Mardi 4 mai 2021

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Projet de loi constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement - Examen du rapport pour avis

M. Jean-François Longeot, président. - C'est un moment solennel, puisque c'est la première fois que notre commission émet un avis sur un projet de révision constitutionnelle.

La phrase dont le Gouvernement souhaite l'insertion à l'article 1er est inspirée de l'une des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat, adoptée avec 81 % de votes favorables : « Elle [la France] garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique. »

Si l'examen au fond des textes constitutionnels relève de la compétence de la commission des lois, la matière abordée par cette révision ressortit à notre commission, ce qui justifie pleinement notre saisine pour avis.

Ce texte a été déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 20 janvier dernier et adopté, sans modification, en séance publique le 16 mars, par 391 voix pour et 47 contre. La commission des lois examinera demain le rapport de son président François-Noël Buffet. Le texte sera enfin examiné en séance publique les 10 et 11 mai prochains.

Pour approfondir notre analyse, nous avons croisé les approches et multiplié les points de vue. Après avoir entendu le garde des sceaux en audition conjointe avec la commission des lois, nous avons confronté les avis de constitutionnalistes et spécialistes du droit de l'environnement, et entendu d'éminents scientifiques nous présenter le dernier état des connaissances en matière environnementale et climatique.

Je tiens à remercier le rapporteur pour avis, notre collègue Guillaume Chevrollier, pour l'important travail qu'il a mené dans le but de parvenir à une rédaction équilibrée, en étroite collaboration avec la commission des lois.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis. - Outre les personnalités citées par le président, nous avons entendu des scientifiques comme Bruno David, président du Muséum national d'histoire naturelle, le professeur Chris Bowler, titulaire de la chaire Biodiversité et écosystèmes au Collège de France et la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte. J'ai également consulté des associations représentant les collectivités territoriales - l'Association des maires de France (AMF), l'Assemblée des départements de France (ADF), l'Assemblée des communautés de France (AdCF) et Régions de France - des représentants du Medef, de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), des ONG et associations comme la Fondation Nicolas-Hulot pour la nature et l'homme, Notre Affaire à tous et enfin des membres de la Convention citoyenne pour le climat.

Le président l'a rappelé, c'est la première fois que notre commission émet un avis sur un projet de révision constitutionnelle. Ce pourrait fort bien ne pas être la dernière, tant la constitutionnalisation environnementale est devenue un enjeu politique dans un grand nombre de pays dont la France : il s'agit du troisième texte proposé par le Gouvernement en moins de trois ans dont l'objectif - ou l'un des objectifs - est de renforcer la protection constitutionnelle de l'environnement et du climat. Ce projet reprend, légèrement modifiée, l'une des propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat, que le Président de la République s'est engagé à soumettre au référendum à l'issue de son adoption par les deux assemblées.

Le projet que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans la droite ligne de la révision constitutionnelle de mars 2005, qui avait conféré rang constitutionnel à la protection de l'environnement par l'insertion, dans le préambule de la Constitution, d'une référence à la Charte de l'environnement. Ce choix audacieux du constituant a élevé le droit de l'environnement au plus haut niveau de la hiérarchie des normes.

Pourquoi cet engouement ? Chacun le sait, plus personne n'en doute : l'urgence climatique s'accroît et la biodiversité décroît dans des proportions inquiétantes. Pour filer une célèbre métaphore, notre maison continue de brûler et le constituant a décidé de ne plus regarder ailleurs. Les scientifiques que nous avons entendus sont unanimes : l'espèce humaine est devenue une « force biogéochimique capable d'influer sur le fonctionnement du système terrestre, équivalente à des centaines de volcans massifs ». Les rapports successifs du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) soulignent l'irréversibilité de certains processus climatiques, faisant peser de sérieuses menaces planétaires, notamment économiques et sanitaires.

Cette prise de conscience est désormais internationale. Plus d'une centaine de pays font aujourd'hui référence à l'environnement et à la nécessité de le préserver dans leur texte constitutionnel. La protection de l'environnement imprègne le droit international et la dimension environnementale du droit européen est de plus en plus marquée. La France a fait le choix, en 2005, de se doter d'une Charte de l'environnement, véritable constitution environnementale, à laquelle se réfèrent les pouvoirs publics, le législateur, les juges et, de plus en plus souvent, les citoyens.

Cette charte, précédée d'un préambule énumérant des constats scientifiques et des principes à vocation universelle, décline en dix articles un ensemble de droits et, de manière plus originale, de devoirs. Y sont consacrés des concepts reconnus sur le plan international, tels le développement durable et le principe de précaution. Parmi les droits essentiels, celui de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Au nombre des devoirs à la charge de chacun, celui de prendre part à la préservation et l'amélioration de l'environnement, de prévenir les atteintes portées à l'environnement ou, à défaut, d'en limiter les conséquences, ainsi que de réparer les dommages causés à l'environnement.

Plus de quinze ans après son adoption, cette charte a fait la preuve de son caractère évolutif : la plasticité de ses principes et la généralité des droits et devoirs qu'elle consacre ont permis à la jurisprudence de s'appuyer sur des principes constitutionnels enrichis au fil du temps. Cependant, eu égard à la forte progression des connaissances scientifiques depuis une quinzaine d'années, il est regrettable qu'elle n'aborde pas la question climatique : cette absence est d'autant plus préoccupante que la France a activement promu la lutte contre le changement climatique à l'échelle internationale, ainsi qu'en témoigne l'accord de Paris.

La révision proposée comble cette lacune dans notre texte constitutionnel : l'insertion à l'article 1er de la Constitution d'une phrase selon laquelle la France « garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique » aurait sur ce registre une valeur symbolique forte.

Rappelons cependant que la protection de l'environnement figure d'ores et déjà, au travers de la charte, au sommet de la hiérarchie des normes et fait l'objet d'un contrôle juridictionnel de plus en plus poussé de la part des juges ayant à connaître des contentieux environnementaux.

Cette phrase ne constitue en aucune façon une révolution juridique : à la suite de l'accord de Paris, elle ne fait que traduire la volonté du Gouvernement de marquer sa conviction de l'urgence climatique et sa détermination à agir. Plusieurs constitutionnalistes entendus tant par la commission des lois que par la nôtre ont souligné l'absence de valeur ajoutée juridique de l'article 1er ainsi complété. Ces principes ont déjà pleine valeur constitutionnelle, supérieure à la loi, qui oblige le législateur, le Gouvernement et les autorités publiques à les respecter.

Il serait malvenu de s'opposer à des évolutions constitutionnelles qui, même symboliques, reposent sur une prise de conscience environnementale et climatique que nous partageons, sur la base de l'évidence scientifique. Mais cette phrase soulève des difficultés juridiques, que certains juristes, à la suite de l'avis assez sévère du Conseil d'État, n'ont pas manqué de relever. N'oublions pas que nous examinons ici une formulation devant figurer au sommet de la hiérarchie des normes : soucieux de la cohérence et de la solidité de notre édifice juridique, nous devons veiller à la cohérence du bloc constitutionnel.

Le droit constitutionnel repose sur la conciliation des principes à valeur constitutionnelle et l'absence de hiérarchisation entre ceux-ci. La Constitution forme un ensemble de principes et d'objectifs indissociables, que le juge constitutionnel interprète au regard de leur cohérence interne et de leur articulation, en s'efforçant, le cas échéant, de concilier les normes constitutionnelles en cas de conflit. C'est sur ce point que m'apparaît un risque juridique, qu'il serait sage de ne pas courir : la phrase proposée par le Gouvernement pourrait conduire le juge constitutionnel à changer de mode opératoire, passant d'une conciliation à une hiérarchisation.

Les choix sémantiques de l'exécutif, avec l'usage du verbe « garantir », portent en germe des contraintes juridiques dont il est difficile de mesurer la portée. Dans son avis, le Conseil d'État a indiqué à cet égard que le terme «  imposerait aux pouvoirs publics une quasi-obligation de résultat dont les conséquences sur leur action et leur responsabilité risquent d'être plus lourdes et imprévisibles que celles issues du devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ».

La phrase proposée par l'exécutif, si nous l'adoptons sans la modifier, présente le risque de déséquilibrer notre système normatif, au regard de sa conciliation avec d'autres dispositions constitutionnelles comme de l'emploi du terme « garantit », dont le sens et la portée seraient laissés à l'entière appréciation des juges.

La commission est attentive à ne pas fragiliser les pouvoirs publics, les collectivités territoriales et les entreprises avec des contraintes juridiques trop fortes, susceptibles d'alimenter des contentieux inutiles, tout particulièrement dans ce contexte de crise sanitaire.

Une fois ce constat établi, que convient-il de faire ? Rejeter le texte ? L'accepter tel quel, au risque de voir se développer des contentieux environnementaux et climatiques qui fragiliseraient les pouvoirs publics ? Je vous propose une autre voie, faisant appel à l'esprit de responsabilité et au pragmatisme dont doit faire preuve le législateur. La solution que je vous propose a été mûrement réfléchie, en concertation étroite avec la commission des lois : elle consiste à saisir l'occasion de compléter notre corpus constitutionnel par une référence à la lutte contre le dérèglement climatique, tout en réaffirmant la prééminence de la Charte de l'environnement, qui a fait la preuve de sa capacité à répondre aux nécessités de notre temps et confirmé sa vocation à servir de socle aux politiques environnementales et climatiques de la France.

L'article 6 de la Charte de l'environnement pose le principe de la promotion du développement durable par les pouvoirs publics, selon lequel est opérée une conciliation entre la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. Plutôt que de modifier la charte, la commission pourrait réaffirmer son rôle central et moteur ainsi que la dynamique conciliatrice qu'elle insuffle aux politiques environnementales.

Cette solution présente l'avantage d'éviter une possible et dangereuse contradiction entre la charte et la nouvelle rédaction de l'article 1er de la Constitution : nous évacuons ainsi tout risque d'insécurité juridique. De plus, le dérèglement climatique ne serait plus le grand absent de notre édifice normatif suprême.

Ainsi consolidée, cette réforme constitutionnelle constitue une invitation politique et symbolique forte à mener des politiques environnementales plus ambitieuses, reposant sur la nécessaire conciliation avec le développement économique et le progrès social.

En retenant cette formule, le Sénat assure en outre au législateur le respect de la plénitude de sa compétence et de son domaine. L'article 34 de la Constitution confie à la loi le soin de déterminer les principes fondamentaux de « la préservation de l'environnement » : dans son avis, le Conseil d'État considère que le maintien sans changement de cette disposition introduirait un doute sur la compétence du législateur en matière de préservation de la diversité biologique et d'action contre le dérèglement climatique. En faisant référence à la Charte de l'environnement, qui confie à la loi le soin de déterminer les conditions d'application de certains droits et devoirs, tous les doutes sur la compétence du législateur sont levés.

En cas de contentieux, la volonté du constituant sera donc clairement affirmée, sans ouvrir un champ d'interprétation plus large : l'obligation juridique d'agir pour l'environnement et le climat, inscrits dans notre texte fondamental, garantira l'effectivité du droit de l'homme à un environnement sain, sans affecter ni le développement économique ni le progrès social.

Avec cette formule, qui tient compte des défis climatiques de plus en plus impérieux, notre pays porterait enfin un message symbolique fort en ajoutant un objectif de valeur constitutionnelle ne figurant pas expressément dans la Charte de l'environnement. La France ferait figure de modèle pour l'engagement climatique des États du Nord, en devenant le premier pays de cette zone à y faire référence dans sa Constitution.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis. -- Mon amendement n° 3, qui est identique à celui du rapporteur de la commission des lois qui sera présenté demain, neutralise le risque pointé par le Conseil d'État et plusieurs juristes entendus par la commission concernant le maintien du verbe « garantir » et les incertitudes concernant l'élargissement de l'engagement de la responsabilité environnementale des pouvoirs publics.

Il réaffirme avec force le rôle central de la Charte de l'environnement avec une double référence constitutionnelle, dans le préambule et à l'article 1er. Sa dynamique conciliatrice entre la préservation de l'environnement, le développement économique et le progrès social permettra aux actions environnementales et climatiques de la France de se déployer dans un cadre cohérent, lisible et sécurisant pour les pouvoirs publics, les collectivités et les entreprises, sans créer de hiérarchie entre les principes constitutionnels.

Il fait figurer l'action en faveur de la préservation de l'environnement et contre le dérèglement climatique dès l'article 1er de notre Constitution, lui conférant une valeur symbolique forte. La France serait ainsi le premier État du nord à faire référence au climat dans son texte fondamental, confirmant son rôle moteur à l'international depuis l'accord de Paris et l'ambition portée par notre pays dans la lutte contre le dérèglement climatique.

M. Stéphane Demilly. -- Il convient de rappeler que la Convention citoyenne pour le climat fait suite au grand débat national, réponse politique au mouvement social des « gilets jaunes ». Ce processus de démocratie directe que l'on pare de toutes les vertus est à double tranchant : il peut engendrer des frustrations parmi les citoyens tirés au sort, si les dispositions finalement retenues ne sont pas en adéquation avec leurs propositions. En des termes plus politiquement incorrects, le sentiment d'avoir servi d'alibi et de s'être fait « rouler dans la farine » est terriblement contre-productif pour notre démocratie et la confiance dans nos institutions.

L'avenir dira si cette innovation démocratique était heureuse ou malheureuse, populaire ou populiste. L'enjeu du réchauffement climatique et de la biodiversité est capital, et l'inscription de l'urgence climatique et environnementale dans la Constitution est donc fondée, du moins sur le papier.

Des critiques rédactionnelles ont été formulées sur ce projet de révision constitutionnelle, notamment l'usage du verbe « garantir » de préférence à « favoriser », proposé par le Conseil d'État. Cela crée une obligation de moyens renforcée pour les pouvoirs publics, ouvrant probablement la porte à des mises en jeu de la responsabilité du Gouvernement en matière environnementale.

La Charte de l'environnement faisant déjà partie du bloc de constitutionnalité, quel est l'intérêt d'ajouter une phrase à l'article 1er de la Constitution ? Au-delà de sa portée symbolique et marketing, cette proposition ne risque-t-elle pas de se retourner contre ses auteurs ? Face à ces insécurités juridiques, la rédaction proposée par le rapporteur me convient parfaitement.

M. Didier Mandelli. -- Merci au rapporteur pour avis de son travail avec la commission des lois - un travail délicat, car ce texte se présentait comme une case à cocher. J'ai déjà évoqué, devant le garde des sceaux, la discordance entre la volonté affichée dans ce projet de révision constitutionnelle et le projet de loi Climat, qui est en fort décalage avec les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. La ligne de crête était difficile à trouver.

Je ne suis pas persuadé que le Président de la République souhaite passer par la voie du référendum. Quoi qu'il en soit, l'amendement de nos deux commissions me convient parfaitement. Il traduit bien l'état d'esprit des sénateurs, très sensibles à ces questions depuis des années, y compris dans leur action locale. Sans balayer ce projet de loi d'un revers de main, il convenait que nous y apportions cette sensibilité.

M. Jean-François Longeot, président. -- Avant de mettre aux voix l'amendement, je voulais simplement vous dire que cet amendement avait été élaboré en étroite concertation avec la commission des lois et la majorité sénatoriale. C'est donc un amendement identique à celui du rapporteur président de la commission des lois que je vous propose d'adopter.

Je mets aux voix l'amendement du rapport à l'article unique. Il n'y a pas d'opposition ?

L'amendement n° 3 est adopté.

M. Jean-François Longeot, président. -- Je vais maintenant demander à la commission de se prononcer sur le rapport de Guillaume Chevrollier, qui propose d'émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi constitutionnelle sous le bénéfice de l'adoption de l'amendement adopté par la commission.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport.

