Jeudi 25 novembre 2021

La réunion est ouverte à 8 h 35.

Table ronde sur la question de l'assurabilité en matière de cybersécurité - MM. Stéphane Blanc, fondateur et président d'AntemetA, spécialiste de la gestion de la donnée d'entreprise et la cybersécurité, Marc Bothorel, référent cybersécurité national de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Lionel Corre, sous-directeur assurance à la Direction Générale du Trésor (DGT), Christophe Delcamp, directeur adjoint au Pôle assurances de dommages et responsabilité de la Fédération française de l'assurance (FFA)

M. Serge Babary, président de la délégation aux entreprises. - Mes chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

La délégation aux entreprises du Sénat poursuit avec persévérance ses travaux sur la numérisation et la cybersécurité des entreprises.

Je rappelle qu'après avoir élaboré, en 2019, des propositions pour améliorer la numérisation des entreprises françaises, nous nous sommes inquiétés de la flambée des cyberattaques et de l'impérieuse nécessité de conjuguer digitalisation et cybersécurité. Ceci s'est traduit par le rapport de nos collègues Sébastien Meurant et Rémi Cardon intitulé « La cybersécurité des entreprises - Prévenir et guérir : quels remèdes contre les cybervirus ? », qui a été adopté en juin dernier.

Ce sujet a été évoqué à nouveau largement lors de la 5ème journée des entreprises que nous avons organisée au Sénat le 21 octobre dernier, et à laquelle certains d'entre vous ont participé.

Tant dans notre rapport que lors des échanges du 21 octobre, le sujet majeur de l'assurabilité a été soulevé. Parallèlement, se pose la question du paiement des rançons éventuellement demandées lors des attaques. Faut-il rendre leur paiement illicite ou non ? Quels risques les assurances doivent-elles et peuvent-elles couvrir ? Dans quelles limites et conditions ? Où en sont nos partenaires étrangers à cet égard ? Où en sont les réflexions et pistes de propositions du groupe de travail lancé en juillet dernier par le ministère des finances ?

Je souhaite que notre débat prenne pleinement en compte les enjeux concrets, juridiques, technologiques et financiers pour les entreprises, quelle que soit leur taille.

C'est pourquoi je propose de vous donner la parole, en commençant par M. Stéphane Blanc, fondateur et président d'AntemetA, spécialiste de la gestion de la donnée d'entreprise et de la cybersécurité. Lors de la table ronde de notre Journée des entreprises consacrée à ce sujet, vous aviez souligné l'importance de l'assurance risque cyber pour les entreprises. M. Blanc, vous pourrez nous faire part de votre expérience de terrain et des conclusions que vous tirez.

Je propose de donner ensuite la parole à M. Christophe Delcamp, directeur adjoint au pôle assurances de dommages et responsabilité de la Fédération Française de l'Assurance (FFA). M. Delcamp, vous êtes également intervenu lors de cette Journée des entreprises et vous avez appelé de vos voeux, je reprends vos termes, l'organisation « d'un débat sur l'assurance cyber car de nombreuses idées reçues méritent d'être confrontées à des réponses réalistes ». Vous voyez que votre souhait est aujourd'hui exaucé. Vous pourrez développer les réflexions et la position de la FFA, dont je rappelle qu'elle est également membre du MEDEF. Vous pourrez d'ailleurs nous préciser si ces deux organisations soutiennent ou non les mêmes positions.

Je propose de donner ensuite la parole à M. Lionel Corre, sous-directeur assurance à la Direction Générale du Trésor (DGT). M. Corre, vous pilotez le groupe de travail sur l'assurance du risque cyber lancé par Bercy début juillet 2021. Ce groupe de travail devant rendre ses conclusions début 2022, nous avons souhaité organiser cette table ronde afin de faire un point d'étape avant cette date. Vous pourrez nous expliquer où en est le calendrier des réflexions du groupe de travail, ainsi que les orientations envisagées par le ministère des finances. En outre, la Direction Générale du Trésor a missionné en début d'année le Haut comité juridique de la place financière de Paris, qui devrait rendre ses conclusions le 3 décembre 2021.

Enfin, je donnerai la parole à M. Marc Bothorel, qui est le référent cybersécurité national de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (CPME). M. Bothorel, vous avez également participé aux débats du 21 octobre. Je vous remercie de venir à nouveau témoigner au Sénat de la situation des entreprises, des analyses et de la position de la CPME. Nous savons que les PME sont à la fois concernées par le risque cyber et qu'il leur est souvent plus difficile d'y faire face. La CPME est également membre du groupe de travail lancé par le ministère des finances. Vous nous direz si la voix des entreprises, de toutes tailles, est entendue et comment répondre concrètement à leurs problématiques.

Pour vos propos liminaires et ce premier tour de table, je vous remercie de ne pas dépasser une petite dizaine de minutes. Les sénateurs souhaiteront vous poser ensuite des questions, à commencer par Sébastien Meurant, notre co-rapporteur sur le sujet. Rémi Cardon, l'autre co-rapporteur, s'est excusé de ne pas pouvoir être présent ce matin.

Je donne immédiatement la parole à M. Stéphane Blanc.

M. Stéphane Blanc, fondateur et président d'AntemetA, spécialiste de la gestion de la donnée d'entreprise et la cybersécurité. - Merci de de me recevoir pour cette table ronde qui aborde un thème aux enjeux majeurs.

Je suis le président fondateur d'AntemetA, une entreprise créée en 1995 spécialisée dans la protection des données. AntemetA réalise un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros et emploie 300 collaborateurs. Nous sommes membres d'Hexatrust, alliance du cloud computing, de la cybersécurité française et souveraine, et membres également du fonds d'investissement Cyber Impact, qui a vocation à soutenir les futurs champions européens de la cybersécurité.

J'ai la chance d'être bien entouré pour gérer mon entreprise, ce qui me permet de pouvoir être directement au contact de mes équipes opérationnelles (ingénieurs, développeurs et techniciens) et de mes clients.

Depuis des années, la sécurité du système d'information est au coeur des débats. Néanmoins, le secours est également un élément essentiel et stratégique. Le point de mon intervention porte sur cette convergence entre la sécurité et le secours. Ce n'est que dans cette logique que l'on pourra assurer la pérennité des systèmes d'information de nos entreprises.

Face à un risque systémique, les assureurs se désengagent de l'assurance risque cyber. Lorsqu'ils s'y engagent, ils le font sans assurer le ransomware. Or, depuis 4 ou 5 ans nous assistons à une évolution multifactorielle.

En premier lieu, nous ne sommes plus face à des actions individuelles, mais face à des actions structurées, organisées par des États qui n'ont ni tabous ni limites, dans un monde où les rapports de force se durcissent et où la cybercriminalité devient un outil de déstabilisation et participe à la guerre économique que se mènent les Etats-Unis, la Chine, le Moyen-Orient et la Russie, face à une Europe qui, à ce jour, n'est pas organisée pour construire une quelconque défense, voire une contre-attaque.

La cybercriminalité utilise des outils cryptolockers. Elle innove depuis 4/5 ans et devient de plus en plus efficace pour bloquer les systèmes d'information de nos entreprises.

La généralisation des monnaies de type bitcoin rend difficile la traçabilité des cybercriminels. Le darknet complète cette facilité d'impunité.

Enfin, la pandémie de Covid accélère la numérisation des entreprises sans forcément prendre en compte la sécurisation des données.

Les États cherchent à légiférer sur le fait de ne pas payer les rançons. C'est inenvisageable pour un chef d'entreprise pour qui ce serait la seule solution pour la survie de son entreprise.

Je partage avec beaucoup d'entrepreneurs du numérique quelques convictions. La question n'est plus de savoir si une entreprise sera attaquée, mais quand. L'unique solution pour remettre à flot une entreprise attaquée est le back-up et le plan de reprise d'activité. 60 % des PME qui se font fait attaquer meurent dans les 18 à 24 mois. Très rapidement, les fonds et les donneurs d'ordres, avant d'accorder un crédit à une entreprise, vérifieront que celle-ci possède une assurance qui couvre le risque cyber.

Enfin, selon le rapport « La cyber-assurance » de Valéria Faure-Muntian pour l'Assemblée nationale, un blocage de 10 % des PME et ETI françaises deviendrait un problème de sécurité nationale.

Fort de ces convictions, je me permets, au nom d'AntemetA, mais pas uniquement, de vous présenter nos recommandations. Elles ont pour objectif de prendre en compte les assureurs, les entreprises et le rôle des pouvoirs publics.

La première recommandation consiste à redonner confiance aux assureurs pour assurer le risque cyber. En tenant compte des enjeux géopolitiques, l'Etat doit créer un fonds de réassurance pour les assureurs. De leur côté, les assureurs doivent labelliser des solutions de secours en services managés autour du back-up et du plan de reprise d'activité, encadrés par un label de tiers de confiance, au même titre, par exemple, que l'archivage. Il agira 7j/7 et 24h/24 pour assurer le secours du système d'information des entreprises.

Cela contribuera à créer un écosystème fiable grâce à des audits réguliers menés par les assureurs auprès de ces tiers de confiance. Il s'agit d'un gage d'amélioration continue, en complément des certifications qui ne démontrent qu'une conformité à l'instant T. En auditant ces tiers de confiance, il sera possible de mutualiser et d'établir une cartographie de l'écosystème de l'assuré.

L'entrepreneur voulant souscrire ce service managé de secours auprès d'un tiers de confiance devra se soumettre et soumettre son entreprise aux différents tests et remédiations que lui imposera le tiers de confiance.

L'entrepreneur déduira fiscalement tout ou partie de son investissement autour de cette démarche de secours, lui laissant la charge financière de la partie sécurité caractérisée par la myriade d'outils indispensables pour tenter d'empêcher les différentes formes d'attaques (authentification, firewall, chiffrement...).

Ces recommandations sont intimement liées. Elles définissent un cercle vertueux d'actions coordonnées.

