Mercredi 30 octobre 2019

- Présidence de M. Jean-Marie Bockel, président -

Audition de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, sur la fonction publique territoriale et sur les finances locales

M. Jean-Marie Bockel, président. - Au nom de la délégation, je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir accepté notre invitation. Vous aviez envie de nous parler de fiscalité locale. Nous ne prétendons pas nous substituer à la commission des Finances, avec laquelle nous travaillons fort bien, mais nous ne nous interdisons pas de nous intéresser à ces sujets. Des membres de cette délégation ont commis, il y a quelques années, un excellent rapport sur les conséquences de la baisse des dotations sur les territoires. Ce sujet a fait l'actualité lors du Congrès des départements. Des inquiétudes existent, même si nous constatons que certains pays, y compris fédéraux, ont des sources de financements très divers, certains dynamiques, d'autres de dotations. Au total, dans ces pays, si la situation n'est pas parfaite, elle présente du moins le mérite de la clarté, et la grille de répartition est connue, avec le détail précis, par exemple, de ce qui revient aux communes ou aux Länder.

Vous nous parlerez également de l'évolution de la fonction publique territoriale. La loi du 6 août 2019 porte l'ambition de transformer la fonction publique. Beaucoup d'entre nous ont occupé des fonctions locales, et notamment communales, en responsabilité d'administrations territoriales, et certains d'entre nous - cela a été mon cas - se sont engagés au niveau du dialogue social et de la gestion publique en général. Nous avons, dans ce domaine, un intérêt fort pour l'ambition exposée par la loi : simplifier le fonctionnement des instances, renforcer les outils de dialogue social, faciliter les recrutements par le recours au contrat, moderniser la gestion des ressources humaines, etc. Il est important d'adapter la fonction publique territoriale au monde qui vient.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, sur la fonction publique territoriale et sur les finances locales. - Je vous remercie, Monsieur le président. Je vais tâcher de répondre à vos deux interrogations.

La fiscalité locale reste un sujet complexe, même si nous avons voulu le simplifier. Le Président de la République a pris un engagement se traduisant par la décision de supprimer la taxe d'habitation. Nous sommes aujourd'hui, dans le cadre de la loi de finances, sur un débat qui ne porte pas sur l'opportunité de la décision, mais sur la compensation de la recette perdue par les collectivités. Après des travaux de concertation et le rapport sur la refonte de la fiscalité locale d'Alain Richard et de Dominique Bur, un schéma a été défini. Il se traduit par l'affectation de la fraction départementale des taxes foncières sur les propriétés bâties aux communes. Au-delà des communes et des intercommunalités, dont il fallait assurer la compensation, il convient donc également d'assurer une compensation pour les départements. Nous avons choisi de ne pas créer de nouvel impôt et donc de financer cette diminution d'impôt pour les ménages par des économies de l'État pour assurer la soutenabilité de la perte de recettes pour la fiscalité nationale, notamment sur la TVA.

Les départements seront compensés par l'attribution d'une fraction de la TVA qui sera calculée en 2021 sur la base des valeurs locatives de 2020 et le taux pratiqué par les départements en 2019. Nous avons retenu le taux de 2019 pour les départements car, lorsque la loi de programmation a été votée fin 2017, les départements n'étaient pas concernés par la question de la taxe d'habitation et peuvent légitimement prétendre ne pas avoir pu prévoir d'être privés de cette part de taxe foncière. Conformément à la loi votée en première partie par l'Assemblée nationale, nous proposons d'ajouter à cette compensation de 15,1 milliards d'euros la première année une enveloppe supplémentaire de 250 millions d'euros de TVA, qui pourrait être répartie sur les mêmes bases que l'actuel fonds de stabilisation qui s'élève lui à 135 millions d'euros. Un progrès est réalisé en termes de fonds de secours. L'objectif est que les 15,1 milliards d'euros de compensation soient attribués à l'euro près et puissent bénéficier de la dynamique de la TVA et que les 250 millions d'euros soient attribués sur les critères du fonds de secours ou de stabilisation.

Une question se pose aussi pour les régions qui bénéficient d'une fraction de frais de gestion sur la taxe d'habitation, à hauteur de 300 millions d'euros. Avec la suppression de la taxe d'habitation, les frais de gestion disparaissent. Ces 300 millions d'euros seront compensés aux régions par des dotations.

