2ème JOURNÉE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER - Destination monde



Sénat - 1er mars 2008
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2ème journée des Français de l'étranger

Destination monde

Paris - Palais du Luxembourg

Samedi 1 er mars 2008

L'article 24 de la Constitution confie au Sénat la représentation parlementaire des Français établis hors de France. 1 ( * )

C'est à ce titre qu'il leur a consacré une deuxième journée entière de débats et de rencontres le 1er mars 2008 au Palais du Luxembourg, autour du thème Destination : Monde .

Comme celle organisée en mars 2006, cette journée « portes ouvertes », organisée à l'initiative du Président du Sénat, visait à adresser aux Français du monde un message de considération et de soutien, et à réunir les acteurs de la présence et de l'influence françaises à l'étranger pour échanger, débattre et aller à la rencontre du public.

La nouveauté en 2008 fut le lancement des Trophées Sénat de la présence française à l'étranger destinés à récompenser six Français exemplaires ayant contribué à porter haut les couleurs de la France à l'étranger.

La présence française à l'étranger et le rayonnement de la France dans le monde ont été abordés à travers quatre tables rondes dont le présent recueil rend compte.

I. LES ACTES

Allocution d'ouverture de M. Christian Poncelet,
Président du Sénat

Allocution d'ouverture
de M. Christian PONCELET, Président du Sénat 2 ( * )

Mesdames et Messieurs les Sénateurs représentant les Français établis hors de France,

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Mesdames et Messieurs les Conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

C'est pour mes collègues et pour moi-même une grande joie de vous accueillir aujourd'hui dans les Salons de Boffrand de la Présidence du Sénat à l'occasion de la « deuxième Journée des Français de l'Étranger ».

Je suis tout particulièrement heureux de vous y souhaiter, à toutes et à tous, la plus cordiale et la plus chaleureuse bienvenue.

J'avais souhaité dès 2004 l'organisation au Sénat d'une « journée des Français de l'étranger ». La première journée, le 4 mars 2006, avait été -beaucoup d'entre vous s'en souviennent- un réel succès. Plusieurs milliers de visiteurs avaient participé à cette journée dont le thème « Français de l'étranger, une chance pour la France » marquait clairement notre reconnaissance à l'égard de nos compatriotes expatriés.

Ministres, sénateurs, élus de l'Assemblée des Français de l'étranger, personnalités diverses, acteurs institutionnels et associatifs, témoins venus de cinq continents, exposants, artistes et visiteurs avaient déjà pu dialoguer et échanger sur l'expérience exaltante, mais non dépourvue de risques, de l'expatriation.

C'est pourquoi il m'a semblé utile de renouveler cette manifestation et, naturellement, de l'organiser à nouveau au Sénat qui est constitutionnellement, je tiens à le rappeler, l'instance suprême de représentation des Français établis hors de France. « Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat », dit précisément l'article 24 de la Constitution.

Cette seconde journée, organisée sous le thème « Destination : monde », en association avec l'Assemblée des Français de l'étranger et avec le ministère des Affaires étrangères, se veut aussi utile, pratique et concrète que possible, avec notamment des tables rondes directement centrées sur les préoccupations d'un Français expatrié ou envisageant une expatriation, un forum « Embarquez pour le monde », une bourse des opportunités à l'étranger et un espace librairie.

Pour mieux mettre à l'honneur les Français établis hors de France et pour la première fois, six « trophées de la présence française à l'étranger » seront également remis cet après-midi, dans l'Hémicycle du Sénat, aux lauréats choisis parmi plus de 350 candidats.

Je serai alors entouré de mes collègues sénateurs - et tout particulièrement des 12 sénateurs représentant les Français de l'étranger - et des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, dont je tiens à souligner, à cet instant, l'action résolue et efficace au service de nos compatriotes expatriés.

Chers amis,

Laissez-moi vous dire, pour conclure, que j'éprouve à titre personnel une affection toute spéciale pour les quelque deux millions de Français qui ont fait, un jour, le choix de vivre à l'étranger, le choix de l'ouverture sur les autres et parfois du « grand large », au prix toujours méritoire de l'arrachement aux habitudes.

Le Sénat ne les oublie pas et restera -soyez-en assurés- leur plus solide point d'ancrage dans les institutions de la République et un porte-parole déterminé auprès de l'ensemble des pouvoirs publics.

Une fois encore, bienvenue au Sénat !

Un grand merci à tous nos partenaires et parrains !

Et bonne journée à tous !

TABLE RONDE N°1

FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER, VOTRE SORT NOUS INTÉRESSE

Cette table ronde poursuit un double objectif : tenter d'appréhender les contours très disparates d'une communauté en augmentation - les Français à l'étranger - d'une part, et essayer de répondre aux questions que se posent les expatriés et les candidats au départ d'autre part.

Les Français de l'étranger constituent en effet un agrégat de parcours très contrastés et de personnalités diverses : bi-nationaux, fonctionnaires, cadres expatriés d'entreprises, étudiants, artistes, entrepreneurs, commerçants, médecins, etc. A côté de ceux qui réussissent (dont certains seront distingués au cours de la journée), une minorité d'entre eux vit dans un relatif dénuement. En outre, le nombre de Français résidant hors de France s'est fortement accru dans les dernières années. Qui sont-ils ? Comment et pourquoi les recense-t-on ? Quelles méthodes les pays occidentaux utilisent-ils pour tenir la comptabilité de leurs diasporas ?

Une fois à l'étranger, comment les expatriés gardent-ils le contact avec la France ? Quelles démarches doivent-ils accomplir ? De quelle couverture sociale bénéficient-ils ? Quelle éducation pour leurs enfants ? Quel accompagnement pour les conjoints ? Que faire en cas de crise politique ou climatique ? Comment préparer son retour ? Autant de questions auxquelles cette table ronde tentera de répondre.

Table ronde animée par Hélène da COSTA , journaliste à RFI

Première partie :
Quels services publics pour les Français de l'étranger ?

Avec :

Alain CATTA , directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France (DFAE)

Gérard PELISSON , co-fondateur du groupe ACCOR, président de l'Union des Français de l'étranger (UFE)

Mathilde LAMOUREUX , administrateur de l'INSEE

François NICOULLAUD , ancien ambassadeur, président de Français du Monde - Association démocratique des Français de l'étranger, membre de l'Assemblée des Français de l'étranger

Ramon CASAMITJANA , président du Comité d'entraide aux Français rapatriés

Marie-Hélène GARDIES , directrice adjointe de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux (Direction Générale des Impôts - Ministère de l'économie et des finances)

Hélène da COSTA

Bienvenue à tous. Notre table ronde va se dérouler en deux phases, avec des intervenants différents sur deux sujets successifs bien distincts : celui du service public au service des Français à l'étranger, puis celui de l'assurance, de la protection sociale et du rapatriement. Cette dernière partie sera très pratique, nous tâcherons de répondre à des questions très concrètes comme : que faut-il faire avant de partir, à quelle fiscalité sont soumis les expatriés, quelles assurances prendre, etc.

Pour ouvrir cette première phase, Mme Mathilde LAMOUREUX, pouvez-vous nous dire qui sont les Français vivant à l'étranger ? Quelles sont leurs destinations de prédilection et est-ce que ces dernières évoluent ?

Mathilde LAMOUREUX, administrateur de l'INSEE

Les statistiques sur les populations françaises à l'étranger posent un problème de nature conceptuelle. Nous choisissons de suivre les personnes ayant maintenu un lien avec la France, c'est-à-dire les Français qui déclarent leur nationalité française dans les enquêtes de recensement. Cette population est, par définition, complexe à recenser car très dispersée et très diluée. Présents dans plus de 160 pays, les Français sont en effet très minoritaires dans la population locale. Le Luxembourg est le pays qui compte la plus forte proportion de Français dans sa population avec 4,8 % contre 0,1 % pour l'Allemagne.

Notre seule source d'information systématique constitue le registre mondial des Français établis hors de France. L'inscription à ce registre est fortement conseillée mais pas obligatoire. Nous savons que, dans les pays où le risque sécuritaire est faible (Europe, Amérique du Nord), le taux d'inscription dans les consulats est moins élevé. Il se situe entre 60 et 70 % alors que, dans les autres pays, il est de l'ordre de 90 %. La nouvelle application mise en oeuvre dans les consulats cette année alimente désormais un répertoire mondial permettant d'éviter les doublons. Notre fonctionnement gagne ainsi en efficience et nous obtenons des données plus riches sur les Français résidant à l'étranger.

Le nombre de Français de l'étranger est en forte augmentation ces dernières années, de l'ordre de 3 à 4 % par an. Il s'établit à 1,326 million au 31 décembre 2007. Leur présence a cru dans toutes les régions au cours des dix dernières années, mais surtout en Europe de l'Est, en Afrique du Nord, en Asie, au Proche et au Moyen-Orient.

Leur répartition est très inégale. En effet, 20 pays regroupent les trois quarts de la population française établie hors de France. Les 4 premiers d'entre eux enregistrent plus de 100 000 Français chacun. Les sept premiers en accueillent la moitié. Près de la moitié des Français de l'étranger résident en Europe occidentale. Ensuite, viennent l'Amérique du Nord (13 %), le Proche et le Moyen-Orient (8%) et l'Afrique francophone. La part de l'Afrique, qui était de 25 % il y a quinze ans, se situe aujourd'hui autour de 15 %.

Nous avons effectué des enquêtes sur le fondement de sources statistiques locales, comme les recensements locaux. D'après ces chiffres, la Belgique serait le premier pays à accueillir des Français, avec environ 190 000 personnes. Ensuite, viennent la Suisse, l'Allemagne et le Royaume-Uni où vivent environ 150 000 personnes. A l'intérieur de cette population, le nombre de personnes possédant une double nationalité est très élevé. Les double-nationaux représentent en effet près de la moitié des Français établis hors de France. Ce ratio varie fortement d'un pays à l'autre. Au Proche et au Moyen-Orient, il atteint 80 %, contre 23 % en Asie ou en Océanie. Évidemment, cette part est très dépendante de la législation sur la nationalité. En Suisse et en Italie, le pourcentage de Français à avoir la double nationalité est de 60 % contre 35 % en Allemagne où il reste très difficile d'obtenir la nationalité allemande.

Hélène da COSTA

Pouvez-vous nous dire combien de Français vivent à l'étranger ? Ce chiffre soulève des contestations...

Hélène LAMOUREUX

Selon le registre mondial des Français établis hors de France, leur nombre s'établit à un peu plus de 1,3 million. Mais, d'après les études réalisées dans les plus grands pays d'accueil, il se situerait entre 1,85 million et 2 millions.

Les données du registre sont sociodémographiques. Pour mieux cerner la population des Français résidant à l'étranger, et notamment les raisons qui poussent les Français à s'expatrier, le ministère des Affaires étrangères a lancé l'an dernier une enquête par le biais d'un questionnaire mis en ligne sur le site de la Maison des Français de l'étranger. Plus de 2 500 personnes y ont répondu. Cette enquête sera reconduite un peu plus tôt cette année. Ainsi, pourrons-nous peut-être améliorer la qualité des services rendus aux Français de l'étranger.

Hélène da COSTA

M. Alain Catta, vos services ont justement entrepris un grand travail de statistiques. Quelles conclusions en avez-vous tiré ? Quelles conséquences cela peut-il avoir sur votre administration ? Pouvez-vous nous décrire le profil type de Monsieur ou Madame le Consul ?

Alain CATTA, directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France (DFAE)

Les missions d'un consul sont extraordinairement diverses, un peu comme celles d'un préfet à qui on prête plus de 2 000 compétences. Dans leur exercice concret, elles diffèrent beaucoup d'un État et d'une région à l'autre. Cependant, nous pouvons les rassembler sous trois vocables. Où qu'il soit, un consul remplit trois grandes missions : une mission d'accueil, une mission d'accompagnement et une mission d'animation. L'action consulaire s'insère par ailleurs dans un dispositif étatique global.

Contrairement aux idées reçues, l'accueil n'est pas une mission aisée. Elle dépend beaucoup de la personnalité de celui qui l'exerce. Évidemment, pour un consul, la proximité et le sens de l'humain sont une première qualité. Cependant, celui-ci ne peut pas jouer son rôle vis-à-vis de l'administré de façon uniforme et indépendamment du pays dans lequel il se trouve. Les différences portent notamment sur la nature des attentes des Français. Accueillir un Français en Allemagne ou en Belgique signifie lui assurer un minimum de la protection consulaire qu'il est en droit d'attendre dans un pays de l'Union européenne. Dans un pays en développement, les questions de sécurité sont d'une extrême importance et la préoccupation des Français consiste à connaître l'environnement auquel ils doivent s'adapter.

La mission d'accompagnement nécessite une attention profonde aux attentes des communautés françaises à l'étranger. Il s'agit d'aider les individus ou les entreprises à mener à bien la mission qu'ils sont venus accomplir dans le pays ou d'accomplir leur vocation.

Enfin, s'agissant de l'animation, un consulat s'intègre dans un ensemble de services administratifs disparates qu'il s'agit d'animer sans avoir d'autorité sur ces services au même titre que l'ambassadeur. Le consul doit donc convaincre les autres responsables des services extérieurs de l'État - le conseiller économique, le conseiller d'expansion, l'attaché culturel ou le directeur de l'institut culturel, etc. - d'agir dans le sens du rayonnement de la France et de l'unité de l'action de l'État.

Hélène da COSTA

Le réseau de consulats français est réputé pour être exceptionnel. Combien de consulats existe-t-il aujourd'hui ? Sont-ils en augmentation ou en diminution ?

Alain CATTA

Effectivement, notre réseau dépasse légèrement, en importance, celui des États-unis. Nous disposons de 228 postes consulaires à l'étranger, dont 96 consulats généraux. D'une moindre importance hiérarchique, les chancelleries détachées et les antennes consulaires d'ambassade offrent des services identiques. Il s'agit d'un réseau vivant, comme celui des ambassades ou des administrations déconcentrées de l'État en France. Des ouvertures et des fermetures ont lieu, en fonction de l'évolution des communautés françaises à l'étranger : nous ouvrons ainsi des consulats à Ekaterimbourg en Russie, à Chengdu et Shenyang en Chine, à Bengalore et à Calcutta en Inde. Quand nous fermons, il ne s'agit pas de créer un vide dans le dispositif, mais de tirer les conséquences des évolutions de la modernité et notamment de l'administration télématique. Le service de proximité que souhaite délivrer l'administration consulaire peut en effet être assuré par voie informatique.

Hélène da COSTA

La proximité implique une relation avec le consulat, mais également l'appartenance à une association de Français à l'étranger. M. Gérard Pélisson, vous présidez l'Union des Français de l'étranger, quel est le rôle d'une association comme la vôtre ?

Gérard PELISSON, co-fondateur du groupe ACCOR, président de l'Union des Français de l'étranger (UFE)

L'Union des Français de l'étranger (UFE) a été crée en 1927 afin de maintenir des liens étroits entre les Français de l'étranger et la France, tout en défendant leurs intérêts matériels et moraux, sans exclusive d'appartenance ou de conviction. Après la guerre de 1914, les veuves des expatriés morts pour la France n'étaient pas reconnues comme veuves de guerre et leurs enfants n'étaient pas reconnus comme pupilles de la Nation, titre qui conférait des avantages évidents. Devant ce scandale, un Français résidant à Genève a décidé de créer l'UFE. L'association a ainsi commencé son action pour défendre la cause des Français de l'étranger. Il s'agissait de leur seul lien institutionnel avec les pouvoirs publics. Tous les passeports français comportaient à l'époque la mention : « les Français désireux de se fixer à l'étranger peuvent se mettre en rapport avec le centre d'information de l'UFE ». C'est également en 1927 que fut éditée pour la première fois « La Voix de France » qui reste notre magazine de liaison. En 1936, l'UFE a été reconnue d'utilité publique par le gouvernement de Léon Blum.

Après la guerre, de nouveaux liens institutionnels ont été créés : la représentation sénatoriale puis la création du Conseil Supérieur des Français de l'étranger (devenu l'Assemblée des Français de l'étranger). Plus récemment, de nombreuses autres associations ont vu le jour : l'ADFE, les accueils, le réseau des conseillers du commerce extérieur. Chacune d'elles joue son rôle, en relation avec les représentants de l'Etat, les ambassades et les consulats. J'ai la faiblesse de penser que, forte de son histoire, l'UFE, qui a été présidée par des personnalités prestigieuses comme Maurice Schumann et Louis Joxe, a joué et joue un rôle privilégié. Elle participe aux comités consulaires concernant les bourses, l'emploi, l'aide sociale et la sécurité. Elle est reconnue par les instances politiques et les pouvoirs publics, auprès desquels elle essaie de faire avancer la cause des Français de l'étranger.

Au sein de ses 163 représentations dans le monde, l'UFE contribue à la vie sociale et à l'entraide. Elle apporte également, avec son siège parisien, une aide précieuse et permanente à ses adhérents : inscription dans les écoles, prise de rendez-vous médicaux, lettres de retour en France, conseils immobiliers ou fiscaux, etc. A travers ses lettres hebdomadaires et mensuelles, l'UFE informe ses compatriotes de toutes les questions pratiques concernant la vie à l'étranger. Elle participe à la vie associative et culturelle, et entretient des liens de solidarité avec la communauté des Français. Notre slogan en témoigne : « Avec l'UFE, aucun Français n'est seul à l'étranger . »

La France est le pays au monde qui fait le plus pour ses expatriés aussi bien dans le domaine de la représentation politique et de l'enseignement, qu'en matière sociale et culturelle. Aujourd'hui, l'engagement du Président de la République va encore plus loin, en proposant la gratuité, à terme, de la scolarité des enfants d'expatriés. Il envisage également la création de postes de députés. L'UFE reste et restera un acteur essentiel dans la défense des intérêts de nos résidents à l'étranger.

Hélène da COSTA

Le lien avec la France passe aussi par la fiscalité. Marie-Hélène Gardies, vous êtes directrice adjointe de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux située à Noisy le Grand, quelles formalités fiscales faut-il acquitter avant de partir ?

Marie-Hélène GARDIES, directrice adjointe de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux (ministère de l'économie et des finances)

Il convient, de distinguer deux cas. Le premier concerne l'expatrié qui laisse son conjoint et ses enfants en France. Dans ce cas, sur le plan fiscal, rien ne change : son centre des impôts demeure identique. Cependant, l'expatrié percevant des revenus de source étrangère doit utiliser un imprimé spécifique (2047) pour les déclarer. Il le joint à sa déclaration classique (2042) sur laquelle son conjoint porte ses propres revenus et les charges déductibles. L'expatrié a intérêt à inscrire des renseignements sur les suppléments de salaire qu'il perçoit. Cela n'a pas d'incidence sur le calcul de l'impôt sur le revenu, mais sur la taxe d'habitation.

Le second cas de figure concerne l'expatrié qui part, accompagné de sa famille. Durant l'année du départ, la situation se complique un peu sur le plan fiscal puisque deux déclarations de revenus doivent être rédigées. La première doit comporter les revenus, depuis le 1 er janvier jusqu'à la date de départ et la seconde, intitulée 2042 non-résident, les revenus depuis le départ jusqu'au 31 décembre. Cette déclaration (2042 NR) se trouve sur le site www.impots.gouv.fr .

Par ailleurs, il est vivement conseillé avant tout départ à l'étranger de joindre sa banque. En effet, il existe une incompatibilité entre la résidence à l'étranger et certains types de placements (PEA et CODEVI). Enfin, en matière de revenus des capitaux mobiliers, il est nécessaire d'indiquer le départ à la banque, car elle fait bénéficier le futur expatrié de la procédure de prélèvement libératoire.

L'année suivant leur départ, les expatriés dépendent du centre des impôts des non-résidents, basé à Noisy-le-Grand, et déclarent uniquement leurs revenus de source française. Je recommande d'utiliser Internet, qui permet aux expatriés de consulter leurs comptes, de suivre leur situation fiscale et de télé déclarer. A l'heure actuelle, 34 000 contribuables résidant à l'étranger ont déjà eu recours à la télé déclaration. Depuis deux ans, le recours à la télé déclaration augmente fortement.

Dernier point, certains revenus de source française, du fait des conventions fiscales passées entre pays, peuvent être imposables dans le pays de résidence. Les revenus de source française sont soumis à des retenues à la source. Si le contribuable était déjà soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune, il continue à déposer sa déclaration. Parallèlement, s'il était propriétaire d'un appartement loué, il continue à payer sa taxe foncière dans les conditions habituelles.

Enfin, l'année du retour en France, l'expatrié doit envoyer sa déclaration au centre des impôts des non-résidents en précisant qu'il rentre en France, comportant le changement d'adresse. L'administration se charge ensuite d'effectuer les formalités et de transférer le dossier au nouveau centre d'impôts de rattachement.

Le centre des impôts des non-résidents répond de 9h à 16h pour toutes demandes de renseignements. Il répond aussi sous 48h aux courriers électroniques.

Hélène da COSTA

Si vivre à l'étranger peut être source de joie et de réussite, les Français de l'étranger peuvent aussi être confrontés à des situations de dénuement et à de graves crises. Quels sont les recours dans ces circonstances ? Une indemnisation est-elle prévue en cas de pertes ?

François NICOULLAUD , ancien Ambassadeur, président de l'Association démocratique des Français de l'étranger - Français du Monde

Comme l'UFE, l'Association démocratique des Français de l'étranger (ADFE) s'applique à défendre les intérêts moraux et matériels des Français de l'étranger. A la différence de l'UFE cependant, l'ADFE est attachée à la défense d'idéaux : nous sensibilisons nos membres à tous les problèmes de droits de l'homme, d'environnement, d'aide au développement et d'action culturelle.

Les perspectives d'indemnisation des Français de l'étranger, en cas de catastrophe politique ou naturelle, sont actuellement au coeur de nos préoccupations. En France, depuis les années 1980, s'est développé un tissu de dispositifs d'indemnisation qui couvre presque tous les cas de figure (y compris des accidents causés par des personnes non assurées) et financé par des prélèvements sur les contrats d'assurance. Les Français de l'étranger, en revanche, ne sont indemnisés que dans un seul cas : les actes de terrorisme, et ce depuis la loi de 1986 faisant suite aux attentats de la même année. Mais les victimes des événements de Côte d'Ivoire ou du Liban, qui en quelques heures ont perdu les biens accumulés le long de toute une vie, ne bénéficient d'aucun processus d'indemnisation. Il y a là une véritable béance.

Lors de la dernière campagne présidentielle, les deux principaux candidats se sont penchés sur ce problème. M. Nicolas Sarkozy a déclaré qu'il était prêt à étudier un dispositif fondé sur l'assurance. Je crains toutefois qu'un tel dispositif ne réponde pas aux besoins. En effet, il est impensable de demander à des Français, habitant en Suisse, de cotiser pour les risques encourus par les Français d'Afrique subsaharienne ou d'ailleurs. Il est donc urgent de retravailler sur un dispositif de mobilisation de la solidarité nationale, comme sur le territoire français. Il s'agit de moyens minimes, car ces phénomènes sont marginaux. Je pense que la communauté nationale a un devoir à l'égard des Français de l'étranger.

Hélène da COSTA

Nos compatriotes sont parfois rapatriés dans des conditions dramatiques. M. Ramon Casamitjana, le comité d'entraide aux Français rapatriés que vous présidez a accueilli, à Roissy, 2 233 rapatriés de Côte d'Ivoire en 2004, 1 891 du Liban en 2006, et 1 020 du Tchad, cette année. Pouvez-vous nous expliquer, concrètement, ce que vous proposez aux Français dans le dénuement quand ils arrivent à Roissy ?

Ramon CASAMITJANA, président du Comté d'entraide aux Français rapatriés

Le Centre d'entraide aux Français rapatriés (CEFR) n'intervient pas que dans des circonstances dramatiques. Il a été créé en 1940 par le Ministère des Affaires étrangères pour s'occuper des Français en difficulté dans l'Europe orientale pour effets de guerre. Il a poursuivi son action auprès des Français dans l'indigence par la suite. Méconnu, le CEFR apporte son concours aux personnes en situation d'indigence économique, du fait du contexte politique, économique et social de leur pays d'accueil. Les citoyens français peuvent être rapatriés soit par le biais consulaire, soit par leurs propres moyens. Quand ils nous sollicitent, notre rôle consiste à les réintégrer dans la société française, en les aidant, notamment, à retrouver un logement et un emploi. Nous exerçons cette mission à travers un réseau d'une vingtaine d'établissements, comprenant les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), et des établissements pour personnes âgées. Nous devons être très réactifs, car nous accueillons à Roissy, et dans l'urgence, de nombreuses personnes. A cet égard, j'aimerais faire comprendre à ceux qui nous sollicitent que la solidarité nationale ne peut s'exercer qu'au profit des personnes ayant réellement des difficultés.

Quand je suis devenu Président du CEFR, il y a dix ans, la majorité des Français rapatriés sollicitant notre soutien avaient conservé toutes leurs capacités physiques et intellectuelles et étaient capables de rebondir. Nous étions alors capables de les réinsérer rapidement. Aujourd'hui, de plus en plus de personnes, notamment des couples binationaux, arrivent, dans des situations d'indigence économique, sociale, mentale et physique.

Par ailleurs, du fait de la crise sociale, et notamment de la crise du logement et des budgets sociaux, nous avons des difficultés à trouver des logements et des emplois. Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale qui ont vocation à être des solutions temporaires ont tendance à devenir des logements durables.

Enfin, les lois de décentralisation ne tiennent absolument pas compte des problèmes des Français de l'étranger. Quand nous souhaitons construire un équipement collectif (maison de retraite, logements) dans une collectivité territoriale, les élus nous répondent qu'ils s'occupent en priorité de leurs administrés et nous renvoient vers l'Etat. Par ailleurs, selon un arrêté de 1987, précisant les conditions d'accès aux logements HLM, le demandeur doit fournir l'avis d'imposition de l'année N-2 - ce qu'un Français de l'étranger rapatrié est évidemment dans l'impossibilité de fournir. Une circulaire suffirait à rectifier ce paradoxe. Or, malgré les interventions de nos élus auprès de Mme la Ministre du Logement, le problème reste non résolu à ce jour.

Hélène da COSTA

Merci d'avoir donné un côté humain à ces drames que nous voyons dans l'actualité. Le moment est venu de donner la parole à la salle. Avez-vous des questions ?

Mme VIQUI

Vu le montant actuel de ma retraite (1.000 euros) et de mon loyer à Cergy - j'ai une fille étudiante à charge - et ne touchant aucune aide sociale, j'envisage de partir soit au Maroc, soit en Thaïlande, en me disant que grâce au taux de change, je pourrai vivre normalement. Est-il vrai qu'il faut rester vivre au moins trois mois par an en France pour

Claude DAWIDOVIWZ, conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger (circonscription de Tel-Aviv)

Je voudrais rappeler que la population âgée n'a pas toujours accès à Internet. Par conséquent, pourront-elles continuer à envoyer leurs déclarations fiscales par voie postale ?

Marc VILLARD, conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger (circonscription de Bangkok)

Du fait des délais postaux, les avis d'imposition arrivent parfois après la date limite de déclaration, ce qui engendre des pénalités de retard de 10% pour les administrés. Des exonérations sont-elles envisagées pour ces cas particuliers ?

Marie-Hélène GARDIES, directrice adjointe de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux

Une personne qui vit trois mois par an en France reste domiciliée fiscalement en France ; pour être considéré comme un résident fiscal à l'étranger, il faut habiter au moins 180 jours à l'étranger. S'agissant des difficultés que rencontrent les personnes âgées pour recourir à Internet, elles continuent à recevoir leurs déclarations pré imprimées par la Poste. Si elles ont besoin d'appuis particuliers, je leur recommande de recourir aux services téléphoniques de la direction des résidents à l'étranger que j'ai indiqués tout à l'heure. Il est vrai que, parfois, les déclarations arrivent en retard à l'étranger, en raison de délais postaux très difficiles à maîtriser, malgré les protocoles d'accord avec les services postaux étrangers. Dans ce cas, il suffit que les contribuables envoient une lettre ou un courriel explicatif et leur cas sera examiné avec bienveillance.

Alain CATTA, directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France

Un départ à l'étranger est une décision importante dont il convient d'examiner toutes les conditions, notamment au regard de l'emploi, du logement et des conditions d'intégration dans le tissu social local. La façon dont vous avez présenté votre projet m'incite à penser que vous prenez un risque maximal. On ne va pas s'installer en Thaïlande comme on part en vacances à Phuket. Ceci est vrai partout, même en Europe. Certes, la France n'est pas un pays de cocagne mais pour connaître les systèmes sociaux à l'étranger, nous savons que les conditions de vie, en cas de problème, peuvent être très difficiles. Naturellement, le réseau consulaire est là pour aider les citoyens français en situation délicate. Mais il est préférable de prendre ses précautions avant de partir.

Mme Viqui percevra sa retraite, puisque le droit est acquis, mais elle n'aura pas accès à d'autres prestations.

Mme VIQUI

Je touche 1 000 euros de retraite par mois, après avoir travaillé 20 ans à EDF, 5 ans à la préfecture de Paris, et 3 ans dans le secteur privé. Mon seul souhait est de trouver un endroit où je puisse vivre sans être à la charge de mes enfants.

Deuxième partie : Quelle protection, quelles assurances ?

Participants :

Jean-Pierre CANTEGRIT , sénateur représentant les Français établis hors de France, président de la Caisse des Français de l'étranger (CFE)

Jean-Paul LACAM , directeur général du groupe Taitbout

Nicolas LECLERC , directeur adjoint du GARP (Groupement des Assedics de la Région Parisienne)

Laurent DEFONTAINES , directeur en médecine générale, directeur médical adjoint du centre d'assistance international SOS Paris

Hélène da COSTA

Nous savons que les départs à l'étranger doivent être bien préparés pour être sources de réussite. Malheureusement, certaines personnes, parties avec le goût du risque et l'envie de maîtriser leur destin, se retrouvent quelques années plus tard confrontées à des problèmes de retraite ou d'assurance chômage. Nous avons la chance aujourd'hui d'avoir les meilleurs spécialistes pour répondre concrètement à ces questions importantes pour la vie quotidienne des Français de l'étranger. Et d'abord, Jean-Pierre Cantegrit, pouvez-vous nous en dire plus sur la Caisse des Français de l'étranger ?

Jean-Pierre CANTEGRIT, sénateur représentant les Français établis hors de France, président de la Caisse des Français de l'étranger

La mission d'assurer les Français de l'étranger est une mission confiée par le législateur à la Caisse des Français de l'étranger à la fin des années 1970. Une loi de 1984 a mis en place la Caisse des Français de l'étranger (CFE), qui propose une couverture sociale identique à celle de la France pour les risques maladie, maternité, accidents du travail et vieillesse. Sans être une caisse de retraite à proprement parler, elle agit pour le compte de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, en recevant les cotisations et en prenant les adhésions pour cette retraite. La CFE assure plus de 150 000 personnes dans plus de 200 pays. Elle accepte les adhésions quel que soit leur âge, sans questionnaire médical, sans exclusion, ni plafond de dépenses. Les règles pour le remboursement des soins sont exactement les mêmes qu'en France. La caisse accepte les adhésions quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle des demandeurs.

