Jeudi 14 novembre 2019

- Présidence de M. Jean-Marie Bockel, président -

Audition de M. Éric Morvan, directeur général de la police nationale, dans le cadre du cycle d'auditions sur l'ancrage territorial de la sécurité intérieure

M. Jean-Marie Bockel, président. - Au nom de la délégation, je vous remercie, Monsieur le Directeur général, d'avoir accepté notre invitation. Nous sommes très heureux de votre présence, qui témoigne de la considération que vous portez au Parlement et à notre délégation en particulier.

Si l'ancrage territorial de la sécurité nationale ne figure pas au premier rang des sujets que nous traitons habituellement, nous sommes quelques-uns - et j'en fais partie - à pouvoir témoigner de l'évolution considérable sur le terrain, au cours des vingt ou trente dernières années. Je pense en particulier aux relations entre l'autorité locale et les représentants de l'État, et au premier chef les forces de la police nationale et de la gendarmerie nationale, sur les enjeux de la sécurité.

Lorsque j'étais maire de Mulhouse, j'étais à la tête d'une ville très vite confrontée à des problématiques de sécurité. Il était auparavant commun de dire que la sécurité constituait une affaire de l'État et non de la commune. Je fais partie de ceux qui pensent que la co-construction des dispositifs de sécurité est essentielle. À Mulhouse, nous avions bâti des partenariats, et nous nous étions engagés davantage en matière de prévention. Les mesures ont été mises en oeuvre dès le départ avec l'aval du préfet et du sous-préfet, et des partenariats nouveaux et complexes à établir, je pense à ceux avec la Justice et l'éducation nationale, se sont révélés efficaces.

Passée l'époque des grand-messes sur la sécurité, nous sommes désormais dans une démarche plus concrète et précise, en actant du secret partagé. En effet, dans le strict respect de la séparation des pouvoirs et des compétences de chacun, nous savons que le secret ne sera pas trahi. Cela témoigne d'un véritable climat de confiance.

Des événements nouveaux, comme l'agression d'un maire cet été, ont montré que ces problématiques de sécurité étaient encore fréquentes. En outre, le rôle des territoires sur les questions de la prévention et du traitement de la radicalisation islamiste fait également débat. Il apparaît nécessaire de voir comment nous pourrions évaluer et, au besoin, revisiter ces partenariats de sécurité dans un monde qui a considérablement évolué.

J'en termine en vous informant que nous allons également auditionner le nouveau secrétaire général du comité interministériel à la prévention de la délinquance et de la radicalisation, Frédéric Rose, qui a été récemment nommé.

Je vous cède la parole, Monsieur Morvan.

M. Éric Morvan, directeur général de la police nationale. - Je vous remercie pour votre accueil, Monsieur le président, et vais tâcher de répondre à vos interrogations.

Je retiens que les questions de sécurité ne sont pas, au sein de la délégation, le coeur de vos préoccupations, même si je note la présence de véritables spécialistes de la sécurité autour de la table, comme le sénateur Grosdidier.

Je suis accompagné de Jean-Marie Salanova, directeur central de la sécurité publique, et donc patron de la direction opérationnelle la plus importante, en nombre, de policiers. Sur les 150 000 personnels de police nationale, la sécurité publique en représente en effet plus de 60 000. Il s'agit, en quelque sorte, de la « vitrine » de la police au quotidien pour la majorité de nos compatriotes.

Je suis également accompagné de deux conseillers de mon cabinet. Ludovic Jacquinet est contrôleur général, en charge des questions de programmation et de prévention. Il est actuellement très engagé sur la réflexion autour du livre blanc sur la sécurité intérieure. En outre, Laurent Monbrun, actuellement détaché comme administrateur au sein de mon cabinet, est mon conseiller juridique.

L'ancrage territorial de la police nationale pose un certain nombre de questions, comme l'organisation et le rapport avec les autres forces de sécurité intérieure : les forces régaliennes (préfecture de police à Paris, gendarmerie nationale sur le reste du territoire), mais aussi d'autres acteurs essentiels dont le rôle s'affirme de plus en plus, comme les polices municipales. Nous nous inscrivons désormais dans ce que nous nommons le continuum de la sécurité (ou chaîne continue et solidaire) dans un partenariat très fort avec les élus. Vous avez également eu raison de citer l'éducation nationale et de rappeler que les rapports entre l'éducation nationale et la police nationale n'allaient pas de soi il y a une vingtaine d'années.

L'ancrage territorial est également un changement de pied revendiqué par la police nationale en ce qui concerne la sécurité du quotidien. La diminution des effectifs que nous avons connus a fait que la police nationale s'est transformée en une sorte de « police de l'urgence », intervenant en grande partie sur les points chauds. Dans le même temps, nous avons vu se dégrader le lien entre la police et la population, étant donné que nous intervenions majoritairement sur des situations conflictuelles et complexes, peu propices à un échange serein et apaisé.