J'en viens aux intercommunalités. Elles seront compensées, comme les départements, par une fraction de TVA. Au même titre que les intercommunalités, nous compensons par une fraction de TVA la Ville de Paris qui, du fait de son statut particulier, ne peut pas se voir attribuer la taxe foncière des départements puisque, depuis le 1er janvier 2018, ville et département ne font qu'un.

Le total de taxes d'habitation perdues par les communes sur les résidences principales s'élève à 16 milliards d'euros, alors que le total de taxes foncières des départements s'établit à 15,1 milliards d'euros, ce qui représente donc un écart de 900 millions d'euros, dont 650 millions d'euros sont déjà traités par la TVA pour la Ville de Paris traitée. Les 250 millions d'euros manquants seront l'objet de frais de gestion pour que l'intégralité des recettes de compensation aux différentes collectivités soit de nature fiscale.

Les communes bénéficieront donc de la taxe foncière des départements, à des niveaux parfois supérieurs à ce que la commune perçoit en taxe d'habitation : un coefficient correcteur sera alors appliqué. Si la commune perçoit 80 de taxe d'habitation et que le département perçoit 100 de taxe foncière, un coefficient de 0,8 s'appliquera pour une compensation intégrale. Cette compensation sera calculée sur la base des valeurs locatives de 2020, revalorisées de manière forfaitaire, et sur la base du taux pratiqué en 2017, conformément à la loi de programmation pluriannuelle 2018-2022. Les communes surcompensées se verront prélever à la source et bénéficieront ensuite d'un pouvoir de taux sur la totalité de la taxe foncière et de l'évolution des valeurs locatives. Les communes sous-compensées verront la recette de taxe foncière des départements majorée par un versement réalisé par l'État. Ce versement transitera par le compte d'avances, de nature fiscale, et sera financé, pour l'essentiel, par le prélèvement sur les communes surcompensées. Le système sera ainsi équilibré, ce qui en garantit la pérennité et la durabilité. Par expérience, quand l'État compense une exonération de fiscalité, il vaut mieux qu'il le fasse avec de la recette fiscale inscrite en compte d'avances plutôt qu'avec des allocations de compensation qui peuvent ensuite diminuer sans suivre l'évolution des valeurs locatives. À titre d'information, j'ai transmis, pour publication et transmission au Parlement, le rapport demandé l'an dernier, dans le cadre du dernier projet de loi de finances, sur le bilan des exonérations et des compensations des exonérations promises par l'État.

La taxe d'habitation est toutefois maintenue pour les résidences secondaires, avec un pouvoir de taux dans les mêmes conditions qu'actuellement. Nous maintenons également la possibilité d'une majoration des taxes sur les logements vacants. La taxe de gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) sera ventilée sur la cotisation foncière des entreprises, la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, ce qui représente une recette de 150 millions d'euros et un impact par feuille d'impôt de 4 à 10 euros, selon la nature du contribuable, ce qui nous paraît acceptable.

Pour la contribution à l'audiovisuel public, le débat n'est pas tranché, entre l'adossement à l'impôt sur le revenu ou d'autres formes de contribution. Le point est en cours de discussion avec le ministère de la Culture.

Enfin, les taxes additionnelles sur la taxe d'habitation pour financer des établissements publics fonciers locaux seront compensées par la dotation, à hauteur de 200 millions d'euros à l'échelon national.

Nous avons acté deux dispositions. La première vise à dire que, si une commune actionne le pouvoir de taux, la recette fiscale née du pouvoir de taux à la hausse lui sera versée intégralement, sans coefficient correcteur appliqué au surplus de recettes, pour que les élus soient politiquement responsables de la totalité de la recette qu'ils génèrent. L'État prend un risque de distorsion dans l'hypothèse où les bases des communes sous-compensées évolueraient plus vite que les bases des communes surcompensées. Ce risque systémique est toutefois très faible et n'a jamais été vérifié au cours de la période récente : il se traduirait par une perte pour l'État de quelques dizaines de millions d'euros par an, sur un modèle de compensation à 25 milliards d'euros, ce qui est acceptable. Le second point : 25 700 communes sont surcompensées et 10 300 communes sont sous-compensées. Pour l'essentiel, les communes surcompensées sont rurales et petites ou périphériques, alors que les communes sous-compensées sont plutôt urbaines ou en situation de centralité. Dans 7 300 communes, la surcompensation est inférieure ou égale à 10 000 euros. Nous avons décidé de ne pas appliquer le coefficient correcteur à ces communes et de leur laisser, le bénéfice de ces quelques milliers d'euros supplémentaires, l'État prenant à sa charge la perte induite.