L'Etat devra abonder et être le garant responsable, avec des actions à la fois incitatives et coercitives. L'objectif est d'établir les conditions nécessaires à la confiance. Pour les assureurs, il s'agira d'assumer leur rôle et leurs responsabilités dans un risque désormais maitrisé. Pour les entreprises, des conditions plus propices leur permettront d'investir dans leur protection.

Nous confortons ainsi une filière industrielle autour du secours numérique au même titre que la cybersécurité.

M. Serge Babary, président. - Quel est le point de vue de la FFA sur le risque cyber ?

M. Christophe Delcamp, directeur adjoint au Pôle assurances de dommages et responsabilité de la Fédération française de l'assurance (FFA). - Ce sujet est au coeur de nos préoccupations. La FFA comprend 247 sociétés d'assurance, soit environ 99 % du marché. Toutes ces entreprises ne pratiquent pas ce risque d'assurance. L'émergence du risque cyber est encore très récente. C'est ce qui explique que beaucoup ne soient pas encore sur ce marché.

Le risque cyber est apparu au début des années 2000 aux États-Unis. Il est arrivé en Europe en 2010. Les cyberattaques sont apparues dans le top 5 des risques des décideurs économiques et financiers en 2013. Les assureurs se sont mis en ordre de marche dès 2014 pour accompagner nos assurés. Ainsi, nous avons créé un groupe de travail qui représente la totalité des assureurs (acteurs anglo-saxons, grands comptes, TPE-PME). Le défi à relever est colossal : si la numérisation des processus de production et de services procure des bienfaits indéniables aux citoyens, elle offre malheureusement de formidables opportunités d'attaques et de destructions criminelles. Les conséquences dommageables de ces risques peuvent être sans commune mesure avec ce que nous avons connu par le passé. C'est bien là que réside la difficulté pour les assureurs d'accompagner correctement leurs clients. A ce stade, il s'agit d'un marché de risque d'entreprises. Les particuliers perçoivent principalement ce risque sous l'angle des détournements de fonds financiers. Or les banques sont correctement assurées pour parer la problématique des particuliers.

Au milieu des années 2010, les assureurs se sont mis à proposer des contrats d'assurance cyber. Néanmoins, ce marché reste insuffisamment mature, tant du côté des entreprises que de l'offre, même si nous essayons de rattraper notre retard.

L'assurance cyber représente 135 millions d'euros de primes sur le marché français, soit à peine 0,225 % des 60 milliards d'euros d'encaissements de l'assurance non-vie en France. Aux Etats-Unis, ce ratio est de 0,56 %. Le chiffre d'affaires global du risque cyber s'y élève à 4 milliards d'euros. C'est faible, mais il existe une véritable dynamique, tant en France qu'aux Etats-Unis, puisque ce marché a progressé de 29 % entre 2019 et 2020.

Ce marché doit encore plus progresser du côté des entreprises. Quelle que soit la taille de l'entreprise, nous constatons un défaut de connaissance des enjeux du risque cyber, ainsi qu'un défaut de culture du risque et un défaut de prévention. De leur côté, les assureurs doivent monter en compétences sur la connaissance technique du risque, sachant qu'ils ont déjà clarifié leurs offres d'assurance. En novembre 2019, l'ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) avait évoqué la problématique des couvertures silencieuses que les assureurs devaient travailler à la fois pour clarifier l'offre individuellement vis-à-vis de chaque entreprise et pour préserver la mutualité des assurés. Ce travail est en cours de finalisation du côté des assureurs.

La FFA a pu identifier quatre axes pour répondre aux attentes de nos clients. Le premier consiste à développer la prévention avec l'ensemble des acteurs concernés. Sans prévention, il ne peut pas y avoir d'assurance. Le deuxième axe conserne les assureurs, qui doivent clarifier et mieux communiquer sur leurs offres. Le troisième axe vise à favoriser de manière encadrée le partage des données. Enfin, le quatrième axe consiste à lever les interrogations sur l'assurabilité du remboursement des rançons et des amendes administratives. Je pense que ces quatre axes sont partagés et se retrouvent dans les propositions des sénateurs Meurant et Cardon.

M. Marc Bothorel, référent cybersécurité national de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). - Je suis le référent cybersécurité national de la CPME. Je suis également chef d'entreprise puisque j'ai une petite société informatique en région parisienne. Je m'occupe de TPE-PME et de petites collectivités locales. Ma société est labellisée « expert cyber ». Je suis donc exposé à des entreprises qui souhaitent améliorer leur cyberprotection. Je suis dans le métier de l'IT depuis 40 ans.

La CPME est l'organisation patronale qui représente le plus d'entreprises en France (244 000). Nous avons donc une base importante de sociétés à servir et de retours de terrain. La cybercriminalité connaît une augmentation phénoménale, notamment depuis le début de la crise sanitaire. Le nombre de victimes a été multiplié par 4 en 2020, et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. La plate-forme d'intermédiation cybermalveillance.gouv.fr dépassera bientôt le million de visites et d'appels.

Le risque cyber est le premier risque depuis quelques années. Il est à présent qualifié de risque létal. Les revenus du cyber crime sont évalués à 6 000 milliards de dollars en 2021. A l'horizon 2025, ils devraient représenter la troisième économie mondiale derrière les Etats-Unis et la Chine.

80 % des entreprises françaises n'ont pas de plan de réponse à un cyber incident robuste. Nous sommes à un taux de 0,0026 % d'assurance parmi les TPE. Nous sommes donc très loin d'avoir la capacité de protéger nos entreprises, d'autant que nous avons constaté des évolutions dans les modes d'attaque. Ainsi, il est très difficile de se protéger contre les attaques supply chain qui visent à injecter du code malveillant dans des logiciels métiers. Il n'y a pas grand-chose d'autre à faire qu'attendre un correctif de l'éditeur. Nous sommes donc face à une menace sans précédent pour nos petites entreprises, contre laquelle il n'existe pas de vaccin universel.

Au sein de la CPME, nous prônons la sensibilisation depuis de nombreuses années. Nous sommes engagés dans des actions auprès des TPE-PME. Depuis 2 ans, nous assistons à une transition numérique « à marche forcée » dans laquelle l'aspect économique a primé. Beaucoup d'entreprises ont été obligées de faire évoluer leur système d'information afin de continuer à vivre durant la pandémie, mais sans nécessairement revoir le périmètre de leur sécurité. Beaucoup de TPE-PME sont passés au numérique parce que leur survie était en jeu. Or il n'y a pas de transition numérique durable sans prise en compte de la protection cyber dans les infrastructures mises en place.

Les dirigeants doivent être sensibilisés au risque cyber, qu'ils ont encore tendance à sous-évaluer. Beaucoup de patrons de petites entreprises se pensent trop petits pour intéresser les cybercriminels, ce qui est complètement faux. Les hackers savent que les petites entreprises sont moins protégées que les grandes, et qu'elles sont potentiellement des vecteurs d'attaque de donneurs d'ordres.

La formation des salariés est également indispensable. D'après le bureau d'études IDC, un plan de formation et de sensibilisation continue des employés diminue la surface d'attaque à l'entrée de plus de 40 %. Il est donc possible de diminuer la surface d'attaque de manière très sensible avec des gestes simples. Des efforts doivent porter sur la sensibilisation continue des employés des entreprises afin qu'ils soient le premier vrai rempart de protection. Cette anticipation est vraiment nécessaire.

Parmi les mesures que j'ai déjà évoquées dans le groupe de travail auquel je participe avec le Trésor, la formation des salariés me semble indispensable. Les formations et sensibilisations à la cybersécurité, bien qu'elles ne soient pas nécessairement diplômantes, sont prises en compte dans les budgets formation des entreprises. Il s'agit d'un point important, alors que très peu d'entreprises utilisent leur budget annuel de formation. Cette manne financière pourrait être utilisée pour la formation au risque cyber. Cette formation devrait-elle être obligatoire ? Le point est à débattre.

Concernant l'assurance, il est important que les entreprises s'y intéressent, mais il nous paraît difficile de l'imposer. Pour autant, combien de chefs d'entreprise ne souscrivent pas à une responsabilité civile, bien que ce ne soit pas une assurance obligatoire ? Nous devons arriver au même niveau de prise de conscience pour que l'assurance cyber soit au même niveau qu'une RC Pro ou intégrée comme une extension d'une RC Pro.

Les sociétés d'assurance ont des experts qui permettent de vérifier le niveau d'assurabilité, donc de protection des entreprises. Je ne pense pas que nous ayons la couverture suffisante et nécessaire pour nos millions de TPE-PME. Il faudrait probablement s'appuyer sur des institutions ou des labellisations, au même titre que dans l'automobile, une partie de l'expertise est sous-traitée à des cabinets indépendants et les réparations à des garages agréés. Le même schéma pourrait été reproduit dans le domaine de l'informatique.

Le financement de la protection cyber est une difficulté pour les petites entreprises compte tenu du contexte actuel. Le gouvernement a annoncé un budget d'un milliard d'euros à injecter dans les activités cyber (promotion de licornes, campus cyber, plans de formation). Une contribution financière étatique pourrait être envisagée pour l'équipement de matériels et de logiciels, français de préférence, à la manière du crédit d'impôt qui avait été institué pour les équipements réseaux lorsqu'Internet a commencé à exploser.

Enfin, le point essentiel de la cybersécurité est la résilience. Il faut avoir une sauvegarde ou un plan de reprise d'activité suffisamment solide pour redémarrer. Même les paiements de rançons ne permettent pas de récupérer toutes les données. Autrement dit, la récupération des données au travers du paiement des rançons ne permet pas aux entreprises d'être pleinement opérationnelles.

M. Lionel Corre, sous-directeur assurance à la Direction Générale du Trésor (DGT). - Nos travaux ne sont pas achevés. Nous les avons repris de manière plus engagée après la crise sanitaire à la fois via le HCJP (Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris) et un groupe de travail plus large. Nous entendons rendre nos conclusions au premier trimestre 2022.

