Jeudi 11 mars 2021

- Présidence de Mme Françoise Gatel, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures 30.

Table ronde relative aux « Initiatives des territoires en matière de santé », avec la participation de M. Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France, maire de Fontainebleau ; Mme Véronique Besse et M. Frédéric Chéreau, co-présidents de la commission santé de l'Association des maires de France ; M. Olivier Renaudie, professeur de droit public à l'université Paris 1

Mme Françoise Gatel, présidente. - Bonjour à toutes et à tous. Je remercie les personnes présentes aujourd'hui, ainsi que celles que nous auditionnons. Nous suivrons ce matin deux temps extrêmement importants. Le premier sera consacré aux initiatives des collectivités territoriales en matière de santé, sujet qui fera l'objet d'une mission de notre délégation. La suite de cette matinée sera dédiée à la présentation d'un rapport sur le Grand Paris. Ce second point, très différent, permet à nos visiteurs de se rendre compte de la diversité des thèmes préoccupant le Sénat.

La question des initiatives des collectivités territoriales en matière de santé est récurrente depuis quelque temps. Elle préoccupe les élus, et l'État sans aucun doute. Depuis plusieurs années, nous assistons à deux mouvements en matière de santé : une territorialisation sous forme de déconcentration avec la création des agences régionales de santé (ARS) - et nous pourrons nous interroger sur la déconcentration réelle à l'aune de la crise sanitaire - et l'engagement croissant des collectivités dans ce champ de compétences, non par caprice, mais par exigence et par besoin. Je pense ici particulièrement aux communes et départements. Les territoires se sont parfois vidés d'un certain nombre de services de santé que j'appellerai « de proximité », mais aussi d'hôpitaux et de spécialistes.

Cette tension se retrouve sans doute dans les récentes annonces du premier ministre, après le Ségur de la Santé. L'État a débloqué 9 milliards d'euros pour permettre aux territoires de lancer des projets locaux, sous l'égide de l'ARS.

Le sujet que nous abordons, s'il est structurel, a également donné lieu à des lectures un peu différentes avec la crise sanitaire. Celle-ci a mis en exergue l'enjeu d'un service de santé à la population, de proximité et réactif, et l'engagement des collectivités. Monsieur Renaudie, vous avez d'ailleurs repris la phrase du Président du Sénat qui annonçait que la crise sanitaire avait vraiment montré la réactivité et l'agilité des collectivités territoriales face à un état défaillant. Je ne culpabilise pas ce dernier, mais son impuissance à être un acteur très opérationnel en période d'urgence.

Le Sénat a présenté cinquante propositions au Président de la République pour le plein exercice des libertés locales. Un certain nombre d'entre elles visait à consolider les compétences des collectivités. Plusieurs rapports ont été établis par nos collègues, dont le Président de la commission de l'aménagement du territoire. Nous engageons aujourd'hui des travaux pour prendre connaissance des initiatives qui existent ou qui sont possibles, et des blocages existants. Les lever permettrait de disposer de préconisations législatives relatives à la compétence et au champ d'intervention des collectivités en matière de santé, mais aussi d'aider les élus dans une conduite de projet efficiente. Nous connaissons tous sur notre territoire des élus extrêmement engagés, qui ont parfois construit des maisons de santé (MSP) dont les murs, les ordinateurs et les canapés existent, mais qui n'accueillent ni patients ni médecins. Ces projets, lancés avec beaucoup de sérieux, n'étaient pas partenariaux ou de territoire.

Je salue M. Valletoux, président de la fédération hospitalière de France et maire de Fontainebleau, qui doit nous rejoindre, ainsi que Mme Besse et M. Chéreau, coprésidents de la commission Santé de l'association des maires de France, et M. Renaudie, professeur de droit public à l'université de Paris 1 et auteur d'un récent article utile « Collectivités territoriales et compétences et matière de santé publique : sortir de l'ambiguïté ? ».

Que peuvent faire juridiquement les collectivités en matière de santé ? Quels éventuels verrous apparaissent de manière extrêmement précise, et comment les faire sauter pour une meilleure efficacité de l'action publique au dernier kilomètre ? Quelles sont les initiatives existantes ? Quelles perspectives de développement pouvons-nous envisager ?

Avant de vous laisser la parole, j'ai une proposition à soumettre à nos collègues. Lorsque nous avons annoncé cette mission, nous avions pressenti Philippe Mouiller, et Patricia Schillinger pour mener nos travaux. Nous souhaitons un lien très étroit avec la commission des affaires sociales, de façon à ce que ce travail soit le plus fructueux possible et qu'il enrichisse l'ensemble des structures du Sénat.

Avez-vous quelques avis ou commentaires sur cette proposition ? Je la soumets à votre approbation. Qui ne dit mot consent, je considère que les choses sont faites.

Je passe la parole à M. Renaudie pour que nous situions ce cadre juridique.

M. Olivier Renaudie, professeur de droit public à l'Université Paris 1. - Merci de votre invitation à participer à cette table ronde consacrée à ce sujet d'actualité sur lequel il y a beaucoup à dire. Les relations entre les collectivités territoriales et la santé me semblent marquées par une double ambiguïté. La politique de santé publique est aujourd'hui territorialisée, c'est le mot utilisé par le Code de la santé publique. Il y a été introduit par la loi Touraine de 2016. « Territorialisée » signifie au fond qu'elle est adaptée aux besoins de santé d'un territoire donné. Pourquoi cette territorialisation ? Deux motifs peuvent être avancés. L'inégalité dans l'accès au soin, tout d'abord, est apparue de manière criante lors de la crise sanitaire. De multiples facteurs démographiques topographiques et économiques sont à l'origine de situations contrastées. Certaines zones sont particulièrement bien dotées en personnel et en moyens sanitaires, tandis que d'autres sont qualifiées de déserts médicaux. Il est important de corriger ces inégalités par des outils locaux. S'y ajoutent les différences épidémiologiques susceptibles d'exister selon les territoires. Comme le montrent régulièrement les études menées sur le sujet, des différences peuvent porter sur le taux de mortalité ou la prévalence de certaines maladies. Elles conduisent à considérer que le lieu de résidence constitue un déterminant social de la santé, et qu'il justifie une approche sanitaire différenciée. C'est vrai en période normale. Ça l'est également en période de crise sanitaire. Dès lors qu'une territorialisation de la santé est mise en oeuvre, on pourrait penser que les collectivités territoriales en constituent les principaux acteurs. Il n'en est rien. Les territoires concernés par ce mouvement ne sont pas ceux des collectivités du même nom. Ce sont les lieux ayant été choisis par les organes centraux de l'État pour concevoir et appliquer la politique sanitaire. Autrement dit, la territorialisation de la santé est opérée non pas dans le cadre de la décentralisation, mais dans celui de la déconcentration.

Au-delà de cette ambiguïté, il en est une seconde qui mérite d'être relevé. Elle tient à ce qu'en apparence, les choses sont simples. Le Code de la santé publique affirme la politique de santé relève de la responsabilité de l'État. Deux motifs justifient cette compétence exclusive. Le premier est historique. L'évolution du secteur sanitaire est marquée par une appropriation progressive par l'État des questions sanitaires, notamment à la suite d'épisodes épidémiques. Le second, d'ordre juridique, n'est pas moins important. Selon l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946, la nation garantit à tous la protection de la Santé. C'est sur ce fondement constitutionnel qu'il revient à l'État d'assurer sur l'ensemble du territoire national l'égal accès au soin et l'égalité dans la distribution des soins.

Pour autant, la situation est plus complexe en pratique. En nous donnant la peine de voir derrière les apparences, nous ne pouvons que constater que les collectivités territoriales ne sont pas totalement exclues du champ sanitaire. La crise du coronavirus l'a confirmé. Les communes sont certainement les collectivités dont le rôle est le plus important en matière de santé. Rappelons que durant la période révolutionnaire, les questions sanitaires leur avaient été confiées. Bien sûr, leur statut d'échelon de proximité les conduit à exercer des pouvoirs en la matière. Je citerai deux compétences liées à la santé :

- au titre de ses pouvoirs de police administrative générale, le maire peut prendre toute mesure pour assurer la salubrité publique. Il lui appartient de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser par la distribution des secours nécessaires les accidents, fléaux calamiteux, maladies épidémiques ou contagieuses. C'est ce qui figure à l'article L.2212-2 du Code général des collectivités. Cependant, cette compétence est limitée par un certain nombre de polices administratives spéciales détenues par les autorités étatiques ;

- le service communal d'hygiène et de santé est placé sous l'autorité du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), qui exerce des attributions en matière d'hygiène de l'alimentation ou de l'habitat.

S'agissant des départements, ils constituent l'échelon essentiel du dispositif relatif à l'action sociale et médico-sociale. C'est à ce titre qu'ils exercent des compétences susceptibles d'intéresser la santé. Je citerai là aussi deux exemples :

- le service de protection maternelle et infantile, dont le conseil départemental est responsable et assure le financement ;

- la compétence du Président du conseil départemental à autoriser la création de certains établissements sociaux et médico-sociaux et à gérer certains établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Les régions constituent quant à elles une ambiguïté dans l'ambiguïté. Alors même que l'échelon régional a été promu comme le cadre principal de l'action sanitaire de l'État avec les ARS, le conseil régional dispose de compétences relativement modestes en la matière. Elles s'articulent autour de deux pôles :

- la prévention sanitaire : le conseil régional peut définir des objectifs particuliers en matière de santé, élaborer des programmes de prévention et d'information de certaines maladies ;

- la formation des professionnels de santé. Il est remarquable que le conseil régional soit en charge du fonctionnement et de l'équipement d'un certain nombre d'écoles et d'instituts, dont ceux qui forment les sages-femmes ou les préparateurs en pharmacie hospitalière.

