Mardi 9 mars 2021

- Présidence de M. Jean-Marc Boyer, président -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Audition de représentants des syndicats agricoles

M. Jean-Marc Boyer, Président. - Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, après avoir entendu la semaine dernière la directrice générale de l'enseignement et de la recherche au ministère de l'agriculture et de l'alimentation, notre mission d'information organise aujourd'hui une table ronde sur l'enseignement agricole rassemblant l'ensemble des syndicats agricoles, afin qu'ils puissent nous faire part de leur vision de la situation et des besoins. Nous organiserons demain une table plus spécifiquement consacrée à l'orientation vers l'enseignement agricole avec les acteurs concernés.

Je vous rappelle que cette réunion est captée et diffusée en direct sur le site Internet du Sénat, sur lequel elle pourra ensuite être consultée en vidéo à la demande.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui, ici au Palais du Luxembourg ou à distance, par visioconférence :

- pour la Confédération paysanne, M. Etienne Heulin, ancien porte-parole en région Pays-de-la-Loire, membre du comité régional ;

- pour la Coordination rurale, M. Joris Miachon, président de la section Jeunes ;

- pour la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Mme Marianne Dutoit, administratrice et présidente de la commission Enseignement-Formation, ainsi que M. Jérôme Lachaux, chef du service Enseignement-Formation ;

- pour les Jeunes agriculteurs, M. Stéphane Cornec, membre du conseil d'administration, et M. Xavier Heinzlé, conseiller chargé du renouvellement des générations en agriculture ;

- pour le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef), M. Pierre Thomas, président.

Je remercie chaque syndicat d'avoir accepté de participer à nos travaux.

En préambule, alors que le Salon international de l'agriculture n'a pas pu se tenir la semaine dernière en raison de la pandémie de covid-19, je veux adresser un message de soutien aux agriculteurs et aux acteurs des filières agroalimentaires, qui contribuent de manière essentielle à l'économie de notre pays et au développement de nos territoires.

Avec mes 22 collègues membres de la mission, nous sommes convaincus que l'enseignement agricole est une chance pour de nombreux jeunes et un outil indispensable pour l'avenir de nos filières agricoles et alimentaires. Un atout indispensable pour relever le défi du renouvellement des générations en agriculture et permettre à l'agriculture française de répondre aux défis de demain. Ce sujet a notamment été abordé lors des récentes rencontres que les syndicats agricoles ont eues avec le Président de la République.

Pour cela, l'enseignement agricole doit avoir les moyens de fonctionner correctement. Notre rapporteure, Nathalie Delattre, avait tiré la sonnette d'alarme lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.

Au cours de nos travaux, nous souhaitons analyser comment l'enseignement agricole, technique et supérieur devrait répondre aux besoins des filières agricoles et alimentaires, afin de leur permettre de relever les défis auxquels elles sont confrontées. Nous souhaitons évaluer la capacité de l'enseignement agricole à remplir cette mission aujourd'hui, notamment au regard des contraintes qui pèsent sur lui.

Je propose que chaque syndicat puisse nous présenter sa vision des enjeux, à partir du questionnaire qui vous a été adressé par notre rapporteure, pendant 7 à 10 minutes. Cela me paraît être un maximum pour la première intervention, afin d'avoir ensuite une discussion dynamique.

Je passerai ensuite la parole à notre rapporteure Nathalie Delattre, afin qu'elle puisse vous poser un certain nombre de questions, puis à mes collègues qui le souhaitent.

Pour commencer, je vais donner la parole aux personnes connectées, avant de poursuivre avec les représentants qui sont dans cette salle.

Je donnerai ainsi la parole à la FNSEA, puis à la Coordination rurale, à la Confédération paysanne et au Modef. Les Jeunes Agriculteurs, dont le renouvellement des générations et l'installation sont au coeur des préoccupations, auront ainsi le « dernier mot » de cette première séquence.

Mme Marianne Dutoit, administratrice et présidente de la commission Enseignement-Formation de la FNSEA. - Avant de démarrer, je souhaite vous remercier, au nom de la FNSEA. En effet, votre mission d'information sur l'enseignement agricole nous touche. Nous aurions pu l'appeler « David contre Goliath ». Je vous remercie également pour vos propos d'introduction, Monsieur le Sénateur. Comme vous, nous pensons que l'enseignement agricole est un outil indispensable, inscrit au coeur des enjeux de nos filières agricoles et agroalimentaires, mais aussi au coeur de nos territoires.

Vous savez que nous avons récemment publié un rapport d'orientation sur le changement climatique. Nous y affirmons que l'agriculture est une solution au changement climatique et à l'ensemble des défis qui se posent, en termes économiques, en termes d'emplois salariés ou non-salariés et en termes de renouvellement des générations. Se posent également les défis de la compétitivité, de la résilience, de l'environnement, de la neutralité carbone. Il s'agit enfin de répondre aux attentes objectives des consommateurs et des citoyens, dans le contexte de la notion de souveraineté alimentaire.

Nous ne pourrons relever l'ensemble de ces défis que par des mutations dans nos métiers. Ces mutations supposent des qualifications nouvelles, des qualifications rénovées et des compétences plus grandes en termes de gestion de nos entreprises et en termes d'employabilité de nos salariés. L'agriculture installe en effet encore un grand nombre de jeunes agriculteurs. De son côté, le salariat monte en puissance. L'appel à des emplois salariés étrangers, que nous avons connu il y a quelques mois, résulte du fait que, souvent, nous ne trouvons dans nos territoires ni des personnes motivées, ni des personnes compétentes. Les actions rapides de formation que nous avons mises en place ont certes permis d'employer un certain nombre de personnes ; l'enjeu n'en demeure pas moins majeur.

L'enseignement agricole constitue ainsi un maillon fort et indispensable pour relever les défis précédents. Je souhaite insister sur les points forts au quotidien et sur le risque que ce maillon devienne un maillon faible. Vous avez notamment soulevé l'accompagnement financier de l'enseignement agricole. J'y reviendrai.

Pour la FNSEA, l'histoire et les valeurs de l'enseignement agricole en font un maillon fort. Derrière cette histoire, se trouve la déclinaison de ses cinq missions. Les lois de 1960 à 1962 ont permis la montée en puissance de l'enseignement agricole. Il était alors déjà question d'autosuffisance alimentaire, de compétitivité, d'efficacité économique de nos entreprises et des conditions de vie des agriculteurs. Il est heureux que l'enseignement agricole ait été mis en place. Je ne suis pas certaine en effet que, dans le cas contraire, nous pourrions aujourd'hui parler de souveraineté alimentaire. Nous n'aurions certainement pas pu répondre aux attentes des consommateurs durant le confinement.

Je souhaite rappeler rapidement les cinq missions dont il est question, qui sont respectées. Nous formons en formation initiale et en formation continue. Nous formons autour des huit grandes filières de la production agricole, tant dans des lycées privés que dans des lycées publics, ainsi que par l'apprentissage, l'alternance et dans des lycées professionnels et techniques. Nous sommes exemplaires en termes d'insertion scolaire, d'insertion professionnelle et du point de vue du nombre de diplômes acquis. Nous devons l'affirmer. Nous sommes également exemplaires en termes d'innovation et d'expérimentation, notamment au sein des lycées qui possèdent des fermes, où les jeunes apprennent et où les professionnels s'impliquent pour adapter rapidement les formations et les propositions de formation. L'enseignement agricole constitue, par ailleurs, un enjeu de territoires. Il est situé en milieu rural, parfois très rural. Il représente souvent un lien de vie dans nos territoires ruraux. Il est également situé en secteur périurbain, ce qui permet à un certain nombre de jeunes en provenance de la ville de mieux appréhender nos différents métiers, en se rendant compte de leur diversité et de leur variété. Un des points forts de nos missions réside enfin dans la coopération internationale, tant au niveau des professeurs que pour les apprenants. J'insiste sur le fait que nous ne soulignons pas nécessairement de manière suffisante ces différents points forts.

Je reviens sur la présence de fermes dans certains lycées. Cette présence résume le lien entre la recherche, la formation et le développement agricole. La force de l'enseignement agricole résulte également du lien avec nos organisations professionnelles agricoles, notamment avec les chambres d'agriculture, qui assument la mission de développement agricole.

Un autre point essentiel concerne le fait que l'enseignement agricole permet une diversité des apprentissages et des modèles, qui correspondent majoritairement à la problématique du territoire. La formation ne peut en effet pas être identique pour faire pousser du blé dans le Gers ou dans l'Aube, le climat et l'agronomie des sols étant différents. Cette diversité permet au jeune qui souhaite s'installer ou au futur salarié de disposer d'une formation transversale et pluridisciplinaire susceptible de s'adapter au lieu d'exercice de l'activité.

L'autre point fort, y compris pour le ministère de l'agriculture, concerne la proximité avec la profession. La réforme des commissions professionnelles consultatives (CPC) oblige notamment à une proximité plus forte avec les employeurs. Le lien avec la profession, à la fois au niveau national, au niveau régional et au niveau des lycées agricoles, permet une adaptation rapide des formations, des diplômes et de la pédagogie. Dans un lycée agricole, l'expérience d'agriculteur permet de réagir rapidement lorsque des enseignements ne sont pas logiques ou pragmatiques. Il est possible d'en discuter en conseil d'administration extrêmement rapidement. J'y vois également notre force quant à la fluidité de l'évolution de nos diplômes. J'en veux notamment pour preuve, pour avoir participé à la CPC et au Conseil national de l'enseignement agricole (CNEA), le fait qu'en une année, nous avons revu l'ensemble des diplômes agricoles pour mettre en place la notion de multi-performance et d'agroécologie. La profession avait demandé à intégrer les notions d'agroécologie et de bien-être animal.

Certes, les jeunes agriculteurs et les employeurs affirment que les évolutions ne sont pas suffisamment rapides. Ils soulignent que les acquis des jeunes diplômés sont en décalage avec les pratiques des entreprises. N'oublions jamais cependant que le jeune s'installe ou est embauché 10 ans après le lycée. La formation continue est ainsi très complémentaire et constitue le moyen le mieux adapté pour accompagner les jeunes dans la modernité.

Mon propos est ainsi de vous faire part de notre attachement à l'enseignement agricole. Nous y tenons réellement. Le renouvellement des générations en dépend. L'employabilité et le lien avec l'emploi sont essentiels.

Parmi les risques pesant sur l'enseignement agricole, figure la problématique, que vous avez soulevée, des moyens. C'est pourquoi j'ai insisté sur le respect des missions de l'enseignement agricole. Si les parlementaires ne connaissent pas l'ensemble des actions menées par l'enseignement agricole pour accompagner les jeunes dans leur insertion scolaire, ils ne peuvent pas avoir le souhait de le soutenir. Or chaque année, les différentes familles de l'enseignement agricole, public ou privé, nous alertent sur des baisses de budget dans le projet de loi de finances.

Les décisions ne s'improvisent pas. Dans le cadre de la « loi Climat », vous prendrez des décisions qui demanderont à l'agriculture de nouvelles mutations. Nous devrons de nouveau améliorer notre enseignement agricole. Nous aurons par conséquent besoin de moyens et de temps. La modélisation de l'agriculture telle que les parlementaires la souhaitent nous oblige à nous réunir, à revoir nos référentiels professionnels et de formation. Nous avons besoin de compétences spécifiques et d'un accompagnement individualisé du jeune qui entre dans le lycée agricole pour être certains qu'il en sorte avec les compétences nécessaires. L'approche doit être systémique, comme vous l'avez souhaité avec l'agroécologie. Or, avec des jeunes de 15 ou 16 ans, l'approche systémique est compliquée à mettre en oeuvre pour les enseignants du monde agricole. Il n'est pas facile d'enseigner la gestion économique et la résilience. Cet enseignement demande des compétences. Il demande par conséquent des moyens humains. Nous devrons disposer de vraies compétences pour mettre en place des parcours de formation correspondant à l'emploi. La force de l'enseignement agricole est le lien entre l'enseignement et l'emploi.

Joris Miachon, président de la section Jeunes de la Coordination rurale. - Je vous remercie d'avoir rendu possible cette table ronde en visioconférence, sachant que les conditions météorologiques m'empêchent de m'éloigner de mon exploitation. J'aurais été navré de ne pas y participer, la Coordination rurale étant particulièrement attachée à l'enseignement agricole. Je suis de surcroît ancien stagiaire et actuel maître de stage et d'apprentissage de l'enseignement agricole.

Je reprends les questions que vous nous avez adressées pour y répondre au plus juste. Concernant les trajectoires de formation les plus suivies par les jeunes agriculteurs avant leur installation, je pense qu'il convient de distinguer jeunes agriculteurs et jeunes installés. Les jeunes installés ne sont pas nécessairement jeunes par leur âge. La solution la plus accessible qui s'offre à eux reste le brevet professionnel responsable d'exploitation agricole (BPREA). Concernant les jeunes qui s'installent rapidement après l'enseignement agricole, les trajectoires sont évidemment variables. Une difficulté tient au fait que les trajectoires ne sont pas nécessairement choisies, mais parfois contraintes. Je prends l'exemple du baccalauréat horticole. Lorsque je l'ai passé, il avait pour ambition de former des exploitants, des chefs d'entreprise. Aujourd'hui, la filière forme des ouvriers spécialisés, obligeant quelquefois les jeunes à poursuivre leurs études ou à se réorienter.

Nous constatons en outre que la durée des études s'allonge. L'explication tient à l'augmentation de la technicité. Un jeune, pour s'installer, doit engranger davantage de connaissances et de savoirs. Ma collègue a notamment parlé précédemment de l'agroécologie. L'étudiant doit prendre en compte l'accroissement des exigences sociales, par exemple concernant le bien-être animal. S'y ajoute l'augmentation des contenus, résultant d'une volonté politique, tandis que la durée pour passer le baccalauréat est passée de son côté de 4 à 3 ans. L'étudiant doit ainsi acquérir davantage d'informations dans un délai plus court. C'est pourquoi les jeunes, pour être performants, doivent allonger leurs études. Pour utiliser une analogie, comme il n'est pas possible de faire entrer 2 litres dans un contenant de 1,5 litre, la solution consiste à multiplier les contenants. Pour notre part, nous jugeons cette évolution dangereuse, en particulier concernant l'attractivité des formations. L'allongement des formations nécessaires peut en effet se révéler dissuasif.

Pour répondre à une autre question, l'enseignement agricole présente évidemment des points forts et des points faibles. Pour la Coordination rurale, il est important de faciliter l'apprentissage. L'essentiel est d'être proche du terrain et du métier. L'enseignement agricole a pour objectif de former à des métiers. Nous avons pu remarquer avec les évolutions récentes, par exemple en matière d'agroécologie, que l'enseignement agricole est assez réactif en la matière. Il nous appartient de le rendre également attractif et de le placer au plus près des difficultés et des contraintes des exploitations agricoles.

Nous avons conscience du fait que la sécurité des apprenants doit rester une priorité. La difficulté que nous rencontrons, en respectant la loi d'une manière excessive, c'est que nous éloignons le jeune de la réalité. À cause de cet éloignement, nous perdons en attractivité et en motivation. Il est difficile de motiver un jeune par les tâches les moins attractives et les tâches où nous cherchons à nous couvrir des risques, en sachant que le risque zéro n'existe pas. Je maintiens que la sécurité de l'élève est une priorité. Je travaille par exemple en arboriculture fruitière, où nous utilisons du matériel dangereux, en particulier pour la taille des vergers. Le réflexe est aujourd'hui d'interdire l'utilisation de ce matériel. Du point de vue pédagogique, il est pourtant plus important d'insister sur la dangerosité du matériel que de l'interdire. Ce constat est d'autant plus vrai que les jeunes acquièrent ensuite, du jour au lendemain, davantage de liberté et de droits pour employer du matériel dont l'utilisation leur était auparavant interdite. Nous pouvons douter qu'alors, l'utilisation du matériel s'opère en toute sécurité.

Sur le contenu pédagogique des formations et les besoins des exploitations, nous sommes tous d'accord quant à la nécessité d'accentuer les savoirs en matière d'agroécologie et au niveau des attentes sociétales de la population. Il s'agit d'une évidence. Les attentes des exploitants et des exploitations portent quant à elles sur la possibilité d'apporter au stagiaire le geste et le savoir-faire. Il s'agit également d'une évidence.

La question suivante est de savoir si le maillage territorial de l'enseignement agricole est adapté. Il existe des disparités entre les départements. L'enseignement agricole a néanmoins su adapter ses formations à sa localisation. Dans la société actuelle, en outre, les jeunes sont mobiles. Je ne crois pas qu'il s'agisse par conséquent de la difficulté principale que l'enseignement agricole ait à affronter.

