II. - La montée en puissance des parlements en Europe

Cette table ronde a été co-présidée par :

M. Alain BARRAU, président de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale

M. Hubert HAENEL, président de la délégation pour l'Union européenne du Sénat

Y a participé :

M. Gérard LARCHER, sénateur

· Intervention de M. Alain BARRAU, président de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale

A ce stade de la matinée, je préfère faire une intervention réactive, plutôt que de vous communiquer l'intervention écrite que j'avais préparée.

Je partage beaucoup d'observations évoquées auparavant et je voudrais faire quelques remarques générales, puis aborder la question de l'Union européenne avant de conclure par deux préoccupations d'avenir.

1. - Remarques générales

Il y a une première pression qui amène les parlementaires à s'intéresser et à être actifs sur le champ international : ce sont tout simplement les citoyens. Sur les thèmes de la mondialisation, de la faim dans le monde, de la sécurité, de la paix ou de l'Europe, il y a maintenant une demande citoyenne. C'est une très bonne chose pour la démocratie car le débat qui s'est esquissé depuis ce matin sur le bien fondé et la légitimité des actions des ONG est liée à cela. Si les ONG ont pu se développer sur un certain nombre de question, c'est parce qu'il y a eu, dans nos populations, le sentiment diffus et injuste qu'il y avait eu une action régalienne en matière internationale, mais que le pouvoir démocratique qu'incarnent les parlementaires n'était pas suffisamment entendu. Une partie de l'opinion s'est donc organisée pour se faire entendre sur un sujet qui lui tenait à coeur. Je trouve cette démarche très légitime. Nous-mêmes devons avoir le soin d'affirmer et d'être dignes du mandat qui nous est donné par nos électeurs sur ce sujet.

En outre, j'estime que le travail entre les parlementaires et les diplomates doit être un travail de confiance et non de rivalité. Pour être efficace, il ne faut pas travailler sur le même terrain, mais plutôt en complémentarité. De la même manière et quelle que soit notre position politique dans l'échiquier national, nous devons travailler en confiance avec les représentants de l'Exécutif qui traitent des questions internationales. Une telle démarche, en période de cohabitation, ne présenterait que des avantages.

Dans ce travail, les parlementaires doivent se soucier d'exprimer la position de la France. Toutefois, je m'oppose à l'idée de donner une seule vision des questions internationales qui sont un enjeu politique. En France, pourquoi y aurait-il un accord sur tout entre la gauche et la droite sur les questions internationales. Ayons donc soin de distinguer ce qui doit être une grande réserve quand nos propos peuvent jouer contre l'intérêt de notre pays, de la liberté de ton sur le jugement mené par telle ou telle autorité. Un consensus mou ne fait pas progresser le débat dans une démocratie.

Le même problème se pose en ce qui concerne les relations entre le parlementaire intéressé par les questions internationales et les journalistes. M. Vauzelle a dit tout à l'heure à juste titre que ce n'était pas une activité parlementaire valorisée par rapport à une élection. Chacun le sait. Il est cependant bien légitime que l'on ait une responsabilité de circonscription, une responsabilité dans le travail de la politique nationale et, par ailleurs, ce goût pour la dimension internationale et européenne.

Néanmoins, pour arriver à un résultat positif de la diplomatie parlementaire, il faut du temps. En ce sens, je ne pense pas que le cumul des mandats permette d'effectuer un bon travail de diplomatie parlementaire. Il y a, par exemple, dans le système allemand une partie des parlementaires désignés pour légiférer ou pour avoir un rôle d'activité nationale politique que ce soit sur le plan national ou international. Nous pourrions nous inspirer de ce système.

Enfin, je pense que nous ne devons pas considérer que notre système est le meilleur. J'ai eu l'occasion d'être invité par la Douma russe à un travail sur l'élaboration d'une loi sur les capitaux étrangers en Russie. Avec René André, notre Ambassadeur, notre chef de poste et des avocats français, nous nous sommes retrouvés en présence de tout l'État-major de la Douma. Nous avons eu l'intérêt de voir arriver une délégation américaine de 26 personnes (sénateurs, représentants, une équipe envoyée par les ministères et les entreprises concernés). Ils ont fait l'erreur, au bout d'un certain temps de discussion, de dire qu'ils avaient préparé un projet de loi que les Russes pouvaient amender. On voit là jusqu'où il ne faut pas aller : la réaction des parlementaires russes sur cette affaire, vous pouvez tous la comprendre. Restons donc à notre place, faisons notre travail, avec le temps, les efforts et l'humilité nécessaires pour agir.

