M. Kôshirô OKAMURA, maire de Kawaguchi

Je voudrais vous présenter la gestion des déchets et le recyclage dans la ville de Kawaguchi. J'essaierai d'être le plus concret possible.

Tout d'abord, je vous invite à regarder la première diapositive. Il s'agit d'une photo présentant une variété d'anémones : « anemone nikoensis ». Son nom en japonais, « ichirin-sô » signifie « plante à une fleur » car cette plante, d'une hauteur de dix à quinze centimètres, ne porte qu'une seule fleur. Un spécimen de cette anémone a été identifié en 1995 dans une forêt située dans le quartier d'Angyô, mondialement connu pour son activité horticole. Aujourd'hui, cette variété foisonne à cet endroit-là. Pourtant autrefois, ce secteur était encombré de déchets sauvages et particulièrement insalubre. Pour lutter contre les dépôts sauvages, les habitants du quartier ont créé une association. Ils ont enlevé les déchets et ont installé des haies pour aménager un sentier de promenade. Ils ont ainsi transformé la forêt en champ d'anémones. La municipalité a apporté son soutien à cette initiative. En effet, la ville de Kawaguchi veut être une commune verdoyante à laquelle les habitants se sentent attachés. Je vous présente cette action initiée par les habitants en guise d'introduction, car c'est un bon exemple de coopération entre l'administration municipale et les habitants. Cette anémone est une fleur gracieuse et le site est aujourd'hui considéré comme un symbole de protection du milieu naturel dans notre ville.

Je voudrais maintenant situer la ville de Kawaguchi : elle se trouve au centre de l'archipel japonais, au nord du département de Tokyo dont elle est séparée par le fleuve Arakawa. Kawaguchi compte 510 000 habitants. Sa superficie est de 55,75 km 2 . Les fonderies et les machines-outils, ainsi que l'horticulture, ont toujours été les principales activités de la commune, considérée comme une ville industrielle au sein même de la grande agglomération de Tokyo.

J'entre dans le vif du sujet. La ville de Kawaguchi collecte et traite au quotidien les déchets ménagers et assimilés. Pour la collecte sélective, les déchets sont classés en onze catégories telles que les bouteilles, les canettes ou les emballages en plastique. Il existe parallèlement des déchets résiduels, des encombrants et des déchets toxiques. Le terme de « déchet » évoque quelque chose de sale, d'inutile, qu'il faut jeter. Pourtant, si nous faisons correctement le tri, les déchets peuvent se transformer en ressources recyclables. C'est pourquoi notre commune n'emploie pas le terme de « déchet », mais plutôt celui de « matière recyclable » pour tout ce qui peut être valorisé.

La ville de Kawaguchi a créé un complexe de traitement des déchets appelé « Centre Asahi pour l'environnement - Recycle Plaza » qui a été mis en service en décembre 2002. Il existe aussi dans la commune une autre installation de traitement des déchets. Ces deux structures assurent l'incinération et le tri. Le Centre Asahi pour l'environnement est doté de six installations :

1. une unité d'incinération (les cendres produites sont fondues puis utilisées notamment comme sous-couche routière) ;

2. une unité de tri et de valorisation ;

3. un centre d'information sur l'environnement ;

4. une unité de production d'énergie renouvelable (avec des panneaux photovoltaïques, des éoliennes, etc.) ;

5. des bains publics et une piscine chauffés grâce à la récupération de la chaleur excédentaire ;

6. une unité de production électrique fondée sur la combustion des déchets.

Ce tableau (voir l'annexe) présente l'évolution des tonnages de déchets par rapport à la population de la ville. Sont ici inclus les déchets ménagers et assimilés ainsi que les déchets recyclables traités par le service communal. En revanche, les déchets industriels ne sont pas compris dans ces données chiffrées. En 2008, 513 000 habitants ont produit 172 858 tonnes de déchets, et ce chiffre est en constante diminution depuis trois ans. Si l'on compare les chiffres de 2008 avec ceux de l'année 2006, on constate en effet que les tonnages ont diminué de 13 731 tonnes, soit 7 % environ, alors que la population a augmenté de 11 000 habitants, soit une augmentation de 2 %. Cela démontre une prise de conscience de plus en plus forte des habitants quant à l'importance du tri et de la prévention des déchets. Notre commune s'est fixé comme objectif de réduire encore le volume de déchets pour qu'il s'approche du seuil des 160 000 tonnes d'ici 2017.