Le second sujet est celui de la fonction publique territoriale. En premier lieu, je tiens à préciser qu'un tiers des articles est d'application immédiate et est donc déjà entré dans le droit en vigueur. Nous veillerons à ce que tous les décrets d'application soient publiés pour respecter les dates d'entrée en application prévues par la loi. Une cinquantaine de décrets sera donc publiée avant le 15 janvier, ce qui nous permet de conserver une marge de manoeuvre notamment pour tenir compte du rythme de travail du Conseil d'État.

Quelques décrets sont étudiés spécifiquement par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale sur l'élargissement des recrutements en contrat, sur les emplois de directions ou encore sur les questions liées à l'apprentissage. Un point essentiel est celui du financement de l'apprentissage. Nous regardons dans quelle mesure le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) peut faire face à cette nouvelle obligation de financement de 50 % des contrats d'apprentissage. L'année 2020 ne pose pas de difficultés puisqu'il s'agit d'une montée en puissance ou d'un amorçage qui représente un engagement de quelques millions d'euros pour le CNFPT, ce qui ne remet pas en cause son équilibre financier.

Pour les années suivantes, nous travaillons sur deux grandes pistes en vue de compenser cette compétence, appuyées sur un préalable qui consiste à estimer, de manière précise et partagée, le coût de la compétence en matière de financement de l'apprentissage dans les collectivités. Les premières estimations s'élevaient à plus de 50 millions d'euros. Or, les métiers les plus ouverts à l'apprentissage dans la fonction publique territoriale s'avèrent être ceux pour lesquels les coûts annuels de formation sont bien inférieurs à la moyenne des coûts de formation calculée par France Compétences. Nous nous accordons donc aujourd'hui sur un coût de 24,5 millions d'euros pour le CNFPT. Nous travaillons actuellement sur deux options et le CNPFT a formulé une proposition qui ne nous agrée pas pour le moment.

La première piste consiste à améliorer le taux de recouvrement de la cotisation du CNFPT puisque ce taux n'atteint pas 100 %. Depuis 2019, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale recouvre les cotisations du CNFPT et nous considérons que nous pouvons espérer entre 8 et 12 millions d'euros de recettes supplémentaires.

Nous travaillons également avec le CNFPT sur la rationalisation de dépenses et sur la révision de certaines formations, comme celle de la police municipale puisque les dispositions votées par le Parlement transforment ce modèle. Le CNFPT sollicite un versement annuel de 10 millions d'euros par France Compétences, ce qui ne nous convient pas pour le moment puisque nous sommes convaincus que nous pouvons boucler le financement de l'apprentissage sans rechercher de l'argent auprès de France Compétences, qui est financée par la taxe d'apprentissage, payée par les seules entreprises du secteur privé. Nous ne souhaitons pas reconduire ce modèle, sachant que les régions étaient jusqu'ici amenées à financer la formation de l'apprentissage dans les collectivités en s'appuyant sur la taxe d'apprentissage, alors que les employeurs publics ne la paient pas.

Nous travaillons avec le CNFPT ; nous sommes d'accord pour convenir que 2020 n'est pas une année compliquée en la matière et que nous avons donc le temps pour rechercher des solutions alternatives.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je vous remercie, Monsieur le ministre.

M. Charles Guené. - Concernant les communes surcompensées à hauteur de 10 000 euros qui conserveront leur produit, l'augmentation des bases qui suivra ne leur sera-t-elle redonnée que lorsqu'elles dépasseront ce seuil ? La question se pose aussi pour les communes qui ont un coefficient évolutif, telles les communes nouvelles, où un système évolutif semble nécessaire.

La problématique des logements nouveaux et des logements sociaux est également critique : un système devra être trouvé. Nous rencontrons le problème des valeurs locatives mises en place en 2023 ou 2026. Pourquoi ne remettons-nous pas à plat ce système qui fuit de toutes parts ? Nous avons en même temps un système d'impôts nationaux qui se met en place, avec une perte d'autonomie fiscale et financière. Pourrons-nous, par exemple, laisser longtemps les départements sans autonomie fiscale et avec une administration réduite à sa plus simple expression ?

