Mercredi 20 novembre 2019

Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Action extérieure de l'État » - Examen du rapport pour avis

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je donne la parole à notre collègue, Monsieur Claude Kern, rapporteur pour avis des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Claude Kern, rapporteur pour avis du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » sur le projet de loi de finances pour 2020. - La politique d'influence de la France a été réaffirmée par Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, lors de la conférence des ambassadrices et ambassadeurs du 27 août dernier comme « l'un des trois piliers fondamentaux de notre politique étrangère globale ». La hausse de 2,7 % en 2020 des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », dont la dotation s'élève à 718,1 millions d'euros en crédits de paiement (contre 699,6 millions en loi de finances initiale pour 2019), témoigne de cette priorité politique.

Derrière cette progression globale du budget, évolution que nous ne pouvons que saluer, se cachent toutefois des disparités importantes dans le traitement réservé aux opérateurs du programme. Ainsi, la politique d'influence culturelle du Gouvernement met l'accent, en 2020, sur l'enseignement français à l'étranger et son agence dédiée. L'attractivité universitaire de la France et son réseau de coopération culturelle semblent, en comparaison, moins prioritaires.

L'augmentation de la dotation du programme 185 résulte essentiellement de la hausse de 24,6 millions d'euros de la subvention pour charge de service public allouée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Techniquement, cette enveloppe supplémentaire prend la forme d'un « rebasage » et devrait donc être stabilisée à ce niveau en 2021 et 2022. Ce relèvement était très attendu, surtout qu'en 2017 il avait été procédé à une réduction de 33 millions d'euros de la subvention, ce qui avait contraint notre communauté scolaire à l'étranger à d'importants efforts. Le taux de la participation financière complémentaire versée par les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés était ainsi passé de 6 % à 9 % en 2018, puis à 7,5 % en 2019. Il redescendra à 6 % en 2020.

L'abaissement du taux de cette participation complémentaire, rendu possible par l'augmentation de la subvention, devrait se traduire par une économie de 12 millions d'euros pour les établissements. Cette somme pourra alors être investie ou utilisée pour modérer leurs droits d'écolage.

Les 12,6 millions d'euros restants d'augmentation du budget de l'AEFE doivent principalement permettre de financer des formations pour les enseignants, à hauteur de 5 millions d'euros. Le développement de l'enseignement français à l'étranger ne peut pas, et je dirais, ne doit pas reposer sur les seuls titulaires de l'Éducation nationale, même si l'objectif est d'augmenter leur nombre de 1 000 en dix ans. Ce sont essentiellement les personnels locaux qui porteront le développement du réseau ; ils doivent donc être formés. L'enveloppe de 5 millions d'euros sera consacrée à la transformation, à compter du 1er janvier 2020, de 16 lycées mutualisateurs en instituts régionaux de formation, ainsi qu'à celle des postes de résidents en postes d'enseignants formateurs.

2,5 millions d'euros serviront ensuite à renforcer les outils numériques du réseau.

Un montant d'1 million d'euros sera également affecté aux nouvelles demandes d'homologation. L'accroissement du nombre d'établissements homologués est, comme nous l'a expliqué Olivier Brochet - directeur de l'AEFE - lors de son audition, l'un des principaux leviers de développement du réseau. Ce choix du Gouvernement n'est toutefois pas sans soulever des inquiétudes. La fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (Fapée), dont j'ai reçu plusieurs représentants, a ainsi attiré mon attention sur deux points. D'une part, la nécessité de maintenir une exigence de qualité de l'enseignement dispensé : l'excellence de notre réseau ne doit pas être sacrifiée sur l'autel de son élargissement. D'autre part, le risque que cette politique d'expansion, par l'homologation de nouveaux établissements, entraîne une moindre attention à la situation des anciens. À mon sens, un juste équilibre doit être trouvé entre essor du réseau et soutien aux structures existantes.

Enfin, le solde des moyens supplémentaires accordés à l'AEFE permettra de financer des projets immobiliers.

Globalement, d'après les différentes personnes auditionnées, l'évolution à la hausse de la subvention de l'Agence est cohérente avec l'objectif fixé par le Président de la République de doubler le nombre d'élèves scolarisés dans le réseau d'ici 2030. Cependant, le caractère très ambitieux de cette annonce me laisse quelque peu dubitatif sur le niveau des moyens qui permettraient de la rendre effective. Certes, la progression du nombre d'élèves scolarisés dans le réseau est actuellement de l'ordre de 15 000 par an, mais l'atteinte de l'objectif présidentiel nécessiterait une augmentation annuelle de 30 000 élèves, soit le double !

J'en viens maintenant à la nouvelle stratégie d'attractivité universitaire intitulée « Bienvenue en France » présentée en novembre 2018. Elle fixe l'objectif d'accueillir 500 000 étudiants étrangers en France d'ici 2027 en diversifiant les origines géographiques. Dans ce cadre, des frais de scolarité différenciés ont été institués pour les étudiants extra-communautaires, réforme sur laquelle notre éminent collègue Stéphane Piednoir et moi-même avions formulé, en mars dernier, les plus grandes réserves. Parallèlement, ont été annoncés le triplement des bourses d'études et des stages, ainsi que des exonérations de droits d'inscription.

