Mercredi 3 mars 2021

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Groupes de travail - Désignation des membres et des rapporteurs

M. Christian Cambon, président. - Nous devons désigner les membres des six groupes de travail décidés par le bureau de la commission au titre de la session parlementaire en cours. Ces travaux de contrôle donneront lieu à la publication de rapports d'information cet été.

Le premier groupe de travail portera sur les drones. Dans le prolongement de leur rapport de 2017, Cédric Perrin et Gilbert Roger en seront les rapporteurs. Nos collègues Bruno Sido et François Bonneau en seront membres.

Le deuxième groupe de travail concernera la guerre du Haut-Karabagh. Il s'agira de faire un retour d'expérience de ce conflit, tant dans ses dimensions diplomatique et géopolitique que militaire. Les rapporteurs seront Olivier Cigolotti et Marie-Arlette Carlotti. Nos collègues Gilbert Bouchet, Bernard Fournier et Joël Guerriau en seront membres.

Le troisième groupe de travail portera sur la puissance chinoise en Europe aujourd'hui. Dans le prolongement de leur rapport sur les nouvelles routes de la soie, nos collègues Pascal Allizard et Gisèle Jourda en seront les rapporteurs. Nos collègues Édouard Courtial, André Gattolin et Jean-Noël Guérini seront membres du groupe de travail.

Le quatrième groupe de travail portera sur la « boussole stratégique » européenne. Dans la continuité de leurs travaux sur la défense européenne, Ronan Le Gleut et Hélène Conway-Mouret en seront les rapporteurs. Nos collègues Pascal Allizard, Philippe Folliot, Nicole Duranton et Pierre Laurent en seront membres.

Le cinquième groupe de travail s'intéressera à l'efficacité de notre politique d'aide publique au développement. Les rapporteurs budgétaires de la mission « aide publique au développement », Hugues Saury et Rachid Temal, conduiront ces travaux. Nos collègues Alain Joyandet, Jacques Le Nay et Guillaume Gontard seront membres du groupe de travail.

Enfin, le sixième et dernier groupe de travail portera sur l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM). J'aurai l'honneur de conduire cette mission, avec Jean-Marc Todeschini. Cédric Perrin, Pascal Allizard et Alain Cazabonne seront membres de ce groupe de travail. Comme nous l'avions décidé, les rapporteurs budgétaires de la mission « défense » ont préparé nos travaux en élaborant, sur leurs programmes respectifs, un questionnaire sur l'exécution de la LPM. Les réponses devraient nous parvenir dans une dizaine de jours. À cet égard, je vous rappelle que nous auditionnerons la ministre des armées sur ce sujet, le mercredi 17 mars prochain.

Comme nous l'avons déjà évoqué, ce programme de travail intègre la très grande difficulté à organiser, pour l'instant, les missions à l'étranger qui avaient été initialement envisagées. C'est notamment pour cette raison que si, au-delà de la composition que nous venons d'arrêter pour ces groupes de travail, certains autres de nos collègues souhaitent s'impliquer dans leurs travaux, je n'y suis pas opposé.

Je laisse à présent la parole à notre collègue Cédric Perrin qui a participé la semaine dernière avec Hélène Conway-Mouret au salon d'armement IDEX (International Defence Exhibition & Conference) à Abou Dhabi.

M. Cédric Perrin. - Ce salon a pu se tenir malgré la crise sanitaire. Nous y avons vu notamment un nombre important de drones, ainsi que d'autres équipements. Les entreprises israéliennes et chinoises étaient largement représentées.

Avec la ministre des armées et trois de nos collègues, nous avons visité l'ensemble des entreprises françaises, de toute taille, présentes sur place. Ces contacts viendront nourrir nos travaux ultérieurs, dans le cadre de notre avis budgétaire sur le programme 146 « Équipement des forces ».

A ce titre, je voudrais insister sur le fait que nous avons été alertés, une nouvelle fois, sur la question des marchés publics : certaines PME françaises ont des produits d'excellente qualité, mais ne remportent pas les marchés pour des raisons de prix - le pouvoir adjudicateur préfère donc le moins disant au mieux disant. Aussi font-elles la quasi-totalité de leur chiffre d'affaires à l'export, tant le marché français est, paradoxalement, difficile à pénétrer pour nos propres entreprises. Un exemple concret nous a permis de mesurer que cette politique de moins-disant n'était en rien, dans son application actuelle, une source d'économie pour l'Etat et les contribuables, car elle conduisait à acheter parfois du matériel moins cher, mais moins résistant qu'il fallait renouveler plus souvent.

Le deuxième volet de notre déplacement était consacré aux Forces françaises aux Emirats Arabes Unis (FFEAU). Nous avons visité la base navale de Mina Zayed et la base aérienne 104 à Al-Dhafra. Nous sommes enfin allés à la rencontre du 5e régiment de cuirassiers qui nous a présenté ses missions.

Enfin, le troisième thème de cette mission était le contexte régional. Les Émirats Arabes Unis constituent un partenaire solide en matière de défense, dans une région qui reste extrêmement sensible, notamment aux abords du détroit d'Ormuz. Nos différents entretiens nous ont permis d'échanger sur les évolutions récentes, et sur les éventuelles modifications que pourrait apporter l'arrivée d'une nouvelle administration aux Etats-Unis.

