« Femmes et pouvoirs » (XIXe - XXe siècle)


VI. NICOLE BORVO

Je vais être très brève. Effectivement l'égalité et la parité sont un combat. Je suis sénatrice communiste et présidente du groupe Communiste, Républicain et Citoyen. Je voudrais dire ici que j'ai une bonne expérience de ma formation politique, puisque je suis la seule femme à présider un groupe politique dans toutes les formations, à l'Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen concernant la France. Évidemment, nous sommes montrés du doigt (la France). Je partage ce qu'a dit Élisabeth Guigou, c'est-à-dire que la politique étant si importante en France, et les attributs du pouvoir politique étant tellement importants, il est bien évident que, alors que les femmes travaillent très majoritairement, travaillent plus en France que dans d'autres pays, font des études plus que dans d'autres pays, en politique on les garde un peu en lisière. On voit bien le pourquoi.

J'ai cette expérience qui est positive. Dans ma formation politique, il y a assez longtemps que la parité existe dans les instances, en tout cas comme objectif, et qu'on s'efforce de le remplir. Je rappelle qu'en 1924 le Parti communiste présentait des femmes alors qu'elles n'étaient pas éligibles aux élections nationales. Je veux dire aussi que, avant moi, une autre femme était présidente de ce groupe au Sénat, et je dois dire que ce groupe est quasi paritaire, puisque sur 23 membres il y a 10 femmes. Vu le nombre de femmes sénatrices, nous en avons une bonne partie au groupe Communiste Républicain et Citoyen.

En même temps que j'ai cette expérience positive dans ma formation politique, je dois dire que là aussi rien n'est jamais acquis. Il faut bien constater que les reculs sociaux dont sont victimes particulièrement les femmes ont des effets sur la possibilité des femmes à accéder à des responsabilités politiques, à s'investir dans le champ politique, etc. De ce point de vue, la période actuelle nous montre que cela n'est pas facilité par les difficultés sociales et économiques des femmes, et tout cela est très lié.

Concernant mon expérience des lois sur la parité, ici au Sénat, on a entendu des choses extraordinaires dans le débat sur la parité, à savoir que tout a été dit pour considérer que la loi sur la parité était une ineptie, et qu'il ne fallait surtout pas avoir une loi constitutionnelle sur la parité ni une loi sur la parité dans les élections. Je le rapprocherai de ce que nous avions connu avant, je crois en 1995 ou 1996, quand les responsables des partis politiques avaient été auditionnés par les délégations aux femmes, et où un secrétaire général du RPR nous avait expliqué à l'époque qu'ils feraient beaucoup d'effort pour que les femmes accèdent à la politique, et qu'aux prochaines législatives il y aurait des femmes suppléantes dans une grande partie des circonscriptions parce que les femmes ne peuvent quand même pas accéder tout de suite à un mandat de députée, il faut d'abord qu'elles fassent leur apprentissage, qu'elles soient d'abord suppléantes. C'est tout dire ! Et je crois que ceci est profondément réactionnaire mais que cela existe profondément.

Heureusement, l'opinion publique, nos concitoyens, sont beaucoup plus féministes. Comme le disait ma collègue tout à l'heure, il a été positif effectivement que le débat, compte tenu de la position du Sénat, vienne sur la place publique, parce que cela a donné la possibilité à l'opinion publique de s'exprimer et de manifester qu'au fond elle était plutôt favorable, majoritairement favorable à la parité. D'où un certain effet sur les parlementaires de droite au Sénat. Évidemment, on a entendu des tas de choses : allait-on présenter des femmes simplement parce que ce sont des femmes ? Mettez cela au masculin, et ce serait extraordinaire. Qu'il s'agisse de listes « chabada » ou de paquets moitié-moitié, on est en train de tout encadrer. À force de contraindre, on va arriver à l'inverse de ce que l'on souhaite. Je vous en passe et des meilleures. D'ailleurs, on comprend pourquoi la loi a suscité beaucoup d'émotion chez les sénateurs. Ils se sont empressés d'ailleurs, à droite, de se diviser pour pouvoir quand même garder leurs sièges aux élections sénatoriales qui ont suivi, et vite, en 2003, avec la modification du mode de scrutin sénatorial, comme cela a été dit, ils se sont empressés de revenir à la proportionnelle au niveau de 4 (c'était 3 et c'est revenu à 4) pour éviter de se trouver dans l'obligation de présenter des femmes aux sénatoriales.

Sur le constat, je fais le même que tout le monde, mais je voudrais insister sur le fait que la loi sur la parité a permis d'augmenter le nombre de femmes élues. Évidemment il y a peu d'élections, mais c'est un fait aux municipales, c'est un fait aux sénatoriales, ce sera un fait aux régionales, et évidemment cela pose un problème important, qui est celui du mode de scrutin. D'ailleurs, je dois dire que la droite craignait beaucoup que cette poussée vers la parité n'ait comme conséquence une poussée vers des modifications des modes de scrutin. Et moi, personnellement, et ma formation politique de même, je suis favorable à la proportionnelle dans tous les scrutins, parce que je trouve que c'est plus juste politiquement et, en ce qui concerne la parité, cela oblige à la parité. On n'a pas encore trouvé la méthode pour imposer la parité dans les scrutins uninominaux. En tout cas, je suis aussi favorable à ce que, aux scrutins uninominaux, on trouve le moyen d'avoir de véritables pénalisations, et non pas des fausses pénalisations qui font que les partis les plus riches puissent se dégager de leurs obligations en payant plutôt que de présenter des femmes.

Je suis aussi favorable à un statut des élus. Il faut bien dire que l'absence de statut pénalise encore davantage les femmes que les hommes, et certains partis politiques plus que d'autres. Donc je crois que le statut de l'élu sur lequel on discute depuis très longtemps devrait être réfléchi. Un statut qui permettrait à la fois d'être élu et donc quitter une activité professionnelle et la reprendre ensuite, d'avoir une formation pour reprendre ensuite une activité professionnelle, avoir de quoi vivre quand on est élu... Tout cela, à mon avis, est absolument nécessaire si on veut avancer.

Je crois donc qu'il faut continuer de considérer que c'est un combat, un combat qui participe aussi du combat pour l'égalité dans tous les domaines, mais avec l'idée qu'il y a besoin d'obligation en politique, parce que sans obligation je crois que la parité, non seulement ne se fait pas facilement, mais aura tendance à reculer parce que le poids des difficultés pèse toujours plus sur les femmes.

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