La CFE peut remplir sa mission grâce à une coordination avec la Sécurité sociale en France dont les mécanismes sont complexes et qui évite par exemple la rupture des droits en cas de retour en France. Coordonnée, par la loi, avec les régimes obligatoires français, la CFE travaille également avec un certain nombre d'assureurs complémentaires. Les comptes de la CFE sont équilibrés. Au fil des années, elle a assuré les provisions nécessaires à l'exercice de sa couverture. Loin de posséder un « trésor de guerre », elle dispose de ressources suffisantes pour provisionner les risques pour nos compatriotes expatriés. La CFE assure dans un souci de justice sociale, afin de faciliter l'accès à une couverture maladie. Elle a ainsi supprimé, pour l'année 2008, les droits d'entrée pour les adhésions tardives. Destinée à nos compatriotes de plus de 35 ans, vivant à l'étranger depuis plus de deux ans, cette exonération peut représenter 4 000 euros. Nous avons aussi une catégorie aidée dont les cotisations sont réduites de moitié. En conclusion, la CFE assure et rassure. Cela explique son succès et un nombre d'adhérents en constante augmentation depuis sa création.

Hélène da COSTA

Est-il toujours préférable de s'inscrire dans votre caisse avant le départ ?

Jean-Pierre CANTEGRIT

C'est effectivement une très bonne précaution. La CFE a son siège à Rubelles, à côté de Melun, en Seine-et-Marne, et une antenne rue de la Boétie, à dans le 8 ème à Paris, où chacun peut s'informer. Son site Internet est également une excellente source d'informations.

Hélène da COSTA

M. LACAM, vous êtes directeur général du groupe Taitbout. A quelle assurance complémentaire les Français de l'étranger peuvent-ils prétendre pour compléter la CFE ?

Jean-Paul LACAM, directeur général du groupe Taitbout

Taitbout représente un groupe de protection sociale à but non lucratif au service des entreprises, des salariés et des retraités. Nous les accompagnons dans toutes les solutions de mise en place de couverture sociale collective ou individuelle. Contrairement aux autres groupes de protection sociale, nous agissons en France et dans le monde entier. Nous représentons aujourd'hui 2 milliards d'euros de cotisations encaissées en matière de retraite, santé, prévoyance et épargne. Nous avons deux structures juridiques, à savoir deux caisses de retraite complémentaires : la CRE pour les non-cadres et l'Ircafex pour les cadres, en complément de l'ARRCO et de l'AGIRC. Par ailleurs, nous gérons une institution de prévoyance complémentaire à la CFE. Aujourd'hui, nous couvrons plus de 10 000 salariés expatriés, essentiellement dans le domaine des retraites mais également en santé prévoyance.

Pourquoi maintenir une couverture sociale complémentaire ? Parce que les régimes de retraite à l'étranger sont très divers. Il existe très peu de coordination entre les régimes obligatoires et complémentaires. Ils sont souvent facultatifs, avec des contraintes d'âge et de durée de présence dans l'entreprise, et exposés à une certaine instabilité politique ou économique. Ils sont le plus souvent basés sur la capitalisation et pas, comme en France, sur la répartition. Les « trous » dans la carrière peuvent entraîner des abattements malvenus au moment de la retraite. Enfin, le montant des droits à la retraite obtenus à l'étranger est parfois en décalage avec le coût de la vie en France. Il peut aussi arriver qu'en dépit de la signature de conventions bilatérales de sécurité sociale avec la France, l'absence de base juridique pour coordonner l'application cumulative de plusieurs conventions bilatérales, entraîne des surprises. Prenons le cas, par exemple, d'une personne expatriée trois ans aux États-unis puis quatre ans en Côte d'Ivoire, pays avec lesquels la France a signé des conventions bilatérales. Au moment de la liquidation de sa retraite, seule sera retenue la période la plus favorable des deux, ce qui aura pour conséquence un risque d'abattement sur sa retraite de base.

Il faut bien avant de partir, se renseigner auprès de la CFE et auprès des caisses complémentaires du groupe Taitbout sur tous ces aspects.

En matière de santé et de prévoyance, la couverture complémentaire est indispensable pour compléter les remboursements du régime de base. Dans certains pays, le coût de la santé est très élevé, en particulier au Japon et aux États-Unis. Dans ce dernier pays, une appendicite peut coûter plus de 100 000 euros. Dans d'autres pays, le système public est peu cher, mais la qualité des soins dispensés est inférieure à nos standards, d'où la nécessité de recourir au privé, sensiblement plus cher. Il est évidemment indispensable de posséder une bonne assistance rapatriement sanitaire. Enfin, avec le régime de base, le capital décès est souvent faible. Il est donc nécessaire de le compléter. Il y a un plafonnement de l'invalidité, sauf en cas d'accident du travail.

Comment maintenir la couverture complémentaire ? La couverture sociale française ouvre des droits aux salariés, droits qui sont rompus par l'expatriation, et qui ne sont pas restitués instantanément lors du retour, voire pas du tout. Il existe des délais de carence, il n'y a pas de réintégration automatique en cas d'arrêt de travail ou d'invalidité à l'étranger. Il n'y a pas non plus de validation de période ou d'acquisition de droits à la retraite pendant ces périodes d'arrêt ou d'invalidité à l'étranger. Mais la France est l'un des rares pays offrant à ses expatriés la possibilité de transposer intégralement à l'étranger, et en parfaite continuité, la couverture sociale. Cette transposition est facultative et suppose une démarche d'adhésion volontaire.

S'agissant de la retraite complémentaire, le groupe Taitbout permet le maintien dans les régimes de retraite l'AGIRC, pour les cadres, et de l'ARRCO pour les non-cadres grâce à l'adhésion à la CRE et à l'Ircafex. Ces institutions sont spécifiquement désignées pour assurer la couverture retraite des salariés expatriés et des salariés des entreprises d'Outre-mer. Elles sont complémentaires du régime de base de la CNAV, qui est souscrit aux prix de la CFE, et elles assurent, avec ce dernier, une parfaite continuité de la couverture retraite en France.

En matière de santé, Taitbout Prévoyance est une entreprise d'assurance, proposant une gamme complète de produits de santé et de prévoyance spécialement conçus pour les expatriés. Ils sont complémentaires de la couverture de base de la CFE et garantissent une parfaite continuité avec le système français, aussi bien au départ qu'au retour. Pour le remboursement des frais nous nous sommes associés avec le groupe April pour fonder la société Welcare.

Dans un souci de facilité d'accès des expatriés à la couverture sociale française, la CFE et le groupe Taitbout ont uni leurs compétences pour réaliser « le pack CFE - Groupe Taitbout » qui est un guichet d'adhésion unique au régime de base et complémentaire en retraite, santé et prévoyance. Conçu, à l'origine, pour une adhésion à titre individuel, il est maintenant accessible dans le cadre collectif des entreprises.

Enfin, pour rebondir sur l'intervention de M. Casamitjana, je précise que nous développons également une action sociale permettant, en cas de ruptures de ressources par exemple, de trouver des solutions. Nous sommes intervenus lors des retours des Français de Côte d'Ivoire ou de Thaïlande.

Hélène da COSTA

J'imagine qu'il faut se préoccuper de ces questions avant son départ pour éviter des surprises au retour.

Jean-Paul LACAM, directeur général du groupe Taitbout

Oui, bien sûr. Il vaut mieux avoir toutes les données pour préparer ses dossiers et ne pas avoir de surprise. Je prendrai l'exemple d'une personne expatriée aux États-unis pour un travail extrêmement intéressant. A son retour, 20 ans plus tard, elle s'est aperçue qu'il lui manquait un certain nombre d'éléments pour liquider sa carrière.

Je conseille de nous écrire ( international@groupe-taitbout.com ) ou de nous appeler.

Hélène da COSTA

Quelquefois, à l'étranger, on peut traverser des périodes de chômage. Et il y a parfois des retours difficiles, notamment pour les conjoints qui doivent démissionner. Monsieur Nicolas LECLERC, a-t-on droit aux Assedics à l'étranger ?

Nicolas LECLERC , directeur adjoint du GARP

Nous proposons plutôt une assurance perte d'emploi. Deux cas de figure existent selon que l'on s'expatrie dans l'espace économique européen, où s'appliquent les réglementations communautaires, ou bien dans le reste du monde.

Dans l'espace économique européen, la cotisation est payée dans le pays d'exercice de l'activité. Éventuellement, la perception d'une allocation en cas de perte d'emploi se fera également dans le pays de résidence. En revenant en France, il sera possible de percevoir des allocations, à condition d'avoir fait valider sa période d'emploi dans le pays étranger. Le formulaire « E301 », disponible auprès de l'organisme d'assurance chômage du pays où on exerce son activité, est conçu à cet effet. Il est indispensable de se renseigner sur le montant des prestations par rapport aux cotisations acquittées dans les différents pays européens, car les différences sont notables. Ainsi, le plafond des prestations s'élève à 380 euros en Grande-Bretagne contre 5 000 euros en France.

En dehors de l'espace économique européen, l'assurance chômage est obligatoire si l'entreprise est française. Dans tous les autres cas, elle est facultative : la décision de s'assurer appartient à l'expatrié. Lorsque l'affiliation est obligatoire, l'entreprise prend à sa charge les deux tiers de la cotisation, et le salarié un tiers. En revanche, lorsqu'elle est facultative, l'employé paie l'intégralité de la cotisation. Il peut toutefois tenter de persuader son entreprise d'adhérer au régime d'assurance chômage français.

La perception des allocations n'est possible que si l'on revient en France. Cela nous est souvent reproché, car, il est parfois plus aisé de retrouver du travail à l'étranger que de revenir en France.

Aujourd'hui, 4 000 entreprises sont affiliées au régime obligatoire de l'assurance chômage, ce qui représente environ 35 000 salariés.

Hélène da COSTA

Les femmes qui accompagnent leur mari à l'étranger peuvent-elles toucher des allocations chômage à leur retour en France ?

Une responsable du GARP

Démissionner pour suivre son conjoint est considéré comme légitime aux yeux de l'assurance chômage. Il est donc possible, au retour, de prétendre à une indemnisation, mais dans un délai de quatre ans seulement. Au-delà, les droits sont perdus.

Jean-Pierre CANTEGRIT , président de la Caisse des Français de l'étranger

Si l'amendement concernant les problèmes de rétroactivité en cas d'adhésion à la CFE, que j'ai déposé avec Mme Christiane KAMMERMANN a obtenu gain de cause permettant ainsi, pour l'année 2008, d'adhérer à la CFE sans cotisations rétroactives, en revanche, celui que nous avons défendu auprès de Mme Lagarde, ministre des finances, sur la possibilité de toucher des indemnités chômage à l'étranger n'a pas connu le même succès, ce que nous regrettons infiniment.

Je rappelle que pour pouvoir toucher des allocations chômage, une personne ayant souscrit volontairement une assurance contre le risque chômage pendant son expatriation doit rentrer en France. Cette condition est inacceptable pour nos compatriotes installés à l'étranger qui souhaitent pouvoir rechercher un emploi dans le pays où ils résident, pour une durée limitée, et sous le contrôle des comités consulaires pour l'emploi. Nous allons à nouveau défendre ce dossier car il s'agit d'un véritable dilemme pour nos compatriotes : soit ils quittent leur famille et leur logement pour pouvoir toucher leurs allocations en France, soit ils restent à l'étranger et ils n'ont droit à rien.

Laurent DEFONTAINES, docteur en médecine générale, directeur médical adjoint du Centre d'assistance international- SOS Paris

International SOS accompagne l'expatrié à l'international dans tous les types d'environnement et à travers toutes les problématiques de santé et de sécurité. Nous sommes 5 000 collaborateurs, dont 40 % de personnels de santé. Présents dans 70 pays, nous maîtrisons toutes leurs langues dans les centres d'alarme répartis sur le globe. Ce réseau unique, intégré, nous permet d'être au plus près de ceux que nous accompagnons dans l'expatriation.

On n'imagine pas toujours la difficulté ou les dangers auxquels sont confrontés les expatriés à leur arrivée à l'étranger. Quand, parti de Romorantin, on débarque au fin fond de la steppe mongole, le choc est rude. Les décompensations psychologiques, dépressions, alcoolisme ou conduites à risque ne sont pas rares. Nous connaissons bien les risques infectieux et parasitaires en zone tropicale, comme le paludisme, par exemple, qui peut emporter un jeune homme bien portant en 24 heures, ou le sida. Les nouvelles menaces comme le SRAS ou la grippe aviaire restent d'actualité bien qu'on n'en parle plus. Il y a aussi les maladies professionnelles, les accidents du travail ou les accidents de la route. Nous sommes également de plus en plus préoccupés par l'hostilité ambiante ou les situations très violentes que rencontrent les expatriés, du Nigeria au Pakistan en passant par l'Algérie. Les risques de kidnapping, de terrorisme ou de conflits localisés sont très prégnants. Nos experts en sécurité sont de plus en plus sollicités dans cette problématique.

Je dresse un tableau volontairement alarmiste, tout n'est bien sûr pas si noir et risqué. Notre rôle consiste à accompagner l'expatrié dans son aventure, cela commence bien avant l'expatriation. Nous organisons une mise en condition, avant le départ, par le biais d'informations (fiches pays actualisées, e-learning pour prévenir ou éviter les pathologies locales) de formations avec des intervenants spécialisés (discussions sur des scénarios de crise), et d'examens de santé en intégrant la spécificité de l'expatriation et du pays d'accueil.

Quand un expatrié arrive à Bautu, en Mongolie extérieure, nous sommes présents. Nos lignes téléphoniques d'urgence lui permettent de trouver une écoute. Nous le considérons comme un partenaire, et non comme un assisté déresponsabilisé. Nous avons mis en place des réseaux de prestataires locaux fiables. Ceux-ci peuvent prendre en charge la médecine générale. Dans des pays très déshérités, des sites très reculés, nous mettons en place des cliniques clé en main avec du personnel expatrié et de la biotechnologie importée. Nous diffusons également sur Internet des bulletins d'alerte épidémiologiques ou de sécurité en cas de troubles localisés.

En cas d'accident grave, il arrive que les capacités locales ne soient pas compétentes. Notre réseau organise alors l'évacuation en urgence, soit avec accompagnement d'une infirmière dans l'avion, soit avec un avion sanitaire, soit, en cas de catastrophe ou de crise, avec un avion hôpital. Dans cette dernière situation, nous proposons également un bilan post-traumatique aux arrivants, généralement très choqués.

Hélène DA COSTA

Nous allons passer la parole à la salle pour des questions.

Jean-François SANTARELLI

Je suis expatrié en Suisse. Pendant 30 ans, j'ai vécu à l'étranger dans le cadre des Nations Unies. Ma première question s'adresse à M. le Sénateur Cantegrit. Elle porte sur le cas des anciens fonctionnaires internationaux ayant travaillé en France et qui, en fin de carrière, peuvent bénéficier d'une retraite et des prestations maladie de la Sécurité sociale. Auparavant, les personnes vivant à Genève pouvaient aller se faire soigner en France et se faire rembourser dans un centre de Sécurité sociale. Depuis les derniers accords passés avec la Suisse, ces personnes doivent se faire rembourser par l'intermédiaire de leur caisse maladie suisse, et dans le cadre de la loi sur l'assurance maladie. Or, les fonctionnaires internationaux retraités sont toujours assurés par la caisse interne de leur organisation, qui n'a rien à voir avec la Suisse. L'accord passé avec les autorités suisses a en effet oublié le cas des fonctionnaires internationaux. Par conséquent, ceux-ci reçoivent une retraite de Sécurité sociale, sur laquelle est perçue la cotisation maladie ; mais ils ne peuvent plus se faire rembourser les soins et les traitements prescrits en France.

Ma seconde question s'adresse à M. LECLERC. J'ai eu l'occasion, en tant que fondateur de l'association des fonctionnaires internationaux français, de négocier, il y a trois ans, avec la direction juridique de l'UNEDIC, la modification de l'annexe 9, pour que nous ayons accès aux prestations chômage. Quand un salarié d'une entreprise nationale travaille à l'étranger, il paie des impôts à l'étranger. Comme en France, ses cotisations chômage sont déduites de ses revenus. Il s'agit donc d'un avantage fiscal. En revanche, un fonctionnaire international étant imposé à la source, ses cotisations chômage ne sont pas déductibles. Ceci est contraire au principe reconnu par le service de la législation fiscale, selon lequel lorsque le paiement d'une cotisation donnant lieu à un avantage fiscal se fait en vue d'une prestation ultérieure, la prestation est imposée. A l'inverse, si la cotisation ne donne pas lieu à des avantages fiscaux, la prestation ultérieure est exempte d'impôts.

Jean-Pierre CANTEGRIT , Président de la Caisse des Français de l'étranger

Le problème des fonctionnaires internationaux est extrêmement complexe à régler. La loi de modernisation sociale de 2002 a réglé, dans l'un de ses articles, le cas des retraites des fonctionnaires internationaux. Cela n'a pas apaisé toutes les réclamations, puisque certains de mes collègues, Sénateurs et anciens fonctionnaires internationaux, ont vivement critiqué ce texte. La loi que vous avez évoquée a tout remis en place. Cependant, en Suisse, l'application de ce texte est cantonale. Je vous invite donc à prendre contact avec la CFE, pour faire le point avec elle sur le problème que vous avez abordé.

M. JOUANAI

En vieillissant, beaucoup de personnes ont tendance à se replier sur elles-mêmes. Certes, nous pouvons les entourer, mais beaucoup ont peur de tout ce qui perturbe leur routine quotidienne. Dans la communauté française où vous vivez, combien dénombrez-vous de personnes âgées ? Que faites-vous pour elles ? Comment vous préparez-vous à agir pour elles ?

Guillaume FILLON

Je suis directeur de cabinet à la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Les systèmes de protection sociale pour les Français de l'étranger me semblent porteurs d'anxiété et je voudrais juste que les intervenants développent plus encore la distinction entre les Français de l'étranger résidant au sein de l'Union européenne, qui sont majoritaires, et ceux vivant en dehors de ce périmètre qui ne bénéficient pas d'une convention de sécurité sociale. Il existe en effet des réglementations communautaires - notamment les règlements 1408-71 et 883-2004 - qui imposent une coordination gratuite des systèmes de protection sociale des États membres de l'Union européenne. Cette information pourrait-elle être développée, car elle est susceptible d'intéresser une majorité des Français de l'étranger.

Jean-Pierre CANTEGRIT, Président de la Caisse des Français de l'étranger

Votre remarque est tout à fait pertinente. Effectivement, un peu plus de la moitié des 2,3 millions de nos compatriotes qui vivent à l'étranger, réside en Europe. Ceux-ci sont donc soumis aux règlements communautaires européens et la liquidation de leur retraite est soumise à des conditions particulières. Bien que la Suisse ne soit pas membre de l'Union européenne, elle a signé des accords de coopération aboutissant quasiment au même résultat. Mais pour les Français vivant en dehors de l'Union européenne, le problème est différent. La France a signé, certes, des conventions de sécurité sociale avec de nombreux pays dans le monde, mais un certain nombre d'États africains (Cameroun, Congo Brazzaville, etc..) ne les respectent pas, ce qui est inadmissible. Mes collègues sénateurs et moi-même nous mobilisons dans le cadre de groupes de travail avec Bercy pour obliger les pays africains concernés à payer leurs retraites à nos compatriotes qui ont cotisé pendant tout leur séjour dans ces pays.

Nicolas LECLERC, directeur adjoint du GARP

S'agissant de l'assurance chômage, en application des règlements communautaires, un salarié appartenant à l'espace économique européen et perdant son emploi sera indemnisé par le dernier pays dans lequel il exerçait son activité. En conséquence, s'il revient sur le territoire français, il devra y exercer une activité pendant quelques jours pour pouvoir percevoir ses allocations en France. Il lui faudra aussi faire attention au quantum de l'indemnisation

Jean-Paul LACAM, directeur général du groupe Taitbout

Les propos tenus ne me semblaient pas aussi anxiogènes qu'on a pu le dire. Évidemment, nous avons le devoir de renseigner les expatriés avant leur départ et à leur retour. En matière de retraite, les règlements européens que vous avez évoqués vont évoluer. Il est nécessaire de s'inscrire également dans une prestation de service pour couvrir des personnes résidant en France et travaillant pour une entreprise étrangère qui n'a pas d'établissement en France. Souvent, il y a besoin d'obtenir une autorisation de chacun des pays européens pour les couvrir en matière de prévoyance, c'est-à-dire de décès - invalidité.

Patrick HARDOUIN

J'invite le sénateur Cantegrit à poursuivre son combat pour faire évoluer le dispositif d'assurance chômage des expatriés situés hors de l'espace économique européen. Il est absurde en effet d'avoir à choisir entre la rupture avec le milieu professionnel du pays de résidence et l'indemnisation, même si cette dernière engendre un risque de fraude. Je souhaiterais par ailleurs savoir dans quelle mesure il est possible de racheter des cotisations vieillesse, de base et complémentaires, lorsque nous avons manqué le moment pertinent ?

Jean-Paul LACAM, directeur général du groupe Taitbout

Il n'existe aucune possibilité de rachat, en dehors de celles prévues dans les régimes complémentaires pour les années d'études.

Nicole DELETANG

Je travaille au Centre de liaison européenne et internationale de la Sécurité sociale (CLEISS). Cet organisme est chargé des conventions bilatérales. Je reconnais que celles-ci ont leurs limites. Mais je voudrais inviter les Français ayant travaillé à l'étranger - ou envisageant de partir - à prendre connaissance du contenu des conventions bilatérales, tant avant de partir qu'au moment du retour. En effet, celle avec la Côte d'Ivoire prévoit par exemple la possibilité de reverser les cotisations versées en Côte d'Ivoire au régime français. Mais cela ne peut s'effectuer que dans un certain délai.

François AUDINOT

Comme la plupart d'entre nous, j'ai vécu longtemps à l'étranger. Quand un expatrié cotise de façon volontaire à l'assurance chômage, il le fait par rapport à son salaire local. Les allocations qu'il touche à son retour en France sont donc calculées par rapport au salaire perçu à l'étranger. Le risque de perte de pouvoir d'achat est donc très élevé lorsque le coût de la vie à l'étranger est largement inférieur à celui de la France.

Nicolas LECLERC, directeur adjoint du GARP

Hélas oui, la cotisation est assise sur le salaire perçu à l'étranger.

Hélène DA COSTA

Une question assez technique nous a été adressée par voie électronique. Je laisse au sénateur Cantegrit le soin de nous l'exposer.

Jean-Pierre CANTEGRIT, Président de la Caisse des Français de l'étranger

Anne Guillemot et Marie Zapata nous suggèrent dans un courrier électronique de porter le nombre de tranches servant de base au calcul des cotisations versées à la CFE de quatre actuellement, à neuf, afin que les cotisations soient davantage proportionnelles aux salaires.

La solution proposée serait pertinente, mais très complexe et difficile à mettre en oeuvre. Le directeur de la CFE doit frémir à l'idée que chaque cotisation serait fixée en fonction des salaires. Nous ne pouvons que réserver notre réponse pour l'instant.

TABLE RONDE N°2

RAYONNEMENT CULTUREL FRANÇAIS À L'ÉTRANGER :
UNE AMBITION AU RÉGIME SEC

450 établissements scolaires, 149 centres et instituts culturels, 1.085 Alliances françaises, une chaîne de télévision francophone, une chaîne d'information et une radio internationale, la culture française rayonne dans plus de 130 pays.

Pourtant, au-delà des discours sur la promotion de la diversité culturelle, le rayonnement de notre culture ou la place de notre langue, les financements consacrés à l'action culturelle extérieure sont en constante diminution ces dernières années.

La France en fait-elle assez pour valoriser la culture, la langue et les valeurs françaises à l'étranger ?

Table ronde animée par Yves-Marie LABÉ, co-responsable des pages Focus du Monde

Avec :

Maryse BOSSIERE , directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

Jean-Pierre BAYLE , président de la Mission laïque française

Jean-Michel LACROIX , directeur général du CNED

Marie-Christine SARAGOSSE , directrice de la coopération culturelle et du français à la direction générale internationale de la culture et du développement (DGCID)

Jean-Pierre de LAUNOIT , président de l'Alliance française

Georges-Marc BENAMOU , conseiller auprès du Président de la République

François BONNEMAIN , président de TV5 Monde

Jean-Yves BONSERGENT , directeur général en charge de la distribution, des technologies et des directions fonctionnelles de France 24

Antoine SCHWARZ , président de RFI

Yves-Marie LABÉ

Le débat que nous avons ce matin est en quelque sorte une réponse à la une de Time Magazine du 3 décembre 2007 qui titrait sur la mort de la culture française. Les personnalités présentes à cette table ronde démontrent au contraire la vitalité de la culture française, de sa langue de ses valeurs, et du réseau culturel français dans le monde.

Mme Maryse BOSSIÈRE, pourriez-vous nous présenter le réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ?

Maryse BOSSIÈRE, directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

Le réseau de l'AEFE est unique au monde. Il compte plus de 450 établissements dans pratiquement tous les pays du monde et accueille 260 000 élèves, dont 160 000 sont gérés directement par l'Agence. L'enseignement français à l'étranger représente un budget global de plus d'un milliard d'euros, dont 450 millions d'euros correspondent aux ressources propres de l'Agence, le reste étant pris en charge par les familles.

On peut considérer ce réseau comme un succès absolu, il constitue l'un des grands systèmes d'enseignement de référence dans le monde. Le développement spontané du réseau ne s'est pas démenti depuis la création de l'Agence en 1990, avec un bon millier d'élèves supplémentaires chaque année. Le rythme s'est accru ces deux dernières années pour trois raisons : l'expatriation croissante des Français ; une plus grande attractivité de la pédagogie pour les élèves étrangers à la suite de changements pédagogiques ; l'explosion du marché de l'enseignement scolaire partout dans le monde. L'éducation est en effet devenu une priorité pour les familles, qui y consacrent une part de plus en plus importante de leurs revenus. De ce fait, en 2006-2007, ce ne sont pas 1 000 élèves supplémentaires que nous avons dû accueillir mais 5 000, dont 4 000 Français.

Pourquoi y a-t-il moins d'élèves étrangers que de Français ? A cause de la saturation de nos établissements. La plupart de nos grands établissements, notamment en Europe, n'arrivent plus à accueillir d'élèves supplémentaires. Un plan d'investissements de plus de 200 millions d'euros a été décidé pour les trois années qui viennent, mais en attendant sa mise en oeuvre, les listes d'attente s'allongent. De plus, l'attractivité du réseau va s'accroître en raison de la décision récente du Président de la République de faire prendre en charge par la collectivité nationale les frais de scolarité des enfants français, d'abord dans le second cycle, puis éventuellement dans le primaire. Cette mesure a été mise en oeuvre à la rentrée 2007 pour les classes de terminale. Les formulaires de prise en charge viennent d'être envoyés aux familles pour l'année 2008-2009 pour les classes de première et de terminale. Les crédits correspondant s'élèvent à 20 millions d'euros chaque année.

Le succès de l'AEFE est mérité car c'est le seul système d'enseignement capable d'offrir une qualité homogène dans toutes les villes du monde. Les établissements américains ou britanniques n'ont pas derrière une enseigne commune un système d'enseignement homogène.

Si nous sommes dans une période particulièrement enthousiasmante, nous vivons cependant une crise de croissance. Les choses s'accélèrent. Certes, nous avons bénéficié de crédits supplémentaires pour la prise en charge des frais de scolarité du second cycle et pour les bourses destinées aux élèves des autres cycles ; et, pour la première fois, nous avons obtenu 8 millions d'euros supplémentaires pour les investissements dans le budget 2008. Néanmoins, les besoins sont de plus en plus importants et les crédits de fonctionnement ne suivent pas le même rythme. En bref, les crédits consacrés à la structure n'augmentent pas aussi rapidement que les aides à la personne. Il y a urgence : nous avons besoin de 1 000 euros par an et par élève pour assurer le développement du réseau dans de bonnes conditions. Traditionnellement, il y a trois financeurs : l'État, les familles, et puis, les pays d'accueil et les entreprises, pour qui nous travaillons et avec lesquels nous avons à envisager la possibilité de participer à ce développement.

Yves-Marie LABÉ

Monsieur Bayle, la Mission laïque française doit-elle faire face aux mêmes problèmes de croissance que l'AEFE ?

Jean-Pierre BAYLE, président de la Mission laïque française

La Mission laïque a traversé de nombreuses périodes dangereuses au cours de son histoire. Association crée en 1902, elle gère aujourd'hui 87 établissements, répartis dans 40 pays, accueille 37 000 élèves - dont 15 % de Français seulement, ce qui nous distingue de l'AEFE - et emploie 1 800 enseignants français sous divers statuts dont 1 100 recrutés locaux.

34 de nos établissements sont des écoles d'entreprise, créées pour répondre aux besoins des grandes entreprises françaises dans des zones - chantiers, plateformes pétrolières, bases vides... - où n'existent pas d'autres établissements. Nous offrons un service d'école clé en main permettant aux familles expatriées de s'installer dans de bonnes conditions.

La mission laïque s'est d'abord implantée dans les pays qui nous l'ont demandé, ce qui explique que nous n'accueillons que 15% de Français. Aujourd'hui, ce sont les élèves étrangers qui permettent à nos établissements d'exister. J'insiste sur cette , participant du rayonnement de la France dans le monde.

Les parents d'élèves viennent chercher la qualité de notre enseignement français et du travail de nos enseignants. Notre pédagogie « à la française » est fondée sur l'exigence de l'effort et la qualité de la relation entre le maître et l'élève. Dans ce cadre, la certification dont nous bénéficions de la part du Ministère de l'Éducation nationale et les liens que nous pouvons entretenir avec lui sont primordiaux pour notre réseau. Le Président de la République qui est venu inaugurer un établissement à Doha au Qatar il y a quelques semaines a saisi tout le sel de notre devise : « deux cultures, trois langues ».

La Mission laïque a connu beaucoup de dangers au cours de son histoire. Elle a même failli disparaître à plusieurs reprises. Au moment de la montée des nationalismes arabes à la fin des années 1950, nous avons dû quitter l'Égypte et la Syrie (où nous avons cependant été indemnisés) ; en 1979, lors du retour de l'Ayatollah Khomeiny, le grand lycée Razi (3.000 élèves) de Téhéran a été nationalisé sans autre forme de considération. Les pays dans lesquels nous sommes implantés ne sont pas de tout repos sur le plan géostratégique. Au Liban qui constitue le gros de notre réseau, avec 10 000 élèves, les établissements ont servi de base pour le regroupement des Français au moment des événements de juillet 2006, notamment le lycée de Nabatieh dans le sud. A Port Harcourt, au Nigéria, nous avons été obligés de fermer l'école Total sans savoir quand elle pourra être ré ouverte.