Au-delà des compétences propres de chacun de ces trois échelons, le code général des collectivités leur laisse à tous la possibilité d'attribuer des aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé dans certaines zones.

Après avoir rappelé cette double ambiguïté, je crois nécessaire d'en sortir. Comment ? Sur la forme, il convient de réfléchir en même temps aux dimensions décentralisées et déconcentrées de la politique de santé publique. Ce serait une première. Jusqu'alors, nous avons toujours réfléchi d'un côté ou de l'autre, jamais ensemble. Sur le fond, je souhaite souligner trois éléments pour conclure.

D'abord, il convient à mon sens que le législateur stipule que la santé n'est pas une compétence exclusive de l'État, et qu'il précise le rôle de chacun. Il doit insister sur le fait qu'il existe en la matière une gouvernance, une coproduction, et que ces actions doivent être complémentaires pour être efficientes.

Il convient ensuite, organiquement ou fonctionnellement, de mieux associer les collectivités territoriales à l'action conduite par les ARS.

Enfin, je souhaite évoquer les métropoles, trop souvent oubliées. Dans le domaine sanitaire, la crise a démontré qu'elles pouvaient constituer un échelon pertinent, s'agissant de mesures telles que le confinement ou les vaccinations. J'ajoute à cela qu'en période normale, des initiatives tenant à la lutte contre les nuisances sonores ou à la qualité de l'air montrent le lien très important entre la santé et l'environnement. Voilà un duo qui mériterait d'être travaillé.

Mme Véronique Besse, co-présidente de la commission Santé de l'Association des Maires de France. - Merci d'avoir associé l'AMF, au sein de laquelle nous co-présidons la commission santé, à vos travaux très importants. Je suis maire des Herbiers, commune de 16 000 habitants en Vendée, et présidente de la communauté de commune du pays des Herbiers. Je rejoins les propos du professeur Renaudie quant aux difficultés que nous rencontrons sur le terrain. L'échelon local me semble pertinent pour tout ce qui touche à la santé. La crise actuelle nous montre que les maires appliquent les décisions du gouvernement dans l'urgence, et dans une certaine cacophonie. Souvent, nous recevons des circulaires à 18 heures le vendredi pour une application dans les écoles le lundi matin. Je pense que nous sommes de bons soldats. Personne ne se préoccupe pourtant de nos difficultés pour mettre ces mesures en oeuvre sur le terrain.

Durant la crise sanitaire, nous avons connu les problèmes de masques, de tests, et désormais celui des vaccins. Ma commune, comme beaucoup d'autres, dispose d'un centre de vaccination. Ce n'est pas simple. Le maire se trouvant au bout de la chaîne pour tous les problèmes de santé, il se doit de répondre à ses concitoyens, dans une certaine proximité.

L'échelon local est adapté à la santé, pour plus de proximité, puisque nous connaissons nos territoires, de réactivité - nous connaissons les lourdeurs administratives -, de bon sens. Parfois, les textes législatifs traitent tout le monde de la même façon. Prenons d'exemple de la fermeture des commerces non essentiels. La petite rue commerçante de ma commune est traitée de la même manière que les Champs-Élysées. Cela manque un peu de bon sens. Les maires et les présidents de métropoles et d'intercommunalités, avec leurs équipes, sont tout à fait aptes à innover, notamment dans le domaine de la santé. Nous demandons, en tant que maires, beaucoup plus de liberté. Nous sommes des élus responsables, et savons ce qui est bon pour nos territoires. Nous manquons aujourd'hui de liberté, en particulier en termes de santé.

Vous avez soulevé le problème des ARS, que nous développerons peut-être tout à l'heure. J'ai le sentiment, pour les côtoyer régulièrement, que nous sommes écoutés, mais pas entendus. Nous émettons des propositions et sommes parfois en colère, sans que rien ne change. Je souhaite que le préfet, dans les départements, ait beaucoup plus de latitude vis-à-vis de l'ARS. Leur couple ne fonctionne pas, en tout cas pas chez moi.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci beaucoup. Je profite de votre présence pour exprimer notre gratitude envers les maires et les élus, essentiels durant la crise sanitaire. Nous avons vu que lorsqu'un Président de la République souhaite que les écoles ouvrent, ce sont les élus locaux qui doivent s'en charger.

M. Frédéric Chéreau, co-président de la commission Santé de l'Association des Maires de France. - Madame la présidente, je me joins aux remerciements de ma collègue à votre égard. Merci de votre invitation et de l'attention que vous portez à ce sujet et à la position des élus locaux. Vous m'avez offert la possibilité de rencontrer de visu ma collègue Véronique Besse. Nous représentons l'un et l'autre l'ensemble des maires de l'AMF.

Le territoire du Douaisis est l'un des territoires de France métropolitaine affichant les indicateurs de santé les plus dégradés. Les déterminants de santé y sont détériorés (pollution industrielle, urbanisme compliqué, faible présence d'espaces verts) et certaines pathologies s'y retrouvent en nombre beaucoup plus important qu'ailleurs en France. La mortalité y est également 30 % supérieure à la moyenne nationale, à toutes les tranches d'âges.

Je me retrouve tout à fait dans les propos du professeur Renaudie, qui a souligné que la santé était une compétence exclusive de l'État. Quand bien même nous ne souhaitions pas nous y intéresser, en réalité cette question de la santé nous revient en permanence. La santé constitue le troisième sujet pour lequel nous sommes sollicités, après le logement et l'emploi. En réalité, ces trois sujets sont souvent concomitants et liés, en raison de problèmes de handicap par exemple. Les habitants nous contactent car ils n'ont plus de médecin traitant. Nous rencontrons également, souvent la nuit, des problèmes de santé mentale. Évidemment, lorsque nous examinons toutes les problématiques d'une personne pour essayer de l'aider à se réinsérer, la santé est toujours l'un des déterminants, l'un des problèmes non traités. Dans nos écoles, nous rencontrons également des problèmes d'allergies, de handicap ou autre.

Les conseils de surveillance des hôpitaux sont les seuls endroits où les élus locaux sont invités de droit à participer aux questions de santé. Je n'entrerai pas dans le détail des groupements hospitaliers de territoire, sur lesquels j'ai quelques questionnements. Je pense que le zonage n'est pas toujours très confortable et pertinent.

Nous militons pour une approche territoriale, globale et systémique de la santé, où les élus pourraient financer des maisons de santé, aider l'installation de professionnels de santé, travailler sur le lien ville-hôpital. J'ai eu l'occasion de le mettre en place dans le Douaisis. Les médecins hospitaliers et de villes s'apprécient, mais se méfient parfois les uns des autres. Ces deux mondes ne savent pas toujours travailler ensemble. Tout fonctionne beaucoup mieux en présence du catalyseur élu.

L'approche systémique de la santé, c'est aussi s'intéresser au halo entourant ce coeur strictement sanitaire : le lien avec les services locaux du département, avec nos ateliers santé ville, avec nos associations de prévention... L'importance des contrats locaux de santé est ici à souligner. Cet outil n'est pas encore généralisé en France. Il devrait l'être. N'oublions pas les déterminants de santé au sens large, sur lesquels les collectivités sont également aux premières loges : alimentation dans les écoles, espaces verts, sport, qualité du logement, air, bruit... L'approche est très différente d'un territoire à l'autre. Un regard local est de ce fait absolument essentiel au travers de ce que nos schémas de cohérence territoriale (SCoT), nos EPCI et nos communes peuvent construire. Cette approche des déterminants est majeure. Les principales pathologies que nous rencontrons aujourd'hui sont des pathologies de société, de mode de vie ou environnementales. Je parle ici du diabète, de l'insuffisante cardiaque, de l'obésité et autres pathologies liées au vieillissement. Elles ne se traitent pas avec le SAMU, mais par la compréhension du mode de vie de la personne et son accompagnement au long cours.

Nous avons le sentiment que le modèle très national, centralisé et hospitalo-centré, qui a eu son heure de gloire et qui fut nécessaire à un moment, arrive à sa limite. Il doit trouver un second souffle. Resté concentré sur l'hôpital et les urgences coûte cher. Certaines personnes se retrouvent aux urgences alors qu'elles ne devraient pas y être. Les hôpitaux se plaignent que leurs urgences sont surchargées, mais elles constituent leur apporteur d'affaires principal.

Ces biais existent. Je n'accuse pas les individus, mais le système qui les génère. Lié à ce système très hospitalo-centré, celui des ARS, elles aussi très centrées sur l'hôpital, est un peu à bout de souffle. Nous défendons un modèle territorial fondé sur la prévention, le repérage, l'accompagnement. Les élus peuvent parfois être accusés de réclamer toujours plus de moyens, et d'être un peu dépensiers eux-mêmes. En réalité, un modèle visant davantage à empêcher les gens d'être malades plutôt qu'à soigner leurs pathologies dans l'urgence ne coûte pas plus cher.

Je vous exposerai plus en détail, si vous le souhaitez, une expérience que nous menons dans le Douaisis, mais aussi dans les Deux-Sèvres et les Cornouailles. Il s'agit de la responsabilité populationnelle. Aujourd'hui, des outils comme les big data permettent de travailler beaucoup plus finement sur le suivi des maladies que sont notamment l'insuffisance cardiaque et le diabète, en les repérant à l'avance et en proposant un accompagnement via les médecins traitants, permettant aux malades de vivre avec leur pathologie et de la stabiliser.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Au sein de la chambre des territoires, nous sommes persuadés que les élus locaux sont des inventeurs de solutions, et parfois des chefs d'orchestre, dans un champ de compétences ou de service aux habitants très vaste, notamment dans le domaine de la santé. Le maire incarne la république de l'égalité de droit et de liberté jusqu'au dernier kilomètre. Il doit inventer des solutions.