L'ancrage territorial de la sécurité nationale, et donc de la police nationale, pose aussi la question de la répartition des rôles entre les différents acteurs. Des règles claires doivent être posées afin de tirer le meilleur de chacun d'entre eux et de gagner en efficacité. Ce serait à mon avis une erreur de vouloir absolument se ressembler et conduire les mêmes actions ; au contraire, nous avons un intérêt collectif à tirer le meilleur de chacune des forces sur les territoires qu'elles connaissent bien.

Il est également nécessaire que les rapports se réarticulent entre la préfecture de police et la police nationale, avec là aussi des principes très clairs. La Direction générale de la police nationale est une direction d'administration centrale, la préfecture de police est une administration territoriale. Nous n'exerçons pas le même métier et il ne peut y avoir de rivalité. Sur tout ce qui concerne les contentieux, la criminalité ou la délinquance très territorialisée, par exemple, il ne peut y avoir le moindre sujet de frottement possible entre la DGPN et la préfecture de police. En revanche, il est nécessaire de clarifier et d'améliorer l'efficacité de notre organisation collective pour éviter tout phénomène d'isolat de la police nationale sur des missions de police très spécialisées, telles que la police aux frontières et la criminalité organisée. Le continuum de sécurité dont je vous parlais au début de mon intervention doit être assuré. La Direction centrale de la police judiciaire doit par exemple avoir une vision exhaustive sur l'état de la menace en France, et non une vision partielle. Dans la même veine, les problèmes d'immigration illégale à Paris ne commencent pas à la barrière de Saint-Arnoult. En conclusion, l'ancrage territorial des forces doit être revu pour une meilleure efficacité collective.

Le livre blanc sur la sécurité intérieure constitue pour moi un levier de réflexion important, qui, je l'espère, permettra de dépasser quelques réflexes que l'on observe encore. Le monde change, et dans notre domaine, par exemple, la territorialisation de la délinquance et de la criminalité ont volé en éclats.

Nous faisons également face au défi de cette délinquance de proximité, et nous devons réinvestir les quartiers, la proximité, afin de regagner la confiance avec la population. C'est tout l'enjeu de la police de sécurité du quotidien. Jean-Marie Salanova vous parlera des mesures opérationnelles qu'il met en place dans ce domaine. Nous devons nous inscrire dans un partenariat opérationnel, voire contractualisé entre les différents acteurs : les collectivités locales avec la commune, au premier rang, les transporteurs et les bailleurs. Définissons des objectifs avec des modes opératoires clairs, des calendriers précis, des réunions récurrentes très opérationnelles en petit comité, sans oublier une procédure d'évaluation de l'efficacité des actions menées. Le succès de ce partenariat opérationnel est essentiel et nous ne pouvons nous contenter du seul partenariat institutionnel. À l'autre bout du spectre, notons également que le succès de l'ancrage territorial passe par des révisions de process et de méthodes de travail.

S'agissant de l'exigence d'une évaluation partagée, la police nationale évalue depuis très longtemps son action au moyen de données encore largement quantitatives (état de la délinquance, atteintes aux biens, aux personnes, délinquance économique et financière, etc.). Nous sommes équipés sur ces sujets, d'autant qu'un service statistique ministériel a été créé en 2014. La qualité et la fiabilité des chiffres produits par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) ne font pas débat. Par ailleurs, on ne trouve plus dans la presse de polémiques sur les chiffres de la délinquance produits par les policiers, inévitablement sujets à caution. Cela ne signifie évidemment pas que les chiffres du SSMSI rendent compte de l'intégralité de la délinquance, et nous savons que de nombreux faits échappent à notre loupe car ils ne donnent pas lieu à plainte ni procédure. Un autre outil nous permet d'éclairer ce pan qui échappe structurellement à nos radars statistiques : l'enquête annuelle de victimation conduite par l'INSEE, avec une maîtrise d'ouvrage partagée entre le ministère et l'observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale, qui nous éclaire par des sondages et des entretiens sur ce « chiffre noir » de la délinquance et ce sentiment d'insécurité difficile à quantifier.

Pour clore mon propos introductif, sachez que nous sommes en train d'affiner cette évaluation en doublant l'approche quantitative des phénomènes d'insécurité d'une démarche qualitative. Celle-ci prend la forme d'enquêtes auprès de la population sur leur appréciation des services publics ; nous sommes heureux de faire partie, avec la santé notamment, des services auxquels la population accorde une grande confiance. Nous relevons des taux de satisfaction d'environ 75 %. Si ce chiffre peut paraître élevé, nous gardons à l'esprit que 25 % des sondés disent ne pas avoir confiance dans les services de police.

De plus, nous avons mis en place une démarche avec l'Université de Savoie afin d'obtenir une analyse beaucoup plus fine sur les quartiers. Je suis persuadé que lorsque nous effectuerons l'analyse de la satisfaction à une maille territoriale plus fine, nous obtiendrons des résultats plus mesurés.

En conclusion, ce souci de l'évaluation est pour nous une véritable boussole.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Merci beaucoup pour cet exposé, Monsieur Morvan. Je propose de donner la parole aux sénateurs.