M. Etienne Heulin, ancien porte-parole de la Confédération paysanne en région Pays-de-la-Loire, membre du comité régional. - Je vous remercie de tenir cette mission d'information sur l'enseignement agricole.

La Confédération paysanne considère que l'enseignement agricole, fort de sa pédagogie et de son organisation innovante en milieu rural et en milieu périurbain, doit occuper toute sa place. L'enseignement agricole a toujours été précurseur dans l'accueil des jeunes et dans la réponse apportée à un grand nombre de parents d'élèves. Je pense à présent que nous devons réfléchir à accentuer la place des parents d'élèves. Ils permettent effectivement des passerelles qui sont fondamentales dans l'orientation des élèves.

Pour autant, les formations agricoles ne produisent pas que des paysans. La diversité des formations enrichit et donne de nombreuses perspectives. Nous voyons se développer les engagements les plus novateurs notamment dans la mixité des formations dans les établissements. Il est fondamental, dans nos métiers, d'enseigner les savoir-faire et les savoir-être, en évitant des reproductions et en privilégiant des systèmes de valeurs. L'enseignement agricole est concerné tant du point de vue de l'innovation sociale que du point de vue de l'innovation technologique.

Par son organisation géographique, l'enseignement agricole s'adresse aux milieux ruraux et aux milieux périurbains. Le gisement du public se trouve désormais dans des zones peuplées. Ce point est fondamental. Nous l'observons également dans la sociologie et le profil des nouveaux installés, qui ne sont pas tous jeunes et qui ont parfois une précédente carrière. Les établissements agricoles, en l'occurrence, nous paraissent être un des lieux les plus appropriés pour « irriguer » les campagnes, par leur situation, l'originalité de leurs formations (notamment la dimension cognitive des formations) et la possibilité d'une immersion dans le milieu professionnel.

Ces éléments ont récemment été décrits par Salomé Berlioux, dans son ouvrage « Nos campagnes suspendues ». Selon elle, réussir la ville, c'est d'abord réussir la campagne. L'articulation entre la ville et la campagne est par conséquent fondamentale. Je pense notamment à l'atelier dédié à la formation lors des États généraux de l'alimentation, qui avait pointé l'importance mettre en place des bus et des trains de la formation dans les territoires dépeuplés, au plus près de l'employabilité. En réalité, les bus et les trains de la formation, ainsi que la formation elle-même, doivent également se rendre dans les lycées d'excellence et irriguer l'ensemble des catégories de lycées et de collèges. Le va-et-vient entre ville et campagne apparaît effectivement essentiel.

Les contenus pédagogiques et les fermes, de leur côté, doivent répondre aux enjeux de société d'alimentation, de climat et de biodiversité, ainsi qu'à l'enjeu de répartition des activités des territoires, plutôt qu'au simple fait de produire. Un des axes d'amélioration pourrait être de se fonder sur un diagnostic de territoire. Cette approche territoriale permet en effet de mettre en lien l'ensemble des acteurs (entreprises, parents, élèves, enseignants). Les établissements d'enseignement agricole, en l'occurrence, incarnent efficacement cette approche à travers le travail en réseau avec les territoires. Cette démarche nous semble devoir être poursuivie et amplifiée.

Nous pourrions également évoquer la question de l'alimentation dans l'implication des territoires. Dès lors que nous abordons la question de l'avenir de la production, nous y intégrons la question de l'alimentation et la question des débouchés. À notre sens, les efforts doivent être poursuivis au niveau des débouchés et de la relation avec les consommateurs, nécessitant des partenariats fins et étudiés. Ce point a été appréhendé efficacement dans le plan Ambition Bio. Les propositions émises dans la note de service de la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) évoquent ces aspects de partenariat et de travail en réseau. Vous connaissez notre attachement à l'agriculture paysanne, qui existe partout sur le territoire. Elle pourrait être déclinée avec des formations adaptées présentant l'agriculture paysanne comme une partie de l'innovation sociale en agriculture.

Je reviens aux passerelles. Elles doivent être questionnées avec les universités et, plus généralement, avec les autres formes d'enseignement dans les autres disciplines. De ce point de vue, le système des valeurs se traite de manière plus vertueuse avec des formations nombreuses dans les établissements agricoles. Il échappe en effet ainsi à la reproduction de l'existant. Il devient possible de traiter les évolutions des métiers et les innovations de manière différente. Il existe ainsi des partenariats réussis entre des lycées agricoles et d'autres lycées.

Il me semble fondamental également de traiter de manière égalitaire l'enseignement agricole public et l'enseignement agricole privé. Or les coupes sombres dans l'enseignement agricole public portent préjudice aux équipes enseignantes et aux possibilités d'ouvrir des formations. Il est regrettable qu'une certaine agilité ne soit pas permise dans les centres d'enseignement agricole publics, tandis que les ouvertures de formations sont plus aisées dans l'enseignement agricole privé. L'exemple du bio est significatif. Après le plan Ambition Bio, nous pourrions envisager une généralisation des formations dans le domaine. Les sessions qui se mettent en place restent cependant optionnelles, avec une inégalité de représentation des formations en agriculture biologique selon les régions, qui ont des compétences en la matière. Selon nous, ce sujet devrait pourtant se traiter de manière égalitaire dans l'ensemble des régions.

M. Pierre Thomas, président du Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef). - Au sein du Modef, nous sommes également extrêmement attachés à l'enseignement agricole. L'enseignement agricole a permis à de nombreux élèves de retrouver le goût de l'enseignement et des capacités à apprendre. Un certain nombre de jeunes qui étaient en échec scolaire ont par exemple pu atteindre des niveaux d'ingénieur. L'enseignement agricole est donc un enseignement de qualité.

L'enseignement agricole doit permettre de se diriger vers les métiers d'agriculteur, mais également plus généralement vers les métiers du vivant. Nous pensons que plusieurs parties sont à distinguer.

La première partie, au niveau de l'enseignement initial, doit être une formation de base solide, permettant d'acquérir un certain nombre de connaissances sur le vivant. Ensuite, il convient d'inclure d'autres notions, notamment de gestion. En revanche, nous ne jugeons pas utile d'orienter immédiatement les jeunes vers un type de production agricole. Dans le temps, en effet, les jeunes qui s'installent évoluent considérablement. Ils ont par conséquent besoin de recevoir les bases nécessaires pour pouvoir évoluer.

La deuxième partie doit être davantage orientée vers les savoir-faire. L'apprentissage du métier doit entrer en ligne de compte. L'ancrage de l'enseignement agricole dans son milieu attire l'intérêt d'un certain nombre de personnes. Aujourd'hui, pour assurer le renouvellement des générations en agriculture, je pense que nous devons chercher ailleurs que chez les enfants d'agriculteurs. Nous devons ouvrir plus encore l'enseignement agricole aux personnes du monde urbain et périurbain et leur donner envie de s'intéresser aux métiers du vivant, sous peine de rencontrer des difficultés d'une part à installer un nombre suffisant de jeunes permettant le renouvellement des générations, d'autre part à assurer la mission de nourrir la population.

Au niveau de la formation continue, de nombreuses personnes changeant de métier, l'enseignement agricole doit permettre d'acquérir un certain nombre de connaissances permettant des reconversions, pas uniquement au travers de stages de courte durée, mais aussi de formations plus longues. Les centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) peuvent notamment assurer des formations de ce type, en s'attachant à développer, au-delà des connaissances de base qui sont présentes, les connaissances professionnelles. Nous nous sommes interrogés sur l'opportunité de formations bio dans le cadre de l'agroécologie. Nous avons finalement pensé qu'elles n'étaient pas appropriées, parce que les formations spécifiques sont susceptibles d'être un frein à l'évolution entre les métiers. Il est plus important, en premier lieu, de posséder des connaissances de base étoffées.

L'une des richesses de l'enseignement agricole est de parvenir, par des formes pédagogiques appropriées, à intéresser des jeunes. La réussite scolaire est significative. Nous devons utiliser ces éléments, au niveau pédagogique, pour que les personnes qui le souhaitent puissent se diriger vers les métiers de l'agriculture.

D'autres métiers sont également concernés. La voie royale pour devenir vétérinaire consiste, par exemple, à passer par l'enseignement agricole. Certains métiers de laboratoire sont également concernés. Cet ensemble doit entrer en ligne de compte. Nous ne devons pas nous limiter au monde agricole. L'enseignement doit s'ouvrir, en obtenant les moyens nécessaires à ses diverses missions.

M. Stéphane Cornec, membre du conseil d'administration des Jeunes agriculteurs. - Le syndicat Jeunes agriculteurs est présent de l'échelon local à l'échelon national. Cette présence nous permet d'appréhender efficacement l'enjeu de l'enseignement agricole. Pour nous, le dossier prioritaire est le renouvellement des générations agricoles. Ce dossier comprend l'accompagnement à l'installation, la transmission et la formation initiale, qui en est un élément majeur. J'en veux pour preuve qu'en 2020, nous avions travaillé sur un rapport d'orientation sur l'installation et le renouvellement des générations ; de nombreuses propositions avaient concerné l'enseignement agricole.

La démographie agricole est à un tournant. En 2026, 215 000 exploitants (45 % de la population d'agriculteurs de 2016) auront cessé leur activité. Face à cet effondrement, nous avons un défi à relever au niveau des jeunes, d'autant que la diminution de la part des ménages agricoles dans la population rurale est également significative. De leur côté, les entreprises agricoles évoluent. Les systèmes de production et les exploitations se transforment. Nous connaissons aujourd'hui une diversité d'exploitations que nous n'avions jamais rencontrée, avec des agriculteurs qui sont toujours acteurs sur leur exploitation, mais avec des particularités accentuées.

L'évolution des profils connaît également un tournant. La transmission familiale est devenue minoritaire. Les profils des porteurs de projet à l'installation présentent des diplômes de plus en plus élevés dans différents domaines de compétences, qui ne sont pas nécessairement des domaines de compétences agricoles. Le fait de devenir agriculteur recouvre notamment la recherche d'un cadre de vie perçu comme qualitatif. De ce fait, les schémas de l'accompagnement doivent être révisés. La place de la formation initiale dans la professionnalisation des nouveaux agriculteurs, voire la transversalité, sont essentielles. Il convient en outre d'imaginer des passerelles entre filières d'enseignement. Aujourd'hui, de nombreuses personnes, par exemple, sont en reconversion pour devenir agriculteurs.

Aujourd'hui, l'enseignement agricole sait prendre en compte des candidats potentiels, de la classe de 4ème au diplôme d'ingénieur. Il existe une vraie diversité de profils. L'enseignement agricole ne peut donc pas se résumer au baccalauréat professionnel ou au BPREA. L'ensemble des profils doivent être pris en compte.

L'enseignement agricole a par ailleurs connu un certain nombre de réformes. Le syndicat Jeunes agriculteurs est présent dans une grande partie des conseils d'administration des centres de formation. Nous pouvons ainsi faire en sorte que la formation agricole reste cohérente vis-à-vis de l'installation des jeunes. La réforme du baccalauréat professionnel, de son côté, a été préjudiciable. Le passage de 4 à 3 ans consistait certes à s'aligner sur les pratiques des pays voisins. Aujourd'hui, cependant, le baccalauréat professionnel CGEA (conduite et gestion des exploitations agricoles), par exemple, ne permet plus de gérer une entreprise agricole. Les capacités techniques sont souvent acquises ; en revanche, la capacité à gérer un outil ne l'est pas.

Nous sommes également conscients de l'évolution des niveaux. Le niveau 4 correspond à des compétences techniques, le niveau 5 à des compétences de gestion. Aujourd'hui, la complexité du métier d'agriculteur entraîne cependant un besoin de compétences multiples. La gestion est tout autant indispensable que la technique. L'activité est économique. Elle ne consiste pas simplement à aménager le territoire. Parmi ces compétences, nous voyons apparaître des besoins en commercialisation, venant s'ajouter aux compétences en gestion, en production et en ressources humaines.

Les positions du syndicat Jeunes agriculteurs par rapport à la formation initiale figurent quant à elles dans le rapport d'orientation de 2020.

Parmi les propositions, figure la nécessité de professionnaliser les futurs chefs d'entreprises agricoles, notamment dans l'accompagnement à l'installation. Il s'agit en outre de piloter les instances de la formation initiale, c'est-à-dire d'être présent au Conseil national de l'enseignement agricole (CNEA) et dans les commissions professionnelles consultatives (CPC), ainsi que dans les conseils d'administration des établissements et dans les commissions régionales lorsqu'elles existent. L'objectif est d'apporter la vision de la profession au sein de ces organisations. La proposition suivante consiste à rénover les niveaux de diplômes. Aujourd'hui, dans l'enseignement agricole, il existe 163 diplômes différents. Nous souhaiterions l'instauration d'un tronc commun permettant de suivre ensuite d'autres formations.

Nous devons en outre nous montrer capables de rendre attractive la formation initiale. Il s'agit en particulier d'utiliser davantage les nouvelles technologies d'information et de communication, d'utiliser des simulateurs, etc. Des budgets doivent par conséquent être débloqués pour l'enseignement agricole. L'objectif est d'attirer les jeunes vers notre enseignement. La proposition suivante consiste quant à elle à sensibiliser et à former le corps enseignant. Il nous paraît inconcevable que certains enseignants n'aient pas revêtu des bottes d'agriculteur parfois depuis plus de 20 ans. Nous demandons une immersion des enseignants dans le monde agricole tout au long de la carrière. Nous demandons par ailleurs de favoriser les expériences de terrain. Les mesures pour redorer l'apprentissage et accompagner les maîtres d'apprentissage étaient favorables. Nous devons poursuivre dans ce sens. L'entrée en entreprise à 16 ou 17 ans demande en effet des efforts. Enfin, la dernière proposition consiste à faciliter la validation des acquis de l'expérience (VAE), en la simplifiant car elle représente une lourde démarche administrative.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - Je remercie les intervenants. Nous sommes convaincus de l'excellence de l'enseignement agricole et de l'insertion professionnelle qu'il permet. Le regard des professionnels est donc important. Vous avez beaucoup parlé de la production. Notre mission englobe également la transformation et la vente. J'aurais souhaité vous entendre sur ces sujets. Au-delà des constats que vous avez dressés sur le grand nombre de diplômes, avez-vous creusé la piste des contenus pédagogiques ? Vous avez évoqué la nécessité de territorialiser la gouvernance. Vous êtes plusieurs à être impliqués dans les conseils d'administration territorialisés. Outre le terrain, quelle est votre capacité à peser sur les pouvoirs publics ? La réforme du baccalauréat, par exemple, est un échec dans l'enseignement agricole. Quelle est votre marge de manoeuvre vis-à-vis du ministère ? Quelles sont vos revendications ? Quelle est votre capacité à les faire aboutir ? Quelles sont par ailleurs, selon vous, les solutions face à l'urgence sanitaire, qui a montré la faiblesse des formations en hyper-ruralité ? Certaines familles n'ont pas voulu placer leurs enfants en internat dans ce contexte, ce qui a créé des difficultés, notamment aux maisons familiales rurales. Enfin, vous avez insisté sur la nécessité d'intéresser de nouveaux publics. Quelles actions concrètes menez-vous en la matière ?

M. Stéphane Cornec. - Je reviens aux contenus pédagogiques, au nombre de diplômes et à notre demande d'un tronc commun. Lorsque nous avons commencé à examiner le sujet, nous avons remarqué que le tronc commun était effectif sur un diplôme, le brevet de technicien supérieur agricole (BTSA), avec des options vers des BTS différents, adaptés aux territoires, aux productions, à la commercialisation, à la transformation, etc. Nous souhaiterions que ce modèle soit repris dans l'ensemble des diplômes agricoles. Il rendrait plus lisible de surcroît la formation agricole, qui souffre de ses 163 diplômes, en particulier auprès des jeunes qui ne sont pas issus du monde rural.

M. Jean-Marc Boyer, Président. - Le grand nombre de diplômes, avec les passerelles que vous évoquiez, n'ouvre-t-il pas au contraire le champ des possibles à ces jeunes ?

M. Stéphane Cornec. - Les passerelles concernent davantage les moins jeunes qui ont déjà commencé leur carrière dans une autre profession, mais souhaitent se rediriger vers l'agriculture. Nous devons pouvoir répondre à ces adultes.

M. Pierre Thomas. - Je reviens à l'attractivité. Le métier agricole se doit d'être attractif. Aujourd'hui, la profession rencontre de grandes difficultés de ce point de vue. Il n'est pas toujours simple de valoriser notre métier avec, par exemple, des revenus en baisse. Pour installer les jeunes, le métier doit être attractif.