La Mission doit faire face également à des risques financiers. Nous avons été amenés à construire beaucoup d'établissements. Elle a besoin de moyens, non seulement pour investir, mais aussi pour rénover des établissements, notamment au Maroc.

Il y a également des risques inattendus comme le décret de décembre 2007 selon lequel l'employeur doit verser la part patronale des cotisations de retraite. Cette mesure a augmenté la masse salariale des enseignants détachés dans des proportions considérables.

Nous nous trouvons dans la même situation qu'une entreprise qui vendrait un bon produit mais qui verrait ses coûts de production augmenter très sensiblement avec une hausse de ses charges salariales. La tentation serait de capituler et de privilégier un modèle low cost , en jouant sur la qualité du recrutement. Mais c'est contraire à notre philosophie. Notre priorité est de maintenir la qualité de notre enseignement.

Une autre tentation consisterait à privilégier la gestion de l'existant sans vision prospective. Nous réfléchissons aussi à des solutions pour poursuivre nos investissements dans les meilleures conditions. Peut-être faudrait-il envisager de diversifier nos activités, en créant d'autres filières qui répondraient à une demande, au-delà de l'enseignement général...

En conclusion, pour pouvoir continuer à promouvoir la vision du monde qui est celle de la France et faire venir les étrangers vers nous, il est nécessaire de mobiliser bien plus que de l'argent. Il faudrait faire de cet investissement intellectuel tout à fait nécessaire une grande cause nationale. Il est temps que les Français ouvrent la fenêtre sur le monde.

Yves-Marie LABÉ

Les Français ne se rendent pas réellement compte de ce qui se fait à l'étranger et de la qualité des réseaux existants. M. Lacroix, le CNED affronte-t-il également des dangers ?

Jean-Michel LACROIX , directeur général du CNED

Mes deux collègues ont des problématiques ont insisté sur la croissance. Nous sommes dans une stagnation qui ne relève pas de la même problématique. Le CNED représente le troisième opérateur de l'enseignement pour les expatriés. Jusqu'à présent, nous travaillions de manière assez cloisonnée. Comme les deux autres opérateurs, nous participons très activement à la valorisation du système d'enseignement français à l'étranger. Nous sommes aussi très soucieux de qualité et d'excellence et suivons les programmes de l'Éducation nationale, sous la double tutelle du ministère de l'Éducation nationale et du ministère de l'Enseignement supérieur et nous puisons dans un vivier de professeurs recrutés selon la procédure des concours nationaux. Nous essayons d'être présents sur le marché de manière complémentaire et non concurrentielle avec les autres opérateurs. J'appelle de mes voeux une plus grande solidarité entre opérateurs afin d'assurer de façon plus solidaire l'accompagnement de nos élèves.

A côté de l'AEFE, le CNED est un petit opérateur, un établissement public administratif « sans territoire », ou plutôt dont le territoire n'a pas de limite, avec un budget de 145 millions d'euros - le produit de nos ventes - et 30 000 inscrits. Il constitue une structure, non pas de second choix, mais complémentaire, lorsque l'accueil n'est pas possible faute d'établissement.

Nous sommes l'école de la réussite ; beaucoup nous doivent d'avoir repris espoir. Il faut arrêter d'opposer le « présentiel » et le « à distance ». Tous les enfants qui arrivent à l'école aujourd'hui savent se servir d'un ordinateur. Il est primordial d'intégrer des initiations aux nouvelles technologies dès la formation initiale et de ne pas les séparer du reste des enseignements. Arrêtons aussi de parler de « cours par correspondance ». Certes, le support papier existe encore, mais la révolution Internet a eu lieu, le CNED s'est largement modernisé, la majorité de nos produits sont désormais en ligne. Internet permet de décliner de façon concrète le concept politique d'égalité des chances et d'offrir les mêmes enseignements sur tous les territoires, du plus enclavé au plus éloigné. Cette égalité est invalidée dans les faits dans un certain nombre de nos structures scolaires.

J'ajoute que le « présentiel » n'implique pas nécessairement un accompagnement pédagogique personnalisé. Dans un établissement saturé, où l'élève reçoit une succession d'enseignements donnés par des professeurs qui connaissent mal leurs élèves, je n'appelle pas cela un accompagnement personnalisé. Le CNED, lui, a mis en place une gestion individuelle de ses inscrits grâce au développement du tutorat malgré la distance. Il apporte une forme de proximité à travers son savoir-faire. Au CNED, un élève de quatrième dispose de cours en ligne et d'un tuteur en ligne. Il est soumis à douze contrôles. Il a un conseil de classe, un livret scolaire, etc.

La formation tout au long de la vie est la deuxième mission du CNED. Chacun travaille à son rythme. Dans les reprises d'études - deux tiers sont des femmes - nous avons des réalisations éminentes. Nous pouvons réarticuler la formation initiale et la formation continue. Nous recherchons des formes hybrides d'enseignements, de manière à corriger les stéréotypes et les préjugés attachés à l'enseignement à distance. Nous organisons des séances de regroupements, des relais, des tutorats de proximité qui permettent de mélanger le « à distance » et le « présentiel ».

Enfin, le CNED est très ouvert aux partenariats et aux collaborations. Sur ce point, je me réjouis du rapprochement réel entre les Ministères de l'Éducation nationale et des Affaires étrangères. Mme Valérie Pécresse et M. Xavier Darcos ont bien saisi les enjeux de ce combat national pour préserver la culture française à l'étranger. Nous en avons une conscience particulièrement aiguë, nous qui accueillons beaucoup d'étrangers parmi nos inscrits. Nous venons de lancer un produit en partenariat avec le CIEP et avec le soutien du ministère des Affaires étrangères, destiné à l'accompagnement des 245 000 enseignants de français langue étrangère (FLE) à l'étranger. Ces modules permettant de bâtir une séquence pédagogique (conduite d'une classe, évaluation) connaissent un vrai succès et un très bon retour sur investissement. Les partenariats avec le secteur privé témoignent ainsi de l'entrée du principe de réalisme financier dans l'éducation nationale.

De la salle

Nous disposons d'un bon système, mais nous n'avons plus d'argent. La gratuité produit des effets pervers, car les bourses s'effondrent, les problèmes immobiliers s'accentuent et les entreprises y voient un effet d'aubaine. Cette situation est inquiétante.

Maryse BOSSIÈRE, directrice de l'AEFE

Cette vision n'est pas exacte. Nous ne manquons pas d'argent. Notre budget a augmenté de 28 millions d'euros cette année. Les crédits sont désormais consacrés prioritairement à l'aide directe aux personnes et, ensuite, aux investissements.

Le manque d'argent se pose pour le fonctionnement des établissements. Sur ce plan, l'Agence est amenée à accroître ses fonds propres et à réduire son aide s'agissant de l'appui à la masse salariale. On peut continuer à améliorer la gestion de ses établissements, lesquels continuent à accueillir de nouveaux élèves et donc à voir de nouvelles recettes arriver.

Je rejoins les préoccupations de Jean-Pierre Bel. Ce qui est effrayant, c'est de devoir assumer un renchérissement d'un tiers du coût de notre masse salariale du fait de l'intégration de la part patronale des cotisations, jusqu'alors exonérées. Bien sûr, l'Agence a reçu une subvention de 95 millions d'euros en compensation de cette dépense supplémentaire. Mais le développement de notre réseau sera plus difficile à l'avenir, dans la mesure où la subvention accordée en compensation de ce surcoût n'évolue pas au rythme des dépenses. Tout développement supplémentaire représentera un coût supplémentaire d'un tiers. C'est donc sur des recettes propres que nous gageons le développement de nos établissements. Nous devons imaginer un dispositif pour neutraliser ce coût.

Marie-Christine SARAGOSSE, directrice de la coopération culturelle et du français à la DGCID

Le décret du 17 décembre 2007 n'est pas destiné à frapper les lycées français de l'étranger, qui ont d'ailleurs été exonérés pour 2008 de son application suite à l'intervention d'un sénateur représentant les Français établis hors de France. L'objectif de l'État n'est pas d'entraver le développement des lycées. Bien au contraire, le ministre des Affaires étrangères a reçu de Nicolas Sarkozy une lettre de mission lui demandant de développer le réseau. Une commission coprésidée par le Ministère des Affaires étrangères et un représentant du Medef a été mise en place pour élaborer un plan de développement et trouver des solutions à ces questions.

Jean-Pierre BAYLE, président de la Mission laïque

La Mission laïque n'est pas un opérateur au sens de la LOLF, c'est-à-dire qui intervient pour le compte de l'État. C'est une association qui a noué un partenariat très privilégié avec l'État, mais qui agit pour le compte des entreprises. Dans l'hypothèse où l'Etat déciderait d'une subvention, je ne souhaite pas que la Mission soit subventionnée en tant que telle. En revanche, les conséquences sur les établissements doivent faire l'objet d'une compensation.

Monique CERISIER ben GUIGA, sénatrice représentant les Français établis hors de France

Ma question porte sur l'incohérence de la politique menée. Nous savons depuis longtemps que nos établissements manquent de crédits pour l'immobilier d'une part, et notamment la remise à niveau des bâtiments, et pour la masse salariale d'autre part. Il manque 95 millions d'euros pour couvrir les frais de personnel, et l'État débourse 20 millions d'euros, que personne n'a jamais demandés, pour la gratuité en terminale et en première, sans concertation et sans tenir compte des revenus des parents, alors. Il n'est pas normal que les fonctionnaires de l'État français soient payés par les familles. Parallèlement, les coûts de scolarité augmentent et les bourses sur critères sociaux n'augmentent pas d'un centime Les 200 millions d'euros nécessaires pour la mise à niveau des établissements manquent toujours. Pendant ce temps, la commission à laquelle nous participons rédigera un rapport qui ne sera suivi d'aucun effet.

Jean LACHAUD, conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger (circonscription de Washington)

La plus grande préoccupation des intervenants ici présents concerne l'application du décret de 2007. Nous pouvons donc nous étonner de l'absence d'un représentant du budget ici. Vous dîtes que le ministère du budget n'a pas tenu compte des établissements français de l'étranger, est-ce à dire qu'il ne sait pas ce qu'il fait ?

Par ailleurs, rien n'est prévu pour les établissements homologués, en particulier ceux des États-unis, où les familles ont l'impression qu'on leur reprend davantage d'une main ce qu'on leur a accordé de l'autre en termes de gratuité...

De la salle

Beaucoup de jeunes issus de l'étranger et disposant d'une double culture souhaiteraient partir en coopération dans leur pays d'origine pour contribuer à la lutte contre la fuite des cerveaux. Dans cette perspective, ces jeunes, souvent déscolarisés, souhaiteraient bénéficier du suivi individualisé proposé par le CNED pour se former. Cela permettrait d'éviter le risque que ces jeunes déscolarisés soient récupérés par des mouvements extrémistes ou sectaires.

Par ailleurs, sous le gouvernement Villepin, une agence de la cohésion sociale avait été mise en place par Mme Vautrin. Il serait bon que le ministère de Mme Fadela Amara soit associé aux travaux de la commission interministérielle que vous avez mise en place.

André FERRAND, sénateur représentant les Français établis hors de France

Il est vrai que dans sa réponse M. Woerth n'a pas explicitement cité le cas des écoles homologuées. Mais je vous confirme qu'elles bénéficieront également de la levée des dispositions du décret controversé.

Par ailleurs, je m'inscris en faux contre l'intervention caricaturale de ma collègue. La politique n'est pas incohérente. S'il est vrai que le décret de 2007 a posé quelques problèmes, ceux-ci ont été réglés. J'ai bon espoir que la commission mise en place sur l'enseignement français à l'étranger rendra ses conclusions dans un climat serein. Ce sujet n'est pas un problème d'ordre politique. Il est inutile de faire de l'opposition gratuite.

Durant la campagne électorale, Nicolas Sarkozy a écrit aux Français de l'étranger sa conviction que l'enseignement français à l'étranger était essentiel. A cet égard, il a promis que l'Etat prendrait en charge les frais de scolarité des élèves des classes de lycées, mais également qu'il augmenterait l'enveloppe des bourses et qu'il développerait nos établissements sur le plan immobilier. Il a promis de dégager les crédits nécessaires. Personne ne s'attendait à ce qu'il mette toutes ces mesures en application dès la première année. On a commencé par les classes de terminale, pour étendre progressivement la gratuité aux premiers puis aux secondes. Je ne sais pas ce qui va se passer par la suite, mais il semble bien que le Président de la République ait l'intention de continuer.

Deuxième sujet : les bourses. Elles ont légèrement augmenté cette année pour tenir compte de l'inflation. C'est insuffisant. Il faudra augmenter sensiblement leur enveloppe de telle sorte que davantage de familles y soient éligibles. Car faute de financements publics, les familles sont de plus en plus sollicitées, par le biais de l'augmentation des frais de scolarité, pour financer les besoins des établissements (création de nouveaux établissements, modernisation, agrandissement). Cela pèse essentiellement sur les familles à revenus moyens qui ne sont pas éligibles à l'heure actuelle aux bourses.

Enfin, s'agissant de l'enveloppe de crédits destinés à financer les investissements du réseau, il faut rappeler que le budget de l'AEFE a été abondé en 2008 de 8,5 millions d'euros, ce qui n'est pas insignifiant. Je ne crois pas en conséquence qu'on puisse parler d'incohérence.

Maryse BOSSIÈRE, directrice générale de l'AEFE

L'amélioration du régime des bourses - 2 ème engagement présidentiel -, a commencé à trouver un début d'application cette année, avec un budget supérieur de plus de 7 millions d'euros par rapport aux crédits prévus pour 2008 (54 millions d'euros contre 47 millions d'euros programmés). Nous nous étions en effet rendu compte pendant la commission nationale des bourses de décembre dernier qu'un « dérapage » de plus de 7 millions d'euros se profilait par rapport au budget initial. Les autorités nous ont immédiatement confirmé que l'abondement nécessaire serait réalisé. Nous avons donc dès cette année une croissance importante du budget des bourses.

Néanmoins, depuis que le processus de prise en charge globale des frais de scolarité pour le second cycle a été engagé, les familles à revenus moyens sont de moins en moins enclines à comprendre pourquoi elles devraient supporter la totalité de la charge des frais de scolarité au primaire et au collège. Nous sommes face à des revendications de plus en plus pressantes de leur part tendant à un relèvement des seuils d'éligibilité aux bourses.

Jean-Michel LACROIX, directeur général du CNED

Il est important qu'il y ait une aide financière aux structures. L'article 11 de la loi Fillon sur l'école de 2005 a donné une base juridique au CNED ce qui est un très grand progrès. La publication prévue d'un décret permettra à notre établissement de sortir enfin de l'ambiguïté un peu schizophrénique dans laquelle il se trouve, dans la mesure où il doit répondre à deux missions : une mission de service public et de multiples sollicitations.

A la demande de Mme Valérie Pécresse et en lien avec les initiatives de Mme Amara, nous avons ainsi fait des propositions notamment sur le DAU (examen d'entrée à l'Université ou post-bac), et sur l'accès des jeunes des banlieues aux classes préparatoires aux grandes écoles, pour pouvoir compléter les dispositifs expérimentaux existants et traiter la demande en masse.

Car la force du CNED réside dans sa capacité à traiter des milliers d'inscrits et à industrialiser les parcours personnalisés. De plus, nos tarifs sont extrêmement compétitifs : une scolarité complète coûte de 100 à 400 euros. La subvention que nous recevons nous aide à maintenir ces tarifs. Pour le reste, il convient de définir le périmètre de l'obligation scolaire à laquelle nous sommes soumis. Si le CNED doit accompagner toutes les initiatives politiques, alors il faut lui en donner les moyens, dans le cadre de la contractualisation.

Jean-Pierre de LAUNOIT, président de l'Alliance française

Les Alliances françaises ne sont pas en concurrence avec les instituts culturels étrangers - British Council, Goethe Institute ou Institut Cervantès -, mais agissent avec eux. Nous organisons régulièrement des manifestations culturelles communes. Nous avons des co-localisations, comme à Glasgow, à Lahore ou en Bolivie. L'ensemble des six associations culturelles ont eu la fierté de recevoir des mains du Prince héritier d'Espagne, le Prix des humanités et de la communication des Asturies, en octobre 2005, témoignage de leur action culturelle à travers le monde.

Travailler avec d'autres associations n'implique pas nécessairement que nous soyons semblables. L'Alliance française présente une originalité, liée à sa formule. A cet égard, il faut rendre hommage à ses fondateurs, qui ont fait preuve de génie et d'audace. Au lendemain de la guerre de 1870, l'image de la France était détériorée dans le monde. Quelques personnalités provenant d'horizons et de milieux divers, telles que Renan, Taine ou Ferdinand de Lesseps, ont eu l'idée de restaurer par la culture la défaite des armes. Réunies au 215 boulevard Saint-Germain, elles ont eu l'audace de confier, à des étrangers amoureux de la culture et de la langue françaises, le soin de créer spontanément des alliances françaises dans le monde. C'était audacieux et certains ont pu croire que c'était éphémère. 125 ans plus tard, ils trouveraient sans doute miraculeux que l'Alliance demeure. Le système sur lequel elle repose a rapidement fonctionné. En 1893, des Alliances existaient déjà sur les cinq continents.

Nos établissements sont des associations autonomes dirigées par 8 500 bénévoles. Cette formule est moderne et a fait ses preuves. 1 071 alliances sont implantées dans 133 pays. Un tiers d'entre ont des fonctions d'enseignement. Leur développement est régulier (à hauteur de 2 à 3 % par an), et rapide, surtout dans les grands pays tels que la Russie, la Chine, les États-unis et surtout l'Amérique latine.

Nous célébrons cette année le 125 ème anniversaire de l'Alliance française, et nous avons créé - décret du 23 juillet 2007 - une fondation totalement dédiée à la communication au sein du réseau. Il s'agit en quelque sorte d'une renaissance, cette nouvelle entité permettra aux alliances de communiquer davantage entre elles. L'Alliance française de Paris ne pouvait plus assumer cette mission d'animation du réseau, préoccupée qu'elle était par la gestion de 32 000 élèves de 93 nationalités différentes.

Yves-Marie LABÉ

La France fait-elle assez pour le rayonnement de la culture française dans le monde ?

Marie-Christine SARAGOSSE, Directrice de la Coopération culturelle et du français à la DGCID

La tentation serait grande ici au Sénat qui vote le budget et qui est particulièrement sensible aux enjeux de la présence française à l'étranger de dire non, on n'en fait pas assez. Avec plus de moyens, on pourrait faire plus, sans aucun doute. Mais ce serait à la fois faux et déraisonnable.

L'ensemble des actions menées par le ministère des affaires étrangères en matière d'attractivité universitaire, d'enseignement en français, d'enseignement du français et de rayonnement culturel, représentent un engagement financier de 800 millions d'euros, sans parler des missions du CNED ou des grands établissements publics comme Le Louvre à Abu Dhabi. Cette somme se compare honorablement, voire avantageusement à celles consacrées par nos partenaires européens à leur propre rayonnement international, même si les comparaisons sont difficiles à faire en la matière : le British Council mène d'autres actions que les nôtres, le Goethe Institute ne gère pas le dossier universitaire.

En outre, cette somme n'est pas représentative de la réalité de notre investissement dans la mesure où les opérateurs s'autofinancent à 50 %. Ainsi, les 138 millions d'euros que l'État verse chaque année aux 148 centres et instituts et aux 238 Alliances aidées par le ministère des Affaires Étrangères, sont complétés par leurs recettes commerciales. Or les cours de français sont très rentables et la demande est forte. Si j'ajoute le mécénat, qui est considérable en matière culturelle, l'effet de levier est encore plus important et peut correspondre à cinq fois le montant des fonds investis par l'État. Il est important en revanche de souligner que si l'État se désengage, il n'y aura plus de levier...

Que fait-on avec cet argent ? 50 000 manifestations culturelles par an tous domaines confondus (cinéma, danse, musique, débats...), 400 000 lecteurs inscrits dans les médiathèques, 8 millions de prêts, 750 000 élèves inscrits aux cours de français dans les alliances, centres et instituts aujourd'hui, contre 625 000 en 2006. Il y en aura 900 000 fin 2007. Étrange attractivité pour une langue qui serait sur le déclin... Sur 90 millions d'élèves apprenant le français dans le monde, 1,4 million sont dans des classes bilingues dans l'enseignement national des pays, en plus des lycées français. 400 000 professeurs enseignent le français dans le monde.

Alors pourquoi en faire tant ? Parce que l'action culturelle et linguistique, c'est le coeur de la présence française dans le monde, c'est notre signature, notre signe distinctif sur la scène international. Quelques exemples : les lycées français à l'étranger sont apparus dans la première moitié du XIX ème siècle, les Alliances il y a 125 ans - il n'y a pas d'autre exemple dans le monde d'associations de droit étranger crées pour promouvoir la langue et la culture d'un pays tiers -, Culture France (ex AFAA) dans l'entre-deux-guerres, les centres et instituts culturels et la DGCID après la guerre. Enfin, la France a été le champion de l'exception culturelle et de la convention de l'Unesco sur la diversité.

N'oublions pas que la diplomatie des temps modernes, c'est la diplomatie d'influence. Qui pourrait croire qu'on résoudra encore les problèmes dans le rapport de force. Est-ce ainsi que l'on bâtira un nouvel ordre mondial, que l'on relancera la construction européenne, qu'on luttera contre la prolifération nucléaire ou contre le terrorisme ?

Ce sont les opinions publiques qui ont un poids déterminant aujourd'hui. Les Espagnols ou les Chinois l'ont bien compris qui multiplient les Instituts Cervantès et les centres Confucius dans le monde. Le Goethe Institute a arrêté de fermer des centres en Europe et augmente de 14% son budget pour 2008. Ce n'est certainement pas au moment où tout le monde découvre la diplomatie d'influence - que la France pratique depuis 160 ans - que nous allons remettre en cause cet atout.

L'organisation d'une saison culturelle européenne à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne est un acte politique: on met la culture au coeur de l'Europe et on reprend notre place en Europe. L'ouverture d'un lycée français à l'étranger avec toutes les valeurs que cela véhicule (liberté d'enseignement, philosophie des lumières, cartésianisme, esprit de tolérance, laïcité) est un acte chargé de symboles, surtout dans les pays beaucoup moins proches de notre héritage culturel.

Et quand ça va mal comme en Irak ou à Gaza, le seul centre culturel à rester ouvert et à faire le plein tous les jours, c'est le centre français. En Algérie, tous nos centres ont été rouverts et sont surchargés. Les cours de français débordent. Nous sommes en train de former 8.000 professeurs de français en Algérie. Quand tout va mal, la culture permet de ne pas insulter l'avenir.

Certes on pourrait faire mieux, mais la principale amélioration consisterait à opérer une révolution sur nous-mêmes. Plutôt que d'alterner entre arrogance et auto flagellation, les Français devraient plutôt apprendre à avoir confiance en leur capacité à contribuer à créer un monde pour tous.

Yves-Marie LABÉ

Le projet France Monde participe sans doute de cette diplomatie d'influence évoquée par Marie-Christine Saragosse. Ce projet n'est pas nouveau puisque l'audiovisuel extérieur a donné lieu à 19 rapports en 10 ans...

Georges-Marc BENAMOU, conseiller auprès du Président de la République

J'ai en effet été frappé au sein du comité de pilotage mis en place pour mener cette réforme par la littérature produite sur ce sujet. Tous les rapports font le diagnostic depuis 1987, de l'importance du paysage audiovisuel français à l'étranger mais aussi de sa complexité « abracadabrantesque » avec de multiples opérateurs aux statuts, aux modes de financement, aux stratégies et aux tutelles différents, et de l'absence totale de complémentarité entre ces multiples antennes (TV5 MONDE, RFI, France 24, Canal France International) - toutes au demeurant de qualité. Cela révèle une forme d'incurie et d'impuissance de l'État. Tous les ministères sont compétents et font preuve de bonne volonté. Mais depuis 1987, ils ne parviennent pas à se mettre d'accord. Grâce à la volonté du Président de la République et l'impulsion qu'il a donnée, les administrations, représentées par 18 hauts fonctionnaires très compétents et marqués par un profond sens de l'État, ont décidé de remiser leurs rancoeurs, de dépasser les corporatismes et de mettre leur énergie en commun au sein du comité de pilotage pour rationaliser le dispositif et faire rayonner l'audiovisuel français. Je me félicite qu'après 20 ans d'attentisme et d'errances bureaucratiques et politiques, nous soyons tous parvenus en quelques mois à imaginer ce projet France Monde qui permet de mettre en cohérence les moyens de l'audiovisuel français et d'en finir avec une situation aberrante.

Sur le plan budgétaire, l'audiovisuel extérieur français est plutôt bien doté : un peu moins que BBC World (400 millions d'euros), mais mieux que les Allemands et pas très loin de CNN - même si nous n'avons pas réussi à obtenir son budget. Mais faute de stratégie convergente entre les opérateurs, la concurrence fratricide qu'ils se mènent conduit à un gaspillage considérable. Est-il utile de disposer de plusieurs services techniques, de plusieurs services de commercialisation ou de plusieurs services juridiques ? France Monde permet de regrouper les moyens de l'audiovisuel français, tout en conservant les identités de chacune des antennes. Je parle bien de l'audiovisuel français dans lequel nous avons pris grand soin de ne pas inclure TV5 MONDE. TV5 MONDE reste une chaîne francophone généraliste avec ses journaux et ses émissions propres, même si nous l'invitons à participer à cette réforme. Pour bien manifester cette distinction, nous avons opté pour la marque « FRANCE MONDE » en référence à « TV5 MONDE ». Le regroupement permettra d'agir de manière plus cohérente.

Troisième élément, probablement le plus important : avec assez peu d'argent, un petit pays - le Qatar - a révolutionné la face médiatique de la planète. Il y a un avant et un après Al-Jazira grâce à laquelle le Qatar est devenu une grande puissance planétaire. A l'heure où le médiatique est devenu stratégique, à l'heure où l'enseignement du français au Maghreb est violemment attaquée par Al-Jazira, comment France 24, RFI et TV5 MONDE peuvent-elle continuer à mener des guerres picrocholines ? Il faut marcher ensemble dans une conception profondément stratégique et d'influence. Ce que le Qatar, qui était inconnu de la plupart des citoyens du monde, a fait, pourquoi la France qui dispose d'une véritable force de frappe ne le ferait-elle pas ?

Le projet n'est pas celui d'une fusion totalitaire qui nierait les spécificités de chacun mais d'une mise en commun tirant les leçons de ce qui marche à l'étranger. Sur le modèle des « news factory » de la BBC, les formidables rédactions de RFI et de France 24 pourraient se rencontrer. Si les partenaires francophones de TV5 MONDE le souhaitaient, elle aussi pourrait profiter des avantages de cette force de frappe qui réunirait plus de 800 journalistes. En y ajoutant le réseau de correspondants de l'AFP, nous pourrions concurrencer les anglo-saxons en produisant de l'image française de qualité.

Enfin, regarder l'avenir. TV5 MONDE a mené une mission de refondation de l'audiovisuel francophone sur la base de la révolution numérique, c'est-à-dire des nouveaux modes de consommation de la télévision et de la radio à travers Internet. Cela nous a conduit à proposer la création d'un grand portail Internet ( www.francemonde.fr ) qui ne se substituera pas aux sites des chaînes, mais sera une quatrième antenne du pôle audiovisuel français - et francophone si toutefois TV5 MONDE nous rejoignait. Il s'agit de développer le numérique et de tenir compte des nouveaux modes « délinéarisés » de consommation de la télévision comme la « télévision du lendemain » - la « catch up TV » représente une part de marché de 10 % en Grande-Bretagne -, la vidéo à la demande ou le téléchargement. Il faut aussi - comme le disait le rapport Brochand - se diversifier en profitant des potentialités du numérique. Fallait-il comme l'on fait les Québécois, se scandaliser de notre proposition de profiter des économies réalisées pour créer une véritable chaîne d'enseignement du français sur Internet ? Au Maroc, l'enseignement du français régresse au profit de l'allemand, tout simplement parce qu'a récemment été lancée une chaîne de dessins animés allemands doublés en arabe. Pourquoi ne pas imaginer ce type de diversifications qui coûte 1,5 million d'euros à fabriquer ?

La réforme de FRANCE MONDE a été imaginée dans l'intérêt de la France et de la francophonie. Notre dessein c'est l'influence et le rayonnement de la France dans le monde et l'enseignement du français. La partition musicale est là, au président Pouzilhac et à Christine Ockrent de la jouer.

François BONNEMAIN, président de TV5 MONDE

Cela fait bien longtemps que TV5 MONDE utilise le réseau de correspondants de l'AFP sans besoin d'un rapport dont je précise qu'aucun des opérateurs ne connaît la teneur. Nous ne sommes pas opposés ni à une réforme de l'audiovisuel extérieur, ni au progrès. Mais TV5 MONDE est un concept original, unique au monde. C'est la seule chaîne de télévision au monde distribuant des produits destinés à défendre une langue, ce que les lusophones et les hispanophones nous envient.

TV5 MONDE est aussi une vitrine de la francophonie, de la multi latéralité et du croisement des regards. Prenons garde de ne pas casser cette vitrine qui repose sur trois piliers : l'information, les programmes et un appui à l'enseignement du français. Son réseau de diffusion et de distribution, construit depuis dix ans, est exceptionnel : 10 satellites, plus de 50 transpondeurs, 6 000 têtes de réseau, soit 3 à 4 000 contrats signés dans le monde et 73 à 75 millions de téléspectateurs réguliers. N'oublions pas les partenaires francophones qui sont présents et contribuent au financement de la chaîne selon un barème déterminé par la France. De même, les téléspectateurs ne sont pas seulement des francophones, mais également des francophiles. Aux États-unis, 40% seulement des abonnés à TV5 MONDE - qui paient 11 dollars par mois ! - sont des francophones contre 60% de francophiles, ces derniers ne parlant parfois même pas le français

A 23 ans, TV5 MONDE est une chaîne majeure, je dirais même mûre. Elle a été construite par des femmes et des hommes qui s'y sont consacrés avec beaucoup de coeur. Il faut veiller à ne pas les démobiliser.

Enfin, c'est une chaîne qui ne coûte pas cher : 63 millions d'euros pour une chaîne multilatérale et internationale, constituant le deuxième réseau mondial derrière MTV, mais bien avant la BBC et CNN, ça n'est pas cher payé. Je veux bien que la réforme de l'audiovisuel extérieur français ait été imaginée par de jeunes et brillants hauts fonctionnaires mais attention à ne pas casser cette machine.