La production de déchets par habitant (voir l'annexe) diminue également malgré l'augmentation de la population. En 2008, chaque habitant a ainsi produit 1 006 grammes par jour. Ce chiffre est inférieur à la moyenne nationale qui est de 1 089 grammes. Pourtant la ville de Kawaguchi est située en zone urbaine. En France, la quantité journalière de déchets produite par habitant est de 500 grammes. Il faut toutefois noter qu'au Japon le volume des déchets assimilés aux ordures ménagères et les encombrants sont inclus dans les critères de calcul. Nous avons pour objectif de faire baisser ce chiffre à 955 grammes avant 2017.

Quant au taux de recyclage, il a été de 24,2 % en 2008. Ce chiffre, légèrement plus bas que l'année précédente, reste toutefois stable ces dernières années. Il est à noter que le taux de recyclage de la ville de Kawaguchi est supérieur à la moyenne nationale qui est de 20,3 %. L'objectif de la commune est de faire passer son taux de recyclage à 35 % d'ici 2017.

Je vous propose maintenant d'aborder la question des dépenses liées aux déchets et au recyclage. Pour l'exercice 2008, le budget de la ville se montait à 984,21 millions d'euros. Les dépenses relatives aux déchets atteignaient 54,66 millions d'euros. Ces dépenses comprennent notamment le nettoyage, la collecte, la gestion des installations de traitement et le recyclage. Elles représentent 5,6 % du budget total, soit 106,56 euros par habitant.

Les recettes liées au traitement des déchets et au recyclage (voir l'annexe), quant à elles, s'élevaient à 14,60 millions d'euros pour 2008. Ce chiffre est en baisse de 0,85 million d'euros par rapport à l'année précédente. Le déséquilibre entre les dépenses et les recettes est compensé par les recettes fiscales.

Les 7,37 millions d'euros de recettes présentés sur ce tableau (voir l'annexe) correspondent aux revenus provenant de la vente de matières recyclables. Le tableau indique le produit de la vente de matières recyclables par catégories. Les recettes totales s'élèvent à 2,4 millions d'euros environ pour 2008. Les ferrailles et l'aluminium issus de l'incinération sont également vendus et ils rapportent environ 539 000 euros. Par ailleurs, les deux centres pour l'environnement de la commune produisent de l'électricité en récupérant la chaleur dégagée par la combustion des déchets. Le surplus est vendu à une compagnie d'électricité. Toujours pour 2008, le produit des droits d'entrée à la piscine municipale (chauffée par la chaleur dégagée par la combustion des déchets) est de 327 000 euros environ, pour près de 100 000 entrées.

Je dis toujours à nos administrés que les déchets constituant une source de recettes pour la commune, plus nous trions plus les recettes sont importantes. Je dis également que les déchets me sont chers puisque je vois de l'argent quand je vois des déchets. En revanche, si certains habitants mettent toutes sortes de déchets en vrac à la poubelle sans faire le moindre tri, les coûts de collecte et d'incinération de ces déchets, ainsi que les coûts de traitement des cendres d'incinération, devront être couverts par la fiscalité. C'est pourquoi j'insiste sur l'importance du tri et de la collecte sélective, qui permettent aux communes de vendre des matières recyclables et de disposer ainsi de ressources nouvelles.

Concernant l'organisation de la collecte des déchets, elle se fait par l'intermédiaire de « stations », concrètement 10 000 points de collecte, soit un point de collecte pour vingt foyers. Pour la collecte des recyclables, il a été prévu 4 000 points de collecte, c'est-à-dire un point de collecte pour cinquante foyers. Ces points de collecte se trouvent essentiellement sur la chaussée ou sur les trottoirs. Les habitants y déposent leurs déchets aux jours prévus et selon les modalités prévues. La collecte se fait au moyen de camions bennes qui roulent au gaz naturel pour réduire les émissions de CO 2 .

La ville associe depuis longtemps ses habitants aux actions visant à réduire le volume de déchets et à promouvoir le recyclage. L'une de ces actions consiste à faire collecter des recyclables directement par les associations d'habitants de quartier, qui sont au nombre de 200. Kawaguchi a été la première commune à organiser une telle collecte associative des recyclables, dès 1978. Dans le cadre de cette action, les associations d'habitants collectent des papiers et des vêtements une fois par mois et les vendent aux sociétés de recyclage. La commune leur verse une subvention de 0,008 euro par kilo de déchets collecté.