Étonnamment, cette stratégie ne donne pas lieu, au sein du PLF pour 2020, à une augmentation de la subvention pour charge de service public allouée par le ministère à Campus France, qui la met en oeuvre et gère les bourses attribuées aux étudiants étrangers. La subvention est en effet maintenue à son niveau de 2019, soit 3,8 millions d'euros. Selon la directrice générale de Campus France, qui m'a tenu un discours de vérité, cette dotation n'est clairement pas à la hauteur des missions qui lui sont confiées. Le contexte international est, pourtant, de plus en plus concurrentiel : ainsi, la France est passée de la 4ème à la 5ème place, derrière l'Allemagne, en termes d'accueil des étudiants étrangers. Cette évolution imposerait donc d'avoir les moyens de nos ambitions !

En revanche, une bonne nouvelle pour Campus France en 2020 : son plafond d'emploi est relevé à 10 emplois temps plein. Ces effectifs supplémentaires doivent permettre de faire face à la hausse d'activité, liée notamment à un projet de formation de jeunes en Arabie Saoudite, à la campagne de labellisation des établissements participant à « Bienvenue en France », et au suivi de programmes européens. 

Un dernier point d'alerte au sujet des bourses versées aux étudiants étrangers, qui représentent un enjeu majeur d'attractivité. Bien que l'enveloppe dédiée soit maintenue à 64,6 millions d'euros en 2020, ce montant ne leur est, en pratique, pas entièrement alloué. Ainsi, en 2019, sur les 73 millions disponibles au titre des bourses prévues aux programmes 185 et 209, seuls 56 millions d'euros ont effectivement été distribués à ce titre ! Il y a donc un décalage entre les crédits que nous votons et l'utilisation qui en est faite. Cette pratique, qui dure depuis 2016, est vigoureusement dénoncée par la directrice générale de Campus France auprès de sa tutelle. Les services du ministère, que j'ai interrogés, reconnaissent qu'une partie de l'enveloppe des bourses sert effectivement au financement d'autres actions, sans pouvoir préciser lesquelles. Un audit de l'inspection générale a été lancé pour éclaircir ce dossier... Je compte bien le suivre de près.

Le troisième opérateur du programme 185, l'Institut français, ne bénéficie pas d'un traitement favorable en 2020 : sa subvention de 28,8 millions d'euros retrouve son niveau de 2018, après une augmentation temporaire de 2 millions d'euros en 2019.

Ce coup de pouce de l'année dernière correspondait au lancement du « Plan pour la langue française et le Plurilinguisme », présenté en mars 2018 par le Président de la République, et dont 16 des 33 mesures sont pilotées par l'Institut français.

La non-reconduction de ces 2 millions d'euros constitue clairement un repli par rapport aux ambitions de ce plan. Le Président de l'Institut m'a d'ailleurs confié qu'il sera nécessairement procédé à des arbitrages : ainsi, certaines actions verront leur financement réduit. On peut dès lors avoir quelques doutes sur le devenir de ce Plan...

Ce contexte budgétaire contraint oblige l'Institut français à rechercher d'autres formes de ressources. Ses recettes de mécénat ont ainsi augmenté de 3 à 5 millions d'euros entre 2018 et 2019, à l'occasion notamment du financement de la saison Africa 2020, qui sera le grand événement du « Plan pour la langue française et le Plurilinguisme ». L'Institut a également reçu des crédits de l'Union européenne après avoir remporté plusieurs appels d'offres. La coopération avec les collectivités territoriales constitue une troisième source de financement particulièrement précieuse. 

L'autre grande actualité de l'Institut français est bien sûr son rapprochement avec la Fondation Alliance Française. Sur le plan fonctionnel, la procédure est arrivée à son terme puisqu'une convention tripartite a été signée le 16 juillet dernier entre les deux institutions et leur ministère de tutelle. Celle-ci clarifie, théoriquement, le rôle de chacune des parties :

- à la Fondation Alliance Française, la promotion de la marque « Alliance française », l'animation du réseau et la labellisation des alliances ;

- à l'Institut français, les missions d'appui culturel, pédagogique et de formation au réseau des instituts et des alliances ;

- et, enfin, au ministère, la définition des axes politiques, la gestion des personnels détachés et le financement du réseau.

Aussi, ma crainte exprimée l'année dernière d'une « dévitalisation » des alliances s'est-elle quelque peu estompée devant les garanties apportées en termes de préservation de leur modèle original et de reconnaissance de leur plus-value.

Je suis en revanche beaucoup plus inquiet quant au rapprochement physique des deux opérateurs dans les locaux du 101 boulevard Raspail détenus par la Fondation Alliance Française. Vous vous souvenez sans doute de la position très déterminée défendue par son président, Alain-Pierre Degenne, lorsque nous l'avons auditionné. La procédure est juridiquement très compliquée et le ministère ne semble pas vouloir jouer les arbitres. De nouveaux rebondissements ne sont donc pas à exclure dans les prochains mois.

En résumé, mes chers collègues, je porte sur ce budget une appréciation en demi-teinte. La hausse des crédits est indéniable et permettra de valoriser notre réseau d'enseignement français à l'étranger auquel nous sommes tous très attachés. Je regrette néanmoins que cette priorité ait comme un effet d'éviction sur les autres piliers de notre politique d'influence que sont l'accueil d'étudiants étrangers et la coopération culturelle.

Sous les réserves que j'ai développées, je vous propose néanmoins d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence.

Je vous remercie de votre attention.

