L'office du juge



Paris, Palais du Luxembourg les 29 et 30 septembre 2006

A PROPOS DE LA THÉORIE DE LA QUALIFICATION : LE JUGE ET LES QUALIFICATIONS LÉGALES

M. Jacques PETIT, Professeur de droit public, Université Paris II Panthéon-Assas

Il n'est pas banal qu'un arrêt rendu par la Cour de cassation soit qualifié d'acte de forfaiture.

C'est pourtant bien cette qualification que la décision Mme Pavie, rendue par la Chambre commerciale le 7 avril 1992 43 ( * ) , a reçue d'un ancien ministre du budget, devenu sénateur, M. Michel Charasse 44 ( * ) . Que jugeait donc cet arrêt pour susciter ainsi l'indignation de cet éminent personnage ? En bref, dans un litige fiscal, la chambre commerciale était en présence d'une disposition législative 45 ( * ) qui, selon une technique éprouvée, se qualifiait d'interprétative en vue de rétroagir à la date du texte interprété; or, le juge suprême a affirmé que cette disposition n'était pas, en réalité, interprétative mais modificative du droit antérieur ; il a refusé, en conséquence, de l'appliquer de manière rétroactive, ce qui l'a conduit à statuer en faveur du contribuable et non du fisc.

La Cour de cassation a donc ici écarté une qualification législative, celle de loi interprétative, pour restituer à la règle en cause ce qu'elle a estimé être sa véritable nature juridique ; voilà qui, à première vue, peut sembler parfaitement entrer dans l'office du juge. Mais, ce faisant, pour M. Michel Charasse, la haute juridiction s'est opposée indûment à la volonté du législateur que cette règle soit considérée comme interprétative : forfaiture.

Cette affaire présente ainsi un exemple topique de la question qui constitue l'objet du présent propos : quelle peut ou doit-être l'attitude du juge à l'égard des qualifications légales ?

Cette question n'en appelle pas moins quelques précisions préalables.

La notion même de qualification légale n'offre guère de difficulté. Elle comprend tous les cas où un texte attribue lui-même une qualité juridique à un objet ou, si l'on préfère, affirme l'appartenance de cet objet à une catégorie juridique, qualité ou catégorie à laquelle un certain régime juridique est attaché. Ces cas ne sont pas rares ; toutes sortes de dispositions qualifient toutes sortes d'objets (faits, actes, biens, institutions, etc.) dans toutes les branches du droit. Par exemple, cela vient d'être évoqué, des lois, mais aussi des actes administratifs ou des accords internationaux 46 ( * ) déclarent interprétatives leurs prescriptions ou stipulations ; il est fréquent les textes instituant un établissement public lui reconnaissent un caractère administratif ou, au contraire, industriel et commercial ; les dispositions législatives qui qualifient telle catégorie de contrats passés par l'administration de contrats administratifs ou de contrats de droit privé sont également assez nombreuses 47 ( * ) .

La qualification légale est donc un procédé assez répandu ; comme tel, elle appelle sans doute une étude sur le modèle que celles qui ont été consacrées à la technique voisine mais différente 48 ( * ) des définitions légales 49 ( * ) .

Ici, toutefois, les qualifications légales ne seront pas considérée en elles-mêmes, sous l'angle de la politique législative et de la légistique, mais dans leur rapport avec le juge. C'est à ce dernier, naturellement, qu'il revient de les mettre en oeuvre. Dès lors, la question se pose de savoir ce qu'il peut ou doit en faire et, notamment, s'il peut ou s'il doit et à quelles conditions, les remettre en cause, requalifier ce qu'il estimerait l'avoir été mal.

La question n'est pas nouvelle et n'est pas un cas d'école. Si l'on en croit J.Barthélémy 50 ( * ) et L. Duguit 51 ( * ) , la loi du 14 avril 1908, dont certaines dispositions affirment interpréter la loi de séparation des Églises et de l'État du 9 décembre 1905, est la première à s'être de la sorte qualifiée d'interprétative ; à l'époque, la pertinence de cette qualification et le pouvoir du juge de la remettre en cause ont suscité une vive discussion doctrinale 52 ( * ) ; comme le montre, notamment, l'arrêt Mme Pavie. De même, on s'est interrogé sur le pouvoir du juge administratif de requalifier les établissements publics qu'il estimerait l'avoir été de manière erronée 53 ( * ) . En somme, il y a donc ici un corpus de droit positif qui a suscité des réflexions doctrinales intéressantes mais limitées à l'examen de tel ou tel cas particulier. Voilà qui indique la voie à suivre : il faut essayer de s'élever à une synthèse, à une conception d'ensemble et quelque peu systématique du problème.