Concernant l'enseignement, il est extrêmement regrettable que les métiers du vivant et de l'agriculture aient été longtemps dévalorisés au sein de l'Éducation nationale. Ces métiers sont en effet non seulement intéressants, mais également indispensables à la vie. Nous devons par conséquent redonner une dimension positive à ces métiers. L'enseignement agricole permet non seulement aux jeunes qui réussissent leur scolarité de trouver un métier, mais également aux jeunes en situation d'échec scolaire de trouver une place sur le marché de l'emploi, parfois même en devenant ingénieurs. Un travail doit par conséquent être mené au sein du ministère de l'agriculture et au sein du ministère de l'éducation nationale pour valoriser nos métiers.

M. Etienne Heulin. - Nous devons distinguer l'attractivité vis-à-vis des jeunes en formation initiale et l'attractivité vis-à-vis de personnes en formation professionnelle. La formation initiale suppose un mode d'enseignement et un cadre de vie liés notamment à la spécificité des établissements agricoles. Ce point est important pour les élèves et pour les parents d'élèves. L'attractivité concerne également les métiers du vivant. Elle se traduit parfois par des imaginaires, notamment au niveau des soigneurs d'animaux, qui peuvent devenir des soigneurs paysans. Il existe pour cela suivre un cursus. Les lycées qui incarnent un système de valeurs reçoivent par conséquent le public attendu. Ce système de valeurs doit reposer sur une éthique dans le travail et sur une forme d'engagement dans les réalisations (ateliers technologiques ou immersion avec les réseaux). Je pense que cette dimension est mise en exergue dans la formation des encadrants et des équipes enseignantes. De leur côté, les paysans doivent en parler positivement.

L'attractivité est en outre matérielle, concernant le revenu, mais également immatérielle, au niveau du besoin de reconnaissance et de sens dans l'exercice d'un métier. Dans notre communication, par exemple, le premier salon à la ferme que nous avons organisé avec des partenaires de l'enseignement agricole en Loire-Atlantique nous a permis de nous connecter avec les équipes enseignantes et la société civile. Les réalisations positives et la qualité de vie des paysans provoquent ainsi de l'attractivité. Je pense par conséquent que nous devons nous montrer stratégiques en matière d'attractivité.

Joris Miachon. - Je reviens également sur l'attractivité et l'avenir de l'enseignement agricole. Dans un premier temps, il convient de dé-diaboliser le monde agricole. Aujourd'hui, nous constatons que, jusque dans les livres scolaires, l'agriculture est montrée du doigt. Elle ne peut dès lors pas être attractive. L'agriculture a pourtant toujours su s'adapter. Les agriculteurs ont produit et nourri la population lorsque c'était le plus nécessaire. Aujourd'hui, les attentes sociétales demandent un virage agroécologique. Les agriculteurs ont pris ce virage. L'enseignement agricole, qui est relativement réactif, l'a pris également. Malgré cela, l'agriculture reste montrée du doigt.

Par ailleurs, les conseillers d'orientation ne considèrent toujours pas l'enseignement agricole comme un enseignement qui a sa place aujourd'hui en France. Nous sommes pourtant une profession qui recrute. Nous avons besoin de nombreux employés spécialisés. Seul l'enseignement agricole peut proposer cette opportunité. Nous serions par conséquent ravis si les budgets alloués à la promotion de l'enseignement agricole étaient augmentés.

L'avenir de l'enseignement agricole ira de pair avec l'avenir de l'agriculture. Nous devons être capables de valoriser notre métier pour valoriser l'enseignement agricole.

Au niveau de la gouvernance, nous sommes minoritaires dans les instances. Les administrations compétentes ne nous considèrent pas comme des partenaires valables. Nous considérons en tout état de cause que la gouvernance ne peut que s'améliorer.

Mme Marianne Dutoit. - En matière de gouvernance, je souhaite faire état de deux actions que nous avons menées en tant que représentants des employeurs. Durant le confinement, l'Éducation nationale a interdit les stages. Nous avons obtenu que les stages soient repris pour les jeunes en formation agricole. En outre, l'Éducation nationale a supprimé le BEPA (brevet d'études professionnelles agricoles). L'enseignement agricole l'a également supprimé. En contrepartie, en accord avec la DGER, nous avons obtenu une attestation permettant de préciser les compétences acquises au cours de cette formation en 3 ans. Cette attestation facilite les démarches pour trouver un emploi. Nous avons donc une influence lorsque nous travaillons directement avec le ministère.

Nous avons une inquiétude sur la gouvernance de la CPC, une réforme ayant renforcé la représentation des interprofessions, alors que nous sommes multi-professionnels. Le nombre de personnes qui connaissent parfaitement les différents métiers me paraît en retrait. Nous devons donc davantage nous coordonner. Nous avons toutefois peu de recul sur cette réforme récente.

S'agissant de l'Éducation nationale, il faut éviter les concurrences, notamment en matière de services aux personnes. Il existe des différences objectives de prise en en charge des publics en milieu rural. S'agissant de l'attractivité, de nombreuses actions sont menées. Durant le confinement, des actions de promotion des métiers et d'accompagnement de personnes en reconversion ont été mises en place, comme des formations courtes à distance pour les employeurs et les personnes embauchées. Des actions ont aussi été développées en direction de jeunes en difficulté dans les grandes villes. Il faut bien sûr faire davantage pour mieux valoriser les parcours réussis, le compagnonnage, etc., mais je veux souligner la très grande diversité des actions concrètes menées au quotidien. Le vrai sujet, c'est celui de l'orientation, que vous aborderez demain, pour faire en sorte que les bons élèves dans les établissements dépendant de l'Éducation nationale, et pas uniquement ceux en difficulté, puissent se voir proposer une orientation vers l'enseignement agricole.

M. Jean-Marc Boyer, Président. - Je vous remercie. Vous pouvez en complément nous adresser une contribution écrite détaillant les actions que vous évoquez. Je donne à présent la parole à mes collègues.

Mme Céline Brulin. - Il y a quelques jours a été annoncée dans la presse la création d'une école privée gratuite ayant vocation à former chaque année 2 000 étudiants et adultes en reconversion professionnelle. L'initiative vient de Xavier Niel. Que pensez-vous de ce projet ? Est-ce selon vous une opération qui va faire long feu, un créneau ciblé correspondant à des besoins très particuliers ou une structure qui pourrait entraîner une profonde déstabilisation de l'enseignement agricole, compte tenu des données et du contexte de fragilisation de l'enseignement agricole que vous évoquez ?

M. Jean-Marc Boyer, Président. - Sur le sujet, nous envisageons de solliciter l'audition de Xavier Niel et de ses partenaires.

Mme Annick Billon. - Vous avez été plusieurs à évoquer le risque d'une orientation peut-être parfois prématurée vers les filières agricoles et la nécessité d'un socle commun élargi. À quel moment jugez-vous dès lors pertinent d'orienter les enfants vers une filière particulière ? Le très grand nombre de diplômes proposés - 163 - conduit à une perte de lisibilité et à un éloignement par rapport au modèle de l'Éducation nationale. Par ailleurs, plusieurs d'entre vous sont maîtres d'apprentissage. Est-il difficile pour les jeunes de trouver des stages et des maîtres d'apprentissage ? La difficulté est-elle accentuée, d'une part, dans certaines filières et, d'autre part, selon que la personne est un garçon ou une fille ? Enfin, la difficulté en termes de mobilité est-elle un sujet dans l'enseignement technique agricole ?

M. Serge Mérillou. - L'enseignement agricole a rencontré, durant plusieurs dizaines d'années, un succès incontestable, fondé sur le modèle relativement simple d'une agriculture productiviste qui avait besoin d'atteindre l'autosuffisance alimentaire. L'objectif était relativement simple, unique et commun. Les revenus des agriculteurs, de leur côté, s'amélioraient grâce aux évolutions techniques. Or ce modèle est cassé. Il n'existe plus. Les revenus des agriculteurs sont en berne. Plusieurs modèles s'opposent, avec une agriculture productiviste et exportatrice qui cohabite avec une agriculture paysanne. Pour redonner une dynamique à l'enseignement agricole, comment redonner du sens et recréer un modèle ?

M. Pierre Thomas. - Je suis toujours inquiet quand des entreprises privées proposent des formations. Quelle est la finalité ? Les jeunes doivent en effet trouver leur indépendance. Je ne suis pas certain que ce type de formation apporte l'indépendance aux jeunes formés.

Pour autant, je pense que l'Éducation nationale « ne joue pas le jeu », avec une image négative donnée de nos métiers. Je pense qu'un travail est à mener au sein de l'Éducation nationale pour orienter les jeunes vers nos métiers. Je ne vois pas pourquoi il y aurait concurrence entre l'Éducation nationale et l'enseignement agricole. Dans tous les cas, les formations sont organisées par l'État. Certes, les ministères de tutelle diffèrent mais il existe des passerelles.

L'organisation permet de trouver des maîtres de stage et des maîtres d'apprentissage qui bénéficient d'une certaine connaissance des actions pour lesquelles ils s'engagent, puisqu'ils reçoivent une formation obligatoire préalable. Aujourd'hui, les maîtres de stage et les maîtres d'apprentissage possèdent les compétences nécessaires.

Il est parfois difficile pour les filles de rejoindre un certain nombre de stages. Nous avons vu encore récemment des maîtres de stage et des maîtres d'apprentissage cantonner les filles à la vaisselle. Ils sont évidemment écartés très rapidement, dès qu'on s'en aperçoit. Il n'en demeure pas moins que ce constat pose la question de la formation des maîtres d'apprentissage et des maîtres de stage.

Il existe toujours des difficultés de mobilité au niveau des stages. Je suis maire de ma commune. Il est extrêmement difficile de loger et de nourrir les apprentis. Les collectivités locales doivent s'emparer de cette difficulté, sous peine de ne pas la résoudre. Des logements meublés à bas prix doivent être proposés pour accueillir ces jeunes. Les cantines scolaires doivent leur être ouvertes à des horaires particuliers.

Enfin, il n'est pas possible d'orienter des jeunes de 15 ou 16 ans vers une voie unique. Il n'existe plus de modèle agricole unique comme auparavant, mais de multiples orientations agricoles. La formation de base doit donc demeurer diverse.

M. Stéphane Cornec. - Il semble que l'école de Xavier Niel et d'Audrey Bourolleau ne serait ni certifiée, ni certifiante. Nous ne pouvons donc pas défendre le projet. Le diplôme est en effet pour nous essentiel. Il s'agit par conséquent d'un non-sujet. Nous ne pourrons pas soutenir cette initiative.

S'agissant de l'apprentissage, les difficultés concernent notamment l'anticipation dont peuvent faire preuve certains jeunes pour trouver des maîtres d'apprentissage. Certaines écoles ont une longue expérience de l'apprentissage mais d'autres pas. Le réseau des maîtres d'apprentissage n'est pas en place. Il reste encore un travail important à mener dans ce domaine. Le réseau des Jeunes Agriculteurs, de son côté, possède un outil gratuit baptisé « Stage agricole », complémentaire à ce que propose l'Association nationale pour l'emploi et la formation en agriculture (Anefa), qui permet au jeune d'acquérir une visibilité sur les agriculteurs en recherche de stagiaires ou d'apprentis.

Les filles rencontrent souvent davantage de difficultés pour trouver un maître d'apprentissage. Il existe un vrai sujet.

Enfin, des jeunes de 16 ou 17 ans possèdent peu de moyens de locomotion. Leur périmètre pour trouver un maître d'apprentissage s'en trouve limité. À l'inverse, dans mon département, certains maîtres d'apprentissage n'ont pas d'apprenti, faute de jeunes candidats. Des zones et des filières sont ainsi prêtes à accueillir des jeunes, sans en trouver. Je pense en particulier qu'il existe un problème d'orientation dans l'Éducation nationale. Le personnel est supposé accompagner les jeunes dans l'orientation, au moment de la 3e ou en post-bac. Il est cependant mieux informé sur les autres voies de professionnalisation que sur la voie agricole, pour laquelle il existe peu de documentation disponible. Les échanges entre les établissements généraux et les établissements de l'enseignement agricole sont insuffisants. Un travail est à mener pour que l'information circule plus efficacement à ce niveau.

Enfin, le nouveau modèle éventuel évoqué dans la dernière question n'est pas pour nous un sujet. Selon nous, toutes les formes d'agriculture ont en effet une place à occuper. Il n'y a plus de modèle et nous n'en voulons pas. Chaque agriculteur doit avoir son projet, indépendamment de toute volonté politique. En revanche, nous devons nous montrer capables d'accompagner et de transmettre l'ensemble des exploitations qui composent aujourd'hui notre agriculture.

M. Etienne Heulin. - Avec l'école Niel, nous sommes au coeur du sujet. La question est pertinente. Nous avons déjà vu, par le passé, des écoles privées s'installer et afficher des ambitions. Il est intéressant d'interroger les motifs d'une telle école. Elle nous renseigne peut-être sur les carences de l'enseignement agricole. Il s'agit peut-être de l'adaptation d'une certaine segmentation, en adéquation avec la formation professionnelle des branches. Un projet industriel se profile probablement derrière cette école. Monsieur Niel a un projet industriel au niveau de l'alimentation. S'agit-il d'une école similaire à l'école Steiner ? L'école doit-elle être conventionnée avec l'enseignement agricole, comme il existe des écoles conventionnées avec des innovations d'enseignement ? L'ensemble de ces questions doivent être posées.

Concernant le socle commun et le nombre de diplômes, nous atteignons probablement les limites d'une époque qui a favorisé la segmentation des métiers, tandis qu'un nombre croissant de personnes souhaitent évoluer dans un métier où il est possible de se réaliser pleinement, de la production à la vente. Ce point rejoint d'ailleurs la question de l'accès des femmes et des personnes handicapées aux métiers de l'agriculture. Le socle commun est donc important, même si la spécialisation peut être utile pour permettre à des personnes peu qualifiées de trouver un emploi.

La possible absence de modèle est souvent évoquée. Je juge utile pour ma part de nommer les éléments de l'enseignement agricole. L'agriculture intégrée, l'agriculture biologique, l'agriculture paysanne, etc., sont nommées de manière subtile. En revanche, dans ce cadre se pose la question du renouvellement des générations. Nous savons qu'il existe une agriculture productiviste prédatrice des terres, qui empêche le renouvellement des paysans. À l'inverse, il existe une agriculture paysanne qui permet le renouvellement. Je pense que les questions afférentes doivent être posées dans des modules d'enseignement agricole. Il s'agit d'expliquer la manière dont un territoire fonctionne et la manière dont des paysans peuvent s'installer ou non, en décrivant, sans tabou, les conditions dans lesquelles il n'est pas possible de reproduire le métier. Ces explications sont apportées en école d'ingénieur. Je pense qu'elles pourraient l'être de manière anticipée, au niveau du baccalauréat professionnel ou du BTS.

Mme Marie-Pierre Richer. - J'ai noté qu'il existait 163 métiers. L'ensemble de ces métiers, dans les lycées agricoles, font appel à de multiples compétences et à une diversité des missions. Il a été question de l'orientation et des passerelles entre l'enseignement général et l'enseignement agricole. Ma question est simple. Au-delà de l'attractivité, ne pensez-vous pas que la simple appellation « lycée d'enseignement agricole » est réductrice pour des jeunes qui n'imaginent pas l'ensemble des métiers liés à l'environnement et au monde agricole ?

Mme Pascale Gruny. - Je voudrais citer deux exemples venant de mon département. Un lycée manquait de jeunes stagiaires, que les entreprises agricoles attendaient. Dans un autre lycée, aucun jeune ne souhaitait devenir chef d'exploitation agricole. L'ensemble des jeunes voulaient s'occuper d'animaux. J'en ai été relativement choquée. Je crois qu'il est nécessaire d'être attaché au territoire. Les attentes et les modèles sont en effet différents. Je m'inquiète par conséquent pour le renouvellement des exploitants agricoles.

J'ai également des questions sur la préparation des métiers de demain. Du point de vue de l'intelligence artificielle, du numérique, etc., jugez-vous le niveau satisfaisant ? Des formations en ressources humaines sont-elles organisées ? De nombreux agriculteurs exercent en effet une seconde activité. Enfin, existe-t-il une formation sur la santé et la sécurité en agriculture ?