M. Dominique de Legge. - Je m'associe à ces propos. Nous figeons la situation à un instant T et les résidences principales ne paieront plus de taxe d'habitation, contrairement aux résidences secondaires. Qu'adviendra-t-il des résidences secondaires qui deviennent résidences principales ? Comment ce point sera-t-il pris en compte ? Un certain nombre de retraités sont concernés par cette situation.

M. Pascal Savoldelli. - Pourquoi avez-vous évité de procéder à une revalorisation des charges locatives avant la suppression de la taxe d'habitation ? Cette question a animé le Sénat, toutes sensibilités politiques confondues.

La valeur locative de la taxe d'habilitation est en moyenne supérieure de 35 % à la valeur de la taxe foncière bâtie, ce qui explique l'inquiétude des élus. Pourquoi ne pas avoir traité cette question, qui se pose depuis longtemps et taraude tout le monde ?

En tant qu'élu de la région parisienne, nous craignons l'évolution de la situation, avec les bouleversements prévus dans certaines villes, avec par exemple le Grand Paris.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Nous avons eu, la semaine dernière, une audition très intéressante de représentants de France urbaine, et notamment de Patrick Ollier, qui a évoqué cette question du Grand Paris, ce qui a donné lieu à des échanges très enrichissants.

M. Philippe Dallier. - Je souhaite revenir sur les exonérations de taxe sur le foncier bâti dont bénéficient le logement social et le logement intermédiaire, payées en fait par les communes au travers de la variable d'ajustement. À partir du moment où les communes n'auront plus que la taxe sur le foncier bâti en recette et que les exonérations perdureront sur le logement social et le logement intermédiaire, les conséquences seront catastrophiques. Je ne sais pas quel maire continuera à construire ces deux types de logements, avec de nouveaux habitants et aucune recette fiscale. Vous mettrez les communes dans des conditions absolument impossibles. Le sujet n'est pas neutre. Vous avez parlé l'an dernier d'un chiffre autour du milliard d'euros, j'ai vu passer le chiffre de 413 millions d'euros ; je ne sais plus quel chiffre retenir. Si nous ne traitons pas le sujet cette année, en même temps que la réforme, il ne sera pas abordé du tout, ce qui aura d'importantes conséquences en matière de construction de logements. Deux solutions sont envisageables : l'État pourrait prendre à sa charge la totalité ou la moitié, avec une péréquation des collectivités pour l'autre moitié. Monsieur le ministre, il faut traiter le sujet puisque les maires ne construiront plus sinon, faute de recettes fiscales.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Nous entendons souvent cet argument.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Je souscris à cette analyse. Si nous comprenons le choix opéré par l'État de supprimer la taxe d'habitation, nous ne comprenons en revanche pas bien les mécanismes mis en place, si ce n'est qu'il est plus facile de s'attaquer à 100 départements qu'à 3 500 communes. Les inquiétudes sont nombreuses, pour les communes, mais aussi pour les départements.

Dire que les départements, à travers une fraction de TVA, vont se retrouver compensés de manière dynamique consiste à faire injure à l'intelligence des élus. La TVA est un impôt certes dynamique, mais il s'inverse en période de crise, lorsque les personnes consomment moins, ce qui correspond à la période où les départements sont davantage sollicités à travers leur politique sociale. Les départements risquent fort de ne plus disposer d'aucun levier pour mettre en oeuvre des politiques publiques. Or, comme vous le savez, en tant qu'élu de terrain, Monsieur le ministre, sans le bouclier social et territorial que représentent les politiques initiées par les départements, la cohésion nationale serait hautement compromise. Le Gouvernement a-t-il bien mesuré tout cela ? Je vous demande de faire remonter les inquiétudes importantes qui se manifestent sur le terrain. La fin de l'autonomie financière des collectivités est un mauvais coup porté à la décentralisation et à la cohésion nationale.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Le message est passé lors du congrès de Bourges et il est de nouveau transmis ici, de manière directe et en même temps respectueuse.