M. Rémy Pointereau. - Merci pour cette intervention, Monsieur Morvan.

Je suis sénateur dans un département rural, plutôt situé en zone gendarmerie. Seules deux villes sont en zone police : Bourges et Vierzon. Ma première question est la suivante : Avez-vous des projets de zones de police se concentrant davantage sur les métropoles, et allez-vous laisser les départements ruraux en zone gendarmerie ?

Par ailleurs, vous avez parlé de la dégradation des liens entre la police et les citoyens. Nous avons les mêmes sujets avec la gendarmerie. La situation s'améliore, la gendarmerie ayant produit de grands efforts pour se rapprocher des populations. De plus, des conventions sont signées avec la participation citoyenne, prenant la forme de référents, positionnés sur plusieurs points de la commune, chargés de donner un certain nombre de signalements. Dans le même ordre d'idées, citons les opérations « voisins vigilants », ou encore « tranquillité vacances ». Avez-vous connaissance d'opérations similaires au niveau de la police ?

De plus, un certain nombre d'élus avaient réclamé des partenariats entre la police et la collectivité nationale, lors du forum français pour la sécurité urbaine. Avez-vous des exemples de partenariats de cette nature qui se seraient révélés fructueux ?

En outre, le logement me semble être un sujet d'importance : nombre de gendarmes et de policiers sont mal logés, et si l'on veut qu'ils soient performants et s'épanouissent dans leurs fonctions, il est essentiel de bien les loger.

Enfin, rappelons que nous avions auparavant les renseignements généraux, qui dépendaient de la police nationale - cette structure a disparu suite à la réforme de 2008. Or, il me semblait pourtant intéressant d'avoir des acteurs qui créaient du lien sur le terrain et permettaient parfois de dénouer des situations complexes.

M. François Grosdidier. - Merci, Monsieur le directeur général, pour votre exposé. Tous les élus notent avec satisfaction le progrès, au moins doctrinal, de la police de sécurité du quotidien, qui reconnaît pleinement le partenariat entre les forces de sécurité intérieure de l'État, la police municipale et la sécurité privée.

Vous avez insisté sur les partenariats avec les collectivités et sur les échanges avec les autorités locales et la population. Les échanges supposent en premier lieu d'avoir du temps pour cela. Lorsqu'on observe que le compteur d'heures supplémentaires dans la police atteint aujourd'hui 25 millions d'heures, avez-vous véritablement du temps pour ces échanges ?

Rappelons également que seuls 1 500 postes supplémentaires de gendarmes ont été prévus dans le budget 2020 (soit une augmentation de 0,6 %), tandis que les effectifs de police supplémentaires affectés à la sécurité publique sont prioritairement destinés aux zones de sécurité prioritaire (ZSP). Hors ZSP, reste-t-il de nouveaux effectifs à déployer ? Auront-ils le temps nécessaire pour concrétiser les bonnes intentions ?

Nous connaissons tous les grand-messes des Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), qui sont très moyennement productives et où nombreux sont ceux qui ont l'impression d'y perdre leur temps. Le partenariat au quotidien doit être encouragé. Les groupes locaux de traitement de la délinquance fonctionnent très bien, avec un échange d'informations dans une confidentialité respectée par tous. Ils sont néanmoins souvent restreints par la nécessaire présence du procureur ou d'un substitut du procureur, dont les emplois du temps sont extrêmement chargés, si bien que seules une ou deux réunions peuvent se tenir chaque année dans une commune. Est-il nécessaire à vos yeux de formaliser davantage ces échanges ?

S'agissant de l'interopérabilité des centres de supervision urbaine, existe-t-il, du côté du ministère de l'Intérieur, une politique de financement susceptible de favoriser à la fois les CSU et leur interopérabilité avec l'hôtel de police ? Sur l'interopérabilité, j'insiste surtout sur les communications. Nous avons incité les polices municipales à adopter des modes de communication interopérables avec la police nationale, mais si cela ne fonctionne que sur les fréquences d'urgence, ce n'est pas très utile. Pouvons-nous aller plus loin afin que le dialogue en temps réel soit permanent entre les polices municipales et la police nationale ?

Je souhaiterais également savoir dans quelle mesure la police nationale est associée aux formations des policiers municipaux, délivrées notamment par le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), non seulement sur les fondamentaux, mais aussi sur les évolutions à la fois techniques et procédurales. La faible habilitation judiciaire des policiers municipaux constitue aujourd'hui une grande difficulté. Si les policiers municipaux étaient parfaitement formés, cela ferait gagner beaucoup de temps en aval à la police nationale.

Enfin, nous connaissons tous l'extrême difficulté du logement des policiers en région parisienne. Avez-vous connaissance de telles difficultés dans d'autres régions, et trouvez-vous avec les collectivités et les grands bailleurs sociaux des réponses satisfaisantes à cette question du logement des policiers ?