Monsieur le Président Valletoux, je vous remercie chaleureusement de votre présence. Je sais que votre temps est précieux. Pour resituer, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est une structure de réflexion, de prospection, d'analyse de diagnostic qui s'intéresse à l'efficacité de l'action publique dans tous les champs de compétences, y compris celles qui ne sont pas données et devraient l'être. Nous sommes en amont du travail des commissions spécialisées et thématiques, et pouvons nourrir leurs travaux et contribuer à procéder à des avancées législatives quand elles sont nécessaires, en association très étroite avec nos collègues de la commission des affaires sociales.

M. Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France, maire de Fontainebleau. - Merci de m'accueillir à cette table ronde. Vous avez raison de vous interroger sur la place des collectivités locales et des territoires dans le devenir du système de santé. Si la crise nous révèle quelques évidences, la première relève de l'attachement des Français à leur système de santé. La seconde est que l'hôpital a joué son rôle de bouclier sanitaire avec l'ensemble des professionnels, quel que soit leur statut. La troisième est que cette crise a attaqué un système déjà malade et sujet à de nombreux dysfonctionnements. Nous ne ferons pas l'économie, en sortie de crise, d'un retour d'expérience, mais aussi d'une remise à plat du système de santé de manière à le pérenniser. Je n'aborderai pas ici les questions de financements, de gouvernance et d'opacité de fonctionnement, de montée en puissance d'un système s'étant largement bureaucratisé ces dernières années au détriment de la confiance envers les acteurs de terrain.

La crise a également révélé qu'il n'était pas possible d'agir sans les collectivités locales et les élus locaux, dès la première vague. Nous le constatons encore avec le déploiement de la campagne de vaccination. Je portais déjà cette conviction profonde avec ceux qui s'impliquent dans la fonction hospitalière de France, tant une association d'élus que d'hospitaliers. Son Conseil d'administration est composé d'un tiers d'élus, un tiers de directeurs d'hôpitaux et un tiers de médecins hospitaliers. Toutes les composantes de ceux qui font la santé publique dans les territoires y sont ainsi réunies. Nous avions déjà tous la conviction profonde que l'avenir de notre système de santé passait par une réforme valorisant une approche par les territoires.

En nous intéressant aux grands champs de l'action publique, il est frappant de constater la modernisation de certaines structures publiques parmi les grandes politiques régaliennes. Je pense à tout ce qui concernait la politique, l'économie, les finances ou encore le système du Trésor. Seul le ministère de la Santé semble avoir échappé à ces réflexions. Les structures se sont complexifiées et bureaucratisées au fil du temps. Elles ont eu tendance à exclure les acteurs locaux plus qu'à ne les associer.

La France fait aujourd'hui face à une pénurie de médecins, qui devra encore été gérée pendant quelques années puisqu'il n'y a pas de génération spontanée de soignants. C'est peut-être son principal écueil. Si nous n'avançons pas vers un système valorisant les initiatives locales, baissant les barrières entre les professionnels de santé, quel que soit leur statut, incluant mieux les paramédicaux et les politiques de prévention, nous ne sauverons pas notre système de santé.

Nous avons pour enjeux de décloisonner et de favoriser l'approche par territoire, et de laisser les professionnels de santé imaginer les systèmes de prise en charge adaptés en lien avec les collectivités locales. Les données de santé du Douaisis sont bien différentes de celles de Fontainebleau, ou encore de la Nièvre. Nous attendons d'un système de santé, quelle que soit la qualité juridique de ses acteurs, qu'il réponde aux besoins de santé des Français et qu'il s'attaque aux maux des populations qu'il a à servir. Je rappelle qu'il est financé par l'assurance maladie, et donc par la cotisation des Français. Même les professionnels libéraux sont ainsi, d'une certaine manière, financés par de l'argent collectif. Ils doivent répondre, si ce n'est à des missions de service public, à des missions d'intérêt général. Les enjeux sont publics.

Dans les mois et années à venir, nous devrons faire travailler ensemble des personnes qui cohabitent plus qu'elles ne coopèrent. L'expérience de responsabilité populationnelle évoquée par M. Chéreau, initiée par la fédération hospitalière de France, est une démonstration par la preuve de ce que nous essayons de faire. Elle s'inspire du Québec, qui a réorganisé son système de santé sur le principe de la responsabilité populationnelle. Les professionnels de santé sont responsables de la prise en charge et de l'invention de réponses aux enjeux de santé publique. L'État en définit l'objectif, et les laisse libres de leur mise en place. Il évaluera ensuite la pertinence et l'efficacité des dispositifs proposés. Ce système ferait bien plus confiance aux acteurs du territoire. L'État serait repositionné dans la définition des grandes missions et des grands objectifs de santé publique. Le territoire serait capable d'accompagner les acteurs dans l'évaluation des dispositifs mis en oeuvre puisqu'il en est également le financeur global.

Nous expérimentons ce schéma autour de deux pathologies, l'insuffisance cardiaque et le diabète, dans cinq territoires : le Douaisis, la région de Troie, la Cornouaille, le territoire de Niort et Vesoul. Nous y travaillons depuis deux ans. Nous laissons faire les acteurs locaux pour inventer des solutions. Nous pourrons démontrer que la recherche en efficacité sur ces pathologies est passée par des voies différentes sur les territoires, puisque les forces en présence y sont différentes.

Je crois profondément en cette démarche, qui constitue une démonstration par la preuve qu'avec de la confiance, il est possible d'inventer des solutions adaptées aux besoins. Cela me semble être une belle illustration du rôle que les collectivités locales pourraient adopter demain. Ce système ne fonctionne que si les acteurs, présentant des intérêts divergents, sont entraînés et orchestrés par des élus fortement impliqués.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci beaucoup. Vous donnez une définition assez remarquable d'une compétence régalienne. L'État doit garantir un service et une équité. L'action a lieu sur les territoires, ensemble. Les élus locaux impulsent souvent le mouvement. Je salue ma collègue Élisabeth Doineau, venue expliquer dans mon département d'Ille-et-Vilaine à des maires voulant absolument disposer de maisons de santé pleines de médecins qu'ils ne réussiraient pas cette affaire seuls.

M. Philippe Mouiller. - Permettez-moi de vous remercier de nous avoir chargés, avec Patricia Schillinger, de ce rapport mobilisant beaucoup d'élus et concernant un enjeu extrêmement important pour nos territoires.

Vous êtes les premiers à débattre avec notre délégation. Un grand merci pour les informations et retours d'expérience que vous nous apportez. Lorsque nous avons préparé ces travaux, nous avons décidé d'aborder le sujet par deux aspects. D'abord, un aspect très pragmatique, qui est un peu l'essence même du Sénat. Nous nous appuyons sur des expériences. Vous avez listé un certain nombre d'initiatives. Je reste persuadé que c'est en nous enrichissant d'expériences, bonnes ou plus compliquées, sur des territoires portés par des collectivités et des partenaires de la santé, que nous pourrons tirer des enseignements et apporter des recommandations pour relayer les bonnes idées et bonnes pratiques. Ensuite, nous arrivons très vite sur des débats en matière de compétences, de police du maire, de capacités à faire, de réglementation. Très rapidement, le sujet de la compétence ou des compétences partagées devient essentiel. L'expérimentation nous permet certaines libertés. La généralisation nécessite toutefois un cadre réglementaire. Nous orienterons nos travaux selon ces deux approches.

J'aimerais revenir spécifiquement sur les enjeux concernant la police du maire, avec quelques exemples. La compétence de la commune en matière de santé publique est marquée par un paradoxe. Le maire est habilité à prendre toute mesure pour assurer la salubrité publique. Cette compétence se trouve souvent limitée par les dispositions législatives selon lesquelles les politiques de santé relèvent de la responsabilité de l'État. Je voulais connaître votre avis sur les ambiguïtés entre ces enjeux de santé publique et la responsabilité de l'État qui exerce pleinement ses compétences.

Ce paradoxe a notamment été illustré lors de la crise sanitaire. Je pense à l'arrêté du 6 avril 2020, par lequel le maire de Sceaux, Philippe Laurent, a lui-même rendu obligatoire le port du masque dans sa commune. Il lui a été demandé de faire machine arrière dans ses démarches, considérant que seules des circonstances impérieuses liées à des circonstances locales auraient permis la mise en place de cet arrêté. Cette décision limitait le pouvoir du maire.

Enfin, je veux vous faire réagir sur l'une des préconisations portées par la délégation aux collectivités. Il s'agit du souhait d'autoriser les communes à exercer un pouvoir réglementaire d'adaptation locale dans le cadre de la protection de la santé des administrés en cas de danger grave ou imminent, dans une logique de subsidiarité et de différenciation, notamment lorsque l'on considère que l'État n'est pas au rendez-vous. Cette idée pourrait devenir un sujet d'actualité dans les mois à venir.

Mme Patricia Schillinger. - Je m'associe naturellement aux propos précédents. Ce sujet est vaste et demande de nombreuses interventions pour nourrir ce rapport.

Depuis les années 1990, la santé publique a été marquée par un mouvement de territorialisation, entendu comme l'adaptation des politiques publiques aux spécificités des territoires. Elle n'a pas été opérée dans le cadre de décentralisations, mais dans celui de déconcentrations. Celle-ci a-t-elle selon vous produit les effets escomptés ? Ne doit-elle pas à présent s'accompagner d'un mouvement de décentralisation ? Ce dernier ne répondrait-il pas à une demande croissante de nos concitoyens pour une action de santé de proximité, beaucoup plus intense que ce que nous vivons sur certains territoires ?