M. Vincent Segouin. - J'ai le sentiment que la difficulté majeure de l'enseignement agricole concerne l'attractivité. Quand la profession parle de l'agriculture, il est question de marges de plus en plus faibles, de revenus quasiment inexistants, de pollution, d'agri-bashing, de l'association L214, etc. Les aléas climatiques de plus en plus nombreux viendront de surcroît s'ajouter à ces constats dans les années à venir. Comment, dès lors, les parents peuvent-ils inciter leurs enfants à rejoindre le monde de l'agriculture, quand l'agriculture parle d'elle-même avec des mots aussi négatifs ? Le représentant des Jeunes Agriculteurs indiquait qu'il ne souhaitait pas être guidé par les politiques. Pour autant, l'enseignement agricole permet-il aujourd'hui aux jeunes de faire un choix entre l'agriculture conventionnelle et l'agriculture biologique ? Donne-t-il les moyens de commercialiser, de gérer et de réaliser des choix adaptés ?

Mme Marianne Dutoit. - Je souhaite rapidement revenir sur les questions précédentes. L'agriculture est le seul secteur qui a vu le nombre de ses apprentis augmenter au cours des quelques années écoulées. On compte plus de 20 000 apprentis, pour 15 500 maîtres d'apprentissage environ. La corrélation entre la demande et l'offre s'opère de manière plutôt satisfaisante. Lorsqu'il existe une difficulté, nous publions des communiqués de presse pour que les maîtres d'apprentissage fassent part de leurs besoins.

Par ailleurs, il me semble que personne n'a répondu à la question du moment auquel l'orientation doit débuter. Dans l'enseignement agricole, l'orientation intervient dès la classe de 4ème ou la classe de 3ème. Elle est, en l'occurrence, fortement accompagnée par les professeurs. Un temps important est ainsi consacré à cette orientation, pour que les jeunes ne se trompent pas, ce qui rappelle la nécessité d'un tronc commun pour laisser ensuite le jeune choisir sa spécialisation.

L'enseignement agricole compte effectivement 163 diplômes, dont des certificats de spécialisation. Il existe également 100 métiers. L'attractivité du monde agricole vient d'ailleurs du fait qu'il recouvre l'ensemble des métiers du vivant. S'agissant du retrait possible du nom d'enseignement agricole jugé réducteur, nous préférons pour notre part développer ce qu'il recouvre avec l'aventure du vivant. La suppression de la mention « agricole » ferait en effet disparaître l'entrée par la production agricole, qui constitue un élément essentiel et sans laquelle on ne pourra pas nourrir la population demain.

L'enseignement agricole forme au développement des ressources humaines ainsi qu'à la santé et à la sécurité. La problématique de la santé et de la sécurité apparaît néanmoins tardivement, en particulier par le biais de la formation continue. Sur le numérique, nous sommes très en avance. Il reste cependant beaucoup à réaliser car il s'agit d'un enjeu majeur. L'agriculture doit effectivement être numérisée et robotisée pour devenir moins pénible.

J'ajoute également que la diversité est une richesse. N'imposons pas des modèles. Le jeune doit pouvoir choisir le modèle correspondant à son orientation, à sa terre, à son climat et à sa vie. Toutes les formes d'agriculture ont leur place. On a besoin des circuits courts comme de l'export.

M. Jean-Marc Boyer, Président. - Joël Labbé a une question subsidiaire.

M. Joël Labbé. - Il est question de diversité et d'absence de modèle unique. Certes, il existe une agriculture industrialisée qui se dirige vers la robotique et le numérique. Il existe également une agriculture de proximité, à l'origine de produits qu'attendent un certain nombre de consommateurs. Les productions de proximité sont en développement, notamment l'agriculture biologique. La France ne parvient cependant pas aujourd'hui à satisfaire la demande, entraînant des aspirations politiques françaises et européennes dans le domaine. Est-il envisageable, dès lors, de proposer des formations spécifiques en matière d'agriculture biologique de proximité, avec les aspects de transformation et de vente qui y sont liés ?

Joris Miachon. - Je reviens sur l'appellation du lycée d'enseignement agricole. Il me semble important que le terme « agricole » soit préservé. Le fait de considérer que ce mot est péjoratif revient à donner raison aux détracteurs du monde agricole.

Je n'ai aucun doute quant à la capacité d'innovation de l'agriculture. L'agriculture a en effet toujours été la profession la plus innovante.

En matière de santé et de sécurité au travail, l'enseignement agricole se protège énormément en prenant en compte l'ensemble des risques existants. Je pense par conséquent qu'il est au point dans le domaine.

Enfin, concernant l'attractivité, certains mots sont en effet durs et difficiles à entendre. Il y a des problèmes de valorisation, de prix de vente, de suicide, d'agribashing. J'ai conscience qu'il est difficile pour les parents d'inciter leurs enfants à se diriger vers l'enseignement agricole. Je réponds par une interrogation. Qui est responsable de cette situation ? La responsabilité revient-elle aux agriculteurs, aux médias, aux politiques ?

M. Etienne Heulin. - Je pense qu'il convient d'accepter qu'il soit possible d'être « flexi-paysan ». Une personne peut commencer son métier sur une trajectoire, avant d'en changer à plusieurs reprises dans sa carrière paysanne. La formation par l'enseignement agricole est donc importante. Un socle commun et des bases reconnues sont indispensables (par exemple en agronomie, en agroécologie, etc.). Aujourd'hui, les référentiels en écologie, en éthologie, sont insuffisants. Il est incohérent de constater que l'agronomie et l'agriculture biologique sont optionnelles, alors que le numérique figure dans le socle commun. Je pense pour autant qu'il n'est pas possible de demander à l'enseignement agricole ce qu'il ne peut pas donner concernant la notion de « flexi-paysan ». La formation professionnelle doit occuper toute sa place, par l'enseignement agricole ou d'autres organismes de formation reliés au réseau. Nous avons beaucoup à apprendre en travaillant les uns avec les autres.

Il existe un lien entre l'agriculture biologique et l'attractivité, dès lors qu'on l'aborde de manière globale, à la fois sous l'angle des techniques de production, des débouchés et des attentes des consommateurs. Les parents d'élèves sont des consommateurs et ont alors une autre image de l'agriculture. Territoires, non segmentation et investissement dans les bases : c'est un tout.

M. Xavier Heinzlé, conseiller chargé du renouvellement des générations en agriculture des Jeunes agriculteurs. - L'enseignement agricole se compose aujourd'hui d'une majorité de diplômes liés à la ruralité. De nombreux diplômes préparent à des services. S'agissant du maillage territorial, l'enseignement agricole est lié à des territoires et suscite l'intérêt d'un public de plus en plus urbain. Je souhaite répéter également qu'il n'existe pas de concurrence entre les modèles agricoles, comme le soulignait notre rapport d'orientation 2020. Enfin, la réponse à la question des compétences que l'enseignement agricole peut apporter (gestion, ressources humaines, etc.) dépend du diplôme préparé. C'est pourquoi la notion de tronc commun est importante. Selon le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), le niveau 5, qui correspond à un niveau BTS, prépare à la gestion d'entreprises, tandis que le niveau 4 comprend des enseignements plus techniques.

M. Pierre Thomas. - La politique agricole mise en place dans les années 1960 a connu la réussite, avant de subir l'échec aujourd'hui. Elle ne répond absolument plus aux besoins de notre société et des agriculteurs. Les difficultés sont importantes. La solution doit évidemment venir du monde politique, et pas seulement des agriculteurs. Il y a une responsabilité commune. Par le passé, un certain nombre d'orientations n'ont pas été prises au moment opportun. Il n'est pas trop tard. Il faut s'atteler à la tâche pour que le métier d'agriculteur soit le plus attractif possible.

Je ne suis pas favorable, par ailleurs, aux formations spécifiques bio ou non-bio. Je suis producteur bio depuis l'année 2000. Il me semble cependant que des formations spécifiques empêcheraient le dialogue entre les deux communautés. L'intérêt de se parler est de donner les capacités à chaque personne de changer de domaine si elle le souhaite. Le monde agricole souffrirait au contraire de ne pas proposer des possibilités de mobilités. Les personnes doivent pouvoir évoluer. La formation de base doit par conséquent être la plus importante possible.

Bien évidemment, la société a des attentes et il faut y répondre. Mais ce n'est pas le rôle de l'enseignement agricole. Son rôle, c'est simplement de permettre aux personnes qu'il forme d'exercer un métier les aidant à répondre aux attentes de la société. Ce n'est pas à 17 ou 18 ans qu'on peut choisir sa voie, les personnes doivent être en capacité de le faire plus tard.

M. Jean-Marc Boyer, Président. - Merci. Je souhaite poser une question, que nous soulèverons de nouveau lorsque nous auditionnerons des personnes du monde de l'orientation, en vous faisant part d'un retour d'expérience. Lorsque, dans un collège, un élève intéressé par l'agriculture doit être orienté, le corps enseignant de l'Éducation nationale et les personnes qualifiées en termes d'orientation produisent-ils les efforts nécessaires pour orienter cet élève vers l'enseignement agricole ? Je n'en suis pas certain. Il me semble qu'il existe un préjugé pour qu'un élève doué passe un baccalauréat d'enseignement général et poursuive ensuite ses études à la faculté. Seuls les élèves qui n'ont pas certaines capacités sont susceptibles d'être orientés vers l'enseignement agricole. Dès lors qu'un élève manifeste un intérêt pour l'enseignement agricole, indépendamment de son niveau scolaire, il doit pouvoir être orienté vers l'enseignement agricole.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - Je vous invite à détailler vos réponses et à nous fournir des exemples dans les réponses écrites au questionnaire que nous vous avons adressé. Vous avez appelé les responsables politiques à faire preuve de courage, nous n'en manquons pas au Sénat. Nous comptons sur les éléments précis que vous nous communiquerez pour formuler des propositions ciblées et opérationnelles.

M. Jean-Marc Boyer, Président. - Je remercie l'ensemble des intervenants et mes collègues qui suivent cette mission avec assiduité et pertinence.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 50.

Mercredi 10 mars 2021

- Présidence de M. Jean-Marc Boyer, président -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

L'orientation vers l'enseignement agricole et son attractivité - Audition de M. Jean-Louis Nembrini, vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine chargé de l'éducation et des lycées, Mme Sandrine Marcillaud-Authier, cheffe du département des éditions à l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP), MM. Bruno Ricard, inspecteur général des ponts, des eaux et des forêts, Éric Bardon, inspecteur général de l'agriculture, Michel Sinoir, directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt d'Auvergne-Rhône-Alpes, Mme Corinne Blieck, ancienne présidente de l'Association nationale des directeurs de centre d'information et d'orientation (ANDCIO), M. Yohann Le Pape, membre du conseil d'administration (CA) de l'ANDCIO et directeur du CIO de Chartres et Mme Saadia Ait-Abed, suppléante au CA de l'ANDCIO et directrice du CIO de Saint-Benoît (La Réunion)

M. Jean-Marc Boyer, président. - Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, notre mission d'information sur l'enseignement agricole, outil indispensable au coeur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires, poursuit aujourd'hui ses travaux par une table ronde consacrée à l'orientation vers l'enseignement agricole et à son attractivité. Nous auditionnerons ensuite, à partir du mercredi 17 mars, les responsables des unions ou fédérations des établissements de l'enseignement technique agricole. Je vous rappelle que cette réunion est captée et diffusée en direct sur le site Internet du Sénat, sur lequel elle pourra ensuite être consultée en vidéo à la demande. Elle est également diffusée en direct sur Twitter.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui au Palais du Luxembourg M. Éric Bardon, inspecteur général de l'agriculture, et M. Bruno Ricard, inspecteur général des ponts, des eaux et des forêts. Tous deux sont les co-auteurs, avec Mme Danielle Gozard, d'un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) publié l'an dernier, intitulé « l'orientation des élèves vers l'enseignement agricole et son attractivité ».

Participe ensuite à cette table ronde M. Michel Sinoir, directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt d'Auvergne-Rhône-Alpes. Il a aussi eu une longue expérience de directeur départemental de l'agriculture et de la forêt (DDAF) à La Réunion.

Nous accueillons également Mme Sandrine Marcillaud-Authier, cheffe du département des éditions à l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP).

D'autres intervenants sont connectés à distance.

Je salue ainsi M. Jean-Louis Nembrini, vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine, qui s'exprimera au nom de Régions de France. M. Nembrini connaît bien les sujets éducatifs et pourra peut-être nous donner sa vision de l'articulation entre l'enseignement agricole et l'Éducation nationale. Au cours de sa carrière, il a en effet notamment été directeur général de l'enseignement scolaire du ministère de l'éducation nationale et recteur de l'académie de Bordeaux.

Je salue enfin l'Association nationale des directeurs de centres d'information et d'orientation (ANDCIO), qui est représentée par trois personnes : Mme Corinne Blieck, qui en a été la présidente jusqu'en décembre dernier, M. Yohann Le Pape, directeur du CIO de Chartres, et Mme Saadia Ait-Abed, directrice du CIO de Saint-Benoît à La Réunion. A cet égard, je tiens à souligner l'importance que la mission d'information attache à la dimension territoriale des sujets et, en particulier, à la juste prise en compte de la situation de nos Outre-mer.

Je remercie chacun d'avoir accepté de participer à nos travaux.

Mesdames et Messieurs, avec mes vingt-deux collègues membres de la mission d'information, nous sommes convaincus que l'enseignement agricole est une chance pour de nombreux jeunes et un outil indispensable pour l'avenir de nos filières agricoles et alimentaires.

Lors de notre audition, la directrice générale de l'enseignement et de la recherche, Mme Valérie Baduel, a estimé que la connaissance et la reconnaissance de l'enseignement agricole sont le défi n° 1. Elle a eu cette formule que je vous cite : « le connaître, c'est l'aimer. »

L'orientation et l'attractivité de l'enseignement agricole sont donc un des éléments importants de notre sujet. Or le rapport d'Eric Bardon et Bruno Ricard souligne que les enjeux ne sont pas minces, y compris en raison de ce qu'ils appellent des distorsions d'image, sur fond notamment « d'agribashing ». Ce sujet a été abordé très directement par plusieurs représentants de syndicats agricoles, hier après-midi. Nous avons la chance de pouvoir disposer de leur rapport récent. Je propose donc leur donner la parole en premier, avant de poursuivre avec les autres participants.

Notre rapporteure, Mme Nathalie Delattre, interviendra à la suite des présentations effectuées par chacun, à partir du questionnaire qu'elle vous a adressé. Je lui passerai ensuite la parole afin qu'elle puisse vous poser un certain nombre de questions, puis à mes collègues qui le souhaitent.

Messieurs Bardon et Ricard, je vous cède la parole.

M. Bruno Ricard, inspecteur général des ponts, des eaux et des forêts. - Je vais vous présenter nos cinq constats et nos principales recommandations.

Notre premier constat est la baisse de 11 % des effectifs de la formation initiale scolaire, passés de 173 548 à 154 695 élèves entre la rentrée 2011 et la rentrée 2020, dont respectivement 36 % puis 39 % dans l'enseignement agricole public. Cette baisse globale cache des disparités. Elle est plus importante dans l'enseignement privé que dans l'enseignement public. Le cycle secondaire perd des élèves, tandis que le cycle supérieur court enregistre une hausse. Les spécialités professionnelles connaissent des évolutions différentes : les filières « services » et « industrie » sont en diminution, les formations « aménagement » et « ventes » en augmentation et les formations « production-gestion » restent relativement stables.

Notre deuxième constat est le suivant : le nouveau cadre institutionnel de l'orientation est une opportunité à saisir pour l'enseignement agricole. Dans ce nouveau dispositif, celui-ci est pris en compte au même titre que l'Éducation nationale. La convention régionale type, annexée au cadre national de référence, prévoit que le directeur régional de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt est signataire de la future convention régionale sur l'orientation au même titre que le recteur. Dans l'ensemble des régions, les conseils régionaux ont une perception positive de l'enseignement agricole et l'intègrent pleinement dans leurs politiques d'éducation et d'information. Nous recommandons aux services des directions régionales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (DRAAF) de s'impliquer activement dans la politique d'information et de participer pleinement à l'élaboration et à la relecture avant diffusion de tous les documents et vecteurs de communication portant sur les métiers, les diplômes et les formations de l'enseignement agricole.