Mme Josiane Costes. - Merci, Monsieur Morvan, pour votre exposé éclairant.

Je suis heureuse d'entendre que la collaboration avec l'éducation nationale s'est améliorée. Je suis sénatrice d'un département très rural, longtemps protégé et désormais pleinement concerné par les problématiques de sécurité. En effet, des bandes organisées en provenance de grandes villes, Paris et Toulouse en particulier, investissent nos territoires et organisent des trafics criminels. Nous avons l'impression que les effectifs de police n'ont pas été adaptés à l'augmentation de ces trafics, en particulier lorsqu'il y a des événements de nuit. Est-il envisageable d'augmenter les effectifs dans des villes moyennes comme Aurillac ?

Mme Françoise Gatel. - Merci pour votre action, Monsieur Morvan. Nous savons l'étroite relation entre les forces de sécurité et les maires.

Je suis sénatrice d'Ille-et-Vilaine, un département à la fois sous la responsabilité de la gendarmerie, mais également de la police dans quelques grandes villes. J'ai beaucoup apprécié vos propos en matière de continuum de sécurité. La facilité des déplacements a permis à la délinquance de mieux s'organiser et nous observons depuis quelque temps des raids sauvages, aidés par la qualité de nos infrastructures ferroviaires et autoroutières. Cela vient modifier le quotidien dans les territoires ruraux, et fait émerger la crainte d'une violence qui n'existait pas auparavant.

À mon sens, la tâche de la police nationale est très difficile lorsqu'il existe un débat entre l'État et l'autorité de la ville sur les questions sécuritaires. J'appelle de mes voeux l'instauration d'un meilleur dialogue entre les villes et l'État sur ces questions.

Enfin, la question du lien police-justice mérite d'être posée. Si nos concitoyens voient l'intensité du travail de police et de gendarmerie, ils ont parfois l'impression d'un manque de synergie entre l'autorité policière et l'autorité judiciaire.

M. Jean-Pierre Vial. - Vous avez évoqué un partenariat entre la police nationale et l'université de Savoie. Étant élu de ce territoire et travaillant avec les élus sur les questions de sécurité de certains quartiers sensibles, pourriez-vous m'indiquer quels sont ces travaux ?

M. Antoine Lefèvre. - Je m'associe à mes collègues pour vous remercier pour cet exposé très clair.

J'ai quelques questions à vous poser. Pourriez-vous nous donner des indications quant à la présentation du calendrier du livre blanc de sécurité intérieure ? Quelles sont vos attentes à ce sujet et quels sont les objectifs ? En outre, quelle forme de concertation imaginez-vous ? J'imagine que vous allez solliciter des associations d'élus.

Par ailleurs, nous sommes nombreux à avoir évoqué la question des moyens. Si nous voulons que nos forces de l'ordre soient en capacité de mener à bien leurs missions dans le contexte compliqué que l'on connaît, cela suppose davantage de moyens.

Je voudrais enfin mentionner un grave problème qui touche nos forces de sécurité : le suicide dans la police et la gendarmerie. Comment, sur les territoires, parvenez-vous à détecter les signaux d'alerte ? Avez-vous mis en place des partenariats particuliers pour traiter ces situations dramatiques ?

M. Charles Guené. - Un sujet n'a pas été évoqué : la problématique du terrorisme. En quoi cela a-t-il modifié votre manière de travailler ? Est-ce que les vagues d'attentat que notre pays a connues ont eu des conséquences sur les relations entre la police et les autres institutions chargées du maintien de l'ordre ?

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je rappelle que le Sénat met en place une commission d'enquête sur la problématique de la radicalisation islamiste. Notre délégation sera sollicitée à ce sujet.

Par ailleurs, je rebondis sur un propos de Rémy Pointereau concernant le Forum français pour la sécurité urbaine. C'est une instance qui traite des problématiques franco-françaises, mais qui sait s'inspirer des exemples européens. Je m'étais, en tant que maire de Mulhouse, beaucoup investi dans ce forum durant les années 90. Il nous permettait notamment de nous inspirer de bonnes pratiques européennes. Je me souviens par exemple avoir créé en 1996, avant que M. Jean-Pierre Chevènement lance les contrats locaux de sécurité, une coalition locale pour la sécurité urbaine inspirée, y compris au niveau de la terminologie, de la réflexion du forum européen. Certains pays avaient en effet déjà mis en avant cette démarche.

Nous avons besoin de réfléchir en amont et d'échanger avec d'autres collègues confrontés à des situations comparables. À l'époque, en lien avec l'État, nous avons contribué à inventer les dispositifs actuels.

Nous sommes évidemment plus crédibles pour évoquer avec l'État la question des moyens lorsqu'on agit sur le terrain et qu'on n'est pas systématiquement dans le constat et la complainte.

Sur la question des moyens, je crois savoir qu'il est nécessaire de créer sept postes pour avoir un personnel de police ou de gendarmerie sur le terrain.