2. - Les questions européennes

Nous ne sommes plus là dans le champ des questions internationales puisque la plupart de nos projets ou propositions de loi sont inspirés ou décidés par la dimension européenne. Depuis la réforme de la Constitution, avant la ratification du traité d'Amsterdam, les choses se passent bien avec l'article 88-4. Je n'ai pas d'exemple du Gouvernement refusant un avis parlementaire avant une décision à Bruxelles. En revanche, il est problématique que le parlement ne puisse s'exprimer en aval des décisions. Les directives sont adoptées avec l'accord du représentant à Bruxelles, mais il y a un stock de 92 directives non encore soumises au parlement pour transposition. C'est inacceptable, on ne peut demander à la fois une place supplémentaire des parlements nationaux sans une vigilance par rapport à l'intégration de la directive communautaire.

Comme l'a rappelé Raymond Forni, la France n'est pas efficace en termes de ratification des traités. Je tiens cependant à souligner qu'exceptionnellement, la France est parmi les premiers pays à ratifier le Traité de Nice. Cela est très positif car ce qui importe dans ce Traité ce n'est pas qu'il donne satisfaction à tout ce qui avait été souhaité, mais qu'il ne fasse pas obstacle à l'élargissement de l'Union. Les Français ont montré qu'ils étaient prêts à faire des sacrifices pour que l'Union puisse politiquement s'élargir.

3. - L'avenir

Pour les parlements nationaux, deux priorités s'imposent. La première est d'adopter la bonne position vis-à-vis des pays candidats et expliquer que nous sommes favorables à l'entrée de nouveaux pays dans l'Union parce que ce sont des peuples européens qui contribuent à la civilisation européenne. Il faut donc que les parlements nationaux s'engagent dans un travail de « lobbying » politique sur cette question.

Deuxièmement, je pense qu'il est tout à fait légitime que les parlements nationaux organisent et participent au débat sur l'architecture future de l'Union, la perspective 2004. C'est une occasion centrale pour assumer notre rôle démocratique sur la question. Nous avons là quelques années pour faire en sorte qu'il y ait un débat public et politique permettant aux Français, dans leur diversité, de s'exprimer sur la future UE qu'ils souhaitent et ainsi de faire avancer les intérêts bien compris de notre pays en France et sur la scène internationale.

M. Christian PONCELET

Il est vrai que la population française est beaucoup trop éloignée des problèmes européens. Dans certains cas, les directives que nous votons ne sont pas comprises.

· Intervention de M. Hubert HAENEL, président de la délégation pour l'Union européenne du Sénat

Le premier constat que l'on doit faire est que depuis environ dix ans, nous assistons à une montée en puissance des parlements en Europe. Je rentre de la réunion de la COSAC qui a eu lieu à Stockholm et je puis vous dire que ce phénomène est amené à s'amplifier encore.

Les débuts de la CEE se sont placés sur une sorte de relégation des parlements. Il y a quelques années, le parlement européen et les parlements nationaux n'avaient pas une grande importance au niveau de la construction européenne et des débats européens. Même si dans les années 1970 le parlement européen a acquis des pouvoirs importants, notamment dans le cadre de l'élection au suffrage universel, cette élection n'a pas fait pour autant disparaître le thème du déficit démocratique de la CEE. Aujourd'hui, c'est encore un débat en vigueur. Pour combler ce déficit, on doit passer par les parlements nationaux qui doivent s'approprier le débat européen.

A la fin des années 1980, nous nous sommes rendu compte que les parlements nationaux devaient avoir leur place dans le débat de l'Union : ce fut la naissance des délégations pour l'UE, le développement de leurs compétences et l'introduction de l'article 88-4 de notre Constitution.