Mme Claudine Lepage. - Je remercie notre collègue pour la présentation de ce rapport, dont je partage globalement les constats même si j'en tire parfois des conclusions différentes.

Je comprends que la hausse du programme 185 ait été affectée en priorité à l'AEFE, mais je rappelle que ces 24,6 millions d'euros ne compensent pas la coupe drastique de 33 millions d'euros, faite en juillet 2017, qui a mené à la suppression de 512 postes sur trois ans. Vous pouvez imaginer pour cette agence la difficulté que cela a représentée.

Vous avez parlé de la participation financière complémentaire des établissements du réseau, qui va retrouver son niveau de 2017, 6 %. Mais il ne faut pas s'illusionner sur le fait que cela permette de faire baisser les frais de scolarité : un certain nombre d'établissements français à l'étranger ont des contraintes immobilières très fortes, surtout en termes de sécurisation. Ils sont souvent des cibles et pas seulement dans des pays en crise ; je pourrais citer le Lycée « Liberté » à Bamako, que j'ai connu comme une oasis au milieu des arbres et qui, aujourd'hui, est une véritable forteresse. Ces travaux ont un coût auquel l'AEFE doit faire face.

Vous avez mentionné les 1 000 détachements promis lors de l'annonce du plan de développement de l'enseignement français à l'étranger. Or, ces 1 000 détachements sont prévus sur dix ans, et ils serviront essentiellement aux nouveaux établissements financés par des investisseurs privés. Nos 500 établissements actuels n'en bénéficieront pas, d'où l'importance de la formation des recrutés locaux.

Je partage aussi l'inquiétude des parents d'élèves sur la qualité des établissements à la suite de l'annonce d'allègement des critères d'homologation. En effet, cela peut signifier que des établissements n'offrant pas un enseignement comparable à ce qui se fait en France pourraient malgré tout être homologués.

En ce qui concerne Campus France, il y a un paradoxe assez étonnant entre l'annonce du plan « Bienvenue en France » et le manque continuel de moyens attribués. Son budget n'est pas du tout à la hauteur des ambitions du Gouvernement et si l'on ajoute à cela les frais de scolarité différenciés que vous avez mentionnés, on peut s'inquiéter de l'évolution du nombre d'étudiants étrangers qui vont continuer de venir en France. Il a d'ailleurs baissé cette année.

Quant à l'Institut français, la somme de 2 millions d'euros attribuée l'année dernière n'était qu'une subvention exceptionnelle, donc non reconductible. Cela a d'ailleurs donné lieu à des tensions lors du dernier conseil d'administration auquel j'ai assisté. L'Institut français se trouve ainsi en difficulté pour mener à bien à la fois les nouveaux projets d'enseignement de la langue française et pour maintenir son niveau d'activité. L'augmentation du mécénat ne pourra pallier cela puisque ses recettes financent certaines manifestations, et non l'activité générale de l'Institut. Je partage enfin vos inquiétudes quant au rapprochement de la Fondation Alliance française et de l'Institut français.

En conclusion, mon groupe ne votera pas les crédits en question.

M. Jean-Pierre Leleux. - Je félicite notre rapporteur pour ce bon rapport qui reflète la baisse de l'intention politique et qui nous met chaque année dans une position délicate, voter contre pour sanctionner ou voter pour afin d'encourager.

Chaque année, la diffusion de la culture française à l'étranger s'affaiblit considérablement. Je partage les points d'inquiétude soulevés par notre collègue Claudine Lepage. En effet, la mise à niveau des crédits de l'AEFE est satisfaisante ainsi que l'objectif de développement du réseau, mais si cet accroissement va de pair avec un amoindrissement des critères d'homologation, cela comporte un risque d'affaiblissement du niveau, à l'instar de celui de notre baccalauréat d'aujourd'hui.

Quant au montant des bourses, j'apprends aujourd'hui que l'affectation des crédits votés est inconnue. Monsieur le rapporteur, je vous encourage vivement à suivre ce sujet particulièrement inquiétant.

Enfin, la situation de l'Institut français représente une crainte. Quand vous parlez aux instituts français à l'étranger, ils font preuve de courage et de bonne volonté et ils travaillent beaucoup à élargir les dotations de mécénat pour compenser la faiblesse des budgets publics. Pendant ce temps, nos concurrents européens - le British council, l'Institut Goethe, l'Institut Cervantès, la Chine -, mettent au contraire la pression pour imposer leur culture dans l'ensemble des pays du monde.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra.

M. Claude Malhuret. - Le budget de la mission s'élèvera à 2,87 milliards d'euros en 2020 contre 2,72 milliards d'euros en 2019 ; il s'agit donc d'un budget en augmentation même si elle n'est pas extrêmement importante.

Nous portons une attention particulière à l'égard du programme 185 consacré à la diplomatie culturelle et d'influence, qui est en augmentation de 18 millions hors dépenses de personnel pour atteindre 643 millions d'euros. La France dispose de richesses culturelles et artistiques exceptionnelles qui sont des atouts incomparables pour notre politique d'influence, même si elle est parfois concurrencée et disputée. On peut donc tout de même saluer la hausse des moyens consacrés à ce programme.

Je voudrais également insister sur l'effort en direction de l'enseignement du français à l'étranger avec la hausse de la dotation de l'AEFE de 24,6 millions d'euros qui porte ses moyens à 408 millions d'euros. Nous disposons aujourd'hui d'un réseau que l'on peut nous envier : 492 établissements avec 350 000 élèves scolarisés dans 137 pays.