Georges-Marc BENAMOU

Je ne veux pas polémiquer, je comprends l'attachement des Français expatriés, des francophones et des francophiles à TV5 MONDE qui est un vrai acquis. Je comprends l'enthousiasme mis par François Bonnemain à défendre sa chaîne. Toutefois, rien dans le projet de FRANCE MONDE ne menace TV5 MONDE. Il propose de marcher ensemble vers le XXI ème siècle en améliorant son impact, sa diffusion avec une commercialisation plus agressive et adaptée, et d'améliorer ses contenus, sur la base des propositions du rapport commandé par TV5 MONDE à MM. Lafrance et Cottet. Il ne faut pas se poser en victime. Nous avons eu avec RFI et France 24 des discussions très constructives. Bien sûr que les partenaires francophones sont importants mais la France qui finance TV5 MONDE à près de 85% peut avoir son point de vue et le souci de gérer ses intérêts au mieux.

Philippe GAILLARD, service de traduction de la BERD

Il existe un danger dont nous ne sommes pas conscients, c'est celui de la dégradation accélérée de l'usage du français comme langue de travail dans les centres de décision, c'est-à-dire les organisations internationales, phénomène aggravé par la très grande dispersion des opérateurs chargées de la promotion de notre langue, sous la tutelle de trois ou quatre ministères. Que peut-on faire ? Quel est l'interlocuteur idoine pour lutter contre la dégradation de l'usage du français ?

Sébastien LOGEAIS, secrétaire du Comité d'entreprise de TV5

M. Benamou semble dire que les partenaires francophones de TV5 MONDE ne comprennent pas la réforme et qu'ils y sont opposés. Il me semble au contraire qu'ils la comprennent, qu'ils n'y sont pas opposés, mais qu'ils souhaitent être consultés et qu'il soit tenu compte de leurs propositions. Or, apparemment, ça n'a pas été le cas et cela les a profondément choqués.

Par ailleurs, nous avons appris par la presse que 180 suppressions de postes sont prévues sur les trois sociétés concernées. Or, M. Benamou m'avait assuré que le but de la réforme ne consistait pas à faire des économies sur le dos des personnels. Qu'en est-il exactement ?

Claude GIRAULT, conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger (circonscription de San Francisco)

J'ai entendu dire que TV5 MONDE devait devenir une télévision du réel. Qu'est-ce que cela signifie ? Pourquoi faudrait-il modifier une ligne éditoriale excellente ? D'autre part, dans de nombreux territoires, les réseaux de distribution sont saturés, surtout aux États-unis. Il est donc nécessaire de conserver à TV5 MONDE son caractère généraliste sous peine de voir les câblo-opérateurs américains résilier ses contrats. Il est par ailleurs indispensable de rétablir au plus vite le sous-titrage en anglais des journaux télévisés de France 2, car les francophiles non francophones ne peuvent plus les regarder ce qui nuit au rayonnement de la France. Enfin, je trouve regrettable que les élus de l'AFE ne soient pas invités à participer aux travaux de la commission sur la réforme de l'audiovisuel.

Georges-Marc BENAMOU

Il est totalement faux de dire que nous n'avons pas consulté les partenaires francophones de TV5 MONDE. Nous avons pris le soin, lorsque nous avons commencé nos travaux en septembre, avec les directeurs de cabinet des ministres concernés, dont Philippe Etienne, le directeur de cabinet de Bernard Kouchner, d'aller voir le Président Abdou Diouf. Nous l'avons écouté et nous nous sommes entendus sur un certain nombre de points, dont le maintien du caractère  généraliste, multilatéral et francophone de TV5 MONDE. Dans un premier temps, il nous a soutenus en préconisant même une amélioration de ses programmes. Puis il y a eu en octobre une réunion à Berne, en Suisse, à l'issue de laquelle les hauts fonctionnaires français ont établi un document de travail. Puis, au cours du sommet des Ministres francophones de Lucerne, nous avons travaillé sur le rapport commandé par M. Bonnemain à MM. Lafrance et Cottet.

Nous sommes retournés voir le Président Diouf en lui garantissant que TV5 MONDE ne serait pas une filiale de France Monde et en insistant sur la préservation de la personnalité juridique de la chaîne. Nous avons travaillé avec lui pour que la procédure arrogante de nomination du Président de TV5 MONDE par la France, sans concertation ni même information des partenaires, soit abolie. Les besoins de diversification sur des réseaux numériques que le XXI ème siècle appelle ont également été évoqués. La concertation a existé et continue d'exister, une délégation était récemment à Ottawa.

Lorsque la Ministre de la Communauté française de Wallonie, chef de file de l'opposition à la réforme de l'audiovisuel extérieur français, s'insurge contre l'impérialisme français en préconisant le maintien du caractère généraliste, multilatéral et francophone de TV5 MONDE, nous sommes dans l'effet de manche politique. Cela ne correspond absolument pas à la réalité de ce que propose la France.

Par ailleurs, aucune suppression d'emploi n'est prévue dans le rapport. Je ne sais pas d'où sort le chiffre de 180. Néanmoins, on peut imaginer que lorsque trois sociétés se rapprochent, il y ait des synergies et des rapprochements entre services, par exemple entre services juridiques ou commerciaux. On peut faire évoluer les sociétés sans licenciements secs. Le but ne consiste pas à réaliser des économies, mais à mieux utiliser l'argent des contribuables en direction du rayonnement de la France et de la francophonie.

Enfin, le sous-titrage est effectivement important. Il est coûteux mais fortement rentable en termes d'audience. C'est une des priorités sur le papier pour le rayonnement de TV5 MONDE et nous essaierons de faire en sorte que des efforts budgétaires soient faits en ce sens. Se projeter dans le XXI ème siècle, cela ne veut pas dire nier le passé mais conforter les racines.

Nathalie GOULET, Sénatrice de l'Orne

Comment parler de diplomatie d'influence lorsqu'on supprime les émissions en langue étrangère en russe ou en farsi ? Il est important de s'adresser en langue étrangère à des gens qui ne parlent pas le français. La diffusion de RFI en langue étrangère me semble absolument indispensable.

Antoine SCHWARZ, président de RFI

A ma connaissance, les langues étrangères n'ont jamais été mises en cause à RFI. Le comité de pilotage que présidait M. Benamou n'a pas traité ce point. Je pense comme vous qu'il s'agit d'un sujet indispensable et prioritaire. J'en discuterai avec M. de Pouzilhac, notamment s'agissant du russe et du persan.

François BONNEMAIN, président de TV5 Monde

Je ne peux pas répondre à la place de M. Abdou Diouf. Je tiens par ailleurs à relever quelques erreurs dans le calendrier tel qu'exposé par M. Benamou. La réforme a été annoncée dès le 30 août, soit bien avant le mois d'octobre, sans qu'aucune information n'ait été donnée aux partenaires. Par ailleurs, le rapport évoqué n'a pas été réalisé à ma demande mais à la demande de nos partenaires pour répondre à quatre points particuliers. La France y a ajouté une contribution particulière, qui d'ailleurs n'a pas été retenue.

Sur le fond, nos partenaires ne sont pas opposés à une réforme de l'audiovisuel extérieur, ni même au principe de la holding . Ils souhaitent seulement être consultés. A partir du moment où on leur explique que le rapport Benamou est confidentiel, il est normal que la suspicion s'installe. Il n'y a pas de blocage systématique. La France est fondée à vouloir réformer son audiovisuel extérieur. Le sentiment des partenaires est qu'ils n'ont pas été respectés.

S'agissant des nominations, les partenaires n'ont pas apprécié la façon dont la nomination de M. de Pouzilhac a eu lieu, à la veille d'une réunion à Ottawa.

Jean-Yves BONSERGENT, directeur général en charge de la distribution, des technologies et des directions fonctionnelles de France 24

Nous n'avons pas eu le rapport du comité de pilotage, pas plus que François Bonnemain ou qu'Antoine Schwarz. Je connais personnellement M. de Pouzilhac, son énergie, sa vision stratégique et surtout, ce qu'il a réussi à faire à la tête de France 24 en quinze mois.

Georges-Marc BENAMOU

Il a eu le rapport en mains propres.

Jean-Yves BONSERGENT

Les responsables des chaînes ne l'ont pas eu. Quoi qu'il en soit, M. de Pouzilhac doit maintenant rencontrer les présidents de chaînes et réfléchir avec eux à la mise en place d'un plan stratégique, qui sera soumis aux différents actionnaires. A cet égard, TF1 en tant qu'actionnaire à 50 % de France 24, portera une attention particulière à ce qui est fait de son actif.

France 24 est aujourd'hui une très grande réussite. En moins de quinze mois, cette chaîne d'information internationale, mise en place pour concurrencer BBC World, CNN et la très influente Al-Jazira, s'est imposée et commence à exercer une réelle influence, notamment dans le Maghreb. Parce que sa stratégie s'est appuyée sur une mission - le traitement de l'information internationale avec un regard français -, sur une ambition - celle de devenir un concurrent crédible des autres chaînes d'information internationales -, et sur des valeurs.

S'agissant des valeurs, une étude menée auprès de leaders d'opinion mondiaux a montré que la France était considérée comme ayant un regard diversifié sur le monde, à l'inverse du monde anglo-saxon perçu comme ayant une vision unipolaire. En outre, notre pays est perçu comme un pays contestataire. On a essayé de transformer cela de façon positive en faisant une place importante sur France 24 aux débats et à la confrontation des idées.

La troisième valeur qui caractérise la France est la culture et l'art de vivre à la française. C'est pourquoi, à la différence des autres chaînes d'information, France 24 ne repose pas sur quatre piliers (actualité, météo, sport, économie) mais sur cinq. De fait, elle consacre trois fois plus de temps à la culture et à l'art de vivre qu'au sport.

France 24 s'adresse aux leaders d'opinion dans le monde, les prescripteurs traditionnels (politiques, économiques, enseignants, intellectuels) mais aussi les nouveaux leaders d'opinion, qui à travers l'utilisation des nouvelles technologies, et notamment les blogs , exercent une influence considérable sur leurs concitoyens. C'est pourquoi la chaîne a mis les nouveaux médias et Internet au coeur de sa stratégie. Nous avons ainsi lancé France 24 pendant 24 heures en exclusivité sur Internet pour montrer que le monde entier pouvait accéder à la chaîne, indépendamment des réseaux de distribution traditionnels, mais surtout pour témoigner à ces nouveaux leaders d'opinion l'importance qu'on leur accorde.

Une étude nous a montré que 85 % des leaders d'opinion d'Europe, du Proche et du Moyen Orient et d'Afrique ne parlent ni ne comprennent le français. S'il est donc nécessaire de développer la francophonie, il est aussi impératif de diffuser en anglais, ainsi qu'en arabe compte tenu de la situation internationale. D'ailleurs, BBC World lancera sa version arabe le 11 mars prochain. Il nous faudra rapidement passer de 4h quotidiennes en arabe à 12 puis 24 car c'est essentiel dans notre stratégie d'influence.

La réussite actuelle de la chaîne montre que sa stratégie est la bonne. Le travail des équipes au niveau du contenu éditorial et de la stratégie tout Internet a pour conséquence que le taux de notoriété de France 24 au Maghreb, au Proche et au Moyen-Orient et en Afrique est quasiment identique à celui de BBC World ou de CNN. Elle est la deuxième chaîne d'information internationale la plus regardée, derrière Al-Jazira au Maghreb et au Moyen-Orient, la première en Afrique et la troisième en Europe derrière CNN et BBC World mais devant Al Jazira.

Il est donc possible de réussir lorsqu'on a de l'ambition, de l'esprit d'entreprise et qu'on s'en donne les moyens.

John MAC-COLL, conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger (circonscription de Sydney)

Au sein de la commission des Affaires culturelles, de l'enseignement et de l'audiovisuel de l'AFE, nous apprécions le dialogue nourri avec les intervenants et les personnalités qualifiées. Nous regrettons toutefois que la France de l'étranger ne soit pas assez reconnue en métropole. Au nom des Français de l'étranger, je souhaiterais lancer un appel : associez-nous aux réformes qui nous concernent, en amont plutôt qu'en aval. Cela nous évitera d'être obligés de faire des interventions au niveau ministériel pour corriger le tir. Nous ne souhaitons pas être de simples spectateurs, mais de véritables acteurs.

François NICOULLAUD, président de l'Association démocratique des Français de l'étranger - Français du Monde, conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger

J'ai joué un petit rôle dans la création de TV5 ; je ne sais pas si j'en suis le père mais je connais la mère, une modeste fonctionnaire, Nicole Godet, aujourd'hui à la retraite et à laquelle je rends hommage. En vous écoutant sur ce projet de FRANCE MONDE quelque chose m'inquiète. Lorsqu'on réunit trente brillants hauts fonctionnaires dans une salle, pour jouer au meccano à partir des éléments existants, on risque de se priver d'une vision.

Il me semble que la vision poursuivie par cette réforme est encore floue. Inutile de réunir trente hauts fonctionnaires pour déclarer qu'on souhaite entrer dans le XXI ème siècle, ou qu'on va faire des économies d'échelle. Je me demande si la superstructure que vous souhaitez créer ne sera pas aussi gourmande en crédits que les économies d'échelle qui seront faîtes en fusionnant quelques petits services techniques ou juridiques.

Par ailleurs, si j'en crois les déclarations du Président de la République sur France 24, il y a fort à craindre que les émissions en langue étrangère soient menacées.

François BONNEMAIN, président de TV5 Monde

Effectivement, il ne faut pas commencer le meccano institutionnel sans connaître l'objectif.

Je regrette que les Français de l'étranger, même s'ils ne constituent pas, loin de là, la majorité des téléspectateurs de TV5 MONDE, n'aient pas été consultés sur ce projet de réforme.

Antoine SCHWARZ, président de RFI

Le fait qu'Alain de Pouzilhac ait été nommé président de la holding implique que la stratégie de France 24 en matière de langues a été validée, ce qui est plutôt rassurant pour ceux qui souhaitaient que l'anglais et l'arabe soient utilisés dans les programmes des chaînes de l'audiovisuel extérieur français.

Il y a deux ans, j'avais pris position ici même pour une meilleure coordination entre les opérateurs afin qu'ils puissent assumer leur mission de façon plus efficace. La formule de la holding a été choisie deux ans après et je m'en réjouis, car nous avons tous besoin d'une meilleure efficacité opérationnelle et de nous entendre sur nos objectifs respectifs. Ensuite, il faut évidemment que la direction choisie soit tenue avec un arbitre pour arbitrer les conflits.

Qu'est-ce que RFI peut apporter à la nouvelle structure ? Nous pouvons apporter ce que nous avons de meilleur, c'est-à-dire notre puissance : le premier réseau FM du monde. Marie-Christine Saragosse, il faut positiver. Nous avons le premier réseau FM et le deuxième réseau télévisuel du monde. Il faut en être fiers et savoir les utiliser pour gagner des auditeurs et des téléspectateurs. A ce jour, 45 millions d'auditeurs écoutent RFI régulièrement.

RFI apporte également l'expertise de ses journalistes sur l'actualité internationale. Elle détient, avec l'AFP, la plus forte expertise en matière d'informations internationales, aussi bien à Paris qu'à l'étranger, à travers son très grand et très qualifié réseau de correspondants dans le monde. Enfin, elle apporte sa capacité d'adaptation. RFI n'est pas qu'une radio. Elle a fait il y a deux ans le virage vers le bi média et Internet. La plupart de ses journalistes sont polyvalents et peuvent travailler à la fois en radio et sur le Web.

Je suis très confiant sur la pertinence d'une organisation globale à condition qu'elle respecte les identités des antennes et donc des marques. Alain de Pouzilhac est très favorable à la défense des marques, celle qu'il a crée, France 24, mais aussi les autres dont il reconnaît la force. Mais il faut aussi savoir faire les rapprochements nécessaires au niveau opérationnel et je pense que nous aurons l'intelligence collective de les faire.

Yves-Marie LABÉ

Jean-Pierre de Launoit, en tant qu'expert de la radio, quel regard portez-vous sur cette réforme ?

Jean-Pierre de LAUNOIT, président de l'Alliance française

Nous avons une convention avec TV5 MONDE. Nos objectifs sont les mêmes. Nous sommes heureux de recevoir les dirigeants de France 24 ou de RFI. La collaboration avec ces médias est donc tout à fait évidente pour nous. J'ajoute que François Bonnemain est membre du conseil d'administration de la nouvelle fondation dont j'ai évoqué la création tout à l'heure, aux côtés d'autres personnalités comme Bernard Pivot, Éric Orsenna Patrick de Carolis, Hélène Carrère d'Encausse et d'autres, qui ont consacré toute leur vie à la langue et à la défense de la culture françaises.

Yves-Marie LABÉ

Quelle réponse pouvez-vous faire à la question sur la dégradation de l'usage de la langue française ?

Marie-Christine SARAGOSSE, directrice de la coopération culturelle et du français à la DGCID

Il s'agit en quelque sorte d'une prédiction auto réalisatrice. A force de se persuader que l'usage du français décroît, on se tourne vers l'anglais et, ce faisant, on entretient la dégradation de l'usage du français.

Or, c'est un cliché de penser qu'il faut parler anglais pour se faire comprendre. D'après une enquête commandée à un institut britannique par la Commission européenne et M. Orban, commissaire au multilinguisme, les entreprises européennes ont perdu 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2006 à cause de problèmes linguistiques. Le rapport se terminait par : English is not enough anymore . Le futur ne réside peut-être pas dans langue française mais il faut arrêter de croire qu'en parlant anglais, on résoudra tous les problèmes. Il faut parler la langue de l'autre mais l'anglais ne suffit plus. Il s'agit d'une condition nécessaire, mais de moins en moins suffisante.

Il n'y a aucune dispersion des acteurs s'agissant de la défense du français. Au sein du Ministère des Affaires étrangères, je dirige la DGCID qui s'occupe de l'apprentissage du français dans le monde, en lien avec délégation générale à la langue française. Quant au Ministère de l'Éducation nationale, il s'occupe de l'apprentissage des langues étrangères en France. Nous travaillons à trois.

Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, nous préparons les États généraux du multilinguisme qui auront lieu à Paris le 26 septembre auquel je vous convie tous. Ce rendez-vous qui rassemblera les 27 États de l'Union, verra intervenir des philosophes, des journalistes, des chefs d'entreprise, des gens de la société civile, et pas seulement des experts linguistiques. En effet, le problème de la langue relève de la citoyenneté, des droits humains, et ne doit pas être laissé aux techniciens.

La consultation mise sur le site de la Commission européenne dans cette perspective a connu un succès considérable. Jamais la Commission n'avait connu un si grand nombre de réponses, dont une minorité en anglais d'ailleurs, même celles émanant des Irlandais. 95 % des citoyens souhaitent renforcer les investissements dans le domaine de la traduction. L'Europe est par essence multilingues, sans quoi elle n'existerait pas. La France défendra donc la mise en oeuvre d'un vrai programme de traduction pour que les oeuvres littéraires et cinématographiques circulent. Par conséquent, l'avenir est devant nous.

Le Forum « Embarquez pour le monde »

Le forum « Embarquez pour le monde »

TABLE RONDE N°3 :

PRÉSENCE ÉCONOMIQUE FRANÇAISE À L'ÉTRANGER : LES BONNES RECETTES

27 milliards d'euros de déficit du commerce extérieur en 2006, 39 milliards en 2007 : la France accumule un solde commercial négatif depuis plusieurs années, alors que dans le même temps l'Allemagne réalise des excédents record. Faut-il voir dans ces résultats le signe d'une crise grave de la compétitivité des entreprises et de l'économie françaises ou bien doit-on poser un diagnostic plus nuancé ? Quels sont les moyens pour renforcer la présence de nos entreprises françaises, et notamment de nos PME, sur les marchés mondiaux ? Quelles leçons peut-on tirer de l'exemple allemand ? En bref, quelles bonnes recettes la France peut-elle inventer ou aller puiser au-delà de ses frontières pour renforcer son dynamisme sur les marchés extérieurs ?

Table ronde présidée par Jean ARTHUIS , ancien ministre, président de la Commission des Finances du Sénat

Animée par Stéphanie ANTOINE , journaliste économique à France 24

Avec :

Christophe LECOURTIER , directeur général d'Ubifrance

Philippe de BRAUER , président de la Commission internationale de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

Jean-Bernard GAUTIER , premier vice-président de l'Union des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger (UCCIFE)

Jean BURELLE , président du MEDEF international

André WURTZ , président de la section Allemagne des conseillers du commerce extérieur

Pierre TAPIE , directeur général de l'ESSEC

Stéphanie ANTOINE

39 milliards d'euros, c'est le montant du déficit commercial de la France en 2007. Ce dernier ne cesse de se creuser depuis 2004, notamment du fait de la hausse de la facture pétrolière et de l'appréciation de l'euro. Faut-il considérer ce mauvais résultat comme le signe d'une grave crise de la compétitivité des entreprises françaises ? Quels sont les moyens dont celles-ci - et notamment les PME - disposent pour renforcer leur présence à l'international ? Quelles leçons pouvons-nous tirer de l'exemple allemand ? Quelles bonnes recettes la France peut-elle inventer ou aller puiser au-delà de ses frontières pour renforcer son dynamisme sur les marchés extérieurs ?

Autant de questions auxquelles les intervenants de cette table ronde s'efforceront de répondre.

Jean Arthuis, vous êtes sénateur de la Mayenne, président de la commission des Finances et président du Conseil général de la Mayenne. Pourquoi le déficit commercial de la France se creuse-t-il depuis 2004, alors que l'Allemagne affiche, au contraire, un excédent commercial record ? Est-ce inquiétant ? Comment expliquez-vous ce décalage ?

Jean ARTHUIS, président de la commission des finances du Sénat

La situation est-elle inquiétante ? Elle est pour le moins préoccupante. La situation de nos finances publiques auquel s'ajoute un déficit commercial qui ne cesse de se creuser a de quoi nourrir nos préoccupations. Il convient néanmoins de saluer le prodigieux succès commercial que vient d'obtenir EADS. Cet exemple montre que notre pays possède de formidables atouts. Mais néanmoins, nous nous trouvons dans une situation qui ne nous permet plus d'ajourner les réformes que la France attend.

40 milliards de déficit en 2007, soit 13 milliards de plus qu'en 2006, cela signifie que nous consommons plus que ce que nous produisons. Ce déficit nourrit les excédents d'un certain nombre de pays qui assurent notre approvisionnement en énergie fossile - pétrole et gaz - ou en biens de consommation. N'ayant pas l'usage de ces excédents, ces pays contribuent au financement de nos bons du trésor et investissent dans le secteur immobilier ou sur le CAC 40. Cela m'inquiète mais je suis encore plus préoccupé lorsqu'ils investissent dans le capital de nos PME, car ils ont tendance alors à délocaliser nos activités et emplois pour optimiser leurs résultats.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Faut-il incriminer l'euro ? Certes, l'euro s'est beaucoup apprécié par rapport au dollar, et donc corrélativement, par rapport aux monnaies asiatiques qui sont significativement sous-évaluées. Mais si l'euro est la cause de notre déficit, comment expliquer a contrario l'excédent commercial de l'Allemagne qui tangente les 200 milliards d'euros en 2007 ? On ne peut donc expliquer notre difficulté à équilibrer notre balance commerciale par le seul facteur monétaire.

Est-ce un problème de stratégie commerciale ? Nos réseaux manquent-ils d'efficacité ?  Les entreprises françaises sont-elles suffisamment solidaires les unes des autres pour défendre ensemble leurs intérêts à l'échelle mondiale ? Ont-elles la capacité à se projeter vers l'extérieur ?

Nos PME sont sans doute trop petites par rapport aux PME allemandes. Pourtant, notre réseau à l'étranger est relativement dense avec Ubifrance, les missions économiques, les conseillers du commerce extérieur, qui constituent un réseau de premier plan et jouent un rôle majeur dans l'implantation des entreprises françaises à l'étranger. Sans doute conviendrait-il de projeter davantage à l'étranger nos conseillers d'entreprise - avocats conseil, experts comptables, auditeurs -, leur rôle me paraissant au moins aussi important que celui des pouvoirs publics. Les PME qui s'installent à l'étranger ont besoin sur place de correspondants pour les conseiller, les orienter et les aider à établir des comptes non ambigus, sincères et clairs.

Notre déficit est-il le résultat d'une mauvaise stratégie industrielle ? Quoi qu'en disent certains discours anesthésiants, personne ne peut nier les délocalisations d'activités qui ont eu lieu depuis plusieurs années. La désindustrialisation a entraîné la perte d'un million d'emplois en France depuis dix ans. En outre, nos législations multiplient les seuils, les régimes particuliers et enferment bien souvent les PME dans des logiques de taille réduite pour éviter les contraintes liées au franchissement de certains seuils. Un certain nombre de dirigeants de PME sont tentés de penser que vivre petit, c'est vivre heureux. Or, contrairement aux entreprises du CAC 40 qui raisonnent dans une logique globale, totalement mondialisée, les PME enracinées dans les territoires de l'hexagone constituent le vrai potentiel de création de richesses et de projection vers l'extérieur. La vraie difficulté réside dans leur compétitivité. S'agissant du financement, nous avons des difficultés à mobiliser les ressources pour assurer leur développement.

Il y a enfin, incontestablement, la lourdeur excessive de nos réglementations et de nos législations : 35 heures, droit instable et complexe, multiplicité des régimes particuliers et lourdeur des prélèvements obligatoires. Je suis convaincu que nous ne pourrons pas continuer à financer la protection sociale par des prélèvements sur les salaires.

Y a-t-il des impôts payés par les ménages et d'autres par les entreprises ? Ma conviction est que tous les impôts payés par les entreprises sont en définitives payés par les ménages. Car les entreprises qui ne répercuteraient pas le poids des impôts reposant sur la production dans le prix facturé au consommateur en dernier ressort, ne survivraient pas. Dans une économie globalisée, il peut être tentant d'aller produire dans les pays où la fiscalité est réduite ; d'où notre obligation de nous préparer à des réformes significatives pour, notamment, inverser la tendance, équilibrer notre commerce extérieur et générer, à l'instar de l'Allemagne, des excédents commerciaux.

Stéphanie ANTOINE

M. Jean Burelle, quelles sont les attentes des PME en matière de soutien à l'export ? Le dispositif existant est-il suffisant ? Comment l'améliorer ?

Jean BURELLE, président du MEDEF international

Pour avoir dirigé l'équipementier automobile Plastic Omnium, je connais bien l'industrie automobile dont le bilan import/export se dégrade de manière significative, malgré les performances de nos deux grands champions - PSA et Renault - qui ont fabriqué 73 millions de véhicules dans le monde. Peu d'acheteurs se doutent que leurs véhicules sont fabriqués en Slovénie, au Maroc ou en Espagne - où se trouve la plus grosse usine de PSA. Car la compétitivité du site France se détériore.

L'exportation dans le domaine industriel, c'est le contraire de l'épicerie de quartier : l'important n'est pas de détenir tous les produits en stock mais d'avoir une position dominante. Si l'entreprise que j'ai dirigée pendant trente-cinq ans a vu son chiffre d'affaires passer de 2,5 millions à 3 milliards d'euros, et est devenue l'une des toutes premières dans son secteur, c'est que j'ai passé mon temps à élaguer pour prendre des positions extrêmement fortes dans certaines productions. Nous avons cessé de produire des tableaux de bord mais sommes devenus le n°1 mondial de la fabrication de réservoirs d'essence, de pare-chocs et de conteneurs pour la collecte mécanisée des ordures ménagères. Devant le directeur des achats de BMW ou de Mercedes, on est plus convaincant si on a une position dominante dans un secteur, si on est très fort sur son métier, plutôt que si on détient une position moyenne dans plusieurs.

Comment y arriver ? Certainement en faisant plus d'innovations, c'est-à-dire plus de recherche et de brevets. C'est grâce à l'innovation qu'Essilor, petite société, est devenue le numéro un des verres ophtalmiques, laissant son challenger loin derrière. On peut aussi y arriver par les marques comme dans le domaine du luxe, où la France détient des marques extraordinaires et des réseaux commerciaux efficaces. Cointreau vient de payer 250 millions d'euros pour reprendre son indépendance en Chine pour mieux vendre son cognac. Depuis les ventes sont reparties à la verticale.

Par ailleurs, dans le domaine du tourisme, l'idée selon laquelle la France serait le n°1 mondial dans ce secteur est une idée fausse. Si notre pays est bien celui qui attire le plus d'étrangers sur son territoire, il n'est pas celui qui tire de leur présence le plus de recettes, étant devancé par les États-unis et l'Espagne en la matière. A cet égard, la France doit certes proposer de meilleures infrastructures, mais surtout une offre de services de plus grande qualité pour les touristes avec une attitude orientée vers la satisfaction du client.

Stéphanie ANTOINE

M. Philippe de Brauer, comment renforcer la présence des PME françaises à l'international ?

Philippe DE BRAUER, président de la commission internationale de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

Il s'agit d'une question récurrente pour laquelle je ne détiens pas de recette miracle.

Mais il convient de souligner quelques chiffres encourageants : les investissements des entreprises nationales à l'étranger ont beaucoup progressé en 2007. La France représente le deuxième investisseur dans le monde et ses entreprises possèdent 31 000 filiales à l'étranger.

Il est certain que la petite taille des PME françaises freine leur dynamisme commercial. Le dirigeant d'une PME lambda qui emploie en moyenne entre 35 et 40 salariés est amené à tout faire dans son entreprise. Il n'a pas le temps de développer la présence de son entreprise à l'internationale, ni la possibilité de recruter quelqu'un chargé des exportations.

Celles, plus importantes, ayant des effectifs compris entre 50 et 100 personnes, sont confrontées à des problèmes d'effets de seuil et ont du mal à se retrouver dans le maquis des aides en matière d'exportation. C'est la raison pour laquelle les chambres de commerce, qui sont le premier partenaire des entreprises, devraient accompagner davantage les chefs d'entreprise dans leur démarche d'exportation. Pas seulement pour les aider à être présents sur les salons mais également pour les accompagner dans le suivi des retombées de ces salons, les visites chez les clients potentiels, etc.

Stéphanie ANTOINE

M. Christophe Lecourtier, les missions économiques forment un réseau international destiné à renforcer la présence des entreprises françaises à l'étranger. Quels sont vos projets pour améliorer ce dispositif ?

Christophe LECOURTIER , directeur général d'Ubifrance

Pour occuper mes fonctions depuis trois jours, je peux me permettre d'avoir un oeil critique sur le dispositif public d'aides à l'exportation.

Un constat s'impose : les entreprises sont de moins en moins nombreuses à exporter et elles réduisent de plus en plus leurs marges. L'enjeu consiste à faire grossir les PME pour qu'elles puissent se projeter vers l'extérieur.

Dans cette perspective, le ministre du commerce extérieur m'a confié la mission de remettre à plat de l'ensemble des dispositifs ayant pour objet d'aider les PME à s'agrandir et à exporter leurs produits.