Le risque cyber fait partie d'un certain nombre de grands risques sur lesquels nous travaillons de plus en plus. Il s'agit d'un risque dynamique contre lequel nous sommes insuffisamment protégés. L'assurance doit pouvoir jouer un rôle supérieur. Globalement, l'assurance cyber reste assez marginale dans la couverture des entreprises. D'après une étude récente de l'association des risk managers d'entreprise, 90 % des grandes entreprises ont une couverture cyber, mais celle-ci ne couvre souvent qu'une partie assez marginale de leurs enjeux cyber. Plus nous descendons en taille et moins les entreprises sont couvertes. Les ETI affichent un taux de couverture de 8 %, et les PME un taux inférieur à 1 %. Le marché est plus important aux Etats-Unis, mais il n'est pas mature et très développé pour autant. Nous n'avons pas trouvé de recette internationale à dupliquer en France.

Nous regardons le sujet principalement sous deux angles :

- comment l'assurance peut-elle se développer et contribuer efficacement à la résilience des entreprises ?

- comment développer la place financière de Paris et l'attractivité de la France en matière de gestion des grands risques, dont le risque cyber ?

Aujourd'hui, peu d'assureurs se sont développés sur ce thème. Nous avons donc un enjeu de développement d'un écosystème de protection. Pour cela, nous avons des atouts, notamment en termes d'ingénierie. Le risque n'étant pas mature, il n'existe pas une grande place de l'assurance cyber dans le monde.

Nous avons lancé deux séries de travaux. Certains, au HCJP, visent à éclairer notre vision sur un certain nombre de dimensions juridiques. Le risque cyber étant relativement nouveau, beaucoup de choses n'ont pas été pensées. Nous essayons également de nous projeter sur les sujets de rançons et de sanctions. A l'été, nous avons lancé des travaux assez larges, tout en nous centrant sur l'assurance cyber. Nous avons divisé nos travaux autour de quatre axes.

Le premier porte sur le contenu des garanties des contrats. En 2020, nous avons pu voir que le sujet du contenu des garanties des exclusions était sensible. Cet axe soulève de nombreuses questions sous-jacentes. L'une porte sur les couvertures silencieuses que nous souhaiterions voir disparaître. L'enjeu est identifié depuis quelques années, mais il n'est pas évident de sortir de ces couvertures. Cela demande une révision extrêmement détaillée des contrats. Le travail est engagé. Nous avons ensuite les couvertures affirmatives, qui renvoient notamment au sujet des rançons, mais pas uniquement. Quelles sont les couvertures utiles ? Les pouvoir publics doivent-ils produire des clauses-types ou laisser le marché complètement libre ?

Le deuxième axe porte sur la quantification du risque et la manière d'aider l'assurance à le porter. Le cadre prudentiel n'a pas du tout été pensé pour le cyber. Ce sujet renvoie à la question du partage de la donnée.

Le troisième axe porte sur la manière de se répartir le risque. L'assurance a un rôle à jouer, mais pas toute seule. Les entreprises continueront à porter du risque. Elles peuvent le faire par des franchises ou par des outils d'assurance interne. Les réassureurs internationaux entrent également en compte, de même que l'Etat, puisque ce risque revêt des dimensions systémiques. Nous n'excluons pas du tout les mécanismes de soutien public.

Le dernier axe porte sur la mobilisation de l'écosystème. Comment accompagner les entreprises en matière de prévention avant le sinistre, puis d'assistance pendant le sinistre ? Il se pose également, au sein des compagnies d'assurance, la question de la formation des uns et des autres pour la bonne prise en compte de ce risque, sans forcément que tout le monde ne soit spécialiste. Tous les distributeurs d'assurance n'ont pas vocation à devenir des spécialistes qui ne feraient que de la cyberassurance. En revanche, il est important qu'ils aient la capacité d'en parler avec les entreprises. La prise de conscience des entreprises elles-mêmes est aussi un sujet.

M. Serge Babary, président. - Je passe tout de suite la parole à Sébastien Meurant, co-auteur du rapport sur la cybersécurité des entreprises.

M. Sébastien Meurant, co-rapporteur. - 80 % des entreprises n'ont pas de plan de reprise robuste. 60 % des entreprises attaquées meurent dans les 18 à 24 mois. L'enjeu est donc stratégique. D'ailleurs, le sujet mérite d'être élargi aux collectivités territoriales. Ainsi, la ville de Bondy est paralysée. Tout y est cryptolocké.

La question du risque systémique est intéressante. Qu'est-ce qui relève de l'assurance, de l'Etat ou de l'entreprise ?

Plus de 30 % des entreprises finissent par payer la rançon. Le sujet des sanctions administratives est fondamental pour les chefs d'entreprise et le législateur. Jusqu'où aller sans trop « charger la barque » des entreprises ? Jusqu'où les assurances peuvent-elles prendre le relais ?

Comment prévenir rapidement, informer et communiquer afin que chacun prenne conscience du caractère létal de ce risque ? Comment garantir une continuité de l'activité ?

M. Serge Babary, président. - Entre les villes, les communautés de communes, les hôpitaux, les centres de secours et les sociétés de stationnement, le dossier des collectivités qui ont été touchées commence à considérablement s'épaissir. Que pouvez-vous nous dire sur le risque pour les collectivités locales ?

M. Lionel Corre. - Les pirates n'ont pas de limites. Des personnes sont déjà mortes dans des hôpitaux en Allemagne. En France, l'Etat et les ministères sont régulièrement attaqués. La dimension de ces attaques n'est pas seulement économique. Elle renvoie aussi à des sujets d'espionnage. Les collectivités publiques sont des cibles particulièrement fortes.

L'ANSSI (Autorité nationale en matière de sécurité et de défense des systèmes d'information) nous appuie dans notre protection. Elle intervient également en appui des entreprises. Nous ne pouvons pas mettre en place le même type d'action quel que soit le niveau de granularité.

L'assurance peut aussi contribuer à appuyer, notamment parce qu'elle a des réseaux granulaires. Elle est au contact des entreprises et des collectivités territoriales.

Evidemment, l'Etat peut avoir un rôle à jouer. La question d'une intervention financière de l'Etat est posée. Elle pourrait se faire par des mécanismes de réassurance, ou d'une autre manière.

M. Christophe Delcamp. - L'exemple de la ville de Bondy est assez démonstratif du défaut de culture du risque. Les collectivités locales ne sont pas sensibilisées au sujet du risque cyber, alors que l'Etat a mis en place deux entités qui sont à la pointe du sujet : l'ANSSI est dédiée aux très grandes entreprises, tandis que cybermalveillance.gouv.fr est dédié aux TPE et PME. Néanmoins, où sont gérées les collectivités locales ? N'y aurait-il pas besoin de créer une structure qui leur serait dédiée, avec des actions spécifiques ?

M. Marc Bothorel. - D'une certaine manière, cybermalveillance.gouv.fr s'occupe des collectivités, preuve en étant la récente fiche sur les réflexes en cas d'attaque. J'ai un autre point de réflexion : combien de petites communes sont conformes au RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), qui marque une première approche de la protection cyber ? Le RGPD permet de mettre le pied à l'étrier dans la démarche d'analyse des données et des flux à caractère personnel que gèrent les collectivités. Depuis 3 ans que le projet a été lancé, rien n'a été initié dans ma communauté de communes, et je ne pense pas que nous soyons les seuls dans ce cas. Ne faudrait-il pas réaliser un effort d'accompagnement pour amener les collectivités à évoluer dans ce domaine ?

M. Vincent Segouin. - Les chefs d'entreprise ont deux ennemis dans leur vie : le temps et les charges. Chaque fois qu'il est question de cybersécurité, nous sommes dans un brouillard complet. De l'information est donnée sur le risque potentiel, même si beaucoup de chefs d'entreprise n'en ont pas encore conscience. Il existe sûrement un problème d'information. Il existe un autre problème : comment déterminer le niveau de protection d'une entreprise ? Vers qui se tourner pour prendre les meilleures garanties ? Serons-nous toujours à jour au fur et à mesure du temps ? Nous ne savons pas quel budget allouer à la cyberdéfense. Ceux qui s'évitent cette charge prennent un risque. Il n'y a pas assez de continuité et de suivi dans l'information qui est donnée.

M. Stéphane Blanc. - Il ne faut vraiment pas oublier l'aspect sécurité. Au sein des entreprises, vous avez d'un côté les personnes qui s'occupent du cyber et d'un autre côté celles qui s'occupent du secours. Elles ne se connaissent pas et ne travaillent pas ensemble. Ces services ne sont pas fusionnés au sein des directions générales. Or la convergence de la sécurité et du secours est absolument essentielle pour sécuriser correctement un système d'information. De même, il est indispensable d'avoir un plan de redémarrage d'activité. Il n'existe aucune autre possibilité de redémarrage d'un système d'information. Cette action doit être comprise et définie dès le départ.

M. Vincent Segouin. - J'ai une autre question : faut-il passer par la loi pour régler le problème de la cybersécurité ? Nous avons déjà tellement de lois et de règlements au sein des entreprises que nous sommes dans un brouillard complet. Dès lors qu'un chef d'entreprise prend un risque en toute connaissance de cause, il doit l'assumer. L'Etat doit-il sans arrêt le protéger et le prendre en main ?

Les détournements sont couverts par les banques. Si nous arrêtons de couvrir les rançons, faut-il continuer à couvrir les détournements ? Lorsqu'une entreprise qui a pris une couverture a un problème, elle attend de l'assureur qu'il lui permette de redémarrer sans impact financier. Faut-il redémarrer par la rançon ou par la reconstruction ?

M. Christophe Delcamp. - Avant de passer par la loi, il faut bien connaître le sujet. Nous sommes en phase d'apprentissage. Nous pourrons nous poser la question du recours à la loi lorsque nous aurons bien maîtrisé le sujet. La loi peut être incitative. Elle peut aider les chefs d'entreprise à monter en compétences.