Audition de S.E. M. Chakib Benmoussa, ambassadeur du Royaume du Maroc en France

M. Christian Cambon, président. - Monsieur l'ambassadeur, notre commission est très heureuse d'échanger avec vous en cette période difficile pour nos deux pays, durement frappés par la pandémie.

Cet échange sera l'occasion d'aborder plusieurs sujets d'actualité internationale qui concernent le Maroc et qui suscitent l'intérêt des sénateurs.

Tout d'abord, la décision de Donald Trump de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, annoncée le 11 décembre dernier, constitue une évolution importante dans le cadre de ce conflit qui dure depuis les années 1970.

Je rappelle que, dans ce dossier, la France soutient la recherche d'une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, sous l'égide des Nations unies et conformément aux résolutions de son Conseil de sécurité. La France considère, par ailleurs, que le plan d'autonomie présenté par le Maroc en 2007 constitue une base sérieuse et crédible en vue d'une solution négociée. Alors que des avancées diplomatiques avaient eu lieu en 2019, la situation s'est dégradée depuis les événements de Guerguerat de l'an dernier ; le Secrétaire général de l'ONU a exprimé son inquiétude, reflétant une forme d'impuissance de la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso). Il faut également rappeler que, à la suite du départ de Horst Köhler, il n'y a toujours pas de nouvel envoyé spécial du Secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental.

Pourriez-vous, monsieur l'ambassadeur, nous faire part de la vision de votre pays sur les développements nécessaires dans cette région, ainsi que les actions envisagées par le Maroc pour l'avenir ? Dans ce contexte, quelles seront, selon vous, les conséquences de la décision américaine ? Le nouveau président américain, Joe Biden, poursuivra-t-il la politique de son prédécesseur sur ce sujet ? Qu'attendez-vous de la France ?

Dans ce dossier, nous sommes également préoccupés par la montée des tensions entre le Maroc et l'Algérie, et en particulier par les manoeuvres militaires de grande ampleur qu'a menées votre voisin les 17 et 18 janvier derniers. Quelle est votre appréciation de la situation dans ce domaine ? Quel rôle pourrions-nous éventuellement jouer pour que vos deux pays renouent le dialogue ?

Par ailleurs, le Maroc a décidé de rétablir ses relations diplomatiques avec Israël et a signé plusieurs accords bilatéraux de coopération. Certes le Maroc entretenait déjà des relations commerciales avec Israël, mais cette décision est un prélude à un développement plus important des échanges économiques comme diplomatiques. Alors que des voix se sont élevées au Maroc pour protester contre cette normalisation qui s'effectue, selon elles, au détriment de la cause palestinienne, pourriez-vous nous en dire davantage sur la « philosophie » de ce rapprochement et sur ses conséquences pour l'avenir ?

Comme vous le savez, notre commission est très soucieuse de contribuer aux efforts visant au développement de l'Afrique subsaharienne, et en particulier du Sahel. Nous savons que le Maroc a les mêmes ambitions et possède des atouts importants dans ce domaine - je salue à cet égard le soutien du Maroc aux efforts de la France dans la région. Nous pourrons donc aborder ce sujet qui intéresse vivement nos collègues, comme l'a montré le récent débat sénatorial sur l'opération Barkhane.

Au nord de la bande sahélo-saharienne, il y a aussi bien sûr la Libye. Quelle analyse le Maroc fait-il des dernières évolutions dans ce pays ? Le Maroc aurait, semble-t-il, suspendu certaines relations avec l'Allemagne, notamment en raison de réunions sur la situation libyenne auxquelles votre pays n'aurait pas été convié.

Enfin, nous ne pouvons manquer d'évoquer les conséquences de la crise de la covid-19, qui a durement frappé le Maroc. Après une forte récession en 2020, êtes-vous confiant dans les prévisions des institutions internationales, qui tablent sur une forte reprise en 2021 pour votre pays ? Par ailleurs, où en êtes-vous de votre stratégie vaccinale, domaine dans lequel nous connaissons nous-mêmes des difficultés ?

M. Chakib Benmoussa, ambassadeur du Maroc en France. - Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation qui témoigne de la vivacité des relations franco-marocaines.

La crise sanitaire touche en effet nos deux pays, tant sur le plan économique que sur le plan social. Elle a mis en lumière l'interdépendance de nos économies et l'importance de la question sanitaire. Si elle a permis une accélération de certaines transformations (énergie, infrastructures, etc.), la crise a également montré que les tendances populistes et de repli sur soi peuvent progresser.

Malgré les mesures rapidement adoptées, le Maroc déplore, à ce jour, quelque 8 700 décès, et 250 personnes sont actuellement hospitalisées dans des services de réanimation - soit un taux d'occupation de 12 %. La stratégie vaccinale se poursuit dans le pays : 3,7 millions de Marocains ont déjà reçu la première dose du vaccin, et 300 000 d'entre eux ont reçu la seconde dose. D'ici l'été, l'ensemble de la population majeure devrait être vaccinée.