Le troisième constat est que les relations avec l'Éducation nationale sont caractérisées par un rapprochement marqué aux niveaux national et régional, contrastant avec la persistance de la méconnaissance de l'enseignement agricole par une majorité de chefs d'établissement et de professeurs principaux de l'Éducation nationale. En effet, malgré le développement de relations entre les directions générales des deux ministères ainsi qu'entre les rectorats et les DRAAF, l'enseignement agricole reste méconnu de trop nombreux acteurs locaux de l'Éducation nationale. En l'absence d'échelon administratif au niveau départemental pour l'enseignement agricole, les services régionaux de l'enseignement agricole ont peu de relations avec les directeurs des services académiques de l'éducation nationale, chargés notamment de l'affectation des élèves. Pour pallier cette difficulté, nous préconisons que l'enseignement agricole soit représenté dans chaque département par une personnalité officiellement désignée par le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, et qu'une convention prévoyant la participation systématique de ce représentant à toutes les réunions de bassin et les réunions portant sur l'orientation soit passée avec le recteur. Pour mieux faire connaître l'enseignement agricole auprès des prescripteurs locaux de l'orientation, nous recommandons de systématiser et de pérenniser le travail de terrain des directeurs de lycée agricole par des conventions entre les rectorats et les DRAAF, définissant des modalités d'information mutuelle des chefs d'établissement et des équipes pédagogiques.

Notre quatrième constat concerne le baccalauréat général. Les établissements de l'enseignement agricole sont fréquemment confrontés à la problématique des moyens, qui les conduit à ne proposer qu'une seule doublette en terminale (biologie-écologie/mathématique, ou biologie-écologie/physique chimie) et un seul enseignement optionnel. Afin d'améliorer son attractivité et d'élargir les possibilités de poursuite d'études après le baccalauréat général, nous recommandons d'élargir l'offre de formations de l'enseignement agricole. Nous préconisons de mieux valoriser l'enseignement biologie-écologie et de proposer une offre de formations plus large en première et en terminale, adaptée au territoire et au contexte de l'établissement : au moins deux doublettes devraient être possibles en terminale avec deux enseignements optionnels. De plus, l'enseignement de spécialité « sciences économiques et sociales » devrait pouvoir être proposé dans certains établissements quand les poursuites d'études le justifient.

J'en viens enfin à notre cinquième et dernier constat. La communication de l'enseignement agricole, qui est fondamentale pour sa promotion et son attractivité, se heurte à un certain nombre de défis. Je n'en citerai qu'un seul : l'enseignement dit agricole ne se résume pas aux formations purement agricoles, qui représentent environ un tiers de l'offre de formations. Comment faire pour communiquer efficacement sur la grande diversité des formations de cet enseignement sans que le terme « agricole » n'occulte tout le reste ? Sur le plan de la communication, nous recommandons de privilégier l'entrée par les métiers, notamment ceux qui s'inscrivent dans les préoccupations actuelles dominantes de l'opinion publique : l'agroécologie, l'agriculture biologique, le bien-être animal, les circuits courts, le numérique, la protection de l'environnement, la qualité de l'alimentation, etc. Nous recommandons également d'associer à cette démarche les régions et l'ensemble des branches professionnelles concernées par l'enseignement agricole : agriculture, élevage, horticulture, viticulture, agroalimentaire, agro-industrie, agro-équipement, services, paysages, protection de la nature, vétérinaires, etc. Il convient de rappeler sans cesse les nombreux atouts des établissements de l'enseignement agricole, qui sont toujours d'actualité : leur ancrage territorial et leurs relations très développées avec les branches professionnelles, leur cadre de vie et de travail exceptionnel (petits effectifs, hébergement et équipement pédagogique remarquables, avec notamment les exploitations agricoles et les ateliers technologiques), leur pédagogie de projet, le suivi personnalisé des élèves, l'importance du contrôle continu dans la délivrance des diplômes, la qualité de l'animation culturelle et de l'éducation citoyenne, et enfin des taux élevés de réussite aux examens et la bonne, voire excellente insertion scolaire, sociale et professionnelle des élèves, étudiants et apprentis.

Pour terminer mon propos, je dirai que le cabinet du ministre et la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) ont réservé un accueil positif à notre rapport. Nos analyses et recommandations sur le contexte régional et la nécessité d'un représentant départemental de l'enseignement agricole ont été largement reprises par la DGER. Quant à la communication sur l'enseignement agricole, elle constitue un volet important du plan de relance du ministère de l'agriculture.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - Merci de cette présentation de votre rapport. Ma première question porte sur l'accueil de ce rapport par les ministères concernés. Vous dites qu'une des propositions, notamment la création d'un correspondant départemental DRAAF, a été reprise. Cela fait peu, en comparaison avec le nombre de préconisations que vous avez établies. Ce que vous avez écrit dans ce rapport est essentiel Le ministère de l'agriculture n'est pas le seul concerné : quel a été l'accueil réservé à ce rapport par le ministère de l'éducation nationale ?

La réforme du baccalauréat a été très compliquée dans l'enseignement agricole. Ce que vous nous dites sur les doublettes et les options proposées est très important : on s'est aperçu que leur absence générait un manque d'attractivité pour ces formations agricoles. Mais il est vrai que rentrer dans la réforme du baccalauréat et pouvoir proposer ces options ne passe pas au niveau budgétaire. Des efforts budgétaires doivent donc être réalisés, notamment au niveau de la diminution des postes qui, malheureusement, continue à sévir dans l'enseignement agricole. Nous partageons votre analyse sur ce problème de l'attractivité, notamment sur la question des doublettes de spécialité proposées en terminale : j'espère que vous serez largement entendus dans vos préconisations par le ministère.

Nous nous sommes aperçus que se créait une concurrence avec les formations de l'Éducation nationale. Avez-vous la même perception ? La fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), que nous avons entendue hier, n'a pas parlé de concurrence mais de complémentarité. Cette concurrence nous était pourtant clairement apparue dans les auditions que nous avions organisées à l'occasion du projet de loi de finances (PLF).

Vous parliez de la territorialisation. La force de l'enseignement agricole est en effet d'être au contact de la ruralité et de l'hyper-ruralité. Cela est devenu une faiblesse pendant la crise sanitaire, puisque du fait des problèmes de mobilité des jeunes, rejoindre les maisons familiales rurales (MFR) ou d'autres établissements liés à l'hyper-ruralité est compliqué. Pensez-vous que les DRAAF sont suffisamment mobilisées sur cet enseignement agricole ? Pensez-vous que leur rôle en la matière pourrait être plus conséquent ?

M. Bruno Ricard. - Vous dites, Madame, que de nombreuses préconisations n'ont pas été retenues par la DGER. Si vous le permettez, je n'ai pas la même analyse. Elles ont été écoutées avec attention, et je dirais qu'elles ont toutes été reprises sauf une : celle sur le baccalauréat, pour des raisons budgétaires.

Concernant la concurrence ou la complémentarité avec l'Éducation nationale, je ne souhaite pas engager un débat sémantique. Oui, il n'y a pas de formation identique entre l'enseignement agricole et l'Éducation nationale, mais il y a des formations complémentaires, principalement le baccalauréat général et le baccalauréat professionnel « services aux personnes et aux territoires ». Ces formations peuvent parfois entrer en concurrence avec les formations de l'Éducation nationale sur certains territoires. La réforme du baccalauréat général a légèrement « appauvri » le baccalauréat général de l'enseignement agricole. Par exemple, l'enseignement « agronomie, territoire, citoyenneté », qui était auparavant obligatoire dans le baccalauréat S de l'enseignement agricole, est devenu optionnel. De plus, par le biais des contraintes, des doublettes et autres, les spécificités de ce « bac scientifique » sont finalement moindres. Heureusement, nous avons toujours dans l'enseignement agricole l'enseignement biologie-écologie qui doit être valorisé, puisqu'il correspond à des préoccupations de l'opinion.

Je pense que la diversification des enseignements serait souhaitable pour améliorer l'attractivité. J'ai cité l'enseignement de spécialité « sciences économiques » parce qu'il est fréquemment demandé par les familles quand elles sont dans l'incertitude sur l'orientation de leur enfant en seconde. Il pourrait tout à fait se justifier dans l'enseignement agricole, puisqu'en poursuite d'études, en BTS « analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole » (ACSE) par exemple, l'économie a une très grande importance. Un certain nombre de bacheliers de l'enseignement agricole poursuivent cela en BTSA. Selon les territoires et les contextes, cela serait souhaitable, mais il faudrait effectivement des moyens supplémentaires.

Quant aux DRAAF, je ne doute pas que, avec les services régionaux de la formation et du développement (SRFD), elles soient très mobilisées sur l'enseignement agricole. Je le dis très sincèrement : on a rencontré plusieurs directeurs régionaux de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt, et je n'ai aucun doute là-dessus. Mais quels sont leurs moyens ? Quand vous les comparez à la « grosse machine » de l'Éducation nationale - ce qui n'a rien de péjoratif -, notamment dans les services déconcentrés, comment voulez-vous que les personnels des SRFD puissent faire face ? Les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) ont un rôle fondamental dans chaque département, mais les SRFD n'ont pas les moyens humains de se démultiplier, notamment dans les régions aussi importantes que la Nouvelle-Aquitaine ou Auvergne-Rhône-Alpes !

C'est pourquoi, même si ce n'est pas simple, nous avons proposé de créer une fonction de représentant de l'enseignement agricole. Selon les contextes, cela pourrait être un directeur d'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA), puisqu'il y en a souvent un par département. La problématique de la répartition entre le public et le privé se pose également. Dans les régions où l'enseignement privé est très dominant, cela pourrait être un représentant de l'enseignement agricole privé. Cette solution peut présenter toutefois des difficultés, parce que l'Éducation nationale n'a pas la même perception de l'enseignement privé. Si celui-ci représente la majorité des effectifs dans l'enseignement agricole, ce n'est pas le cas dans l'Éducation nationale. Malgré ces difficultés, ce représentant départemental de l'enseignement agricole me semble vraiment stratégique, puisque c'est au niveau départemental que se jouent les affectations et l'orientation.

M. Jean-Marc Boyer, président. - Une question nous a été transmise hier par les représentants des syndicats agricoles. Deux d'entre eux ont regretté que le cursus du baccalauréat professionnel agricole soit passé de quatre à trois ans. Pour eux, le fait de concentrer une année sur les trois qui restent représentait une diminution de qualité de l'enseignement, en particulier sur les aspects de gestion et de conduite d'exploitation. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces remarques, faites par des professionnels.

M. Bruno Ricard. - Je ne partage pas du tout leur avis. Je pense que la rénovation de la voie professionnelle, donc le passage du baccalauréat professionnel en trois ans (Bac pro 3 ans), a été fait à l'Éducation nationale. Je pense que l'enseignement agricole n'avait pas à se marginaliser.

J'ai participé à un rapport il y a quelques années sur le bilan de cette rénovation. Après une phase de transition, l'insertion des jeunes est tout aussi bonne qu'avant. Pour les jeunes qui ont des difficultés particulières, n'oublions pas que le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) existe et a été encore revalorisé. D'ailleurs, les effectifs en CAP (formation initiale scolaire et pas uniquement apprentissage) sont en augmentation dans l'enseignement agricole. Les jeunes ont donc toute possibilité d'acquérir une capacité professionnelle. Le bac professionnel 3 ans n'est, par conséquent, plus un sujet pour moi.

M. Jean-Marc Boyer, président. - Merci de le préciser.

J'ai une question supplémentaire, à laquelle on répondra peut-être tout à l'heure avec les différents intervenants, sur l'a priori qui existe au niveau des personnels de l'Éducation nationale au moment de l'orientation des élèves, en 5ème, 4ème ou 3ème. Si un élève en fin de collège a un très bon niveau, on lui conseille de passer un baccalauréat général et de suivre ensuite des études supérieures. En revanche, s'il a des difficultés particulières dans les matières d'enseignement général, on lui conseille plutôt de s'orienter vers l'enseignement agricole. Vous parliez en la matière de méconnaissance et on observe donc une sorte de dévalorisation opérée d'emblée par le système de l'Éducation nationale vers l'orientation des élèves au niveau agricole. Je pose la question pour tout à l'heure. Nous allons d'abord écouter M. Nembrini, qui représente Régions de France.

M. Jean-Louis Nembrini, vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine en charge de l'éducation et des lycées, représentant de Régions de France. - Je partage beaucoup de points présentés dans cet excellent rapport, sur lequel je ne vais donc pas revenir.

En ce qui concerne la réforme du baccalauréat professionnel en 3 ans, permettez-moi de préciser que j'étais alors directeur général de l'enseignement scolaire. J'ai donc conduit cette réforme, sous l'autorité du ministre Xavier Darcos. Je pense que cela a été une très bonne réforme, mais je ne vais pas argumenter de manière superfétatoire.

À quel problème faisons-nous face ? Je ne reviendrai pas sur les préconisations du rapport. On peut certes améliorer les structures, mais la vraie question réside dans ce que vous avez évoqué en introduction : la distorsion d'image par rapport aux métiers et la méconnaissance, dans les collèges, des métiers auxquels on forme dans l'enseignement agricole. Cette méconnaissance des professeurs principaux n'est pas de leur fait, mais provient de ce qu'ils ne peuvent initier qu'aux métiers qu'ils connaissent. Cette distorsion devra être combattue sur deux plans. D'abord, quels sont les métiers de l'agriculture d'aujourd'hui et de demain ? Comment ces métiers s'accordent-ils avec les exigences fondamentales de notre société ? Aujourd'hui, il n'y a pas de jeune qui ne soit préoccupé par l'environnement, par la pollution, par le bien-manger, etc. Il faut donc raccorder les métiers de l'agriculture aux exigences de la société actuelle. Or, lorsqu'on parle des métiers de l'agriculture, on a spontanément en tête ce qui ne fonctionne pas : la mauvaise production, la « malbouffe », etc. Il faut combattre cette image. Il faut agir dès le collège. Nous parlons beaucoup du lycée et de son organisation, des ajustements qu'on pourra faire (augmentation des spécialités, meilleure organisation entre enseignement agricole et Éducation nationale...). Tout cela est faisable.

La connexion s'interrompt.

Que faire ? Soyons concrets. Je crois vraiment qu'il faut travailler à l'échelle des territoires. Vous évoquiez tout à l'heure le travail des DRAAF. Sans doute, comme mes collègues, je vois son directeur en réunion de travail avec ses équipes, à l'échelle de la région, trois ou quatre fois par an. Encore la semaine dernière, l'ensemble des directeurs d'exploitation et d'établissement de la grande région Nouvelle-Aquitaine étaient réunis avec le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, à l'initiative de la région, où ces questions ont été posées. Des idées ont émergé du terrain, et notamment celle consistant à mettre en place un réseau d' « ambassadeurs métier » d'aujourd'hui, de ceux dont on a besoin, de ces métiers qui portent le bonheur de la société future et ses valeurs auxquelles nous aspirons tous et qui mobilisent les jeunes. Si les jeunes de collège savaient ce que peut porter l'enseignement agricole pour l'agriculture et le bien-être, ils s'y orienteraient plus volontiers. Nous allons donc nous attacher à mettre en place ce réseau dans ma région, en lien avec l'agence Cap Métiers de Nouvelle-Aquitaine en particulier.

J'ai lu, dans tout ce que font mes collègues dans les autres régions, des initiatives qui s'approchent de celle-ci. Je serais prêt, pour ma part, à développer l'exemple néo-aquitain dans le détail. C'est ce que nous devons faire. Ne pensons pas simplement - et c'est l'ancien administrateur de l'Éducation nationale qui le dit - qu'un changement de structure change le monde. Les réformes s'adaptent aux nécessités : c'est le cas de la réforme du lycée comme ce fut le cas du bac pro en 3 ans. Mais je pense qu'il faut regarder différemment l'orientation et, en particulier, s'appuyer sur la nouvelle compétence des régions dans ce domaine. Nous avons une compétence sur l'information, que nous puisons au plus près des territoires. Elle fonde cette volonté de constituer notre réseau d'ambassadeurs métier.

Une autre approche consisterait à passer par les exploitations agricoles des établissements agricoles. Je crois qu'il y a là quelque chose de très important. Les régions s'attachent à la rénovation actuelle de ces exploitations. Nous investissons beaucoup : en Nouvelle-Aquitaine, nous avons fait un appel à manifestation d'intérêt qui se déroule sur trois années. Nous appelons à l'initiative territoriale, ce qui est lié avec cette question des ambassadeurs métier. Il y a dans ces exploitations des trésors d'imagination, d'adaptation au monde d'aujourd'hui et à l'agriculture de demain. C'est là que nous trouverons l'expression nécessaire pour valoriser ces métiers.

Nous devons, dans chaque territoire, avoir des feuilles de route qui définissent ce type d'objectif. Le directeur régional de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt, en Nouvelle-Aquitaine, est très étroitement associé, tous les quinze jours, aux réunions que nous organisons avec les autorités académiques. Ces questions d'orientation sont au coeur de notre action. Nous nous sommes fixés des objectifs de réussite dans ce domaine.