Au sein de la FFA, nous poussons le sujet des rançons depuis plusieurs années. Est-il légal d'assurer le remboursement des paiements de rançons par les chefs d'entreprise ? Le droit, aujourd'hui, le permet. Ce n'est pas non plus interdit à l'international. Les assureurs sont donc libres de se positionner sur le sujet. La décision doit être prise au niveau européen, et nous la suivrons. Toutefois, ne pouvons-nous pas « tuer » ce sujet de la rançon par de bonnes mesures de prévention et de secours ?

M. Marc Bothorel. - La rançon n'a pas lieu d'être avec une sauvegarde correcte. Le redémarrage peut alors se faire avec l'intégrité des données. Toutefois, peu d'entreprises ont un schéma de sauvegarde correct. Il y a un travail de fond à faire. Pourquoi ne pas prévoir un mécanisme de déduction de l'impôt sur les sociétés du matériel qui permet de procéder à des sauvegardes de données ?

M. Stéphane Blanc. - La situation que nous vivons n'est pas traditionnelle. Nous ne sommes pas attaqués par des individus, mais par des structures sécurisées par des États. Nous nous battons contre des structures qui sont protégées par des États, et dont les budgets sont pharaoniques. Nous sommes en guerre. L'État français et l'Europe doivent être dans une démarche de protection. L'entrepreneur ne peut pas tout protéger. L'État doit l'aider. Un mécanisme de crédit d'impôt qui permettrait aux entreprises de financer leur protection et leur secours me paraîtrait adapté.

Nous devons aller vite. Pendant que nous parlons, les banques établissent des scorings sur les entreprises. Combien de temps accepteront-elles de prêter de l'argent à des entreprises qui ne sont pas couvertes contre le risque cyber ? Il en va de même pour les grands donneurs d'ordres, qui ne manqueront pas de demander à leurs prestataires s'ils ont une assurance contre le risque cyber.

M. Marc Bothorel. - Je suis tout à fait d'accord. C'est aussi le sens de la seconde mouture de la directive NIS (Network and Information System Security), qui étend le champ d'application aux TPE et PME de moins de 50 salariés et 2 millions d'euros de chiffre d'affaires.

M. Vincent Segouin. - Vous confirmez ce que je pense. Le scoring des banques fera vite accélérer la couverture des entreprises. Nous n'avons pas besoin de nous en mêler avec la loi. Faisons confiance au marché.

Par ailleurs, face à des structures internationales qui sont financées par des États, le rôle de l'Etat français n'est-il pas d'assurer une cyberdéfense plutôt que de s'occuper de la protection et de la gestion des PME ?

M. Marc Bothorel. - Il y a 4 ans, une tentative de gouvernance tripartite entre l'ANSI, la gendarmerie et l'armée a échoué. Rien ne s'est passé. Pourtant, il y a certainement matière à recruter des réservistes pour porter la sensibilisation auprès des entreprises, comme le fait la gendarmerie.

M. Christophe Delcamp. - Les effectifs de gendarmerie jouent un rôle primordial sur le terrain, au contact des chefs d'entreprise. D'ailleurs, la FFA a signé un partenariat avec la gendarmerie nationale. Ce partenariat vise notamment à porter la bonne parole aux agents généraux afin qu'ils la répercutent ensuite à leurs clients, dont les TPE-PME.

M. Lionel Corre. - Nous pensons effectivement que nous avons quelque chose à faire en travaillant à la fois sur la qualité de l'offre et la sensibilisation de la demande. Nous ne partons pas du principe que nous devons faire une loi. Nous devons d'abord identifier les problèmes à résoudre et les enjeux de politique publique. Les outils découleront de cette réflexion. Nous proposerons vraisemblablement un ensemble de mesures, avec des accords de place, un travail avec des centres de formation et, peut-être, une loi. N'oublions pas que l'assurance est un domaine régulé. Seule une loi peut résoudre le sujet des rançons, à condition d'écrire des choses claires. Une interdiction de paiement des rançons ne peut qu'être extrêmement large. Personne n'en est arrivé là. L'autre possibilité est un encadrement. Elle obéirait également à un certain nombre de conditions. Par ailleurs, la ligne de frontière sur l'assurabilité des sanctions mériterait d'être clarifiée.

Nous croyons aussi au marché, mais nous avons très certainement des règles de régulation à poser avec la représentation nationale.

M. Marc Bothorel. - Le coût de la protection annuelle pour une société de 10 personnes qui réalise 1 million d'euros de chiffre d'affaires est d'1 à 2 jours de chiffre d'affaires au maximum.

Les petites entreprises n'ont pas les moyens de faire un audit 27001. En revanche, il est possible de s'appuyer sur des professionnels pour prévoir une base d'assurabilité minimum.

Enfin, le déclaratif représente une grosse difficulté. Nous avons une vision assez faible des attaques. Beaucoup de TPE et de PME n'osent pas dire, par honte, qu'elles ont été attaquées. Or nous avons besoin de ces remontées de terrain. Par quels moyens ? Je n'en sais rien. Des suggestions ont été avancées. Il faut trouver un moyen anonymisé pour faire remonter les informations de terrain. Sans cela, nous n'avons pas toutes les informations nécessaires pour prendre les bonnes décisions.

M. Serge Babary. - Merci, Messieurs, de votre participation. Nous aurons bien évidemment à nous retrouver sur le sujet. Nous attendons avec impatience le rapport de la place de Paris.

Table ronde sur les difficultés des ETI et PME en matière de commerce extérieur - MM. Renaud Bentégeat, président de CCI France International, Pierre Goguet, président de CCI France, Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, François Lefebvre, directeur général de Bpifrance Assurance Export, Paul Teboul, sous-directeur FinInter (Financement international des entreprises) de la Direction Générale du Trésor

M. Serge Babary, président de la délégation aux entreprises. - Mes chers collègues, Messieurs,

Nous poursuivons avec notre seconde table ronde, qui permet de lancer ce matin nos travaux sur le commerce extérieur français.

Notre délégation a nommé trois rapporteurs, Florence Blatrix-Contat, Jean Hingray et Vincent Segouin, en leur confiant une mission d'information relative aux difficultés des ETI et PME en matière de commerce extérieur.

L'année 2021 a été marquée par un creusement du déficit commercial, avec un montant de 6,8 milliards d'euros en juillet et un cumul de près de 68 milliards d'euros sur 12 mois. La France est entrée dans la crise du Covid-19 avec une balance commerciale déjà déficitaire, le dernier excédent datant de 2003.

La situation de notre pays par rapport aux autre pays européens est particulièrement inquiétante. Ainsi, en 2020, la part de marché des produits français de la zone euro a fondu à 13,5 % des ventes totales, contre 18 % en 2000. La comparaison avec l'Allemagne est édifiante : notre voisin et partenaire a connu un excédent commercial de 17,9 milliards d'euros en juillet 2021 et de 215,6 milliards d'euros sur les 12 derniers mois. Les économistes pointent la faiblesse de nos exportations ; c'est l'un des points sur lesquels nous souhaitons nous pencher, en mettant en évidence les obstacles rencontrés par nos ETI et PME.

Nous souhaitons dresser un premier constat pour comprendre les faiblesses de la France et définir les premières pistes à creuser pour nos collègues rapporteurs. Je remercie donc nos intervenants d'avoir accepté notre invitation pour nous éclairer et partager leur analyse du sujet.

Je propose de vous donner la parole en commençant par M. Paul Teboul, qui s'occupe du financement international des entreprises à la Direction Générale du Trésor. Vous pourrez nous dire comment la DG Trésor analyse les handicaps des entreprises françaises et coordonne les différents acteurs impliqués dans le soutien aux entreprises, notamment au sein de la Team France Export (TFE).

Je propose de donner ensuite la parole à M. Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, dont l'une des missions est l'accompagnement des entreprises françaises à l'export.

Ensuite, nous pourrons entendre M. Pierre Goguet, président de CCI France, également membre de la Team France Export, et dont la connaissance des problématiques des entreprises françaises nous sera précieuse.

Puis M. Renaud Bentégeat, en tant que Président de CCI France International, pourra évoquer le rôle de cette dernière et surtout partager son expérience des difficultés de terrain.

Enfin, je donnerai la parole à M. François Lefebvre, directeur général de Bpifrance Assurance Export.

Je vous invite à ne pas dépasser 7 minutes chacun pour vos propos liminaires. Les sénateurs souhaiteront ensuite vous poser des questions, en commençant par nos rapporteurs.

Je donne immédiatement la parole à M. Paul Teboul.

M. Paul Teboul, sous-directeur FinInter (Financement international des entreprises) de la Direction Générale du Trésor. - J'articulerai mon propos liminaire en trois courts points, en commençant par quelques éléments sur les PME et les ETI exportatrices. J'aborderai ensuite les difficultés qu'elles rencontrent, puis je reviendrai sur les outils développés par l'Etat pour mieux les accompagner dans leurs démarches à l'export.

D'après les données des douanes, les PME et les ETI ont représenté 99 % des exportateurs en 2020 (95 % étaient des TPE ou des PME et 4 % des ETI), mais seulement 48 % de la valeur des exportations (35 % pour les ETI et 13 % pour les PME et les TPE). Le nombre d'exportateurs est resté stable malgré la crise, autour de 130 000. Il a même légèrement progressé à partir du premier semestre 2021, à plus de 135 000. Il s'agit d'un record depuis 20 ans.

Les PME exportatrices ont été touchées par la crise, avec une baisse de 8,6 % des exportations des PME et des ETI en 2020. Toutefois, cette baisse est deux fois moindre en volume que l'ensemble des entreprises. Les PME ont enregistré de meilleurs résultats en Europe (Belgique, Pays-Bas), mais également au grand export (Chine, Etats-Unis).