M. Jean-Pierre Corbisez. -- Permettez-moi d'attirer l'attention sur un point. L'article 1er de la Charte de l'environnement dispose : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. » Il est complété par l'article 7, qui garantit à toute personne le droit d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques. J'ai présidé pendant de nombreuses années une association de surveillance de la qualité de l'air. Dans des affaires de divorce, d'aucuns sollicitent des données relatives à l'environnement du domicile de la partie adverse pour obtenir la garde des enfants. La valeur foncière de certains territoires évolue en fonction de leur exposition au vent par rapport à une pollution potentielle ou future. Sans doute faudra-t-il revoir un jour la rédaction de cet article 1er pour éviter l'apparition de procédures judiciaires n'ayant pas lieu d'être.

La réunion est close à 17 heures.

Mercredi 5 mai 2021

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Bilan annuel de l'application des lois - Communications

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, chaque année au printemps, les commissions permanentes sont appelées à dresser le bilan de l'application des lois qu'elles ont été chargées d'examiner au fond au cours des sessions précédentes. On constate que de manière paradoxale, le Gouvernement dernier impose souvent au Parlement un calendrier très resserré et des cadences exigeantes pour l'examen de ces textes, alors qu'il est beaucoup moins prompt lorsqu'il s'agit d'appliquer ces mêmes législations.

Le bilan qui vous est présenté aujourd'hui porte sur les lois adoptées au cours des dix dernières années jusqu'au 30 septembre 2020. Sont comptabilisées, dans ce panorama, les mesures d'application prises jusqu'au 31 mars dernier.

Chaque loi promulguée fait l'objet d'un suivi attentif par le rapporteur désigné pour son examen au fond, comme le prévoit désormais l'article 19 bis B du Règlement du Sénat. Vous vous en souvenez sans doute, nous avons procédé, au mois d'octobre dernier, au renouvellement des rapporteurs dans leurs fonctions, pour qu'ils puissent jouer pleinement leur rôle. Trois d'entre eux partageront donc leurs analyses sur les textes qu'ils sont chargés de suivre.

À titre liminaire, je souhaiterais attirer l'attention de la commission sur quelques éléments généraux.

Deux lois examinées au fond par notre commission sont entrées en vigueur au cours de l'année parlementaire 2019-2020 : la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) et la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). Pour ces deux textes, au 1er avril 2021, une partie seulement des mesures attendues avaient été publiées : la LOM n'est applicable qu'à 61 % et la loi AGEC à 65 %, si l'on tient compte des mesures prévues par les articles déjà entrés en vigueur. Or ce défaut d'application pose évidemment problème, tel l'article 68 de la LOM, qui prévoit l'élaboration d'un schéma directeur de développement des infrastructures de recharges ouvertes au public pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables. Ces schémas, importants pour nos territoires, ne peuvent toujours pas être élaborés, faute de décret d'application définissant leur contenu.

S'agissant des textes plus anciens, parmi les vingt-trois lois adoptées au cours des dix dernières années relevant des domaines de compétence de la commission et prévoyant des mesures d'application, neuf nécessitaient encore une ou plusieurs mesures d'application au 1er avril 2021. À peine deux mesures d'application de ces lois ont été adoptées entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2021, faisant ainsi timidement progresser leur taux d'application. On ne peut que déplorer une telle lenteur dans la mise en oeuvre de textes de loi, parfois très anciens.

Certains textes datant de plus de six ans attendent encore des mesures d'application. C'est ainsi le cas de la loi relative à Voies navigables de France (VNF), qui date de 2012, mais aussi de la dernière loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (Ddadue), examinée par notre commission en 2013, dont deux décrets d'application n'ont toujours pas été publiés à ce jour.

Les textes les plus récents ne sont pas non plus épargnés, notamment des textes emblématiques pour notre commission. Ainsi, seulement 11 des mesures d'application de la loi de 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB) ont été publiées, sur les 15 attendues. De la même manière, la loi de 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) attend elle aussi la publication de trois mesures d'application.

Parallèlement à ces retards regrettables de la part de l'exécutif, on observe que le recours aux ordonnances s'est considérablement accéléré ces dernières années, notamment depuis 2017. L'an dernier, notre commission avait pointé du doigt le défaut de ratification de nombreuses ordonnances publiées en application de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Un an après, si les projets de loi de ratification ont été déposés, ils n'ont pas pu être examinés par le législateur, puisque ces textes n'ont pas été inscrits à l'ordre du jour du Parlement. Or cette situation est source d'insécurité juridique, notamment en cas de contentieux, les dispositions en question conservant un caractère réglementaire.

Pire, le Gouvernement ne parvient même plus à publier dans des délais raisonnables les ordonnances pour lesquelles il a lui-même demandé une habilitation. L'exemple de la LOM est particulièrement significatif : sur les 31 habilitations votées dans le texte, 14 seulement avaient donné lieu à la publication d'ordonnances au 31 mars 2021. S'il est vrai que, depuis lors, plusieurs d'entre elles ont été prises, on peut toutefois noter le renoncement du Gouvernement à certaines habilitations, compte tenu de délais dépassés. Cela illustre bien la tendance à un recours excessif à l'article 38 de la Constitution, régulièrement dénoncé -- à juste titre -- par le Sénat.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - Je vous présenterai, pour ma part, l'application de la loi du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, qui a été officiellement créée le 1er janvier 2020.

Sur le plan statistique, la situation n'a pas évolué depuis l'an dernier : il manque environ 25 % des mesures d'application prévues par la loi.

À l'article 2, une convention doit être formalisée entre le ministre chargé de l'aménagement du territoire et le ministre chargé des communications électroniques et du numérique pour définir les mesures et moyens permettant l'exercice par l'ANCT des missions anciennement assurées par l'Agence du numérique, service à compétence nationale dissous au 1er janvier 2020. Cette convention, en cours de rédaction avec la direction générale des entreprises (DGE), devrait être présentée d'ici au mois de juin prochain au conseil d'administration de l'ANCT. Sa publication devrait intervenir à l'été 2021. Il est important qu'elle soit prise rapidement, car la Cour des comptes a formulé plusieurs recommandations pour garantir une bonne reprise des missions de l'Agence du numérique par l'ANCT dans son rapport public annuel de 2021.

À l'article 7, les conventions pluriannuelles liant l'ANCT et ses cinq opérateurs partenaires - l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et l'Agence de la transition écologique (Ademe) - et prévoyant les conditions de leur participation financière aux missions de l'ANCT n'ont pas encore été transmises au Parlement par la voie officielle du Secrétariat général du Gouvernement, selon la procédure prévue par la commission de l'aménagement du territoire lors de l'examen du texte. Ces conventions sont déterminantes pour assurer le bon fonctionnement de l'agence et éviter qu'elle ne devienne un « arbre de plus » dans la forêt des opérateurs de l'État. Les cinq conventions prévues par la loi ont été validées au conseil d'administration de l'ANCT du 17 juin 2020. Leur signature officielle prévue en novembre dernier a été repoussée et serait en cours.

Enfin, à l'article 11, un décret manque pour déterminer les catégories de personnes pouvant entrer dans la réserve citoyenne pour la cohésion des territoires, la durée et les clauses du contrat d'engagement. Cette disposition, introduite par les députés, semble a priori difficile à mettre en oeuvre. La direction générale des collectivités locales (DGCL) a indiqué que plusieurs projets de décrets avaient été préparés depuis un an et que les travaux devraient aboutir d'ici à l'été 2021.

Au-delà de ces éléments statistiques, permettez-moi de dire un mot sur la mise en place de l'agence, rendue difficile par la crise sanitaire. Depuis l'automne 2020, on peut considérer que l'ANCT est pleinement opérationnelle, même si elle doit encore poursuivre sa montée en puissance et démontrer son efficacité sur le terrain.

L'ANCT est au coeur de plusieurs dispositifs importants en cours de déploiement : la mise en oeuvre de l'agenda rural du Gouvernement, présenté le 20 septembre 2019 après la remise du rapport de la mission Ruralités, et dont les mesures sont suivies dans le cadre du comité interministériel aux ruralités  ; la mise en oeuvre du plan de relance, dont l'agence assure la conduite de certaines actions par exemple s'agissant de l'identification et du diagnostic de l'état des ouvrages d'art des collectivités territoriales ou encore de la rénovation énergétique des bâtiments qui leur appartiennent mais aussi s'agissant du déploiement de programmes territorialisés comme Petites Villes de demain et Territoires d'industrie, etc., dont les enveloppes financières ont été renforcées avec le plan de relance.

Le succès de l'ANCT reposera donc sur sa capacité à répondre aux besoins des collectivités territoriales de façon efficace et en proximité.

Dans cette perspective, le Sénat avait marqué plusieurs priorités pour l'action de l'agence, qu'il convient de rappeler. D'abord, la nécessité pour l'ANCT d'apporter une offre d'ingénierie aux collectivités territoriales pour la définition et la mise en oeuvre de leurs projets locaux ; ensuite l'importance de la coordination des actions de l'ANCT avec celles de ses opérateurs partenaires, formalisée dans le cadre des conventions pluriannuelles prévues par l'article 7 de la loi du 22 juillet 2019 ; enfin, la nécessité de s'appuyer sur un dialogue constant avec les élus dans le cadre des comités locaux de cohésion territoriale prévus à l'article L. 1232-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT). D'après les informations qui m'ont été communiquées, 87 comités ont été mis en place et 8 ne l'ont pas été à ce jour (Allier, Ariège, Bouches-du-Rhône, Corse-du-Sud, Haute-Corse, Loire, Haute-Loire, Haut-Rhin).

Le Sénat a attiré l'attention du Gouvernement sur ces enjeux d'une part, à l'occasion de la publication du rapport d'information intitulé Les collectivités et l'ANCT au défi de l'ingénierie dans les territoires, fait par nos collègues Josiane Costes et Charles Guéné au nom de la délégation aux collectivités territoriales et publié le 2 juillet 2020 et, d'autre part, lors d'un débat en séance, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen le 18 novembre 2020, sur la mise en place de l'ANCT.

Pour notre part, au sein de la commission, le cycle d'auditions lancé sur les perspectives de la politique d'aménagement du territoire, avec nos quatre référents Patricia Demas, Christine Herzog, Bruno Rojouan et Martine Filleul, que je salue, permettra également à terme d'évaluer l'action de l'agence.

Le projet de loi 4D - différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification - qui devrait être examiné au Sénat en juillet prochain pourrait également permettre de compléter les dispositions relatives à l'ANCT et au Cerema si cela s'avérait utile, le cas échéant.

En résumé, la loi est presque entièrement applicable, mais l'ANCT doit encore s'emparer de l'ensemble des outils à sa disposition, réglementaires, législatifs et financiers, pour démontrer véritablement son efficacité.

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) doit beaucoup à l'implication et au travail de notre commission, qui avait largement complété le texte initial. Gaspillages alimentaire et non alimentaire, lutte contre le suremballage et les dépôts sauvages, amélioration de l'information du consommateur, création d'un fonds de réemploi et d'un fonds de réparation, réduction de la production des plastiques à usage unique, exemplarité de l'État en matière d'économie circulaire : autant d'apports du Sénat qui avaient été conservés durant la navette parlementaire et figurent dans le texte définitif.

L'implication du Sénat dans l'élaboration d'un texte auquel il a très largement contribué exige donc un suivi particulièrement attentif et vigilant de l'application de la loi AGEC, afin que l'ambition du législateur soit pleinement et fidèlement retranscrite par le pouvoir réglementaire. C'est le sens du travail que je mène en tant que rapporteure du texte et dont je vous présente ce matin un rapide compte rendu.

Plus d'un an après la promulgation de ce texte important, où en sommes-nous de son application ?

Quelque 85 des 130 articles de la loi AGEC prévoient des renvois à des mesures d'application. Le texte comprend, par ailleurs, 8 demandes de rapport. À ce jour, 39 mesures d'application ont été prises, dont 5 mesures non prévues. Quelque 17 mesures d'application de dispositions législatives déjà entrées en vigueur et 7 rapports sont encore attendus. À date, le taux d'application de la loi AGEC est ainsi de 65 %.

Le ministère de la transition écologique s'était pourtant engagé, à l'occasion de la réunion du comité interministériel de l'application des lois qui s'est tenue en septembre 2020, à publier l'ensemble des décrets avant la fin de l'année 2020 s'agissant des mesures déjà actives ou qui devaient l'être prochainement. Force est de constater que cet engagement n'a pas été tenu.

Le Gouvernement justifie ce retard par diverses considérations liées à la crise sanitaire : gestion de la crise, agents touchés par la Covid-19 ou moins disponibles du fait du confinement, moindre disponibilité des parties prenantes nécessitant d'allonger les concertations, nécessités de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire sur les personnes concernées par les mesures d'application ou encore gel des consultations publiques. Ces considérations, aussi légitimes soient-elles, ne peuvent cependant excuser un tel retard. Le Gouvernement doit maintenant publier, le plus rapidement possible, l'ensemble des mesures d'application pour les dispositions législatives déjà actives, ce qu'il s'est engagé à faire, avant la fin de l'année 2021.

34 mesures d'application de dispositions législatives avec entrées en vigueur différées doivent encore être publiées. Au total, le taux d'application de la loi AGEC s'élève ainsi à 40 %. Le Gouvernement s'est engagé à prendre, d'ici à la fin de l'année, les mesures d'application restantes pour les dispositions législatives avec entrée en vigueur différée au 1er juillet 2021 et au 1er janvier 2022.

Au-delà de ce bilan d'application en demi-teinte, permettez-moi d'attirer votre attention sur quelques mesures d'application importantes.

Tout d'abord, je constate que de nombreuses dispositions que nous avions ajoutées au texte sont aujourd'hui applicables. C'est notamment le cas du titre relatif aux dépôts sauvages, apport majeur de notre commission, pour lequel l'ensemble des mesures d'application ont été prises. La loi doit ainsi permettre de renforcer les pouvoirs et les moyens des collectivités territoriales en la matière. Le décret permettant la prise en charge des coûts de nettoyage des dépôts sauvages par les éco-organismes a également été publié ; cela représentait une attente forte des élus locaux.

Autre motif de satisfaction, l'essentiel des mesures d'application relatives à la réforme des filières de responsabilité élargie du producteur (REP) est aujourd'hui entré en vigueur. Je pense notamment au fonds de réemploi et au fonds de réparation, introduits dans le texte à notre initiative, qui pourront être déployés dès 2022. Le décret prévoit ainsi, entre autres, que le fonds de réparation devra être abondé par les éco-organismes de plusieurs filières REP à hauteur d'au moins 20 % des coûts estimés de la réparation des produits relevant de leur agrément et qui sont détenus par les consommateurs. Il permettra ainsi de financer la réparation de biens de consommation du quotidien auprès de réparateurs labellisés. Voilà une mesure qui bénéficiera très directement et concrètement à nos concitoyens.

À côté de ces motifs de satisfaction, j'aimerais évoquer une mesure d'application plus problématique à mes yeux. Il s'agit d'un décret d'application de l'article 35, visant à lutter contre le gaspillage non alimentaire. Cet article prévoit que des conventions définissent les conditions dans lesquelles les donateurs de biens invendus non alimentaires contribuent aux frais de stockage des structures bénéficiaires. Or le décret d'application ne prévoit pas l'obligation, pour l'entreprise donatrice, de contribuer aux frais de stockage des produits donnés. Le décret, à tout le moins contraire à l'esprit de la loi AGEC, est ainsi susceptible d'accroître le refus de don et d'augmenter en conséquence la part de recyclage des invendus au détriment de leur réemploi. Un recours gracieux a été formulé par plusieurs associations auprès du Premier ministre ; espérons qu'une suite favorable soit donnée à cette demande.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Je vous présenterai, pour ma part, un bilan de l'application des deux lois importantes de ce quinquennat en matière de transports : la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire et la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

S'agissant de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, près de trois ans après son entrée en vigueur, elle est désormais applicable à 100 %. Les dernières mesures d'application attendues, à savoir deux décrets en Conseil d'État, ont été adoptées depuis le 31 mars 2020, date du précédent bilan d'application de cette loi, parmi lesquelles le décret prévu à l'article 14 pour fixer les modalités de mise en oeuvre de la possibilité d'attribution directe, par les autorités organisatrices, de leurs contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs.