Sur le plan social, le Maroc a mis en place un fonds de solidarité de près de 3% du PIB au bénéfice des ménages vulnérables, et a lancé un plan de sauvegarde de l'emploi représentant 11% de son PIB. En outre, Sa Majesté le roi Mohammed VI a annoncé plusieurs mesures comme la création, d'ici 2025, d'un système d'assurance maladie obligatoire, d'un système d'allocations familiales, d'un régime d'indemnisation chômage, ainsi que l'élargissement de l'accès au régime de retraite.

En outre, sur le plan économique, un fonds d'investissement stratégique et une réforme des établissements publics sont envisagés. Bien avant la pandémie, le roi avait décidé de créer une commission spéciale du modèle de développement (CSMD), que j'ai l'honneur de présider, qui vise à adapter le pays aux transformations du monde et à permettre la stabilité et le développement de la région.

Cette crise sanitaire aura des conséquences sur la relocalisation des chaînes de production et la souveraineté économique. Le Maroc essaye d'anticiper ces transformations, en lien avec la France : le Medef et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) ont ainsi conduit une mission pour dynamiser nos relations économiques et préparer l'avenir dans plusieurs domaines (digitalisation, économie décarbonée, etc.).

Ces priorités sont similaires à celles de l'Union européenne qui, dans le cadre de son partenariat de voisinage méridional, va consacrer 7 milliards d'euros pour la période 2021-2027.

La zone de libre-échange africaine est entrée en vigueur au 1er janvier 2021. Ce marché commun, même s'il mettra du temps avant de devenir effectif, permettra de créer plus d'échanges sur le continent et une meilleure valorisation de ses atouts : matières premières, disponibilité de terres arables, jeunesse de la population, développement d'une classe moyenne urbaine, etc. Le Maroc pourra alors constituer un « hub » pour les échanges, du fait de sa proximité géographique et de ses liens avec l'Europe.

S'agissant à présent du Sahara, je voudrais rappeler que le 13 novembre 2020, les forces armées marocaines sont intervenues à Guerguerat afin de libérer l'axe routier reliant le Maroc à la Mauritanie, qui était bloqué par le Front Polisario. Cette intervention, qui s'est déroulée sous l'oeil de la Minurso et qui n'a fait aucune victime, a rétabli la libre circulation des biens et des personnes. Elle n'emporte aucune conséquence sur le processus de cessez-le-feu, malgré les appels à la guerre du Front Polisario, soutenu par l'Algérie, qui a tenté des incursions au-delà du dispositif de sécurité.

Quelques semaines après cette intervention, les États-Unis ont reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara et les provinces du Sud, considérant que la solution d'autonomie proposée par notre pays était la plus crédible au regard des enjeux de stabilité régionale, contrairement à la solution d'indépendance proposée par le Polisario et l'Algérie, qui n'est soutenue par aucun des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU. En effet, les pourparlers avec le Polisario et l'Algérie n'avancent pas depuis 2007, date de la présentation par le Maroc de l'initiative d'autonomie comme solution de ce différent régional.

Le Sahara marocain, jadis colonisé par l'Espagne, est un territoire de 270 000 kilomètres carrés, qui a des liens historiques attestés d'allégeance au Maroc et dont le Maroc a revendiqué la décolonisation, bien avant son indépendance. Il a été récupéré suite aux accords de Madrid mettant fin à la colonisation espagnole. Le Maroc a veillé à ce que le statu quo des discussions politiques sous la supervision des Nations unies n'ait aucune conséquence sur la population locale qui s'élève à quelque 600 000 habitants ; sachant que la population sahraouie de Tindouf en Algérie est estimée à moins de 60 000 personnes - celle-ci n'a jamais été recensée, malgré les demandes répétées du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Le Maroc a créé un environnement de sécurité permettant aux élections de se tenir dans cette région, et aux investissements d'infrastructures d'être réalisés. Le développement est toutefois freiné par le statu quo ; à cet égard, les positions américaines permettent de clarifier la situation et de créer une nouvelle dynamique qui consolide une zone de stabilité entre le Sud de l'Europe et l'Afrique subsaharienne.

Au-delà des aspects sécuritaires, le Maroc apporte des réponses diplomatiques (processus de discussion politique aux Nations unies), des réponses politiques intérieures (régionalisation et élections régulières) et des réponses de développement (infrastructures et équipement de la région pour créer de l'emploi et améliorer les indicateurs de développement humain) qui font partie d'une approche globale favorisant la stabilité régionale. Aussi notre pays soutient-il le collège de défense du « G5 Sahel » à travers des actions de formation des militaires, mais aussi dans le domaine cultuel pour la promotion d'un islam d'ouverture - un millier d'imams subsahariens a été formé à l'institut Mohammed VI -, ainsi que dans le domaine de la coopération sud-sud, notamment dans des domaines économiques ou sociaux.

Pour ce qui concerne la Libye, le Maroc, à travers les accords de Skhirat puis les pourparlers de Bouznika, a contribué à créer un climat de confiance pour que les acteurs libyens puissent dialoguer et préparer une sortie de crise. Le président du parlement de Tobrouk, Aguila Saleh, l'a d'ailleurs rappelé lors de sa récente visite au Maroc.