M. Bernard Delcros. - Remplacer un impôt territorialisé par un impôt national est un mécanisme péréquateur. Je comprends néanmoins l'inquiétude des départements à l'égard d'une affectation d'une part de TVA qui pourrait diminuer en cas de ralentissement de l'économie. Ne serait-il donc pas opportun d'instaurer un mécanisme qui garantisse aux départements une recette de TVA au moins égale à celle de l'année précédente majorée de l'inflation ? Le dispositif reste à définir mais il convient de trouver un système qui sécurise les départements sur leurs recettes de TVA, dans un contexte potentiel de baisse des recettes de TVA à l'échelle nationale.

Par ailleurs, ne serait-il pas opportun de traiter, dans la même loi de finances, la réforme de la fiscalité locale et la question de la neutralisation de la réforme fiscale sur le potentiel fiscal des collectivités ?

En outre, ne pensez-vous pas que, pour les communes sous-compensées, le processus que vous avez décrit pourra se traduire par une minoration de l'effet taux ? Reprendre le foncier bâti des départements ne suffit en effet sans doute pas à recouvrer l'ensemble de la recette liée à la taxe d'habitation.

Enfin, concernant la dotation Natura 2000, créée dans la loi de finances 2019, j'ai cru comprendre que l'Assemblée nationale avait bougé le curseur du potentiel fiscal. Est-ce le cas ? J'ai également cru comprendre que la dotation passait de 5 à 10 millions d'euros : cette manne financière supplémentaire est-elle entièrement réservée à la dotation Natura 2000 ou comprend-elle la dotation des parcs ?

M. Jean-Marie Bockel, président. - Bernard Delcros est l'un de nos quatre rapporteurs du rapport sur les collectivités territoriales et les ruralités.

Mme Corinne Féret. - Monsieur le ministre, vous nous avez présenté l'organisation des compensations de la suppression de la taxe d'habitation pour les communes. Force est de constater que les modes de calcul ont changé. Les bases ont été gelées, même si l'Assemblée nationale a réactualisé les bases à hauteur de 0,9 %, soit en deçà de l'inflation, et près de 100 millions d'euros par an manqueraient aux communes. La compensation est calculée sur les taux de 2017 : qu'en est-il des communes qui ont des taux plus élevés en 2018 et 2019 ? Si rien n'évoluait, ceci pourrait générer une perte de 160 millions d'euros

Un certain nombre de communes sera surcompensé ou sous-compensé, 25 000 d'un côté, 10 000 de l'autre : est-il possible de disposer d'une simulation la plus précise possible des situations pour ces communes ? Quelles seraient les communes concernées ?

Pour la dotation nationale de péréquation des communes nouvelles, dans le cadre du PLF 2020, il est proposé de pérenniser le bonus financier et le parcours de stabilité pour toutes les communes nouvelles qui seront créées après le renouvellement de 2020. Que se passe-t-il pour les communes nouvelles créées en amont et avant 2019 ? Celles-ci, dans le cadre de la prise en compte de trois exercices consécutifs, donc créées en 2017 ou 2018, n'entreraient pas dans le nouveau dispositif prévu dans le PLF 2020.

Mme Françoise Gatel. - Je vous remercie tout d'abord du retour à la raison du Gouvernement sur la revalorisation des bases après un moment d'égarement.

Je souscris aux interpellations de nos collègues sur les finances locales. Je suis très sensible à la question soulevée par Philippe Dallier sur l'effet collatéral des décisions prises sur la construction de logements sociaux. Quand la population croît dans les logements sociaux, les collectivités doivent également construire des écoles et des structures périscolaires. Il convient donc de veiller à ces effets collatéraux et je ne suis pas sûre que votre copie soit parfaite de ce point de vue. Je suis également sensible aux questions posées par ma collègue sur les communes nouvelles.

Sur l'apprentissage, je suis satisfaite que vous discutiez des échanges que vous avez avec le CNFPT. Le Sénat a formulé des propositions pour le financement de l'apprentissage dans les collectivités. Le sujet est majeur. Il ne faut pas que les difficultés actuelles conduisent certains à imaginer une sorte de taxe d'apprentissage pour les collectivités. De nombreuses petites collectivités s'engagent concrètement sur l'apprentissage, ce qui requiert un investissement en temps. J'espère que vous avez convaincu le CNFPT. L'État devrait contribuer au financement de l'apprentissage dans les collectivités.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je vous remercie. Nous demanderons maintenant au ministre de nous répondre.