Malgré l'achèvement du cadre d'application de la loi, force est de constater que l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire national de voyageurs, principal objet du nouveau pacte ferroviaire, peine à se concrétiser. En témoigne notamment la décision de l'État de déclarer sans suite la procédure d'ouverture à la concurrence des deux lignes de trains d'équilibre du territoire (TET).

Il n'en demeure pas moins que certaines régions -- je pense notamment à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, aux Hauts-de-France et aux Pays de la Loire -- ont engagé la procédure en lançant un avis de pré-information.

Dans l'ensemble, les opérateurs de transport ferroviaire sont considérablement affectés par la crise sanitaire, sans compter que la question de l'avenir des comportements des usagers des transports et du modèle économique des transports collectifs, reste entière.

Dans ce contexte, il est impératif d'instaurer un climat de confiance et de donner de la visibilité à l'ensemble des acteurs du secteur.

Premièrement, il est regrettable que l'actualisation du contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau n'ait toujours pas été publiée. Ce contrat est pourtant un document stratégique pour les opérateurs ferroviaires puisqu'il détermine notamment la trajectoire financière de SNCF Réseau et, dans ce cadre, les principes appliqués pour la détermination de la tarification de l'infrastructure et l'évolution prévisionnelle des redevances de l'utilisation de l'infrastructure. Le contrat 2017-2026 aurait dû, en application du code des transports, être actualisé en 2020. Interrogé sur la date de publication de ce document stratégique, le ministère de la transition écologique indique que la transmission du projet de contrat au Parlement est prévue pour l'automne 2021, soit avec un an et demi de retard.

Deuxièmement, il convient d'être particulièrement vigilant quant à l'utilisation des aides publiques au secteur ferroviaire, dans la perspective de l'ouverture à la concurrence, notamment en ce qui concerne les aides aux opérateurs de transport ferroviaire. À cet égard, l'Association française du rail (AFRA) a récemment fait part de ses inquiétudes quant au risque de distorsion de concurrence des aides publiques.

Troisièmement, je regrette, comme l'an dernier, qu'aucune des ordonnances publiées sur le fondement des habilitations prévues par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire n'ait été ratifiée et qu'aucun des projets de loi de ratification n'ait été inscrit à l'ordre du jour.

Pour ce qui concerne la loi d'orientation des mobilités, adoptée il y a un an et demi, elle a réformé le cadre général des politiques de mobilités.

Lors du dernier bilan de l'application des lois, au 31 mars 2020, seules 3 mesures d'application avaient été publiées. Depuis lors, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures d'application, de telle sorte que, sur 123 mesures d'application attendues à ce jour, 75 d'entre elles ont été prises, portant ainsi le taux d'application de la loi à 61 % au 31 mars 2021. Plusieurs mesures, en particulier des ordonnances, ont été publiées depuis lors, notamment au mois d'avril. Notons tout de même que deux des habilitations prévues par le texte n'ont pas été utilisées par le Gouvernement et que leur délai d'habilitation a expiré. On se demande, parfois, à quoi sert notre travail.

Certaines mesures d'application particulièrement attendues ont été publiées lors de l'année écoulée, telles que le décret relatif au Conseil d'orientation des infrastructures, dont l'existence a été inscrite dans la loi à l'initiative de notre commission et qui sera amené à se prononcer sur les politiques d'investissement dans la mobilité et les transports, l'arrêté portant application du schéma national des véloroutes, dont notre commission a également la paternité, les différents décrets relatifs aux conditions d'application du forfait mobilités durables (FMD) dans les secteurs public et privé ou encore l'ordonnance relative aux classifications et aux rémunérations au sein de la branche ferroviaire -- une première habilitation avait été inscrite dans la loi pour un nouveau pacte ferroviaire et de nouveau dans la LOM.

Je me félicite également de la signature, la semaine dernière, du contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre l'État et Voies navigables de France, également introduit à l'initiative de notre commission. Ce contrat fixe un cap à VNF pour les dix prochaines années en matière de performance, de qualité et de sécurité du réseau fluvial et repose sur une trajectoire d'investissements qui, si l'on ajoute les crédits prévus par le plan de relance, doit atteindre 220 millions d'euros par an en moyenne sur dix ans. Il s'agit là d'un signal particulièrement positif pour valoriser les fortes potentialités de la voie d'eau. Conformément à notre souhait, nous avons donc triplé les investissements qui se montaient, il y a encore peu de temps, à 60 millions d'euros.

Malgré tout, trop d'articles restent encore inapplicables, faute de mesures d'application.

Ainsi, la stratégie pour le développement du fret ferroviaire, prévue à l'article 178 de la LOM, qui devait être remise au Parlement au 1er janvier 2021, est toujours attendue. Alors que la part modale du fret ferroviaire de marchandises peine à dépasser les 9 % et afin de ne pas prendre davantage de retard par rapport à nos voisins européens, il est urgent de se donner les moyens de nos ambitions et de publier au plus vite cette stratégie.

Par ailleurs, je constate qu'une mesure qui revêt une importance particulière pour les gens de mer travaillant à bord des navires de pêche est toujours en attente d'application. L'article 135 de la LOM a habilité le Gouvernement à transposer dans le droit national une mesure issue de la réglementation européenne concernant l'obligation pour les armateurs de souscrire une garantie financière afin d'assurer les marins en cas de maladie, d'invalidité ou d'abandon. L'ordonnance prévue a bien été publiée en mai 2020, mais seule la garantie pour les navires autres que de pêche est aujourd'hui applicable. Celle qui concerne les navires de pêche est toujours lettre morte, faute de mesure d'application. Je rappelle qu'il s'agit d'une préoccupation ancienne déjà prévue par la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable. Je ne peux qu'appeler le Gouvernement à mettre en oeuvre cette mesure qui permettrait une meilleure protection des marins travaillant à la pêche face aux risques et situations d'urgence qui peuvent survenir dans leur métier. En outre, seul un rapport a été remis au Parlement, sur les seize attendus.

Au-delà du retard de parution des mesures d'application, et pour vous livrer un bilan plus qualitatif de la mise en oeuvre concrète de la LOM, je souhaiterais partager avec vous certaines informations et interrogations.

S'agissant de la gouvernance en matière de mobilité, je vous rappelle la possibilité pour les communautés de communes de se voir transférer la compétence mobilités. Celles-ci pouvaient délibérer en ce sens jusqu'au 31 mars 2021. Pour votre information, je vous indique que, au 15 avril 2021, sur 918 communautés de communes non-autorités organisatrices de la mobilité (AOM), on dénombre 426 délibérations favorables pour la prise de compétence d'AOM, contre 256 délibérations défavorables. Pour celles qui ne se sont pas prononcées, la compétence sera mécaniquement transférée à la région, qui définira donc les bassins de mobilité.

Permettez-moi également de revenir sur la mise en place des premières zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). La LOM a imposé leur création avant le 31 décembre 2020 dans 7 nouvelles agglomérations connaissant des dépassements chroniques des normes de qualité de l'air, en plus des quatre collectivités qui avaient déjà mis en oeuvre ce dispositif : métropole de Lyon, Grenoble-Alpes-Métropole, Ville de Paris et métropole du Grand Paris. Alors qu'il est question d'étendre les ZFE-m aux agglomérations de plus de 150 000 habitants et de prévoir des plans de restriction de circulation, je m'interroge sur le caractère opérationnel des dispositifs de contrôle automatisé prévu pour contrôler le respect des mesures édictées.

Enfin, la création du forfait mobilités durable a fait l'objet d'une évaluation dont les résultats ont été publiés très récemment. Ainsi, 20 % des 1 047 organisations ayant répondu avaient déployé ce forfait. Le plafond moyen choisi par les acteurs privés est de 400 euros -- à l'origine à 200 euros, nous l'avions doublé dans le cadre de la LOM. L'étude précise que 37 % des employeurs ayant déployé le FMD n'ont rencontré aucune difficulté, 23 % d'entre eux ont eu des difficultés liées à la collecte de preuves et 18 % ont eu un manque d'informations et de compréhension du sujet. Le ministère a d'ailleurs indiqué qu'il évaluerait l'opportunité de recourir à l'habilitation prévue à l'article 83 visant à définir les conditions de la prise en charge par l'employeur des frais de transport sur la base des résultats de ce baromètre.

M. Gérard Lahellec. - Cet exercice de synthèse n'est pas simple à produire et je remercie mes collègues de l'avoir mené. S'agissant notamment de la LOM, les choses sont compliquées. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant eu jusqu'au 31 mars pour se saisir de la compétence, il ne faut pas s'étonner du manque d'éléments précis au 15 avril.

Je viens d'un département qui est passé de 28 à 8 intercommunalités ; 5 d'entre elles disposent de la compétence transports-mobilités et seulement 3 peuvent l'exercer. Parmi les 3 intercommunalités qui ne sont pas communautés d'agglomération, 2 ont pris la compétence. C'est dire l'imbroglio que constitue cette loi confiant, in fine, aux régions la gestion des restes à réaliser, ce qui est le plus compliqué, le plus cher et le plus délicat. En outre, il n'existe pas de ressource dynamique pour relever le défi.

M. Gilbert Favreau. - Il serait intéressant de faire le bilan d'application de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et de se pencher sur la façon dont les transferts de compétences ont été opérés. Alors que le département devrait être la collectivité logique de rattachement de ces compétences, on a préféré transférer de nombreuses compétences aux régions.

M. Jean-François Longeot, président. - Notre commission n'a pas fait le bilan d'application de la loi NOTRe qui revient à la commission des lois qui était saisie du texte au fond et suit attentivement son application. Je vous renvoie à cet égard vers l'analyse de la cette commission sur ce point.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Pour répondre à Gérard Lahellec sur la question de la prise de compétence des intercommunalités, je rappelle que la LOM a échoué en commission mixte paritaire (CMP) pour l'unique raison du financement des intercommunalités, notamment dans les zones peu denses. Nous avions prévu un versement mobilité à taux minoré pour ces zones pour leur permettre, notamment aux plus petites ne disposant pas de ressources, de financer, par un taux de 0,3 %, les questions de mobilité. Il faudra donc vérifier si celles qui n'ont pas pris les compétences l'ont fait pour des raisons financières ou pour des raisons de moyens techniques et humains.

Par ailleurs, certaines régions ont été beaucoup plus proactives que d'autres, comme la région Pays de la Loire qui a fait en sorte que ses intercommunalités puissent prendre les bonnes décisions dans les meilleures conditions. En somme, s'il n'y a pas de financement et si la région ne s'est pas investie, il ne se passera pas grand-chose. Je rappelle que l'objectif initial de la loi était l'absence de zone blanche de mobilité. Ce serait donc la double peine pour les intercommunalités n'ayant pas pris la compétence tout en étant dans une région peu volontaire en la matière.

Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière - Délégation de l'examen d'articles

M. Jean-François Longeot, président. -- Je souhaiterais aborder les modalités d'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances.

Comme vous le savez, ce texte a été déposé le 14 avril dernier par le Gouvernement avec engagement de la procédure accélérée, et envoyé au fond à notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Ainsi, il nous reviendra d'examiner en commission le 12 mai prochain les articles 1er à 27 et 29 à 32 qui composent les chapitres I, II et IV du texte qui doit être examiné en séance publique la semaine suivante.

En accord de notre collègue Cyril Pellevat, désigné par notre commission en qualité de rapporteur, je vous propose de déléguer au fond l'examen de certains articles dont les sujets relèvent du champ de compétence d'autres commissions :

-- l'article 28 relatif aux minerais de conflit pour assurer la transposition du règlement 2017/821 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017, entré en application le 1er janvier 2021. Je vous propose, compte tenu de la nature du sujet concerné, de confier l'examen de cet article à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

-- les articles 33 à 42 qui composent le chapitre V ayant pour objet de transposer une série de textes communautaires en matière économique et financière et qui modifie le code de commerce, le code des assurances ou encore le code monétaire et financier. Il semble donc logique de déléguer l'expertise de ces dispositions à la commission des finances.

La commission décide de déléguer au fond à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées l'article 28, et à la commission des finances les articles 33 à 42 du projet de loi (n° 535, 2020-2021) portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances. Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 10 h 10.

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 16 h 45.

Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets - Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

M. Jean-François Longeot, président. - Madame la ministre, c'est un plaisir de vous recevoir. Nous vous entendons aujourd'hui dans le cadre de l'examen prochain, par le Sénat, du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets qui a été déposé à l'Assemblée nationale le 10 février dernier par votre ministère, au nom du Gouvernement, et adopté par les députés hier lors du vote solennel.

Avant de vous céder la parole et de laisser place à l'échange avec mes collègues de la commission et les rapporteurs, je rappellerai le cadre mis en place par le Sénat pour examiner ce texte, puis je vous ferai part de quelques sentiments, premières réflexions et ressentis sur son contenu et le contexte dans lequel il s'inscrit.

Vous le savez, à la différence du choix opéré à l'Assemblée nationale de créer une commission spéciale, le Sénat a préféré s'appuyer sur l'expertise et la mémoire des commissions permanentes.

C'est pourquoi la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable examinera le texte au fond et sera compétente sur la majorité des articles. Nos trois rapporteurs, qui mènent leurs travaux depuis déjà un mois, sont Marta de Cidrac, Pascal Martin et Philippe Tabarot.

La commission des affaires économiques présidée par notre collègue Sophie Primas est étroitement associée à l'examen du texte, puisqu'elle recevra, sous réserve de l'accord de la commission que je préside, une délégation au fond pour traiter plusieurs dizaines d'articles, en particulier au sein du titre IV «  Se loger  » et du titre VI «  Se nourrir  ». Les commissions des finances, des lois et de la culture se sont également saisies pour avis.

Quelques remarques à titre principal, s'agissant des mesures qui nous sont soumises.

Tout d'abord, je constate que le Sénat devra examiner, à partir du mois de juin en commission, un texte très différent de celui que le Gouvernement avait déposé initialement, puisqu'il a triplé de volume en passant de 69 à 218 articles. Toutefois, les thèmes, la technicité, la portée, la normativité et les impacts sont très différents d'une mesure à l'autre, quand une étude précise des impacts est disponible.

Dès lors, la cohérence globale du texte et la mesure de l'impact de ses dispositions sur nos émissions et notre empreinte carbone sont devenues difficiles à appréhender alors même que le Haut Conseil pour le climat (HCC) recommandait un suivi approfondi en cours d'examen parlementaire. Dans le détail, le texte mélange des mesures programmatiques, des prorogations et modifications de mesures à peine ou non entrées en vigueur, des coordinations de mesures anticipées avec d'autres textes qui pourraient être examinés au Parlement dans les prochains mois ou années et quelques mesures d'interdiction et d'effet direct, mais aussi désormais une quarantaine de demandes de rapports du Gouvernement au Parlement.

Il contient également une demi-douzaine d'habilitations à légiférer par ordonnance sur des sujets très variés, essentiels et plus ou moins sensibles, mais qui auraient tous mérité des discussions plus approfondies au Parlement, s'agissant, notamment, de la réforme du code minier ou de celle de la gestion du recul du trait de côte par exemple, qui n'étaient pas dans le champ du travail confié à la Convention citoyenne pour le climat par le Président de la République. Des dispositions prévues initialement pour être prises par voie d'ordonnance ont été inscrites dans le corps du texte, c'est une bonne chose, mais il reste de vastes champs d'habilitation.

Par ailleurs, vous le savez, ce texte ne permet toujours pas d'atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030, tant par rapport à la cible actuelle, une baisse de 40 %, que par rapport à la nouvelle cible de 55 % que l'Union européenne se donne, avec le soutien de la France.

Ce qui devait donc être un texte de bilan, visant à accélérer certaines mesures déjà prises depuis le début du quinquennat et à ouvrir de nouveaux champs d'action, apparaît finalement en retrait par rapport à l'objectif initial.