Dans une volonté de simplification et d'amélioration des services rendus, le Sénat a proposé d'élargir les compétences des départements en tant que responsables des solidarités médico-sociales. Le pilotage des EHPAD et de la médecine scolaire leur a été confié. Nous avons interrogé des élus sur cette évolution, dans le cadre de la consultation en ligne.

Enfin, la communication de l'aménagement des territoires et du développement durable a publié en janvier 2020 un rapport d'information sur les déserts médicaux. Des initiatives ont été développées sur certains territoires, comme l'Aveyron ou le Doubs. Que pensez-vous des bonnes pratiques ? En connaissez-vous d'autres ? Quel est le principal obstacle auquel elles se heurtent ? Est-il d'ordre financier ou juridique ? Quels sont les bons échelons pour conduire de telles initiatives ?

M. Olivier Renaudie. - La crise a révélé la manière dont été envisagée l'articulation délicate entre l'exercice par le maire de son pouvoir de police administrative générale, a priori très vaste, et l'existence de très nombreuses polices administratives spéciales venant limiter son exercice. Un auteur en a dénombré plus de 300, créées par le législateur dans des domaines particuliers dans lesquels il a estimé qu'il était nécessaire de ne pas s'en remettre à la généralité des pouvoirs de police, mais de spécifier des pouvoirs particuliers. Ces dernières années, nous n'avons pu que constater qu'un certain nombre d'arrêtés municipaux de police se révélaient illégaux, car ils entraient dans le champ de ces polices administratives spéciales s'exerçant pour la plupart d'entre elles à titre exclusif. C'est ce qui s'est passé à Sceaux. Le maire considérait qu'il fallait porter un masque en centre-ville, au regard de la topographie de sa commune, de sa population, de la configuration des commerces. Il a eu raison, politiquement et sanitairement, mais juridiquement tort. La décision du Conseil d'État, qui a jugé cet arrêté illégal, est imparable. Elle pose toutefois problème car elle indique que l'arrêté aurait pu être légal à la condition que le maire fasse la démonstration de circonstances locales très particulières, et à la condition que cette décision ne remette pas en cohérence l'efficacité des mesures de l'État. Que voulons-nous ? Souhaitons-nous faire des maires des préfets sanitaires ? Quelle est cette idée de remettre en cause la cohérence des politiques de l'état ? Est-ce la décentralisation que la France a connue ? Cette décision est juridiquement parfaite. Pour autant, souhaitons-nous réduire les maires au statut de ceux qui mettent en oeuvre la politique de l'État sans jamais en sortir ? Ce n'est pas cela, la décentralisation. Dès lors que des élus locaux ont la possibilité d'exercer des compétences dans un cadre décentralisé, ils doivent le faire librement.

Le pouvoir réglementaire d'adaptation est un sujet cher à la délégation. Comment faire en sorte d'accélérer l'édiction des textes d'application des lois ? Comment faire en sorte que le pouvoir exécutif ne soit pas le seul à les prendre ? La matière sanitaire pourrait à mon sens constituer un très beau terrain d'expérimentations de ce pouvoir d'adaptation des textes législatifs, en essayant de confier aux collectivités territoriales la possibilité de prendre des mesures adaptées aux spécificités de leur territoire.

Mme Véronique Besse. - Je crois plus à la décentralisation qu'à la déconcentration en matière de santé. Je parlais de liberté tout à l'heure. Il faut nous laisser la capacité d'agir sur nos territoires. Nous sommes capables d'innover. Nous ne nous heurtons pas à des problèmes financiers, mais à des carcans juridiques, législatifs. Nous n'entrons pas dans les bonnes cases, donc nous ne pouvons pas agir. Il existe de nombreux dispositifs et initiatives, tels que les contrats locaux de santé. C'est très bien, mais la marge de manoeuvre est trop faible pour agir concrètement sur le terrain. Nous nous heurtons toujours aux ARS qui refusent de nous financer si nous n'entrons pas dans les normes. Je pense que les maires essaient tout de même d'agir avec bon sens au regard des attentes de leurs populations. Un certain pouvoir doit nous être laissé. Comme l'indiquait Frédéric, de nombreux sujets impliquant les maires ont trait à la santé, de la petite enfance au grand âge.

M. Frédéric Chéreau. - Selon mon expérience, il est préférable de regarder la pratique concrète et la capacité à exercer un pouvoir que de s'intéresser simplement à ce qui disent strictement les textes. Je l'illustrerai par trois exemples que je suis régulièrement amené à exercer :

- le logement, domaine où plusieurs sources de droit se croisent : dans les degrés les plus graves d'insalubrité du logement relevant théoriquement de l'ARS, ce sont les maires qui font tout le travail. Nos services communaux d'hygiène et de santé (SCHS) ou les associations mandataires se chargent des visites et de la rédaction des arrêtés. L'ARS intervient presque uniquement pour signer en bas de la feuille. C'est piloté de manière très locale. Nous aimerions dans certaines situations dégradées avoir un peu plus d'aide et d'ingénierie mise à disposition par l'ARS pour ne pas porter seuls la charge de situations si complexes ;

- la santé psychique : nous intervenons bien souvent lorsqu'une personne malade décompense. Il arrive que nous soyons appelés à 2 heures du matin un samedi par une personne dont le voisin de palier est nu sur le palier, hurlant et poussant des meubles, ou parce qu'un individu agresse des passants dans la rue. Souvent, la police nationale intervient dans ces cas-là. La nuit ou le week-end, il n'est pas simple pour le maire de mettre en oeuvre son pouvoir d'hospitalisation d'office. Les personnes en sortent généralement après trois jours, tant la psychiatrie publique est saturée ;

- l'ébriété sur la voie publique : si nous souhaitons donner suite à une interpellation, l'ébriété doit être constatée par un médecin. Il est déjà compliqué de constater un décès le dimanche. C'est encore plus ardu dans le cas exposé ici. La police envoyée aux urgences doit y attendre quatre heures. Elle n'y reviendra plus. Vous pouvez demander à un médecin retraité, pompier ou militaire, cela ne fonctionne jamais. La capacité pratique à mettre en oeuvre les textes pose souvent problème.

Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit concernant la déconcentration et la décentralisation. Le système des ARS trouve sa limite. Nos interlocuteurs sont les préfets, qui ont la double qualité de savoir parler aux élus locaux et d'en reconnaître la compétence, et d'être polyvalents. Ils croisent les sujets de manière transversale.

Sur des déserts médicaux, ne pouvons-nous pas envisager de concentrer les médecins, ressources rare et chère, sur les tâches avec la plus-value la plus forte, et de transférer quelques tâches aux infirmiers et pharmaciens dont nous ne manquons pas sur nos territoires ? Nous faisons même parfois face à des situations de trop-plein.

M. Frédéric Valletoux. - Pour répondre à une question posée plus tôt, je suis d'accord avec l'objectif de simplification de la gouvernance des EHPAD. Je vous alerte toutefois sur un point. La crise a montré que les établissements intégrés à des filières sanitaires s'en sont mieux sortis que les autres. La proximité avec l'hôpital a permis de disposer de médecins, mais aussi d'accélérer la prise en charge des résidents. L'enjeu de médicalisation de ces structures est majeur. Il est important de se demander si une départementalisation des EHPAD y répondrait, ainsi qu'à la bonne intégration dans les filières hospitalières. Déconnecter les EHPAD de la filière me semble un pari très risqué, notamment au regard de ce qu'a montré la crise.

M. Laurent Burgoa. - Merci de vos interventions qui vont enrichir notre réflexion. La plupart d'entre nous sortent d'une campagne électorale au cours de laquelle nous avons rencontré les maires de nos communes. Nous voyons fleurir des projets de maisons de santé pluridisciplinaires dans tous les secteurs. Ils sont lancés, ou vont l'être. Personnellement, je crains que nous connaissions une guerre de ces MSP dans les années à venir, surtout au vu de la pénurie professionnelle. Disposer des murs sans les médecins ne servirait à rien. Quelle est selon vous l'unité territoriale optimale pour réfléchir à ces implantations ? Ne pensez-vous pas que la santé est négligée dans un schéma directeur comme le SCoT ? Ne serait-ce pas, pourtant, un moyen d'implanter plus intelligemment ces MSP ?

M. Philippe Dallier. - Sur le sujet de la santé, comme sur d'autres, nous sommes souvent coincés entre le besoin d'une coordination plus ou moins grande, et même d'un chef de file, et la demande de plus de liberté des communes. Nous pouvons y voir une contradiction. En fonction de la nature du territoire, les réponses seront nécessairement différentes. Dans la métropole du Grand-Paris, le mastodonte qu'est l'APHP doit se coordonner avec les structures hospitalières privées, des départements qui s'occupent du médico-social, les communes essayant de tout gérer, mais faisant face à un problème de démographie médicale amené à s'aggraver. Nous observons le même phénomène qu'en province. Chaque commune essaie d'attirer les médecins dans son centre médico-scolaire (CMS) ou sa maison de santé, sans succès. La solution ne peut selon moi s'envisager qu'à une autre échelle, évoluant en fonction du territoire. Qui doit en être le coordonnateur ?

M. Frédéric Valletoux. - La France a perdu 6 000 médecins généralistes ces dix dernières années, et en perdra 6 000 autres dans les années à venir. Nous pouvons donc créer autant de MSP que nous le souhaitons, la donnée démographique l'emportera toujours.