Je souhaite revenir sur les suites de la loi du 6 août 2019 et sur les concertations qui se sont engagées. Les syndicats de la fonction publique formulent des inquiétudes au regard des annonces relatives à la réduction du nombre d'agents de la fonction publique territoriale. Dans un certain nombre de lieux de concertation, comme le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, des positions réticentes des employeurs se sont également exprimées le 16 octobre. Il serait intéressant de connaître votre sentiment sur la manière dont les choses se déroulent et vos espérances quant à la bonne mise en oeuvre de cette loi.

M. Olivier Dussopt. - Indépendamment de cette question, j'ai recensé onze questions.

Monsieur Guené, pour les communes dont la compensation est égale ou inférieure à 10 000 euros, nous mettrons effectivement dans les tableaux de départ un coefficient égal à un. Il ne faudra donc pas attendre que la dynamique ait rattrapé l'écart supérieur pour en bénéficier réellement. Nous le disons et nous l'écrirons. Nous avons en outre prévu une clause de revoyure à trois ans pour que les effets pervers puissent être examinés. Sur le potentiel fiscal et les indicateurs qui permettent ou interdisent l'accès des collectivités aux dotations de péréquation, nous n'avons pas inscrit la modification du potentiel fiscal dans le PLF 2020 puisque la réforme du financement des collectivités ne s'appliquera qu'en 2021 et que l'effet des potentiels fiscaux ainsi modifiés n'interviendra qu'en 2022.

Nombreux sont ceux qui considèrent que le potentiel fiscal, notamment l'indicateur du potentiel financier agrégé, n'est pas un indicateur très pertinent et qu'il mériterait d'être amélioré. Le chantier est difficile et nous proposons de nous laisser l'année 2020 pour instruire ce dossier. Si nous y parvenons, nous pourrons l'inscrire dans la loi avec le PLF 2021. Si nous échouons, nous préparons une disposition visant à neutraliser l'effet de la réforme de la taxe d'habitation sur le calcul du Potentiel fiscal agrégé (PFIA), de manière à ne pas connaître la même situation qu'en 2018, première année de stabilité globale des dotations et première année de prise en compte des PFIA recalculés après les nouveaux périmètres intercommunaux entrés en vigueur en 2017, avec un « jeu de yoyo » terrible pour des communes qui s'attendaient à une stabilité des dotations.

La troisième question portait sur les exonérations de taxe foncière sur les logements sociaux et intermédiaires. Philippe Dallier en a parlé, ainsi que Françoise Gatel et Bernard Delcros. Le total des exonérations atteint un milliard d'euros : en considérant uniquement la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements sociaux, le montant s'élève à 400 millions d'euros. Le rapport évoqué permettra de préciser ces points, exonération par exonération.

Dans le cadre du nouveau pouvoir de taux des communes sur la totalité de la taxe foncière - part communale comme part départementale -, nos services travaillent à la reconstitution des valeurs locatives de référence en tenant compte des différences d'abattements ou d'exonérations entre les départements et les communes. Nous pouvons également intégrer les délais pendant lesquels courent les abattements pour qu'à l'issue du délai de dix ans ou de vingt ans, la valeur locative de référence soit remise au niveau adéquat de manière automatique.

Deux points de la réforme suscitent des débats. Le premier concerne la question du pouvoir de taux pour les départements et les intercommunalités : à titre personnel, je préfère une recette dynamique dont je ne maîtrise pas le taux, plutôt qu'une recette stable dont je peux maîtriser le taux. J'entends que ce point de vue n'est pas toujours partagé. Le second point vise à motiver la construction de logements sociaux ou intermédiaires qui font l'objet d'une exonération de taxe foncière et pour lesquels les communes comptaient au moins sur une recette de taxe d'habitation. Cette recette doit être relativisée puisque le maximum de locataires exonérés de taxe d'habitation se concentre dans ces logements. Le rapport montre également que le système de compensation pour les exonérations de taxe d'habitation préexistantes est extrêmement défavorable aux communes. Nous devons travailler sur ce point puisqu'il convient que les maires bâtisseurs puissent être mieux accompagnés. Je ne dispose pas de la solution à ce stade.