Bien entendu, dans les années à venir, il s'agira de mettre en oeuvre l'ambition annoncée par le Président de la République de doubler les effectifs d'ici à 2030, notamment en multipliant les partenariats, ce qui est loin d'être acquis.

Enfin, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a confirmé la préservation du budget consacré aux bourses scolaires qui s'élève à 105 millions d'euros. Compte tenu de l'augmentation tendancielle des frais de scolarité, ces investissements sont indispensables pour les familles détachées à l'étranger.

Dans l'ensemble, en tenant compte de l'avis de la commission, du rapporteur et des éventuelles évolutions proposées, nous voterons les crédits de cette mission.

M. Pierre Ouzoulias. - J'aimerais revenir sur la méthode gouvernementale. Cela fait deux ans que l'on nous explique que, sur un certain nombre de problématiques au sujet desquelles le Gouvernement a de l'ambition, d'autres moyens de financement permettent de faire plus. Il y a eu la contribution pour la vie étudiante, le loto du patrimoine, et maintenant il y a les droits différenciés, et l'on s'aperçoit qu'à chaque fois que le Gouvernement va chercher des ressources à l'extérieur, c'est pour diminuer le budget public de ces sujets !

Chers collègues, je crois qu'il faut réviser nos mathématiques et comprendre que lorsque la nouvelle arithmétique gouvernementale annonce plus, c'est moins à la fin.

Je suis navré de constater qu'au final, l'ambition portée par le Gouvernement pour un meilleur accueil des étudiants étrangers en France a été abandonnée. Par ailleurs, il faudra envisager toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et de la future décision du Conseil d'État sur l'arrêté instaurant des droits d'inscription différenciés pour l'accès aux établissements publics d'enseignement supérieur. Nous sommes tous persuadés que le juge administratif va aller dans le sens du juge constitutionnel et va obliger le Gouvernement à revoir la totalité des frais relatifs aux étudiants.

Pour nous, le constat est effectivement en demi-teinte et nous voterons donc contre ces crédits.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous rappelle que nous ne votons pas les crédits au sein de notre commission, je traduis donc que vous émettez un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

Mme Françoise Laborde. - Je rejoins les propos de notre collègue Claudine Lepage, qui est une spécialiste du sujet. Nous soutenons le développement du français à l'étranger, ce qui passe par des professeurs supplémentaires et une offre de formation au niveau local, mais l'on constate un phénomène de vase-communicants, et l'on a ainsi perdu quelques millions d'euros.

On ne peut que constater qu'une grande action comme Africa 2020 sera quasi intégralement financée par des mécènes.

Je rejoins la conclusion du rapport de sentiment en demi-teinte. Le groupe RDSE se concertera et votera en son âme et conscience les crédits dans l'hémicycle. En attendant, il approuve la publication du rapport présenté par notre collègue Claude Kern.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le rapport sera publié quoi qu'il arrive. Ce qui vous sera demandé tout à l'heure, c'est de vous positionner quant à l'avis à émettre sur l'adoption des crédits : favorable, défavorable ou s'abstenir.

M. Antoine Karam. - Le budget est stable, voire en légère hausse, mais aussi contradictoire. S'agissant de la déclaration du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui ré-affirme l'influence de la France à l'extérieur, je peux témoigner que la réalité est toute autre.

Des disparités existent, concernant notamment l'enseignement français à l'étranger. Celui-ci ne devrait pas seulement reposer sur les seuls titulaires de l'éducation nationale et les personnels locaux doivent donc être formés. La France a la chance d'avoir des bases sur pratiquement tous les continents (Pacifique, Océan indien, Caraïbes, même en Amérique du Nord avec Saint-Pierre-et-Miquelon, jusqu'en Amérique latine, je pense notamment au Brésil). Il aurait été plus profitable d'utiliser ces compétences qui ne demandent qu'à aller travailler dans les pays voisins.

Par ailleurs, s'agissant de l'audit lancé sur les crédits destinés aux bourses, il ne faut pas se faire d'illusion : quand bien même un certain nombre d'étudiants bénéficie de bourses, sur nos territoires, 95 % des étudiants étrangers relèvent de l'immigration clandestine et sont donc sans papier. Faut-il pour cela les laisser devant l'entrée des universités ? Bien sûr, cette situation pose un certain nombre de problèmes, mais je préfère encore qu'ils soient accueillis.

Notre groupe va suivre la proposition du rapporteur.

Mme Sonia de la Provôté. - Ce constat budgétaire laisse perplexe même si on a envie de l'encourager parce que les crédits proposés ne sont pas en baisse.

Je souscris aux craintes réitérées s'agissant de l'Institut français. Cela va devenir un sujet rapidement préoccupant. Un énorme travail de mécénat, de restructuration et de recherches de nouveaux financements a eu lieu, mais on va arriver à un stade où on ne pourra pas faire tellement plus. Le budget public ne peut pas se fonder sur ce potentiel perçu comme infini pour accompagner nos politiques à l'extérieur.

Je souscris au fait que les structures, telles que Cervantes, Goethe, etc., très pro-actives voire invasives sur le terrain, mettent en grande difficulté la présence de la langue française et notre diplomatie culturelle.