Cette montée en puissance des parlements nationaux en matière européenne ne se limite pas au contrôle par chaque parlement de la politique européenne de son Gouvernement. Le fait que les Gouvernements de l'Union travaillent entre eux et s'influencent réciproquement, a conduit les parlements nationaux des quinze États-membres à travailler également ensemble. Nous avons ainsi assisté à un développement des rencontres parlementaires.

Je vous ferai part de deux expériences : la réunion de la COSAC et mon expérience personnelle en participant à la convention chargée d'élaborer la charte des droits fondamentaux européens.

1. - La COSAC

Il s'agit de la rencontre semestrielle des représentants de toutes les commissions européennes des parlements des quinze États, des représentants des parlements des États candidats à l'entrée dans l'UE, et des représentants du parlement européen. Pour la première fois, à l'occasion de la Présidence suédoise, le Premier ministre suédois, Président du Conseil européen, a formellement demandé, par une lettre adressée au Président de la COSAC, que la COSAC contribue au Sommet de Göteborg. Nous demandons d'intervenir dans le processus d'élargissement et souhaitons que les parlements nationaux soient associés très en amont au débat européen et à la préparation de la future CIG de 2004.

2. - La convention chargée de l'élaboration de la charte des droits fondamentaux européens

C'est un bon texte destiné à être intégré dans les traités et qui peut être considéré comme la préfiguration d'une Constitution européenne. Il devrait être affiché dans les mairies, les écoles et les universités, pour être compris par le commun des mortels.

Cette convention avait un grand mérite. Elle réunissait notamment des représentants des parlements nationaux, du parlement européen, des Exécutifs et un représentant de la Commission. Les différentes légitimités se retrouvaient pour travailler sur un sujet précis dans un organisme ad hoc et pour un temps donné. La convention a fonctionné à l'image d'une conférence diplomatique. Avec François Loncle (titulaire représentant le président de l'Assemblée nationale) et M. Braibant (titulaire représentant l'Exécutif français), nous avons travaillé ensemble. Nous nous sommes coordonnés et réunis périodiquement pour que la France, sur ce sujet, ait une position commune.

La convention a si bien fonctionné qu'elle est aujourd'hui considérée comme un modèle pour la réunion qui permettra de préparer en amont le travail de la CIG de 2004. Hier, les représentants des parlements nationaux et du parlement européen ont demandé au Conseil européen, dans le cadre de la COSAC, que l'on s'inspire de cette formule pour mettre en place un organisme ad hoc pour que les différentes légitimités soient associées largement en amont, notamment les parlements nationaux. Je pense qu'Alain Barrau et moi-même pouvons insister pour faire en sorte que la France appuie la proposition faite par la COSAC.

Enfin, je donnerais deux exemples sur la manière dont le Sénat travaille sur l'intégration des futurs pays candidats à l'entrée dans l'UE. Douze sénateurs sont chargés de travailler en étroite collaboration avec ces pays pour décrire comment ces pays évoluent.

3. - Exemple de diplomatie parlementaire dans le cadre du fonctionnement de l'UE

Vous vous souvenez des difficultés rencontrées avec l'Autriche. Il était de bon ton de ne pas avoir de relations bilatérales avec les Autrichiens, mais le Président du Sénat a jugé souhaitable de faire venir le Président de la Cour constitutionnelle autrichienne, M. Adamovitch, pour qu'il nous dise ce qu'il se passait réellement dans son pays et nous exposer les verrous qui empêcheraient la dérive que l'on pouvait supposer. Ensuite, la Ministre des affaires étrangères autrichienne a demandé à être reçue par la Délégation pour l'UE du Sénat. Je l'ai reçue, pour qu'il y ait un lieu où elle puisse s'exprimer. Je constate finalement que le Sénat a eu à ce moment-là un rôle utile. J'ajoute que lorsque je me suis rendu en Autriche avant Noël, l'Ambassadeur d'Autriche a demandé à m'accompagner dans les différentes rencontres que j'avais, notamment avec le Chancelier, parce que le Sénat permettait de renouer des liens entre l'Ambassadeur de France en Autriche et les différentes instances autrichiennes.

Pour conclure, je dirais que les parlements nationaux ont un rôle fondamental à jouer dans le débat qui s'instaure d'ici 2004 et dans les réflexions que nous aurons les uns et les autres à formuler pour savoir quelle architecture nous imaginons pour l'Europe de demain.