Ubifrance s'est engagé à réorganiser son dispositif autour de deux axes :

En premier lieu, nous avons demandé à un grand cabinet de conseil d'auditer l'ensemble de la gamme des produits que nous offrons aux PME, depuis nos études de marché jusqu'aux missions individuelles (organisation de rendez-vous à l'étranger, puis suivi des contacts pris), en passant par les services collectifs en matière de foires et salons. Les ministres souhaitent que le regard porté sur ces produits soit celui de nos clients. A cet effet, nous réunirons des panels de gens clients ou non d'Ubifrance pour tâcher de cerner leurs besoins et procéder à une révision complète de la gamme.

Nous proposerons aux entreprises un service Ubifrance totalement intégré entre la France et l'étranger. Aujourd'hui, le paysage du soutien au commerce extérieur est kafkaïen : il y a des directions régionales du commerce extérieur placées sous l'autorité des préfets, des missions économiques placées sous la houlette de l'ambassadeur et Ubifrance placé sous la tutelle du ministre du commerce extérieur. C'est illisible pour les PME.

Aussi, dès 2009, nous ferons basculer les équipes commerciales des missions économiques dans Ubifrance. Les agents des missions économiques qui sont aujourd'hui soit des fonctionnaires, soit des contractuels de droit public, passeront dans le privé et perdront le vernis de la fonction publique diplomatique pour adopter un mode de service plus adapté à ce qu'attendent les entreprises privées.

Le 2 ème axe de la réforme, c'est la complémentarité : nous travaillons avec les représentants des chambres de commerce en France et à l'étranger pour mettre en oeuvre un partenariat non concurrent qui mettra un terme aux querelles picrocholines entre les différentes organisations oeuvrant dans le domaine du soutien au commerce extérieur. A chacun de se spécialiser dans ses domaines d'excellence : aux chambres de commerce en France de détecter par exemple les entreprises susceptibles de mener une démarche à l'international. L'objectif doit être de parvenir à exprimer politiquement une volonté de travailler ensemble de façon complémentaire, en définissant les responsabilités de chacun et en veillant à ce que les domaines de compétence ainsi définis soient respectés à travers la mise en place de comités de suivi.

Stéphanie ANTOINE

M. Jean-Bernard Gautier, que pensez-vous de cette réorganisation des dispositifs d'aide aux entreprises françaises ? Ceux-ci vous semblent-ils manquer de lisibilité ?

Jean-Bernard GAUTIER, 1 er vice-président de l'Union des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger (UCCIFE)

L'UCCIFE est un réseau privé d'entrepreneurs réunissant 114 chambres de commerce et 40 délégations régionales. Il est présent dans 78 pays et comprend 25 000 adhérents, tous des entrepreneurs locaux (50 % d'entreprises françaises et 50 % d'entreprises étrangères. Il emploie 900 collaborateurs, riches d'une double culture et souvent aussi d'une double nationalité. Son chiffre d'affaires s'élève à 35 millions d'euros, dont 12,5 millions d'euros sont directement destinés au soutien aux entreprises. C'est un réseau ancien puisque 20 chambres sont centenaires.

Nous sommes très favorables à une complémentarité intelligente avec le réseau Ubifrance, en toute indépendance bien évidemment. Privé et autofinancé à hauteur de 94 % par les cotisations de ses membres et les revenus tirés de l'organisation d'événements et de services rendus aux entreprises françaises, il bénéficie, par ailleurs, de 6% de financements extérieurs, provenant des chambres de commerce et d'industrie françaises, de la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) - 15 volontaires internationaux sont délégués - et du Ministère des Affaires étrangères dans le cadre des comités pour l'emploi et la formation.

Notre réseau est unique en Europe. Les chambres de commerce qui le composent sont toutes des associations privées, à but non lucratif, d'entreprises françaises et étrangères, et de droit local. Elles exercent un rôle d'animation auprès des communautés d'affaires franco-étrangères, notamment en tenant des réunions mensuelles facilitant les échanges entre les entrepreneurs, et permettent de positionner la France dans le pays.

L'appui aux entreprises est devenu un des axes majeurs de notre action. Il passe par l'organisation de foires-expositions, de colloques et de réunions thématiques, par l'appui aux entreprises dans la réalisation de leurs objectifs à travers la conduite de missions de prospection à l'étranger. Nous tentons dans chaque pays de coordonner nos actions avec celles des missions économiques. Notre objectif consiste à présenter un fonds uni et cohérent pour les industriels français qui s'expatrient, mais aussi pour les communautés d'affaire locales. Nous voulons présenter à nos partenaires et clients une classification de nos chambres de commerce en fonction de leurs compétences spécifiques.

Nous agissons également, de manière très importante, dans le domaine de la domiciliation. Nous sommes ainsi très engagés auprès d'Ubifrance dans le programme des VIE. Les chambres de commerce présentes à l'étranger peuvent, par exemple, recevoir un VIE mandaté par un groupe de PME.

Stéphanie ANTOINE

M. André Wurtz, quelles sont les clés, selon vous, du succès à l'export des PME allemandes ? Leur exemple est-il transposable en France ?

André WURTZ, président de la section Allemagne des Conseillers du commerce extérieur

Pourquoi diable les Allemands réussissent-ils là où nous échouons alors qu'ils ont la même monnaie et sont soumis aux mêmes contraintes européennes ?

Depuis longtemps, on attribue le succès allemand à son très bon positionnement produits - ils fabriquent des machines-outils, des automobiles et des produits pharmaceutiques plus utiles aux pays émergents que le champagne et les produits de luxe français. On invoque aussi la réforme - dans la douleur - du marché du travail allemand devenu plus réactif, ou le développement d'industries nouvelles, notamment liées à l'environnement.

Malgré tout, l'ensemble de ces raisons ne saurait justifier tous ses bons résultats économiques qui tiennent à trois facteurs majeurs, comme nous avons pu le vérifier auprès de quatre PME allemandes (Chocolats Ritter, un des leaders mondiaux du modélisme, cuisines Bulthaup, fabricant de machines-outils Trumpf) lors d'un colloque organisé en novembre dernier à Baden-Baden par la section Allemagne des conseillers du commerce extérieur.

1/ La stratégie d'entraide et de réseau entre les grandes entreprises allemandes et leurs fournisseurs : les grandes entreprises emmènent les PME dans leur démarche à l'expatriation et leurs appliquent des délais de paiement courts, ce qui améliore sensiblement la situation de leur trésorerie et accroît leur capacité d'emprunt auprès des banques. Il faut aussi souligner le rôle de la fameuse Housebank, une banque qui soutient les entreprises dans les bons comme dans les mauvais moments. Cette aide en réseau se traduit par un soutien puissant des fédérations qui agissent au niveau professionnel et régional.

2/ Par ailleurs, contrairement aux Français dont l'absence de culture économique est abyssale, les Allemands ont du chef d'entreprise et de l'entreprise une image positive et valorisante. Selon une enquête d'opinion publique, le métier d'entrepreneur - à ne pas confondre avec celui de manager - serait, en effet, le deuxième métier le plus apprécié par la population allemande après le métier de médecin et devant le métier de couvreur. Par conséquent, les ouvriers allemands ont plus de plaisir à travailler en entreprise et à y fabriquer des produits de qualité que les ouvriers français. Autre conséquence : les entreprises allemandes, comme Karcher par exemple, ont une dimension familiale et se fortifient au fil des générations.

3/ 3 ème clé enfin, la spécialisation des entreprises et leur investissement dans l'innovation et la recherche. Elles se concentrent sur la fabrication de produits de qualité à forte valeur ajoutée, ne mettant les produits sur le marché que lorsqu'ils sont prêts à être mis sur le marché, faisant du label Made in Germany une appellation très demandée sur les marchés étrangers.

Enfin les Allemands sont dotés d'un esprit très conquérant sachant défendre leurs positions. Pour l'anecdote, si la commission européenne n'a jamais réglementé la vitesse sur les routes européennes - et l'Allemagne est le seul pays d'Europe où la vitesse sur autoroute ne soit pas limitée - c'est que les industriels Allemands sont très bien organisés dans leur lobbying. Depuis 15 ans que je suis en Allemagne, je n'ai jamais entendu parler de principe de précaution.

Stéphanie ANTOINE

M. Pierre Tapie, les réseaux dont parlent M. Wurtz commencent à l'école, la mentalité entrepreneuriale commence également à l'école, avez-vous les solutions pour former les jeunes futurs entrepreneurs français pour qu'ils s'investissent davantage à l'international d'une part, et pour préparer les étudiants étrangers à mieux connaître la France, d'autre part ?

Pierre TAPIE, directeur général de l'ESSEC

Merci d'avoir convié l'espace universitaire à participer à ce débat.

Pour permettre à la maison France d'être présente à l'étranger dans sa dimension économique, il ne suffit pas de former les élites françaises, il est aussi important de réfléchir à la manière dont nous pouvons former, en France, les élites étrangères.

Les écoles françaises d'ingénieurs et de technique, ainsi que les écoles de management, sont de plus en plus connues sur la scène internationale comme des gisements de très hauts potentiels. Parmi les dix meilleures formations en management en Europe, cinq sont françaises selon le Financial Times . En outre, selon une enquête réalisée par le Wall Street journal auprès de 4 500 recruteurs internationaux, deux MBA français sont classés parmi les dix meilleurs au monde : le MBA de l'ESSEC (7 ième ) et le MBA d'HEC (9 ième ).

Selon cette même enquête, sept caractéristiques sont déterminantes dans le recrutement d'un cadre à l'international  pour les responsables d'entreprises : les candidats doivent avoir le potentiel pour devenir des « stars » ; ils doivent pouvoir s'adapter très rapidement à l'entreprise ; ils doivent avoir la capacité de travailler en équipe dans des équipes diverses en termes d'origines et de disciplines ; ils doivent avoir l'aptitude et l'envie d'évoluer dans un milieu interculturel : l'autre m'intéresse ; ils doivent être capables d'inventer des choses nouvelles (« to think out of the box ») et ne pas se contenter de l'ordre établi ; ils doivent témoignent d'une haute intégrité et d'une éthique personnelle robuste ; enfin leur expérience professionnelle doit être cohérente avec leur formation.

Lorsque les Business School américaines les plus critiques viennent auditer l'ESSEC, ils sont admiratifs et nous disent : la globalisation a été accomplie à l'ESSEC. Elles nous envient le niveau d'exigence que nous imposons à nos étudiants à savoir l'apprentissage de quatre langues et un an de vie à l'étranger pour les bachelors , et l'apprentissage de trois langues et six mois de vie à l'étranger aux étudiants en MBA., tout comme elles nous envient le niveau de professionnalisation basé sur des enseignements à la fois pratiques et théoriques.

Nous avons créé un campus à Singapour il y a quelques années dont la vitesse de développement est le double de celle que nous avions anticipée.

Nous pouvons aussi préparer les étudiants en les formant autrement c'est-à-dire en répondant à la question : pourquoi un Chinois, un Argentin ou un Japonais choisirait-il de venir étudier à l'ESSEC plutôt qu'aux Etats-Unis ? Donnons-leur envie d'étudier en Europe et singulièrement en France. Ce que nous pouvons leur offrir en plus des compétences techniques, c'est un enseignement qui les prépare à avoir du recul par rapport au monde pragmatique dans lequel ils seront plongés, basé sur les humanités classiques et la philosophie. C'est en revenant aux sources de ma propre culture que je serai en mesure de distinguer entre le shanghaïen sauvage et le leader chinois éclairé imprégné de sa tradition confucéenne. C'est quelque chose que nous savons mieux faire, en France, qu'ailleurs.

Nous avons aussi eu l'audace à quelques uns en France, de demander aux étudiants étrangers qui souhaitent étudier en France, de payer le plein coût de la formation. En effet, il n'y a aucune raison de faire financer par les impôts des Français la formation des jeunes Chinois ou des jeunes Japonais plus ou moins fortunés. De plus, la gratuité des études est souvent perçue comme un signe de très haute médiocrité à l'étranger.

En conclusion, j'ajouterai que nous devons faire des progrès dans trois domaines. Il nous faut prendre conscience collectivement qu'investir dans la connaissance, c'est préparer l'économie de la connaissance et l'intelligence de demain. Même si le Président de la République a pris la décision très courageuse d'augmenter de 50 % en cinq ans le budget de l'enseignement supérieur, les 5 milliards de plus mis sur l'intelligence des jeunes Français ne représentent que la moitié du déficit de la sécurité sociale française. Deuxièmement, nous devons nous demander comment être mieux professionnel sur les choses simples, comme par exemple l'accueil dans les aéroports français qui est un scandale international, ou la politique des visas pour les élites étrangères et leurs conjoints. Il est très difficile par exemple d'expliquer à l'épouse d'un professeur indien que nous avons grand mal à faire venir qu'il lui faut parler français pour pouvoir rejoindre son mari. Enfin, dans un monde globalisé, il serait bon que les Français apprennent cette alchimie de l'ambition et de l'humilité. On peut être ambitieux, reconnaître nos atouts et être fiers de notre pays sans humilier les personnes originaires d'autres cultures.

Jean ARTHUIS, ancien ministre, président de la Commission des finances

La France possède tous les atouts pour réussir, d'excellents instrumentistes mais nous avons encore du mal à jouer la partition. Votre conclusion M. Pierre Tapie entre ambition et humilité doit pouvoir marquer une ligne politique.

J'ai compris, de nos échanges, qu'on verrait bientôt la fin de la distinction entre Ubifrance et les directions régionales de l'exportation placées sous la tutelle des préfets, Ubifrance étant appelée à resserrer ses liens avec les chambres de commerce et d'industrie en France et à l'étranger. Nous avons les bons instruments en matière e réseaux pour réussir. Encore faut-il avoir des produits et des services à exporter et surtout, la compétitivité requise. Les PME allemandes évoquées par M. Wurtz sont des entreprises familiales ayant échappé à la financiarisation de leurs activités, c'est-à-dire dont les patrons ne sont pas des fonds d'investissement ayant pour seul objectif la maximisation de leur rentabilité, mais des acteurs attachés à la stabilité et à la lisibilité dans le temps de l'entreprise. Ce facteur contribue à rendre plus attachante la culture d'entreprise.

J'ai noté également que l'ESSEC se préoccupait d'éthique. Une société qui ne se préoccupe pas d'éthique peut connaître des déconvenues. Vous avez souligné M. Tapie les études supérieures payantes. J'ai pu constater lors d'un de mes voyages en Chine combien gratuité rimait à leurs yeux avec manque de qualité. Tout pourrait marcher à condition que grâce à l'innovation, nos produits soient les meilleurs du monde.

Je suis convaincu que nos réglementations ne facilitent pas l'émergence de PME plus importantes et n'ont pas de sens dans une économie globalisée. A quoi sert-il de multiplier les seuils et les régimes particuliers dans tous les domaines (fiscal, social...) dès lors que les entreprises les plus importantes peuvent à tout moment s'extraire du territoire national ? La France pourrait devenir compétitive à condition de faire preuve d'innovation et d'accorder plus de marges de manoeuvre aux entreprises.

Il faudrait aussi que nous prenions le temps de dire aux Français ce qu'est la mondialisation. Nous avons tort de ne pas en parler davantage car elle est anxiogène compte tenu de notre inertie à adapter la France à la mondialisation. Vous avez raison aussi de souligner le manque de culture économique des Français. Nous avons tout pour réussir mais il est temps de tirer le signal d'alarme car les 40 milliards d'euros de notre déficit commercial sont un indicateur qui devrait nous mettre en état de vigilance et nous préparer à l'action.

De la salle : Marc VILLARD, conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger (circonscription de Bangkok)

Depuis dix-huit ans, je vis au Vietnam où je préside la Chambre de commerce franco-vietnamienne. Je suis aussi président de la commission des affaires économiques de l'AFE.

Jean Arthuis n'en a pas parlé, mais les emplois créés par les entreprises étrangères qui investissent en France compensent en partie ceux détruits à la suite de délocalisations. Certes, il faut lutter contre l'anxiété due aux délocalisations, mais il faut aussi arrêter de subventionner des pans entiers de notre économie qui ne sont plus rentables. Il faut bien sûr accompagne socialement ces délocalisations mais en ayant conscience qu'elles sont inéluctables pour certaines entreprises ; de plus, en délocalisant, les entreprises participent au développement de nouveaux marchés.

Les entreprises françaises ne font pas toujours les efforts nécessaires pour accroître leur présence à l'étranger. En 1994, par exemple, le marché des poubelles en plastique de la ville de Hô Chi Minh est revenu à une entreprise allemande parce que Plastic Omnium n'a pas jugé la demande de cette municipalité assez sérieuse.

Par ailleurs, j'ai le plaisir d'inviter M. Christophe Lecourtier à la commission des affaires économiques de l'Assemblée des Français de l'étranger et souhaite rappeler, à la suite des propos de M. Gautier, que les chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, représentent des associations de droit local, autofinancées et composées de bénévoles riches d'une expérience que jamais les réseaux d'Ubifrance ne pourront acquérir. Il serait, par conséquent, regrettable de ne pas entretenir ce réseau.

Enfin, si la France doit effectivement muscler les PME françaises, elle doit aussi revoir son dispositif d'appui à l'étranger pour ces entreprises.

Jean ARTHUIS, ancien ministre, président de la Commission des Finances du Sénat

La situation est suffisamment préoccupante pour nous convaincre d'agir et de sortir des discours anesthésiants. Il faut arrêter de légiférer comme si la mondialisation n'existait pas (35 heures).

Parmi les discours anesthésiants, il y a celui consistant à dire : la France est un pays formidable, les capitaux du monde entier s'y concentrent. Quand on regarde de près les cibles d'investissement, il y a en premier lieu tout l'immobilier de luxe de Paris et de la périphérie parisienne, comme par exemple l'achat du centre de conférences internationales de la rue Kléber par un fond qatari pour 400 millions d'euros, ce qui a pour conséquence une inflation des actifs immobiliers qui chasse les résidents loin de leur lieu de travail. Il y a en deuxième lieu la souscription de bons du Trésor (100 milliards en 2008) qui permet de financer le déficit budgétaire de la France et les déficits de la sécurité sociale et du régime agricole. Il y a en troisième lieu les actions des entreprises du CAC 40 qui réalisent la plupart de leurs bénéfices en dehors du territoire national et qui n'aident pas directement la France à générer des emplois et à développer sa croissance. Il y a enfin le rachat de PME, qui précède souvent leur délocalisation quand les investisseurs préfèrent produire ailleurs.

Je ne stigmatise pas les délocalisations. Mais nous devons regarder la réalité des choses et en tirer les conséquences, afin de prendre les mesures nécessaires pour nous permettre de retrouver de la compétitivité sur notre territoire national.

Marc TRINTIGNANT

J'ai passé 40 ans de ma vie en Allemagne dont la moitié pour le compte d'entreprises françaises et la moitié pour le compte d'entreprises allemandes.

L'entrepreneur français doit employer 80% de son temps dans des déplacements hors de l'hexagone pour voir son activité export commencer à fonctionner. Personne d'autre que lui ne peut le faire. C'est essentiel! Pendant plus de dix ans, comme correspondant pour l'Allemagne à l'Agence de promotion internationale de la CGPME, j'ai eu l'occasion d'examiner plus de 150 dossiers d'entreprises françaises souhaitant exporter. Seulement 2 à 3% d'entre elles y sont parvenues car les autres n'exprimaient qu'une velléité, pas une volonté réelle.

L'orientation vers la rentabilité des postes d'expansion économiques est la décision la plus catastrophique qui ait été prise. En effet, autour des postes qui étaient autrefois spécialisés dans la production d'informations, se trouvaient une pléiade d'entreprises de conseil remarquablement organisées qui pouvaient aider les PME françaises. Du jour où Ubifrance s'est mis en concurrence, il a saboté ce réseau. En revanche, Ubifrance devrait s'inspirer de l'Irlande, et se servir de son outil de veille sur les marchés étrangers pour informer les entreprises françaises des différents appels d'offre émis à l'étranger.

Enfin, pour élargir le débat, c'est grâce aux grands chantiers de l'État (EDF, Airbus), que les entreprises françaises ont pu exporter, notamment dans les secteurs de l'aéronautique, du nucléaire et du traitement des déchets. On ne se développe qu'à partir de ses points forts.

Christophe LECOURTIER, directeur général d'Ubifrance

Je n'ai pas prononcé le mot de rentabilité. Cela voudrait dire qu'on cherche à faire payer aux PME le coût réel du service proposé. Lorsqu'on demande à Ubifrance d'emmener plus d'entreprises sur des salons à l'étranger - et nous avons accru leur présence de 20% entre 2006 et 2007 -, cela coûte de l'argent. Je souhaiterais qu'à moyens décroissants, nous puissions offrir un meilleur service aux entreprises.

Je ne crois pas que la relation d'Ubifrance avec les chambres de commerce françaises à l'étranger soit à fleuret moucheté. La première chose que j'ai faite quand je me suis rendu au Vietnam a été de rendre visite à la chambre de commerce dirigée par M. Villard.

Presque 30 ans après la réforme libérale, l'agence britannique d'aide à l'export bénéficie d'une subvention du double de celle d'Ubifrance.

Julien HIRONDELLE

J'ai créé ma société il y a quatre ans à l'étranger, en expérimentant pour cela toutes les difficultés liées à la création d'entreprise (COFACE, OSEO, ANVAR...). Comment se fait-il que l'Angleterre compte 40 000 business angels , contre seulement 4 000 en France ? Pourquoi les Français investissent-ils leurs économies dans des contrats d'assurance-vie plutôt que dans des starts up ou dans de jeunes entreprises innovantes qui peuvent passer de trois à 500 salariés en dix ans ? Par ailleurs, si l'Allemagne jouit d'une balance commerciale positive de 200 milliards d'euros c'est qu'elle bénéficie de 10 000 PME de 300 salariés de plus que la France. J'ai compté qu'il fallait remplir 19 formulaires différents pour toucher une aide à l'export qui sera dix fois inférieure à la subvention touchée par une PME allemande.

Pour avoir reçu des dizaines de CV, je suis convaincu que les jeunes sont ouverts à la culture d'entreprise et ont envie de travailler, mais il y a une chape de plomb qui fait que 60% des jeunes Français rêvent d'être fonctionnaires et qu'on a créé un million d'emplois dans les collectivités territoriales en quinze ans alors que les communautés de commune ont précisément pour objectif d'optimiser les ressources.

Nous sommes en train de gâcher une opportunité, celle des pôles de compétitivité qui ont pour ambition de faire travailler ensemble les PME, les grandes entreprises et les moyens de la recherche publique avec ceux de la recherche privée. Le problème, c'est qu'au lieu de se concentrer sur trois pôles, nous avons saupoudré les subventions à 70 pôles. Par ailleurs, les pôles de compétitivité meurent de trop d'administration : dans toutes les régions de France, il y a un micro cluster qui dort mais qui a été anesthésié par la prééminence des pouvoirs publics sur les acteurs privés.

Par ailleurs, il faut tirer les conséquences du fait que seulement 1% des jeunes ingénieurs ou des étudiants issus des écoles de commerces créent une entreprise en France. Cela passe certainement par la suppression des grands corps de l'État et par la revalorisation du rôle des chercheurs, des universitaires et des entrepreneurs dans notre société.

Le Président de la République a annoncé qu'à compter du 28 janvier 2008, il y aurait un chef de projet sur l'aménagement du plateau de Saclay. Je rappelle que le plateau de Saclay représente 13.000 chercheurs et 23.000 étudiants, soit deux fois plus qu'à Stanford dans la Silicon Valley. A part Stanford, toutes les universités californiennes sont publiques. Avec un beau campus à Saclay qui réunirait Polytechnique, l'école centrale et la fac d'Orsay, on pourrait créer 1% de croissance supplémentaire.

J'aimerais aussi comprendre pourquoi 50% du capital des entreprises du CAC 40 est détenu par des fonds de pension contre 30% aux États-unis.

Jean ARTHUIS, ancien ministre, président de la Commission des Finances du Sénat

Les B usiness Angels se montrent, en effet, beaucoup moins nombreux en France qu'en Grande-Bretagne. Notre culture a décidément du mal à admettre l'économie de marché.

Je ne crois pas que les subventions soient l'avenir de l'économie. Les pôles de compétitivité sont une très bonne idée mais peut-être a-t-on trop mis d'administration autour. Ce qui me semble nécessaire est de laisser les entrepreneurs et les chercheurs se rencontrer sans que l'Etat où la Région n'interviennent nécessairement dans leurs discussions. Néanmoins ce qui s'accomplit est prometteur.

Pour la recherche, se pose moins la question des moyens mis en oeuvre par la collectivité que celle du statut des chercheurs.

Enfin, il convient de poursuivre la mise en place d'institutions locales reposant sur un fonctionnement suffisamment simple et lisible pour permettre aux Français d'avoir accès à un minimum de services. J'observe que depuis 26 ans de décentralisation, l'essentiel des transferts de compétence a été réalisé au profit des départements et non pas des communes. Pourquoi? Parce que sur 36.000 communes, 33.000 n'auraient probablement pas pu les assumer. Il faut donc poursuivre la réforme et continuer à mettre de la lumière dans la maison publique pour faire disparaître l'opacité qui y régnait. Le mouvement est amorcé, il y a une prise de conscience. Le politique dont je suis doit se remettre en lui pour faire preuve de lucidité et de courage.

De la salle

J'accompagne les entreprises dans trois régions : les Émirats Arabes Unis, la partie Ouest de l'Inde et Hong Kong. Ne pensez-vous pas nécessaire d'exiger, comme dans d'autres pays, que les « Business models » des entreprises reposent en partie sur le développement à l'export ? S'il en était ainsi, toutes les sociétés chercheraient à innover et à se doter d'outils pour devenir compétitives sur le plan international. Les sociétés indiennes pensent de façon internationale.

Jean ARTHUIS, ancien ministre, président de la Commission des Finances du Sénat

Il y a quelques années, j'ai rencontré à Bangalore les représentants de Tata dans le domaine des logiciels informatiques qui avaient décidé, sur la base d'une étude, de s'implanter en Tchéquie plutôt qu'en France. Cet exemple nous montre combien il nous faut tenir un discours clair vis à vis des citoyens afin que chacun prenne conscience de ce qu'implique la mondialisation et que nous puissions lever les hésitations qui multiplient les inhibitions et qui font que les vraies réformes ont du mal à s'engager.

Notre épargne sert aujourd'hui en grande partie à financer nos déficits publics. Il nous faut donc déjà, dans un premier temps, mettre de l'ordre dans nos finances publiques pour que notre épargne serve d'abord à financer les entreprises. C'est la meilleure façon de gager nos pensions de retraites à échéance de vingt, trente ou cinquante ans.

L'an passé, le gouvernement avait soumis un texte sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, lequel offrait la possibilité pour les redevables de l'ISF de liquider l'impôt en souscrivant des titres de PME, à hauteur de 75% d'un impôt plafonné à 50 000 euros. Cela n'est pas gigantesque mais c'est un premier pas pour drainer des ressources vers des PME en développement. Le plus simple serait évidemment de supprimer l'ISF, ce dont tout le monde est convaincu en privé. Mais dès qu'on est en séance publique, chacun est retenu par des considérations plus idéologiques.

M. Bernard METZLER

Je bénéficie d'une expérience d'une vingtaine d'années dans la direction de petites et moyennes entreprises. Ma question s'adresse principalement à M. Tapie. J'anime une petite école de 110 étudiants dans la ville de Quimper. 40 % d'entre eux sont chinois, indiens ou japonais. Ils paient tous une cotisation de l'ordre de 5 000 euros par an pour suivre leurs études. Comment peut-on donner l'envie aux Français, dès le lycée, de voyager, d'entreprendre et de créer ?

Pierre TAPIE, directeur de l'ESSEC

Actuellement, l'Institut de l'entreprise et le Ministère de l'Éducation nationale mènent des travaux très intéressants sur les présupposés culturels des enseignants du secondaire. Ils ont montré, à ma grande stupéfaction, que les ouvrages destinés aux sections économiques et sociales sont chargés d'une idéologie hostile à l'entreprise, laquelle peut se rencontrer ailleurs, par exemple dans la presse généraliste.

J'aimerais pouvoir lire dans la presse que la mondialisation représente une chance exceptionnelle pour la France et l'opportunité, pour les Chinois et Indiens, de sortir de leur situation d'extrême pauvreté.

Par ailleurs, j'ai été ravi d'apprendre, par le président du Sénat, que les sénateurs ont la possibilité de découvrir le monde de l'entreprise par le biais d'un stage. Mon seul regret est que ce stage ne dure qu'un jour ! Cet exemple sous forme de clin d'oeil démontre qu'il reste encore du chemin à parcourir avant de réconcilier les Français, toutes catégories sociales confondues, avec l'entreprise.

Jean ARTHUIS , ancien ministre, président de la Commission des Finances du Sénat

C'est bien que les Français qui par leur parcours professionnel n'ont pas eu l'occasion de connaître l'entreprise, aient envie de faire des stages en entreprise et rendons hommage au Président du Sénat qui a eu cette initiative. Je souligne que les stages des sénateurs durent plus d'un jour.

Les Français, en effet, souffrent d'un manque de culture économique et il appartient au monde politique, mais aussi aux entrepreneurs, au MEDEF, à la CGPME et à toutes les personnes qui représentent les entreprises, d'en tirer les conséquences. Vivent les entreprises !

De la salle, un conseiller de l'Assemblée des Français de l'étranger

Je suis un entrepreneur français, installé en Angleterre, et je réalise 75% de mon chiffre d'affaires à l'exportation. Au delà d'un seuil de 25%, on ne bénéficie d'aucune subvention à l'export.

Je souhaite souligner un problème lié aux VIE. Les entreprises françaises qui emploient des VIE à l'étranger ne paient ni charges sociales, ni impôts sur ces jeunes recrues, comte tenu de leur statut public. Mais il est de plus en plus fréquent que ces entreprises subissent des redressements fiscaux de la part du fisc local, notamment en Grande Bretagne. Vous réagiriez de même M. Arthuis si de jeunes Britanniques étaient envoyés en France pendant deux ans en exonération totale de charges sociales et d'impôts. J'aimerais savoir M. Lecourtier quand Bercy nous donnera la liste des pays dans lesquels ce risque existe.

Christophe LECOURTIER , directeur général d'Ubifrance

Ubifrance est conscient des problèmes liés à ce dispositif qui est un dispositif de droit français. Nous avons demandé aux services fiscaux de préciser la raison de l'exonération en France des charges sociales et des charges fiscales. Évidemment, la réciprocité ne s'applique pas partout. C'est pourquoi nous menons actuellement un travail explicatif auprès des pays dans lesquels notre statut de VIE pose problème en nous appuyant notamment sur l'exégèse fiscale de nos textes législatifs. Nous avons proposé, par ailleurs, aux ministres d'échanger sur le sujet avec leurs collègues étrangers avant que le problème se pose. Nous avons commencé à le faire avec la Commission européenne pour essayer de défendre l'idée d'un statut européen du VIE, ce qui résoudrait le problème au niveau européen. Nous le faisons aussi avec de grands pays émergents: nous leur expliquons notre dispositif et leur demandons s'ils seraient intéressés par un tel dispositif pour leurs propres stagiaires en France.