On a aussi le sentiment que certains sujets n'étaient pas tout à fait prêts, car plusieurs missions ont travaillé sur des dispositions du texte à la demande du Gouvernement, alors même que l'examen parlementaire avait commencé à l'Assemblée. J'ai à l'esprit les mesures relatives à la régulation de la publicité, avec la mission confiée à Arnaud Leroy et Agathe Bousquet, ou celles qui concernent la rénovation énergétique des bâtiments, avec la mission confiée à Olivier Sichel, par exemple.

Enfin, pour vous faciliter la tâche, si j'ose dire, ce texte suscite de vives réactions dans la société et l'opinion. D'un côté, certains l'accusent d'aller trop loin et d'ignorer le contexte sanitaire et économique actuel ; de l'autre on souligne toujours son manque d'ambition, des déséquilibres et des renoncements trop nombreux du Gouvernement.

Je compte donc sur vous, madame la ministre, pour nous éclairer sur ce nouveau texte issu des travaux des députés, que nous aurons à examiner dans les prochaines semaines.

J'en viens aux deux questions que je souhaite vous poser : d'abord, quelles sont, pour vous et le Gouvernement auquel vous appartenez, les mesures les plus importantes et celles auxquelles vous tenez particulièrement parmi les 218 articles du texte ?

Ensuite, le Gouvernement envisage-t-il de compléter le texte en proposant d'insérer dans le corps du texte, des dispositions qui font actuellement l'objet d'habilitations à légiférer par ordonnance ? Quels éléments le Gouvernement souhaite-t-il voir évoluer par rapport au texte adopté par les députés ?

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. - Je suis venue vous proposer d'écrire ensemble une nouvelle page de notre histoire, faite de démocratie et d'écologie, en commun avec toutes les forces vives de notre pays, les citoyens comme les députés. Dans la crise que nous traversons, nous en avons besoin. Il y a urgence à construire l'avenir de nos territoires, à les protéger des conséquences du dérèglement climatique, à réinventer une civilisation dont l'inconséquence provoque aujourd'hui canicules, crues mortelles, cyclones et tempêtes ; urgence à conduire l'humanité à l'âge adulte face à la fragilité de notre planète, en écho à l'appel des 150, de notre jeunesse, du pays tout entier. Nous devons agir vite et bien, nous devons faire mieux. Ce grand défi est l'occasion de retisser des liens dans notre pays, de rassembler, de cesser d'opposer, de retrouver le goût d'un avenir partagé à construire ensemble ; c'est cela, faire Nation dans notre nouveau siècle.

C'est à cet exercice que se sont attelés les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat tirés au sort. Pendant neuf mois, ils ont donné de leur temps et de leur énergie pour apporter leur concours à notre vie collective. Ils n'étaient pas experts, pas toujours convaincus de la cause environnementale ; ils venaient de partout, de toutes les catégories sociales, de tous les métiers ; ils ont débattu ; ils ont fait des propositions, c'est toute la noblesse de la démocratie. Je veux dire encore ici ma fierté devant leur héritage.

Maintenant, le temps du Parlement est venu ; c'est à vous de concrétiser ce travail. Bien sûr, beaucoup critiqueront le rythme des transformations, le trouvant trop rapide ou trop lent. À mon sens, s'il faut assumer des ruptures, on ne transforme pas un pays dans la brutalité ; il faut doser entre contrainte et initiative et accompagner les acteurs concernés. Notre écologie est une écologie pragmatique, de terrain, de bon sens.

Tout commence à l'école de la République, c'est pourquoi cette loi fera entrer l'écologie dans les salles de classe. Elle va nous donner des moyens pour faire de chaque citoyen un acteur d'une consommation plus responsable en indiquant le bilan environnemental des produits et des services, en transformant les représentations véhiculées par la publicité et en définissant l'éco-blanchiment pour ce qu'il est : une pratique commerciale trompeuse. C'est l'ambition du titre I.

Cette loi va aussi porter la transition écologique au coeur des entreprises. Nous allons mobiliser la commande publique : les clauses environnementales seront obligatoires dans les marchés publics. Nous allons également mieux ancrer les énergies renouvelables dans les territoires pour renforcer l'acceptabilité des projets. C'est tout le sens du titre II.

Ce texte va nous permettre de protéger directement des milliers de nos concitoyens exposés chroniquement à un air irrespirable. Nous connaissons le coût humain de cette situation : 40 000 morts chaque année. Nous allons créer dans toutes les grandes villes de France des zones à faibles émissions pour mettre un terme à la circulation des véhicules les plus polluants sous les fenêtres de nos enfants. Cette loi, enrichie par l'Assemblée nationale, va permettre à nos concitoyens de bénéficier de la prime à la conversion, pour se tourner vers des vélos à assistance électrique. Le bon sens, c'est aussi reconnaître qu'il est absurde de prendre l'avion lorsque l'on peut faire le même trajet en train en moins de deux heures et trente minutes. Tels sont les objectifs du titre III.

Le titre IV vise, lui aussi, à restaurer le bon sens, afin de cesser d'engloutir la nature sous le béton, de construire des centres commerciaux dans les champs, pour diviser par deux le rythme de l'artificialisation des sols. Ce bon sens conduit également à agir pour mettre fin à la situation intenable de près de deux milliers de foyers français locataires de passoires thermiques. Nous pouvons éviter les factures exorbitantes qu'ils subissent et, du même coup, le rejet de millions de tonnes de CO2 dans l'atmosphère. Ce texte interdira la mise en location de tels biens afin de conduire les propriétaires à réaliser des rénovations de qualité. La trajectoire pour y parvenir est claire, de la classe G, la plus consommatrice, dont la location sera interdite en 2025, à la classe E, pour laquelle les travaux devront être réalisés avant 2034. L'objectif de ce calendrier est de laisser le temps aux propriétaires de s'adapter, tout en évitant la saturation des professionnels. Certains voudraient tout interdire dès demain, encore faut-il pour cela que la filière soit structurée et que les propriétaires aient la capacité de réaliser de tels travaux. Leur accompagnement est également garanti par ce texte, grâce à la création des accompagnateurs rénovation agréés. Grâce à ce dispositif, nous allons simplifier et sortir des procédures complexes. Nous avons conscience de l'effort que nous demandons à ces propriétaires, c'est pourquoi la loi doit fixer un principe d'engagement financier de l'État pour garantir aux ménages, notamment les plus précaires, un faible reste à charge. Cet engagement se traduira chaque année en loi de finances. La transformation de notre habitat est une question de cohérence et de prévisibilité.

Cette loi est aussi l'occasion de donner une nouvelle impulsion à la transformation de notre modèle agricole et alimentaire en développant une agroécologie au service des territoires, des humains et de la nature, en donnant à chacun le droit à une alimentation plus saine et équilibrée, en ouvrant davantage le choix à un menu végétarien et en y associant des commandes de viande de bonne qualité. C'est le programme du titre V.

Ce texte acte donc un changement d'ère, le début d'une nouvelle époque dans laquelle la destruction volontaire de la nature, les dépôts sauvages, les pollutions évitables sont intolérables. La complaisance avec les pollueurs, c'est terminé. Nous renforçons notre droit, notre cadre juridique ; avec le titre VI, nous nous donnons enfin les moyens d'agir avec diligence et sévérité contre ceux qui portent gravement atteinte à l'environnement.

Je suis profondément attachée à ce temps que nous prenons ensemble, au débat parlementaire, au travail des élus de la Nation. Je sais combien il améliore les lois. J'ai mentionné les avancées notables de ce texte, dont certaines sont issues des plus de 200 heures de débat à l'Assemblée nationale. Le titre VII est venu enrichir la portée de ce texte dans le temps long. Pour relever le défi de la transition, nous avons besoin d'un cadre robuste pour nous assurer que notre exigence ne faiblit pas. Les évolutions de notre gouvernance climatique que les députés ont adoptées vont, à ce titre, dans le bon sens, avec l'évaluation annuelle de la mise en oeuvre de cette loi par le Haut Conseil pour le climat et la Cour des comptes, ainsi qu'avec la négociation de feuilles de route secteur par secteur. Mettre autour de la table les acteurs qui vont agir pour atteindre nos objectifs communs, c'est le gage d'une coordination efficace.

Bien sûr, une seule loi ne peut transformer un pays, aussi ambitieuse soit-elle. J'entends dire que ce texte ne serait pas suffisant pour aboutir aux objectifs de 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre - je le confirme. Ce projet de loi est une nouvelle pierre apportée à un édifice beaucoup plus large, avec des décisions que personne n'avait osé prendre auparavant, comme l'abandon de Notre-Dame-des-Landes, d'EuropaCity, de la Montagne d'or, du terminal 4 de Roissy  ; elle accompagne un plan de relance historique qui consacre 30 milliards d'euros à la décarbonation de notre économie, de nombreuses mesures réglementaires et fiscales et notre mobilisation internationale sans faille pour faire de l'Europe une puissance susceptible de conduire nos partenaires à s'aligner sur le niveau de notre ambition.

Ce texte est désormais à vous.

Si je ne devais retenir que quelques mesures, ce seraient les mesures les plus structurantes, comme celle sur la rénovation des bâtiments, car le bâtiment représente 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre, ou celle sur la mise en place des zones à faibles émissions, car il s'agit d'un effort sans précédent pour la santé publique qui concernera la moitié de la population française. Sa mise en oeuvre nécessitera un accompagnement social, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de mon récent déplacement à Marseille.

Je retiendrai également la mesure sur l'artificialisation des sols, car nous ne pouvons pas continuer à bétonner les sols à un rythme aussi fort. Notre objectif à long terme est d'atteindre l'objectif de zéro artificialisation net et notre objectif intermédiaire est de diviser par deux le taux actuel d'artificialisation des sols. Les maires me disent que les mentalités ont déjà évolué sur ce sujet. Un fonds Friches de 300 millions d'euros est prévu pour accompagner les collectivités.

Je conserverai d'autres mesures plus culturelles comme celles qui concernent les menus végétariens, le remplacement des trajets en avion par des alternatives en train, ou encore le fameux affichage environnemental, dont l'idée était portée par les membres de la Convention citoyenne sur le climat, et qui prévoit un étiquetage permettant au consommateur de voir si le produit qu'il achète est bon ou pas pour l'environnement.

Avec les députés, nous avons déjà commencé à traduire certaines ordonnances dans le corps de la loi. Au Sénat, je souhaite que nous examinions au cas par cas celles qui sont purement techniques et qui ne nécessitent pas d'être inscrites dans la loi.

Concernant le code minier et le trait de côte, nous profiterons de ce texte pour mettre en oeuvre certaines mesures que l'encombrement du calendrier parlementaire empêchait de mener à bien. La Montagne d'or a fait surgir des risques de contentieux qu'il nous faut traiter. Il en est de même pour le trait de côte, avec, notamment, l'exemple de l'immeuble du Signal qui montre la nécessité de réformer le code de l'environnement.

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - Je concentrai mes questions sur le titre Ier et le titre VI du projet de loi. Je m'étonne que plusieurs articles du projet de loi reviennent sur des équilibres atteints lors de récents débats parlementaires, ce qui soulève d'importantes questions quant à la lisibilité de la norme et la qualité de la loi.

Je pense notamment aux articles 9 et 12 qui rejouent, en quelque sorte, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) promulguée il y a un peu plus d'un an.

Concernant l'article 9, je m'interroge sur la capacité de l'expérimentation prévue à distinguer les résultats propres au «  Oui Pub » de ceux de la loi AGEC, qui a introduit un régime de sanctions au «  Stop Pub ». Ce chevauchement des initiatives a-t-il été pris en compte lors de la rédaction du projet de loi ?

Concernant l'article 12, je vous rappelle qu'à l'occasion de la loi AGEC, le Sénat avait permis au pouvoir réglementaire de faire obligation aux producteurs ou à l'éco-organisme dont ils relèvent de mettre en oeuvre des dispositifs de consigne autres que la consigne pour recyclage sur les bouteilles plastiques. La version de l'article 12 qui nous a été transmise par l'Assemblée nationale ne fait que décliner cette possibilité à la consigne pour réemploi sur les emballages en verre. Cet article est-il utile juridiquement ou ne constitue-t-il qu'un support de communication de la part du Gouvernement ?

Par ailleurs, l'article 1er, qui porte sur l'affichage environnemental, revient lui aussi sur une disposition introduite par la loi AGEC et dont l'évaluation est attendue pour le mois d'août 2021. Alors que plusieurs secteurs comme le textile, l'ameublement, l'aménagement touristique ou l'alimentaire sont engagés dans cette démarche depuis les lois Grenelle I et Grenelle II de 2009 et 2010, ce qui montre au passage que cette idée d'affichage environnemental n'est pas neuve, je m'interroge sur l'entrée en vigueur tardive du dispositif, après cinq ans d'expérimentation tel que cela est prévu par le projet de loi. Ne pensez-vous pas qu'il serait important de mettre en oeuvre ce dispositif plus rapidement, tant au service de l'information des consommateurs que de la compétitivité de nos entreprises ? L'affichage environnemental me semble en effet être un élément puissant pour accompagner la décarbonation de notre modèle économique et créer des avantages comparatifs pour les entreprises françaises. Par ailleurs, une précision a été introduite à l'Assemblée nationale pour tenir compte de la situation des entreprises de moins de 21 salariés. À quoi correspond ce seuil ?

À l'article 11, je partage la volonté d'accélérer le développement du vrac, qui répond à une aspiration de beaucoup de Français à la réduction des déchets d'emballages. Se fixer des objectifs, comme le fait cet article, peut à cet égard avoir un intérêt. Il me semble cependant que poser une obligation de résultat ne suffit pas : il y a de nombreuses barrières techniques et pratiques à lever pour pérenniser le vrac. Comment l'État peut-il mieux accompagner les acteurs, notamment par le biais d'expérimentations, par exemple pour limiter les risques de gaspillage alimentaire induits, pour adapter la réglementation relative à l'étiquetage des produits alimentaires, ou encore pour lever les contraintes techniques empêchant aujourd'hui la vente en vrac de certains produits de consommation  ?

À l'article 11 toujours, contre l'avis du Gouvernement, plusieurs amendements ont été adoptés en séance publique afin d'interdire, à partir de 2025, les emballages constitués en polystyrène. Il n'existe certes pas aujourd'hui en France de filière opérationnelle de recyclage du polystyrène, mais plusieurs projets de recyclage chimique ont été récemment annoncés ou sont au stade du pilote technologique. Ne serait-il pas contradictoire d'interdire ces emballages, alors même que nous consacrons des millions d'euros à la recherche de solutions de recyclage, dans la perspective notamment de l'objectif de 100 % d'emballages recyclés d'ici à 2025, conformément à la loi AGEC ? Pouvez-vous nous en dire plus sur l'avancée de ces projets ?

J'aimerais également revenir sur l'article 6, qui prévoit une décentralisation du pouvoir de police de la publicité aux communes ou aux intercommunalités ne disposant pas d'un règlement local de publicité. J'ai des difficultés à comprendre l'objectif visé par cet article. Ne risque-t-il pas de mettre en difficulté les petites collectivités qui ne disposent pas de la capacité à contrôler et sanctionner les éventuelles atteintes au code de l'environnement ?

Enfin, s'agissant du titre VI du projet de loi consacré à la protection judiciaire de l'environnement, vous paraît-il souhaitable que le nouveau délit de mise en danger de l'environnement soit puni plus sévèrement que le délit de mise en danger de la vie d'autrui prévu par le code pénal, soit trois ans d'emprisonnement contre un an d'emprisonnement  ? Comment les juges seront-ils amenés à apprécier la qualification juridique de l'atteinte durable, susceptible de durer au moins dix ans ? Si l'on considère la lisibilité et la proportionnalité de l'échelle des peines, vous paraît-il opportun de sanctionner plus sévèrement une mise en danger de l'environnement, qui n'a pas causé de dommage, que certaines «  dégradations substantielles  » de l'environnement visées à l'article L. 173-3 du code de l'environnement ?

