conseil des ministres dans une semaine. Le texte a changé de nom et s'intitule désormais « projet de loi pour un État au service d'une société de confiance ».

M. Jackie Pierre. - Cela peut servir au Gouvernement !

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Il comprendra des dispositions en matière de construction, de logement, de numérique, d'environnement, destinées à améliorer la relation entre l'administration et les administrés... En matière de simplification, il devrait effectivement poser le principe du droit à l'erreur ainsi qu'élargir les dispositifs de guichet unique et le champ du « Dites-le nous une fois » ; pour plus de sécurité juridique, les circulaires seraient rendues opposables, le rescrit encouragé et les contrôles infligés aux PME limités dans le temps. Le projet de loi pourrait aussi avancer dans la direction que notre délégation préconisait, dans son rapport sur la simplification : privilégier une réglementation qui fixe aux entreprises des obligations en termes de résultats et non pas de moyens, afin de libérer l'innovation. Le texte devrait enfin comprendre un volet de lutte contre la sur-transposition des directives européennes.

Je voulais vous proposer de nous préparer sur ce sujet précis, que nous avons déjà identifié comme majeur pour la compétitivité de nos entreprises. Pour avancer de manière concrète, nous pourrions lancer un travail de recensement auprès des entreprises que nous connaissons afin d'identifier concrètement les règles incriminées qui vont au-delà de nos obligations européennes et proposer leur « désurtransposition ». La commission des affaires européennes s'est également émue de l'habitude française de surtransposer, dans son récent rapport sur la nécessaire simplification du droit européen. Nous pourrions lui proposer de s'associer à ce travail si vous en étiez d'accord. Nous souhaitons aller vers des mesures extrêmement concrètes.

Enfin, je vous rappelle que nous nous rendrons le 15 décembre en Côte d'Or, département d'élection de Mme Loisier. Cinq d'entre nous ont déjà annoncé leur venue.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Ce déplacement aura notamment comme thème la filière nucléaire puisque, le matin, nous visiterons le site de Vallourec puis un établissement de formation à proximité. L'après-midi, nous visiterons une des plus grandes scieries de résineux en France, puis l'entreprise allemande Rettenmaier qui fabrique des produits à base de cellulose. De nombreuses entreprises étrangères investissent dans la filière bois en France. Ce déplacement est très accessible, à moins d'une heure de TGV de Paris.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - La prochaine réunion se tiendra durant la semaine du 11 décembre, à une date exacte à préciser : jeudi 14 décembre se déroulera la Conférence nationale des territoires, certains d'entre vous souhaitent peut-être y assister.

La réunion est close à 9 h 45.