Jean ARTHUIS, ancien ministre, président de la Commission des Finances du Sénat

Ayons la sagesse de concevoir des dispositions simples. En effet, à chaque fois que nous mettons en place des statuts particuliers, il y a ceux pour lesquels le dispositif est conçu, et puis il y a ceux qui se trouvent tout près du dispositif et qui font appel aux meilleurs spécialistes du droit fiscal ou social pour démontrer qu'il s'applique aussi à eux. Cette situation multiplie les foyers de contentieux, de frottements et de frictions, si bien que certains responsables de sociétés ont l'impression de vivre une situation de conflit avec l'État.

Nos législations sont trop complexes parce que nous avons multiplié les règles d'exception. La sagesse est de parvenir à des règles de droit simples et compréhensibles par tous pour être applicables et respectées par chacun.

TABLE RONDE N°4

TROUVER UN EMPLOI À L'ÉTRANGER : UN PARCOURS SEMÉ D'EMBAUCHES

Pour partir travailler à l'étranger, plusieurs chemins sont possibles :

1°) être envoyé par son employeur (entreprise ou administration) dans le cadre d'une mobilité internationale ;

2°) pour les moins de 28 ans, partir dans le cadre d'un volontariat international en entreprise (VIE) ou en administration (VIA) ;

3°) Trouver un emploi grâce aux agences de placement à l'international (Eures pour l'Europe et Espace Emploi International pour le reste du monde) ;

4°) Trouver un emploi sur place ou créer son entreprise.

Cette table ronde envisagera successivement tous ces cas de figure pour donner aux candidats au départ les meilleurs conseils. Elle abordera également la problématique de la mobilité internationale des cadres.

Table ronde animée par Christine KERDELLANT , directrice adjointe de la rédaction de l'Express

Première partie : la gestion de la mobilité internationale

Avec :

Jean PAUTROT , président du cercle Magellan

Gilles DENOYEL , directeur général délégué d'HSBC France

Nadine GUIBERT , directrice générale adjointe d'Ubifrance

Chantal ALORGE , chef du bureau des volontaires internationaux, direction des personnels spécialisés et à gestion déconcentrée au ministère des affaires étrangères

Marie-Claire BOULAY , chef de la mission des fonctionnaires internationaux (MFI) au ministère des affaires étrangères

Christine KERDELLANT

Une centaine de Français arrivent chaque mois au consulat de France à Shanghaï en rêvant de « faire fortune ». Bien que la Chine ne figure pas dans le top 10 des destinations préférées des Français, de plus en plus de Français rêvent de s'expatrier en Asie.

Quelles sont les nouvelles tendances en matière de mobilité internationale ? Pour aborder ce sujet, je passe la parole à M. Jean Pautrot, président du cercle Magellan, regroupement de DRH de 150 groupes français européens.

Jean PAUTROT, président du cercle Magellan

Quelques constats tout d'abord pour bien faire ressortir ces nouvelles tendances.

1/ Les moyens de communication s'accélèrent, rendant tout proche.

2/ Le management par projets se développe, notamment les projets internationaux.

3/ La santé et la sécurité représentent désormais des enjeux essentiels dans le monde.

4/ Le niveau d'éducation moyen augmente, tous les pays formant désormais des ingénieurs de grande valeur et pas seulement les Américains et les Européens.

5/ Enfin, les tensions sur les compétences s'accentuent.

Les nouvelles tendances peuvent être présentées autour de 5 axes : les différents types de mobilité, les « packages », les risques, la question du retour qui est toujours le tendon d'Achille de la mobilité et la « marque employeur. »

S'agissant des différents types de mobilité, on constate un développement des voyages professionnels et des missions de courte durée, notamment au regard des projets internationaux et de la culture du travail par projets. On observe également le développement dans les pays à risques et dans les sites isolés, des missions en rotationnel, c'est-à-dire en célibataire, l'expatrié revenant voir sa famille périodiquement. Parallèlement, on constate une stabilisation des missions de longue durée et le recours à des diplômés locaux pour pourvoir les postes, qui ont l'avantage de connaître la culture locale. Enfin, dans les groupes du CAC 40, on passe d'une mobilité en étoile (vers les filiales) à une mobilité en toile (mouvements également vers le siège et échanges inter filiales) qui se complexifie.

S'agissant des packages, le voyage de reconnaissance se généralise. Il s'effectue avec le conjoint et de manière très structurée. Le futur expatrié et son conjoint découvrent ainsi tous les aspects du pays avant d'accepter la mission. Parallèlement, l'accompagnement de la mobilité est de plus en plus structurée également : la relocation s'est généralisée, la préparation linguistique, l'interculturel, etc. Toutefois, les expatriations se faisant souvent dans l'urgence, l'interculturel est parfois sacrifié. Par ailleurs, aujourd'hui, on distingue nettement la rémunération liée au poste, établie en fonction de la mission et de ses caractéristiques, et la rémunération liée à l'expatriation, avec une tendance à une meilleure maîtrise de cette dernière. Toutefois, alors qu'on constatait un tassement des packages, les tensions actuelles sur le marché de l'emploi en Europe, conduisent à un regain des incitations à la mobilité.

Dans le domaine des risques, les entreprises portent une grande attention à leurs responsabilités juridiques (santé, sécurité, contrat de travail, etc.). Elles sont de plus en plus soucieuses d'assumer au mieux leurs obligations d'information et d'appliquer le principe de précaution. De plus, les dossiers de retraites sont de plus en plus complexes à gérer, notamment lorsque l'expatrié est amené à changer de régime. La coordination entre les différents régimes est aujourd'hui insuffisante. Heureusement, les Français bénéficient avec la Caisse des Français de l'étranger d'un avantage dont ne bénéficient pas les autres pays.

Les retours d'expatriation sont le tendon d'Achille de la mobilité internationale. Les entreprises doivent prendre conscience des compétences acquises à l'international. Elles sont en train de le faire, notamment sous la pression des tensions sur le marché du travail. Toutefois, la question du retour est aussi celle de l'expatrié qui doit surmonter les frustrations liées au retour (perte de rémunération, perte de statut, perte d'autonomie). L'entreprise ne peut pas résoudre ces problèmes à sa place.

Enfin, les entreprises considèrent aujourd'hui qu'elles ont non seulement des marques produits, mais également une « marque employeur », permettant d'attirer et de fidéliser les salariés. La dimension internationale est un élément de la marque employeur. En effet, nous sommes à la veille d'une grande pénurie des compétences, surtout chez les ingénieurs. Tous les groupes techniques se heurtent à cette pénurie, non seulement au niveau de la France, mais au niveau international. D'où l'importance pour les entreprises d'afficher une marque employeur tournée vers l'international pour attirer des compétences nouvelles. Même si les futurs salariés ne vont pas faire des missions internationales, le fait d'afficher cette dimension renforce la marque employeur. Les VIE sont pour les entreprises un mode de pré-recrutement et une façon d'afficher une marque employeur plus attractive car plus internationale.

Christine KERDELLANT

Comment se déroule la gestion internationale des cadres dans un groupe de service comme le groupe HSBC ?

Gilles DENOYEL, directeur général délégué d'HSBC France

HSBC est un des groupes bancaires les plus internationaux. Non seulement il est présent dans de nombreux pays, mais il ne dispose pas de centre géographique principal. Son activité se déroule dans trois régions d'égale importance pour lui en termes de chiffre d'affaires : Amérique, Europe et Asie. Cette dimension internationale est au coeur du fonctionnement du groupe depuis sa création, illustrée par le slogan « Votre banque partout dans le monde ». HSBC est à la fois très international et à la fois très ancré; chaque branche nationale est totalement ancrée dans son pays. Enfin, HSBC entend défendre, non seulement la diversité, mais aussi le développement durable. Un groupe mondial et ancien est en effet obligé de raisonner à long terme. HSBC se flatte enfin d'être la première banque à compenser ses émissions de carbone.

Dans notre structure, l'expatriation concerne une toute petite fraction des salariés (1.500) et, en pratique, essentiellement les cadres de certains métiers, ce qui peut paraître peu par rapport aux 320.000 collaborateurs. Elle s'effectue à travers deux grands circuits. Le premier est le circuit relativement élitiste du pool d' International managers . Il est accessible sur la base d'un concours totalement international réservé à de jeunes diplômés issus des meilleures universités du monde, et ayant deux ou trois ans d'expérience professionnelle. Ce concours très exigeant permet d'effectuer un parcours d'expatriation durable; en pratique, les cadres sélectionnés font quasiment toute leur carrière à l'international. Une très large part des dirigeants du groupe ont suivi ce cursus qui donne une expérience unique. 400 personnes en ont bénéficié environ à ce jour.

Le second circuit est plus ouvert et destiné à des cadres cherchant à s'expatrier pendant quelques années. Au-delà de 5 ans, le contrat est commué en contrat de droit local. Enfin, le développement des missions de courte durée (moins de 2 ans) suit le développement des grands projets internationaux, notamment informatiques: cela conduit à de très fréquent et fructueux échanges d'experts qui passent dix à dix-huit mois à l'étranger pour mener une mission ponctuelle. Il y a une corrélation entre la mobilité internationale mise en oeuvre par HSBC et notre capacité à apporter des solutions adaptées à nos clients. Notre offre bancaire qui n'a pas d'équivalent se nourrit de cette expérience internationale.

En France, HSBC emploie 15 000 collaborateurs. 80 d'entre eux sont expatriés. Ils travaillent dans les grandes filiales du groupe (Grande-Bretagne, Hongkong et Amérique du Nord), mais nous pensons que leurs parcours vont se diversifier progressivement. Une majorité d'entre eux concerne des activités de grande clientèle c'est-à-dire la banque pour les grandes entreprises, en particulier la banque de marché. Les Français sont très appréciés à l'international, non seulement pour leurs compétences, notamment en finances de marché, mais également pour leur capacité d'innovation et leur créativité. Quelques réussites individuelles peuvent être saluées. Un Français dirige le patron des marché du groupe HSBC. Un autre est en train de créer la banque de réseau d'HSBC au Japon et un autre enfin dirige les activités de grands clients en Grande-Bretagne.

Christine KERDELLANT

Comment un cadre supérieur de l'administration peut-il trouver un emploi dans les organisations internationales ?

Marie-Claire BOULAY, chef de la mission des fonctionnaires internationaux (MFI) au Ministère des Affaires étrangères

La Mission des fonctionnaires internationaux (MFI) a été créée en 1995. Cette structure interministérielle a pour rôle de promouvoir la présence française parmi les 178 organisations internationales dont la France est membre : Nations Unies et toutes leurs composantes, Union européenne et toutes ses déclinaisons, instituts financiers internationaux (FMI, Banque mondiale, banques régionales d'investissement comme la banque africaine, la banque asiatique et la banque interaméricaine) et organisations militaires comme l'OTAN ou l'OSCE, l'AIEA. Actuellement, 16 000 fonctionnaires français travaillent dans les organisations multilatérales.

La MFI a d'abord pour mission d'informer ses concitoyens. Son site Internet en est le premier moyen ( www.diplomatie.gouv.fr/mfi ). Quotidiennement mis à jour, il signale tous les postes ouverts à candidature dans les différentes organisations internationales. 875 postes sont en ligne aujourd'hui. Cependant, il m'appartient de préciser que la compétition est rude et évidemment pas réservée aux seuls ressortissants français. Les organisations internationales sélectionnent les candidats qu'elles souhaitent, indépendamment de leur nationalité.

La MFI informe, non seulement le public sur les opportunités qui existent, mais également les administrations françaises sur le positionnement des Français à l'international, leurs souhaits et leurs difficultés. Une enquête est réalisée chaque année à cet effet à travers l'ensemble des organisations pour connaître le nombre de nos compatriotes et leur positionnement.

Les postes que la MFI rend public sont plutôt des emplois de cadre mais il s'agit de toutes sortes d'emplois. A cet égard, le terme de fonctionnaires n'est pas approprié puisque nous recrutons tous types de personnels qu'ils soient ou non fonctionnaires. Quand on travaille à l'ONU, on a un statut de fonctionnaire international sans l'avoir forcément été en France.

La MFI a pour fonction également de promouvoir la présence française dans les organisations. A cette fin, elle analyse leur situation interne pour essayer de déterminer quelles sont leurs perspectives d'avenir, sur la base de la pyramide des âges, des nouveaux métiers, des équilibres hommes-femmes, des équilibres géographiques ou sectoriels. Les candidats français intéressés peuvent donc mieux cibler leur candidature.

Le système de recrutement est très long. Aux Nations Unies, le délai moyen entre la parution d'une annonce et le recrutement effectif est de 172 jours. Nous suggérons donc aux personnes intéressées de présenter leur candidature à plusieurs postes et de nous en avertir, si possible. En effet, lorsque le candidat est pré-sélectionné pour occuper certains postes à responsabilité, la MFI peut mettre en place un dispositif d'aide, notamment en donnant des informations précises sur les postes visés et en communiquant les noms de personnes susceptibles d'informer sur lesdits postes et leurs contraintes. Elle a la capacité aussi de solliciter son réseau de représentations permanentes à l'étranger, à New York, à Rome, à Vienne, à Bruxelles, à Genève, pour augmenter les chances de recrutement des candidats.

La France préférait, jusqu'à présent, placer une vingtaine de jeunes diplômés de très haut niveau par an. Désormais, la MFI souhaite développer son action pour avoir des Français au coeur des organisations internationales, notamment dans les services de ressources humaines, dans les services financiers, dans les services de programmation, les services budgétaires ou les services de prospective. Elle pourra ainsi avoir une meilleure connaissance de l'évolution de ces grandes institutions. La MFI ne travaille pas à court terme. Elle s'intéresse aux grandes tendances qui traversent les organisations internationales pour essayer de positionner les Français au coeur de ces tendances (environnement, télécommunications), d'autant que la France dispose de très grandes compétences dans ces secteurs.

La MFI participe également à des missions d'observation électorale, nous envoyons des observateurs sur des champs d'observation difficiles et je rends hommage aux jeunes qui s'expatrient à cet effet dans des pays en crise. Nous sélectionnons aussi des personnels qui vont servir à l'OSCE.

Nous sommes ouverts au public et situés 57 bd des Invalides dans le 7ème arrondissement à Paris.

Christine KERDELLANT

Quelle est l'importance du volontariat international en entreprise pour le développement des entreprises françaises ?

Nadine GUIBERT, directrice générale adjointe d'Ubifrance

Le VIE constitue une formule gagnant-gagnant pour les entreprises et les jeunes. Il favorise la présence des entreprises françaises à l'international, accompagne la politique de mobilité et permet de former les futurs cadres à l'export. Notre ministre de tutelle, Hervé Novelli, ministre déléguée au commerce extérieur, souhaite développer cette formule et a fixé comme objectif d'avoir 10 000 VIE en 2009, contre 5 600 aujourd'hui.

Le VIE a été créé par la loi du 14 mars 2000 qui a créé les deux formes de volontariat, le volontariat international en administration et le VIE. Cette loi a notamment été portée par les sénateurs représentant les Français établis hors de France. En pratique, il consiste à confier une mission professionnelle de 6 à 24 mois à un jeune de 18 à 28 ans, lequel dispose alors d'un statut public. C'est la raison pour laquelle Ubifrance, agence d'appui au commerce extérieur, est chargée de gérer le dispositif.

Toute entreprise de droit français peut bénéficier de ce système dès lors qu'elle dispose d'une structure permettant d'accueillir le jeune à l'étranger : filiale ou partenaire à l'étranger. Des parrainages par un conseiller du commerce extérieur ou des portages par un grand groupe peuvent être organisés pour les PME ne disposant pas de structure à l'étranger. Les entreprises de droit étranger peuvent également accueillir des VIE si elles disposent d'un partenaire en France capable de porter juridiquement le VIE.

Tous les types de mission sont possibles : commerce, technique, ingénierie, droit, etc. Elles peuvent se dérouler dans un ou plusieurs pays, le jeune ayant l'obligation de passer un certain temps en France avant de partir en mission afin de connaître l'entreprise et de se former.

L'avantage principal de cette formule, c'est sa flexibilité. En effet, l'entreprise n'ayant pas de lien contractuel avec le jeune, elle est déchargée de toute la gestion administrative le concernant et peut donc se consacrer au pilotage opérationnel du VIE. La formule est aussi très souple en termes de durée et de temps de séjour. Autre avantage, le coût d'un VIE, bien que variable selon les pays, est très inférieur à celui d'un expatrié puisque aucune charge ne lui est appliquée. Il peut aussi être allégé dans le cadre de dispositifs d'aides régionaux; actuellement douze régions assurent la prise en charge des VIE à hauteur de 50%. D'autres aides peuvent être accordées, notamment dans le cadre de l'assurance prospection de la Coface et du crédit export.

Le vivier des candidats au VIE est très important : 40 000 jeunes sont actuellement inscrits sur le site du CIVI. La plupart d'entre eux sont très diplômés (bac + 5) et très motivés par l'international (ingénieurs, commerciaux, etc.). Notons que les ressortissants de l'espace économique européen sont susceptibles de bénéficier du VIE au même titre que les Français.

Pour les VIE, le statut public est très protecteur. Il leur assure une indemnité mensuelle et une couverture sociale très correctes. Par ailleurs, la période de volontariat est validée pour le calcul de la retraite et la mission économique de l'ambassade de France locale peut aider les jeunes en cas de problème. Surtout, le VIE constitue un tremplin pour l'obtention d'un emploi, étant très bien perçu par les recruteurs. Ainsi, 70 % des jeunes en VIE sont recrutés par les entreprises et 50 % d'entre eux restent à l'étranger.

Le bilan de ce dispositif est très positif. Depuis sa création en 2001, 17 000 jeunes en ont bénéficié pour le compte de 2 000 entreprises. Il connaît un taux de croissance élevé puisque 1 000  nouvelles missions sont offertes chaque année. Géographiquement, la répartition des VIE correspond aux premiers marchés des entreprises françaises (États-Unis, Chine, Europe de l'Est, Afrique du Nord).

Notre souhait est de faire en sorte que de plus en plus d'entreprises et de jeunes adhèrent à cette formule et l'utilisent, via Ubifrance pour les entreprises et le CIVI pour les jeunes.

Christine KERDELLANT

Quelle est l'importance du volontariat international en administration pour la France ?

Chantal ALORGE, chef du bureau des volontaires internationaux, direction des personnels spécialisés et à gestion déconcentrée au ministère des affaires étrangères

Le VIA est le pendant administratif du VIE. Les volontaires internationaux en administration disposent du même statut que les VIE. Le Ministère des Affaires étrangères met en oeuvre cette formule depuis huit ans. Elle connaît un succès grandissant, même si les contraintes budgétaires empêchent d'accueillir tous les candidats. 4 000 VIA ont été envoyés dans le réseau diplomatique et consulaire depuis 2001. 1 000 VIA sont en poste actuellement, dont 54 % de jeunes filles.

Les VIA peuvent accomplir toutes les missions possibles dès lors qu'elles entrent dans le cadre des missions que remplit la France à l'étranger. Ils peuvent être attachés de presse, archivistes, ou ingénieurs dans les ambassades, occuper des postes liés à l'attribution des visas ou à l'emploi et à la formation dans les consulats, être médiathécaires, chargés de la promotion du livre ou responsables de l'audiovisuel dans les services culturels, exercer des postes de responsabilité dans les centres ou instituts culturels ou alliances françaises, être employés dans les services scientifiques ou envoyés comme experts auprès de gouvernements ou de municipalités étrangères... Il y a également des tailleurs de pierre, des médecins, des cuisiniers...

Leur recrutement s'effectue également sur le site du CIVI où le Ministère des Affaires étrangères publie la quasi-totalité des vacances d'emploi, au nombre de 600 par an. Les candidats doivent simplement envoyer leur CV et leur lettre de motivation. Ce système très simple et très ouvert, est évidemment très concurrentiel, 40 000 d'entre eux étant inscrits sur le site. Le bureau des volontaires internationaux pré-sélectionne les candidatures au regard des fiches de poste. Le poste demandeur et les services de l'administration effectuent ensuite un classement des candidats dans l'ordre de leurs préférences. Le bureau reçoit par la suite les candidats dans l'ordre défini jusqu'à en trouver un correspondant parfaitement à la demande. Le candidat placé en tête de la liste obtient le poste dans 95 % des cas. La répartition géographique des VIA est globalement équilibrée : Afrique, puis Europe centrale et occidentale, enfin, Asie et Amérique.

Les avantages du VIA sont exactement les mêmes que ceux du VIE. Le jeune bénéficie d'une première expérience internationale dans un cadre sécurisé et rémunéré. Les chances sont cependant moindres pour les jeunes VIA de pouvoir « transformer l'essai » et d'intégrer ensuite le ministère des Affaires étrangères dans la mesure où le recrutement s'y effectue sur concours. Une réflexion est en cours sur ce sujet. Mais c'est une chance unique pour les jeunes de pouvoir sortir de leur université et de mettre à profit les compétences qu'ils y ont acquises.

Michel GUERRY, sénateur représentant les Français établis hors de France

Les entreprises françaises sont très satisfaites du VIE. Toutefois, les Français qui créent leur entreprise à l'étranger sous le régime du droit de l'Etat de résidence ne peuvent pas recruter des VIE pour des raisons administratives.

Nadine GUIBERT

La formule des VIE est ouverte aux entrepreneurs français qui ont créé leur entreprise à l'étranger, à condition qu'ils disposent d'un partenaire en France. En effet, pour pouvoir bénéficier des avantages attachés à son statut si particulier, le VIE doit être porté par une structure de droit français, et ceci afin de ne pas risquer d'être assimilé à un salarié de droit local, avec toutes les conséquences que cela implique en termes de fiscalité et de charges sociales. Nous réfléchissons actuellement aux outils pour informer les entrepreneurs français à l'étranger de cette possibilité de recourir au gisement des VIE et aux moyens à mettre en place pour aider ces entreprises à trouver des partenaires en France.

Guy SAVERY, Conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger (circonscription de Casablanca)

De nombreux étudiants de l'enseignement supérieur doivent suivre un stage de fin d'études de trois à six mois dans des filiales d'entreprises françaises à l'étranger. Or, les universités requièrent de leur part, outre un contrat de travail, une prise en charge des accidents de trajet et des accidents de travail. Comment inciter les jeunes à partir à l'étranger en multipliant ainsi les contraintes administratives ?

Jean PAUTROT

Les services qui s'occupent de mobilité dans les groupes françaises sont à même de trouver des solutions pour apporter ces compléments d'assurance, voire de recourir au statut de VIE. Des outils existent pour chaque situation.

François NICOULLAUD, conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger, président de Français du Monde - Association démocratique des Français de l'étranger

Nous sommes très heureux du succès des VIE/VIA. Pour avoir été associé à l'élaboration de la loi créant le dispositif VIE/VIA, je pense que l'ambition du législateur était plus élevée que ce qui a été réalisé. Dans l'esprit du législateur, il s'agissait de pouvoir mener des actions de coopération culturelle et d'aide au développement. Or, on a le sentiment que, tout satisfaisant qu'il soit, le dispositif a glissé vers des « actions de confort » au bénéfice des entreprises ou des administrations. Le recrutement d'un cuisinier ou d'un architecte sous le statut d'un VIA en ambassade permet ainsi de réduire les coûts, mais est-ce vraiment l'objectif que la loi assignait aux VI ? Certes, les ONG peuvent recruter des volontaires internationaux, mais la coopération n'est pas le seul apanage des ONG.

Chantal ALORGE

Sur 1 000 VIA, seuls trois occupent un poste de cuisinier. Mon propos visait à illustrer la diversité des fonctions accessibles par les VIA. Plus de la moitié d'entre eux effectuent des missions de coopération et d'aide au développement, et relèvent à cet égard de la DGCID.

Nadine GUIBERT

Le VIE correspond bien à l'ambition de la loi. Il s'agit de permettre aux entreprises françaises de se développer à l'international. Les missions proposées sont très intéressantes, parfois plus que les anciens CSN qui eux pouvaient être considérés comme des missions de confort. Elles permettent aux jeunes d'acquérir une réelle expérience de terrain qui est à la fois enrichissante pour eux et qui constitue un apport économique important pour les entreprises.

Jean PAUTROT

Le VIE n'est pas un « dispositif de confort » pour les entreprises. Il entre dans la stratégie de recrutement des entreprises. Les missions qu'elles confient aux jeunes leur donnent la possibilité de faire leurs preuves. 70 % d'entre eux sont d'ailleurs recrutés à l'issue.

Marie-Claire BOULAY

Il est beaucoup plus facile d'entrer dans une organisation internationale lorsqu'on bénéficie d'une petite expertise à l'internationale en ayant été « se frotter » au terrain. C'est la raison pour laquelle la MFI déploie une politique pour favoriser les stagiaires. Ces derniers sont extrêmement compétents, mais malheureusement non rémunérés. Or, la plupart des organisations internationales sont situées dans des pays où la vie est chère et où il faut disposer d'un moyen de transport. Elles proposent de nombreux stages, mais en pratique, seuls les candidats dont les parents ont les moyens financiers peuvent y répondre. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons ouvrir le débat sur le défraiement des stagiaires dans les organisations multilatérales.

La loi sur l'égalité des chances pourrait constituer un moyen d'avancer sur le sujet, mais elle ne s'applique hélas pas aux administrations. Je suggère au législateur de se pencher sur le sujet. Nous sommes ouverts à toutes les idées et à tous les partenariats qui nous permettraient de trouver des modalités de financement pour financer les stages à travers la planète.

Gilles DENOYEL

Le groupe HSBC est prêt à accompagner tous les Français à l'étranger, soit comme collègues, soit comme clients.

Deuxième partie : les filières de recherche d'emploi à l'étranger

Avec :

Jean-Pierre PONT , expert en mobilité internationale à TV5 Monde

Erik SADIKI , directeur général d'Espace emploi international

Wallis GOELEN-VAN DEN BROECK , chef du service emploi et mobilité à la Commission européenne

Alain THEAULT , ministre conseiller à l'Ambassade du Canada à Paris

Eric LAMOUROUX , sous-directeur des affaires sociales, de l'expatriation et de la maison des Français de l'étranger

Christine KERDELLANT

M. Jean-Pierre Pont, directeur de la rédaction du magazine Vivre à l'étranger , quels sont les pays qui recrutent dans le monde ?

Jean-Pierre PONT, expert en mobilité internationale à TV5 Monde

EURES, le réseau des agences pour l'emploi en Europe, est mal connu. Le site recense pourtant 1 380 538 offres d'emploi: 44.900 en Autriche, plus de 104.000 en République tchèque, 61.000 en Finlande, 129.000 aux Pays Bas et presque 30.000 en Pologne. Il est vrai que ce ne sont pas les plus faciles pour nous, pour des raisons linguistiques.

Les cinq plus gros recruteurs pour les Français, sont la Grande-Bretagne, l'Irlande, l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne. Les Français y sont en concurrence avec les ressortissants des nouveaux pays entrants, à commencer par les Polonais.

La Grande-Bretagne est le pays recrutant le plus de Français. Son marché est dynamique, puisqu'entre 180.000 et 216 000 emplois devraient y être créés en 2008. Il est aisé d'y trouver du travail via l'Espace emploi international (EEI) et Eures. Les services d'accueil y sont nombreux comme l'espace Charles Péguy, qui, moyennant une cotisation de 50 livres, facilite la recherche d'un premier emploi et d'un logement. Cependant, les conditions de travail sont rarement exemplaires, marquées par une sorte de libéralisme sauvage.

L'Irlande recrute également beaucoup de Français, même s'ils sont en concurrence avec les Pays Baltes - les Lituaniens en particulier. L'emploi y est facile, le coût de la vie est bas, mais les logements sont très difficiles à trouver. On y est par ailleurs mieux accueillis, nous Français, qu'en Grande-Bretagne.

Pour ces deux pays, le meilleur moyen de trouver un emploi consiste à se rendre sur place et frapper à la porte des services d'accueil, soit publics, soit privés. Un Français a créé une entreprise intitulée « Approach People » très dynamique.

Les États à basse natalité comme l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne, sont également très demandeurs de Français, d'autant plus qu'ils affichent un marché de l'emploi dynamique. L'Espagne propose entre 71.000 et 81.000 offres d'emplois, l'Italie 50.000, l'Allemagne

Les autres grands pays recruteurs sont les pays francophones (Belgique, Luxembourg, Suisse) : ils ont l'avantage de proposer des emplois transfrontaliers qui permettent de vivre en France tout en travaillant à l'étranger. Ainsi 177 000 personnes vont tous les jours travailler au Luxembourg.

Le Moyen-Orient constitue une destination peu connue. Pourtant, le gisement d'emplois pour les Français est important dans les Émirats, notamment à Dubaï (compagnies aériennes, aéroport) et au Qatar. La compagnie Emirates embauche, notamment des personnes bilingues. Même chose pour Qatar Airlines.

S'agissant de l'Asie, tout le monde rêve de Chine, mais il s'agit d'un pays difficile d'accès, notamment en raison de sa langue. On oublie souvent les pays de l'ASEAN (Singapour, Thaïlande, Vietnam...), qui ont des besoins similaires à ceux de leur voisin chinois. Le Vietnam connaît une croissance annuelle de 8,5 % depuis dix ans ! Certes, il est coûteux de s'y rendre mais les Français y sont très bien accueillis. Certaines entreprises françaises comme Apple Tree ont 300 expatriés, mais ne viennent pas nécessairement les recruter en France, il faut aller sur place. Ils ont créé le plus grand cabinet d'architectes de la région à partir du Vietnam.

Le Japon, lui, reste un marché difficile. Il en est de même pour l'Inde, puisque les compétences sont déjà disponibles sur place. A telle enseigne qu'ils exportent leurs compétences au Canada et aux États-unis.

L'Australie, c'est le rêve français, mais la concurrence y est rude. Les travailleurs vietnamiens y sont moins chers que nous. Il est donc conseillé de décrocher une bourse pour aller faire un MBA et de chercher un emploi une fois sur place.

Travailler aux États-unis nécessite l'obtention d'un visa. Son octroi est facilité quand le candidat a déjà été recruté par un employeur américain ou quand il rencontre un Américain ou une Américaine. Il existe même un visa K, valable pendant une durée de 6 mois, qui permet de tester la solidité de la relation amoureuse... Par ailleurs, 55.000 cartes vertes sont délivrées chaque année par tirage au sort, par pays et en fonction du nombre de candidats. Les Français postulant peu, leurs chances de l'obtenir sont comparativement élevées.

Le Canada constitue un véritable eldorado, mais il ne faut pas se limiter au Québec, qui représente seulement 20 % des gisements d'emplois disponibles. 50 % des propositions d'emplois émanent de l'Ontario, 30% de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Environ 350.000 visas de travail sont attribués chaque année. Le site www.eluta.ca vous donnera une idée du marché de l'emploi au Canada.