Quant à l'ambition de doubler les effectifs en 2030 avec de nouveaux partenariats, on peut faire le voeu qu'elle se réalise, mais l'atteinte de cet objectif doit reposer sur une ambition nationale laquelle ne peut se traduire, jusqu'à preuve du contraire, que par l'intermédiaire des budgets de la Nation.

Le dernier sujet porte sur une question posée régulièrement : un certain nombre de structures dépendant de nombreux ministères travaillent indépendamment les unes des autres sur le sujet de la culture française à l'étranger. Le ministre avait été interrogé à ce sujet et nous lui avions demandé, si ce n'est une contribution des uns et des autres de façon concertée, au moins un plan stratégique commun - je pense notamment au centre national du cinéma (CNC). Il nous avait promis qu'il ferait cet effort de concertation, mais rien n'a encore été fait.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Pour répondre à vos différentes remarques, je confirme qu'il y a eu une baisse drastique de 33 millions d'euros en 2017 et une hausse l'année prochaine de 24,6 millions d'euros pour l'AEFE. Cette hausse se répercutera en 2021 et en 2022, pour permettre le rééquilibrage, ce qui semble satisfaire le directeur de l'Agence. C'est notamment en raison de cette évolution positive, qui permettra le développement du français à l'étranger et l'indispensable formation des personnels locaux, que j'ai fait le choix de proposer de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

En ce qui concerne l'introduction de frais de scolarité différenciés, nous sommes dans l'attente de la décision du Conseil d'État.

S'agissant de l'utilisation des crédits alloués aux bourses étudiantes, là aussi, il faut attendre les résultats de l'audit de l'inspection générale ; vous pouvez compter sur moi pour suivre ce dossier. Je souligne le fait que le ministère est incapable aujourd'hui de nous dire comment ces crédits sont précisément fléchés, ce qui est inquiétant.

Quant à vos inquiétudes sur la perte de l'influence française à l'étranger, je les partage naturellement.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je souhaite donner quelques éléments de contexte quant à la trajectoire du budget de l'Institut français. Je rappelle que les crédits qui lui sont accordés, et plus globalement ceux qui sont dédiés à l'action extérieure de l'État, avaient très largement baissé lors du précédent quinquennat.

À l'époque, les collègues membres de cette commission avaient travaillé avec l'Institut à l'élaboration du nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM). Nous souhaitions émettre un avis défavorable, en lien d'ailleurs avec la commission des affaires étrangères, mais le président de l'Institut de l'époque, Bruno Foucher, nous en avait dissuadés, car cela aurait été un mauvais signal vis-à-vis des personnels qui accomplissement leurs missions à travers le monde. Depuis lors, les crédits se sont stabilisés et les montants antérieurs n'ont plus jamais été atteints. Mais de nombreuses inquiétudes demeurent, comme nous le constatons lors de nos déplacements à l'étranger.

Je précise que ce COM est en cours d'exécution puisqu'il couvre la période 2017-2019. Je vous proposerai donc qu'on auditionne l'actuel président, Pierre Buhler, au sujet de l'exécution de ce contrat et de l'avenir. Nous aurons en effet un avis à émettre très prochainement sur le futur COM.

Mme Catherine Dumas. - Je souhaite donner les raisons pour lesquelles je suis en phase avec l'abstention préconisée par mon collègue Jean-Pierre Leleux.

Ce budget manque en effet d'une grande ambition même si, comme vous l'avez rappelé, il était bien plus négatif encore les années précédentes. Vous avez également parlé de trajectoire et celle-ci me laisse très perplexe. Quelle est-elle ?

L'audition du président de la Fondation Alliance française, Alain-Pierre Degenne, au cours de laquelle nous avions évoqué le rapprochement entre son établissement et l'Institut français, m'avait également déçue, car il n'avait apporté aucun élément. Et nous n'en avons toujours aucun à ce jour. Je souscris donc aux propos de mes collègues quant au fait que le Gouvernement doive sortir avec courage de cette ambiguïté.

Enfin, sur l'accueil des étudiants en France, sujet qui revient très souvent dès que l'on discute avec des groupes d'amitiés d'autres pays, les moyens sont en deçà de la grande ambition affichée par le Président de la République, celle de faire du français la troisième langue dans le monde. On en est encore loin !

M. Damien Regnard. - J'ai eu l'occasion de me rendre dans six ou sept pays depuis début octobre et je tiens à apporter une note positive. Je dirais qu'il existe un besoin et une envie de France et de langue française.

J'étais en début de semaine à Dubaï où j'ai appris que les Émirats avaient signé un accord en faveur de l'insertion, dans leur système éducatif, de l'apprentissage du français. En revanche, une seule personne gère aujourd'hui cet enseignement, alors que les Chinois y consacrent 300 enseignants.

En Corée du Nord également, nous avons un seul enseignant détaché en permanence à Pyongyang qui donne des cours dans deux universités. Il avait un peu plus de 80 élèves jusqu'à cinq ans. Aujourd'hui il n'y en a plus que 30. L'Allemagne, elle, a implanté un Goethe Institut.

Il existe aussi un problème de lisibilité à l'étranger car il y a une concurrence directe entre les deux organisations que sont la Fondation Alliance française et l'Institut français. La Fondation accomplit un travail au-delà de sa mission d'enseignement depuis plusieurs dizaines d'années, avec des locaux magnifiques. Dans le même temps, l'Institut fait la même recherche de sponsors, sur les mêmes cibles.