Pour vous répondre, il n'existe pas de bonne échelle de création de MSP. Dès lors qu'il y a un projet médical et que des médecins sont prêts à s'engager, il est possible de construire des murs. Il ne sert à rien de les bâtir en espérant attirer des professionnels.

À Fontainebleau, nous avons créé une MSP ajoutant le label universitaire. Nous travaillons avec l'université Paris-Créteil et la faculté de médecine. J'encourage tout le monde à contacter les doyens d'universités pour leur vendre ce modèle. Labelliser ces maisons de santé permet à des médecins s'y installant d'avoir le statut de maître de stage. L'université s'engage à les nourrir d'internes en médecine générale, de manière à ajouter une dimension de parrainage et d'apprentissage à un projet de maison de santé simple. D'autres projets de ce genre ont été mis en place à Coulommiers ou vers Tours. S'ils ne résolvent pas tous nos maux, ils permettent d'entrer dans une autre dimension pour accueillir des jeunes médecins y trouvant eux aussi un intérêt.

Sur la question des bons échelons, il n'y a encore une fois pas de réponse unique. Ils peuvent varier aux quatre coins de la France selon la bonne volonté de chacun et selon l'état des forces médicales dans chaque territoire.

M. Frédéric Chéreau. - Comme indiqué précédemment, les MSP ne peuvent voir le jour sans médecin et sans bassin de patients. Concernant le pilote, je voudrais insister de nouveau sur la nécessité d'un rôle d'ensemblier affirmé pour les maires et les EPCI au niveau le plus local, dans le cadre de contrats locaux de santé et en dialogue avec l'hôpital et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Ces dernières constituent d'excellents outils pilotant d'une main de maître la vaccination. En montant d'un échelon, nous pouvons éventuellement esquisser une réflexion où le département serait davantage partenaire de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), avec un travail sur la médecine scolaire et de vie, tandis que la région pourrait dialoguer avec l'ARS (ou ce qui lui succédera) et le CHRU. Il est nécessaire de réfléchir à la manière de distribuer les surspécialités, les chefs de service et les investissements dans les hôpitaux d'une région. C'est selon moi une compétence de la région.

M. Rémy Pointereau. - Ma question porte sur l'éventualité d'une loi de décentralisation dite « 4 D » qui pourrait passer devant le Parlement. Comment pouvons-nous faire mieux fonctionner l'ARS, dont le fonctionnement est aujourd'hui largement décrié ? Comment imaginez-vous une décentralisation ? L'ARS, c'est aujourd'hui un peu « l'État dans l'État ». Elle passe au-dessus des préfets, c'est d'ailleurs ce qui pose problème. Comment faire en sorte que les collectivités, départements ou régions, soient associés plus largement à son fonctionnement ?

Mme Céline Brulin. - Je rejoins les propos de notre vice-président concernant la gouvernance de l'ARS et le rôle de coordonnateur des préfets. Les ARS avaient pour objectif, raté selon moi, de décloisonner le travail des différents acteurs de santé, en regroupant sept entités préexistantes. Pourquoi cela n'a-t-il pas fonctionné ? Quels peuvent être les leviers des collectivités locales pour travailler à une péréquation et une réduction des inégalités sociales et de santé ? Vous avez évoqué le rôle des régions. Elles ont un avis sur les projets régionaux de santé. Serait-il envisageable qu'il ne soit pas uniquement consultatif ? Vous mentionniez également la formation des professionnels de santé. C'est tout à fait vrai, mais ce sont les ARS et donc l'État qui décident des quotas de professionnels à former.

Nous observons un sujet de concurrence entre territoires dans le cadre de la pénurie que nous connaissons. Comment faire en sorte que celle-ci n'amplifie pas les déserts, mais au contraire qu'elle les résorbe ?

Mme Anne-Catherine Loisier. - J'aimerais connaître le sentiment des intervenants sur les capacités d'invention et d'initiative de certaines collectivités conduisant parfois à salarier des médecins. Je l'observe de plus en plus en Bourgogne, ce qui pose quelques questions en matière de surenchère et de morcellement des stratégies locales. Que pensez-vous de ces initiatives ? Comment pouvons-nous préserver une certaine cohérence dans l'accès aux soins ?

M. Olivier Renaudie. - Il me semble qu'il n'est possible pour une collectivité de soutenir financièrement l'installation d'une maison de santé qu'à la condition de se situer dans un territoire déterminé par l'ARS comme nécessitant la création de ce type d'établissements dans le cadre du schéma régional d'organisation des soins établi par l'ARS, très déconcentré. C'est une forme de contrôle. Nous pourrions tout à fait imaginer que les collectivités soient beaucoup mieux associées à l'élaboration du schéma, document de planification stratégique fondamental établi par les ARS, peut-être de manière trop isolée.

Le SCoT est quant à lui un formidable outil qui doit contenir un volet sanitaire. Ce n'est pas tout à fait le cas aujourd'hui. Au regard de sa portée juridique, le renforcer dans le domaine de la santé me semble être une excellente idée. Je crois savoir que la métropole du Grand Paris est en train d'élaborer son SCoT. Il pourrait comporter un tel volet.

En effet, le constat selon lequel les élus locaux doivent mieux être associés au fonctionnement des ARS est partagé. Cette action doit-elle passer par la modification du Conseil d'administration et de surveillance de celles-ci, ou par une coprésidence avec l'échelon régional ? Ce type de situations doit être envisagé. Je crois qu'au-delà de ces aspects organiques, c'est dans l'élaboration des documents réalisés par l'ARS, parfois négligés, que les élus doivent être représentés pour porter la voix de leurs territoires.

Mme Véronique Besse. - Le délégué départemental de l'ARS doit avoir plus de pouvoir. Il n'en a pas aujourd'hui. Il ne peut rien dire. Le préfet doit être le patron. Tous les niveaux des collectivités doivent être présents dans la gouvernance des ARS pour avoir un certain contrôle et pour mieux comprendre ce qui est mis en place.

M. Fabien Genet. - Lorsque j'étais maire de Digoin, commune de 8 000 habitants ayant vu ses médecins disparaître en quelques mois, l'ARS et l'ordre des médecins sollicités par les digoinais n'ayant plus de médecin traitant ont renvoyé ces patients vers une autre commune. Dans l'actuelle répartition des compétences, l'État est responsable des politiques de santé. Lorsqu'il est défaillant, comment engager sa responsabilité ? Cela permet-il aux acteurs locaux d'intervenir ? Le conseil départemental de Saône-et-Loire vient de lancer un centre départemental de santé salariant des médecins généralistes, et bientôt des médecins spécialistes, au motif qu'il n'y avait plus de médecin traitant ou coordonnateur dans un certain nombre d'EHPAD sous sa responsabilité.

Je terminerai mon propos sur une réflexion un peu provocatrice. Ayant vécu cette situation de pénurie sur le terrain, je me demande si nous ne nous trompons pas de solution. Au lieu de nous interroger sur le meilleur échelon pour gérer cette pénurie, ne devrions-nous pas nous considérer qu'il faut désormais organiser un concours de médecin généraliste avec obligation d'installation ? Nous avons vu naître ces propositions dans les années 2020. Il nous était répondu à l'époque qu'il ne fallait pas aller dans cette direction car former les professionnels nous demanderait trop de temps.

Mme Michelle Gréaume. - Monsieur Chéreau, merci d'avoir dressé une description réaliste de mon département. Je vous rejoins sur le fait que la santé est une compétence de l'État, qui ne doit pas mettre en danger celle de ses concitoyens. En effet, les indicateurs sociaux démographiques démontrent la fragilité sociale qui caractérise les Hauts de France, avec l'indicateur de mortalité le plus important de l'ensemble du territoire. Malgré les efforts des élus pour mettre en place différentes actions, telles que des locations de bureaux et des médecins rémunérés par les maires, des arrêtés divers ou des actions sur la santé, leurs compétences sont limitées. Faisons attention aux transferts qui ne leur incombent pas. Les actions ne peuvent selon moi venir qu'en complément des réponses apportées par l'État sur le manque de professionnels de santé et de structures, notamment dans le nord qui assiste à une fuite vers la Belgique. Le manque de matériel allonge anormalement les délais d'attente pour les examens. Ces facteurs occasionnent des surcoûts et dépassements d'honoraires, mais très peu de prévention. De ce fait, trop de personnes ne se soignent plus.

M. Bernard Delcros. - Je partage les propos de Mme Besse visant à donner plus de prérogatives au local. Pouvez-vous nous préciser les mesures concrètes à prendre pour y arriver ? Je souhaite également revenir sur les difficultés d'accès aux soins de premier recours dans certains territoires, contribuant à la saturation des urgences. Quelles sont selon vous les raisons de la baisse du nombre de généralistes ? S'agit-il du numérus clausus ou d'un désintérêt pour la profession ? Enfin, les initiatives prises en matière de salariat peuvent-elles constituer une solution appropriée ?

Mme Sonia de La Provôté. - J'aimerais connaître votre point de vue quant à la complexité organisationnelle de la santé, notamment au niveau national. Elle a été mise en lumière lors de la crise. La multiplicité des intervenants nationaux induit également une complexité dans la transmission des ordres et de l'organisation sur le terrain. N'y voyez-vous pas une première opportunité pour rendre plus lisibles les politiques de santé ? Je pense notamment à la CPAM, dont nous avons besoin de connaître le rôle réel.

La compétence santé devrait-elle selon vous être partagée ou répartie en fonction des échelons ? L'idée de chef de file pourrait-elle se dessiner sur certains secteurs de la santé ? Qui pourrait s'en charger ?

Vous avez évoqué la planification et l'aménagement du territoire de l'accès à la santé ? Imaginez-vous des schémas qui s'articuleraient comme des poupées russes entre les différents acteurs pour co-construire des politiques opérationnelles et complémentaires pour mieux gérer les moyens collégialement ?