En outre, la commune désigne au sein de chacune de ces associations un ambassadeur de propreté, qui joue un rôle de promoteur du recyclage dans son quartier. Son rôle est de sensibiliser ses concitoyens à la réduction du volume des déchets, de les conseiller sur le tri et le dépôt de déchets. L'ambassadeur de propreté conduit également des actions pour la propreté de son quartier, et dresse un état des lieux de la propreté des points de collecte. Les ambassadeurs de propreté rendent compte de leur action à la commune, et leurs observations sont prises en compte lors de l'élaboration des politiques municipales en la matière.

Kawaguchi organise également une opération «Journée ville propre » depuis dix ans. Dans le cadre de cette opération, les habitants font un grand nettoyage de leur quartier une fois par an.

Il existe aussi un programme d'embellissement de la ville. Nous sommes la première commune japonaise à avoir adopté un règlement dans ce domaine. La municipalité signe une convention avec des associations qui assurent un entretien régulier des rues et lieux publics. Le matériel nécessaire, ainsi que l'assurance couvrant les risques d'accident, sont pris en charge par la commune.

Les associations d'habitants de quartier qui mènent des actions pour promouvoir la règle des 3R, Réduire, Réutiliser, Recycler , perçoivent une subvention de la commune, dont le montant s'élève à 400 yens par foyer adhérant. Ce soutien financier permet non seulement de sensibiliser les citoyens à l'importance des 3R, mais aussi de renforcer les liens entre habitants d'un même quartier. Il me semble que ces actions de promotion de la règle des 3R et de la propreté dans notre ville impliquent plus les citoyens que celles mises en oeuvre par les communes françaises.

La sensibilisation des enfants à l'environnement est également une question importante. Cela concerne non seulement le recyclage, mais aussi l'ensemble des actions municipales en faveur de l'environnement. Sensibiliser les jeunes à la propreté de leur ville, à la réduction des déchets et aux économies d'énergie est un élément essentiel de toute politique en faveur de l'environnement. Le Centre Asahi pour l'environnement, que je vous ai présenté tout à l'heure, accueille ainsi des groupes scolaires pour les sensibiliser au problème des déchets.

Toujours dans le cadre de la sensibilisation des jeunes à l'environnement, la commune met en oeuvre depuis sept ans le Programme ISO 14000 dans toutes les écoles élémentaires (47 écoles). Les élèves fixent avec leur famille des objectifs pour diminuer la consommation d'électricité, de gaz et d'eau, et pour réduire le volume des déchets. Puis ils tentent d'atteindre les objectifs fixés pendant les grandes vacances scolaires. Lancé au Japon et soutenu par le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), ce programme est aujourd'hui mis en oeuvre à l'échelle internationale. La ville de Kawaguchi a été précurseur dans ce domaine, ce qui faisait d'ailleurs partie de mes engagements électoraux. Les enfants reçoivent un diplôme de certification internationale à l'Université des Nations Unies à Tokyo. Certains ont même eu l'honneur de recevoir le Prix spécial.

Les écoles élémentaires de la ville de Kawaguchi mènent également d'autres actions pour la protection de l'environnement. Je peux vous parler par exemple de l'école Tozuka-minami. Cette école élémentaire collecte des emballages de lait en carton pour les échanger auprès d'une société de recyclage contre des rouleaux de papier toilette utilisés à l'école. Par ailleurs, la participation au recyclage de l'aluminium a permis à cet établissement scolaire de faire le don de chaises roulantes à des personnes âgées. Au Japon, il existe 22 476 écoles élémentaires et 10 915 collèges, et 30 établissements parmi eux ont été distingués pour l'excellence de leur programme pédagogique pour l'environnement et pour le cadre de vie. L'école Tozuka-minami fait partie de ces 30 établissements. La mobilisation de toutes les écoles élémentaires pour la sensibilisation des jeunes à la protection de l'environnement est une des particularités de notre ville.

Ces actions ont été reconnues et la ville de Kawaguchi a remporté en 2003 le Prix d'excellence environnementale dans la catégorie collectivité territoriale, dans le cadre du 12 ème Grand Prix de l'Environnement pour la Planète organisé en présence du Prince et de la Princesse Akishinomiya. Nous nous en réjouissons beaucoup.

Concernant les déchets, je demande toujours aux habitants de Kawaguchi de faire ce qu'ils peuvent faire. Il ne sert à rien de leur demander l'impossible, mais il faut également reconnaître que beaucoup de citoyens ne font pas ce qu'ils peuvent faire. Aussi il appartient à la commune de sensibiliser ses administrés et de les mobiliser afin d'améliorer ensemble notre cadre de vie. Je dirais que contribuer à la propreté de la ville, c'est avoir un bel état d'esprit.