Toutefois, elles sont confrontées à des difficultés spécifiques. Ces difficultés sont d'abord d'ordre conjoncturel et liées à la crise. L'incertitude sur la situation des marchés à l'export était très forte en début de crise. Les PME exportatrices ont aussi été confrontées au ralentissement de la production en 2020, puis aux difficultés d'approvisionnement en 2021. En plus de ces difficultés conjoncturelles, elles font face à des difficultés structurelles. Celles-ci tiennent notamment aux sujets administratifs et réglementaires, qui sont le premier obstacle à l'export des PME. Ces dernières mettent également en avant la concurrence d'autres pays plus compétitifs, les incertitudes sur les marchés et les difficultés logistiques.

Les PME ont besoin d'une meilleure connaissance des marchés, de ressources humaines adéquates pour se projeter à l'international et identifier les bons partenaires locaux, d'alertes sur les opportunités en matière d'export et d'une meilleure connaissance de leur potentiel d'exportation, devant le bénéfice d'aides et de garanties. L'amélioration de la compétitivité prix à l'export par nos instruments de financement ne vient donc qu'améliorer la compétitivité du tissu productif.

L'Etat a développé quelques outils pour mieux accompagner les PME et les ETI. Ils s'insèrent dans le cadre de la Team France Export. La stratégie du gouvernement a ciblé l'importance de mieux accompagner les PME et les ETI en confiant le rôle d'accompagnement à Business France, avec des financements complémentaires qui ont été mis en place au sein du volet export de France Relance. Ce volet export représente 247 millions d'euros, dont 67 millions d'euros dédiés à l'accompagnement et gérés par Business France (prestations de projection à l'international des entreprises, création d'une vingtaine de postes de volontariat international en entreprise (VIE), filières...). Les ministres Riester et Pannier-Runacher ont annoncé la prolongation des dispositifs jusque fin 2022, dans le but de tenir compte des décalages dans la réouverture de certains pays.

Une politique de guichet unique de l'export entre Business France, la CCI, la BPI et les régions a aussi été mise en place au sein de la Team France Export.

Afin de renforcer la compétitivité, nous avons travaillé sur le refinancement des crédits export de grande ampleur. Nous avons mis en place le transfert des crédits publics de la Coface vers la BPI afin de mieux accompagner les PME dans les territoires. Enfin, nous avons mis en place des dispositifs de garantie (Cap Relais, Cap France Export) spécifiquement dédiés aux PME.

M. Christophe Lecourtier, directeur général de Business France. - La question du déficit commercial français hante les esprits depuis longtemps. Elle est souvent vue par nos concitoyens comme la marque d'une relation complexe de notre pays à la mondialisation. L'excédent de 2003 avait été précédé de plusieurs décennies de déficit.

Cette question du déficit commercial doit être appréhendée de deux manières, en commençant par une politique économique et industrielle visant à restaurer les équilibres. Il est très clair que les pays européens dont la contribution de l'industrie au PIB est supérieure à 10 % sont à l'équilibre, voire enregistrent des excédents. C'est le cas de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Autriche, de la Suisse ou des Pays-Bas. A l'inverse, les pays comme la France ou la Grande-Bretagne, qui ont fait le choix de la désindustrialisation ou qui ont encouragé leurs entreprises à investir pour produire à l'étranger, enregistrent des déficits commerciaux qui sont en partie compensés, en termes de balance des paiements, par les revenus des investissements effectués à l'étranger.

L'attractivité des investisseurs étrangers fait partie des missions de Business France. A cet égard, la compétitivité du site France s'est peu à peu améliorée ces dernières années, notamment depuis le rapport Gallois. Nous sommes même, depuis 2019 et encore en 2020, le pays le plus attractif d'Europe pour les investisseurs étrangers. Ces investisseurs ne viennent pas uniquement en France pour la beauté des paysages. Ils y trouvent des conditions propices au développement de leurs activités, notamment industrielles.

Le second volet tient aux politiques d'accompagnement des entreprises, notamment les ETI, les PME et les TPE. Il existe historiquement, en France, une sorte de déficit en matière de culture internationale. Les raisons tiennent à notre histoire, à la puissance du marché intérieur ou à l'existence d'un empire colonial, à la différence de pays comme l'Allemagne ou l'Italie, qui ont longtemps été des marchés morcelés qui impliquaient de devoir assez vite franchir les frontières.

Des politiques économiques volontaristes ont été conduites depuis une dizaine d'années. En revanche, rien qui réponde à l'enjeu n'avait été fait en matière d'accompagnement, jusqu'en 2017. Nous avons alors proposé au Premier ministre une politique d'accompagnement qui soit réellement à la mesure de l'enjeu. C'est la Team France Export (TFE). Cette politique présente de nombreux avantages, à commencer par sa simplicité, notamment dans la définition des objectifs stratégiques. La TFE a tiré les conséquences de la loi NOTRE, qui donne aux collectivités locales l'essentiel des responsabilités en matière de développement économique des entreprises. Désormais, les régions sont chefs de file dans la définition de leurs priorités et de leurs objectifs. Elles s'appuient en partie sur l'agence nationale que je dirige, ainsi que sur le réseau des CCI et sur les ressources de BPI en matière de financement.

Nous avons ensuite travaillé à ce que les opérateurs parviennent à créer un guichet unique, avec comme maîtres-mots proximité, territoire, conseil, écoute et digital. Assez vite, nous avons obtenu des résultats. Ainsi, 2019 avait été, et de très loin, la meilleure année du siècle pour le commerce extérieur. Nous étions même parvenus à gagner des parts de marché à l'échelle mondiale. Ensuite est arrivée la crise. Celle-ci a contribué à renforcer l'alliage que nous constituons, y compris avec les acteurs privés comme les chambres de commerce françaises de l'étranger. Nos relations se sont fortifiées et consolidées.

Les mots d'ordre du plan de relance, qui comprend un volet international, consistaient à faire vite, fort et simple. Je crois que nous avons été au rendez-vous. Dès l'été 2021, nous avions retrouvé le niveau d'exportations de 2019. Davantage d'entreprises exportent entre le début du quinquennat et aujourd'hui. Nous avons créé une dynamique et constitué une équipe. Nous connaissons les enjeux. Si l'on nous donne les moyens, nous commencerons progressivement à redresser les choses dans le sens souhaité par tout le monde.

M. Pierre Goguet, président de CCI France. - Les CCI ont très tôt adhéré à ce process. Il restait ensuite à gérer la transformation culturelle, alors que nous étions avant tout des généralistes. Business France a apporté son approche filière et professionnelle au réseau consulaire, avec la connaissance intime des pays qui complétait parfaitement la connaissance des écosystèmes territoriaux des CCI. En moins d'un an, les équipes ont complètement appris à travailler ensemble. Elles se sont fixé des objectifs collectifs. Des portefeuilles ont été répartis entre les différents intervenants.

Nous nous sommes battus pour conserver une ressource suffisante dans notre réseau. Je me suis servi d'une partie de cette ressource comme incentive pour récompenser les performances des CCI, notamment dans leurs résultats à l'international. Nous avons complètement changé de modèle en moins de 3 ans, avec des équipes extrêmement motivées qui savent travailler ensemble et qui ont conscience de tout ce qui reste à développer.

Cette équipe a apporté un « plus » important en termes d'information sur les marchés. 250 webinaires ont été organisés pendant la crise, permettant à toute entreprise qui ne pouvait pas sortir du pays de trouver des clients à distance. Ce faisant, les chefs d'entreprise qui ont eu du temps à accorder à ce sujet, ont découvert un potentiel qu'ils ignoraient.

Team France a mis en place une boîte à outils dans les différentes régions. La sensibilisation a été effectuée, même s'il reste des progrès à faire. L'apparition des e-vitrines a ouvert des perspectives très importantes, notamment dans la cosmétique, les vins et spiritueux et l'agroalimentaire.

Il reste des choses à faire, et ce n'est pas facile. Il faut encore plus travailler sur le collectif, notamment la capacité des grands groupes à amener leurs réseaux de sous-traitants, ce que les Allemands font très bien. La formation est un autre sujet, notamment à l'anglais. Tous les moyens, y compris numériques, doivent être utilisés. Au-delà, les VIE sont une manière de préparer les entreprises à se projeter. Les chefs d'entreprise ont besoin d'être accompagnés aussi bien en externe qu'en interne. Nous avons encore des choses à faire sur la partie RH et la formation. Ainsi, nous essayons de renforcer l'importance de nos réseaux d'anciens élèves à travers le monde, qui sont autant de moyens de faire remonter l'information. C'est cette capacité à travailler ensemble qui nous permettra de progresser. Nous devons également permettre aux entreprises de profiter des opérations de jumelage menées par les villes. Ce type d'aéropage est une manière de sécuriser les TPE et les PME qui ne sont jamais allées à l'international.

Il n'existe pas de solution unique. La boîte à outils que nous avons mise en place est déjà une arme importante, même si elle peut évidemment être améliorée. En revanche, nous avons un vrai problème de recrutement de ressources RH, ce qui oblige les chefs d'entreprise à gérer des priorités dans l'affectation de leurs ressources.

M. Renaud Bentégeat, président de CCI France International. - CCI France International est un réseau associatif privé qui n'a pas vocation à faire des profits. Nous ne faisons pas partie de la Team France Export, sauf dans quelques pays très précis. Nous travaillons à l'accompagnement sur place des entreprises françaises qui cherchent à exporter. Nous agissons de plusieurs manières.

Ainsi, nous sommes concessionnaires de la Team France Export dans 6 pays (Belgique, Maroc, Philippines, Hongrie, Norvège et Singapour). Nous y représentons la TFE. Après des débuts difficiles, je pense que ce dispositif fonctionne bien à peu près partout. Dans certains pays, nous dépassons largement les objectifs fixés par le contrat de concession. Notre réseau est adapté aux PME et aux ETI puisque nous permettons à leurs dirigeants de rencontrer des patrons de grands groupes français ou locaux.