M. Frédéric Valletoux. - Il n'y a pas de fatalité à la pénurie de médecins. Elle résulte des politiques publiques conduites pendant des années. Nous ne manquons pas de pharmaciens ou d'infirmiers. Le sujet de fond réside plutôt dans la manière dont la médecine a été abordée et organisée en France. Nous sommes l'un des rares pays organisant à partir de financements publics la cohabitation d'acteurs sur lesquels pèsent des droits et des devoirs très différents. Le fonctionnement des ARS était tout à l'heure pointé du doigt. N'oubliez pas qu'elles n'ont pas la main sur l'ensemble des acteurs de santé, mais uniquement sur les acteurs publics. Les libéraux suivent leur propre mode de fonctionnement sans toujours être parties prenantes de l'intérêt général. Je suis moi-même critique vis-à-vis des ARS, mais ne les accusons pas de tous les maux. Le système est organisé de telle manière à ce qu'elles ne puissent pas agir sur tous les leviers.

Nous avons organisé la pénurie de médecins durant des années. Nous réalisons sans doute que c'était un choix stratégique produisant des effets que nous vivons et subissons tous. Si nous voulons assister à un changement, il suffit d'opérer le contraire et de remettre la question des droits et obligations de chacun au centre du débat. Il n'y a pas de questions taboues en médecine. Le Président de la République a indiqué que 30 % des dépenses de santé en France étaient sûrement inutiles. Leur régulation est un sujet important, qui nous permettra peut-être de nous interroger sur la place de chaque acteur dans le système.

M. Olivier Renaudie. - Si je pense que tout est envisageable, je ne suis pas certain que ce soit sur le terrain de l'engagement de la responsabilité de l'État dans l'organisation des soins qu'il faille s'engager. Les réactions des collectivités face à la pénurie n'ont d'ailleurs pas été d'engager des procédures juridiques, mais d'agir en finançant des MSP ou en salariant des médecins. Le parlement me semble d'autant plus légitime à réfléchir à ces questions que la santé n'est pas une compétence régalienne. Rappelons que sous l'ancien régime, ce n'était pas l'État qui s'intéressait à ces questions. Sous la révolution, c'est vers les communes que l'on se tournait. Ce sont bien les ordres religieux, puis les collectivités qui se sont penchées sur la question. L'État est intervenu plus tard. Nous touchons donc ici à une appropriation récente d'un secteur par l'État. Il est d'autant plus légitime aujourd'hui d'affirmer que celui-ci ferait l'objet d'une gouvernance ou de compétences partagées. Nous pouvons nous inspirer d'autres domaines de politiques publiques comme l'environnement ou l'urbanisme, où certaines collectivités, chefs de file, permettent à des collectivités infrarégionales d'inscrire leurs actions dans le cadre de schémas. En termes de santé, nous pourrions imaginer l'élaboration de schémas co-produits par les ARS et les conseils régionaux, dans le cadre desquels des initiatives de collectivités infrarégionales pourraient être autorisées et encouragées.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci beaucoup. Nous observons dans la richesse des questions l'importance et la complexité du sujet. En France, nous adorons les schémas un peu simples. Nous avons vu dans des lois territoriales ayant trait aux compétences, mais ayant pour seul objet l'efficacité de l'action publique, que nous essayions de trouver des réponses simples compliquant finalement la situation.

Je rappelle que cette table ronde n'était que l'introduction d'un débat et d'une réflexion. Naturellement, les uns et les autres seront largement auditionnés par nos deux rapporteurs. Les collègues ayant eu la gentillesse de participer à cette séance peuvent poursuivre leurs interrogations par le biais de questions écrites.

En conclusion, nous avons une obligation de résultat en matière de santé. C'est une préoccupation pour l'ensemble des Français, et ce jusqu'au dernier kilomètre. L'État doit être garant de cette égalité de droit en accès. Il ne peut toutefois pas être le seul interlocuteur. Il en existe un ensemble, avec des intelligences partenariales et une intelligence territoriale. Les échelles d'intervention sont sans doute différentes lorsque l'on parle de médecine de proximité ou de médecine hospitalière. Nous ne pouvons pas réfléchir à la politique de santé sans intégrer dans la boucle les acteurs que sont les élus locaux, qui doivent rendre compte à leurs concitoyens. Le maire, l'EPCI, le département et les régions sont ceux qui insufflent et qui font bouger les choses.

Merci beaucoup de la richesse de nos débats.

Examen du rapport d'information sur le Grand Paris, de MM. Philippe Dallier et Didier Rambaud

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je remercie notre collègue Didier Rambaud, qui a accepté de prendre le relais dans cette mission engagée par Jean-Marie Bockel, et Philippe Dallier, contributeur reconnu sur le sujet, pour apporter son « regard de provincial » sur un sujet de haute importance, qui concerne Paris mais aussi la France.

Depuis la création de la métropole du Grand Paris et l'instauration des nouvelles lois d'organisation territoriale, un diagnostic d'insatisfaction assez unanime a été observé auprès des acteurs de cet espace parisien lors de l'examen de la loi « Engagement et proximité ». L'exigence d'efficacité publique portée par chacun des acteurs n'est pas satisfaite. Sébastien Lecornu, alors ministre chargé des Collectivités territoriales, avait clairement annoncé être chargé par le Président de la République d'une mission sur le Grand Paris, et que des dispositions seraient proposées et discutées.

Dans le cadre des cinquante propositions formulées par le Sénat et l'ensemble des groupes politiques, au sein du groupe de travail créé par le Président du Sénat, figurent une réflexion et un engagement à mettre en oeuvre les évolutions qui s'avéreraient nécessaires. Le rapport que vous rendez aujourd'hui est éminemment attendu. Il s'agit d'une contribution extrêmement positive à la réflexion en vue de l'évolution que chacun appelle de ses voeux.

M. Didier Rambaud. - Après une première communication d'étape le 4 février dernier, et un débat en séance publique le 9 février, nous vous présentons aujourd'hui notre rapport sur la gouvernance du Grand Paris. Nous avons mis à profit les deux tables rondes organisées en 2020, réunissant des personnalités qualifiées, mais non politiques, dont Roland Castro, et les trois chefs d'exécutifs locaux principalement concernées : la Maire de Paris, la Présidente de la région, le Président de la métropole. Nous avons ensuite entendu des élus locaux représentant des échelons des collectivités différents, ainsi que l'ancien et l'actuel préfet de Paris et de la région Ile-de-France. Nous avons ainsi été exposés à une certaine hétérogénéité des points de vue, allant du renforcement de la métropole à sa suppression pure et simple. Au lieu de promouvoir un scénario, nous avons choisi de vous présenter une démarche exposant les questions structurant le débat autour d'un triptyque « périmètre-moyens-compétences ». Cette démarche propose une grille de lecture pour évaluer les différentes typologies de scénarios avec leurs avantages et inconvénients, et un calendrier tenant compte des prochaines échéances électorales.

Le Grand Paris est la métropole française dans laquelle les disparités de revenus sont les plus fortes. Ces inégalités sociales se sont aggravées entre 2001 et 2016. Les écarts de revenus ont continué de croître par rapport à la moyenne régionale dans 56 % des communes de la métropole, alors que seulement 10 % les ont vus se réduire. Ni le lancement du projet de transport du Grand Paris express, ni les projets d'urbanismes liés, ni la création de la métropole ou le renforcement des dispositifs de péréquation pour le bloc communal n'ont permis d'inverser cette tendance lourde. La mutualisation des compétences et des moyens est insuffisante. La gouvernance, trop complexe, est inefficace. Malgré près de 3,6 milliards d'euros de recettes, la métropole ne disposait que d'un budget propre de 206 millions d'euros pour 2019, dont 42 millions d'euros de fonctionnement et 164 millions d'euros d'investissement, dont seulement 54 millions d'euros étaient consacrés au fonds d'investissement métropolitain. Depuis 2016, les dépenses de ce fonds s'établissent à 28 millions d'euros par an en moyenne. Cette métropole est en quelque sorte un nain budgétaire à l'heure actuelle. Je peux le confirmer si je le compare au budget du département de l'Isère, dont je suis un élu.

Les flux financiers entre métropoles, communes et établissements publics territoriaux (EPT) représentent toujours près de 98 % des recettes et dépenses de cette métropole. Le modèle transitoire de partage du produit des impôts économiques entre la métropole et les EPT prévoit en 2023 la disparition de toutes recettes fiscales pour ces derniers, mais aussi de leur dotation d'intercommunalité. Il n'est aujourd'hui plus soutenable.

La complexité du modèle de gouvernance et de répartition des moyens contraste avec ses compétences limitées, exercées de manière croisée avec d'autres acteurs territoriaux et l'État. La métropole dispose de cinq compétences obligatoires, et de trois compétences partagées avec les EPT. Bien qu'elle soit aujourd'hui celle des maires, la complexité du modèle communes-EPT-métropole auquel se superposent les départements et la région rend illisible pour les citoyens la répartition des compétences. Il en résulte un déficit de légitimité démocratique, qui entrave la capacité à agir des élus qui n'ont pas été portés à ces fonctions sur la base d'un programme. La gouvernance partagée, sans majorité ni opposition, à l'échelle de 7,2 millions d'habitants, peut-elle être un modèle efficace ? Cette métropole du Grand Paris peine à traiter des questions qui fâchent sur le logement, la solidarité entre les territoires ou encore les plans de circulation. Ainsi, ni le schéma de cohérence territoriale (SCoT), ni le plan métropolitain de l'habitat et l'hébergement (PMHH) n'ont encore été adoptés, alors que c'est le cas dans la plupart des territoires français.