· Intervention de M. Gérard LARCHER, vice-président du Sénat

Le premier élément de mon témoignage sera de modifier le titre de la table ronde « la diplomatie parlementaire, un concept émergent ». Je dirais que ce concept est déjà émergé. Comme le disait Michel Vauzelle, je fixe la date de l'émergence de cette diplomatie parlementaire à la mission confiée par le Président Mitterrand en 1990 à un certain nombre de parlementaires, lors de la crise du Golfe.

Sur les principes et la réalité de la diplomatie parlementaire, tout a été dit ce matin. Je vous apporterai donc des exemples, à travers mon expérience.

1. - L'article 88-4

En décembre 2000, se posait la question de la réunion du Conseil des Ministres des Postes pour l'adoption d'une directive modifiant les orientations dans le secteur postal et allant vers une plus grande libéralisation. Les conclusions et l'avis donné sur le futur acte communautaire est à l'aval du Gouvernement. Le Sénat conduit un débat et ses conclusions qui s'inscrivent dans une vision à caractéristique libérale modérée ne reçoivent pas l'aval du Gouvernement. Dans la nuit du 22 décembre, le Ministre Christian Pierret échoue avec le texte qui a l'aval de l'Assemblée nationale. En fin de nuit, il propose le texte du Sénat. Nous avons donc contribué à ouvrir un espace de négociation diplomatique à l'Exécutif. Je dois dire que si nous n'avons pas réussi ce matin-là, c'est néanmoins sur cette base que la Présidence Belge proposera sans doute un compromis à la fin du second semestre de cette année. Si je prends cet exemple, c'est qu'en application de l'article 88-4, y compris dans la richesse de l'approche différente de deux assemblées, nous avons permis à l'Exécutif d'avoir élargi éventuellement son espace de négociation et de proposition. Depuis, nous rencontrons le Ministre et les collègues suédois et belges qui suivent le dossier pour préparer le nécessaire compromis et ne pas laisser en 2004 à la seule Commission le soin de décider en lieu et place des politiques.

2. - La préparation à l'adhésion

Dans la liste des critères de convergence par rapport à l'adhésion, on constate un déficit de la Hongrie dans le domaine environnemental. Nous négocions un accord avec le parlement hongrois pour échanger sur la richesse de notre législation. Il y a donc là un espace de diplomatie et un espace de préparation au processus d'adhésion.

3. - Le rôle du parlementaire lorsqu'il est membre d'une ONG ou au coeur d'initiatives personnelles

Étant parlementaire et travaillant en liaison avec l'Ordre souverain de Malte, au moment de la guerre libanaise, j'ai observé que le statut de parlementaire confère une autorité, une crédibilité et un recours dans les moments difficiles. Je préfère un parlementaire engagé qui rendra des comptes à un individu qui s'en va négocier au nom de je ne sais qui, sans jamais rendre de comptes.

Autre exemple : j'ai eu à rencontrer M. Karadzic pour une affaire impliquant des prisonniers pilotes français. Il y avait donc une dimension humanitaire et naturellement, je n'étais l'envoyé de personne, si ce n'est de cette ONG.

La rencontre avec un certain nombre de chefs religieux, qui n'est pas toujours possible pour des diplomates, l'est, en revanche, par un parlementaire sans qu'il engage pour autant son pays.

4. - Disponibilité de nos assemblées pour réfléchir ensemble à l'enrichissement démocratique d'un pays

Je prendrais l'exemple du Sénat mauritanien sur lequel le Sénat français et le Sénat marocain ont travaillé. Par ailleurs, je voudrais dire notre disponibilité sur ce qui arrivera peut-être un jour au Moyen-Orient. Les accords de Taëf prévoyaient une deuxième chambre pour déconfessionnaliser la première. Le Sénat sur ces sujets a une grande réflexion, une grande expertise et une grande disponibilité.

5. - Les conditions

Jean-Bernard Raimond l'a dit : il faut informer au préalable l'Exécutif, faire le point complet avec l'Ambassadeur ou son représentant et ne pas déroger sur l'essentiel à l'unanimité nationale, mais avoir sa liberté malgré tout sur un certain nombre de sujets. Cette liberté est ce qui fait ma spécificité parlementaire, à la fois adhérant pleinement à mon pays, mais non tenu par les règles de la solidarité gouvernementale.