Les chiffres que vous avez annoncés et que l'on constate partout sont catastrophiques. À partir d'un certain niveau sur le territoire, des unités d'enseignement seront menacées. Je sais que l'évolution des effectifs a préoccupé le Sénat lors de l'examen du budget de l'enseignement agricole : cette question se pose. Les petits établissements réclameront des moyens importants, faute de quoi ils réduiront leur palette de formation. Je ne pense pas que ce soit le bon moyen pour renforcer l'enseignement agricole sur les territoires ! Le problème de l'enseignement agricole, c'est qu'il est sur des territoires ruraux, parfois en déprise démographique. C'est malgré tout là qu'il faudra maintenir des moyens, comme nous, les régions, maintiendrons nos investissements dans ces établissements au niveau requis, et en particulier dans les exploitations agricoles.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - Je vous interrogerai en tant que représentant de Régions de France. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a ouvert un nouveau rôle pour les régions en matière de formation et d'orientation. À sa suite, le cadre de national de référence, signé le 28 mai 2019 entre l'État et Régions de France, précisait la nouvelle répartition des compétences entre État et régions. Ce cadre national devait faire l'objet d'une déclinaison dans chaque région sous la forme d'une convention triennale. Une convention a-t-elle été passée dans toutes les régions ? Quelles sont les difficultés constatées ?

Les régions doivent notamment intervenir dans les établissements scolaires afin d'organiser des actions d'information en faveur des élèves : c'est maintenant de votre responsabilité. L'enseignement agricole et les formations qu'ils proposent sont-ils systématiquement présentés et valorisés ? La référence que vous faites aux ambassadeurs des métiers se situe-t-elle dans ce cadre de l'orientation et de l'information ?

M. Jean-Louis Nembrini. - Je ne sais pas si toutes les régions ont formellement signé cette convention mais je sais qu'elles se sont toutes engagées dans cette information sur l'orientation et, notamment, sur les métiers de l'agriculture. Je ne sais pas non plus si c'est sous la forme des ambassadeurs métier. J'ai pris l'exemple que nous essayons de développer en Nouvelle-Aquitaine mais des initiatives comparables ont sûrement été lancées. Cela est fondé sur l'idée que lorsque des jeunes parlent de leur métier, de leur carrière et de leur réussite, cela touche ceux qui pourraient y trouver un intérêt.

Au-delà de cet exemple, je sais que toutes les régions se préoccupent de l'enseignement agricole et de l'orientation vers ces formations. Cela prend diverses formes : des forums organisés sur les territoires, des bus de l'orientation, le réseau des ambassadeurs métier en Nouvelle-Aquitaine, le printemps de l'orientation que développe le ministre de l'éducation nationale la semaine prochaine, et auquel les régions de France se sont intéressées et participent. Le directeur régional de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt de Nouvelle-Aquitaine sera lundi, avec le président de la région, moi-même, ainsi que les autorités académiques rectorales - les rectrices - au rendez-vous de l'ouverture de ce printemps de l'orientation. Je pense qu'il y aura de nombreuses initiatives semblables dans tout le pays.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - Pourrez-vous vous demander à Régions de France de nous transmettre par écrit des réponses précises portant sur l'ensemble des régions, avec un maximum d'exemples ?

M. Jean-Louis Nembrini. - Je n'y manquerai pas.

M. Jean-Marc Boyer, président. - Je vous remercie. Puisqu'il a été question de la DRAAF, je passe la parole à M. Michel Sinoir.

M. Michel Sinoir, directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt d'Auvergne-Rhône-Alpes. - Avant tout, je vous remercie pour cette initiative de mission d'information sur l'enseignement agricole. Comme vous l'a dit Valérie Baduel la semaine dernière, nous sommes très sensibles à cette initiative, qui est un signe positif à notre égard. Vous m'avez demandé de présenter en quelques mots l'enseignement agricole en Auvergne-Rhône-Alpes. Je vous parlerai de nos relations avec le conseil régional et nos partenaires de l'Éducation nationale, à partir de l'exemple de ma région.

La région Auvergne-Rhône-Alpes regroupe 8 millions d'habitants. Selon les projections de l'Insee, en suivant la trajectoire actuelle, elle atteindrait 9,5 millions d'habitants en 2050. Deux départements représentent 30 % de l'accroissement potentiel : les contrastes entre territoires sont très importants. On les trouve déjà aujourd'hui : nous sommes présents dans tous les territoires, dont les réalités sont très contrastées. Certaines zones figurent parmi celles qui ont la plus grande croissance démographique de France, comme le bassin alémanique ou le pourtour de Lyon, et d'autres se trouvent dans la diagonale du vide de la France.

Autre caractéristique : du point de vue agricole, c'est la première région en installations aidées. Comme l'a très bien dit M. Nembrini, il faut le rappeler car c'est un signe positif. Elle détient un taux d'installation hors cadre familial - c'est-à-dire non issu du milieu agricole - parmi les plus forts de France. Elle est enfin la première en circuit court puisque la clientèle est sur place et que c'est une destination touristique.

L'enseignement agricole consiste en un peu moins de 120 établissements, 29 EPLFPA, 30 établissements privés « temps plein » du conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP), 56 MFR et 3 établissements de l'union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP). C'est une richesse pour la région. 60 % de nos élèves, étudiants et apprentis sont dans le privé et non dans le public. Nous avons 2 écoles d'enseignement supérieur, agronomique et vétérinaire avec lesquelles nous entretenons des relations très étroites : VetagroSup, qui est publique, et Isara, qui est privée. Notre territoire compte également 64 sites de formation d'apprentis et 36 sites de formation continue. Nous l'avons peu évoqué, mais une des caractéristiques de l'enseignement agricole est de mêler étroitement, et bien souvent sur le même site, l'apprentissage, la formation initiale scolaire, la formation initiale par l'apprentissage et la formation continue pour adulte. Cela constitue une intéressante fécondation croisée. Nous avons 33 exploitations agricoles, 6 ateliers agroalimentaires, 2 centres équestres, ce qui représente une grande diversité, positive à mes yeux.

L'enseignement agricole, avec ses 2 700 agents de droit public, accueille 24 000 élèves et étudiants et 4 000 apprentis. Avec 28 000 « apprenants », Auvergne-Rhône-Alpes est la première région française de l'enseignement agricole. En outre, nous dénombrons 1,2 million d'heures pour des stagiaires en formation continue. On nous pose souvent la question : nous avons 46 % de filles et 54 % de garçons. Dans la filière équestre et services, ce n'est pas le même équilibre que dans l'agro-équipement. Et enfin, nous n'avons que 8 % d'enfants d'agriculteurs chefs d'exploitation. Cela signifie que nous attirons encore d'autres jeunes.

Autres éléments de présentation : parmi les élèves, étudiants et étudiants qui ne sont pas dans les formations générales, 50 % sont inscrits dans le champ professionnel de la production, de la transformation et de la commercialisation : 25 % dans le secteur tout à fait méconnu des services aux personnes et territoires, et 25 % dans le secteur l'aménagement de l'espace et la protection de l'environnement. Nous sommes inconnus en dehors du champ de la production agricole.

Que faisons-nous pour mieux aller à la rencontre de l'Éducation nationale et du conseil régional ? Nous avons une relation très étroite. Comme en Nouvelle-Aquitaine, nous nous réunissons quasiment tous les quinze jours avec le conseil régional et nous rencontrons très régulièrement les autorités académiques. Nous partageons totalement ce qui a été dit sur le rôle du département. Même dans une région comme la nôtre, nous avons besoin de l'échelon départemental. Nous avons rencontré cette année de tous les DASEN et nous constatons également un déficit de connaissance par les équipes pédagogiques, qui sont au plus près du conseil en matière d'orientation aux jeunes. Il faut renforcer le lien entre nos établissements et ceux de l'Éducation nationale dans chacun des bassins. Nous n'avons pas désigné de responsable dans chaque département, mais je signale que j'ai pris l'initiative, en Auvergne-Rhône-Alpes, de désigner un chef d'établissement du public sur les questions de défense et de sécurité. Il a cette responsabilité auprès du préfet et du DASEN. Cela constitue un début de désignation départementale.

S'agissant de la relation avec le conseil régional pour l'orientation : nous sommes associés en permanence. En revanche, pour les classes entrantes - et notamment le collège - nous pouvons clairement constater une certaine réticence des équipes pédagogiques à envoyer des élèves en 4ème-3ème dans l'enseignement agricole.

Pour terminer, je veux vous signaler que la carte des formations est arrêtée à l'issue d'un long processus auquel nous sommes associés. Il y a pour nous très peu de cas de concurrence - même dans la filière services où cela peut être un peu plus difficile. J'ai évoqué le dynamisme démographique de cette région : il y a de la place pour tout le monde. Pour nous, le problème réside moins dans le cadre général, constitué de l'alliance avec le conseil régional et le rectorat, que dans le fait de redescendre et faire percoler cela dans le système, pour qu'on ait conscience, au niveau local, de l'intérêt de l'enseignement agricole. Pour cela, l'échelle du bassin et de la relation avec les établissements est assez fondamentale. Je vous signale que parmi les meilleurs recrutements, il y a Aurillac ou Issingeaux. Le recrutement y est bon parce que les établissements de l'Éducation nationale et de l'enseignement agricole travaillent main dans la main. Il n'y a pas une semaine sans travail collaboratif sur des projets concrets.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - J'aimerais comprendre un peu plus votre rôle de prescripteur.

En ce qui me concerne, je suis viticultrice. On a en ce moment d'importants problèmes de main-d'oeuvre étrangère, puisqu'on ne trouve pas de main-d'oeuvre locale. Nous avons par exemple besoin de tractoristes. J'ai essayé de le dire à la DRAAF, mais aucune pression n'a été déclenchée pour inscrire cela dans la carte des formations, ce qui a engendré un gros décalage.

Plus généralement, comment arrivez-vous à recueillir les besoins des filières et comment les défendez-vous dans ce long processus de carte des formations ? Comme le disait M. Ricard, vous manquez aujourd'hui de moyens. Quelles demandes pourrait-on faire pour que vous en disposiez, afin que vous soyez le plus impliqué possible auprès de la filière ? Au niveau départemental, cela passe par un représentant, mais aussi par des moyens supplémentaires. Quelles sont vos demandes en la matière ? Il est important de les exprimer aujourd'hui.

M. Michel Sinoir. - J'avais un patron qui me disait à une époque : « il manque toujours 10 % ». Si le Sénat nous obtient un peu plus, ce sera toujours bon à prendre, Madame la sénatrice.

Que pouvons-nous faire au niveau local ? Dans l'exemple que vous me citez, ce n'est pas forcément avec la formation initiale scolaire que se résout le problème mais plutôt avec un certificat de spécialisation ou de la formation.

Je vais prendre un exemple qui m'est familier en matière de viticulture. Nous avons chez nous la zone du Beaujolais et le sujet est assez comparable. L'établissement situé dans le Beaujolais, à Belleville, ne suffira pas. Le président du conseil d'administration, viticulteur, est aussi vice-président du conseil régional délégué à la viticulture. Lorsqu'on identifie les besoins de ce secteur, on en discute au conseil d'administration de Belleville. Hélas, je ne suis pas dans une région très viticole. Nous n'avons que Belleville, mais à nos portes, je peux aussi citer Macon-Davayé, ou Orange au sud. Nous y étions il y a quinze jours avec nos collègues de Macon-Davayé et de Bourgogne-Franche-Comté, parce que la solution, lorsque vous êtes viticulteurs au contact entre les deux zones, est de travailler ensemble. Les deux DRAAF et les deux établissements doivent donc essayer de construire une offre complémentaire. Ce ne sont pas forcément les viticulteurs des deux appellations qui cherchent une complémentarité, mais plutôt les fonctionnaires de la République. Nous allons essayer de construire une coopération pour répondre aux besoins de la viticulture, qui ne passera pas obligatoirement par la formation initiale scolaire.

Il y a une complémentarité apprentissage-scolaire, qui est un bon exemple sur cet établissement, puisque l'un des deux sera en apprentissage, et l'autre plutôt en scolaire. On recommandera aux familles de mettre leur jeune dans un établissement si elles souhaitent le placer en apprentissage, et dans l'autre si elles souhaitent le placer en scolaire - ce qui est très bien !

Dans notre région, sur les cinq dernières années, l'apprentissage a crû de 15 % et le scolaire a diminué de 2 %. Nous ne sommes pas parmi les régions qui perdent le plus d'élèves. Mais l'apprentissage ne doit pas compenser le scolaire. Notre ambition est que ce dernier ne perde pas d'effectifs, voire en gagne. Notre objectif est de remplir nos classes et qu'on ait, par ailleurs, un développement généralisé de l'apprentissage, dans l'Éducation nationale ou l'enseignement agricole.

M. Jean-Marc Boyer, président. - Vous avez dit, Monsieur le directeur, que, parmi les jeunes qui s'orientent dans l'enseignement agricole, seulement 8 % sont enfants d'agriculteurs. Cela signifie-t-il que 92 % ne connaissent pas le milieu agricole ? C'est inquiétant. Il faut que vous précisiez.

M. Michel Sinoir. -. On regarde l'origine métiers des parents d'élèves. 8 % d'entre eux sont chefs d'exploitation. Cela dit, parmi les catégories « ouvrier », on trouve parfois des salariés agricoles. À titre personnel, je considère que c'est une chance. Cela signifie, dans la pratique, que l'enseignement agricole ouvre largement ses portes à des familles qui ne sont pas celles de chefs d'exploitation. C'est devenu indispensable : le renouvellement agricole passera par une installation hors cadre familial. Celle-ci peut atteindre, dans des départements en contact avec le tourisme comme les Savoie, plus de 50 %. Et les enfants d'agriculteurs ne sont pas forcément agriculteurs eux-mêmes.

Mme Sandrine Marcillaud-Authier, cheffe du département des éditions de l'ONISEP. - Je rebondirai sur les propos de M. Sinoir. Nous avons fait, dans notre production, un reportage sur la viticulture et les vignes en Bourgogne, cela crée un lien !

L'ONISEP est un établissement public sous double tutelle des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous poursuivons deux missions : informer et accompagner. On délivre à tous les publics une information fiable et exhaustive sur les métiers, les qualifications, les formations, avec un accès facilité à cette information, et nous développons une mission d'accompagnement pour mettre à disposition des jeunes, de leur famille et des personnels des équipes éducatives, les outils et les dispositifs pédagogiques pour acquérir cette compétence à s'orienter tout au long de la vie.

On déploie des activités diverses, comme l'alimentation des bases de données sur les formations et les métiers, l'édition de documents et de ressources sur différents supports (imprimés, sites Internet) et l'accompagnement des publics à l'utilisation de cette documentation. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a transféré une partie de nos missions aux régions et l'ONISEP a cessé de produire certains guides académiques sur les formations. On continue toutefois de recueillir des données locales pour fiabiliser toutes ces informations sur les formations. De la même façon, on garde en région un accompagnement à la pédagogie. Deux directions des services centraux travaillent ainsi sur le terrain : les ressources documentaires, pour la base documentaire, et l'accompagnement à la pédagogie pour développer des actions pédagogiques sur le terrain.

Pour donner plus de précisions sur nos activités, nous avons des bases de données, appelées IDO, qui gèrent l'offre de formation initiale par voie scolaire et par apprentissage. Ces bases regroupent 93 262 actions de formation, 24 365 structures d'enseignement et 780 métiers. Nous disposons également d'une base de ressources vidéos : 4 000 vidéos « métiers » et « formations ». Ces bases alimentent la production des ressources que nous élaborons sur les différents supports. Nous produisons donc des ouvrages imprimés : les dossiers qui accompagnent l'information sur les études supérieures (classes préparatoires, écoles d'ingénieurs), comme « Objectif Sup » que l'on vient de publier, avec, à chaque fois, un traitement pour les formations et les informations qui relèvent de l'agriculture. Nous avons sorti en novembre, dans la collection Parcours, le fascicule sur les métiers de l'agriculture et de la forêt, sur lequel on a travaillé en relation avec la DGER. Nous publions aussi différents ouvrages sur des thèmes en fonction des secteurs d'activité ou des centres d'intérêt des jeunes. Nous avons des sites, dont notre site internet onisep.fr, qui recueille en moyenne 50 millions de visites annuelles et délivre l'information autour des formations, notamment de l'enseignement agricole. Des sites dédiés accompagnent les réformes des politiques publiques d'éducation, comme celle du lycée avec des sites comme Secondes Premières ou Horizon 21, ou encore celle de la voie professionnelle avec Nouvelle voie pro qui intègre, dans son article sur les familles de métiers, celles de l'enseignement agricole.