S'agissant de la question migratoire, le Maroc accueille l'Observatoire africain des migrations, créé sous l'égide de l'Alliance africaine, et travaille avec l'Union européenne sur les questions de mobilité.

En ce qui concerne les relations avec Israël, il convient de rappeler que la reconnaissance d'Israël est ancienne, même si les relations diplomatiques étaient suspendues, et que plusieurs centaines de milliers d'Israéliens sont d'origine marocaine et ont conservé des liens très étroits avec le Royaume. Dans le cadre des derniers accords, il est prévu un rétablissement des relations diplomatiques, une coopération économique forte et des liaisons aériennes directes, et cela sans préjudice de la position marocaine sur la question palestinienne, à savoir le soutien à la cause palestinienne ainsi qu'à une solution à deux États. SM le roi Mohammed VI préside d'ailleurs le comité Al-Qods qui vise à la préservation de la liberté des cultes présents à Jérusalem.

Enfin, à propos des relations diplomatiques avec l'Allemagne, il n'y a pas de rupture de ces relations mais une limitation des contacts avec l'ambassade d'Allemagne à Rabat. Il s'agit d'un signal visant à clarifier certaines positions jugées agressives et à lever les ambiguïtés qui les entourent. Cela fait suite à plusieurs incidents comme la mise à l'écart du Maroc dans le dossier libyen, et les positions critiques émises à l'égard de notre pays sur le Sahara ou sur le respect des droits de l'homme.

M. Christian Cambon, président. - Merci monsieur l'ambassadeur pour cette présentation particulièrement dense. Nous allons la compléter par une douzaine de questions. Vous pourrez répondre de façon collective. Je salue au passage nos collègues du groupe d'amitié France-Maroc, dont plusieurs nous suivent en visioconférence. J'espère que ce débat les renseignera sur l'état de la coopération entre la France et le Maroc.

M. Joël Guerriau. - Monsieur l'ambassadeur, l'Espagne a convoqué en urgence l'ambassadrice du Maroc à Madrid après les déclarations de votre Premier ministre sur la souveraineté de Melilla et Ceuta, deux enclaves espagnoles dans le nord du Maroc. Ces villes sont sous souveraineté espagnole depuis le XVIème et le XVIIème siècle, respectivement.

Pouvez-vous nous assurer que le Maroc respectera l'intégrité territoriale de l'Espagne, protégée sur le plan sécuritaire par l'UE et l'OTAN ?

Je voudrais également rappeler un accord qui a été signé entre la France et le Maroc sur les mineurs isolés, qui a établi un plan d'action permettant de résoudre les situations de détresse de ces mineurs.

La plupart de ces jeunes ont été longtemps déscolarisés. Pensez-vous que cet accord qui autorise des renvois forcés de mineurs permettra de régler le problème de l'immigration clandestine et quelles mesures le Maroc mettra en place afin d'améliorer la situation de ces jeunes, leur permettant de rester au Maroc ?

M. Pierre Charon. - Bonjour monsieur l'Ambassadeur, très cher ami.

Ma question en tant qu'élu parisien, porte aussi sur ce sujet. Depuis plusieurs années, des enfants ou de très jeunes adultes sont arrivés illégalement dans la capitale et commettent des actes de délinquance. Ils sont ultra-violents, tant vis-à-vis de la population qu'entre eux. Les habitants des quartiers où ils sévissent sont excédés et désarmés face à une telle violence. Ces adolescents sont également polytoxicomanes, ce qui complexifie leur prise en charge. De plus, beaucoup refusent l'aide proposée. Selon l'article L. 511-4 du code de l'entrée, du séjour des étrangers, du droit d'asile, un mineur isolé ne peut faire l'objet d'une reconduction dans son pays d'origine.

Depuis juin 2017, nos deux pays ont engagé une procédure conjointe afin de procéder d'abord à l'identification des mineurs isolés, ce qui représente en soi un challenge. En juin 2018, une collaboration a été engagée entre nos deux ministres de l'Intérieur respectifs. Une équipe marocaine, pluridisciplinaire, du ministère de l'Intérieur, des Affaires étrangères et de la protection de la jeunesse, a été placée sous l'égide du Consul du Maroc à Paris.

Sa mission prioritaire est d'établir l'identité, l'âge, et les liens familiaux des mineurs isolés. Certains majeurs ont fait l'objet de mesures d'éloignement, mais la situation des mineurs perdure et d'autres jeunes continuent d'arriver. Elle se complexifie juridiquement car les familles identifiées refusent le retour de leur enfant.

Le 7 décembre dernier, le Garde des Sceaux français, Éric Dupond-Moretti, a signé un accord avec le ministre marocain.

Je souhaiterais savoir quelle politique de prévention vous envisagez en amont auprès des populations, pour éviter cet enfer que vivent ces jeunes et les Parisiens ?

M. Olivier Cigolotti. - Monsieur l'ambassadeur, notre Président l'a rappelé, nous avons avec le Maroc une relation d'amitié qui est historique et nous avons également un partenariat important en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le terrorisme n'épargne pas le Royaume du Maroc, puisqu'en octobre dernier, quatre personnes ont été interpellées, suspectées de préparer des attentats contre des personnalités du Royaume.