Voilà Mesdames et Messieurs le témoignage que je voulais vous apporter.

· Intervention de M. Roger PAQUIN, député québécois

M. Barrau, Mesdames et Messieurs les sénateurs et députés, c'est un honneur et un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui et de prendre la parole au nom de M. Jean-Pierre Charbonneau, le président de l'Assemblée nationale du Québec.

Vous constaterez qu'il y a une grande convergence ou concordance de phases entre ce qui se fait chez nous au Québec et ce que vous faites en termes de diplomatie parlementaire. L'ensemble des propos que j'ai entendus ce matin me permettra peut-être de faire une transition entre la première table ronde et celle de cet après-midi sur l'essor de la coopération interparlementaire et de la régulation internationale comme prochaine frontière pour les parlements. Je vous transmets les amitiés des parlementaires québécois, tous partis confondus. Je vous prie d'agréer mon intervention comme le témoignage d'un député engagé dans la diplomatie parlementaire et de considérer mes propos comme une contribution amicale à vos travaux.

Vous ne serez pas surpris d'apprendre que dans la deuxième session de la 35 ème législature du Québec, pas moins de 4 500 interventions ont porté sur des sujets d'ordre international. 160 de ces interventions concernaient la question du commerce à l'intérieur de l'ALENA. Nous assistons en effet à un passage d'une réalité intérieure à de nouveaux paradigmes. Un passage aussi marquant et important est survenu lorsque la souveraineté est passée de personnes, d'individus et de monarques à des assemblées, voire à des parlements. Actuellement, la souveraineté est déportée vers d'autres horizons, des horizons en grande partie supranationaux.

Pourquoi cela ? Les pouvoirs et les organisations qui font en sorte que les souverainetés s'expriment doivent tenir compte des mouvements de l'ensemble des caractéristiques de nos sociétés. A une époque où :

· du côté environnemental, les pollutions sont transnationales ;

· la préoccupation génomique devient importante ;

· la science nous offre des solutions novatrices dans des domaines de pointe pour lesquelles les législations ne sont pas prêtes ;

· le « village global » s'installe parce que les communication sont transnationales ;

· le commerce se mondialise, les entreprises se déplacent et les investissements sont inter-nationaux ;

on change de paradigmes et une nouvelle adaptation se produit. On assiste à l'émergence de toutes sortes de diplomaties à côté de celles traditionnelles et gouvernementales. Elles apparaissent dans les milieux universitaires, dans les milieux ecclésiastiques, mais aussi à travers les ONG, les milieux d'affaires, les milieux commerciaux, les milieux environnementaux... Partout émergent des diplomaties sous des formes nouvelles qui correspondent à ce changement de paradigmes que l'humanité connaît en ce moment.

Cela a des effets sur les devoirs et les fonctions des députés. Au moment de légiférer, les parlementaires ont à prendre en compte toutes sortes de réalités internationales qui interviennent souvent sur la teneur de leur législation et au moment de contrôler l'Exécutif. Les représentants nationaux doivent également prendre en considération les questions d'intérêt public et les situer dans leur contexte actuel. Enfin, la fonction de représentation du parlementaire, interface entre le citoyen et les lieux où se décide ce qui devrait être son meilleur intérêt doit prendre en compte les réalités nouvelles qui s'imposent sur la scène internationale. En conséquence, le parlementaire doit intervenir en amont et influencer les décisions qui auront des effets sur les parlements et en particulier le sien.

C'est pourquoi, à l'Assemblée nationale du Québec, on pratique depuis longtemps une participation à l'intérieur de ce qu'il est convenu d'appeler la diplomatie parlementaire. On a vu qu'elle prend des formes variées, mais qu'elle est toujours arrimée à des aspects bien sentis des populations qu'elle vise à accompagner. Dans ce sens, l'Assemblée nationale s'est naturellement inscrite dans la diplomatie parlementaire : dès le début de notre parlement en 1792, la législature s'est ouverte sur ce qui se faisait à l'étranger, et particulièrement aux États-Unis qui avaient d'ailleurs établi leur première mission à l'étranger à Québec. Cette tradition spontanée et cette nécessité de rester arrimé, de par notre type de parlementarisme, aux réalités britanniques, de par nos origines aux réalités de la francophonie et, de par notre géographie, aux nécessités de l'Amérique, tout cela a fait que nous avons ajusté et développé cette stratégie. Elle est devenue pour nous une diplomatie parlementaire agissante.