M. Pascal Martin, rapporteur. - Mes questions porteront sur plusieurs titres du projet de loi. Concernant le verdissement de la commande publique, je salue les avancées du texte à l'issue des débats à l'Assemblée nationale. L'extension de l'article 15 aux contrats de concession semble tout particulièrement opportune. Nous savons cependant que le recours à la norme ne suffira pas et qu'un véritable verdissement de la commande publique devra également passer par la formation et l'accompagnement des acheteurs publics. Des outils d'analyse de cycle de vie pourraient-ils par exemple être mis à disposition des collectivités territoriales par l'État ?

S'agissant du volet relatif à l'eau, qui ne comportait initialement que l'article 19 relatif aux écosystèmes aquatiques, alors que le texte qui nous est transmis en comporte désormais six, je souhaiterais évoquer le controversé article 19 bis C sur la continuité écologique et l'interdiction des destructions de moulins à eau, qui a fait l'objet d'âpres discussions : ne pourrait-on pas retenir une rédaction plus équilibrée, qui permettrait la circulation des espèces aquatiques ainsi que le transport des sédiments, tout en rassurant les propriétaires de moulins à eau, inquiets de ce qu'ils décrivent comme une «  politique de destructions d'ouvrage  », dans le cadre d'une continuité écologique apaisée ?

Ce texte comprend en outre un article prévoyant un programme d'actions chiffrées visant à améliorer le fonctionnement des ouvrages et équipements de distribution d'eau potable : ne serait-il pas opportun de prévoir un plan national de lutte contre les pertes du réseau de distribution d'eau potable et d'amélioration de sa performance ?

J'aimerais également vous interroger sur l'inscription dans la loi de la stratégie nationale pour les aires protégées, avec un double objectif de 30 % d'aires terrestres et marines sous protection et de 10 % sous protection forte. L'ambition est louable, notamment pour les aires sous protection forte, car nous ne sommes pas loin de l'atteinte des objectifs de 30 % de zones protégées alors que nous en sommes plus éloignés pour les 10 % sous protection forte.

Se pose cependant la question des moyens humains et des financements pour y parvenir : s'ils sont insuffisants, ces zones ne seront que des « aires de papier ». En application de l'article 40 de la Constitution, nous ne pouvons cependant pas leur consacrer de nouveaux moyens. Ensuite, le principe de non-régression des surfaces ne concerne que la superficie totale, ce qui signifie que les aires sous protection forte pourraient voir leur superficie réduite entre deux actualisations, ce qui interroge sur les ambitions portées par la France. Enfin, nous pensons que renvoyer la définition de la protection forte à un décret n'est pas satisfaisant. À la lumière de ces interrogations, pourriez-vous nous préciser vos engagements concernant l'atteinte des objectifs de la stratégie nationale pour les aires protégées ?

Enfin, j'aurais deux dernières questions plus directes. Tout d'abord, ne pensez-vous pas que l'introduction de la réforme du code minier dans ce texte déséquilibre son bilan carbone global ? Si l'on peut espérer une amélioration de notre empreinte carbone avec une exploitation minière nationale, dans une logique de relocalisation, on peut en revanche s'attendre à une hausse des émissions de gaz à effet de serre induite par l'exploitation minière et la transformation des produits issus de l'extraction sur notre territoire.

Ensuite, s'agissant de l'article 62 sur les engrais, pourriez-vous m'éclairer sur sa portée juridique ? Soit le dispositif fait obligation au Gouvernement de mettre en oeuvre cette taxe, non définie d'ailleurs, auquel cas il s'agit d'une injonction au Gouvernement, ce qui est contraire à la Constitution, soit cet article n'a aucun effet juridique, mais uniquement une vocation politique, auquel cas je souhaiterais que vous me précisiez son intérêt.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Je souhaiterais quant à moi vous interroger sur le titre III « Se déplacer ».

L'article 27 relatif aux zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) modifie considérablement le cadre juridique prévu par la loi d'orientation des mobilités (LOM). Alors que ces zones étaient prévues comme un outil à la main des collectivités territoriales afin de s'adapter à leurs besoins, l'article 27 impose des interdictions de circulation à échéance courte, en 2023, 2024 et 2025, qui concerneraient deux millions de véhicules selon l'étude d'impact. Pourquoi avez-vous fait ce choix de mettre un seuil minimal de restrictions ? L'étude d'impact indique également que ces véhicules auraient été remplacés « naturellement » d'ici à 2028 : la mise en oeuvre de ZFE-m a-t-elle une véritable valeur ajoutée pour accélérer de trois ans ce renouvellement ?

Par ailleurs, et toujours sur l'article 27, l'étude d'impact comporte peu d'éléments sur les conséquences économiques de cette mesure sur les particuliers et les entreprises. En particulier, à la suite de l'adoption, à l'Assemblée nationale, d'un amendement visant à étendre les mesures de restrictions des ZFE-m aux véhicules utilitaires légers (VUL), avez-vous chiffré quel pourrait être l'effet de la mise en place de ZFE-m sur l'activité d'artisans et de travailleurs utilisant ces véhicules ? Concernant les particuliers, ne peut-on pas penser que les ménages qui seront le plus impactés par la nécessité de renouvellement de leur véhicule sont les plus précaires ? Enfin, êtes-vous en mesure de chiffrer le coût des moyens de contrôle humains et automatisés qu'il sera nécessaire de déployer, alors même que les dispositifs de contrôle automatisé prévus par la LOM ne sont pas encore opérationnels ?

En outre, le projet de loi fixe des objectifs ambitieux de décarbonation des poids lourds d'ici à 2040. Cependant, force est de constater que les véhicules industriels électriques ou à hydrogène ne sont pour l'heure ni disponibles ni abordables pour les transporteurs routiers. Ainsi, des mesures comme la diminution de l'avantage fiscal sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) revêtent un caractère punitif sans pour autant s'accompagner d'aides suffisantes de l'État. En effet, dans la mesure où le bonus écologique du Gouvernement est limité aux motorisations à hydrogène et électriques et qu'il expire en 2022, il ne paraît pas adapté aux préoccupations du secteur. Comptez-vous revoir le périmètre ou la durée de ces aides à la transition ?

Par ailleurs, le projet de loi ne traite pas de la question des biocarburants, alors qu'il s'agit d'une solution, certes transitoire, mais extrêmement intéressante en matière de décarbonation. Pourriez-vous donc préciser les raisons qui ont amené le Gouvernement à exclure les biocarburants des leviers de décarbonation dont la France pourrait se doter avec ce projet de loi ?

J'en viens à présent à l'article 32 de ce projet de loi, qui prévoit d'autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour instituer une contribution régionale assise sur la circulation des véhicules de transport de marchandises. Cette contribution, qui serait fondée sur le transfert de la compétence des routes aux régions, soulève plusieurs questions. Pouvez-vous nous en dire plus sur le dispositif envisagé à ce stade ? Tout d'abord, disposez-vous d'informations relatives aux coûts de collecte et d'infrastructure d'un tel dispositif ? Par ailleurs, cet article prévoit que les départements qui subiraient un « report significatif de trafic » pourraient également étendre ces contributions à leur réseau : les recettes perçues iraient-elles donc au département ou à la région ? On ne comprend plus rien, madame la ministre ! Alors que la loi 4D - différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification - n'a pas encore été débattue par le Sénat, on donnerait déjà aux régions les ressources pour pouvoir assumer cette compétence  !

Comment s'organiserait l'articulation entre les collectivités en matière de perception et de gestion des infrastructures ? Et comment est-il prévu d'apprécier le caractère « significatif » du report ?

Plus généralement, l'échelle régionale paraît susceptible de créer des distorsions importantes entre les régions, induisant une concurrence fiscale, qui pourrait avoir de nombreux effets pervers en matière de détournement de trafic. L'instabilité de cette taxe pourrait également affaiblir l'attractivité de la France en matière de logistique, alors qu'il s'agit là d'un secteur stratégique. Comment comptez-vous éviter ou atténuer ces effets pervers ?

Enfin, l'article 36 prévoit l'interdiction de toute liaison aérienne pour laquelle plusieurs liaisons quotidiennes sont disponibles sur le réseau ferroviaire en moins de deux heures et trente minutes. Des dérogations sont cependant prévues pour les lignes assurant majoritairement des correspondances. Certains acteurs estiment que ce dispositif pourrait générer non pas moins d'émissions de CO2, mais plus de détournements de trafic et des contournements des installations et compagnies françaises. Pouvez-vous nous donner des estimations chiffrées sur ce point ?

En outre, la fermeture de ces lignes aura des conséquences importantes pour les territoires concernés, affectant les compagnies aériennes, mais également l'attractivité des villes touchées et leurs habitants. Des mesures d'accompagnement sont-elles prévues afin de limiter ces impacts ?

Au regard de la situation économique actuelle de notre pays, je m'inquiète du titre III « Se déplacer », principalement constitué de mesures de taxations et d'interdictions, lesquelles sont l'essence même de l'écologie punitive - en particulier pour les plus modestes -, ce que nous ne voulons pas au Sénat. À cet égard, je vous renvoie au mouvement des « gilets jaunes ».

M. Ronan Dantec, président du groupe de travail « Enjeux internationaux - Climat - Environnement - Développement  ». - Au regard du nouvel objectif européen, la France devra réduire de 43 % à 50 % les émissions de gaz à effet de serre à l'horizon de 2030. Mais d'après l'expertise du Haut Conseil pour le climat, le projet de loi «  Climat et Résilience  » semble prévoir une baisse de 30 %, sachant qu'une réduction de 20 % a eu lieu depuis 1990. C'est donc extrêmement problématique, d'autant que M. Vanheukelen, ambassadeur pour le climat du Service européen pour l'action extérieure (SEAE) de l'Union européenne, que notre groupe de travail a auditionné, a indiqué que les nouveaux engagements pris notamment par l'Union européenne, les États-Unis et le Japon pour la fin du siècle placent notre planète sur la trajectoire d'une augmentation de 2,5 degrés maximum de la température. Certes, c'est encore trop au regard des objectifs fixés par l'Accord de Paris, mais cette amélioration montre que, par son cycle de rehaussement des ambitions environnementales, cet accord est efficace. Néanmoins, si la France, qui a mobilisé toute sa diplomatie pour parvenir à cet accord, ne parvient qu'à une baisse de 30 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, ne peut-on pas se poser la question de la cohérence de notre action climatique à l'international ? Madame la ministre, comment expliquerez-vous lors de la conférence de Glasgow que la France se contente de ce chiffre ? Qui plus est, l'Allemagne vient d'annoncer un objectif de - 65 % d'ici 2030. Cette incohérence fragilise les positions de la France dans les négociations internationales. Mais peut-être donnez-vous mandat au Sénat de définir un objectif plus ambitieux...

Mme Barbara Pompili, ministre. - Nous avons pour objectif d'expérimenter, pour les collectivités volontaires, un dispositif « Oui Pub » afin d'en documenter l'impact environnemental, social et économique.

Je rappelle que, en 2019, 894 000 tonnes d'imprimés publicitaires non adressés ont été distribuées, soit 30 kilogrammes par foyer et par an. Le «  Oui Pub  » poursuit donc un objectif de lutte contre le gaspillage. Nous voulons faire une expérimentation territorialisée, ce que le projet de loi le prévoit expressément. Il n'y a donc pas de contradiction avec le dispositif «  Stop Pub  » ; nous voulons voir comment fonctionnent ces deux dispositifs et lequel est le plus efficace. Cela répond d'ailleurs à une demande des citoyens, comme l'a montré une enquête d'opinion de l'Agence de la transition écologique (Ademe).

L'article 12 s'inscrit effectivement dans le prolongement de la loi AGEC en l'appliquant au verre. De nombreux débats ont eu lieu à l'Assemblée nationale sur les contenants qui pourraient être exclus du dispositif, notamment les flacons de parfum, les bouteilles d'alcool et de spiritueux. Cette loi étant une loi de bon sens, elle ne prévoit une consigne que pour les produits pour lesquels cela a du sens. Cela vaut également pour la question des distances d'achalandage. L'objectif étant d'avoir une loi opérationnelle, nous ferons une analyse sur le cycle de la consigne : si la mesure se montre bénéfique pour l'environnement, nous la mettrons en place, et uniquement dans ce cas.

Quant au délai de cinq ans pour mettre en place l'affichage environnemental, il est maximal : il s'agit de commencer l'expérimentation dans les secteurs qui sont prêts. Certaines entreprises ont d'ailleurs déjà testé un affichage environnemental, à l'instar de Decathlon. Nous voulons que ces expérimentations convergent vers un système harmonisé compréhensible par tout le monde. Des expérimentations dans les secteurs de l'habillement et de l'alimentation vont se terminer cette année. Dès que d'autres secteurs seront prêts, ils pourront se lancer, sans attendre 2025.

Concernant l'alimentation, il est effectivement important de prendre en compte les effets environnementaux plus larges que le seul bilan carbone, à l'instar des produits agricoles de qualité et labellisés pouvant émettre un peu plus de gaz à effet de serre, mais ayant un bilan environnemental global moindre. L'étiquette environnementale est plus large que le « score carbone ». Des amendements adoptés par l'Assemblée nationale visent à mettre en place des critères pour éviter les effets pervers.

S'agissant du vrac, il est prévu que, au 1er janvier 2030, les commerces de vente au détail dont la surface est supérieure ou égale à 400 mètres carrés consacrent au moins 20 % de leur surface de vente de produits de grande consommation à la vente de produits sans emballage primaire. Les meubles, articles de bricolage, livres et vêtements ne sont plus concernés, au contraire des produits alimentaires et d'entretien. Nous avons prévu que les commerces puissent déroger à la règle calculée en fonction de la surface de vente, en ouvrant la possibilité d'instaurer des dispositifs à effet équivalant, ainsi qu'en prévoyant une adaptation par voie réglementaire pour tenir compte des spécificités des filières.

Un amendement a été adopté contre l'avis du Gouvernement au sujet du polystyrène, qui ne dispose pas d'une filière de recyclage opérationnelle en France. Cet amendement interdit les emballages en polystyrène à compter de 2025. Néanmoins, une interdiction par principe d'un matériau au niveau national me semble d'autant plus difficile qu'elle est contraire aux directives européennes. J'entends le message qu'ont voulu faire passer les députés : ce matériau pose un problème de toxicité pour l'homme au seul stade de sa production. Certaines entreprises proposent des solutions vertueuses. Nous avons engagé une réflexion sur ce sujet, et vos apports nous seront précieux.

Sur la question de la mise en danger de l'environnement, il faut bien comprendre que, si nous sommes si sévères, c'est parce qu'un long processus de mise en demeure préalable précède la sanction. Les entreprises sanctionnées - elles le seront fortement - auront donc sciemment passé outre nos alertes.

Pascal Martin a posé une question relevant de la commande publique ; l'État a déjà prévu de mettre à disposition des outils pour aider les collectivités territoriales dans leurs commandes.

L'article 19 bis C, relatif aux moulins, touche un sujet qui suscite beaucoup d'émotion ; il faut donc revenir aux faits. Il faut voir combien de moulins ont été détruits dans le cadre des opérations de maintien ou de restauration de la continuité écologique des cours d'eau ; il me semble que le nombre est extrêmement faible. Aussi, il me semble excessif de légiférer de manière aussi sévère pour un faible nombre de cas. Mais je ne mésestime pas les difficultés que peuvent rencontrer certains territoires, et nous pourrons trouver des solutions. Pour l'heure, la disposition adoptée est très déséquilibrée, car il serait impossible pour un propriétaire de moulin ; même s'il le souhaitait, d'effacer le seuil de son bâtiment. Je tiens à préciser que l'on ne parle pas ici du moulin en tant que bâti, mais seulement du seuil présent sur le cours d'eau. De plus, cet article serait un recul pour la protection de l'environnement, ce que je refuse absolument. Tout en conservant notre patrimoine, j'insiste sur l'importance de la préservation de la continuité écologique des cours d'eau. De même, la petite hydro-électricité ne représente qu'un apport assez faible au sein du mix énergétique français, assez en inadéquation avec son impact sur la biodiversité des cours d'eau. Faisons attention à la proportionnalité des mesures que nous votons ; travaillons à une rédaction plus pragmatique.