Des activités autour de l'accompagnement et de la pédagogie se mettent en place, avec notamment une banque de ressources pédagogiques pour l'orientation. L'ONISEP a toujours eu le souci de l'accompagnement pédagogique. Une nouvelle direction « accompagnement et pédagogie » a ainsi été créée et renforcée pour porter à la connaissance des équipes éducatives l'information et la méthode d'utilisation de cette information, avec les élèves quand on est professeur principal, notamment dans le cadre des heures dédiées.

Nous sommes également impliqués dans la formation des enseignants et des pilotes de l'orientation, par le biais de notre participation aux plans nationaux de formation ou aux plans académiques et de la création d'un magistère sur l'accompagnement à l'orientation.

Nous développons depuis un certain temps des axes entre l'ONISEP, le ministère de l'agriculture et la DGER. Mme Adeline Croyère, sous-directrice des politiques de formation, siège au conseil d'administration de l'ONISEP. Nous travaillons avec eux dans la production de l'information : on informe, on accompagne, on essaie de lutter contre les stéréotypes, les idées préconçues et les préjugés. On ne hiérarchise pas l'information, on la donne de la même façon pour tout le monde. Nous avons mené quelques travaux en collaboration, par exemple sur l'information post-bac pour les vétérinaires et sur l'ouvrage sur les métiers de l'agriculture. Nous travaillons également ensemble autour du site Horizon 21 qui présente des simulations d'enseignement, de choix de spécialité au lycée pour la voie générale, ou de séries pour la voie technologique, comme la présence de l'enseignement de spécialité biologie-écologie, ou de la série STAV (sciences et technologies de l'agronomie et du vivant) pour la voie technologique.

Que prévoit-on pour la suite ? Dans notre contrat d'objectifs et de performance, nous avons signé un projet pour améliorer l'accompagnement des heures dédiées à l'orientation, de la 4ème à la Terminale. Dans cette perspective, nous réfléchissons à la création d'une plateforme qui permette aux équipes éducatives de suivre les élèves tout au long de leur parcours et de sa construction. L'élaboration de cette plateforme a déjà été envisagée avec la DGER, qui participera pleinement à cette réflexion. C'est vraisemblablement là qu'il y aura des interconnexions entre cette plateforme « Horizon » (dont le nom devrait changer) et Chlorofil.

Nous avons signé en février 2020 une convention-cadre qui fixe de grandes lignes de collaboration autour du partage d'informations pédagogiques et de la communication. Actuellement, nous déclinons cela en plans d'action pour mieux informer et mieux accompagner, et permettre à chacun, sur le terrain, d'avoir cette communication, nécessaire pour avoir la connaissance de l'information et pouvoir voir si elle correspond au parcours de l'enfant ou du jeune. On envisage de travailler sur quatre axes : créer un partage de contenus de communication, mieux informer, avec L'aventure du vivant d'un côté et les sites ONISEP de l'autre, créer des parcours pédagogiques ou les co-construire, et envisager éventuellement des projets et des expérimentations mutuelles qui pourraient prendre appui sur le laboratoire d'innovation publique d'orientation (Lab'Or) que nous venons de mettre en place. Celui-ci a pour vocation d'être un vivier de réflexion, de partage d'expériences, de rencontres entre les différents acteurs : jeunes, parents, enseignants, chercheurs, opérateurs de compétence (OPCO), high techs ou associations. Le but est de réfléchir ensemble et mieux construire l'information et son partage.

La réorganisation en cours dans nos délégations régionales de l'ONISEP (DRONISEP) modifie les cartes : les choses bougent sur le terrain, le positionnement de nos délégations change. Pour autant, elles sont toujours présentes : malgré de fortes variations d'une région à l'autre, elles travaillent en étroite collaboration à travers différents partenariats, comme le Mondial des métiers de Lyon, et reçoivent des sollicitations pour participer à la rédaction de la partie des guides élaborée par les régions. L'opération du Printemps de l'orientation est également un exemple de collaboration qui se met en place sur le terrain. À l'ONISEP, nous avons produit un kit pédagogique qui intègre une carte de France renvoyant aux sites académiques et aux opérations qui leur sont associées.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - Merci de nous décrire cette excellence. Mais quels sont les retours que vous recevez de la part des enseignants ? Pourquoi ne promeuvent-ils pas l'enseignement agricole ? Quelles questions vous posent-ils à son sujet ? De même pour les jeunes : quelles sont les questions qui reviennent de façon récurrente et sont un frein pour eux ? Avez-vous travaillé sur des éléments de langage, partagés avec les professeurs ou autres, pour contrer cette image de l'agriculture considérablement détériorée par l'agribashing ?

Bien que vous disiez, Monsieur Sinoir, que ce ne sont pas uniquement les enfants d'agriculteurs qui viennent renforcer la formation initiale ou continue, on peut s'interroger. J'ai tellement d'amis qui font tout pour que leurs enfants ne reprennent pas l'exploitation parce que c'est un métier tellement dur ! Il y a un tel manque de reconnaissance de la part de la société qu'ils ne souhaitent pas cela à leurs enfants. Cela montre qu'on a un problème à l'intérieur de ces filières, de valorisation financière et en termes d'image.

Comment travaillez-vous, Madame Marcillaud-Authier, sur ces questions qui peuvent freiner les enseignants dans la promotion de l'enseignement agricole ?

Mme Sandrine Marcillaud-Authier. - C'est une vaste question à laquelle je ne suis pas sûre de pouvoir apporter une réponse, mais peut-être des éléments de réflexion. Nous attachons un soin particulier à ne pas hiérarchiser l'information et à la donner de la même façon pour tous. Cela fait partie de nos missions et de nos valeurs. En parallèle, on essaie de déconstruire les idées reçues et les préjugés, comme pour l'égalité filles-garçons ou les jeunes en situation de handicap. Nos sites proposent ainsi des articles « 5 idées reçues sur » ou des quiz, qui sont très utilisés et sont un moyen d'accéder à l'information. À côté de cela, nous mettons actuellement en place deux choses : d'une part, une nouvelle direction des usages et de la relation à l'usager pour recueillir des retours directs, presque en live, des usagers et publics qui nous lisent et nous suivent, et, d'autre part, la déclinaison pédagogique de toute l'information que nous produisons et qui doit contribuer à la faire connaître et à la communiquer en classe.

On essaie aussi de simplifier cette information, car la sphère des formations possibles est gigantesque. On travaille à la réalisation d'une carte, le « plan RATP des formations », qui permettrait à un élève de 3ème de savoir quels sont les différents chemins qui permettent d'accéder à un métier. Rendre compréhensible aux jeunes, aux adultes et aux parents cette complexité et cette masse d'information fait partie des réflexions que nous menons, mais cela se heurte à la difficulté supplémentaire de l'utilisation du smartphone par les jeunes. Il faut réussir à transférer sur le téléphone portable une information claire et lisible, quitte à la prolonger ensuite.

Nous avons ces différentes directions : continuer à donner une information claire, simple et fiable, accompagner les équipes éducatives et les parents dans la compréhension de cette information, et essayer de trouver d'autres moyens de mettre cela en résonance et recueillir la relation à l'usager.

M. Jean-Marc Boyer, président. - Nous allons terminer cette première série d'interventions par les représentants de l'Association nationale des directeurs de centre d'information et d'orientation. Madame Corinne Blieck, je vous passe la parole.

Mme Corinne Blieck, ancienne présidente de l'ANDCIO. - Nous répondons aux questions que vous nous avez envoyées.

En ce qui concerne le rôle des centres d'information et d'orientation (CIO), on veut vous rappeler certaines choses. Les CIO ne sont pas sont pas seulement des lieux qui accueillent du public pour délivrer des informations. Ce sont surtout des lieux pour accompagner le public dans la construction d'un projet d'avenir, professionnel ou de formation. Avant tout, les CIO sont des services de l'État qui incarnent la politique du ministère dans les territoires, tels que les districts, les zones d'animation pédagogique (ZAP) ou les bassins d'éducation et de formation (BEF). Le CIO est surtout un service implanté au sein d'un territoire où se nouent un partenariat et des relations. Celles-ci sont entretenues avec les établissements scolaires publics ou privés de l'Éducation nationale, de l'agriculture, la culture, la santé, avec les organismes de formation continue, comme les groupements d'établissements (Greta) ou l'Agence nationale pour formation professionnelle des adultes (AFPA), avec les instances de concertation à l'intérieur ou en dehors de l'Éducation nationale, comme les comités locaux école-entreprise (CLEE) et les services publics de l'emploi local (SPEL). Nous entretenons aussi des liens avec les branches professionnelles, l'armée et les chambres consulaires. Nous sommes membres des services publics régionaux de l'orientation (SPRO), pilotés par les régions. À ce titre, nous avons enfin des relations suivies et quotidiennes avec nos partenaires de la sphère « accueil, information, orientation » : la mission de lutte contre le décrochage scolaire, les missions locales, Pôle emploi, les centres d'aide à la décision des chambres des métiers et l'association pour l'emploi des cadres, ingénieurs et techniciens de l'agriculture (Apecita).

Je voulais souligner que ce sont les directeurs des CIO qui nouent ces partenariats et relations, et qui les entretiennent. Ils permettent d'avoir des informations, de faire des visites et de bénéficier d'interventions d'interlocuteurs sur tous les domaines professionnels et de formation. Il est fréquent d'accueillir en CIO, lors de la réunion de centre hebdomadaire, des personnes venues nous parler de leur métier et de leur formation. Ainsi, les psychologues de l'Éducation nationale (PsyEN), autrefois appelés les conseillers d'orientation psychologues, sont au courant de ce qui se passe dans les établissements scolaires de leurs territoires d'intervention et sur les métiers préparés par ces établissements.

Cette première réponse donne des indications sur d'autres questions, comme la connaissance, par les directeurs et les personnels des CIO, de l'enseignement agricole et des formations auxquelles il prépare. Si, dans l'Éducation nationale, des gens sont au courant des formations en général, et dans l'agriculture en particulier, ce sont bien les personnels de CIO, grâce aux échanges que je viens d'évoquer mais aussi aux productions de l'ONISEP. C'est pour nous un outil de travail très important. J'espère que l'ONISEP continuera encore longtemps à produire ses revues, ses Parcours avenir et l'ensemble de ses très précieux documents. Ils permettent aux élèves d'entrer dans la connaissance d'un métier. Après, nous poussons à aller aux journées portes ouvertes et à rencontrer les professionnels pour aller par eux-mêmes à la rencontre des métiers et des formations in vivo.

Je souligne qu'il n'entre pas dans la mission des CIO de promouvoir des formations ou des filières, comme l'enseignement agricole, au détriment d'autres. Nous ne sommes au service ni des entreprises, ni des professions, ni des organismes de formation, mais des familles, des élèves, des professeurs et des partenaires de l'orientation et de l'information. On est très souvent sollicité lorsque les établissements de formation manquent de recrues, quand les entreprises manquent de bras pour envoyer des jeunes, mais on ne le peut pas ! Nous sommes peut-être les seuls dans le système qui n'orientons pas. On a simplement un rôle de conseil en orientation. Pour nous, la victoire est de voir un jeune qui, quand il va sortir de nos entretiens - en CIO ou en établissement scolaire -, sera capable de choisir par lui-même son orientation. On n'est ni dans la prescription d'une orientation, ni dans la recommandation, ni dans la suggestion, mais dans la présentation de ce que peut faire le jeune par rapport à son profil (scolaire, étudiant) et ses intérêts. Pour cela, on dispose de logiciels d'aide à l'orientation et de questionnaires d'intérêts et de valeurs. C'est à partir de cela qu'on propose un panel de formations.

Vous parliez tout à l'heure de la rivalité entre l'Éducation nationale et l'Agriculture. Elle est pour nous inexistante ! C'est tout à fait complémentaire. Si une jeune fille ou un jeune garçon vient nous voir avec l'envie de faire de l'aide à la personne, du sanitaire et social, on présentera sur le même plan le bac pro « Services à la personne » et le bac pro « Services aux personnes et aux territoires » (SAPAT). On présente toutes les opportunités, parmi lesquelles le jeune et la famille choisiront en fonction de leurs critères (mobilité, préparation, éloignement, coût des études). De même, on ne présente pas davantage les formations initiales par voie scolaire par rapport à la formation initiale par l'apprentissage, mais on présente toutes les possibilités pour mener un jeune à prendre la décision d'orientation qu'il aura choisie. Elle sera ainsi beaucoup plus solide qu'une orientation imposée.

Enfin, l'orientation excède largement l'information. Celle-ci est certes indispensable pour que les jeunes disposent de tous les éléments pour choisir. Mais cela va au-delà : c'est une construction de ce que sera sa vie. Cela peut prendre du temps. Les entreprises ont besoin tout de suite de main-d'oeuvre, les établissements scolaires ont besoin pour la rentrée suivante de nouveaux élèves, mais un jeune ne fonctionne pas dans le temps court au niveau de la construction de son projet. Cela peut demander cinq ou six ans avant de fixer son choix sur quelque chose. Le temps de l'orientation est le temps long.

M. Jean-Marc Boyer, président. - Merci pour ces interventions. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs et nous commençons par Vincent Segouin.

M. Vincent Segouin. - Je vous rejoins : il faut lutter contre l'agribashing pour que les jeunes rejoignent la filière de l'enseignement agricole. Mais en écoutant vos propos sur le sujet, je me demandais si vous n'étiez pas à l'origine de cet agribashing. Plutôt que de trouver des solutions au problème, je me demande si vous n'êtes pas porteur des propos qui le favorisent. Je vous entendais dire qu'il fallait sortir de ces pollutions, je lis dans votre rapport qu'il faut faire l'entrée par les métiers porteurs de valeurs sociétales. Quelles sont-elles ? Si vous-même, dans l'enseignement agricole et l'orientation, n'êtes pas porteur des qualités de l'agriculture d'aujourd'hui, reconnue comme la plus saine au monde, comment les jeunes peuvent-ils rejoindre la filière ? C'est le premier problème à résoudre pour moi.

Le deuxième problème est celui des centres d'orientation. J'ai remarqué que dans ceux qui existent, les personnes qui donnent l'information ne connaissent pas la vie économique, et ce, dans tous les secteurs. C'est plus par le biais de forums de métiers invitant des professionnels que les jeunes récupèrent de l'information, mais aussi de l'ambition et de la volonté d'agir. Ils sont dans une période de pleine interrogation : s'ils n'ont pas en face d'eux des personnes motivées, passionnées et qui aiment ce qu'elles font, c'est voué à l'échec.

M. Bruno Ricard. - L'agroécologie est la première politique publique portée par le ministère de l'agriculture et l'enseignement agricole. Toutes les exploitations annexées aux établissements agricoles sont désormais en agroécologie, et il n'y en a plus une qui utilise du glyphosate. Donc oui, l'enseignement agricole est porteur des valeurs associées à l'agriculture propre et à l'alimentation saine. On s'est peut-être mal compris. Malheureusement, l'enseignement agricole est parfois victime de l'agribashing, mais il est porteur de valeurs tout à fait à l'opposé que celles qui sont présupposées par ses contempteurs. Je rappelle aussi qu'il propose d'autres types de formation, comme des formations relatives à la protection de l'environnement.

M. Eric Bardon, inspecteur général de l'agriculture. - Pour compléter, il faut dire que l'agribashing est un fait de société. C'est un obstacle pour la promotion de l'enseignement agricole. De ce point de vue, une campagne de communication engagée par le ministère de l'agriculture est actuellement en élaboration dans le cadre du plan de relance, en association avec les organisations professionnelles agricoles et les régions liées à la promotion de l'enseignement. Cette campagne disposera des moyens nécessaires pour enfin pouvoir donner une vision réaliste, réelle et factuelle des nouvelles orientations de l'agriculture et de l'alimentation qui représentent les métiers de demain. Or aujourd'hui, du fait d'une carence de communication de l'enseignement agricole liée aux moyens dont il dispose, ce rétablissement d'image n'a pas pu être fait. Cela explique cette distorsion d'image évoquée à plusieurs reprises.

M. Vincent Segouin. - Vous êtes donc en train de me dire que l'ère anti-glyphosate est intégrée ? Mais alors, dans l'enseignement agricole, apprenez-vous à être rentable ? Va-t-on créer des agriculteurs qui gagneront moins de 450 euros par mois et où on aura deux suicides par jour comme aujourd'hui ?

M. Bruno Ricard. - L'enseignement agricole défend la quadruple performance : sociale, économique, environnementale, et la préoccupation est aussi, bien entendu, le revenu et la rentabilité, mais pas à n'importe quel prix.