Je suis assez sévère avec le budget proposé car il n'est absolument pas proportionnel aux attentes de nos partenaires. Je suivrai mon groupe en m'abstenant, mais je déplore cette situation parce que ce besoin de France est réel. On a pu le constater au Mexique récemment lors du déplacement de la commission. L'Institut français présent y est en décrépitude et saturé. Malgré cela, les enseignants, souvent sous-payés et exerçant dans de mauvaises conditions, restent dévoués.

Quant à l'argent qui disparaît de l'usage des bourses, ce fait n'est pas nouveau ; il serait temps de savoir où il passe !

Mme Claudine Lepage. - Je rappelle à Damien Regnard que la plupart des instituts français à l'étranger se trouvent en autonomie financière alors que nous débattons ici du budget de l'Institut français, c'est-à-dire de l'Epic parisien. Même remarque concernant la Fondation Alliance française et les alliances. Il n'y a pas de lien organique entre les institutions parisiennes et leurs antennes à l'étranger.

Quant à la « disparition » des bourses, je ne suis pas sûre que le terme soit tout à fait approprié. Il ne s'agit pas de toutes les bourses, mais de celles gérées par Campus France. Et elles ne disparaissent pas pour tous les services...

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Par rapport aux propos de notre collègue Damien Regnard, je rappelle qu'il n'y a pas de diminution globale des crédits. Il y a une augmentation pour l'AEFE, une stabilisation pour Campus France et un retour au niveau de 2018 pour l'Institut français.

Pour faire face à la concurrence entre l'Institut français et la Fondation Alliance française, la nouvelle convention tripartite est là pour bien répartir les rôles. Sur le terrain, comme vient de l'expliquer notre collègue Claudine Lepage, les instituts et les alliances à l'étranger sont autonomes par rapport aux institutions parisiennes.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je soumets donc à votre avis l'adoption des crédits, qui sont par ailleurs examinés par la commission des finances, puis votés par chaque groupe dans l'hémicycle. Claude Kern nous invite à leur donner un avis favorable.

Y-a-t-il encore quelqu'un qui souhaiterait s'exprimer ?

Mme Sonia de la Provôté. - On vote sur des crédits en légère augmentation par rapport à l'année dernière ; il est donc difficile de s'y opposer. En revanche, il y a un décalage entre les objectifs affichés par le Président de la République et les crédits proposés.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous aurons bien sûr un débat intense dans l'hémicycle car ce budget pose question depuis des années. Ce n'est pas faute d'avoir alerté le Gouvernement. Je vous rappelle que l'on avait provoqué il y a deux ans, à la veille du budget, un débat sur les crédits de l'Institut français et de la Fondation Alliance française. On a de même alerté maintes fois sur la diminution constante des crédits à l'audiovisuel extérieur.

Communications diverses

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je souhaite maintenant donner la parole à Mme Sylvie Robert, rapporteur pour avis des crédits « Création, Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » au sein de la mission culture, qui souhaite nous proposer l'adoption d'un amendement de commission sur la première partie du projet de loi de finances pour 2020.

Mme Sylvie Robert. - Je souhaiterais en effet que la commission adopte un amendement visant à revenir sur la suppression par l'Assemblée nationale, sans concertation et sans étude d'impact préalable, de la taxe sur les spectacles d'art dramatique, lyrique et chorégraphique et son remplacement par une subvention.

Comme notre collègue David Assouline a déjà eu l'occasion de l'indiquer lors de l'audition de Franck Riester, ministre de la culture, par notre commission le 31 octobre dernier, l'adoption d'une telle subvention modifierait la nature même des théâtres privés concernés - il en existe cinquante-trois à Paris et deux en région - qui deviendraient de fait des établissements « subventionnés » ou « semi-public ».

L'amendement ainsi envisagé suggère de maintenir cette taxe de 3,5 % perçue sur tous les billets hors taxe des spectacles d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique organisés sur le territoire national et de lancer une étude d'impact associant les professionnels du secteur, ceux-ci ayant accepté de redéfinir, si nécessaire, les modalités du soutien versé par l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP).

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je précise que si la suppression de cette taxe, proposée par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Joël Giraud, devait se traduire par un manque à gagner pour certains théâtres, il appartiendrait sans doute aux collectivités territoriales d'implantation de garantir l'équilibre financier de leur activité.

Mme Catherine Dumas. - En tant qu'élue de Paris, je souhaiterais toutefois nuancer ce qui vient d'être dit. Je tiens à préciser que cette taxe, payée par près de 900 cotisants ne bénéficie qu'à une cinquantaine d'entre eux qui se sont fortement mobilisés contre sa suppression.

Selon mes informations, de nombreux théâtres approuvent cette suppression et estiment que la création d'une subvention permettrait une gestion plus claire des fonds ainsi récoltés.

Mme Françoise Laborde. - Je partage l'avis de notre collègue Sylvie Robert et soutiendrai l'adoption de l'amendement qu'elle propose. Si les taxes à faible rendement sont traditionnellement considérées par Bercy comme trop chères à récupérer, elles peuvent néanmoins s'avérer très utiles, à l'image de la contribution au poinçonnage de métaux précieux prévue à l'article 527 du code général des impôts, supprimée l'année dernière. Je souhaite par ailleurs que l'on étudie les conséquences de la suppression de cette taxe sur le secteur du théâtre privé avant de prendre toute décision.