Quant à l'Amérique latine et à l'Afrique, il s'agit plutôt de marchés d'expatriés, d'ONG ou d'aventuriers. Le Mexique et le Chili présentent de l'intérêt, l'Argentine se redresse, le Brésil est intéressant à condition de parler brésilien. En Afrique, le Sénégal la Côte d'Ivoire, le Cameroun et le Gabon proposent des emplois pour les expatriés. Le Nigeria, l'Angola, l'Afrique du Sud, le Mozambique, le Burkina Faso et le Bénin attirent mais il y a peu de potentiel. Au Maghreb, le problème se situe au niveau des compétences.

Les secteurs qui recrutent sont ceux du bâtiment et des travaux publics, de l'hôtellerie, de la restauration, les technologies de l'information, la gestion, les finances, le marketing, le monde médical, l'enseignement et la grande distribution.

La chance de la France est de disposer de nombreux réseaux : des chambres de commerce françaises à l'étranger dynamiques et compétentes, des conseillers du commerce extérieur au nombre de 1.700 dans le monde (banquiers, hommes d'affaires désireux d'aider) qui sont frustrés qu'on ne vienne pas suffisamment les voir, des comités consulaire dans 40 pays et des élus locaux de l'AFE, toujours prêts à soutenir les expatriés et qu'il conviendrait de rapprocher des uns des autres.

Christine KERDELLANT

Wallis GOELEN-VAN DEN BROECK, pouvez-vous nous présenter le réseau EURES dont on a parlé tout à l'heure?

Wallis GOELEN-VAN DEN BROECK, chef du service emploi et mobilité à la Commission européenne

Je fais partie de ces anciens fonctionnaires de l'administration française partis travailler dans les organisations internationales.

La mobilité est l'un des droits fondamentaux des Européens, la liberté de circulation des travailleurs figurant parmi les 4 piliers de la construction européenne. Il revient à la Commission européenne d'en garantir l'exercice. L'Europe se veut un continent ouvert qui permet à tous les citoyens de circuler et de travailler librement. La mobilité géographique ne constitue cependant pas une fin en soi. C'est un instrument qui permet de créer des emplois et de multiplier les opportunités d'emploi au profit des Européens.

Les nouvelles formes de mobilité s'inscrivent dans un contexte de changement très rapide, marqué par la globalisation, par le vieillissement rapide de la population européenne et par le développement des technologies modernes d'information et de communication.

La politique européenne de mobilité se révèle essentielle pour le bon fonctionnement des marchés du travail aussi bien au niveau national qu'au niveau européen. Il s'agit de gérer dans de bonnes conditions les nombreuses transitions qui vont désormais intervenir dans le parcours professionnel des Européens et de contribuer au développement d'un véritable marché européen du travail au profit des citoyens. Je regrette à cet égard que la mobilité géographique à l'intérieur de l'UE soit encore considérée comme une mobilité internationale et non comme une mobilité régionale.

Actuellement, moins de 2 % d'entre nous vivent et travaillent dans d'autres Etats membres. Ce résultat est d'autant plus décevant que nous devons faire face à des paradoxes méconnus : plus de 16 millions de personnes sont au chômage alors que 3 millions de postes ne sont pas pourvus, faute d'une réelle culture de la mobilité au sein du marché européen. D'autres chiffres sont plus encourageants: 59 % des personnes mobiles trouvent un emploi en moins d'un an, contre seulement 35 % pour ceux qui restent dans leur pays d'origine.

Devant ce constat, la Commission européenne a décidé d'agir. Dans le cadre du plan d'action sur la mobilité lancé en 2007, elle a pris une série de mesures de nature à supprimer ou surmonter les obstacles juridiques et administratifs à la mobilité dans l'Union : règlement en matière de coordination des régimes obligatoires de Sécurité sociale, directives en matière de transfert de droits à pension, proposition de directive sur la transférabilité des droits à pension complémentaire. Il s'agit de supprimer tous les obstacles pratiques rencontrés lors de la recherche d'un emploi dans un autre État membre et de contribuer à la mobilisation de l'ensemble des intervenants. Il s'agit enfin de faire de la mobilité un objectif prioritaire dans les stratégies nationales de réforme économique et d'emploi.

Pour être réussie, la mobilité doit être préparée. C'est la raison pour laquelle la Commission européenne a mis en place il y a une quinzaine d'années la plate-forme EURES ( www.eures.europa.eu ), sorte de réseau opérationnel s'appuyant sur les services publics nationaux d'emploi, de l'Union européenne, de l'Espace Économique européen et de la Suisse. Plus de 750 conseillers accrédités et formés y travaillent dans toute l'Europe, dont un peu plus d'une cinquantaine en France, en apportant un accompagnement personnalisé. Ils sont compétents sur tous les pays européens.

Le portail Eures donne accès à 1,3 million offres d'emplois dans tous les secteurs, à tous les niveaux et dans tous les pays de l'Espace Économique Européen. S'y trouvent également des informations actualisées sur la situation du marché du travail en Europe. On ne trouve ce type d'informations nulle part ailleurs. Il comprend, par ailleurs, une banque de 310 000 CV mis en ligne directement par les Internautes et 14 000 employeurs enregistrés. Il s'agit du site le plus populaire de la Commission européenne avec plus d'un million de consultations par mois.

Christine KERDELLANT

Quelle est l'importance du réseau public de placement à l'étranger ?

Erik SADIKI, directeur général d'Espace Emploi International

En guise de préambule, je souhaiterais souligner que contrairement à une opinion largement répandue dans le grand public, la mobilité internationale n'accentue pas le déficit de compétences sur le territoire national. Les Français s'expatrient de plus en plus. La guerre mondiale des compétences est aujourd'hui ouverte ce qui pose la question de notre place en tant que service public.

L'Espace Emploi International (EEI) est né il y a dix ans du regroupement pour partie des effectifs de l'ANPE et de l'Agence nationale pour l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM). Il a son siège à Paris et dispose de 20 antennes régionales. A Paris, les équipes sont spécialisées par 4 zones (Europe, Amérique, Afrique, Asie). Tous les candidats qui ont un projet sérieux de mobilité internationale peuvent rencontrer les conseillers pour le valider. L'accompagnement peut durer de trois mois à six mois et être assorti d'ateliers destinés à informer les candidats. Le site « emploi-international.org » propose également un grand nombre de données et près de 30 000 offres d'emplois (dont 10.000 sur Paris).

Par ailleurs, l'espace emploi international a noué des partenariats avec l'ANAEM, située notamment au Québec, au Maroc, en Tunisie et au Sénégal. Avec la clarification de la politique de l'immigration et les tensions qui se font jour sur le marché du travail, notre mission est en train d'évoluer. Nous avons ainsi pour mission d'aller recruter de la main d'oeuvre à l'étranger, notamment dans les secteurs où nous n'avons pas les compétences requises et où nous manquons de personnels qualifiés.

Enfin, il participe à des programmes de mobilité avec le Conseil régional d'Ile-de-France (programme Leonardo da Vinci). Pour conclure, je souhaiterais m'appesantir sur les accords jeunes professionnels. La France a déjà signé des accords bilatéraux avec treize pays, l'idée étant de faire venir des jeunes issus de ces pays pour une durée de 3 mois à 18 mois, avec engagement de retour, et inversement, d'envoyer des jeunes Français dans ces pays. Le jeune développe ainsi ses compétences en France puis en fait bénéficier son pays d'origine conformément à la logique de co-développement.

Enfin, pour les candidats prêts à travailler dans un État avec lequel aucun accord n'est conclu, l'Espace Emploi International peut apporter des conseils juridiques.

Christine KERDELLANT

Jean-Pierre PONT nous l'a expliqué il y a un instant, le Canada est un pays d'accueil pour tous les ressortissants des pays francophones. Est-il vrai M. Théault que les Français sont tentés d'émigrer tous au Québec alors que les opportunités sont partout ?

Alain THÉAULT, ministre conseiller à l'Ambassade du Canada à Paris

Les opportunités de travail existent dans les douze provinces. La mobilité s'inscrit au coeur de l'histoire, du présent et de l'avenir du Canada et y bénéficie d'un soutien massif. Cependant, une décision de mobilité est avant tout individuelle. Les jeunes partent à la découverte des autres et d'eux-mêmes.

Le Canada est un pays très décentralisé, ce qui est déconcertant pour les Français, avec un contexte de juridiction partagée en matière d'immigration entre le gouvernement fédéral et les provinces. En outre, un des objectifs de la loi sur l'immigration est de soutenir les communautés francophones hors Québec. Une série d'outils a été développée en ce sens.

Jusqu'à présent, les personnes qui immigraient au Canada souhaitaient s'installer définitivement dans le pays et, de fait, après trois ans de résidence permanente, ils acquéraient la citoyenneté canadienne et tout le reste de la famille avec elles. Mais cette logique tend à s'atténuer avec la mondialisation et, de plus en plus souvent, les immigrants s'installent au Canada de manière temporaire.

Dans le contexte de juridiction partagée déjà évoqué, le gouvernement fédéral noue des partenariats avec les provinces. Le Québec sélectionne depuis 1976 ses immigrants économiques, mais les autres provinces également, chacune selon ses propres critères. Un accord de mobilité bilatérale entre le Canada et la France permet l'échange de 9 500 jeunes, dont 4 000 dans le cadre de stages universitaires, 1 000 dans le cadre d'emplois de perfectionnement (y compris certains VIE) et 4 000 dans le cadre de programmes vacances-travail (PVT) qui permettent à des jeunes de partir pendant un an avec un permis de travail ouvert, permettant de travaillant dans tous les domaines. Ce dernier outil très souple offre la possibilité de découvrir l'ensemble des Provinces du Canada.

L'ambassade, quant à elle, a avant tout un rôle d'information. Le Canada est un pays doté d'une image très positive en France, mais n'est en aucun cas un eldorado. Il faut que les Français sachent à quoi s'en tenir. Même si de nombreux Canadiens sont francophones, les Canadiens fonctionnent à la Nord américaine et leurs valeurs, leurs façons d'aborder le monde sont celles du monde anglophone.

L'ambassade a également un rôle de catalyseur pour conclure des partenariats. Une structure comme l'Espace Emploi International n'existe pas au Canada. Aussi, nous essayons de la mettre en réseau avec les provinces canadiennes, employeurs, avec les agents de développement économique régionaux, avec les communautés francophones, etc. Car c'est d'abord et avant tout l'emploi qui attirera les immigrants au Canada. Enfin, elle a organisé une manifestation intitulée « Destination Canada », qui a été un grand succès : 2 000 jeunes Français y ont participé à Paris et à Lyon en novembre dernier ainsi que 23 employeurs.

Christine KERDELLANT

À quoi servent les comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle ?

Éric LAMOUROUX, sous-directeur des affaires sociales, de l'expatriation et de la Maison des Français de l'étranger

Les CCEFP existent dans une quarantaine de pays. Ils permettent de placer 4 000 Français dans des entreprises des pays dans lesquels ils résident et de former 400 personnes chaque année. Ils sont présidés par les ambassadeurs ou les consuls. Leurs membres sont des personnes ou des organismes qualifiés pour analyser le marché local de l'emploi, comprendre les besoins des personnes en recherche d'emploi et proposer des solutions.

Les comités consulaires ont trois activités principales. Tout d'abord, ils informent le public français sur les conditions du marché de l'emploi, sur le droit du travail et sur les meilleurs moyens pour trouver un emploi, car d'un pays à l'autre, les méthodes ne sont pas identiques. Ensuite, ils gèrent des bourses d'emplois, mini-ANPE locale, co-gérées entre les consulats et les chambres françaises de commerce et d'industrie. Enfin, ils organisent des formations professionnelles grâce à des crédits du Ministère de l'Emploi et en partenariat avec l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Les formations peuvent s'effectuer dans les pays étrangers ou en France.

Sur le plan géographique, la moitié des 4 000 placements effectués sont réalisés en Europe occidentale (Europe du Sud, Londres, Allemagne, pays nordiques). Des comités existent également au Canada, en Amérique latine (Mexique, Chili, Argentique, Brésil), au Maghreb et en Afrique Noire, au Moyen-Orient (Dubaï, Abu Dhabi, Israël) et en Asie qui représente des marchés très dynamiques. En outre, les comités sont implantés dans plusieurs villes chinoises et indiennes et ont conclu des partenariats avec l'ANPE et l'Espace Emploi International.

Je souligne à nouveau que les CCEFP ne s'occupent que des Français qui résident déjà à l'étranger, ce qui nous distingue des autres opérateurs qui se sont exprimés.

Jacques JANSON , conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger (circonscription de Toronto)

La Province de l'Alberta porte en elle l'avenir et le devenir du Canada. Cependant, les Français butent dans leur recherche d'emplois sur certains obstacles. Cela fait trois ans que je me bats, par exemple, pour la reconnaissance des permis de conduire entre la France et l'Alberta, après avoir obtenu la reconnaissance des permis de conduire entre la France et l'Ontario. Mais il faut aussi mentionner l'absence de reconnaissance des diplômes et la différence des modes de pensée.

Marie-Josée ANDRIEU , conseiller en exportation

La plupart des interventions ont porté sur les jeunes. Cela signifie-t-il que l'emploi à l'international est plus ouvert aux gens ayant peu d'expérience ? Existe-t-il des mesures gouvernementales pour aider la génération des quadragénaires et des quinquagénaires qui ont souvent des difficultés à retrouver un emploi ?

Erik SADIKI

Aucune mesure gouvernementale spécifique n'existe. Néanmoins, nous avons mené un plan activité sur cette cible en lien avec le réseau ANPE-Cadres. Nous avons sélectionné un certain nombre de candidats, que nous formons et que nous accompagnons dans leur recherche d'emploi en Europe.

Cérémonie de remise des Trophées de la présence française à l'étranger

Non, la France ne vous oublie pas ! Tel est le message que le président du Sénat a souhaité transmettre aux Français de l'étranger en lançant les « Trophées Sénat de la présence française à l'étranger ». Destinés à distinguer des Français résidant hors de l'hexagone qui, par leur parcours exemplaire, contribuent au rayonnement de la France dans le monde, ces trophées sont assortis d'un billet aller-retour pour Paris, d'un séjour de deux nuits à l'hôtel et d'un chèque de 5 000 €.

Le succès a été au rendez-vous autant sur le plan quantitatif que qualitatif. Plus de 350 dossiers ont en effet été enregistrés ce qui témoigne de l'attachement que les Français de l'étranger continuent de porter à la France. De surcroît, toutes les candidatures reçues étaient de haute qualité ce qui a rendu très difficile le choix du jury réuni au Sénat le 18 janvier dernier. Néanmoins, à l'issue d'un examen approfondi et d'une délibération très courtoise, ce dernier, composé des douze sénateurs représentant les Français établis hors de France, de spécialistes de l'expatriation et des six parrains, a retenu six personnalités exceptionnelles. La cérémonie de remise des Trophées a été l'occasion, à travers eux, de rendre hommage aux 2,3 millions de Français qui portent haut les couleurs de la France aux quatre coins du monde.

Une cérémonie présidée par Christian Poncelet, président du Sénat

et animée par Pierre Sled, journaliste à Public Sénat

En présence des conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger

Christiane Kammermann, Michel Guerry et Paulette Brisepierre

Christian Cointat, Jean-Pierre Cantegrit et Joëlle Garriaud-Maylam

Monique Cerisier-ben Guiga, Robert del Picchia et Rama Yade

Les conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger

Les six lauréats des Trophées Sénat de la présence française à l'étranger

Maryvonne Grunberg, lauréate de Marrakech, se voit décerner son trophée par Pierre Zveguintzoff du groupe Air France

David Santandreu Calonge, lauréat de Hong Kong, reçoit son trophée

des mains de Gilles DENOYEL directeur général délégué d'HSBC France

Erik Orsenna

Yves Marre, lauréat du Bangladesh, est récompensé par

Jean-Pierre Cantegrit, président de la Caisse des Français de l'étranger

Jean-Paul Lacam, directeur général du groupe Taitbout, remet

son trophée à Michèle Debrenne, lauréate de Sibérie

Laurent Fourier, directeur régional de SOS International décerne

son trophée à Emmanuel de Dinechin, co-lauréat de Kaboul

Louis-Paul Heussaf reçoit son trophée des mains

de Gérard Pélisson, président fondateur du groupe Accor

Rodolphe Baudeau, co-lauréat de Kaboul, Rama Yade, secrétaire d'Etat

aux Affaires étrangères, et Christian Poncelet, président du Sénat

II. LA REPRÉSENTATION DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE

NB : Comme indiqué supra, l e présent recueil a été établi avant la promulgation de la loi constitutionnelle de modernisation des Institutions de la Vème République (n° 2008-724 du 23 juillet 2008), dont une des dispositions prévoit que désormais, les Français établis hors de France seront aussi représentés à l'Assemblée nationale. Une loi organique et, le cas échéant, différents textes d'application -dont l'adoption devrait logiquement intervenir avant le plus prochain renouvellement de l'Assemblée nationale- préciseront, le moment venu, le nombre et le statut des députés désignés au suffrage direct par les Français de l'étranger.

1. DONNÉES INSTITUTIONNELLES

Les Français de l'étranger forment un groupe peu connu au sein de la communauté nationale. Par leur nombre, ils constituent néanmoins un ensemble démographique non négligeable : 2.200.000 expatriés, c'est autant, par exemple, que la population des Bouches-du-Rhône, autant que celle additionnée des quatre départements d'outre-mer.

L'article 24 de la Constitution de 1958 dispose que « les Français établis hors de France sont représentés au Sénat». Ce texte est la base constitutionnelle de la représentation parlementaire de nos compatriotes établis à l'étranger.

C'est une spécificité du Sénat : alors qu'ils ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale, les Français de l'étranger élisent au scrutin indirect des sénateurs, au nombre de douze depuis 1983. Leur collège électoral est constitué des membres - élus directement par les expatriés de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) qui a succédé le 9 août 2004 au Conseil Supérieur des Français de l'Etranger.

A. L'INSTANCE ÉLECTORALE DE PREMIER DEGRÉ : L'ASSEMBLÉE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER

1 - Histoire de l'Assemblée des Français de l'étranger

La question de la représentation politique des Français établis hors de France, que ce soit dans les anciennes colonies ou dans des pays étrangers, est aussi ancienne que celle qui intéresse les Français de la métropole. Déjà, durant la convocation des Etats Généraux en 1789, s'était posé le problème de la citoyenneté lors de l'examen en validation de l'élection des 17 députés élus, choisis ou autoproclamés outre-mer.

La Constitution du 27 octobre 1946 dispose que trois conseillers de la République représentent les Français de l'étranger

La Constitution du 27 octobre 1946 (IVème République) dispose que le nouveau Parlement comprendra une Assemblée nationale et un « Conseil de la République » (nom que le Sénat a porté jusqu'en 1958) et qu'au sein de ce dernier, les « Français de l'extérieur » seraient représentés. L'Assemblée nationale, chargée de préciser les modalités de cette représentation, décida par une résolution du 13 décembre 1946, que trois sièges de « conseillers de la République » (sur 320) seraient confiés à des personnalités représentant respectivement nos compatriotes résidant en Europe, en Amérique et en Asie-Océanie (l'Afrique de son côté faisant l'objet de dispositions particulières donnant une large place aux élus des colonies et des protectorats français).

Cependant les Français de l'étranger disposaient à Paris d'une autre représentation, celle constituée par les quatre grands organismes rassemblant depuis une vingtaine d'années les forces vives de la présence française dans le monde : l'Union des chambres de commerce françaises à l'étranger, la Fédération des professeurs français à l'étranger, la Fédération des anciens combattants français résidant hors de France et l'Union des Français de l'étranger (UFE, fondée en 1927). Ces quatre organismes demandèrent d'avoir le droit, au moins, de présenter leurs candidats à l'Assemblée nationale lors de la désignation des Conseillers de la République et, surtout, que les citoyens français résidant réellement à l'étranger puissent faire entendre leurs voix. Dans ce but, ils suggéraient qu'un « conseil supérieur », composé en majorité d'élus à l'extérieur, soit créé par le Ministère des Affaires étrangères.

Cette revendication fut entendue par Robert Schuman, alors Président du Conseil et son Ministre des Affaires étrangères, Georges Bidault, qui signaient le 7 juillet 1948 un décret instituant le Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE).

Le décret du 7 juillet 1948 crée le Conseil supérieur des Français de l'étranger

Le premier Conseil supérieur était composé de 55 membres : 8 membres de droit (les trois sénateurs-conseillers de la République, le président et le directeur de l'UFE, les présidents des chambres de commerce, des professeurs et des anciens combattants), 42 élus et 5 membres désignés par le Ministre des Affaires étrangères, « choisis » parmi les personnalités françaises jouissant d'une compétence reconnue dans les questions concernant les intérêts généraux de la France à l'étranger.

Les premières élections au CSFE eurent lieu au printemps de 1950 dans 70 pays d'Europe, d'Amérique, d'Asie et d'Océanie selon les modalités fixées par un arrêté ministériel du 10 décembre 1949. Deux idées étaient à la base de cet arrêté : mieux connaître nos compatriotes expatriés en exigeant leur immatriculation dans les consulats et encourager leur regroupement en demandant qu'ils soient membres d'une association ou d'un « organisme » français pour pouvoir voter. Ce double critère, et le système électoral mis en place, devaient rester en vigueur jusqu'en 1982.

Les élections se déroulaient alors en deux temps. D'abord au sein des associations, chaque organisme reconnu désignait des délégués selon la règle suivante : un pour moins de 50 membres, deux de 50 à 100 membres, un supplémentaire pour 100 membres ou fraction de 100. Le collège électoral ainsi composé élisait ensuite le ou les représentants au CSFE dans les mêmes conditions que les collèges sénatoriaux en France : majorité absolue au premier tour, majorité relative au second.

La Constitution de 1958 précise que « Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat »

L'article 24 de la Constitution du 28 septembre 1958 précise que « Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat ». Deux ordonnances sont promulguées le 15 novembre 1958 et le 4 février 1959, pour organiser cette représentation et donner de nouveaux statuts au CSFE qui désormais, tout en gardant son rôle consultatif, fait fonction de collège électoral unique pour l'élection des Sénateurs de l'étranger. Le nombre de ceux-ci passe de trois à six, deux représentant l'Europe et l'Amérique, un l'Asie-Océanie et trois l'Afrique, qui fait son entrée au CSFE. Le CSFE est donc divisé en trois sections pour les élections sénatoriales du 23 avril 1959. Le CSFE comptait alors 84 membres, et il apparaît nettement que l'Europe et l'Amérique sont sous-représentés par rapport à l'Afrique. Le nombre des sénateurs sera donc augmenté à neuf pour les élections de 1962.

La loi du 7 juin 1982 instaure l'élection des délégués au CSFE au suffrage universel

Mais la première grande réforme du CSFE n'interviendra que bien plus tard. C'est ainsi que la loi du 7 juin 1982 instaure notamment l'élection au suffrage universel direct des délégués au CSFE qui n'est plus composé de personnalités désignées (à l'exception de 21 membres choisis pour leur compétence, mais sans droit de vote sénatorial), et l'élection des 12 sénateurs par les seuls membres élus du CSFE.

L'abstentionnisme important constaté lors des élections de 1997 (24% de participation) et de 2000 (19%) avait conduit à la création en septembre 2000, d'une commission temporaire chargée de la réforme du CSFE. Le rapport final de cette commission, adopté à l'unanimité en session plénière et remis au ministre en septembre 2003, proposait notamment un certain nombre de mesures dont plusieurs ont été prises en compte par un décret et un arrêté en date du 25 août 2003 (nouvelle composition de l'ex-bureau permanent, devenu bureau, nouvelle structure de chaque commission permanente, élection des trois vice-présidents par les seuls 150 membres élus, création d'une commission de l'Union européenne, caractère public des séances).

La loi du 9 août 2004 crée l'Assemblée des Français de l'étranger

La loi n° 2004-805 du 9 août 2004 créant l'Assemblée des Français de l'étranger est venue compléter le nouveau dispositif en :

- changeant l'appellation du CSFE en « Assemblée des Français de l'étranger ». Loin de n'être qu'un effet terminologique, cette dénomination traduit la reconnaissance de la collectivité publique des Français établis hors de France.

- réduisant de 20 à 12 le nombre des personnalités désignées, qui n'auront plus que voix consultative sur la base d'une liste préalablement arrêtée de fonctions. Cette diminution exprime le souhait, à terme, de transformer l'Assemblée en une institution uniquement composée d'élus, présidence comprise.

- révisant la carte électorale, en prenant notamment en compte les évolutions démographiques des communautés françaises à l'étranger. Le nombre de conseillers élus passera ainsi progressivement, lors des prochains renouvellements triennaux de juin 2006 et juin 2009, de 150 à 155 (y compris le représentant de la communauté française d'Andorre qui sera aussi élu) et le nombre des circonscriptions sera porté de 48 à 52.

2 - Le rôle de l'Assemblée des Français de l'étranger

Tout comme le Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) auquel elle succède, l'AFE est l'assemblée représentative des Français établis hors de France. Son but est de permettre à ceux-ci, malgré l'éloignement, de participer à la vie nationale et de faire entendre leurs voix. Les conseillers de l'AFE les représentent auprès des instances officielles et défendent leurs intérêts.

L'AFE est présidée par le ministre des Affaires étrangères. Elle est chargée d'une part d'élire les sénateurs représentant les Français établis hors de France, d'autre part « de donner au Gouvernement des avis sur les questions et projets intéressant les Français établis hors de France et le développement de la présence française à l'étranger ».

Dans les matières ressortissant directement à sa compétence, l'AFE peut être consultée par le Gouvernement sur les projets de textes législatifs et réglementaires. Elle est appelée à donner son avis sur tout autre projet que lui soumet le Gouvernement. Elle peut également « de sa propre initiative, adopter des avis, des voeux et des motions sur tout sujet concernant les Français établis hors de France et le développement de la présence française à l'étranger » (article premier A de la loi du 7 juin 1982, introduit par la loi n° 90-387 du 10 mai 1990).

3 - La création d'un collège électoral sénatorial

Comme leurs collègues représentant les collectivités territoriales, les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont issus du suffrage universel indirect.

Jusqu'en 1983, ils étaient désignés par le Sénat sur proposition du CSFE. Depuis la réforme intervenue à cette date, ils sont élus par un collège formé des membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger.

La loi n° 83-390 du 18 mai 1983 relative à l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France puis la loi n° 2004-805 du 9 août 2004 constituent le prolongement et l'aboutissement logiques de la réforme de 1982, en faisant du nouveau CSFE - aujourd'hui de l'AFE - issu du suffrage universel, un véritable collège électoral chargé d'élire les sénateurs des Français de l'étranger.

4 - Les modalités d'élection du collège électoral

La loi n° 90-384 du 10 mai 1990 modifiant la loi du 7 juin 1982 relative au CSFE avait apporté des modifications substantielles à la composition du Conseil (augmentation du nombre de ses membres élus, de la durée de leur mandat, modalités de son renouvellement), et au statut de ses membres (régime indemnitaire, mode d'élection, incompatibilités et inéligibilités, etc.).

Une deuxième loi n° 92-547 du 22 juin 1992 relative aux circonscriptions électorales pour l'élection des membres du CSFE avait établi une nouvelle ventilation des circonscriptions consulaires dans plusieurs États dont les structures avaient connu, entre temps, des transformations profondes (Allemagne, Namibie, ex-URSS, ex-Yougoslavie). A nouveau, la loi n° 2004-805 du 9 août 2004 a modifié certains des éléments antérieurs, le nombre des membres élus de l'AFE devant être porté de 150 à 155 et la délimitation des circonscriptions électorales devant être retouchée à compter des renouvellements triennaux de cette assemblée en 2006 et 2009.

Par la suite, les lois n° 92-547 du 22 juin 1992 et n° 2004-805 du 9 août 2004 ont adapté le dispositif antérieur avec notamment une nouvelle ventilation des circonscriptions consulaires et un ajustement de la composition de l'Assemblée.

Renouvelable par moitié tous les trois ans, le collège électoral est ainsi aujourd'hui composé de 155 membres (le passage de 150 à 155 élus doit se faire graduellement en deux étapes : 2006 et 2009) élus pour six ans, au suffrage universel direct, par les Français de l'étranger inscrits sur une liste électorale créée à cet effet à l'étranger et dressée dans le ressort de chaque consulat ou, en cas de nécessité, dans un département limitrophe d'un État frontalier. Le mode d'élection prévu par la loi du 7 juin 1982 (la représentation proportionnelle intégrale) a été modifié par la loi n° 86-1115 du 15 octobre 1986, pour se rapprocher du système retenu pour les sénateurs, avec dualité du mode de scrutin (majoritaire ou proportionnel, suivant le nombre des sièges à pourvoir).

Depuis la loi du 10 mai 1990, l'élection au scrutin majoritaire à un tour a lieu désormais dans les circonscriptions où le nombre de sièges à pourvoir est de un ou deux, tandis que la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne est applicable dans les circonscriptions où le nombre de sièges à pourvoir est de trois ou plus.

5 - La composition de l'AFE

Outre ses 150 (et prochainement 155) membres élus, qui seuls participent à l'élection des sénateurs, l'AFE comporte des personnalités désignées pour six ans par le ministre des affaires étrangères «en raison de leur compétence dans les questions concernant les intérêts généraux de la France à l'étranger».

Leur nombre, naguère de 20 (plus le représentant de la Principauté d'Andorre), a été ramené à 12 par la loi de 2004, cette modification devant prendre effet progressivement à compter des renouvellements de 2006 et de 2009. Avec l'entrée en vigueur complète de la loi de 2004, les personnalités qualifiées qui siégeaient jusqu'à présent avec voix délibérative ne disposent plus que d'une voix consultative.

Au total, la composition de l'AFE à compter de 2009 sera la suivante :

· 155 membres élus (collège électoral sénatorial) ;

· 12 membres désignés par le ministère des Affaires étrangères ;

· 12 sénateurs représentant les Français établis hors de France, membres de droit

· le ministre des Affaires étrangères, président de droit

Soit : 180 membres en tout.

désigne

Environ 2 200 000 Français de l'étranger

élisent

préside

155 membres

12 personnalités qualifiées

=

AFE

B. L'ÉLECTION ET LE RÔLE DES SÉNATEURS REPRÉSENTANT LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE

1 - L'élection des sénateurs

La loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 a porté de 6 à 12 le nombre de sièges des sénateurs représentant les Français établis hors de France. Il convenait, en effet, que ces sénateurs soient plus nombreux pour mieux représenter les Français établis à l'étranger, dont le nombre s'est accru depuis 1958, notamment en Europe.

Ce texte a également rapproché du droit commun des élections sénatoriales les conditions d'éligibilité, les incompatibilités et les règles applicables au contentieux des élections des sénateurs représentant les Français de l'étranger.

En dehors de leur nombre et de la composition de leur collège électoral, les sénateurs des Français de l'étranger ont le même statut électoral que leurs collègues sénateurs des départements : mandatde 6 ans, âge d'éligibilité fixé à 30 ans, scrutin à deux degrés et renouvellement partiel au même rythme que celui des autres séries du Sénat.