M. Éric Morvan, directeur général de la police nationale. - En effet, c'est à peu près cela.

M. Jean-Marie Bockel, président. - J'aurais également souhaité connaître votre sentiment sur les effets constatés de la police de sécurité au quotidien. Rappelons-nous des polémiques au début des années 2000 sur la suppression de la police de proximité ; nous avons peut-être trop fait peser sur cette police de proximité et nous l'avons peut-être injustement accusée par la suite.

M. Éric Morvan, directeur général de la police nationale. - Merci pour ces questions, auxquelles je vais essayer de répondre.

En premier lieu, la forme très contemporaine du terrorisme a profondément changé la donne. Rappelons que la réforme de 2008 a fait exploser les renseignements généraux et la direction de la surveillance du territoire. Cette dernière a été transformée en Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), tandis que les missions dévolues aux renseignements généraux ont été réparties :

- une partie - le haut du spectre - sur les menaces, y compris identitaires, régionalistes et islamistes, a été transférée à la DCRI ;

- le reste - la portion congrue - (hooliganisme, violences urbaines et autres conflits sociaux) a été confié à la Sous-direction de l'information générale (SDIG), nouvelle appellation donnée aux renseignements généraux. Cet organisme disposait de peu de moyens, et n'avait accès ni aux fichiers de police ni aux techniques spéciales de renseignement.

En avril 2014, la DCRI est devenue la DGSI - Direction générale de la sécurité intérieure - qui a consacré la scission de la Direction générale de la police nationale, la DGPN. La période 2012-2016, marquée par plusieurs attentats de grande ampleur, a révélé que la DGSI ne disposait pas des capteurs nécessaires ni de la surface en effectif pour appréhender l'ensemble de la menace sur la totalité du territoire.

On s'est ainsi aperçu que certaines informations nous échappaient. Décision a donc été prise de réformer cette SDIG, d'en augmenter massivement les effectifs, de lui confier un spectre de missions élargi et de la doter d'une organisation plus performante et efficace. En outre, l'accès aux fichiers qui lui sont nécessaires pour une action pertinente et aux techniques de renseignements lui a été garanti. Cette SDIG est devenue le Service central du renseignement territorial (SCRT), un véritable service du renseignement, administrativement rattaché au directeur central de la sécurité publique.

En conclusion, nous avons réarmé depuis 2014 une structure en termes de renseignement territorial qui n'a plus rien à voir avec celle qui a existé entre 2008 et 2014, période durant laquelle nous étions en difficulté du fait de la disparation des RG. L'organisation des différents services a donc profondément évolué ces dernières années.

De plus, les grands attentats ont montré que si nous avions de nombreux services de renseignements civils et militaires en France effectuant chacun un travail remarquable, les informations n'étaient pas partagées. La DGSI s'est ainsi installée dans un rôle de chef de file de la lutte antiterroriste au niveau national, et c'est vers elle que convergent aujourd'hui toutes les informations. Ce chef de filat est désormais totalement formalisé.

Le terrorisme a également eu un impact sur l'activité des services de voie publique. Cela a été une véritable déflagration sur de nombreux sujets. Après les grands attentats, les CRS ont par exemple été quasi exclusivement affectés à des missions de sécurisation. Pendant des semaines et même des mois, ils ont été chargés de garder les lieux de culte et les grands organes de presse et de télévision. L'impact du terrorisme sur nos services a également été profond lorsque les attentats ont concerné les policiers eux-mêmes, qu'ils soient municipaux ou nationaux. Rappelons les meurtres de Clarissa Jean-Philippe à Montrouge, ou encore du couple de policiers à Magnanville.

Ces événements nous ont contraints à revoir un certain nombre de doctrines internes, notamment les questions de la protection et de l'armement des personnels. À ce sujet, les maires ont eu la possibilité d'armer leur police municipale avec un quota de 4 000 armes. En conclusion, les grands actes terroristes n'ont pas été sans effets, à la fois sur nos postures et sur nos champs opérationnels.

Il en va de même lors du mouvement des « gilets jaunes » : lorsque nous sommes affectés à la sécurisation de ces manifestations, nous ne sommes pas dans les quartiers. Permettez-moi de préciser que je ne fais là aucun parallèle entre ce mouvement et les attentats dont nous parlions précédemment.

En réponse au sénateur Grosdidier, nous n'avons en effet pas toujours le temps pour les échanges que vous mentionnez. C'est une question d'effectifs, mais également d'organisation interne.

Lorsqu'a été repris le chemin de la création d'effectifs dans la police nationale, c'est d'abord aux services de renseignement (DGSI, SCRT, direction centrale de la police aux frontières - PAF) qu'ont été destinés ces personnels supplémentaires. C'était parfaitement légitime au vu du contexte, mais la Direction centrale de la sécurité publique, la police du quotidien, a vécu un véritable trou d'air et a éprouvé de grosses difficultés.