M. Jean-Pierre Leleux. - Je suis moi aussi favorable à la proposition de Sylvie Robert. Par expérience, je préfère le maintien d'une taxe émanant du terrain plutôt que son remplacement par une subvention dont la pérennité n'est jamais assurée, quitte à se pencher sur le dispositif afin de s'assurer de son équité.

En revanche, je rappelle que nous sommes traditionnellement réticents à demander au Gouvernement la transmission d'un rapport que nous serions en mesure d'établir nous-mêmes. Je suggère donc de nous en tenir à revenir sur la suppression de la taxe votée par l'Assemblée nationale.

M. David Assouline. - Je rappelle à Mme Dumas que pas moins de 235 bénéficiaires - producteurs, co-productions, tournées - se sont partagés le produit de cette taxe en 2018. Ces données ont été publiées dans le rapport Bonnell de 2018 consacré à l'Association pour le soutien du théâtre privé.

En réponse à la question que je lui ai posée à ce sujet lors de son audition par notre commission, le ministre a tenté de nous rassurer en affirmant que le produit de cette taxe serait compensé à 100 % par le montant de la subvention proposée. Il s'agit d'un engagement soumis, nous le savons bien, au bon vouloir des gouvernements à venir.

Je m'étonne en outre que le ministère de la culture, qui dispose d'un budget de plus en plus contraint, accepte de financer sans contrepartie une nouvelle dépense supplémentaire. Cette initiative se fera forcément au détriment d'une autre mission.

Je rappelle enfin qu'en acceptant le remplacement de la taxe sur les spectacles par une subvention plafonnée à 8 millions d'euros par an, nous renonçons à un système de financement efficace reposant sur les recettes engrangées par quelques spectacles au bénéfice de la création et de la prise de risque de l'ensemble du secteur.

M. Laurent Lafon. - La méthode ayant conduit à la suppression de cette taxe me paraît en effet bien trop brutale. L'amendement proposé par Sylvie Robert nous invite à mesurer toutes les conséquences d'une telle décision. Très honnêtement, que le produit de cette taxe soit réparti par une association pose question. Qu'elle soit perçue sur l'ensemble du territoire national et ne bénéficie qu'aux théâtres parisiens également.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je rappelle qu'il existe très peu de théâtres privés en province.

M. Laurent Lafon. - En conclusion, il me semble nécessaire de revenir sur cette suppression et de lancer un travail d'auditions afin de réaliser des propositions permettant d'améliorer les modalités de répartition du produit de cette taxe.

Mme Annick Billon. - Je ne connaissais pas non plus l'existence de cette taxe. Elle pourrait sans doute faire partie des nombreuses niches fiscales dont la suppression permettrait à l'État de réaliser de substantielles économies.

Je constate toutefois que les avis de nos deux collègues Sylvie Robert et Catherine Dumas s'avèrent diamétralement opposés. Dans ces conditions, je serais d'avis de faire preuve de prudence et d'adopter cet amendement afin de récolter de plus amples informations sur le coût de collecte de cette taxe et sur le nombre de ses bénéficiaires.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je rappelle qu'il ne s'agit pas d'une niche fiscale mais d'une taxe affectée.

M. Pierre Ouzoulias. - Je voulais vous faire partager mon expérience de fonctionnaire du ministère de la culture concernant le sort réservé à ce type de taxes. J'ai en effet vécu cette valse à trois temps à plusieurs reprises durant ma carrière, au cours de laquelle on explique d'abord que le montant de la subvention concernée est tellement modique qu'il représente trop de temps de travail pour les fonctionnaires chargés de sa gestion, on propose par conséquent la création d'une taxe pour expliquer finalement que celle-ci rapporte trop peu et qu'il faut revenir à la subvention. Deux ans plus tard, je vous assure que la subvention est définitivement supprimée.

Il est indispensable de dénoncer la méthode employée pour supprimer cette taxe et procéder à un bilan objectif de la situation avant de légiférer.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je ne suis pas certaine que le ministre de la culture approuve cette façon de supprimer une taxe sur les spectacles sans concertation préalable. Je crains qu'il ne soit victime de cette situation.

Mme Sylvie Robert. - Je tiens à préciser que nos collègues Catherine Dumas et David Assouline évoquent des réalités différentes : la première parle des théâtres producteurs actifs alors que le second évoque toutes les structures bénéficiaires de la taxe.

J'ai par ailleurs bien entendu les remarques de mes collègues sur l'opportunité de confier au gouvernement la réalisation d'une étude d'impact sur la disparition de cette taxe. Pourquoi ne lancerions nous pas nous même une réflexion approfondie à ce sujet ?

La commission adopte l'amendement n° I-769.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Si vous en êtes d'accord, je vous proposerais, mes chers collègues, de déposer un amendement de suppression de la disposition du projet de loi de finances prévoyant la rationalisation de la réduction d'impôt en faveur du mécénat. Plusieurs de nos rapporteurs sont concernés : je pense à Stéphane Piednoir et Laure Darcos, qui ont déjà évoqué les dégâts que pourrait entraîner l'adoption de cette mesure sur nos établissements d'enseignement et de recherche, ainsi que Sylvie Robert, Philippe Nachbar ou Jacques-Bernard Magner qui ne manqueront pas d'y faire référence au moment de la présentation de leurs avis sur les crédits de la culture, du patrimoine et de la vie associative, mais aussi M. Michel Savin pour le sport.