Mme Annick Billon. - Je voudrais revenir sur les interventions que l'on vient d'entendre, que j'ai mal comprises. Je préside la délégation aux droits des femmes depuis 2017. Nous avions mené un travail sur les femmes et l'agriculture. À travers ces quelques mois de travaux avec les rapporteurs, j'ai plutôt eu affaire à des agriculteurs fiers et amoureux de leur métier, et qui, malgré des conditions de travail très difficiles et des revenus très faibles, défendaient une agriculture vertueuse et de qualité. Je souhaitais le dire car l'agribashing que vivent les agriculteurs est un rouleau compresseur, comme il peut y en avoir sur d'autres sujets. J'en ai été victime récemment : lorsqu'on porte des valeurs et des thématiques, on peut aussi subir du « bashing » sur les réseaux sociaux, et il est difficile d'inverser la tendance malgré toute la communication que l'on peut faire. Pour terminer sur ce point, en Vendée, où je suis, je rencontre beaucoup de passionnés et je vais régulièrement aux rendez-vous des différentes organisations professionnelles : je retrouve assez peu de professions où il y a un tel amour du métier, une telle volonté d'avancer, une telle recherche de qualité. En revanche, le problème du revenu se pose.

J'ai une première question. Vous avez dit que la diminution des effectifs depuis 2011 se passait essentiellement dans l'enseignement agricole privé. Ai-je bien compris ? Pourquoi l'enseignement privé serait-il responsable ?

Par ailleurs, je me réjouis que 8 % seulement des enfants de l'enseignement agricole soient issus du milieu agricole : cela signifie que l'attractivité de ces métiers demeure. On a cependant le même problème d'orientation que pour les métiers de l'industrie. La France s'est désindustrialisée et il faut un véritable plan Marshall pour orienter les enfants vers des métiers de réussite de l'industrie. Ces jeunes la connaissent mal car peu de gens dans leur entourage travaillent dans ce secteur. Ne pourriez-vous pas vous inspirer de ce que fait l'industrie en termes d'orientation ? Elle s'organise en effet pour orienter les élèves vers ces métiers.

M. Joël Labbé. - Merci de vos présentations. Je vous fais part d'une réflexion par rapport au manque de moyens. On a commencé à supprimer ces fameux 300 emplois, et l'on va continuer sur cette lancée, alors qu'on veut développer l'enseignement agricole. Je sais que vous n'y êtes pour rien, mais il faut qu'on insiste pour que ces besoins d'emplois restent pourvus et développés.

J'ai un second point. J'ai été rapporteur d'une mission sur les plantes médicinales et les métiers de l'herboristerie. C'est un domaine de métiers auquel aspirent de nombreux jeunes. J'ai eu l'occasion de visiter le centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) de Nyons, qui ne désemplit pas, et qui propose une formation de brevet professionnel de responsable d'entreprise agricole, orientation paysan-herboriste. Ce métier n'est pas reconnu officiellement et c'est notre travail que d'avancer sur le sujet. Sentez-vous un développement possible dans cette filière, où il y a de la diversification agricole, de l'aménagement du territoire et de l'emploi ?

M. Michel Sinoir. - Je vais apporter des éléments de réponse à M. le sénateur Labbé, qui connaît bien le sujet et le centre de formation en question.

En effet, cela fait partie des niches qui connaissent une dynamique très forte, y compris en termes de formation, dans certains départements. Même dans le Puy-de-Dôme que vous connaissez bien, Monsieur le président, on note un développement important des plantes médicinales. Typiquement, on a observé « l'armement » d'un centre de formation dans une zone où il a bien répondu à une demande et, effectivement, cela fonctionne plutôt bien. Des initiatives vont jusqu'au produit fini. Souvent, se produit ensuite une recherche de valorisation par l'essence ou par une vente directe, et cela marche très bien. On pense tous au pourtour méditerranéen mais notre région est en très forte croissance - la deuxième en France - dans ce domaine.

Puisque j'ai la parole, je souhaite m'exprimer sur l'agribashing. Je comprends les réactions, parce qu'on les observe sur le terrain avec les professionnels. Je veux insister positivement sur ce qu'a dit le vice-président de Nouvelle-Aquitaine, M. Nembrini. Nous partageons totalement avec la profession, me semble-t-il, la nécessité de communiquer positivement sur les métiers de l'agriculture dont, manifestement, pendant cette période de crise, beaucoup ont réalisé qu'elle était importante. Il s'est passé quelque chose dans les têtes. Ainsi, il y a un an, on dénombrait 900 candidats au Point Info Installation Isère. Il se passe quelque chose ! Finalement, il y a certes de l'agribashing, mais ces métiers agricoles continuent à attirer, y compris des gens de l'extérieur. Or une grande part de l'avenir de l'agriculture française dépendra d'arrivées de l'extérieur, ce qui est un sujet dans le domaine du foncier, de la formation, etc. Il faut accompagner ce mouvement. Je partage totalement à cet égard ce qui a été dit par M. Nembrini : il faut y aller.

M. Jean-Louis Nembrini. - Effectivement ! Nos territoires concentrent des ressources, qui illustrent ce qui vient d'être dit par le directeur régional : des exploitations agricoles variées, la lutte contre le glyphosate, le bien-être animal... On y trouve toutes les valeurs de l'agriculture d'aujourd'hui et qu'il faut mettre en avant. Sans attendre les réformes de structure pourtant nécessaires, nous avons déjà, avec les outils et les ressources qui existent dans les établissements, de quoi mettre en valeur les métiers. Il faut aller toucher les collèges. Je suis d'accord sur l'organisation en bassin, autour d'un lycée agricole et, en effet, il faut organiser des visites d'exploitation, faire parler les jeunes, les faire se déplacer. On combat l'agribashing par l'exemple, qui existe dans nos établissements comme dans beaucoup d'exploitations agricoles.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - C'est une fierté pour nous de savoir que l'enseignement agricole est à l'heure de l'agroécologie et à la pointe de la technique dans ces enseignements. Les filières agricoles sont toutes conscientes et toutes moteurs dans la nécessité de cette transition environnementale.

Je connais bien la problématique en Gironde, avec le « Bordeaux bashing », alors que nous sommes les premiers de la classe. Comme l'avait dit Nicolas Hulot, c'est le territoire viticole du Bordelais qui est le premier à avoir amorcé cette transition environnementale et à avoir combattu le glyphosate. Nous avons énormément travaillé sur les alternatives, mais nous avons aussi beaucoup témoigné des difficultés que cela pouvait poser. Certains ont pris ces témoignages comme allant contre cette transition alors que ce n'était pas le cas. On ne fait pas une transition environnementale en un claquement de doigts : cela pose aussi des problèmes environnementaux. Quand on passe d'un seul coup du glyphosate à l'utilisation continue du tracteur dans la vigne pour faire du travail de sol, se pose aussi le problème du bilan carbone. On a mis en lumière ces problématiques, ce qui est naturel de la part de la filière, mais pour avancer vers l'agroécologie.

Nous avons la chance d'avoir quelqu'un du CIO de la Réunion. Je voulais poser la question de l'agriculture en outre-mer. On parle beaucoup de la métropole, mais j'aimerais avoir un témoignage sur les formations, les orientations, dans nos territoires ultra-marins. Comment cela est-il vécu ? A-t-on aussi des problèmes d'attractivité ?

Mme Saadia Ait-Abed, suppléante au conseil d'administration de l'ANDCIO et directrice du CIO de Saint-Benoît. - À la Réunion, effectivement, les filières agricoles sont également peu attractives, en raison notamment de l'image de la canne à sucre, qui est un secteur peu mécanisé et difficilement mécanisable. Il attire donc peu de monde car le travail est assez ardu. Même si la formation agricole est très développée, avec des lycées agricoles du public et du privé, ainsi que des MFR, la Réunion est confrontée à la même problématique pour envoyer les élèves dans l'enseignement agricole. Il y aurait pourtant matière à développer ces filières, ne serait-ce qu'en faisant évoluer son image avec le bien-être, l'écologie et le bien-manger. Pour la valoriser, des passerelles avec les filières de la santé pourraient être mises en place puisqu'à la Réunion, nous souffrons de deux problèmes majeurs de santé publique : un nombre important de diabétiques et une forte obésité infantile.

Je voulais aussi évoquer le problème des MFR. Si les élèves y sont de moins en moins nombreux, il ne faut pas oublier que l'internat y est obligatoire, puisque cela fait partie du travail éducatif et social à mener. Or les jeunes Réunionnais ne veulent plus de l'internat. C'est aussi peut-être une des raisons pour lesquelles ils se dirigent moins vers les MFR alors que cela pourrait correspondre à leurs objectifs, avec un environnement plus sûr. Nous avons des relations étroites : les CIO sont parties prenantes et les MFR nous interpellent pour faire des interventions dans leurs structures, comme j'ai pu y contribuer. Nous réfléchissons ensemble pour développer et valoriser l'enseignement, y compris par la manière pédagogique que ces structures mettent en place pour accueillir nos jeunes en grande difficulté. On sait que l'enseignement agricole est une plus-value pour eux.

Je voulais réagir à l'intervention de M. Segouin : il ne faut pas non plus tomber dans le CIO bashing. Quand on dit que les personnels d'orientation ne sont pas au fait de l'environnement économique, cela est assez vexant. On est au fait de tout ce qui nous entoure, y compris l'environnement économique. On ne peut parler d'orientation si on ne parle pas d'insertion. On doit donc connaître le contexte socio-économique dans lequel on vit.

Pour terminer, sera normalement créé à l'horizon 2022 un lycée de la mer. Il y a donc des perspectives à la Réunion.

M. Yohann Le Pape, membre du conseil d'administration de l'ANDCIO et directeur du CIO de Chartres. - Je souhaite vous rapporter l'expérience de mon territoire.

Je voudrais relativiser la baisse d'effectifs en enseignement agricole. Sur mon territoire, elle se joue surtout sur la voie générale et technologique. Pour l'enseignement professionnel - les centres de formation d'apprentis (CFA) et les CFPPA - cela fonctionne. En revanche, l'enseignement privé subit une baisse d'effectifs sur l'ensemble des formations. Plusieurs raisons l'expliquent. L'une porte sur les MFR : au niveau de la 4ème, elles ne souffrent pas d'un manque de candidats, mais, au contraire, elles doivent en refuser en raison de leur trop jeune âge, car ils ne redoublent plus. Ils doivent donc attendre une année supplémentaire. Ensuite, cette baisse ne se retrouve pas seulement dans l'enseignement privé agricole mais aussi dans les autres lycées professionnels privés. Le contexte de la pandémie a entravé le travail d'orientation, en bloquant notamment les journées portes ouvertes et les forums. Même si nous avons, quant à nous, fourni un travail acharné, nous avons dû travailler à distance. L'aspect « coût de formation » est important pour l'intégration dans les lycées professionnels privés. Enfin, la question de l'internat se retrouve aussi en métropole : des jeunes ont des difficultés à y aller. La mobilité est de plus en plus difficile. Prendre des bus semble de plus en plus compliqué.

On essaie de casser les représentations sur les filières. Pour nous, toutes les filières se valent. Il est important que le jeune trouve sa voie. De même que le contexte économique local et national, nous connaissons aussi les métiers, certes pas aussi bien qu'un professionnel. Cela dit, nous n'avons pas à vendre un métier, donc nous ne le présentons pas de façon trop avantageuse. On reste neutre pour que l'élève fasse son choix en connaissance de cause.

La baisse d'effectifs comporte en tout cas des raisons annexes à l'aspect agricole. On peut réfléchir sur le sujet : je sais que les bourses de l'enseignement peuvent être demandées jusqu'à fin septembre. En octobre, certains élèves se retrouvent sans solution : on cherche pour eux des places en établissement, mais c'est trop tard pour demander une telle bourse.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - Ma dernière question aurait pu être posée à la DGER. Les lycées de la mer ne sont pas rattachés à l'enseignement agricole, alors qu'ils me semblerait en relever. Aviez-vous eu à faire des préconisations en la matière ? avez-vous des réponses ? Il semble en effet compliqué de ne pas avoir une famille réunie autour des filières et de laisser la plupart des lycées de la mer gérés par l'Éducation nationale - même si certains le sont par l'enseignement agricole, comme dans les Pyrénées-Atlantiques, ainsi que l'avait dit Max Brisson.

M. Michel Sinoir. - Je suis assez mal placé en Auvergne-Rhône-Alpes pour me prononcer sur le sujet, mais j'ai eu un parcours à la Réunion et sur des bords de mer. Il y a quelques exemples de rattachement avec l'enseignement agricole. J'en vois un en Charente-Maritime.

M. Bruno Ricard. - Cela doit être Bourcefranc.

M. Michel Sinoir. - Oui, tout à fait, Bourcefranc !

M. Bruno Ricard. - Je n'ai pas de réponse à apporter. Ce qui est curieux, c'est que les professeurs de l'enseignement maritime sont suivis par l'inspection de l'enseignement agricole : vous voyez que c'est compliqué. Nous présidons même les concours de recrutement des professeurs de lycée professionnel agricole (PLPA) qui interviennent dans certaines disciplines de l'enseignement maritime. Tout cela est mélangé. Je crois que c'est lié historiquement au fait que la mer n'a pas toujours été intégrée dans le périmètre du ministère de l'agriculture et qu'elle a été rattachée à différents ministères.

Mme Sandrine Marcillaud-Authier. - À l'ONISEP, nous avons été contactés par Gens de mer sur ces formations qui souffrent aussi d'un déficit de connaissance. Ils ont douze établissements qui souhaitent également faire connaître aux différents jeunes les possibilités qui sont offertes dans ces lycées de la mer.

M. Jean-Louis Nembrini. - Sur cette question du rattachement des structures, l'occasion est trop belle pour rappeler que ces lycées agricoles ont des liens territoriaux très forts, de même que les lycées de la mer. Ils mériteraient d'être rapprochés davantage des structures territoriales, et notamment des régions. Nous y travaillons beaucoup avec le directeur régional de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt et le directeur inter-régional de la mer. Je ne vais pas employer de grands mots comme la décentralisation, mais on pourrait expérimenter des modèles avec l'objectif d'attirer davantage de jeunes des territoires vers ces métiers.

M. Jean-Marc Boyer, président. - Je veux revenir sur les explications données sur le rôle des CIO. Vous avez parlé de documentation, d'information, de relations avec les acteurs. Sortez-vous de vos locaux ? Allez-vous sur le terrain, dans les collèges et les établissements agricoles ? Engagez-vous un travail de proximité vers les élèves et les établissements scolaires ?

M. Yohann Le Pape. - Je rappelle que les PsyEN qui interviennent dans les CIO travaillent aussi dans les collèges et les lycées publics. Nous avons des partenariats créés avec des lycées agricoles, le plus souvent publics : nous intervenons lors de forums internes au lycée, les directeurs de CIO participent souvent au conseil d'administration du lycée agricole public du département et nous intervenons parfois pour des séances d'information dans le lycée.

Nous créons également la documentation locale et tous les établissements y sont inclus, qu'ils soient publics ou privés, agricoles, de l'Éducation nationale, CFA ou autres. Cette information est accessible aux jeunes. Notre but est de proposer au public une information exhaustive sur ce qui existe sur le territoire, donc toutes les filières doivent être représentées. Libre au public, que nous accompagnons, de faire ensuite le meilleur choix.

Nous allons à la rencontre de professionnels, d'établissements, mais nous sommes très sollicités. Les PsyEN travaillent à la chaîne. Nous avons un temps limité pour faire ces découvertes mais nous les faisons dès que l'on peut.

Mme Corinne Blieck. - Sort-on de temps en temps de nos CIO ? Bien évidemment, et même souvent. Les réunions académiques de directeurs de CIO peuvent avoir lieu dans les établissements scolaires, et régulièrement elles se passent dans des établissements agricoles ou viticoles, dans le lycée régional ou le plus proche. Nous effectuons aussi, dans le cadre du CLEE, des visites d'entreprises, y compris agricoles et viticoles, et d'exploitations agricoles. Nous sommes très ouverts aux rencontres, chez nous ou ailleurs.

Mme Saadia Ait-Abed. - Je souhaite dire une dernière chose. Il serait bon d'oeuvrer pour augmenter le nombre de postes de PsyEN parce que les interventions dans les lycées agricoles publics ou privés sont de notre propre initiative. Les établissements agricoles ne sont pas comptés parmi les établissements d'intervention de notre travail. Nous faisons donc cela de bonne grâce, mais cela fait partie de nos missions.

M. Jean-Marc Boyer, président. - Merci de cette précision. Nous avons fait le tour des questions. Je vous remercie pour votre présence, en visioconférence ou ici, dans les locaux du Sénat.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 30.