Les difficultés qui se sont installées dans la police à ce moment concernaient surtout la police du quotidien. Cette police exprime encore aujourd'hui un certain malaise en raison d'une activité extrêmement soutenue, avec une explosion du nombre d'heures supplémentaires, notamment au niveau de la direction centrale de la sécurité publique. Un certain nombre de services ont été, et sont encore parfois, sursollicités.

Toutefois, vous ne m'entendrez jamais dire que seule la police a besoin de fonds supplémentaires. À mes yeux, la justice, l'hôpital, l'éducation nationale, pour ne citer que ces trois domaines, sont tout autant légitimes pour réclamer des budgets supplémentaires. Je ne suis donc pas dans une logique du « toujours plus », et je reste persuadé que nous avons des efforts à mener en termes d'utilisation efficace des ressources que vous mettez à notre disposition. Le directeur central de la sécurité publique a conçu et développé, alors qu'il était directeur départemental des Yvelines, le concept de police d'agglomération en regroupant des circonscriptions, en les réorganisant en interne et en mutualisant des fonctions transversales. Cela a permis de dégager des marges de manoeuvre qui étaient dispersées. Nous cherchons à étendre ce dispositif, également mis en oeuvre dans le Val-d'Oise, aux départements de l'Essonne et de la Seine-et-Marne notamment. Des organisations plus vertueuses permettent ainsi de remettre du personnel sur le terrain.

Par ailleurs, se pose également le sujet des rythmes horaires dans la police nationale. Certains rythmes sont plus consommateurs que d'autres, et nous devons mettre en place des cycles nous permettant de fonctionner efficacement dans le respect du droit du travail et de la réglementation européenne. Des décisions passées ont autorisé des cycles horaires très consommateurs de personnel, j'ai pris la décision d'en stopper la généralisation au profit d'autres cycles plus vertueux que nous expérimentons.

Vous nous avez aussi parlé des redéploiements police-gendarmerie, en nous demandant si nous avions des projets en la matière. C'est l'un des sujets qui sera traité dans le livre blanc. Un certain nombre de théories consistent à dire que des départements à dominante rurale devraient basculer entièrement sous le ressort de la gendarmerie nationale ; citons par exemple les départements de l'Ariège, du Cantal, de la Creuse, ou encore de la Lozère. Je n'y suis pas favorable, et ce projet n'est actuellement pas envisageable étant donné qu'un texte du Code de la sécurité intérieure (CSI) indique que le chef du département doit être en zone police d'État. De plus, je suis assez attaché à la présence de la police nationale dans chacun des départements français. Au-delà du symbole, il est intéressant pour la police nationale d'avoir une sorte de « siège social » dans chaque département. Nous avons en effet des services de police qui ont une compétence nationale (DGSI et CRS, par exemple) et qui peuvent avoir à tout moment à se projeter dans un département en particulier. Rappelons notamment que l'une des grandes cellules djihadistes était située à Artigat dans l'Ariège.

Il existe donc un intérêt, à mon sens, à disposer de représentations départementales de la police nationale, qui agiraient comme « pistes d'atterrissage » d'autres services et d'autres directions.

Sur la question des Officiers de ministère public (OMP), rappelons que les commissaires de police ont une fonction judiciaire et que les directives européennes interdisent que la justice puisse, en temps de paix, être rendue par une autorité militaire. Vous l'avez dit, Madame la sénatrice, nous faisons face à une délinquance de plus en plus mobile et nous savons donc que des lieux autrefois considérés comme tranquilles sont devenus des lieux de replis pour les délinquants, voire des marchés non encore explorés.

En conclusion, sur les effectifs, nous avons un vrai sujet de ressource, mais aussi en interne d'utilisation plus efficace de nos moyens. Certains des problèmes que nous rencontrons sont également liés au fait que la police nationale continue de prendre en charge des missions qui ne sont pas les siennes : par exemple, des forces de police ou de gendarmerie effectuent encore beaucoup de transfèrements entre les maisons d'arrêt et les palais de justice, ou encore assurent la surveillance de chambres de détenus hospitalisés. Cette question des tâches indues ou périphériques mérite donc d'être posée.

S'agissant des rapports entre la police et la justice, la filière investigation est un réel sujet de crise au sein de la police nationale. De plus en plus de policiers se détournent de cette filière, autrefois très recherchée. Elle est désormais considérée comme très complexe, notamment en raison du grand formalisme qui la caractérise. Les policiers qui y sont affectés peuvent engager leur responsabilité, et sont soumis à un formalisme procédural très lourd, qu'ils s'occupent de banditisme d'envergure internationale ou de délinquance de proximité. La procédure pénale n'a pas fait sa révolution, d'autant que les éléments relatifs au droit européen, très inspiré de la procédure anglo-saxonne, s'y ajoutent sans cohérence de pensée. Ces difficultés concernent le domaine de la sécurité publique et, de manière plus marquée encore, la préfecture de police ; le préfet de police a de moins en moins d'officiers de police judiciaire (OPJ) dans ses services.

Sur tout ce qui concerne la Police de sécurité du quotidien (PSQ), je vais laisser la parole à Jean-Marie Salanova, qui est au coeur d'un sujet qu'il a à la fois théorisé et mis en pratique.