Les assises de l'eau ont permis de soulever la question des gaspillages. Le plan de relance contribuera à aider les collectivités à travailler sur ce sujet, notamment les collectivités d'outre-mer qui sont très touchées par ce problème. Nous en rediscuterons en séance.

Concernant la stratégie nationale pour les aires protégées, il est évident qu'il faut prévoir des moyens humains à la hauteur. Nous avons obtenu une augmentation de 40 équivalents temps plein (ETP) pour l'Office français de la biodiversité (OFB) et les parcs nationaux. Nous recensons aujourd'hui 24 % d'aires protégées, un chiffre qui doit être amélioré pour atteindre notre objectif - je crois qu'il est à notre portée. De la même manière, pour les sites plus exceptionnels encore, on compte 2 % de zones de protection forte. Même s'il s'agit d'un travail de dentelle sur le territoire, nous pouvons réussir à augmenter cette proportion.

Sur le bilan carbone du code minier, l'étude d'impact ne sera pas refaite avant la transmission du texte au Sénat. Je tenterai de vous apporter des réponses plus précises. Il est toutefois certain que nous avons besoin de réformer le code minier, qui n'est absolument pas adapté.

La portée juridique de l'article 62 est assez faible dans la mesure où la taxe sur les engrais azotés minéraux n'est pas définie dans la loi, mais relève d'un objectif. Cette mesure a beaucoup fait réagir : nous souhaitons aider les agriculteurs à atteindre l'objectif européen de baisse d'émission des engrais azotés minéraux. Nous proposons une démarche d'accompagnement, mais si nous ne parvenons pas à atteindre l'objectif, nous mettrons en place cette taxe. La technique d'une taxe éphémère incitative avait d'ailleurs fonctionné s'agissant des hydrofluorocarbures (gaz HFC).

Monsieur Tabarot, s'agissant des ZFE-m et des échéances inscrites dans le texte de loi, vous avez raison de souligner que nous voulions que les collectivités forgent elles-mêmes leurs outils selon la spécificité de leurs territoires. L'interdiction des vignettes Crit'Air 3 en 2025 concernerait celles qui dépasseraient régulièrement le seuil de pollution. Les autres pourront s'adapter en fonction de leurs besoins. Nous travaillons avec le ministère de l'Intérieur à mettre en place le plus rapidement possible des contrôles automatisés, après une phase de contrôles humains par vidéo-verbalisation. Il est évident qu'il faut sanctionner, mais il faut de la pédagogie pour faire comprendre la mesure.

S'agissant de la décarbonation des poids lourds pour 2040, il ne s'agit pas de mettre en place une écotaxe. Ce texte donne la possibilité aux régions qui le souhaitent
- certaines l'ont demandé - de mettre en place une contribution forfaitaire qui prendrait la forme d'une vignette, le but étant qu'elles puissent financer leurs infrastructures. À ce titre, le cadre sera harmonisé avec la loi 4D, actuellement en cours de finalisation.

Nous avons confié à Anne-Marie Idrac une mission sur les nouvelles organisations logistiques, notamment du fait de l'explosion du e-commerce. Il faut se demander comment notre économie va se réorganiser, tout en préservant les commerces de centre-ville, en prenant en compte les flux logistiques et les nuisances diverses induites par le commerce en ligne.

Enfin, permettez-moi de vous dire que je déteste le terme « écologie punitive » : ceux qui sont punis sont souvent les plus en difficulté et ceux qui emploient ce terme sont souvent ceux qui veulent que rien ne bouge. Je crois, bien au contraire, que l'écologie apportera de l'espoir et des perspectives.

Soyons clairs, cette loi ne permettra pas à elle seule d'atteindre les objectifs. Il est toutefois difficile de chiffrer un certain nombre d'éléments tels que l'éducation à l'environnement - elle peut changer beaucoup de choses -, la régulation de la publicité, les dispositions relatives à la consommation ou à l'affichage environnemental.

De même, nous observons des effets d'accélération qu'il est compliqué de mesurer, par exemple dans le secteur automobile, où la vente de véhicules électriques est considérable. Cette accélération implique que nous revoyions les évaluations a posteriori.

Si nous voulons que ce texte atteigne son objectif, nous devons être très volontaristes dans la mise en oeuvre. Appliquons déjà le texte avant de le juger insuffisant : mettons par exemple en oeuvre les ZFE-m. Nous voulons rénover 1,8 million de passoires pour 2028. Faisons ce travail avec les entrepreneurs. Nous devons être humbles, exigeants, mais pragmatiques.

M. Joël Bigot. - Il y a consensus sur la nécessité d'accélérer la transition, mais, dans ce texte, j'ai observé un certain nombre de trous dans la raquette.

Il demeure ainsi timide sur la régulation de la publicité, au contraire de certains de nos voisins européens. Le Conseil d'État juge ainsi « inopérant » l'article 4 portant sur l'interdiction de la publicité pour les énergies fossiles. Quels biens et services seront concernés par cette interdiction ?

S'agissant de l'économie circulaire, il est important de revenir sur le décret d'application de la loi AGEC relatif à l'accès au fonds de réemploi, pour mieux en définir le périmètre, tout en le réservant aux structures de l'économie sociale et solidaire (ESS).

M. Stéphane Demilly. - Je parlerai spécifiquement de l'article 36 sur le transport aérien. Si j'en comprends le fonds, je m'interroge néanmoins sur sa forme.

Premièrement, rappelons qu'une seule centrale à charbon en Allemagne pollue plus que tout le trafic aérien français national et international. Or il y a 80 centrales à charbons en Allemagne. Cette décision n'est-elle pas de l'ordre du cosmétique et du symbolique ?

Deuxièmement, ne craignez-vous pas de poursuivre l'« avion-bashing  » en culpabilisant implicitement tous les usagers de l'aviation, ainsi que l'ont fait récemment certains élus régionaux ?

Troisièmement, n'aurait-il pas été plus judicieux d'inciter à prendre un autre moyen de transport plutôt que d'obliger à le choisir par défaut ? On interdit l'avion et l'on décide que ce sera le train. N'est-ce pas là une méthode quelque peu directive ?

Quatrièmement, quel est le fondement juridique de cette décision de monopolisation autoritaire des modes de transport sur certains trajets ? De quel droit peut-on interdire tel ou tel vol ? Je ne fais pas la même lecture que vous de l'article 20 du règlement 1008/2008 du Parlement européen, qui fonde l'interdiction dans le projet de loi. Si cette décision a été concertée avec les opérateurs, quelles sont les compensations envisagées pour les compagnies affectées par ces restrictions ? Y a-t-il une contrepartie financière à ce cartel organisé ?

Cinquièmement, au moment où le secteur aérien traverse une grave crise qui a de terribles conséquences sur l'emploi, ne pensez-vous pas que le calendrier de ces restrictions est peu judicieux ?

M. Hervé Gillé. - Madame la ministre, s'agissant du cadre général, français, européen et international dans lequel s'inscrit ce projet loi, comment ce projet retranscrit-il les objectifs de l'Agenda 2030 ? On souffre, en France, d'un manque de méthodologie d'évaluation des politiques publiques. Pour convaincre, il faut évaluer et ce projet de loi doit inclure un cadre global décliné par objectifs. Comment souhaiteriez-vous le décliner dans une approche de subsidiarité et impliquer l'ensemble des parties prenantes ?

Donner des objectifs à atteindre, en rendre compte et les partager n'est aucunement punitif. C'est une forme d'acceptabilité dans l'engagement de chacun. Comment imaginez-vous ce cadre d'évaluation et sa déclinaison ?

La reconquête d'une partie de notre autonomie alimentaire ne semble pas clairement abordée dans le titre V. Comment justifiez-vous cette absence ? Les engagements gouvernementaux en la matière vous semblent-ils suffisants ?

M. Jean-Pierre Corbisez. - La France est, derrière la Belgique, le deuxième producteur de polystyrène en Europe. La moitié de ce polystyrène est produite dans mon département du Pas-de-Calais, dans une usine qui met en place une filière de recyclage.

L'interdiction des emballages en polystyrène contraindrait les industriels à se reporter sur d'autres emballages en matière plastique comme le PET. Or l'Agence de la transition écologique a démontré que cela engendrerait 50 % d'émissions équivalent carbone supplémentaires. L'interdiction du polystyrène au profit d'autres résines ne contrarie-t-elle pas les objectifs ambitieux de diminution des émissions de gaz à effet de serre ?

Le polystyrène de protection des produits électroménagers pourrait être remplacé par du carton recyclé alvéolé. Le département que je représente a sur son territoire le premier port de pêche français, Boulogne-sur-Mer. Les pêcheurs utilisent beaucoup les emballages alimentaires en polystyrène ; des dérogations sont-elles envisageables s'il leur est impossible de le remplacer par d'autres emballages ?

Par ailleurs, la production hydroélectrique des moulins est déjà reconnue dans la carte de Cassini, qui date du milieu du XVIIIe siècle, comme un droit séculaire. La jurisprudence du Conseil d'État reconnaît le caractère quasi perpétuel de ce droit à produire de l'énergie. Me confirmez-vous que ce texte va l'interdire, alors que tous les recours de propriétaires de moulins ont prospéré ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. - Comment s'articule l'article 1er sur l'affichage environnemental avec les possibles évolutions de la législation européenne sur ce sujet ?

L'article 11 prévoit que les commerces de détail de plus de 400 mètres carrés consacrent à la vente en vrac au moins 20 % de leur surface ou un « dispositif d'effet équivalent ». Que recouvre cette expression ? Que répondez-vous aux alertes sur la sécurité sanitaire, et au pouvoir d'exclusion dont pourraient hériter certains producteurs sur le fondement du critère du nombre de références ? Les producteurs de fruits et légumes craignent de faire les frais de ce dispositif.

Quels objectifs qualitatifs sont associés à l'article 56, qui porte sur les aires protégées ? Je ne vois dans le texte que des engagements quantitatifs, mais aucune définition de la protection. Quelle place auront les acteurs locaux dans la définition de ces espaces ?

La France assumera, au premier trimestre 2022, la présidente tournante de l'Union européenne. Porterez-vous au niveau européen une définition ambitieuse des aires protégées ?

M. Arnaud de Belenet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Ne serait-il pas plus cohérent de regrouper dans un seul texte le transfert de compétences aux régions et la possibilité pour celles-ci de créer des contributions spécifiques assises sur le transport routier de marchandises ? Il est problématique d'organiser une compétence avant de la transférer : un mécanisme similaire prévu pour la communauté européenne d'Alsace a fait l'objet d'une habilitation dont les ordonnances, dix-huit mois après, n'ont toujours pas été prises.

Après l'avis du Conseil d'État sur les dispositions pénales du texte inscrites dans le titre VI, êtes-vous disposée à les sécuriser avec le concours du Sénat ?

En matière de commande publique, le respect du principe d'égalité d'accès ne mérite-t-il pas un renforcement des clauses sociales et environnementales ?

Tenez-vous vraiment au mot d'artificialisation, ainsi qu'au terme d'écocide ? Ce dernier semble braquer, pour des raisons opposées, les associations de protection de l'environnement et celles qui représentent les entreprises.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture. - Pensez-vous que les objectifs de la lutte contre le changement climatique et de la protection du patrimoine s'opposent, ou peut-on les articuler ?

Comment faire vivre nos commerces, entreprises, médias en réglementant à l'excès la publicité ? Le texte donne beaucoup de pouvoirs aux maires, mais il faudrait aussi parler de moyens.

Mme Nicole Bonnefoy. - Je suis co-rapporteure avec Rémy Pointereau d'une mission d'information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, dont les conclusions seront bientôt publiées.

Je suis très préoccupée par les nuisances générées par le transport routier de marchandises, en particulier à proximité des routes nationales et départementales très peu adaptées au trafic de poids lourds. Il faudrait obliger les camions à emprunter les autoroutes lorsque c'est possible : on m'oppose souvent le principe de liberté de circulation, mais il est déjà limité dans les zones à faibles émissions. Ne pouvons-nous imaginer des restrictions de circulation sur ces points bien identifiés ? Nos concitoyens en zone rurale ne peuvent plus rester en marge des avancées du droit de l'environnement.

Les livraisons de colis aux particuliers connaissent un essor important depuis dix ans, accentué par la crise sanitaire : le commerce en ligne a crû de 37 % entre 2019 et 2020. Nous ne méconnaissons pas le rôle social important de l'e-commerce, qui a permis à de nombreux Français de continuer à se nourrir, à s'équiper et à travailler pendant la crise. Mais ne peut-on réduire l'impact environnemental de ces livraisons qui alimentent la congestion en ville ? Ainsi, la mention « livraison gratuite » sur les sites de vente en ligne dévalorise l'acte de transport. Seriez-vous favorable à l'interdiction d'une telle mention, afin de responsabiliser et de mieux informer le consommateur ?

M. Rémy Pointereau. - Le développement du fret fluvial et ferroviaire et du transport combiné est une condition essentielle de la décarbonation du transport de marchandises. Alors que le projet de loi «  Climat et Résilience  » n'aborde pas cet enjeu, il convient que le Gouvernement montre l'exemple et donne des signaux de soutien clairs à ces modes massifiés. Parmi les leviers qui sont à notre disposition, notre mission d'information a notamment identifié celui de la commande publique. L'article 36 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 a mis en place une telle préférence pour les modes massifiés. Disposez-vous d'informations sur les résultats de cette mesure, notamment sur la part des marchés publics impliquant une prestation de transport de marchandises qui ont recours aux modes massifiés ? Ne serait-il pas pertinent de renforcer ce critère pour les marchés publics, en particulier pour les marchés publics de travaux, qui impliquent le transport de volumes conséquents ?

Le Gouvernement affiche une volonté de développement des motorisations électriques, qui nécessite des investissements importants dans le réseau de recharge des véhicules. C'est l'objet du plan « 100 000 bornes » annoncé par le Gouvernement en octobre dernier, qui vise le déploiement de 100 000 bornes de recharge d'ici à la fin de l'année. Six mois après, quel est l'état d'avancement de ce plan ? Le transport de marchandises est contraint par des besoins particuliers en matière de recharge, qu'il s'agisse de la livraison urbaine ou des trajets de longue distance. Comment assurez-vous la cohérence du déploiement de ce réseau de recharge avec les besoins des acteurs du transport de marchandises ? Ne pensez-vous pas nécessaire de décliner un plan spécifique de réseau de recharge pour le transport de marchandises ?

Concernant la transition énergétique, je m'inquiète de la manière dont les familles modestes pourront à la fois assumer le changement de leur chaudière à l'horizon 2030, de leur voiture diesel ou thermique, tout en finançant l'isolation thermique ou la rénovation de leur maison. Seront-elles soutenues financièrement ? Comment feront-elles ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - Monsieur Bigot, vous estimez que les mesures en matière de publicité sont timides ; monsieur Laugier, vous les trouvez excessives. C'est caractéristique des réactions à un grand nombre d'articles de cette loi : il y a un équilibre à trouver. Dans ce texte, l'outil publicité a été rendu plus exigeant, en définissant le greenwashing ou en bon français, éco-blanchiment comme une pratique commerciale trompeuse, en mettant en place des obligations d'engagement des filières et des médias. Les résultats obtenus sont significatifs : l'agroalimentaire s'est ainsi engagé à ne plus faire de publicité dans les programmes pour enfants, objet de nombreux débats parlementaires depuis de nombreuses années. Il a suffi d'envisager une interdiction pour faire réagir le secteur.

Nous avons aussi mis en place un encadrement de ces engagements, impliquant notamment le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Faut-il aller plus loin ? À vous de placer le curseur.

Vous avez évoqué, monsieur Bigot, l'ouverture à l'économie sociale et solidaire du fonds de réemploi créé par la loi AGEC. La loi AGEC manquait de clarté sur ce point, mais les décrets d'application lèveront toute ambiguïté : le fonds sera bien ouvert à l'ESS.