Pouvez-vous nous indiquer quelle est la stratégie et quels sont les moyens mis en oeuvre par le Royaume du Maroc pour lutter contre le terrorisme sur votre territoire ?

M. Gilbert Roger. - Monsieur l'ambassadeur, quand on est entre amis, on se parle franchement. J'ai trouvé un peu légère la partie de votre intervention expliquant le rapprochement avec l'État d'Israël. J'ai compris que vous laissiez à Israël le soin de négocier un accord de paix avec la Palestine, et donc la création d'un futur Etat. On n'est pas prêts d'y arriver quand on voit l'histoire récente entre les deux parties. Il faut que la communauté internationale agisse.

Est-ce la déclaration de M. Trump sur le Sahara qui vous amène à être en retrait par rapport à l'action qu'avait le Royaume du Maroc pour obtenir la création de deux États vivant en paix et en sécurité ?

M. Mickaël Vallet. - Monsieur l'ambassadeur, bonjour,

Une remarque, une question.

De nombreux Français du Maroc sont assez épatés de votre politique de vaccination et je voulais saisir l'occasion ce matin de vous le dire.

Ma question porte sur un évènement récent. Il y a eu de nombreux morts, voire de nombreuses mortes, lors d'un incendie dans une usine de textile à Tanger, qui a remis en avant des difficultés relatives aux droits des femmes, sujet qui est intégré aujourd'hui dans de nombreuses discussions internationales.

Le Maroc avait été salué pour sa réforme du code de la famille en 2004, ainsi que la nouvelle Constitution de 2011. Cet évènement remet en lumière cette question.

Il y un deuxième sujet, qui lui est peu relayé dans la presse internationale. Il s'agit des réformes électorales menées actuellement et qui visiblement traduisent des efforts très conséquents sur la place des femmes.

Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet, avec un regard à la fois intérieur et extérieur, et nous dire si on est bien dans la prolongation de l'élan qui avait été donné en 2004 et 2011 ?

M. Alain Joyandet. - Bonjour monsieur l'ambassadeur, la reconnaissance par les États-Unis de l'intégrité du Sahara a été un évènement diplomatique très important.

Je voulais vous demander ce que cela change pour vous et ce que vous attendez de ceux qui sont favorables à cette reconnaissance pour faire avancer les discussions diplomatiques et quel serait pour vous l'idéal d'une position française, sachant que cette reconnaissance créée des crispations en Europe, notamment avec les Allemands et chez vos voisins avec l'Algérie ?

Que peut faire la France pour faire aboutir cette démarche, notamment aux Nations unies ?

M. Guillaume Gontard. -Plusieurs questions ont été posées sur l'accord franco-marocain sur les mineurs isolés. Cet accord a été conclu en décembre, mais à ma connaissance, son texte n'a pas été rendu public. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur cet accord qui concerne des enfants particulièrement vulnérables et souvent victimes d'exploitation et de trafic d'êtres humains ? Pouvez-vous nous éclairer sur la mise en oeuvre de cet accord ? Est-il déjà opérationnel ? Combien a-t-il concerné d'enfants ? Quelles sont les mesures mises en place pour leur protection, comme le prévoit le droit international ?

M. Jacques Le Nay. -La France tente en ce moment de regarder la question de l'islam, et plus particulièrement de l'islam radical en France. Quel regard le Maroc porte-t-il sur les questions liées à l'islam radical, en tant que pays musulman ? Pensez-vous qu'il puisse exister un islam de France ? D'ici 2024, le gouvernement français souhaite mettre fin aux imams détachés, dont certains sont Marocains, pour lutter contre le séparatisme islamiste. Ces imams pallient le manque d'imams français formés en France. Votre pays accepterait-il de former plus d'imams français, pour que le personnel religieux officiant en France prêche un islam modéré ?

M. Yannick Vaugrenard. - Voici dix ans, une vague de protestations a traversé le monde arabe. Le Roi Mohammed VI a adopté une nouvelle constitution, accordant une meilleure place aux libertés, à l'indépendance de la justice, aux pouvoirs du Parlement et du Premier ministre. La volonté du Royaume pour l'affirmation des droits humains a-t-elle gardé en 2021 toute sa vigueur de 2011 ?

Mme Nicole Duranton. - Mes deux questions ont déjà été évoquées. Elles portaient sur l'islam et les imams, et sur les mineurs isolés. Le groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) s'est procuré le rapport évoqué et alerte sur son contenu inquiétant. J'aurais souhaité avoir votre point de vue.

M. Richard Yung. - Ma question porte sur la politique de migration du Maroc. Vous êtes une zone d'accueil importante, puisque des immigrés subsahariens arrivent au Maroc, parfois avec l'idée d'aller en Europe. Vous avez mené deux campagnes de régularisation, pour à peu près 50 000 personnes, en 2014 et 2016, mais l'immigration illégale a continué, avec son cortège de problèmes. Comment envisagez-vous l'avenir ? Envisagez-vous une nouvelle régularisation des migrants illégaux ? Quelles sont les mesures que vous prenez pour améliorer le regroupement familial et l'intégration de ces migrants ?