Contrairement à une idée assez répandue, le droit n'exige pas que les sénateurs des Français de l'étranger soient eux-mêmes des expatriés, pas plus que les sénateurs des départements ne doivent obligatoirement habiter dans une des communes de leur département d'élection. Cela étant, la plupart des sénateurs des Français de l'étranger ont de solides attaches personnelles ou familiales dans telle ou telle région du monde, soit qu'ils y résident à temps plus ou moins plein, soit qu'ils y aient une activité professionnelle. De cette sorte, les sénateurs ont une bonne connaissance des problèmes spécifiques que rencontrent les expatriés, au même titre que les sénateurs des départements ont une expérience approfondie de la vie et de la gestion des collectivités locales.

En pratique, le collège électoral, formé des seuls membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger (les sénateurs membres de droit de l'AFE, ne participent pas au collège électoral), se réunit au ministère des affaires étrangères le jour du renouvellement de la série concernée. L'élection a lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel.

Les douze sièges de sénateur des Français de l'étranger, précédemment répartis entre les trois séries A, B et C du Sénat, ont été redistribués entre les deux nouvelles séries créées par suite de la réduction de neuf à six ans du mandat sénatorial en juillet 2003. Ainsi, d'un système où quatre d'entre eux étaient élus à chaque renouvellement triennal pour un mandat de neuf ans, on est passé à un système où l'élection concernera à chaque renouvellement six sénateurs pour un mandat de six ans (compte tenu des mesures transitoires, cette réforme prendra son plein effet à compter du renouvellement de 2010).

Enfin, la loi du 6 juin 2000 sur la parité des sexes a été rendue de plein droit applicable aux candidatures aux sièges de sénateur des Français de l'étranger. De cette sorte, les listes doivent obligatoirement faire alterner un candidat de chaque sexe.

2 - Le rôle des sénateurs des Français de l'étranger

Le rôle des sénateurs représentant les Français établis hors de France est le même que celui de tout autre sénateur, mais leur circonscription est le monde entier moins la France (métropole et outre-mer). Ils ne représentent pas les Français de tel ou tel pays en particulier, même si, dans les faits, chaque sénateur a une ou plusieurs zones privilégiées.

Particulièrement intéressés par les relations internationales, ces sénateurs participent activement aux groupes sénatoriaux d'amitié, souvent comme membres du Bureau. Au 1 er janvier 2005, six des douze sénateurs appartiennent à la commission des Affaires étrangères, les six autres étant répartis dans les commissions des affaires culturelles, des affaires économiques, des affaires sociales et des lois.

Traits d'union entre le Sénat et les expatriés, les sénateurs des Français de l'étranger sont aussi des promoteurs actifs de la présence française dans le monde et du rayonnement international de la langue et de la culture françaises.

2. Les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France (situation au 1er mars 2008 - Quatre sièges de sénateur des Français de l'étranger seront renouvelés au 1er octobre 2008)

Pierre BIARNÈS

(CRC, commission des Affaires étrangères et de la Défense)

Siège renouvelable au 1 er octobre 2008

Né le 17 janvier 1932 à Tulette, Pierre Biarnès est diplômé de l'Institut d'Etudes politiques de Paris et titulaire d'un DESS de droit public, de sciences économiques et d'histoire du droit. Il commence sa carrière comme Secrétaire général adjoint de la chambre de commerce, d'agriculture et d'industrie de Dakar de 1959 à 1960 avant de devenir correspondant du journal Le Monde en Afrique occidentale et équatoriale jusqu'en 1985. Il est parallèlement directeur de la société africaine qui édite l'hebdomadaire Le Moniteur africain du commerce et de l'industrie de 1961 à 1974 et directeur de la Revue française d'études politiques africaines , de la Revue française d'études politiques méditerranéennes et de L'Afrique littéraire et artistique de 1966 à 1980.

Pierre Biarnès a été élu au Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE, devenu depuis l'Assemblée des Français de l'étranger) en 1982 et au Sénat en 1989. Réélu sénateur en 1998, il siège à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Après s'être intéressé pendant trente ans aux affaires africaines et arabo-musulmanes, il est devenu un spécialiste des questions stratégiques internationales. Pierre Biarnès est aussi l'auteur d'une proposition de loi relative au droit de mourir dans la dignité. Il est rattaché au groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC).

Pierre Biarnès est l'auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels L'Afrique aux Africains. Vingt ans d'indépendance en Afrique noire francophone (Armand Colin, 1980), Le XXIème siècle ne sera pas américain (Le Rocher, 1998), La mort de Paul et quelques réflexions sur l'euthanasie (First Edition, 1999), Pour l'empire du monde. Les Américains aux frontières de la Russie et de la Chine (Ellipses, 2003).

Paulette BRISEPIERRE

(UMP, commission des Affaires étrangères et de la Défense)

Siège renouvelable au 1 er octobre 2008

Née le 21 avril 1917 à Bordeaux, Paulette Brisepierre est diplômée de l'Université de Michigan. Après le décès de son mari en 1961, elle reprend la direction de la société fruitière de Marrakech (emballage et transformation d'agrumes et d'abricots) et de la société Orangeor (exportation et vente d'agrumes sur les marchés étrangers). Après la « marocanisation » de ces sociétés, elle devient Conseiller pour le Maroc des sociétés Sofrepost et Somepost. Paulette Brisepierre est Conseiller du Commerce Extérieur de la France.

Élue déléguée des Français du Maroc au Conseil Supérieur des Français de l'étranger (CSFE, devenu depuis l'Assemblée des Français de l'étranger) en 1968, Paulette Brisepierre en a été la vice-présidente de 1974 à 1977 et a présidé le groupe RPR de cette assemblée de 1995 à 2001. Elle a également été désignée à deux reprises par le gouvernement français au Conseil Économique et Social.

Paulette Brisepierre a été élue sénateur en 1989 puis réélue en 1998. Inscrite au groupe UMP, elle siège à la commission des affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées où elle est rapporteur pour avis du budget de la coopération. Elle est également Présidente de la Délégation sénatoriale française à l'Assemblée Parlementaire de l'OTAN, Présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Maroc et Vice-Présidente de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Elle représente le Sénat à la Commission Nationale des Bourses.

Paulette Brisepierre est co-auteur au nom de la commission des affaires étrangères de nombreux rapports d'information - la Corne de l'Afrique (mars 2003), La réforme de la coopération à l'épreuve des réalités : un premier bilan 1998-2001 (octobre 2001), L'Afrique centrale : un nouveau départ ? Les exemples du Cameroun et du Congo (avril 1998) - et du rapport d'activité 2001 de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes intitulé Le programme TRACE et l'égalité des chances hommes/femmes. Elle a aussi co-rédigé deux rapports sur le Maroc, l'un au nom de la commission des affaires étrangères, et l'autre au nom du groupe d'amitié.

Jean-Pierre CANTEGRIT

(UMP, commission des Affaires sociales)

Né le 2 juillet 1933 à Rouffiac (Charente-Maritime), Jean-Pierre Cantegrit est diplômé de l'Ecole Supérieure de Commerce de Marseille et titulaire d'une licence en droit. Il a présidé la Société immobilière d'étude et de promotion (Siepro) à Paris entre 1966 et 1976 avant d'être élu au Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE, devenu depuis l'Assemblée des Français de l'étranger) en 1975. Il en sera vice-président entre 1982 et 1985.

Jean-Pierre Cantegrit est devenu sénateur des Français établis hors de France en 1977 en remplacement de Louis Gros nommé membre du Conseil Constitutionnel. Il a été élu en 1983, puis réélu en 1992 et en 2001. Créateur en 1984 de la Fédération UDF des Français de l'Étranger (dont il a été le Président), il a occupé au Sénat les fonctions de vice-président du groupe de la gauche démocratique (1977-83 et 1986-88) et de président de l'intergroupe UDF (depuis 1983). Il est aujourd'hui membre du Groupe UMP.

Membre de la Commission des Affaires Sociales du Sénat (et du CSFE), Jean-Pierre Cantegrit a été l'initiateur, notamment, de la loi du 27 juin 1980 étendant aux non-salariés expatriés la faculté de s'assurer contre le risque maladie-maternité, et de la loi du 13 juillet 1984 qui a généralisé l'accès des assurances volontaires « expatriés » à tous les Français résidant hors de France. Cette même loi a permis la création d'une Caisse de Sécurité autonome, la Caisse des Français de l'Étranger (CFE) dont il est, depuis 1985, le Président du Conseil d'Administration (réélu en 1991 et 1997).

Il établit chaque année un rapport sur la Protection Sociale des Français de l'Etranger et a obtenu le versement des allocations ASSEDIC aux Français rapatriés des pays en état de crise. Il est également à l'origine de la loi du 10 mai 1990 modifiant la Loi du 7 juillet 1982 relative à l'élection des délégués au CSFE et qui est applicable depuis le scrutin de mai 1991.

Jean-Pierre Cantegrit est également Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique centrale (depuis 1988) après avoir été le président des groupes France-Sénégal (entre 1977 et 1997) et France-Afrique australe (entre 1997 et 2001).

Il est l'auteur de Les Français de l'Etranger - La 3ème France , premier ouvrage consacré aux Français expatriés (septembre 1995).

Monique CERISIER-BEN GUIGA

(Groupe socialiste, commission des Affaires étrangères

et de la Défense)

Née le 20 juin 1942 à Saint-Calais (Sarthe), Monique Cerisier-ben Guiga a enseigné les lettres pendant 17 ans dans plusieurs lycées tunisiens, puis au lycée Pierre Mendès-France à Tunis. En 1981, elle a participé à la création de l'Association Démocratique des Français à l'Etranger (ADFE), dont elle a pris en charge le secteur social, et a milité pour la reconnaissance par la France et la Tunisie, des droits civiques, sociaux et culturels des Français établis en Tunisie et, plus particulièrement, des Françaises conjointes de citoyens tunisiens et de leurs enfants.

Elue déléguée des Français de Tunisie au Conseil Supérieur des Français de l'Etranger (CSFE, devenu depuis l'Assemblée des Français de l'étranger) en 1988, Monique Cerisier-ben Guiga en a été seconde vice-présidente de 2000 à 2003. En 1992, elle est élue sénatrice des Français établis hors de France puis réélue en 2001, au nom du parti socialiste dont elle est adhérente depuis 1983. Au Sénat, elle siège à la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées dont elle est Vice-Présidente et rapporteure pour avis du budget sur l'action culturelle extérieure de la France. Elle est également membre de la Délégation parlementaire pour les problèmes démographiques et de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

En 1993, Monique Cerisier-ben Guiga a rédigé un rapport pour le ministère de la justice sur les aspects sociaux et les conséquences juridiques de l'expatriation matrimoniale des femmes françaises au Maghreb et en Afrique, et en 1999 un rapport pour le Premier ministre sur l'exclusion sociale dans les communautés françaises à l'étranger.

Au Sénat, elle est co-auteur d'un rapport d'information sur L'accueil des étudiants étrangers en France (juin 2005) et d'un rapport d'information sur les relations transatlantiques au début du second mandat de M. Bush (juillet 2005), tous deux rédigés au nom de la commission des Affaires étrangères.

Christian COINTAT

(UMP, commission des lois)

Né le 11 juillet 1943 à Tresques (Gard), Christian Cointat est ingénieur du Bois, diplômé de l'Institut d'administration des entreprises de Paris et certifié en économie du travail de l'Institut des sciences sociales du travail de Paris. Il a fait l'essentiel de sa carrière au Parlement européen où il est rentré en 1971. D'abord administrateur du groupe Union des Démocrates européens (UDE), il a passé deux années auprès du Président du Parlement comme chef de cabinet adjoint, puis a été nommé Secrétaire général adjoint du groupe des Démocrates européens de progrès (1975). Administrateur principal de 1976 à 1984, il a ensuite occupé successivement les postes de chef de la Division coordination administrative à l'information (1984-90), de Directeur des infrastructures et du service intérieur (1990-91), de Directeur du personnel et des affaires sociales (1991-98), et de Directeur général du personnel (1998-2001). Christian Cointat a été Président du Comité du personnel (1979-81), Président de la Commission consultative des achats et des marchés du Parlement européen (1987-95) et co-président du Comité du Statut de la fonction publique européenne (2000-2001).

Christian Cointat a été élu délégué des Français du Luxembourg au Conseil Supérieur des Français de l'étranger (CSFE, devenu depuis l'Assemblée des Français de l'étranger) en 1983, et régulièrement réélu jusqu'en 2000 (date à laquelle il ne s'est pas représenté). Il a été successivement Rapporteur puis Président de la Commission des Droits (1985-1994), avant d'être élu vice-président (1994-97). Il était membre honoraire du CSFE depuis 2000 lorsqu'il a remplacé Paul d'Ornano comme Sénateur des Français établis hors de France à la démission de ce dernier.

Réélu au Sénat en septembre 2004, Christian Cointat siège à la Commission des Lois dont il est Secrétaire et Rapporteur pour avis du budget de l'Outre-mer. Il est également membre de la Délégation pour l'Union européenne, Président du groupe d'étude sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres Australes et Président du groupe interparlementaire France-Belgique et Luxembourg.

Il est l'auteur au nom de la commission des lois du Sénat des rapports d'information Arctique, Antarctique, Terres australes : Un enjeu pour la planète, une responsabilité pour la France (décembre 2007) et Quels métiers pour quelle justice ? (juillet 2002) et co-auteur de trois rapports d'information portant respectivement sur L'état civil des Français nés, résidant ou ayant vécu à l'étranger (septembre 2007), L'avenir statutaire de Saint-barthélemy et Saint-Martin (mai 2005) et sur La Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna (février 2004). Il a également été le co-rapporteur du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, et le rapporteur du projet de loi tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française et de la proposition de loi sur le vote par correspondance électronique pour le Conseil supérieur des Français de l'étranger, devenue la loi du 28 mars 2003 et du projet de loi transformant le CSFE en Assemblée des Français de l'étranger, devenu la loi du 20 juillet 2005.

Christian Cointat a été membre du Comité central du RPR de 1985 à 1987 et membre du Conseil national du RPR de 1990 à 1995. Il est membre de l'UMP et de l'Union des Français de l'étranger (UFE).

Robert Del PICCHIA

(UMP, commission des Affaires étrangères et de la Défense)

Siège renouvelable au 1 er octobre 2008

Né le 10 novembre 1942 à Marseille, Robert del Picchia a commencé sa carrière de journaliste en 1968 comme correspondant de RTL pour la politique étrangère, puis de RMC, de France Inter et de la Radio suisse romande (1970-1998). Rédacteur en chef des rédactions en langue française de la Radio Télévision autrichienne, de Radio Autriche Internationale, de Radio Danube bleu (1973-98), il a été président de l'Association des Correspondants de l'ONU à Vienne (UNCAV) entre 1984 et 1988. Il est membre du comité directeur de la chambre de commerce franco-autrichienne depuis 1989.

Robert del Picchia a été élu délégué des Français d'Autriche et des pays d'Europe centrale et orientale au Conseil Supérieur des Français de l'étranger (CSFE, devenu depuis l'Assemblée des Français de l'étranger) en 1988 où il participe en 1995 à la création du groupe du Rassemblement des Français de l'étranger (RFE) qu'il préside jusqu'en septembre 2005.

Elu au Sénat en 1998, il y occupe les fonctions de Vice-Président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, de membre de la Délégation parlementaire pour l'Union européenne (chargé du suivi de l'adhésion de la Turquie à l'UE) et de président des groupes interparlementaires d'amitié France-Hongrie et France-République slovaque. Il est rattaché administrativement au groupe UMP.

Au Sénat, Robert del Picchia est l'auteur de nombreux rapports d'information, propositions de lois et propositions de résolution : au nom de la commission des Affaires étrangères, il a co-rédigé trois rapports portant respectivement sur les relations transatlantiques au début du second mandat de M. Bush (juillet 2005), sur L'Egypte dans l'attente de nouvelles réformes (juillet 2003) et sur l'Asie centrale dix ans après les indépendances (avril 2001) ; au nom de la Délégation parlementaire pour l'Union européenne, il a rédigé un rapport sur la politique européenne d'immigration (juin 2005), et co-rédigé deux rapports sur la Turquie : La Turquie et l'Union européenne après l'ouverture des négociations (décembre 2005), La candidature de la Turquie à l'Union européenne (avril 2004) ; au nom de la délégation aux droits des femmes, il est l'auteur d'un rapport sur L'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat (novembre 2001).

Parmi les propositions de loi qu'il a déposées, un certain nombre tendent à autoriser le vote électronique à distance, soit pour les Français inscrits dans les centres de vote à l'étranger (pour l'élection du Président de la République, les référendums et les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger), soit pour l'élection des représentants au Parlement européen.

Robert del Picchia est également membre du comité exécutif du groupe français de l'Union Interparlementaire, membre de la Section française de l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie et représentant du Sénat au Conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Il est enfin le fondateur éditeur de RFE Infos et de Infos Hebdo.

Louis DUVERNOIS

(UMP, commission des Affaires culturelles)

Né le 17 mai 1941 au Creusot, Louis Duvernois est ancien élève de l'Ecole supérieure de commerce de Dijon et du Centre de Formation des Journalistes à Paris. Il commence sa carrière en 1965 comme correspondant au Canada de l'Agence France Presse. Puis il occupe successivement les fonctions de rédacteur en chef du service étranger du quotidien Le Soleil de Québec, de conseiller technique du ministre des communications du Québec, de directeur d'études associé à l'Ecole Nationale d'administration publique du Québec, de Directeur administratif et financier de la Société d'exportation des Ressources éducatives francophones à Montréal, de correspondant auprès de l'ONU des pays en développement (PNUD), et de conseiller spécial auprès du président international du Forum francophone des affaires (FFA), organisme institutionnel de la francophonie (depuis 1993). A ce titre, Louis Duvernois a été le co-fondateur et le rédacteur en chef de la revue du Forum Francophone des Affaires : Economies Francophones, et a co-organisé le Forum Francophone des Affaires en marge de cinq Sommets de la francophonie.

Membre fondateur de l'Union des Français de l'Etranger (UFE) au Québec en 1984, Louis Duvernois a été élu délégué des Français du Canada au Conseil Supérieur des Français de l'Etranger (CSFE, devenu depuis l'Assemblée des Français de l'étranger) en 1985 où il participe en 1995 à la création du Rassemblement des Français de l'Etranger (RFE), désormais au sein du Groupe de l'Union des Français de l'Etranger (UFE). Depuis 2001, il siège au Sénat, où il est membre de la commission des Affaires culturelles et Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Pays de la Corne de l'Afrique. Il est inscrit au groupe UMP.

Louis Duvernois est l'auteur au nom de la commission des Affaires culturelles du Sénat du rapport d'information « Pour une nouvelle stratégie de l'action culturelle extérieure de la France : de l'exception à l'influence » (n° 91 - décembre 2004), et d'une proposition de loi, adoptée par le Sénat, le 13 février 2007, relative à la création de l'établissement public Cultures France.

Il est également administrateur de Radio France International, de l'Alliance Française et des deux lycées français de Montréal, fondateur du Collège Stanislas à Québec (1989), et auteur pour le CSFE du rapport L'Enjeu pour la France de la Francophonie au 21e siècle (septembre 2000).

Louis Duvernois préside en outre l'Association pour la diffusion internationale francophone de livres, ouvrages et revues (ADIFLOR), fondée en 1985 par Xavier Deniau, ancien ministre.

André FERRAND

(UMP, commission des Affaires économiques)

Siège renouvelable au 1 er octobre 2008

Né le 22 février 1936 à Lyon, André Ferrand est diplômé de l'Ecole Supérieure de commerce de Lyon et d'HEC. Entré au groupe Total en 1963, il a été successivement responsable des filiales de Côte d'Ivoire, du Cameroun et de Centre-Afrique, puis, directeur général pour l'Océan indien à Madagascar (de 1970 à 1976), puis président des filiales d'Afrique de l'Est au Kenya (de 1977 à 1983). Nommé directeur général d'Air Total France à Paris en 1983, il est devenu directeur général des filiales du Benelux à Bruxelles en 1987, puis Conseiller de Total pour les affaires européennes à Bruxelles de 1996 et 1998. Il est enfin vice-président du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France, après avoir été Président de la section Belgique entre 1992 et 1998.

André Ferrand a été élu délégué des Français d'Afrique orientale et australe (de 1982 à 1983), puis délégué des Français de Belgique (de 1991 à 1998) au Conseil Supérieur des Français de l'étranger (CSFE, devenu depuis l'Assemblée des Français de l'étranger). Il en a été rapporteur de la commission des affaires économiques, fiscales et financières de 1991 à 1997.

Au Sénat où il est élu depuis 1998 et inscrit au groupe UMP, André Ferrand siège à la commission des affaires économiques et du plan et à la Délégation parlementaire pour l'Union européenne. Il est également Président des groupes interparlementaires d'amitié France-Afrique du Sud et France-Yémen.

André Ferrand est co-auteur pour le Sénat du rapport d'information Mondialisation : réagir ou subir ? La France face à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises (juin 2001) au nom de la mission commune d'information chargée d'étudier l'ensemble des questions liées à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, et auteur de La candidature de la Roumanie à l'Union européenne (novembre 2003) fait au nom de la délégation pour l'Union européenne. Il a également rédigé un rapport sur les financements de l'enseignement français à l'étranger remis au Premier ministre le 15 octobre 2004.

André Ferrand représente le Sénat au Conseil d'administration d'Ubifrance. Il est également membre de la Commission nationale des bourses de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger et a été élu en 2005 Président de l'Association Nationale des écoles françaises à l'étranger.

Joëlle GARRIAUD-MAYLAM

(UMP, commission des Affaires étrangères et de la Défense)

Née le 20 mars 1955 à Marnia (Algérie), Joëlle Garriaud-Maylam est titulaire de diplômes de 3ème cycle en droit (droit international public) et en sciences humaines (études anglo-américaines, lettres modernes). Elle est ancien auditeur de l'IHEDN (1997-1998). Passionnée d'international, elle enseigne dès l'âge de 20 ans la langue, la littérature et la civilisation françaises dans une université américaine (Antioch, Ohio), avant de compléter ses études en sciences politiques et en droit international à l'Université de Yale dont elle est lauréate de la fondation Rotary.

En 1979, elle rejoint le département de droit international du Crédit Agricole qu'elle quitte en 1981 pour s'impliquer dans la campagne présidentielle de Valéry Giscard d'Estaing. Elle complète ensuite son cursus par une formation de 3ème cycle en commerce international puis intègre l'orfèvrerie Christofle dont elle dirige le département de formation commerciale internationale. Etablie à Londres à la suite de son mariage en 1985, elle travaille dans la société de production cinématographique de son époux (Filmplan Ltd), puis devient directeur des relations internationales à la London Business School avant de s'installer en 1992 comme consultante en affaires européennes et relations internationales.

Présidente-fondatrice de l'Association des Françaises d'Europe (qui rejoindra en 2000 l'Union des Français de l'étranger) et de l'UICE (Union internationale des citoyens européens), Joëlle Garriaud-Maylam publie pendant douze ans le magazine « Traits d'Union » pour la communauté française du Royaume-Uni et d'Irlande, qui l'élit en 1988 au Conseil Supérieur des Français de l'étranger ( devenu depuis l'Assemblée des Français de l'étranger) où elle est réélue sans discontinuer jusqu'à son entrée au Sénat en 2004.  Elle sera la première vice-présidente du CFCE de 2000 à 2003.

En tant qu'expert auprès du Conseil de l'Europe, elle est l'auteur en 1997 et 2004 de deux rapports et résolutions sur les liens entre les expatriés et leur Etat d'origine. Elle a également publié de nombreux articles dont « Le vote des Français de l'étranger » et « La représentation parlementaire des Français de l'étranger 1944-2004 » dans la Revue politique et parlementaire ainsi que deux ouvrages : « Citoyenneté européenne et ressortissants européens en France », actes du colloque qu'elle a organisé en 1995 au Sénat pour l'UICE et « L'enseignement du français aux enfants de familles biculturelles établies dans un pays non francophone ».

Elue au Sénat en 2004, Joëlle Garriaud-Maylam siège à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et est secrétaire de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Elle est l'auteur en mars 2005 d'une proposition de loi relative à l'harmonisation de l'âge minimal du mariage pour l'homme et pour la femme. Elle est membre du bureau du groupe UMP du Sénat et du bureau politique de l'UMP.

Membre de l'Union interparlementaire et de l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie, elle est présidente déléguée du groupe sénatorial d'amitié France-Asie du Sud-Est (présidente Birmanie) et représente le Sénat à la Commission nationale pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) et à la commission nationale pour l'élimination des mines anti-personnel.

Elle est également membre du Conseil Franco-Britannique, du conseil d'administration de l'Association nationale des écoles françaises à l'étranger, et de celui de l'association pour la promotion des femmes en Europe.

Michel GUERRY

(UMP, commission des Affaires étrangères et de la Défense)

Né le 2 décembre 1932 à Prahecq, Michel Guerry est ingénieur de l'Ecole spéciale de travaux publics. Il entre en 1959 à la Compagnie des compteurs comme chef de fabrication à la division électronique. Il y reste six ans avant de partir à San Francisco comme ingénieur au département études de Fairchild Semiconductors de 1966 à 1968. De retour en France en 1968, il entre chez Schlumberger comme directeur commercial export dans le domaine de la télévision en circuit fermé. Au bout de huit ans, il intègre la direction internationale de Thomson-CSF où il est nommé directeur géographique à la direction internationale (1976-82), puis délégué général en Grèce (1983-94), et enfin, président-directeur général d'Agroinvest, 2 ème entreprise agro-alimentaire grecque (1995-99).

Michel Guerry a été élu délégué des Français de Grèce-Turquie-Chypre au Conseil Supérieur des Français de l'étranger (CSFE, devenu depuis l'Assemblée des Français de l'étranger) en 1988, avant d'être élu au Sénat en 2001. Il assure pendant un an la présidence du groupe RPR du CSFE et la présidence de l'intergroupe, préparant ainsi la mutation de ce qui deviendra le groupe UFE de la nouvelle Assemblée des Français de l'Etranger.

Au Sénat où il est inscrit au groupe UMP, il est membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et président délégué du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique centrale pour la République démocratique du Congo.

Michel Guerry est également membre du groupe parlementaire de la banque mondiale et, à ce titre, est impliqué dans les problèmes liés à la pauvreté et au sida dans les pays émergents. Il est président d'honneur de l'Association FEMMES 3000.

Christiane KAMMERMANN

(UMP, commission des Affaires sociales)

Née le 10 juillet 1932 à Boulogne-sur-Seine, Christiane Kammermann est titulaire d'un diplôme d'Etat suisse d'infirmière. Etablie au Liban en 1956, elle adhère au Cercle de l'Union française en 1956, puis au Cercle du Comité de l'Union française de 1957 à 1968 (elle y est la seule femme sur 15 membres). Elle y organise conférences, expositions et réceptions officielles de personnalités françaises. Elle est membre de l'Union des Français du Liban depuis 1970. En 1960, elle adhère à la société française de bienfaisance dont elle devient membre du comité en 1970, vice-présidente depuis 1977 et présidente jusqu'en 1989. Pendant la guerre du Liban, elle assure visites et assistance aux Français malades, incarcérés ou isolés et fait le lien avec les familles restées en France.

En 1987, elle fonde la section Liban de l'UFE, qu'elle préside depuis cette date étant toujours réélue. Avec 2.500 membres, cette section est la plus importante du monde. Elle est également membre du Conseil d'administration de l'UFE depuis 1990.

En 1988, Christiane Kammermann est élue déléguée des Français d'Irak, de Jordanie, du Liban et de Syrie au Conseil Supérieur des Français de l'étranger (CSFE, devenu l'Assemblée des Français de l'étranger). Elle assiste à ce titre à toutes les commissions des consulats des pays qu'elle représente. Elle est membre du comité consulaire depuis 1977 et administrateur de la Caisse des Français de l'Étranger depuis 1997.

Christiane Kammermann a été élue sénateur des Français établis hors de France en 2004. Inscrite au groupe UMP, elle est membre de la commission des affaires sociales et membre de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Richard YUNG

(groupe socialiste, commission des lois)

Né le 22 septembre 1947 à Amboise, Richard Yung est diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et titulaire d'une licence en Sciences économiques et d'un DESS en sciences économiques. Il entre en 1973 au CNRS comme économiste à l'administration centrale puis est nommé en 1974 chef du bureau plan, budget, RCB. Entré en 1978 à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) comme chargé de mission pour les questions financières il est nommé rapidement Secrétaire général adjoint, puis secrétaire général. En 1983, il devient Conseiller du Président de la Banque Worms, puis, en 1985, responsable administratif et financier de QUESTEL-TELESYSTEMES. En 1986, il revient au domaine de la Propriété industrielle comme directeur de l'administration générale de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) à Genève. Enfin, en 1989, il est nommé Directeur de la Coopération internationale de l'Office Européen des Brevets (OEB) installé à Munich.

Richard Yung est membre depuis 1994 du Conseil national du Parti socialiste. Entre 1994 et 2003, il est premier secrétaire de la Fédération des Français de l'étranger du Parti socialiste.

En 2000, Richard Yung est désigné par le ministre des affaires étrangères Hubert Védrine au Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE, devenu depuis l'Assemblée des Français de l'étranger).

Élu au Sénat en 2004, il est inscrit au groupe socialiste et siège à la commission des lois, au sein de laquelle il a été vice-président de la mission d'information sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire. En juin 2007, il a été co-rapporteur d'un rapport d'information intitulé « Pour un droit de la prescription moderne et cohérent » et en septembre 2007, d'un rapport d'information sur l'état civil des Français nés, résidant ou ayant vécu à l'étranger.

Richard Yung est également Membre du bureau de la Section française de l'Assemblée parlementaire de la francophonie (A.P.F.).


* 1 Le présent recueil a été établi avant la promulgation de la loi constitutionnelle de modernisation des Institutions de la Vème République (n° 2008-724 du 23 juillet 2008), dont une des dispositions prévoit que désormais, les Français établis hors de France seront aussi représentés à l'Assemblée nationale. Une loi organique et, le cas échéant, différents textes d'application -dont l'adoption devrait logiquement intervenir avant le plus prochain renouvellement de l'Assemblée nationale- préciseront, le moment venu, le nombre et le statut des députés désignés au suffrage direct par les Français de l'étranger.

* 2 Comme indiqué supra, l e présent recueil a été établi avant la promulgation de la loi constitutionnelle de modernisation des Institutions de la Vème République (n° 2008-724 du 23 juillet 2008), dont une des dispositions prévoit que désormais, les Français établis hors de France seront aussi représentés à l'Assemblée nationale. Une loi organique et, le cas échéant, différents textes d'application -dont l'adoption devrait logiquement intervenir avant le plus prochain renouvellement de l'Assemblée nationale- préciseront, le moment venu, le nombre et le statut des députés désignés au suffrage direct par les Français de l'étranger.

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