Réduire le volume des déchets permet en effet de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et réutiliser, recycler transforment les déchets en ressources. C'est pourquoi je suis persuadé que cette approche 3R rendra possible l'émergence de villes durables.

Comme l'a dit Monsieur le Vice-Maire de Kyoto précédemment, il existe au Japon une expression remarquable : « mottainai », qui signifie « trop précieux pour être gaspillé ». Madame Wangari Maathai, premier Prix Nobel de la Paix en faveur du développement durable, a défendu cette expression et a proposé de la diffuser dans le monde entier.

Les résultats de la 15 ème Conférence sur les changements climatiques de Copenhague ne sont pas très satisfaisants, mais il est temps de prendre conscience de l'importance du développement durable. L'absence de mobilisation dans le monde pour cet enjeu planétaire risquerait de compromettre la vie de nos citoyens, les activités économiques et les services publics. C'est pourquoi la ville de Kawaguchi poursuivra ses actions pour réduire les déchets et pour promouvoir le recyclage, et bien sûr en faveur du développement durable d'une manière plus générale. Je vous remercie pour votre attention.

M. Bruno LEPRAT

Pierre-Paul Leonelli, quel sentiment vous inspirent ces communes qui organisent des opérations « Ville propre » et dont les habitants, comme un seul homme, vont ramasser les déchets ou ces villes qui préconisent d'éteindre la télévision ?

M. Pierre-Paul LEONELLI

Votre question est opportune. Peut-être aurais-je pu me montrer plus convaincant sur la propreté que sur le traitement des déchets car je suis avant tout adjoint au maire à la propreté à la ville de Nice. Il s'agit d'un engagement au quotidien. Je félicite mon collègue, qui vient d'effectuer ce brillant exposé, et je crois que nous sommes tous confrontés aux mêmes difficultés. Ce n'est pas tant le manque d'engagement de la part des élus mais c'est surtout un fléau contre lequel nous devons nous battre aujourd'hui. Je vous raconterai une anecdote. Nous avons créé à Nice une petite équipe dénommée « la force rapide d'action propreté » (FRAP), qui travaille 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, et intervient sur simple appel téléphonique de nos concitoyens. Mon homologue de la ville de Paris nous a d'ailleurs rendu visite pour voir comment opérer dans les arrondissements. Il est ressorti de nos échanges que nous devrions aussi nous attaquer à l'incivisme et au non-respect des espaces publics de la part de certaines populations et de certains de nos concitoyens. Il est vrai qu'en matière de propreté, de nombreuses mesures peuvent être imaginées et toutes les actions menées par notre collègue se révèlent très intéressantes. J'ai noté cependant que si les collectivités japonaises ne fixent pas les taxes, les impôts comme nous pouvons le faire, elles aident les citoyens à accomplir un acte civique de tri. De notre côté, ce sont les éco-organismes mis en place par l'Etat qui interviennent pour aider les collectivités et les citoyens dans ces gestes de tri.

M. Kôshirô OKAMURA

Faire prendre conscience aux citoyens de l'importance de la propreté est essentiel. Je me suis promené ce matin dans les rues de Paris que je n'ai pas trouvées très propres. Il y avait beaucoup de mégots par terre. Comme je vous l'ai présenté tout à l'heure, la ville de Kawaguchi organise une fois par an une journée de nettoyage de la ville et tous les habitants y participent, dans les rues et parcs de leur quartier. Quand ils ramassent eux-mêmes les déchets, ils n'en jettent plus par terre. Ce type d'activités est, à mon sens, très important.

M. Bruno LEPRAT

Merci. Vous avez évoqué, Monsieur Okamura, le Centre Asahi. Il me semble que ce nom est également utilisé pour un journal. Que représente-t-il ?

M. Kôshirô OKAMURA

En effet, ce centre porte le même nom que le grand quotidien « Asahi Shimbun ». Certes, le nom du centre s'écrit avec les mêmes idéogrammes que le journal, qui signifient « le soleil levant », mais en réalité le nom du centre vient du nom du quartier où il est implanté, et n'a pas de rapport avec le journal.

M. Bruno LEPRAT

Merci. Nicole Gontier, la communauté d'agglomération Dunkerque Grand Littoral a-t-elle, sur la question des déchets, tracé quelques pistes que vous souhaiteriez partager avec vos collègues français et japonais ?

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