M. Philippe Folliot. - Je souhaite poser une question relative à la situation spécifique du nord marocain. Le Rif est réputé pour la contrebande de drogue et particulièrement de haschich. Quelles mesures spécifiques prend le gouvernement marocain pour lutter contre ces trafics clandestins et tarir les sources d'approvisionnement ?

M. Christian Cambon, président. - Voilà monsieur l'ambassadeur, une batterie de questions très précises !

M. Chakib Benmoussa, ambassadeur du Maroc en France. - Je commencerai par répondre à vos questions sur le Sahara marocain, avant celles sur les migrations et la politique intérieure marocaine.

Sur le Sahara marocain, notre conviction est que la reconnaissance par les Etats-Unis aide à faire avancer le processus politique aux Nations unies pour permettre d'arriver à un accord qui soit réaliste, où il n'y ait pas de perdants, qui soit gagnant-gagnant pour toutes les parties et qui tienne aussi compte de l'intérêt des populations qui sont sur place. Cette reconnaissance pourrait aider à ce que le débat se focalise sur les termes, les conditions de cette autonomie et de sa mise en place en faisant en sorte, comme le Maroc l'a promis, qu'elle soit la plus large possible. Je rappelle que dans son initiative, dans son document de base, le Maroc envisageait qu'il y ait un Parlement régional, un gouvernement régional, la possibilité que des lois soient votées au niveau régional, qu'il y ait aussi une police régionale, avec bien sûr la gestion de tout ce qui est économique à l'échelle de la région, mais en étant attentif à ce que tout cela s'insère dans le cadre de la souveraineté du Maroc et de son corollaire sécuritaire et diplomatique du Maroc. Nous considérons que la position américaine peut faire prendre conscience à ceux qui soutiennent la création d'un Etat indépendant dans la région, que cette option est irréalisable et les amener à être plus réalistes et à s'engager de manière plus active dans la discussion politique. La position que pourrait adopter un certain nombre de pays européens, en allant dans la même direction, peut être quelque chose d'extrêmement positif. Je rappelle que la position de la France a été de soutenir l'initiative d'autonomie, une position qui a toujours été extrêmement appréciée par le Maroc et qui a permis de préserver la stabilité dans cette région. Mais nous considérons qu'aujourd'hui est arrivé le moment où le statu quo peut devenir contre-productif parce qu'il ne permet pas de répondre aux attentes des populations qui vivent dans cette région. Je rappelle que les représentants de ces populations aspirent aujourd'hui à plus de développement, plus de quiétude, plus de marges d'autonomie et de responsabilités politiques. Je pense que tout ce qui peut être fait à l'international par la France et par les pays européens pour pousser dans cette direction-là sera positif et aidera à créer les conditions pour que cette région soit une région de stabilité et de paix. Le développement de cette région sera bénéfique pour l'ensemble de la région sahélo-saharienne.

Par rapport aux questions en lien avec les enclaves de Ceuta et de Melilla, je rappelle que la position du Maroc, depuis toujours, est que ces enclaves sont des villes marocaines. C'est une position qui est connue du gouvernement espagnol. Le Maroc a toujours soutenu que le statut de ces villes devrait être réglé par la discussion avec l'Espagne, donc il n'est pas question de situation de fait, et il n'y a aucune intention dans ce sens-là de la part du Maroc. Ce sont des sujets qui sont sur la table mais qui n'ont pas empêché que la relation avec l'Espagne se développe et se renforce sur le plan aussi bien politique qu'économique. Le développement des régions du nord, qui s'est opéré au cours de ces deux dernières décennies, est probablement en train de modifier l'intérêt de ces enclaves et peut amener à un nouveau contexte qui faciliterait une solution convenue entre le Maroc et l'Espagne sur ces questions.

Sur la question de la Palestine et la question de la relation avec Israël, le rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël n'est pas un alignement sur la position israélienne vis-à-vis des Palestiniens ; au contraire, cela peut même être un moyen pour agir et influencer Israël. Aujourd'hui la relation d'Israël avec un certain nombre de pays arabes - qui reconnaissent Israël et ont établi avec ce pays des relations diplomatiques - fait que l'argument sécuritaire, qui est mis en avant pour s'opposer à des discussions directes avec les Palestiniens et à la réalité d'une solution à deux Etats, n'est plus aussi valable qu'il ne l'était auparavant. Cela devrait permettre de mobiliser, aussi bien à l'intérieur de l'Etat d'Israël qu'à l'extérieur, tous les acteurs qui sont en faveur d'une paix durable et de la possibilité de donner leurs droits aux Palestiniens. Le Maroc s'inscrit dans cette démarche.