M. Jean-Marie Salanova, directeur central de la sécurité publique. - La sécurité du quotidien a été développée comme une philosophie d'action des services de sécurité.

La sécurité s'entend à travers trois grands piliers : l'action de voie publique (préventive, dissuasive ou répressive), le renseignement (qu'il soit criminel ou qu'il concerne les services de renseignement qu'évoquait monsieur le directeur général) et l'investigation judiciaire (autrement dit, la mise en forme des itinéraires délinquants pour les présenter au juge).

Vous avez posé la question du parallèle entre la police de proximité qui existait voilà une dizaine d'années et la police du quotidien d'aujourd'hui. Nous avons essayé de faire de la sécurité du quotidien un processus d'actions qui prenne en compte les points forts de la police de proximité tout en dépassant ses limites. S'agissant de cette dernière, rappelons que de très nombreux policiers avaient été retirés de tâches spécialisées (enquêtes, renseignement) pour être mis au contact de la population. Par voie de conséquence, nous n'avons pas touché à l'action de la police nationale et de la sécurité publique, en particulier sur les trois grands piliers évoqués. En revanche, nous avons mis en place un dispositif pour que la circulation de l'information soit efficace et pour favoriser le travail collégial entre les différents services (police, gendarmerie et services partenaires). L'objectif est, d'une part, de faciliter la tâche de ceux qui ont une action directe à mener en termes de sécurité (la police, en particulier). D'autre part, ce dispositif doit permettre à ceux qui peuvent avoir une action à mener hors de leur coeur de métier (bailleurs sociaux, transporteurs, éducation nationale) de faire part de leurs préoccupations en termes de sécurité et de mettre en place une action relevant de leurs compétences qui agira dans le domaine de la sécurité. Prenons l'exemple de jeunes adolescents déscolarisés qui passent leurs journées au pied des immeubles et qui commettent divers forfaits : agressions, dégradations de voitures, de poubelles,... Si les infractions commises relèvent du droit pénal, c'est à nous, policiers, de traiter le problème. Mais rappelons qu'un mineur ne sera pas envoyé en prison et que ce n'est peut-être pas la prison qui le remettra dans le droit chemin. Pour prendre en charge ces jeunes, des actions complémentaires doivent ainsi être travaillées en continuum de sécurité et en collégialité. Il faut les ramener à l'école, en travaillant sur la parentalité et de concert avec l'éducation nationale. Concernant les poubelles incendiées, nous devons nous rapprocher de l'entreprise chargée du ramassage des poubelles. Bref, l'action doit être menée de manière transversale. Voilà un exemple concret de ce à quoi veut s'attaquer le concept de la sécurité du quotidien.

De plus, plutôt qu'obtenir un catalogue d'idées et de recommandations en provenance des policiers de terrain, nous avons découpé le territoire en 977 secteurs de proximité. À la tête de chacun d'entre eux, nous avons désigné un policier (lieutenant, capitaine, brigadier-chef ou brigadier major) chargé d'animer le partenariat et la transversalité dans le secteur, en lien avec les élus, les partenaires privés et publics. En plus de ce partenariat informel, nous avons proposé à tous nos partenaires de nous réunir au moins une fois par mois pour faire un point pratico-pratique sur l'identification des problèmes et sur la définition transversale de la manière d'y répondre.

Ce n'est ni du CLSPD, ni du groupe local de traitement de la délinquance (GLTD), une structure judiciaire sous l'autorité du Procureur de la République soumise au secret de l'enquête. C'est un travail en confiance, avec des personnes de bonne volonté qui acceptent d'échanger sur des questions techniques et pratiques. Ces réunions, intitulées « groupes de partenariat opérationnel », ont été mises en place début 2019.

M. Éric Morvan, directeur général de la police nationale. - Je précise que leur principe a été décidé début 2018 par M. Collomb et mis en musique 8 à 10 mois plus tard.

M. Jean-Marie Salanova, directeur central de la sécurité publique. - Pour ce qui est de la police, ce qui est décidé au cours de ces réunions est transformé en ordre de service. Le compte rendu en est fait aux responsables de chaque secteur, qui rendent compte à leur tour, lors des réunions suivantes, de ce qui a été mis en oeuvre. C'est donc une action transversale dans la définition des objectifs et dans le travail de sécurité réalisé. C'est également un compte rendu permanent sur la situation de chaque secteur auprès de tous les partenaires, au premier rang desquels figurent les maires.

En conclusion, nous avons le sentiment que ces groupes de partenariats sont plutôt bien accueillis et qu'ils produisent des résultats.

M. Éric Morvan, directeur général de la police nationale. - Vous m'avez également interrogé sur le logement, c'est en effet un véritable sujet d'attention. Nous ne logeons pas les policiers, mais nous favorisons leur logement. Si la région parisienne est une zone en tension, nous connaissons aussi beaucoup de difficultés à trouver des volontaires pour s'installer à Nice ou à Annecy, des secteurs devenus peu attractifs en raison du coût de la vie, et notamment du logement.