Nous avons des services d'appui aux entreprises dans quasiment toutes les chambres importantes. Ces services facturent leurs prestations à prix coûtant. Elles interviennent soit directement lorsqu'elles sont sollicitées par les entreprises françaises, soit par le biais de la Team France Export. Ayant présidé une chambre à l'étranger pendant 12 ans, je peux vous assurer que le climat a complètement changé. Auparavant, il existait une sorte de compétition très malsaine entre Business France et les CCI françaises à l'étranger. A présent, nous n'admettons plus de compétition idiote. C'est parce que l'état d'esprit a changé que nous sommes devenus concessionnaires dans 6 pays, et j'espère que nous pourrons en obtenir d'autres. Business France n'a pas forcément besoin d'être représenté partout.

Nous aidons aussi les entreprises françaises qui exportent en les hébergeant. Nous avons 65 chambres qui disposent de bureaux que nous mettons à la disposition de ces entreprises. Cet accueil est très important car ce sont souvent des jeunes ou des VIE que les entreprises envoient à l'étranger.

M. François Lefebvre, directeur général de Bpifrance Assurance Export. - Beaucoup de choses ont déjà été dites. Mon intervention portera sur trois points.

Le premier concerne le plan du gouvernement pour la relance de l'exportation, qui avait été présenté en 2018 à Roubaix. Au premier semestre 2021, nous avions 132 000 entreprises exportatrices. Il s'agit du plus haut niveau depuis 20 ans. Par ailleurs, nous en sommes à 70 000 exportateurs récurrents, contre 60 000 en 2011. Les signaux sont donc positifs. Nous l'observons aussi dans notre clientèle.

Parmi les 10 000 clients de l'assurance prospection que nous distribuons pour le compte de l'Etat, la moitié n'était pas présente en 2017. Autrement dit, nous avons assisté à un renouvellement de la moitié des clients de l'assurance prospection. Concernant les cautions et pré-financements, nous avons enregistré 500 nouveaux clients par rapport à 2017, pour un stock de 750 clients. Enfin, parmi les 320 entreprises qui ont bénéficié de l'assurance crédit entre 2017 et 2020, 200 sont nouvelles.

Il y a davantage d'exportateurs. Pour autant, le déficit commercial reste très élevé. L'explication tient au fait qu'au cours de ces vingt dernières années, beaucoup d'entreprises ont fait le choix d'investir à l'étranger plutôt que de produire en France. Dès lors, la valeur ajoutée qui est assemblée en France est beaucoup plus faible. Les entreprises françaises sont celles qui, parmi les pays européens, ont le plus de filiales à l'étranger. Aujourd'hui, la stratégie du gouvernement est de conserver les industries. C'est ainsi que nous menons des appels d'offres à la relocalisation dans le cadre de France 2030, tandis que le plan deep tech permet d'amener les laboratoires dans le monde des entreprises afin qu'ils puissent industrialiser leurs process et exporter. La communauté French Lab a été renforcée.

La dégradation de la valeur ajoutée s'est étalée sur 20 ans. Il faudra au moins autant de temps pour la reconquérir. Il faudra probablement jusqu'à 6 saisons de la TFE.

Notre appareil exportateur est très concentré. Les PME représentent, en nombre, la même proportion d'exportateurs que dans les autres pays européens, mais leur valeur ajoutée est plus faible qu'ailleurs. 23 % de la valeur ajoutée des exportations est réalisée par des PME. Il s'agit du même niveau qu'en Allemagne, mais ce taux est de 35 % dans le reste de l'Union Européenne.

Il existe un sujet autour des PME. C'est pour cela que les outils que Bpifrance distribue pour le compte de l'Etat sont dédiés aux PME. Ainsi, 98 % des clients de l'assurance prospection sont des PME, et 100 % sont des entreprises avec moins de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires. De la même manière, 90 % des clients de cautions et pré-financements sont des PME, et 98 % sont des entreprises avec moins de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires.

A l'instar de nos partenaires de la Team France Export, nous avons des actions d'accompagnement, notamment les accélérateurs, dont certains sont dédiés à l'international. Ils se font en partenariat avec Business France. Avec les CCI et la TFE, nous avons déjà accompagné 3 000 entreprises à l'international. Nous avons un accélérateur dédié à l'Afrique en partenariat avec Business France, ainsi qu'un accélérateur international Ile-de-France en partenariat avec la région.

M. Serge Babary, président. - Merci. Nous passons maintenant aux questions de nos rapporteurs.

Mme Florence Blatrix Contat. - Merci pour cette présentation à la fois synthétique et complète de la situation du commerce extérieur et de ses enjeux.

Vous avez largement évoqué l'accompagnement des PME à l'étranger. J'aimerais revenir sur le sujet des entreprises primo-exportatrices. De quels moyens dispose une entreprise qui décide d'exporter ? Nous avons entendu que des progrès ont été réalisés dans ce domaine. Nous pensons néanmoins qu'il reste une marge d'amélioration.

Nous avons par ailleurs constaté que le plan de relance à l'export n'est consommé qu'à hauteur de 175 millions d'euros. Quelle est l'origine de ces difficultés ? De même, le fonds d'internationalisation des PME, créé en 2017 et doté de 200 millions d'euros, a été supprimé. Pourquoi n'a-t-il pas trouvé son marché ?

M. Christophe Lecourtier. - Généralement, le chef d'une TPE ou d'une PME cumule les fonctions de directeur technique, de directeur financier, de directeur des ressources humaines et de directeur de l'export. Il dispose néanmoins des conseils d'un expert-comptable, de l'appui des chambres de commerce sur les questions RH et de la présence d'un ingénieur pour les questions techniques. En revanche, il s'est longtemps trouvé dans une immense solitude sur les sujets liés à l'export. Le dispositif que nous avons mis en place en 2019 est récent et demande encore d'importants travaux. En maillant le territoire français grâce à l'alliance entre la CCI et BPI France, 55 000 entreprises françaises, exportatrices relativement régulières, disposent aujourd'hui d'un conseiller attitré. Nous avons donc mis fin au désert dont souffrait la France en matière d'aide à l'export.

Nous avons par ailleurs mis en place des solutions digitales qui constituent un véritable petit supermarché de l'export et apportent aux entreprises qui souhaitent exporter les réponses aux questions basiques qu'elles sont amenées à se poser. La participation à un webinaire ou à une réunion régionale permettra à l'entreprise d'alimenter sa réflexion sur son aptitude à l'export et de s'y préparer. Ces plateformes de solutions régionales agrègent toutes les solutions existantes en matière d'aide, de financement, de recherche de marchés et de partenariat. Quand l'entreprise a rassemblé suffisamment d'informations pour conforter son projet, elle est reprise en main par un conseiller qui l'intègre à son portefeuille.

Ces outils d'écoute, de conseil, d'orientation et de préparation ont permis d'augmenter le nombre d'exportateurs en dépit de la crise la plus forte jamais connue en matière d'échanges français, avec une baisse des exportations de 18 % en 2020. Je pense que nous continuerons d'accroître le nombre d'exportateurs si nous disposons des moyens qui permettront de maintenir ce dispositif.

Mme Florence Blatrix Contat. - Existe-t-il des outils de repérage des PME qui présentent un potentiel d'exportatrions mais ne sont pas encore engagées dans cette voie ?

M. Pierre Goguet. - Les conseillers généralistes des chambres qui visitent les entreprises pour de nombreux autres sujets que l'export, tels que la transformation numérique et l'industrie du futur, les interrogent également sur leur souhait d'internationalisation. Nous essayons donc de détecter les signaux faibles pour, le cas échéant, envoyer un conseiller plus spécialisé qui approfondira le sujet avec l'entreprise.

Nous assurons ainsi une veille permanente des entreprises qui n'ont pas encore réfléchi à l'export mais pourraient être intéressées par cette démarche. La présentation de success stories lors des réunions d'entrepreneurs constitue également un moyen de leur en donner envie. De nombreux clubs, animés par les CCI ou par les organisations patronales, permettent le partage entre ceux qui ont réussi et ceux qui n'ont pas encore essayé. Il y a plusieurs années, de nombreux exportateurs effectuaient une tentative puis renonçaient. Notre rôle consiste à les soutenir pour pérenniser leur démarche.

M. Christophe Lecourtier. - Nous avons remis de l'humain au travers d'un dispositif de proximité, associé à des outils numériques, en nous appuyant sur des réseaux beaucoup plus vastes que la TFE pour donner à l'export le statut de grande cause nationale qu'elle n'a jamais possédé en France. Le Plan de Relance Export, que le Gouvernement nous a demandé de présenter à l'été 2020 pour l'intégrer à France Relance, a été lancé dès le 1er octobre 2020. Il était judicieux de commencer tôt. Nous avons néanmoins été nous-mêmes soumis à de nouveaux confinements et mesures de restriction des déplacements à l'automne et au printemps. Nous ne pouvons nous rendre aux Etats-Unis que depuis quinze jours, et la Chine, le Japon, la plupart des pays d'Asie ainsi que de nombreux pays d'Afrique et d'Amérique latine sont ou ont été totalement fermés aux visiteurs étrangers. Dans ce contexte, la performance du Plan de Relance Export et la croissance du nombre d'exportateurs relève donc d'une volonté politique et d'une mise en oeuvre opérationnelle dont nous ne pouvons que nous féliciter. Nous constatons une accélération de l'ordre de 50 à 100 % des dépenses liées au Chèque Relance Export depuis le mois de juin, alors que l'activité était déjà soutenue pendant le premier semestre en dépit du contexte sanitaire.

Depuis l'été, les salons professionnels, qui représentent un élément très important de la vie des exportateurs et étaient quasiment tous annulés depuis mars 2020, ont recommencé à se tenir, notamment en Allemagne et à Dubaï. Néanmoins, nous percevons actuellement des signaux de ralentissement, voire d'annulation d'un certain nombre de grands salons professionnels commerciaux.