Monsieur Demilly, vous venez d'Albert, ce qui explique sans doute votre sensibilité à la problématique du transport aérien. Vous jugez symbolique son poids dans les émissions de gaz à effet de serre ; il est vrai que sa part est limitée, mais il ne me semble pas pertinent de le comparer au charbon. Notre action en la matière a une visée culturelle : elle consiste à inciter le citoyen à réfléchir au mode de déplacement le plus adapté au regard des enjeux climatique. Il paraît tomber sous le sens de prendre de préférence le train lorsque le temps de trajet est équivalent à celui de l'avion. C'est l'esprit de la mesure des deux heures trente.

Je ne suis pas favorable à l'« avion-bashing » : nous ne pourrons nous en passer sur les longues distances. La France a, en parallèle, mis en place un plan de soutien important au secteur de l'aviation, notamment pour travailler sur un avion moins émetteur, grâce aux biocarburants et à l'avion à hydrogène qui, inimaginable il y a peu, est en train de se concrétiser.

Plutôt que d'obliger à choisir un moyen de transport, il faut d'abord favoriser l'intermodalité. Au Conseil national de l'air auquel j'assistais aujourd'hui, la possibilité a été évoquée de mettre en place des billets uniques permettant de voyager avec plusieurs modes de transport différents, pour des trajets longs comme Marseille-New York. L'usager se verrait ainsi proposer un voyage Marseille-Lyon en train, et de là un avion vers New York. Il faudra également penser au transfert de bagages, aux personnes qui ont des difficultés à se déplacer. Cela diminuerait de manière rationnelle les émissions du CO2 dans les transports. Il faut que ces solutions soient pratiques et pas trop onéreuses. Concernant les fondements juridiques à l'interdiction de certaines lignes intérieures, je répondrai de manière plus précise par écrit. Quant au calendrier, nous avons essayé de procéder de manière aussi progressive que possible.

Monsieur Gillé, vous avez raison : on ne peut avancer qu'en évaluant ce que nous faisons. L'un des apports de l'Assemblée nationale a été la création par amendement d'un titre VII consacré à l'évaluation. C'est une bonne base de travail, et je suis prête à envisager avec vous les moyens d'amélioration de ce titre.

Au-delà de ce texte, l'autonomie alimentaire passe aussi par le plan protéines, par les mesures sur la restauration collective. Les débats passionnels sur les menus végétariens ne sont pas l'approche la plus appropriée. Ainsi, les cantines utilisent beaucoup trop de viande importée ; proposer davantage de menus végétariens et, en parallèle, promouvoir une viande labellisée et venue des terroirs français sécurise nos producteurs grâce à la commande publique et renforce l'autonomie alimentaire, en améliorant au passage notre alimentation.

Je citerai aussi notre action dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC). Faire entrer les impératifs de l'Accord de Paris dans les négociations internationales nous conduit enfin à réfléchir à notre autonomie alimentaire. Les échanges internationaux sont une bonne chose s'ils nous apportent ce dont nous avons besoin, mais quand nous le pouvons, il faut produire chez nous : c'est meilleur pour la planète, et pour notre sécurité alimentaire, comme nous le voyons en ces temps de crise.

Monsieur Corbisez, en effet, les pêcheurs utilisent beaucoup le polystyrène. Si l'interdiction était conservée par le Parlement, des dérogations pourraient être envisagées.

Existe-t-il vraiment un droit perpétuel des moulins à produire de l'électricité ? Le monde dans lequel ce droit a été institué n'était pas le nôtre. J'aime beaucoup les moulins, mais ils ne suffiront pas à satisfaire nos besoins en électricité. L'émotion ne doit pas l'emporter sur la rationalité.

Madame Loisier, l'affichage environnemental fait en effet l'objet d'une réflexion au niveau européen, dans le cadre du programme sur l'empreinte environnementale des produits (PEF). Cette réflexion accuse un certain retard : c'est pourquoi nous souhaitons avancer sans attendre au niveau national, tout en allant dans la même direction que l'Europe.

Le «  dispositif d'effet équivalent  » au vrac peut être exprimé, dit le texte, «  en nombre de références ou en proportion du chiffre d'affaires  ». L'idée est de laisser une marge de manoeuvre, pour limiter les difficultés d'application. Les recherches sur les emballages adaptés progressent. Des emballages de substitution au plastique pour les fraises ont été mis au point, mais pour le moment, ils ne sont pas transparents. Les solutions arrivent.

Concernant les aires protégées, le cahier des charges comprend déjà des critères qualitatifs, notamment sur le paysage. Ainsi le parc national des forêts, qui ouvrira prochainement, est le premier parc en plaine, ce qui implique des critères différents de ceux des parcs de montagne.

On ne peut faire les choses correctement qu'à travers une vraie concertation entre les acteurs. Aussi compétents que soient mes services, ils ne peuvent décider seuls. La mise en place des aires protégées est toujours précédée d'une phase de concertation qui permet de définir les objectifs qualitatifs.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. - Qu'en est-il de la définition d'une aire protégée ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - Nous voulons une définition aussi ambitieuse que possible au niveau international, notamment dans la perspective de la COP15 «  Biodiversité  » en Chine, qui tiendrait également compte des activités traditionnelles comme la pêche en Polynésie.

Monsieur de Belenet, entre le transfert de compétences prévu dans le projet de loi 4D et les réglementations relatives aux poids lourds mises en place par les régions, l'essentiel est la cohérence de l'action gouvernementale, peu importe le texte qui accueille ces dispositions. C'est une mesure de liberté pour les collectivités, une liberté à laquelle je suis particulièrement attachée.

Concernant les ordonnances relatives au transfert de compétences à la collectivité européenne d'Alsace, je vous apporterai une réponse ultérieurement.

Concernant la sécurisation des dispositions pénales comme pour les clauses environnementales dans la commande publique, je suis à l'écoute des propositions du Sénat.

L'Assemblée nationale a préféré à la notion d'artificialisation celle de consommation d'espace, mieux connue des collectivités. Cependant, les deux notions ne se recouvrent pas entièrement.

Le terme d'écocide recouvre à la fois un délit et un crime. En tant que crime, il ne peut être envisagé qu'au niveau international, pour des actes comme le fait de laisser brûler la forêt amazonienne. Au niveau national, je tiens au délit d'écocide : souiller, par des pollutions, un cours d'eau pour des années, tuer des écosystèmes, c'est bien une forme d'écocide. Il n'y a pas de petites atteintes à la biodiversité, car c'est par leur accumulation que nous en sommes arrivés là. Le processus d'artificialisation suit la même logique : il arrive que des maires viennent me voir pour défendre un lotissement, au prétexte qu'il ne s'agit que de quelques maisons ; mais, à force de laisser faire, nous ne maîtrisons plus le phénomène.

Monsieur Laugier, lutte contre le dérèglement climatique et défense du patrimoine sont compatibles. Concernant les pouvoirs donnés aux maires, nous leur laissons la possibilité, qui existait déjà, d'établir des règles en matière de publicité, en donnant également pouvoir aux EPCI de le faire de manière déléguée. C'est un acte de confiance. Un maire est plus à même de savoir ce qui est bon pour sa commune qu'un représentant de l'État. Dans une petite collectivité près de Lyon, avec un coeur de village excentré et une importante zone commerciale, la maire a réussi à faire disparaître la publicité dans le village et, dans la zone commerciale, obtenu une harmonisation des affichages et du graphisme. Le résultat, dont j'ai pu me rendre compte, était très convaincant.

Avec l'autorisation donnée aux maires de réglementer les vitrines des commerçants, on a dit que les maires allaient tuer le commerce. Mais je ne connais pas un seul maire qui ait de telles intentions ! D'autres estimaient au contraire qu'ils seraient livrés aux pressions de leurs commerçants. Le maire est l'élu le plus proche des habitants ; il saura trouver un équilibre. Laissons les maires et présidents d'EPCI agir comme ils le souhaitent.

Madame Bonnefoy, la restriction complète du trafic de poids lourds serait impossible : la jurisprudence du Conseil d'État est constante sur ce point. La présence d'une autoroute à proximité n'est pas un fondement suffisant pour interdire la circulation. Le rôle des services de l'État est de s'assurer du respect des réglementations, de contrôler le temps de conduite et de repos, de sécuriser le réseau routier national.

Le projet de loi prévoit une habilitation à légiférer par ordonnances pour la mise en place par les régions qui le souhaitent de la contribution spécifique assise sur le transport routier de marchandises. Cette contribution assurera la prise en compte des coûts liés à l'utilisation des infrastructures, mais aussi des nuisances, et le financer de la lutte contre celles-ci.

Il y a plusieurs manières de lutter contre l'impact environnemental des livraisons. La mission confiée à Anne-Marie Idrac permettra de faire émerger un certain nombre de propositions. Nous avons mis en place une prime à la conversion pour l'achat de vélos cargo. Ce mode de transport, qui résout nombre de problèmes, va devenir de moins en moins anecdotique. Nous améliorons aussi la prime à la conversion pour les véhicules électriques.

L'interdiction des livraisons gratuites est une proposition intéressante. Certes, selon un certain nombre d'études, ce n'est pas cette pratique qui est à l'origine des émissions de gaz à effet de serre les plus importantes. Mais nous pouvons y réfléchir.

Monsieur Pointereau, faire du recours à des modes massifiés un critère d'attribution des marchés publics est une idée intéressante, même si cela ne relève sans doute pas du domaine de la loi.

Je vous rejoins totalement sur l'importance des bornes électriques dans le développement de la mobilité électrique. Aujourd'hui, les freins à l'achat de véhicules électriques sont liés non plus aux coûts, car il existe plusieurs outils incitatifs, mais à la problématique des bornes. Nous avons lancé un plan à cet égard, notamment sur les gros réseaux. Mais nous avons besoin de mailler plus finement le territoire. À ce stade, près de 40 000 bornes sont d'ores et déjà installées, et 40 % des aires d'autoroutes seront équipées dès cet été de bornes rapides. Je suis en train de travailler pour qu'il puisse y avoir une cartographie. Il faut aussi un dispositif spécifique pour le transport de marchandises. Nous avons déjà des bornes de recharge plus puissantes, pour répondre à des personnes qui se retrouveraient en panne.

Je ne vous suis pas lorsque vous affirmez que ce serait la « triple peine » pour les familles modestes. C'est même l'inverse. Comme je l'ai indiqué, toute mesure est accompagnée. Ceux qui veulent changer leur chaudière ont droit à des aides. Pour une famille modeste, acheter une chaudière très performante en termes écologiques et énergétiques coûte moins cher que de racheter une chaudière au fioul. De toute manière, nous n'imposons pas aux ménages de changer leur chaudière tout de suite. Ils les changeront quand elles seront trop vieilles.

Il en va de même s'agissant des voitures diesel. D'ailleurs, les voitures concernées ne rouleront plus en 2030. Et ceux qui achèteront une voiture neuve pour se conformer aux règles applicables dans les zones à faible émission bénéficieront d'aides pouvant aller jusqu'à 14 000 euros. Même pour une voiture d'occasion, les aides peuvent aller jusqu'à 7 000 euros. Le projet de loi prévoit également des adaptations pour les familles nombreuses, car personne ne doit être sans solution.

L'accompagnateur Rénov' permettra de mobiliser toutes les aides possibles pour la rénovation thermique des logements. Ma Prime Rénov' a très bien marché l'an dernier, et nous avons encore plus de demandes depuis le début de l'année. Il suffira désormais de passer un coup de téléphone, et un professionnel viendra à domicile pour examiner les rénovations à effectuer, en estimer le coût et informer les personnes des aides dont elles peuvent bénéficier, voire leur indiquer quels sont les artisans les plus compétents pour ces travaux. Le reste à charge, s'il y en a un, pourra être financé par le «  prêt avance mutation  », qui sera garanti par l'État.

Nous avons donc beaucoup d'outils pour permettre aux familles les plus modestes de participer à la transition écologique. Personne ne doit se sentir laissé sur le bord du chemin, ce que les «  gilets jaunes  » avaient pu ressentir. Dès lors que nous vivons tous sur la même planète, nous sommes tous sur le même bateau ; chacun doit pouvoir y embarquer. C'est à la fois juste et plus efficace d'un point de vue purement écologique.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Il sera important d'examiner la portée juridique du dispositif sur les moulins d'ici au mois de juin. Les moulins sont dits «  fondés en titre  » et leur droit à l'eau est imprescriptible si son existence est avérée avant 1789. Les cartes de Cassini, qui datent du XVIIIe siècle, sont une preuve de l'existence de ces moulins avant 1789.

L'article 22 vise à favoriser les énergies renouvelables. La situation actuelle n'est pas satisfaisante. On constate à la fois un manque d'ambition et un déséquilibre entre les territoires. Il y a nécessité d'une planification nationale, mais évidemment, décentralisation oblige, en concertation avec les régions.

Qui sera chargé de l'inventaire des potentiels régionaux ? Selon quelle méthodologie ?

Quels seront la composition, les moyens et le périmètre d'action du comité régional de l'énergie, qui pourra rendre des avis sur tous les sujets relatifs à l'énergie ayant des conséquences sur la région ?

Nous allons débattre de l'interdiction de publicité sur les énergies fossiles. Que pensez-vous de Total et de la situation en Birmanie ?

M. Pierre Médevielle. - La loi Littoral empêche d'exploiter certains terrains pour le déploiement de centrales photovoltaïques. Plusieurs projets sont ainsi bloqués alors qu'il s'agit de terrains dégradés, de parcelles en friche ou d'anciens sites industriels parfois pollués qui pourraient bénéficier de dérogations, comme cela existe pour l'éolien. Des territoires, notamment insulaires, qui ont peu d'espace auraient besoin d'un pragmatisme accru des services de l'État, afin d'accompagner l'implantation de projets permettant la production d'énergies renouvelables. Quelle est votre position face à ces irritants de la loi Littoral ?

Quelles sont les ambitions du projet de loi en matière de développement de nouvelles capacités de production d'énergie photovoltaïque ?

M. Bruno Rojouan. - Le projet de loi fixe comme objectif l'absence de toute artificialisation des sols. Dans mon département, l'Allier, qui perd de la population, les maires des petites communes se demandent s'ils vont devoir arrêter d'accorder des permis de construire. Ne pourrait-on pas adapter ce blocage de l'artificialisation en fonction de la vitalité des territoires ? Quelle réponse pouvez-vous apporter à ces maires de petites communes dans des territoires défavorisés ?

Mme Denise Saint-Pé. - Je m'interroge sur les effets de long terme du projet de loi sur le transport aérien. Si je souscris à l'objectif de limiter les vols intérieurs, j'ai des inquiétudes pour des territoires éloignés de Paris, comme le mien. Et le signal envoyé à Air France est préoccupant : cela pourrait l'inciter à délaisser ces petites lignes intérieures déjà peu rentables. L'entreprise a pourtant été considérablement aidée par l'État, donc par le contribuable, pour surmonter la crise sanitaire, qui a durablement éprouvé le secteur. Sa participation à l'aménagement du territoire ne doit donc pas être remise en cause. Le Gouvernement fera-t-il pression pour que l'opérateur continue d'assurer ses vols ?

Mme Angèle Préville. - Je me réjouis que la sensibilisation à la préservation de l'environnement devienne une mission de l'éducation. Mais les professeurs, qui sont très inventifs, le font déjà ; je l'ai moi-même fait en tant qu'enseignante. Il faut, me semble-t-il, aller plus loin : puisque l'intitulé du projet de loi contient le mot « résilience », donnons aux élèves, qui ont grandi dans la société du jetable, les moyens d'être résilients par eux-mêmes. J'avais fait inscrire dans un texte sur l'école la nécessité de favoriser l'éducation manuelle : si les enfants avaient appris à coudre, ils auraient pu faire des masques pendant la pandémie. Nous devons amener les enfants à s'interroger sur la société de consommation.

La production de textile a augmenté de 40 % au cours des quinze dernières années. Or le secteur émet beaucoup de gaz à effet de serre (GES), en raison, notamment, de l'utilisation de fibres plastiques, qui sont source de pollution durable. Ne pourrait-on pas inscrire sur l'affichage environnemental que les vêtements qui contiennent des fibres plastiques libèrent des microfibres plastiques dans l'environnement ? Nos concitoyens, qui connaissent les effets de la pollution plastique y seraient très attentifs, et cela pourrait faire évoluer les entreprises du textile dans les choix des matières utilisées.