1. - Les objectifs que poursuit l'Assemblée du Québec à travers cet ensemble de démarches

Premièrement, le maintien et le renforcement de l'efficacité de l'institution parlementaire et des élus dans les quatre fonctions :

· la fonction législative ;

· la fonction de contrôle ;

· la fonction de prise en considération des intérêts publics ;

· la fonction de représentation.

Deuxièmement, le rayonnement institutionnel de notre Assemblée nationale au sein des divers réseaux parlementaires.

Troisièmement, nous voulons assurer une participation active de notre parlement à l'édification d'une communauté mondiale fondée sur des principes de paix, de démocratie, de justice, de prospérité.

Enfin notre quatrième objectif est d'améliorer le positionnement international de notre Assemblée en contribuant ainsi au rayonnement accru de notre société québécoise.

2. - Les caractéristiques de la diplomatie parlementaire québécoise

On dénombre quatre caractéristiques principales.

Premièrement, nous tentons en toute circonstance de refléter le pluralisme du Québec. Ce pluralisme est vécu dans l'institution de l'Assemblée nationale et nous voulons le projeter à travers nos délégations, partout à l'étranger.

Deuxièmement, nous voulons profiter des opportunités, avoir un accès privilégié aux décideurs politiques actuels et potentiels des pays du monde.

Troisièmement, nous tablons sur la crédibilité des parlementaires et des élus sur plusieurs questions majeures dont notamment les questions de promotion des institutions démocratiques, la défense de l'État de droit et la question de la promotion des droits de la personne. Nous souhaitons également profiter de leur légitimité pour exprimer le point de vue des électeurs.

Quatrièmement enfin, nous voulons nous insérer dans des réseaux à ramification internationale et à l'étranger. Le Président de l'Assemblée nationale détient chez nous le privilège et le devoir de représenter l'Assemblée, notamment à l'étranger. Il dispose de deux Directions : la Direction des Relations Interparlementaires et la Direction du Protocole et de l'Accueil. Elles fournissent un soutien pour structurer l'ensemble du fonctionnement et du travail des députés. Ces derniers mènent deux types d'actions :

· Au sein des 11 Commissions parlementaires, chacune représentant un segment précis de l'activité gouvernementale, les députés procèdent à l'examen des textes législatifs, possèdent des mandants d'initiative et mènent des démarches liées à des sujets connexes à la diplomatie parlementaire.

· Les députés participent également aux Sections de l'Assemblée nationale.

3. - Les relations avec l'étranger

Nos relations avec l'étranger sont de quatre types.

a. - Les relations multilatérales

Pour la première fois, nous avons adhéré de façon officielle à l'Association des parlementaires du Commonwealth, qui regroupe pas moins de 16 000 parlementaires issus de 147 parlements différents. Ils échangent autour de sujets importants depuis 1911. Pour notre part, nous en sommes membres depuis 1933.

Nous avons également participé à l'Assemblée des parlementaires de la Francophonie et au Council of State Government des États-Unis. Depuis 1990, l'une de nos délégations participe à différentes instances américaines. A cet égard, il faut rappeler que les deux plus grands rassemblements de parlementaires américains - l'un en 1995 avec plus de 1 000 participants, l'autre en 1999 avec plus de 1 500 parlementaires - se sont déroulés au Québec.