Nous avons donc été bien inspirés de lancer le Plan de Relance Export et le Gouvernement a décidé avec pertinence de le prolonger jusqu'à l'été prochain. Ce soutien permet aux entreprises de repartir à l'export plus vite et plus nombreuses.

M. Vincent Segouin. - J'ai l'intime conviction que la production française est du même niveau que la production allemande. Or la France présente une balance commerciale très négative et très inférieure à celle de l'Allemagne. Par ailleurs, j'ai le sentiment que les entreprises françaises qui se tournent vers l'international sont tentées de s'y développer davantage qu'en France. Les coûts salariaux, les normes et de nombreux facteurs ayant conduit à la désindustrialisation de la France constituent-ils des freins à la compétitivité de demain ?

Nous notons la volonté de l'Etat d'investir pour construire la France de 2030 et pour soutenir la relance. Néanmoins, encourager les entreprises à se tourner vers l'international ne risque-t-il pas d'aggraver le déficit entre le développement des entreprises françaises en France et leur développement à l'international ? Va-t-on enfin investir de manière pérenne des moyens qui permettront aux entreprises françaises de réimplanter leur production et leurs développements en France et de vendre du patriotisme comme en Allemagne ?

M. Paul Teboul. - Le fonds d'internationalisation des PME n'a pas trouvé son marché à cause de la fermeture des frontières et les 200 millions d'euros dont il était doté dans le cadre du Programme d'Investissements d'Avenir (PIA) n'ont pas été totalement dépensés. En revanche, le fonds Build-up International de BPI France a vocation à porter ces entreprises familiales à l'international. Cette activité est donc reprise directement sur le bilan de BPI France et nous conservons la possibilité d'accompagner les PME à l'international malgré la suppression du fonds d'internationalisation des PME.

M. François Lefebvre. - Le premier investissement sur le fonds Build-up International est intervenu en octobre dernier, au bénéfice d'une entreprise alsacienne dont nous vous communiquerons le nom.

M. Paul Teboul. - Votre deuxième question porte-t-elle sur le fait qu'une entreprise qui devient exportatrice serait ensuite tentée de délocaliser une partie de sa production ?

M. Vincent Segouin. - Airbus et Peugeot par exemple ont été obligés de s'installer en Chine pour pouvoir accéder au marché chinois. Qu'en est-il pour les PME ?

M. Paul Teboul. - Nous nous appuyons sur l'idée que la croissance des exportations nécessite à la fois de développer le nombre d'exportateurs et les volumes exportés par chaque exportateur. La Team France Export a donc pour objectif d'inciter les entreprises à exporter sachant qu'à ce jour, les statistiques d'Eurostat indiquent que les PME et les TPE françaises présentent une balance courante globale déficitaire et importent donc beaucoup plus qu'elles n'exportent.

Nous agissons en accompagnant les exportateurs réguliers pour augmenter les volumes exportés et en accompagnant des entreprises non exportatrices vers l'exportation. En revanche, les PME ou les grands groupes doivent parfois, pour accéder à un certain nombre de marchés, réaliser ou transférer une partie de la production sur place parce que les acheteurs l'exigent dans leurs appels d'offres. Les entreprises françaises sont en concurrence avec d'autres groupes étrangers soumis à la même contrainte. Néanmoins, nos outils financiers prennent en compte la part de la production réalisée en France et incitent fortement les entreprises, qu'il s'agisse de grands groupes, de leurs sous-traitants ou de PME, à produire en France. Les financements sont donc orientés vers les entreprises qui produisent en France, avec un bonus aux PME.

M. Pierre Goguet. - De nombreuses entreprises reconsidèrent actuellement leur organisation internationale et la répartition de leur production dans le monde pour des raisons de propriété industrielle et de hausse des coûts de la logistique et du transport, qui ont été multipliés par dix sur certaines destinations. Même si les rapatriements seront limités, ce mouvement permettra au moins de localiser en France ou en Europe une production qui aurait pu être implantée ailleurs. En revanche, nous nous heurterons à une problématique d'approvisionnement et de ressources humaines.

Dans les chaînes antérieures, de nombreux sous-traitants de rang 1 de l'aéronautique considéraient qu'ils ne pourraient atteindre leurs objectifs de prix qu'en délocalisant leur production. Par ailleurs, de nombreux grands contrats internationaux impliquaient le transfert de toute une partie de la technologie, voire d'assurer les débouchés de l'usine livrée clé en mains. Ce modèle de contre-achat conduisait à recréer un déficit commercial imposé contractuellement. Il s'inscrit en recul actuellement mais était relativement fréquent pendant toute une période.

François Lefebvre. - Néanmoins, il existe 50 000 filiales d'entreprises françaises à l'étranger contre 35 000 pour l'Allemagne parce que les entreprises allemandes ont choisi de produire en Allemagne et d'exporter une moindre partie de la chaîne de valeur ajoutée. Par conséquent, notre travail collectif consiste à modifier les incitations pour améliorer la compétitivité et la marge des entreprises afin qu'elles aient la volonté d'investir et de produire en France, tout en visant un positionnement de gamme qui les rende indispensables pour les acheteurs. Les contrats offset ont causé des dommages à la France parce que les entreprises françaises étaient positionnées moins haut dans la gamme que les entreprises allemandes, ce qui rendait la négociation plus difficile pour elles.

Notre objectif consiste donc à créer en France une base de production qui soit compétitive et à conduire les entreprises à effectuer un choix différent de celui des vingt dernières années, c'est-à-dire à produire en France plutôt que de s'installer à l'étranger via une filiale étrangère. Parallèlement à l'attraction des investissements étrangers en France, nous devons également attirer les investissements français en France.

M. Sébastien Meurant. - Merci à tous les intervenants pour cet optimisme, qui ne se traduit pas encore dans les chiffres. En effet, la France se caractérise par un déficit commercial très élevé, du niveau de ceux de la Roumanie, de la Grèce et de l'Espagne. En outre, d'autres pays que l'Allemagne produisent des excédents, dont l'Irlande, les Pays-Bas et l'Italie. La France présente donc un écart colossal à combler. Par ailleurs, même si elle est attribuée à la crise sanitaire, la dynamique des dernières années n'est pas positive. Le décalage par rapport aux signaux provient-il du fait que ceux-ci résultent d'un calcul prenant en compte uniquement les implantations et non les fermetures ?

Il y a vingt ans, l'industrie automobile française produisait en France et irriguait les provinces en emplois. De nombreuses usines ont depuis été transférées en Allemagne parce que l'Allemagne défendait son industrie. L'industrie française a été déstabilisée, encore récemment, par des décisions étatiques, alors que le poids des dépenses publiques dans l'économie atteint un niveau beaucoup plus élevé en France que dans d'autres pays. La filière française d'excellence du diesel, dont la production s'effectuait en France, a été déstabilisée par le choix de l'électrique alors que les batteries sont importées de Chine. La question de la souveraineté est par ailleurs posée quand la France choisit de s'équiper de fusils d'assaut étrangers alors que les Allemands ont conservé un fusil d'assaut allemand.

Au-delà du patriotisme économique, certains choix politiques nuisent à la souveraineté française. La crise a montré que la France n'était pas capable de produire elle-même les masques sanitaires. En outre, nous recommençons à acheter des masques à l'étranger après avoir lancé une production française. Le fait que la dépense publique et les marchés publics atteignent en France un poids bien supérieur à celui des autres pays européens constitue peut-être un handicap pour les petites entreprises. En revanche, la dépense publique peut également être utilisée comme un levier du patriotisme économique.

Les entreprises doivent être incitées non seulement à produire mais à produire en France et à embaucher des Français. Par conséquent, travaillez-vous au renforcement du capitalisme familial, qui constitue une différence d'autant plus fondamentale entre l'Allemagne et la France que le système fédéral permet aux Länder d'être actionnaires de grandes entreprises et aux collectivités de percevoir une partie de la TVA ? En France, les collectivités locales ne sont que faiblement intéressées à la création d'usines sur leur territoire et doivent faire face à de nombreux obstacles.

M. Pierre Goguet. - Nous sommes également confrontés à une problématique de compétitivité au niveau européen, comme le montre le cas de l'industrie du panneau solaire, qui est née en Allemagne pour l'essentiel avant d'être rapidement balayée par les importations chinoises. La taxe carbone devrait néanmoins permettre de restaurer la compétitivité vis-à-vis de marchandises produites en dépit de toutes les règles environnementales et de toutes les normes qui s'imposent au sein du marché unique. D'autres industries en revanche pourraient être menacées, notamment la filière hydrogène qui se développe fortement en Chine. Nous devons prendre des actions suffisamment fortes pour atteindre la taille critique. Par conséquent, la réponse à l'enjeu de compétitivité relève en grande partie du niveau européen.

Mme Florence Blatrix Contat. - Une part importante de la différence entre la France et l'Allemagne réside dans la spécialisation. Il ne sera pas simple de remonter en gamme dans le domaine de l'automobile par exemple. Nos fleurons industriels ont par ailleurs commis des erreurs stratégiques dans le domaine du véhicule électrique par exemple puisque nous disposions avec la Zoé d'un temps d'avance que nous n'avons pas su conserver.

La France se prépare-t-elle à la relocalisation d'une partie de la chaîne de valeur, en matière notamment de compétences ?

M. Paul Teboul. - La relocalisation suppose effectivement que la France soit attractive pour les investissements internationaux, qu'ils soient portés par des entreprises internationales ou par des entreprises françaises. L'attractivité dépend notamment de la qualification de la masse salariale et du niveau des infrastructures et des équipements. Les travaux que nous menons pour l'attractivité des investissements internationaux portent également sur la relocalisation, à laquelle les entreprises sont également incitées par l'accroissement des tensions géopolitiques.

Mme Florence Blatrix Contat. - L'attractivité dépend du niveau de formation. Or différents rapports démontrent que nos élèves de lycée ont perdu un nombre considérable d'heures de mathématiques. Il s'agit d'un sujet grave, qui appelle une réaction rapide, car notre capacité à former des ingénieurs et des économistes en dépend.