M. Jean-Marie Bockel, président. - J'imagine que certaines communes, trop contentes de pouvoir être attractives auprès des policiers, pourraient être favorables à des partenariats avec des organismes HLM ou équivalents.

M. Éric Morvan, directeur général de la police nationale. - En effet. Soyez persuadés que s'ils ne se sentent pas bien chez eux, nos policiers ne seront pas épanouis au commissariat. La situation est particulièrement complexe en région parisienne, où nous avons une politique de réservation dans les programmes neufs auprès des bailleurs sociaux. De nombreuses réservations arrivent actuellement à péremption par vagues importantes, et les budgets hors masse salariale dont nous disposons ne nous permettent pas de les remplacer. Ce sujet d'accompagnement social des policiers est dès lors très tendu.

J'ajoute que le logement peut également être un levier de fidélisation des personnels. Or les policiers tout juste sortis de l'École de police sont souvent affectés en région Ile-de-France, ce qui ne me paraît pas être une bonne idée.

En conclusion, nous devons nous interroger sur la manière dont le ministère de l'Intérieur pourrait aider les policiers à devenir propriétaires de leur logement.

Je vous remercie pour votre écoute. Soyez assurés que nous sommes à votre disposition pour toute question complémentaire.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Merci à vous. Nous souhaiterions en effet vous transmettre un questionnaire en complément des éclairages que vous avez pu nous apporter.

M. Éric Morvan, directeur général de la police nationale. - Permettez-moi, pour clore cette audition, d'aborder le sujet de la répartition des missions entre la police nationale et la gendarmerie nationale. L'ancrage territorial peut être un sujet de bataille entre nos deux forces de maintien de l'ordre. En effet, si la police s'occupait traditionnellement des villes et la gendarmerie des campagnes, les mouvements de population vers les zones urbaines ont fait émerger un problème structurel pour la gendarmerie. Celle-ci a pu apporter deux types de réponse : la première consistait à diversifier son champ d'intervention, avec des missions de police judiciaire, un intérêt manifeste sur le monde du renseignement ou encore des actions dans le domaine de la cyber criminalité. En outre, la gendarmerie est confrontée à un problème de ressources humaines et réfléchit à sa réorganisation territoriale, les personnels se projetant difficilement dans les campagnes. Elle s'imagine de plus en plus basée dans la péri urbanité, en devenant une force de projection là où elle était ancrée dans les territoires.

En particulier, la gendarmerie a la volonté de remonter significativement les seuils de population (de 20 000 à 50 000 habitants) à partir desquels les zones sont en police d'État.

Je ne souhaite en aucun cas entrer en conflit avec la gendarmerie. Ma réflexion est de dire qu'il est nécessaire d'avoir des idées claires pour que les moyens de l'État participent efficacement à la mission de sécurité intérieure. Et, à mes yeux, ce n'est pas en faisant en sorte que policiers et gendarmes exercent un métier similaire que nous y parviendrons. Si tel devait être le cas, nos concitoyens s'interrogeraient quant à la nécessité d'avoir deux forces de sécurité qui exercent un métier équivalent.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Il existe des éléments objectifs. Lorsque l'on sollicite des forces de sécurité pour des événements exceptionnels, par exemple des problèmes de violence urbaine, l'exécutif répond avec les moyens dont il dispose. Il s'agit parfois de moyens de police en zone de police, et parfois d'escadrons mobiles de gendarmerie en zone urbaine. Si on peut légitimement penser que les forces de police ont plus l'habitude des zones urbaines, il est toujours préférable d'avoir des escadrons mobiles de gendarmes qu'aucun appui de sécurité. Les élus locaux ont un grand attachement à la gendarmerie nationale, y compris en zone urbaine. Ce que vous dites est vrai, ils exercent désormais des missions de police judiciaire ou encore d'état-major.

En conclusion, nous sommes attachés à ces deux forces de sécurité et nous n'avons aucunement envie que l'une supplante l'autre. Et je pense que cette dualité présente de nombreux avantages.

M. Éric Morvan, directeur général de la police nationale. - Je ne veux pas vous donner l'impression d'une « querelle de boutique », mais je pense qu'il y a un risque à ce qu'on exerce des missions identiques. Par exemple, il aurait été logique que la police prenne en charge l'aire urbaine d'Annecy, or cela n'a pas été possible. Nous avons bien senti qu'une telle décision aurait provoqué des crispations entre gendarmerie et police.

Nous devons tirer le meilleur de chacune des forces, et la gendarmerie dispose de nombreux atouts sans qu'il lui soit nécessaire de ressembler à la police. Je pense en particulier à sa force en matière de mobilité.

En conclusion, c'est un sujet stratégique et éminemment politique, qui mérite que nous fassions des choix pertinents et cohérents.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Merci pour cette conclusion qui nous montre qu'un sujet qu'on pensait clarifié depuis quelques années pose encore question.