Sur la révision des valeurs locatives, évoquée notamment par Pascal Savoldelli, nous n'avons pu oeuvrer sur ce point avant la suppression de la taxe d'habitation afin de tenir l'engagement du Président de la République de supprimer cette taxe. La révision des valeurs locatives doit toutefois bien intervenir, mais elle surviendra plus tard. Nous estimons qu'il faut entre trois et cinq ans pour mener à bien cette réforme puisqu'il a fallu trois ans pour réformer la valeur locative des locaux professionnels qui représentait 3,5 millions de valeurs locatives, contre 48 millions de valeurs locativespour les locaux d'habitation pour 33 millions de propriétaires fonciers. Les simulations réalisées sur quatre départements montrent que nous avons besoin de ce temps. Nous considérons que nos services doivent réussir la réforme du financement des collectivités et de la suppression de la taxe d'habitation et qu'il est difficile de leur demander de mener ces deux réformes de front. Nous ne voulons pas en outre laisser naître une confusion sur ce qui est présenté par certains, notamment par Mme Le Pen, comme une révision des valeurs locatives qui financerait la suppression de la taxe d'habitation. Cela est stupide, comptablement et mathématiquement, tant les ordres de grandeurs divergent. Nous préférons donc reporter la mise en oeuvre de la révision des valeurs locatives.

M. de Legge a évoqué la question des résidences secondaires qui deviennent résidences principales. Le cas de figure actuel est conservé, sur la base du déclaratif, avec un contrôle des services des finances publiques et des commissions communales d'impôts directs qui peuvent porter un regard sur l'évolution du type d'occupation d'un bien. Quand une personne déclarera qu'une résidence secondaire devient résidence principale, en le démontrant, elle bénéficiera de l'exonération. À l'inverse, une résidence principale qui deviendra secondaire sera assujettie au paiement de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Les logements vacants restent à la main des communes et des intercommunalités, notamment pour la mise en place des majorations.

J'ouvre une parenthèse au sujet de la taxe d'habitation, dont le nouveau modèle de financement débutera en 2021 : à cette date, 20 % des ménages paieront encore deux tiers de leur taxe d'habitation actuelle, puis un tiers en 2022. La recette résiduelle de la taxe d'habilitation sera perçue par l'État et versée au système général de compensation pour les communes. À partir de 2021, le financement intervient dans le nouveau système.

Marie-Françoise Perol-Dumont évoquait l'autonomie fiscale et financière des collectivités, et notamment des départements. Le Conseil constitutionnel a reconnu l'autonomie financière des collectivités, mais jamais l'autonomie fiscale. Ce point peut constituer un débat de révision constitutionnelle, ce que je laisse à votre sagacité.

Sur la compensation des départements par la TVA, je reconnais que le débat sur le taux peut exister. En termes macro-économiques, sur les dix dernières années, la dynamique de TVA est supérieure en moyenne à la dynamique de la taxe foncière, à 2,89 % contre 2,41 %. Ceci ne vaut pas dans tous les départements. Les différences de dynamique entre les départements s'expliquent toutefois plus par l'évolution des taux que par l'évolution des valeurs locatives. Dans 35 départements, la dynamique de taxe foncière est supérieure à la TVA, et dans 65 départements, la situation est inverse.

Un point a été évoqué à plusieurs reprises sur la volatilité supposée de la recette de TVA. Durant les vingt dernières années, la TVA a augmenté chaque année, à l'exception de 2008, année de crise systémique. La crise de 2008 a été suivie de réponses massives, en termes d'endettement pour la relance, de plans de relance et de politiques monétaires, ce qui démontre qu'en cas de crise systémique, les règles de droit commun ne tiennent plus. Même dans les années de croissance extrêmement faible, la TVA a augmenté, avec une moyenne de hausse de 3 % par an sur une période relativement longue. Cette crainte de la volatilité de la TVA et de retournement de cycle me paraît donc relativement infondée. Nous avons ajouté un système de protection qui satisfait partiellement Bernard Delcros : quoi qu'il arrive, hors crise systémique, la recette de TVA versée aux départements ne pourra être inférieure à la recette versée en 2021. Cette protection me semble assez inutile, mais peut être rassurante.

Concernant les bases, le texte initial comprenait la revalorisation de l'ensemble des valeurs locatives : taxe sur les résidences secondaires, taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe foncière sur les propriétés non bâties, mais pas la taxe d'habitation des résidences principales. Nous avons retenu 0,9, mais ce taux n'a pas surgi de nulle part : il correspond à l'Indice de prix constaté (IPC) sur la période novembre 2017-novembre 2018. Pour la revalorisation, nous pouvions choisir entre l'IPC et l'IPCH, l'indice de prix constaté harmonisé. Nous avons retenu l'IPC. L'IPCH aurait été à 1,2 ou 1,3, ce qui aurait représenté entre 15 et 20 millions d'euros par dixième : l'écart s'élève donc à 40 ou 50 millions d'euros d'écart selon le choix d'indice.