M. Michel Savin. - Je suggère que l'amendement de suppression évoqué par la Présidente épargne néanmoins l'alinéa de l'article 50 prévoyant la mise en place d'une franchise de 20 000 euros.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Vous avez raison M. Savin !

M. David Assouline. - Je regrette quant à moi que nous ne déposions pas d'amendement supprimant la disposition du projet de loi de finances visant à diminuer le montant de la contribution à l'audiovisuel public. Je rappelle que notre commission a toujours été à l'avant-garde des combats visant à garantir aux sociétés nationales de l'audiovisuel public un montant de ressources adapté aux missions qui leurs sont confiées.

J'en déposerai un à titre personnel mais j'estime que nous aurions tout intérêt à faire bloc sur ce sujet au moment où nous nous apprêtons à discuter d'un projet de loi visant à modifier en profondeur la gouvernance de l'audiovisuel public.

M. Jean-Pierre Leleux. - Je préfèrerais avoir eu l'opportunité de vous présenter mon rapport sur l'audiovisuel public avant d'envisager quelque amendement que ce soit.

Par ailleurs, je tiens à rappeler que la trajectoire financière de l'audiovisuel public a été définie de manière pluriannuelle, que les différents opérateurs veillent à s'y conformer et que la baisse de 1 euro ainsi proposée ne me paraît pas incohérente avec les objectifs affichés.

J'ai même la faiblesse de penser qu'il pourrait y avoir encore quelques gisements de productivité chez certains opérateurs qui, sans mettre en péril la création, font déjà beaucoup d'efforts sur leurs budgets de fonctionnement.

M. David Assouline. - Je ne partage pas votre avis.

M. Jean-Pierre Leleux. - Je constate que la mise sous contrainte des sociétés de programmes les contraint à se réformer, même si j'aurais préféré que l'on redéfinisse d'abord leurs missions et qu'on leur donne ensuite les moyens nécessaires.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mes chers collègues, je tiens à vous informer que le Bureau de la commission, réuni il y a dix jours, a arrêté le programme de contrôle de celle-ci pour la session 2019/2020. Celui-ci tournera autour de quatre thèmes.

Une première mission d'information portera sur les modalités de restitution des oeuvres d'art, que j'aurais le plaisir de présider et dont les rapporteurs seront MM. Alain Schmitz et Pierre Ouzoulias.

Il s'agit d'un travail visant à permettre de préparer au mieux l'examen d'un éventuel projet de loi tendant à définir les modalités de restitution de certaines pièces du patrimoine culturel de pays étrangers, en particulier africains, à laquelle s'est engagé le Président de la République en novembre 2017.

Le deuxième thème concernera, au printemps 2020, le processus de classement sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. La réalisation du rapport correspondant sera confiée à nos collègues Catherine Dumas et Marie-Pierre Monier.

Le troisième thème concernera le développement du livre numérique et sera confié à MM. Jean-Marie Mizzon et André Gattolin.

Un groupe de travail travaillera sur l'impact de la hausse de la dotation générale de décentralisation sur les horaires d'ouverture des bibliothèques et sera piloté par Mmes Sylvie Robert et Colette Mélot.

Je vous propose, en plus des quatre thèmes précités, de veiller au suivi de la mise en oeuvre des dispositions de la loi relative à la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet, de celles de la loi relative à la modernisation de la distribution de la presse et de la loi relative à une école de la confiance, d'anticiper le dépôt d'un projet de loi « Sport et société » et de continuer nos travaux sur la mise en oeuvre de Parcoursup' et de la réforme du baccalauréat.

Le bureau a également décidé d'organiser des sessions de restitution des travaux des organismes extra-parlementaires dans lesquels siègent des membres de la commission.

Afin de donner corps à cette idée, tous les membres de la commission siégeant au sein d'un OEP relevant d'un de nos domaines de compétences - il y en a plus d'une trentaine - auront l'opportunité de présenter, d'ici l'été, une communication de 5 à 10 minutes sur l'activité de l'organisme concerné et le rôle qu'ils sont appelés à y jouer, en nous communiquant leur ressenti sur l'utilité de leur mission au sein de ces instances.

Une première série de communications sera organisée dès la réunion du 4 décembre prochain au cours de laquelle je vous présenterai la Commission scientifique nationale des collections, Jean-Pierre Leleux fera un point sur son activité au sein de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture et Sylvie Robert sur ses fonctions au sein de la CNIL.

D'autres sessions de deux ou trois communications seront régulièrement organisées selon un calendrier thématique qui vous sera communiqué, après validation de votre part, dans les semaines à venir.

M. David Assouline. - Je propose par ailleurs, dans le cadre de nos travaux de contrôle, de suivre la mise en oeuvre de la loi sur les droits voisins. J'ai quelques informations à ce sujet mais aucun moyen institutionnel de les vérifier. Les éditeurs ont-ils commencé à négocier avec Google, quels sont les obstacles à franchir, qui a succombé aux sirènes de Google, qui résiste ? Comment ? Je regrette que le ministère n'ait pas créé un groupe de suivi à ce sujet.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Cette question me tient particulièrement à coeur. Nous sommes d'ailleurs plusieurs à avoir participé à la mission d'enquête sur la souveraineté numérique. Nous allons donc voir comment poursuivre ces travaux.

La réunion est close à 10 h 40.