Pensez-vous qu'il faudrait créer un observatoire de la protection des sols ?

Quel est votre sentiment s'agissant de la reconnaissance des territoires en libre évolution ? Des acteurs privés commencent à s'engager dans ce type de projets. De tels territoires ont un apport très important sur la biodiversité globale.

Pourquoi ne pas préciser sur chaque article du projet de loi à quels objectifs de développement durable il permet de répondre ? Une telle mesure, qui ne serait pas seulement symbolique, permettrait de montrer que le texte répond à des objectifs auxquels la France a souscrit.

M. Jacques Fernique. - L'article 32 permet aux régions volontaires d'obtenir que le Gouvernement légifère par ordonnance pour mettre en place une contribution sur le transport routier de marchandises. L'Alsace a déjà franchi une telle étape dès 2005, avec « l'amendement Bur ». Mais si l'article 32 est présenté comme une extension de la disposition spécifique de la collectivité européenne d'Alsace, cela me pose problème.

En Alsace, nous connaissons les effets de bord depuis quinze ans.

Je souhaite aussi aborder la question de l'assiette. Il ne faudrait pas toucher les petits trajets pour lesquels un transfert modal n'est pas envisageable. En revanche, le dispositif doit concerner les trajets transitant sur des distances pour lesquels le fret ferroviaire est pertinent. Ne faut-il pas travailler sur une taxe kilométrique fortement progressive, donc quasi indolore pour les transporteurs locaux ? Un tel dispositif ne nécessite-t-il pas alors une échelle plus large que la région ?

L'acceptabilité de la contribution sera problématique si les capacités d'investissement des transporteurs qui doivent verdir leur flotte sont mises en péril. Il faut assurer la répercussion du coût sur les chargeurs.

En Alsace, nous avons vu pendant dix ans les gouvernements successifs ne pas prendre les ordonnances promises. Les régions volontaires ont besoin d'une boîte à outils opérationnels.

M. Guillaume Chevrollier. - Pour aller vers une économie décarbonée et accompagner les changements dans une approche de développement durable, il faut une stratégie politique forte et cohérente sur le long terme. Or ce n'est pas toujours le cas. L'inflation législative amène des incohérences, par exemple sur le mix énergétique et la place du nucléaire.

La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a été créée un nouvel instrument juridique : l'obligation réelle environnementale (ORE). Cet outil est utilisé avec succès dans des pays anglo-saxons. En France, on n'avance pas suffisamment sur le sujet. Quelles sont les intentions du Gouvernement à cet égard ?

La gestion des ressources en eau est un point important du projet de loi. Au sein de notre commission, nous avons travaillé sur la continuité écologique, et nous avons émis un certain nombre de propositions. Je vous rejoins sur la nécessité de trouver une rédaction pragmatique permettant d'apaiser et de concilier les différents usages dans les territoires.

Par ailleurs, le « zéro artificialisation nette » est un beau slogan, mais sa mise en oeuvre est complexe. Sur le terrain, notamment dans les zones rurales, les élus mais également les chefs d'entreprise sont inquiets. En tant que membres de la commission de l'aménagement du territoire, nous souhaitons que des entreprises implantées sur les territoires puissent s'étendre. Comme vous prônez l'écologie pragmatique, j'espère que vous saurez faire preuve de bon sens en la matière.

Mme Martine Filleul. - Je m'interroge aussi sur l'arrêt de l'artificialisation des sols, dont l'application est effectivement complexe. Les réponses qui sont mises en avant dans le projet de loi relèvent des compétences des collectivités territoriales en matière d'urbanisme. Allez-vous fixer des objectifs à chacune de ces collectivités en fonction de leur densité et de leur caractère vertueux au cours des dernières années ?

À qui impute-t-on les consommations foncières des grands projets, comme le canal Seine-Nord Europe (CSNE) ? Pour l'heure, la répartition des efforts est renvoyée à un futur décret en Conseil d'État.

Vous voulez réduire la construction de parkings, mais avec des dérogations pour les centres commerciaux de moins de 10 000 mètres carrés. Et la question des entrepôts et des plateformes de commerce en ligne ne figure pas dans le texte ; pourtant, ce sont les mêmes nuisances que les parkings.

Mme Nadège Havet. - Plus de 11 % des publicités environnementales ne sont pas conformes. C'est le taux le plus élevé depuis dix ans.

Le greenwashing contribue à la perte de confiance entre les consommateurs et les entreprises. C'est un frein au déploiement de véritables éco-innovations. Il sème la confusion dans l'esprit du public sur la réalité des efforts à entreprendre et bloque la transition écologique. Nous savons que la sensibilité des Français sur les questions environnementales est toujours aussi élevée.

Le législateur a introduit de nouvelles mesures visant à durcir l'encadrement et la régulation de la publicité. Pensez-vous qu'il faille aller plus loin ou que les mesures adoptées sont suffisantes ?

M. Olivier Jacquin. - Il y a un certain nombre de creux ou de manques s'agissant des transports dans le projet de loi ; je pense notamment au vélo, au fluvial et au transport ferroviaire. J'espère que nous pourrons améliorer le texte de ce point de vue.

M. Djebbari a indiqué que la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire serait présentée postérieurement à l'examen du texte. Idem pour le contrat de performance de SNCF Réseau, qui est en attente.

Envisagez-vous de créer un outil de programmation financière pour véritablement doter le projet de loi des moyens adaptés ? Ne faudrait-il pas instituer également un outil particulier de suivi de la transition écologique ?

J'interrogerai aussi M. Djebbari sur l'article relatif à la décarbonation des véhicules. Le modèle économique de notre industrie automobile est basé sur des voitures lourdes et plutôt coûteuses. Les dispositifs pour le faire évoluer vers un modèle basé sur des véhicules légers sont insuffisamment présents.

Mme Barbara Pompili, ministre. - Monsieur Houllegatte, sur les moulins, nous allons avoir des problèmes d'étiage. La situation risque d'être compliquée si nous sommes trop stricts. Mais j'entends vos remarques.

Vous avez évoqué les mesures que nous prenions pour atteindre nos objectifs en matière d'énergies renouvelables. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) nous donne une trajectoire. Nous voulons mieux nous organiser pour que chaque objectif soit décliné région par région. L'idée est que le préfet établisse une cartographie des lieux favorables. Nous savons que la question des implantations d'éoliennes est sensible. La cartographie devra tenir compte d'un certain nombre d'éléments, comme le vent ou la présence de radars militaires. Quand nous disposerons de ces informations, nous pourrons travailler avec les élus, les collectivités territoriales et les acteurs locaux sur les mesures à prendre, sachant que les objectifs seront peut-être déjà atteints dans certains territoires. Nous établirons ensuite une classification, ce qui fera diminuer le sentiment selon lequel les éoliennes seraient implantées de manière anarchique.

Les comités régionaux de l'énergie pourront aborder tous les sujets qu'ils souhaiteront. Ils décideront de leur organisation.

Le Gouvernement a très clairement condamné le coup d'État en Birmanie. Nous considérons qu'il faut tarir toutes les possibilités de financement de cette junte militaire. J'ai demandé à Total de faire la transparence sur les flux financiers.

Monsieur Médevielle, je considère la loi Littoral comme une loi structurante. Elle a permis des avancées significatives dans la protection de notre littoral. Il ne faut y toucher que d'une main tremblante.

Implanter des centrales photovoltaïques sur des espaces dégradés peut être une démarche pertinente. Cela est valorisé par des appels d'offres de l'État. La loi « Énergie-Climat » a prévu un article permettant la mise en place de tels projets dans le périmètre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT).

Les communes littorales subissent une pression foncière très forte et une artificialisation plus importante que dans le reste du territoire français, alors même que leur sensibilité paysagère mérite toute notre vigilance. Certaines sont aussi soumises à l'évolution du trait de côte. Du point de vue des chiffres, ces communes ne représentent pas un énorme potentiel en termes de potentiel de développement du photovoltaïque au sol. Une dérogation générale à la loi Littoral ne se justifie donc pas. Il n'est pas opportun d'y autoriser les ouvrages d'énergie solaire, qui sont consommateurs en espace foncier. Les sites d'anciennes installations de stockage de déchets sont majoritairement des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Le choix d'y implanter des parcs photovoltaïques appelle à mon sens de sérieuses réserves.

Monsieur Rojouan, le «  zéro artificialisation nette  » est l'objectif à long terme, pour 2050. Le projet de loi prévoit un objectif intermédiaire : la réduction de moitié du rythme d'artificialisation. C'est une mesure pragmatique et de bon sens. Le rythme d'artificialisation est beaucoup trop élevé en France. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'est pas lié à l'évolution de la population. Le Gouvernement prend nombre de mesures en faveur des territoires défavorisés. L'objectif d'une division par deux du rythme d'artificialisation figurera dans les documents d'urbanisme, en concertation avec la région. Le texte prévoit des délais et les modalités par lesquelles les différentes collectivités pourront tenir compte de l'objectif global. Les territoires qui auront fait des efforts pour réduire l'artificialisation ne devront pas être pénalisés. L'idée est de densifier, en réfléchissant à l'urbanisme. Nous avons une explosion des demandes sur le fonds «  Friches  ». La meilleure manière de réduire l'artificialisation est de faire en sorte que chaque collectivité réfléchisse aux nécessités de développement en fonction des territoires.

Madame Saint-Pé, nous avons tenu compte dans le texte du besoin de certains territoires de garder leur ligne, car c'est leur existence économique qui est en jeu. Nous serons vigilants pour éviter tout risque d'enclavement ; Jean-Baptiste Djebbari y a beaucoup travaillé. Encore une fois, nous ne stigmatisons pas le transport aérien ; nous souhaitons simplement en rationaliser l'utilisation.

Madame Préville, il n'est pas possible de mentionner ainsi l'éducation manuelle dans le projet de loi, même si nous pourrons en réaffirmer l'importance au cours de nos débats. L'introduction de l'indice de réparabilité permettra aussi de faire évoluer les mentalités. Nous soutenons aussi les entreprises de l'économie sociale et solidaire qui offrent des services de réparation.

Votre question sur les plastiques dans le textile est très importante. Nous avions d'ailleurs réfléchi à des mesures d'information des consommateurs à propos des machines à laver. Les propositions sur ce que l'affichage environnemental devrait comporter ont été très nombreuses à l'Assemblée nationale ; la plupart étaient légitimes. Mais cette étiquette, qui sera sur le produit commercialisé, devra être identifiable en un coup d'oeil. Il faut donc faire simple pour que l'acte d'achat soit facilité. Des critères seront pris en compte dans l'affichage environnemental ; les expérimentations en cours y contribueront.

Je l'avoue, je n'ai pas encore de religion sur les territoires en libre évolution. Je vois bien l'objectif. La démarche est intéressante. Mais je ne sais pas encore quelles en sont les conséquences. Je vais réfléchir plus précisément sur la question.

Indiquer les objectifs de développement durable sur chaque article est une bonne idée. Il aurait fallu le faire dans l'exposé des motifs. Nous verrons si nous pouvons ajouter des éléments de communication lorsque nous présenterons la loi à nos concitoyens, après son adoption.

Monsieur Fernique, l'idée est que chaque collectivité instituant la contribution puisse en déterminer l'assiette, ainsi que l'affectation des ressources, même si l'État peut apporter des aides à la réflexion.

Monsieur Chevrollier, je ne vous suis pas sur «  l'incohérence  » du mix énergétique. Le PPE nous permet de nous projeter sur les années à venir en matière d'économies d'énergie ; je trouve que cela a une certaine cohérence. Nous réduisons la part du nucléaire à 50 % et nous augmentons celle des énergies renouvelables, car il est toujours dangereux de ne dépendre que d'un seul type d'énergie. Les choix que nous faisons sont cohérents.

Concernant les ORE, il s'agit d'un dispositif voté dans la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dont vous savez combien elle m'est chère. Le Parlement a publié un rapport sur ce sujet. Les ORE sont un outil qui, s'il existe déjà, reste trop peu utilisé, car il n'est pas assez attractif ni incitatif. Je vous réponds donc : «  à suivre  », monsieur Chevrollier.

En ce qui concerne la gestion de la ressource en eau, les propositions que vous avez formulées sur la continuité écologique des cours d'eau m'intéressent beaucoup.

En matière de zéro artificialisation nette, pour les entreprises implantées qui voudraient s'étendre, nous regarderons de la manière la plus raisonnable possible comment ne pas utiliser d'espace quand il est possible de le faire. Nous devrons procéder au cas par cas.

Madame Filleul, sur la consommation foncière des grands projets du type Canal Seine-Nord Europe (CSNE), vos questions sont tout à fait pertinentes et je vous enverrai des éléments précis par écrit. Peut-être auditionnerez-vous la ministre Emmanuelle Wargon ?

M. Jean-François Longeot, président. -- La commission des affaires économiques a demandé à recevoir délégation au fond de la partie du texte qui concerne l'artificialisation des sols. Nous n'avons donc pas prévu de recevoir la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre - Des dérogations sont possibles pour les installations de bâtiments commerciaux, mais elles sont strictement encadrées. Les entrepôts ne sont pas soumis à l'autorisation d'exploitation commerciale, car ils ne reçoivent pas de public. En revanche, pour améliorer la planification de l'installation de ces surfaces, les députés ont décidé d'inscrire ce principe dans les schémas de cohérence territoriale (SCoT). Le dispositif prévu dans la loi s'appliquera à toutes les installations, quelles qu'elles soient. Anne-Marie Idrac doit nous envoyer un rapport sur ce sujet.

Madame Havet, l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) travaille d'arrache-pied sur les publicités. Celles qui ne sont pas conformes sont retirées. Il serait effectivement possible de renforcer la réglementation de la publicité, mais des avancées importantes ont été accomplies à l'Assemblée nationale, dont la création d'un affichage environnemental qui sera répercuté sur les publicités. Le dispositif s'appliquera immédiatement aux publicités sur les voitures, en plus de l'obligation de faire figurer le taux de CO2. Il marquera beaucoup plus fortement l'esprit des acheteurs, car l'étiquette portera un élément visuel très parlant. Les publicités à la radio seront les seules à échapper à la mise en oeuvre de ce dispositif pour des raisons techniques.

Il vous reviendra d'évaluer si les mesures décidées par les députés sont suffisantes.

Monsieur Jacquin, je laisserai M. Djebbari vous répondre sur la stratégie concernant le fret et le contrat de performance de SNCF Réseau.

Quant aux outils de programmation financière, certains, dont celui sur la rénovation des logements, sont sécurisés dans le temps. D'autres mesures relèveront des lois de finances à venir.

Nous travaillons aussi sur le budget vert et sur la prise en compte de l'enjeu environnemental dans la procédure budgétaire.

Pour votre information, le rapport de Mme Idrac que je mentionnais tout à l'heure sera rendu à la fin du mois de juin prochain.

Enfin, vous pourrez reparler de la décarbonation des véhicules avec M. Djebbari.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci, madame la ministre, pour cette audition riche. Dans votre propos liminaire, vous avez dit qu'on ne transformait pas un pays dans la brutalité. C'est parfaitement vrai. Il faudra cependant que le Gouvernement sache se montrer audacieux. L'Allemagne, qui a été sommée par sa Cour constitutionnelle de revoir sa loi sur le climat, vise désormais la neutralité carbone à l'horizon de 2045 avec un objectif intermédiaire de réduction de 65 % des GES entre 1990 et 2030. Le Gouvernement français ne doit pas rester en retrait par rapport à cette annonce et se doit de faire preuve d'exemplarité et marquer son volontarisme à l'approche de la COP26 de Glasgow.

Je remercie les rapporteurs qui ont effectué un travail remarquable. Je vous remercie aussi Mme la ministre pour avoir pris le temps du dialogue.

La réunion est close à 20 heures 20.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.