Sur la question des taux, nous avons inscrit dans la loi de finances le taux de 2017 comme taux de compensation, considérant qu'il correspondait à l'engagement pris dans la loi de programmation pluriannuelle de fin 2017. Si les communes ont augmenté ces taux, elles perdront effectivement leur assiette supplémentaire. À l'inverse, quelques communes ont baissé leur taux. Six communes sur dix ont augmenté leur taux et quatre sur dix l'ont diminué pour le tiers des communes qui ont actionné leur pouvoir de taux. Quelques milliers de communes sont donc concernées.

Sur la dotation de péréquation des communes nouvelles et l'accompagnement des communes nouvelles, je regarderai plus précisément. De mémoire, la pérennisation vise à appliquer le dispositif de manière durable pour les communes nouvelles, tout en maintenant le bonus sur une période de trois ans, puisque le dispositif vise à majorer ou à stabiliser les dotations pendant trois ans, avec une sortie du système d'avantages au bout de trois ans. Nous vérifierons le point. L'objectif est de permettre aux communes nouvelles de bénéficier de ce dispositif pendant trois ans, sans se poser la question de leur date de création. De la même manière, je devrai vérifier le point relatif à Natura 2000.

M. Charles Guené. - Deux parts sont réservées aux parcs.

M. Olivier Dussopt. - S'agissant de l'apprentissage, le Gouvernement n'envisage pas de créer une taxe payée par les collectivités. Le débat est initié par les élus eux-mêmes. Le consensus n'est pas pour demain parmi les élus.

Nous ne reprendrons pas la proposition portée par le Sénat sur le financement du coût de formation par l'État. L'État ne demande pas aux collectivités de financer les frais de formation de ses propres apprentis et ne financera donc pas les collectivités sur ce point. Chacun fait son effort.

M. Alain Richard. - Est-il prévu que le Gouvernement présente la clôture de la contractualisation de 2018 ? Nous espérions que les premiers ajustements interviennent après un an de contractualisation. Je comprends que le Gouvernement n'a pas l'intention de rouvrir ce débat cette année, mais il conviendrait au moins de disposer d'une évaluation complète.

M. Olivier Dussopt. - Nous avons choisi d'attendre la loi de programmation des finances publiques prévue pour le printemps. Pour l'évaluation de l'exercice 2018, je peux vous communiquer quelques éléments. Si nous n'avons pas prévu un temps au Parlement, je répondrai volontiers à toute demande d'audition sur le sujet et je répondrai à toute question dans l'hémicycle au moment du débat parlementaire. Parmi les 322 collectivités concernées par le champ du contrat, environ 230 ont signé. Seules 14 ont fait l'objet d'un dépassement nécessitant l'ouverture d'une procédure contradictoire. Pour l'essentiel d'entre elles, des retraitements sont intervenus et une reprise a été possible. Les deux tiers des 14 communes concernées étaient des communes non signataires, un tiers des communes signataires. Ce point n'a pas eu d'effet sur le regard porté sur l'exécution budgétaire de ces collectivités, mais sur le calcul de la reprise, puisque les conditions de reprise sont légèrement plus avantageuses pour les signataires, à savoir 75 % du montant du dépassement, que pour les non signataires. Je n'ai pas plus d'éléments à cette heure mais en aurai lors des débats et répondrai alors naturellement à vos questions sur ce point.

J'ai omis de répondre à la question sur les simulations. Nous avons adressé un accès aux simulations aux présidents de la commission des Finances de chaque assemblée et aux présidents des délégations aux collectivités territoriales.

J'ai constaté à l'Assemblée nationale que ce qui avait été transmis à la présidence n'avait pas été transmis aux membres de la commission des Finances, ce qui a été rectifié depuis. Nous avons transmis hier ces informations aux présidents des groupes politiques du Sénat. Ces simulations sont également à la disposition des élus locaux qui souhaiteraient y avoir accès.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir privilégié cette forme de dialogue interactif.