M. Paul Teboul. - Nous avons conscience du caractère décisif du critère de la formation.

Concernant la participation de la France aux chaînes de valeur, en particulier dans les secteurs de l'énergie et de la défense, nous essayons, via nos outils de financement de l'export, d'attirer les investissements ou de développer la production. Nous accompagnons notamment à l'export les pales éoliennes dont la production a bénéficié d'importants investissements. Des annonces très importantes ont également été portées sur l'hydrogène. Le réchauffement climatique amènera de nombreux secteurs à faire évoluer leurs processus et à se décarboner. Par conséquent, nos outils de soutien à l'export visent à accompagner l'émergence de ces nouvelles productions en France. Dans le domaine de la défense, nous sommes très actifs pour soutenir la production en France et les exportations.

M. Henri Baïssas, directeur général adjoint de Business France. - La France est devenue depuis deux ans le premier pays récipiendaire des investissements étrangers, et notamment des investissements industriels. En effet, alors que nous sommes talonnés par les Anglais sur la globalité des investissements étrangers, la France est incontestablement le premier pays en matière d'investissements étrangers industriels. Cette situation peut néanmoins être perçue comme révélatrice de lacunes quant aux investissements français.

Les exports relèvent d'un double temps long. Le premier temps long est lié à la prise de conscience du besoin de réindustrialisation et de relocalisation d'une partie de la chaîne de valeur, qui nécessite l'infusion massive de capitaux et de plans stratégiques qui produiront leurs effets sur le long terme. Le deuxième temps long sur lequel nous agissons est celui du ressort psychologique et culturel. En effet, de nombreux entrepreneurs sont satisfaits de leur performance sur le marché français et n'ont pas l'ambition de l'international, qui est plutôt perçu comme une contrainte car il suppose d'adapter la chaîne de production. Il convient donc de transformer les mentalités pour développer l'idée que la France n'est qu'un marché dans le monde. Cette ambition et ce ressort psychologique constituent l'ADN de la Team France Export, qui intervient aux côtés des entrepreneurs, avec les chambres de commerce et BPI France, pour leur permettre de passer un cap. Or ce changement culturel s'inscrit également sur le long terme. Il dépend de l'instauration d'une relation de confiance et dans certains cas, ne se produit qu'au changement de génération des dirigeants d'entreprise.

M. Serge Babary. - Quels sont les freins qui remontent du terrain vis-à-vis de la concurrence locale ? Quels sont les éléments qui plaident en faveur des entreprises françaises ?

M. Vincent Segouin. - Les entreprises que j'ai rencontrées, notamment dans le domaine du textile, m'ont expliqué qu'elles parvenaient à être compétitives en automatisant intégralement leur production. Ce constat est-il général ?

M. Renaud Bentégeat. - L'image de marque des entreprises françaises à l'étranger constitue un frein important. Nous devons notamment montrer que les entreprises automobiles françaises sont capables de produire des véhicules haut de gamme, et porter des images de marque positive. Il existe un cliché du Français qui se tourne vers l'export sans rien connaître, qui débarque dans un monde complètement étranger et qui accumule les bêtises. Les chambres et les autorités françaises ont donc un rôle important à jouer pour valoriser ce qui se fait en France. L'image de la France vis-à-vis des décideurs publics des autres Etats est aussi importante que son image vis-à-vis des investisseurs étrangers. Elle est essentielle pour aider à l'implantation et au développement des entreprises françaises. Au-delà de l'image de marque des entrepreneurs et de leur comportement, l'enjeu est d'en finir avec le french bashing qui pèse trop souvent sur nos produits.

Nous devons également améliorer la formation de nos dirigeants d'entreprise aux langues étrangères et à la compréhension du contexte des pays dans lesquels ils se rendent. Les chambres et les conseillers du commerce extérieur de la France peuvent y contribuer.

M. François Lefebvre. - Nous nous préparons à la relocalisation en mettant en place des accélérateurs de filière pour reprendre la chaîne de valeur ajoutée, en réalisant les appels à projets de la relocalisation avec la Direction Générale des Entreprises et en délivrant des messages positifs aux entreprises pour insuffler un état d'esprit collectif optimiste.

Le Gouvernement a mis en place une série de mesures pour améliorer la base de coûts. Il appartient ensuite à l'entreprise de définir la chaîne de production qui lui permet d'optimiser ses coûts. Les filières exportatrices telles que la filière aéronautique et la filière pharmaceutique emploient encore un nombre élevé de salariés. Il n'existe pas de stratégie industrielle commune à tous les secteurs. L'analyse de la Direction du Trésor sur les 5 000 produits à réindustrialiser donne probablement une vision plus précise, secteur par secteur, des productions qui dépendent d'une chaîne automatisée ou d'une chaîne plus intensive en capital.

M. Paul Teboul. - Nous vous apporterons des précisions dans nos réponses au questionnaire. Le niveau de robotisation de la France est plus faible que celui de l'Italie ou de l'Allemagne.

Mme Marie-Christine Chauvin. - Merci pour vos propos introductifs très optimistes, légèrement modérés par les différentes questions. Nous devons être positifs, tout en restant réalistes.

Nous devons effectivement cultiver la qualité de la filière automobile française à l'international, qui constitue par ailleurs le débouché de différents modèles. Nous n'exportons pas que des modèles haut de gamme et devons offrir une gamme complète. Par ailleurs, la filière automobile dans son ensemble nécessite d'être soutenue car de nombreuses usines sous-traitantes se trouvent en souffrance actuellement.

La non-pratique de l'anglais me paraît être un frein basique en matière de compétitivité, particulièrement présent au sein des petites entreprises. Comment vos différentes structures peuvent-elles agir dans ce domaine ?

M. Pierre Goguet. - Parmi les actions de relance de l'export, les Chèques Relance peuvent être affectés à la formation. Ce dispositif récent est en cours de déploiement, l'objectif étant d'accroître la formation sur les différents process de l'export. Par ailleurs, les chambres accompagnent depuis longtemps les entreprises au travers de leurs Centres d'Etude de Langues et disposent d'outils digitaux très efficaces. La réussite de la formation nécessite néanmoins que le chef d'entreprise y consacre un temps régulier.

M. François Lefebvre. - Le sujet de la formation renvoie à d'autres autorités que BPI France. A la demande du Gouvernement, nous mettons en oeuvre le volontariat territorial en entreprise, qui constitue le pendant du volontariat international en entreprise. Les 1 300 volontaires territoriaux sont placés auprès des dirigeants d'entreprise pour les épauler dans leur démarche de développement à l'étranger. Les accélérateurs internationaux comportent par ailleurs un volet de partage des bonnes pratiques.

M. Michel Canévet. - S'agissant des signes positifs en matière de développement des exportations et de réduction du déséquilibre de la balance commerciale, les résultats de la filière aéronautique et spatiale ne masquent-ils pas la persistance de difficultés dans les autres secteurs ? Par ailleurs, le développement significatif de l'aide de la France aux pays en voie de développement n'est-il pas porteur d'opportunités pour nos entreprises et des actions sont-elles prises pour leur permettre d'en bénéficier ?

M. Paul Teboul. - L'année 2020 a été marquée par un repli de nos exportations plus marqué que pour nos voisins en raison de notre spécialisation à l'export dans deux secteurs très impactés par la crise, à savoir l'aéronautique et le tourisme. Les résultats de 2020 se comparent donc difficilement aux bons résultats de 2019.

La Direction Générale du Trésor et l'Agence française de développement s'efforcent en effet de davantage embarquer les entreprises françaises dans l'aide au développement des pays en voie de développement. Pour ce faire, elles échangent en amont avec les entreprises sur les opportunités de financement et s'assurent en aval qu'elles se positionnent sur les appels d'offres financés par l'aide au développement.

Les financements de l'aide au développement, contrairement aux financements à l'export, sont non liés. Par conséquent, les pays bénéficiaires doivent organiser des appels d'offres et sélectionner les fournisseurs qui leur conviennent. L'AFD mène néanmoins un travail régulier avec les exportateurs pour spécialiser les financements sur des secteurs porteurs, dans des zones géographiques porteuses et sur lesquelles les entreprises françaises sont potentiellement compétitives. Grâce à ces mesures, nous constatons une hausse de la progression de la participation des entreprises françaises aux appels d'offres de l'AFD et de leurs résultats.

M. Pierre Goguet. - Cette évolution est importante car alors que certains pays tels que la Chine orientent l'intégralité de leur aide au développement vers leurs propres entreprises, la France finançait parfois des entreprises concurrentes des siennes en procédant à des appels d'offres.

M. Serge Babary, président. - Merci pour vos interventions. La réponse écrite au questionnaire sera précieuse pour le travail de nos rapporteurs. Nous resterons mobilisés sur ce sujet qui nous passionne et qui est important pour l'économie de notre pays.

Adoption du rapport conjoint avec la Délégation aux collectivités territoriales sur la cybersécurité des collectivités territoriales

M. Serge Babary. - Nous avons tenu une réunion sur ce thème. Un rapport suite à cette table ronde a été édité. Nous y avons travaillé avec la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales.

Le rapport conjoint avec la Délégation aux collectivités territoriales sur la cybersécurité des collectivités territoriales est approuvé à l'unanimité.

Questions diverses

M. Serge Babary. - Un déplacement est prévu dans l'Orne avec départ le mercredi 8 décembre en fin d'après-midi et travail sur le terrain le jeudi 9 décembre. N'hésitez pas à vous inscrire.

Par ailleurs, je vous propose de tenir une réunion de travail de fin de session le mercredi 15 décembre à 8h30, qui sera suivie d'un déplacement de 11h au 13h au salon Impact PME organisé par la CPME, avec laquelle nous avons de très bonnes relations. Enfin, nous envisagerons la mise en place d'un groupe de travail sur la transmission d'entreprise.

La réunion est close à 11 h 50.