Nous avons également initié la Conférence parlementaire des Amériques, qui représente le pendant parlementaire des travaux actuels dans la zone de libre-échange américaine. Les parlementaires des états fédérés, des états fédéraux et des états républicains de l'ensemble de l'Amérique s'y rassemblent, y compris les organismes supranationaux américains.

b. - Les relations bilatérales

Nous en avons noué avec la France, la Belgique, l'Ontario, Haïti, avec le parlement centraméricain, le Brésil, en Orient, etc.

c. - La coopération interparlementaire

Elle concerne principalement Haïti et quatre pays africains : le Bénin, le Mali, le Niger et Madagascar.

d. - Les partenariats divers

Au sein du Programme Intégré d'Appui pour la Démocratie et les Droits de la Personne, nous avons organisé des séminaires parlementaires techniques ou de soutien aux jeunes démocraties dans les différentes régions du monde, y compris au Vanuatu et au Tatarstan.

Nous participons également à un programme d'appui à la démocratisation dans 10 pays africains.

Nous prenons part à des ateliers de formation de fonctionnaires et de parlementaires des démocraties naissantes, principalement en Haïti de 1996 à 1999.

Il faut également évoquer les missions d'observation électorale, les appuis documentaires aux parlements du sud (programme PARDOC), les interventions sur l'introduction des nouvelles technologies de l'information dans les parlements (en Slovénie, au Sénégal, conférence sur les info-routes et la francophonie parlementaire du Québec en 1998) ou encore le secrétariat permanent de la COFOR depuis 1997 à Québec.

Ensemble, nous avons pris acte du fait que l'avenir ne sera plus jamais comme le passé. Il est opportun pour le parlementaire et l'élu de s'ouvrir à ces réalités, qui agissent sur ses quatre devoirs fondamentaux. Il est nécessaire de se rendre dans les enceintes et les lieux de décision où se déterminent les éléments du futur afin d'influencer ces évolutions. Vous aurez noté que l'esprit de nos initiatives converge fortement avec vos propres expériences.

Enfin, je crois que l'organisation de cette journée à l'initiative de l'Assemblée nationale et du Sénat français est hautement pertinente. J'espère que mes propos constitueront une transition appropriée entre les travaux de la matinée et vos réflexions sur l'essor de la coopération et la régulation internationale comme prochaine frontière de nos travaux parlementaires.

· Débat avec la salle

Une attachée de l'ambassade du Liban

J'aimerais simplement rappeler le travail essentiel effectué par les parlementaires, notamment le vice-président du Sénat, durant la guerre au Liban. Je voudrais le remercier une fois encore pour son action.

M. Jean-Marie HAPPART, vice-président du Sénat belge

Je souhaite d'abord vous remercier pour votre initiative, votre invitation et votre accueil.

J'aimerais également rappeler la problématique du cumul des mandats. En Belgique, nous venons de voter une série de lois interdisant cette pratique : nous considérons que, lorsqu'un parlementaire remplit correctement son mandat, il n'a pas le temps d'en occuper un autre.

Je voudrais également rappeler que les ONG ne fonctionnent que grâce au financement de nos Etats. Elles ne sont pas le fruit du hasard, mais naissent d'un véritable choix politique.

S. Exc. M. Jacques LEPRETTRE, ambassadeur de France

Au sujet de l'élargissement de l'Union européenne, un nouveau jeu, essentiellement parisien, consiste désormais à annoncer régulièrement une nouvelle adhésion de tel ou tel pays. Ce faisant, on semble oublier que chaque candidat doit effectuer un travail préparatoire. Par conséquent, la date d'adhésion dépend à 75 % de l'action du candidat lui-même. Durant huit années, j'ai participé aux négociations en vue de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal : à l'issue de cette période, nos amis espagnols et portugais nous suppliaient eux-mêmes de leur accorder un délai supplémentaire. En effet, l'un et l'autre de ces pays avaient été projetés vers une tâche qu'ils n'avaient pas bien mesurée : l'adaptation de plus de 2 000 lois nationales. Par conséquent, plutôt que de fixer des dates arbitraires, il conviendrait plutôt de s'intéresser à l'état d'avancement de la préparation des pays candidats. Sans préparation, pas d'adhésion ; sans adhésion, pas d'avantages.

M. Alain BARRAU

Je vous remercie de ce juste rappel. Il ne contredit pas l'enjeu même de l'élargissement, qui est fondamentalement politique et concerne des peuples libérés de la domination soviétique. L'aspect technique et économique est essentiel. Mais il existe également une dimension politique, à laquelle il faut apporter une réponse appropriée.

Retour Sommaire Suite

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page