Nous pouvons ainsi affirmer que le système institutionnel actuel n'est pas satisfaisant.

M. Philippe Dallier. - Je remercie Didier Rambaud d'avoir accepté de s'intéresser au sujet. Il devient le spécialiste provincial de la question de la métropole du Grand Paris. Ce sujet est complexe et doit être pris à bras le corps pour être compris.

En 2008, pour l'Observatoire de la décentralisation du Sénat, j'avais rendu un rapport proposant une solution pour la petite couronne. Nous ne sommes plus dans cette optique. Aujourd'hui notre rapport ne propose pas une solution, mais dresse un état des lieux des grandes solutions évoquées par les uns et par les autres. Il pointe leurs avantages et inconvénients, sans décider laquelle est à mettre en oeuvre. Nous avons voulu poser le débat et proposer une méthode. Celle-ci s'appuie sur un constat simple : pour trouver le bon scénario, il faut l'aborder par l'angle des compétences, du périmètre et des moyens. C'est à notre sens la seule méthode permettant de parvenir à la meilleure solution, ou du moins la moins mauvaise.

Nous avons retenu cinq scénarios, voire six puisqu'il y a une variante. Il est bien évident que la diversité de propositions est plus large encore, mais nous couvrons 90 % des suggestions évoquées. Il ne peut, selon nous, y avoir de métropole sans mutualisation des moyens et de la richesse fiscale.

Le premier schéma du rapport présente les 5 principaux scénarios. Je commencerai par ceux qui s'appliquent à la zone dense. Nous nous en sommes tenus à la petite et grande couronne, sans imaginer de périmètre intermédiaire, bien que certains nous y aient poussés lors de nos auditions.

Si nous nous en tenons au périmètre actuel de la métropole du Grand Paris, la première solution serait un simple pôle métropolitain. Donc un simple objet de coordination des politiques sans véritable mutualisation des moyens ou un syndicat mixte auquel adhéreraient les communes, les EPT redevenus EPCI et les départements. Il n'aurait pas pour vocation d'exercer des compétences ou de partager la richesse économique, mais aurait le mérite d'exister pour examiner en commun les problématiques de l'espace concerné, sans véritable pouvoir d'action. Nous qualifions cette métropole de « faible », si tant est que nous puissions la qualifier de métropole.

La deuxième solution est qualifiée de métropole intermédiaire, avec une mutualisation limitée. La métropole du Grand Paris actuelle intégrerait les EPT comme des échelons administratifs déconcentrés. C'était un peu l'esprit initial de la loi, lorsque Marylise Lebranchu, alors ministre de la Décentralisation, avait présenté son premier projet. Les EPT n'avaient, à l'origine, pas vocation à avoir la qualité de personnalité juridique ou à percevoir des recettes fiscales. Après discussion avec le Parlement et les élus locaux, nous avions mis en oeuvre une solution unique en France, la métropole étant un EPCI et les EPT ayant été créés en conservant les contributions foncières des entreprises, dans un régime transitoire qui devait se terminer en 2021. Ce terme a été repoussé de deux ans.

Cette solution consisterait à pousser la logique initiale du texte de Marylise Lebranchu en indiquant que les EPCI deviendront des échelons déconcentrés de la métropole dès lors qu'ils auront perdu leurs recettes fiscales. Elle ne pose pas la question des départements de petite couronne. Ils restent en place en assumant leurs compétences, qui sont importantes pour le financement des politiques sociales. Celles-ci pèsent lourd, notamment en termes de lutte contre la ségrégation territoriale.

Sur la zone dense, une solution de métropole forte consisterait à renforcer la mutualisation en intégrant les départements qui deviendraient des échelons déconcentrés de la métropole du Grand Paris. Dans ce cas, nous constaterions une concentration du pouvoir et des moyens, les budgets des départements de Paris et de la petite couronne remontant à la métropole avec un réel effet péréquateur pour financer les politiques sociales. L'impôt économique serait également concentré au niveau de la métropole. Dans cette solution, une variante concerne la modification du statut des EPT. Nous n'avons pas tranché cette question. En tout état de cause, nous aurions ici une métropole forte, puisque tous les impôts économiques et les ressources des départements, droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et TVA, lui remonteraient.

Au niveau régional, la quatrième solution serait une métropole faible ou intermédiaire. Elle consisterait à porter la métropole au niveau de la région et à la couvrir d'EPCI en grande et petite couronnes, coordonnées par la région métropole. Dans ce cas, l'impôt économique resterait au niveau des EPCI. La région métropole coordonnerait des politiques sans disposer de moyens budgétaires lui permettant d'agir fortement. Cette solution est mise en avant par la présidente de la région. Elle ne crée pas, à notre sens, de métropole forte.

Enfin, la cinquième solution concerne une région métropole ultra-puissante dont tous les départements de la région Ile-de-France deviendraient des échelons déconcentrés. Toutes leurs ressources remonteraient au niveau métropolitain, tout comme l'impôt économique. Nous y pointons une complexité assez importante avec un « monstre » technocratique à l'échelle de 12 millions d'habitants. Cette solution avait été étudiée, parmi d'autres, par le préfet Michel Cadot, dans sa mission de conseil auprès du Président de la République. Il semble intéressant de la faire figurer dans ce rapport. Les EPT deviendraient des EPCI, couvrant totalement la région.

Il existe certainement d'autres solutions, plus anecdotiques ou non évoquées par nos interlocuteurs.

Le deuxième schéma figurant dans le rapport présente ces différents scénarios selon leur degré de simplification du modèle actuel, auquel on reproche sa complexité et son illisibilité. La simplification ne réglera pas tous nos problèmes, mais la question est posée.

On observe plusieurs solutions permettant la suppression d'un échelon territorial, voire de deux échelons. Cette simplification est obtenue lorsque les départements ne sont plus que des échelons déconcentrés de la métropole, et quand les EPT ne sont pas des EPCI.

Le projet de loi « 4D » ne devant pas comporter de chapitre sur la métropole du Grand Paris, quel pourrait être le calendrier nous permettant de prendre une décision ? Je ne crois pas à un texte en 2022, en raison des élections présidentielles. Je l'imagine plutôt en 2023. Il nous faudra donc gérer la période intermédiaire car les EPT et la métropole sont aujourd'hui sur la sellette. Cette dernière pourrait se trouver en grande difficulté avec la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) après la crise sanitaire. Cette phase transitoire s'étendra de 2023 à 2026 ou 2027. À l'évidence, toute modification législative ne pourrait se mettre en place qu'à l'échéance des prochaines élections municipales ou régionales l'année suivante.

Ce calendrier nous laisse un peu de temps de réflexion. Nous sommes un peu à la croisée des chemins : soit l'élection présidentielle constituera pour les différents candidats une occasion de s'exprimer sur le sujet, soit nous revivrons l'occasion manquée de 2017. Depuis, Emmanuel Macron n'a pas été en mesure de mettre en oeuvre les actions fortes qu'il avait à l'époque évoquées. J'ose espérer que des solutions émergeront en 2022, et surtout qu'elles prendront une forme législative en 2023 pour une mise en oeuvre en 2026 ou 2027.

Mme Françoise Gatel, présidente. - La situation actuelle ne satisfait personne. Cette réforme est compliquée, en raison des points de vue différents et du contexte très particulier de cet espace géographique et de ses fonctions nationales. Les échéances électorales nous empêchent toujours d'oser. La manière dont vous avez abordé ce sujet me semble ramener un peu de sang-froid et d'analyse dans la réflexion. Nous en avions besoin. Vous êtes partis de la question qui me semble pertinente, à savoir l'objectif d'efficacité tout en conciliant la proximité. Le principe de subsidiarité impliquant la gestion de la bonne compétence au bon endroit reste vrai. S'y ajoutent une réflexion sur les compétences - les placer avant les outils aide à bien réfléchir - le périmètre et les moyens. Votre grille propose des scénarios couplant obligation de résultat, compétences et outils. L'intérêt de ce travail est incontestable, quels que soient les points de vue des uns et des autres. Il doit nous permettre d'avancer dans ce calendrier. Un débat au Sénat a récemment porté sur ce sujet. La ministre elle-même a indiqué qu'il n'était pas question de l'intégrer dans le projet de loi « 4 D », mais qu'il nous fallait tout de même avancer dans nos travaux. Le Sénat remplit ici pleinement son rôle de contributeur ouvert, raisonné et raisonnable.

Je souhaite que nos collègues de province s'emparent de ces réflexions pour nous aider à avancer.

M. Philippe Pemezec. - Il faudra un jour trouver un moyen d`intéresser tous nos collègues à nos préoccupations, qui les concernent d'une manière ou d'une autre. Il est dommage que la région concentrant le plus de population et de richesses ne suscite pas plus de participation à notre réunion.

Je suis un peu inquiet de l'état financier de notre pays. Nous ne pouvons pas continuer à dépenser l'argent comme nous le faisons actuellement. Cinq strates représentent un gâchis terrible. Nous devons absolument aboutir à une simplification. Je crois que les propositions doivent être envisagées au regard d'une gestion financière plus cohérente, saine et économe. Dans notre réflexion, nous devons également nous intéresser aux éléments préexistants. Le département est très efficient et a bien fonctionné. Il serait dommage de le faire disparaître. Devons-nous en déduire qu'il faudrait d'abord supprimer les strates récentes n'ayant pas encore eu le temps de trouver leur consistance ? Les EPT ne fonctionnent pas très bien de manière générale, ou en tout cas pas à la satisfaction des élus en faisant partie. La métropole n'a quant à elle pas trouvé son rythme de croisière. Elle a peu de moyens. C'est peut-être simpliste, mais je plaiderais plutôt pour la suppression des EPT et de la métropole. Vous me direz que c'est passéiste de revenir à un système préexistant, et que cela ne donne pas le sentiment d'aller de l'avant. Je pense toutefois que coupler la métropole et la région nous permettrait de faire une économie de strates. Nous pourrions assez facilement remonter les compétences de la première vers la seconde, avec une certaine cohérence.