Sur les questions liées à la migration, notamment les mineurs non accompagnés. Je voudrais d'abord rappeler que, sur ce sujet, le Maroc, à la demande de la France, s'est mobilisé depuis plusieurs années - comme cela a été dit - pour aider à ce que des mineurs qui sont en situation de vulnérabilité, qui sont souvent exploités par différents réseaux, qui sont parfois effectivement acteurs d'actes de violence mais sont aussi souvent eux-mêmes victimes de ces violences, puissent être protégés aussi bien en France que par un retour au Maroc où un certain nombre d'institutions spécialisées existent et sont en capacité de recevoir ces jeunes et de les accompagner. Ce retour ne peut se faire que dans le cadre des conventions internationales qui prévoient qu'une intervention judiciaire évalue les conditions dans lesquelles le retour est possible, sachant que l'objectif est de mettre en avant l'intérêt et la protection des enfants. Aujourd'hui, plusieurs avis convergent pour dire que, dans un certain nombre de cas, ces enfants qui se retrouvent dans la rue mettent en danger leur vie, leur avenir. On peut imaginer quels adultes ils feront demain s'ils sont laissés dans cette situation-là. C'est dans ce contexte que s'inscrit l'accord entre le Maroc et la France, sachant que le Maroc, sous contrôle de la justice et des juges des mineurs au Maroc, est disposé à accepter les mineurs reconnus comme Marocains et pour lesquels des décisions de juges français seraient prises. Bien sûr, ces mineurs seront pris en charge par les institutions marocaines. Des visites ont été organisées par le ministère de la Justice du Maroc au profit de juges des mineurs français, qui ont visité un certain nombre de centres qui sont tout à fait aux standards internationaux et qui, dans certaines situations, pourraient constituer une solution bien meilleure que le fait d'avoir ces mineurs en train d'être l'objet d'exploitations par différents réseaux.

De manière plus large, le Maroc est lui-même devenu pays de transit et a mis en place une politique migratoire assez développée, qui a essayé de combiner des dimensions juridiques - puisqu'un certain nombre de textes de loi ont été mis en place - et des réponses humanitaires - à travers les opérations de régularisation qui ont été citées, mais aussi à travers l'accès de ces populations à un certain nombre de droits en termes de santé, d'éducation des enfants ou, pour certains, en termes d'emploi. Cette réalité de la migration dépasse le seul Maroc, elle est liée à des situations particulières dans les pays d'origine, à des politiques particulières dans les pays d'accueil et le Maroc, en tant que pays de transit et de plus en plus en tant que pays de destination, se retrouve partie prenante de ces politiques. Je rappelle que le Maroc a organisé fin 2018 une rencontre mondiale sous l'égide des Nations Unies autour du sujet de la migration. Les concepts de migration et de mobilité organisée ont été défendus et retenus ; il en est de même pour le concept de responsabilité partagée qui permet de développer des politiques migratoires plus efficaces. Lorsqu'il y a une coopération plus large, elle permet d'aboutir à des résultats positifs, aussi bien en termes de contrôle de l'immigration clandestine qu'en termes de mobilité choisie et de possibilité de co-développement.

Un certain nombre de questions ont été posées en lien avec la stratégie de lutte contre le terrorisme. Je voudrais rappeler que le Maroc a mis en place une démarche extrêmement poussée pour lutter contre le terrorisme, qui s'appuie bien sûr sur la dimension sécuritaire, sur la dimension renseignement et sur la coopération internationale. Le Maroc a également mis en place un ensemble de lois qui permettent de lutter efficacement contre ce phénomène ; des résultats sont enregistrés à l'arrivée puisque sur les dernières années, de nombreuses cellules ont été démantelées et que plusieurs auteurs ont été présentés à la justice. Le Maroc a aussi mis en place des mécanismes pour répondre à la problématique de ces Marocains qui se sont rendus, notamment, au Moyen-Orient, de manière à ce qu'à leur retour, ils puissent faire l'objet d'une procédure particulière et d'un suivi particulier. Mais la réponse n'a pas été que sécuritaire, elle a aussi porté sur le développement économique, sur la dimension cultuelle, religieuse, sur le fait de réformer le champ religieux et de réduire la marge de manoeuvre que pouvaient avoir un certain nombre d'acteurs qui prêchent une lecture extrémiste de l'Islam et prêchent l'intolérance, voire le djihad et la violence. C'est dans ce cadre-là qu'une coopération a été mise en place avec la France pour la formation d'imams français au Maroc. Le Maroc accueille ces imams pour des formations qui durent deux à trois ans et finance des bourses d'études. Une soixantaine d'imams français ont été formés ou sont en train de l'être et ont profité des installations de l'institut Mohammed VI de formation des imams de Rabat. Depuis plusieurs années, un groupe de travail conjoint France-Maroc se réunit régulièrement sur les sujets en lien avec l'islam en France et aborde ces questions de formation, mais aussi celle des imams détachés. Je voudrais rappeler que le nombre d'imams détachés marocains est de 25, à comparer aux 2 500 mosquées en France, cela permet de relativiser le sujet. Comme cela a été dit, il est envisagé que d'ici 2024, il n'y ait plus d'imams détachés à partir du Maroc. Le fait d'avoir des imams français formés au Maroc permettra que les mosquées françaises puissent disposer de solutions alternatives. Je voudrais souligner le fait que, sur la question de l'islam, le Maroc a une position très claire : le Maroc combat l'instrumentalisation de l'islam, que ce soit dans des actes d'extrémisme ou de terrorisme, ou bien dans l'action politique. Le Maroc est contre l'islam politique et au Maroc il est interdit à tout parti de se prévaloir de l'islam dans ses statuts ou dans son programme politique. C'est un élément de convergence par rapport à certaines mesures que la France envisage pour bien distinguer l'acte de foi lié à l'islam, de l'acte militant et d'instrumentalisation de la religion. Ceci étant dit, je dois aussi vous faire part de beaucoup d'inquiétudes de nos compatriotes qui vivent en France, par rapport à la stigmatisation qui peut être faite de l'islam. Beaucoup n'aspirent qu'à vivre leur religion de manière sereine et ils ont le sentiment que le fait qu'il y ait une minorité radicalisée qui exploite la religion a rendu le sujet stigmatisant et beaucoup de musulmans se sentent obligés de justifier le fait qu'ils soient musulmans. Il s'agit là d'un sujet d'inquiétude.

Par rapport aux questions en lien avec la nouvelle Constitution et les droits des femmes, je dois dire que le Maroc a beaucoup fait au cours de ces deux dernières décennies pour élargir le champ des libertés, pour élargir le champ de la reconnaissance de la diversité culturelle comme étant un élément constitutif de l'identité marocaine et pour élargir le champ de l'égalité hommes-femmes même si - on doit le reconnaître - le chemin est encore long. La Constitution de 2011 indique que la parité doit être l'objectif et que tous les acteurs s'engagent à travailler dans ce sens-là. C'est ce qui explique un certain nombre de mesures, de textes, qui vont dans le sens de l'élargissement de la participation de la femme, que ce soit dans le processus électoral avec des réformes en cours pour élargir le nombre de places réservées aux femmes sur les listes régionales, dans les instances législatives, mais aussi dans les instances communales avec des mesures de soutien à la participation des femmes. Ces derniers mois, la question de la lutte contre les violences faites aux femmes a été très présente. Mais je crois que c'est un chantier de longue haleine pour lequel la mobilisation de la société civile est un élément extrêmement important car elle arrive à « secouer » les acteurs pour accélérer le mouvement. Sur le sujet de la mise en oeuvre de la Constitution, beaucoup d'avancées sont constatées. Il reste à ce que cette culture d'élargissement démocratique, cette culture de liberté et de responsabilité - à travers les différents textes de lois et les réformes qui sont en cours comme celle de la justice ou celle du code pénal - puissent être renforcées et puissent permettre d'inscrire dans le marbre ce mouvement vers la consolidation des droits et des libertés.

M. Christian Cambon, président. - Monsieur l'ambassadeur, merci de vous être prêté à cette audition. Les questions qui vous ont été posées reflétaient nos préoccupations. Vous avez compris, à travers plusieurs interventions, que la présence de ces mineurs isolés extrêmement violents posait dans de nombreuses villes et territoires des difficultés. Vous avez évoqué ce point et le travail commun qui est fait entre nos deux pays. Vous avez vous-même été ministre de l'Intérieur, donc vous connaissez bien ces sujets. De la même manière, je souhaite vous dire que tout ce qui relève d'une campagne qui vise à considérer systématiquement les musulmans comme des fauteurs de troubles n'est absolument pas le sentiment qui est partagé dans cette maison bien évidemment et, d'une manière générale, par l'opinion publique. Vous l'avez dit, ceux-là même qui utilisent - dans des conditions scandaleuses - l'islam pour des motifs soit terroristes, soit de trafics de tous genres, font grand tort à cette religion et je pense que nous devons dans nos territoires, à travers nos associations, notre expression politique, ne jamais nous livrer à de telles confusions. Vous savez combien le groupe d'amitié France-Maroc veille à ces sujets. Je voulais enfin rappeler - car on ne l'a pas évoquée - la qualité de la coopération entre la France et le Maroc, notamment sur le plan institutionnel puisque nous avons avec le Maroc une relation tout à fait particulière à travers la réunion de haut niveau (RHN) qui réunit régulièrement nos ministres pour faire avancer les dossiers et qui aboutit toujours à des résultats et des signatures de conventions. Cette RHN est suivie par le forum interparlementaire (Assemblée nationale et Sénat chez nous, Chambre des conseillers et Chambre des représentants au Maroc), là aussi c'est une institution tout à fait particulière qui nous permet, tous les deux ans, de nous rencontrer. Ce que l'on peut souhaiter, c'est que très vite la pandémie cesse de nous paralyser et que nous puissions retrouver le rythme habituel de nos relations. Si je ne m'exprime pas aujourd'hui en tant que président du groupe d'amitié, je veux quand même saluer cette relation toute particulière que le Sénat développe avec le Parlement et les institutions marocaines. Je vous adresse enfin tous mes voeux de réussite pour l'important rapport que vous allez prochainement remettre à Sa Majesté le roi du Maroc.

M. Chakib Benmoussa, ambassadeur du Maroc en France. - Je souhaiterais remercier les sénateurs qui ont participé à cet échange, ainsi que les membres du groupe d'amitié pour l'action et le travail considérable qu'ils font pour le renforcement de la relation entre nos deux pays.

La réunion est close à 11 h 30.