Je souhaite que la commune soit placée au coeur du système. Nous devrions lui redonner toutes les compétences, avant d'en faire remonter certaines vers le département et la métropole par subsidiarité inversée. Le schéma de cohérence générale ou les grands choix stratégiques reviennent peut-être plus à la région métropole. Le département avait jusqu'à présent une vocation sociale affirmée. Ne pouvons-nous pas lui donner d'autres compétences, ou mieux les répartir entre la région métropole et les communes ?

La crise a illustré le rôle majeur des communes, en témoigne leur rôle pour la gestion des masques et des tests. L'État ne peut pas tout faire. Il ferait mieux de déconcentrer vers les acteurs de terrain. Je crois beaucoup à la commune, son efficience, son efficacité et sa proximité évidente. Travailler à cette échelle reste le meilleur niveau de démocratie. Bruno Retailleau qualifie la commune de « lieu du lien ». Il a raison. Certains parlent même de ne plus retenir que l'État et la commune. C'est une simplification extrême. Cette idée n'est toutefois pas nécessairement mauvaise. Nous pourrions également ne raisonner que sur la région métropole et la commune.

Si nous ne menons pas ce travail de simplification, la situation restera insupportable et schizophrénique pour les élus de terrain que nous sommes. Nous ne savons pas où aller chercher de l'argent pour nos projets. Nous le demandons tantôt aux territoires, tantôt à la région ou au département. C'est trop compliqué. J'ai vu que la réforme de la région Ile-de-France ne serait malheureusement pas incluse dans le projet de loi « 4 D ». Je le regrette car nous devons régler ce problème si nous voulons retrouver de l'efficacité dans ce pays.

M. Charles Guené. - Je remercie nos deux collègues pour ce travail sur une réforme qui relève de l'Arlésienne depuis que nous en entendons parler. Je fais partie de ceux qui, bien que très provinciaux, s'intéressent à ce sujet primordial pour notre pays. Il ne faudrait pas que la montagne accouche d'une souris. À titre personnel, j'ai travaillé sur l'importance des métropoles au niveau mondial. Certains pensent que les États pourraient à l'avenir disparaître, et que les métropoles géreront la planète. Je n'en suis personnellement pas fanatique, mais nous sentons un mouvement très fort en ce sens.

L'enjeu porte selon moi sur l'éventuel souhait de faire de Paris une métropole de niveau mondial. Nous ne devons pas rester à notre niveau franco-français. À cet égard, les alternatives sont peu nombreuses. Si nous souhaitons qu'un ensemble cohérent fonctionne, la gestion stratégique doit être portée au sommet et la péréquation doit pouvoir s'organiser sur le territoire. La démocratie doit pouvoir fonctionner à l'intérieur de cet ensemble. De ce point de départ, il est nécessaire que toutes les ressources soient portées dans ce nouvel échelon, tout comme l'impôt économique.

Nous ne ferons croire à personne que nous avons besoin de tous ces niveaux pour gérer l'ensemble. J'accepte que la commune reste l'échelon démocratique. Il est vrai que c'est le meilleur niveau. Pour autant, ce n'est pas nécessairement le plus efficient, surtout pour une métropole.

Je suis plutôt favorable aux solutions fortes, comme l'évoquait Philippe Dallier à une époque. J'espère que les deux années qui viennent seront celles de la décision.

M. Guy Benarroche. - Merci de ce travail qui me semble présenter un réel intérêt. Cet outil de décision paraît important, et je n'aurais pas de scrupules à le plagier, du moins en partie, pour la métropole d'Aix-Marseille-Provence.

Pour répondre à Philippe Pemezec, nous pourrions aboutir à une simplification dans laquelle il ne resterait que l'État et la commune, mais aussi à d'autres simplifications, comme l'a rappelé Charles Guené. Il pourrait, par exemple, rester la métropole et la commune ou de grandes régions européennes et la commune, ou même l'Europe et la commune.

En étudiant la métropole Aix-Marseille-Provence, nous constatons qu'elle ne fonctionne pas. Elle ne repose plus sur des projets, et ne répond ni aux attentes des habitants, ni à celles des maires. Ses lourdeurs dans la prise de décision sont accentuées par la mise en place de six conseils de territoire. La répartition des compétences paraît totalement inadaptée entre ceux-ci, la métropole et les communes. La métropole est investie de trop de compétences - nous en avons dénombré 42 - ce qui rend son fonctionnement et son efficacité complexes, et l'a obligé à passer de très nombreuses conventions de gestion avec les communes ces dernières années - leur nombre est compris entre 150 et 300 chaque année. Le 8 février, le préfet des Bouches-du-Rhône a envoyé une lettre officielle à la présidente de la métropole, Martine Vassal, en lui indiquant qu'elle disposait de deux mois pour mettre fin à la totalité des conventions signées avec les communes, les jugeant illégales.

À la réflexion, comment restituer aux communes un certain nombre de compétences et de moyens pour supprimer des strates administratives et permettre un retour de la métropole à ce qu'elle doit être, c'est-à-dire une métropole de grands projets structurants ? Dans ce cadre, nous pourrions considérer que tout ce qui ne revient pas à métropole pourrait revenir aux communes en fonctions de leurs compétences. C'est une façon simplifiée de voir les choses.

Ma réflexion a été enrichie par votre rapport. J'essaierai d'enrichir la vôtre.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Le mot « subsidiarité » ne cesse de me venir à l'esprit en vous écoutant. Nous nous comprenons parfois mal lorsque nous parlons d'outils. C'est également vrai dans nos provinces. La compétence représente le service que nous devons rendre aux habitants. Qui est le mieux placé pour le faire ? Nous devons reconnaître certaines échelles de pertinence qui s'imposent. Ce principe de subsidiarité doit conjuguer l'efficacité et la proximité. Il a été dit que les Gilets jaunes étaient un mouvement de provinciaux, de territoires qui se sentaient oubliés. Nous savons aussi que l'espace parisien, le plus grand espace français, est composé de territoires à vitesses inégales. Certains citoyens se sentent éloignés. Certaines communes ne se sentent pas capables de leur répondre.

Je souligne l'intérêt de la démarche sur la question de la compétence, car le service que nous devons rendre aux habitants est une exigence de la République et des élus.

Nous avons pour enjeu et pour défi d'intéresser tous nos collègues à ce sujet majeur. Nous ne pouvons délaisser ce qui est aussi un territoire au coeur de la République. Je suis heureuse que cette délégation se soit saisie de ce sujet grâce à nos deux rapporteurs. C'est un sujet d'équité républicaine, d'efficacité. Paris et cet espace parisien nous concernent tous.

M. Philippe Dallier. - La France a la chance de disposer d'une ville-monde, même si elle est loin d'être la plus importante en termes de population. Il en existe cinq : Paris, Londres, New York, Tokyo, et Chicago selon certains. S'y ajoutent de très grandes métropoles par leur nombre d'habitants. Celles-ci ne répondent pas à la définition des villes-monde, c'est-à-dire des villes cumulant pouvoir politique, puissance économique, culture et recherche.

Nous devons nous doter de moyens permettant de garantir l'attractivité de cette ville-monde. Cela passe nécessairement par une plus grande cohésion urbaine et sociale de cet espace. C'est ce à quoi nous essayons d'aboutir, en passant par la mutualisation des moyens et de la richesse économique pour régler les problèmes. Notre passé le démontre. Nous avons beau réaliser que la région Île-de-France concentre 32 % du PIB national, il s'agit tout de même de l'espace où la ségrégation territoriale est la plus forte. Elle y progresse d'ailleurs encore. Cette situation ne peut pas durer sans impacter l'attractivité de cette métropole.

Je terminerai mon propos en rassurant Philippe Pemezec. Parmi les cinq niveaux, s'il en est un qui est à mon sens intangible, c'est bien la commune. Tout peut être remis en cause entre celle-ci et la région. Dans les différents scénarios proposés, nous voyons que c'est tantôt le département, tantôt les EPT, tantôt les EPCI qui disparaissent, mais jamais la commune et la région, qui reste importante en termes de transports ou de développement économique. C'est l'entre-deux qui doit être repensé en concentrant les moyens.

Nous avons balayé les solutions qu'il est possible de mettre en oeuvre. Ma préférence va vers une métropole renforcée. D'autres sont plus favorables à d'autres propositions.

M. Didier Rambaud. - La commune constitue effectivement un élément incontournable. Nous n'avons peut-être pas suffisamment abordé la place des maires dans cette future organisation. Une assemblée de 1 200 maires me semblerait irréaliste. Nous devons intégrer cette donnée.

Je reviens sur les propos de notre présidente. Nous devons sensibiliser nos collègues et nos groupes politiques respectifs. Les futurs candidats que nous soutiendrons pour les élections présidentielles devront aborder l'enjeu du Grand Paris dans leur programme. Il s'agit d'un des premiers dossiers sur lesquels ils devront se pencher.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Un jour, le sujet reviendra dans l'hémicycle. Souhaitons qu'il y revienne pour progresser et non pour tourner en rond.

Merci à tous.

La délégation aux Collectivités territoriales approuve à l'unanimité le rapport d'information sur le Grand Paris.

La réunion est close à 12 heures 15.