Pour y parvenir, il n'est guère d'autre voie que celle de la théorie de la qualification. Deux remarques préalables s'imposent à cet égard.

Les débats auxquels donne lieu la qualification sont de même nature que ceux qui portent sur l'interprétation des textes et la qualification peut d'ailleurs légitimement être présentée comme une forme d'interprétation. On voit par là que, malgré l'apparence, le présent propos ne s'éloigne pas trop du thème auquel les organisateurs du colloque ont bien voulu le rattacher.

Le point de vue théorique s'impose comme le plus éclairant : il permet de mettre en lumière les présupposés implicites mais nécessaires des positions adoptées à propos de la question pratique du pouvoir de requalification du juge et, par là, de parvenir à une intelligence radicale de ces positions.

Comme ce qui vient d'être dit le postule, il existe, en effet, un lien logiquement nécessaire entre la théorie de la qualification et le pouvoir du juge à l'égard des qualifications légales : la conception de l'opération de qualification comporte une incidence directe sur celle des dispositions qui attribuent une qualité juridique et cette dernière, à son tour, commande la conception du pouvoir du juge de remettre en cause une qualification légale. Autrement dit, trois éléments sont ici étroitement solidaires: nature de l'opération de qualification, nature des dispositions qui énoncent une qualification, pouvoir du juge relativement à ces dispositions.

Voilà tout ce que l'on se propose de démontrer ici.

Cette démonstration peut être utilement commencée par l'analyse du texte doctrinal qui en a suggéré l'idée. Il s'agit d'une intervention d'Henri Mazeaud lors d'une séance de travail de la commission de réforme du Code civil tenue le 31 mars 1949 54 ( * ) . Lors de cette réunion, qui portait sur la révision de l'article 2 du Code, l'on en vînt à évoquer les lois interprétatives et la question fut explicitement posée : la Cour de cassation peut-elle décider qu'une loi déclarée interprétative par le législateur ne l'est pas ? Réponse affirmative de l'illustre civiliste, avec la justification suivante : « il n'appartient pas au législateur de dire que sa loi est interprétative ; il peut décider que sa loi est rétroactive s'il le veut ; mais il n'est pas souverain pour dire que la loi est interprétative, si elle ne l'est pas. Nul ne peut dire qu'il fait nuit s'il fait jour même s'il est le législateur » 55 ( * ) .

Ce texte bref est néanmoins riche et d'une remarquable cohérence. L'agencement logique des trois éléments précédemment mentionnés y est sous-jacent.

En premier lieu, nature de l'opération de qualification. Que dit, sur ce point, le texte d'Henri Mazeaud ? Le caractère interprétatif ou non d'une loi est une réalité objective, aussi objective que la nuit ou le jour, à cette seule différence près que l'une est une réalité juridique et l'autre une réalité naturelle. Par conséquent, déterminer ce caractère c'est établir un fait. En d'autres termes, la qualification est une opération de découverte de la nature juridique objective des choses ; pour reprendre le vocabulaire que Kelsen appliquait à l'interprétation, elle est une fonction de la connaissance et non de la volonté.

Que s'ensuit-il pour la nature des dispositions qui énoncent une qualification ? Celles-ci doivent être regardées comme purement descriptives : elles sont un jugement de réalité par lequel le législateur (lato sensu) énonce ce qu'est juridiquement une chose ; elles ne sont pas un acte de volonté par lequel il impose ce qui doit être. En d'autres termes, la conception de la qualification comme constatation débouche logiquement sur la négation de la normativité des qualifications légales. Il est d'ailleurs frappant, à cet égard, que cette inférence se retrouve en matière d'interprétation de textes : la dénégation de la normativité des dispositions interprétatives, telle que l'illustrait la jurisprudence administrative relative aux circulaires, au moins avant l'arrêt Madame Duvignères 56 ( * ) , s'appuie logiquement sur la théorie de l'interprétation comme découverte du sens objectif des textes.

De là découle la conception du pouvoir de requalification du juge. La qualification légale n'est pas une norme dont il y aurait matière à apprécier la validité ; elle est un jugement de réalité dont il s'agit de déterminer la vérité. Pour ce qui concerne, en particulier, les qualifications législatives, on ne saurait donc opposer au juge ordinaire son incompétence pour censurer la loi souveraine.

Il convient d'insister sur l'inopérance, dans cette vision des choses, de cette exception de souveraineté. Celle-ci est essentiellement une puissance conférée à la volonté par l'ordre juridique et en vertu de quoi les commandements du souverain s'imposent à tous et notamment au juge. Mais, précisément, selon la conception envisagée, la qualification législative n'est pas une prescription appartenant au registre de la volonté mais une description qui relève de l'ordre de la connaissance. A cet ordre, la souveraineté est essentiellement étrangère : elle ne peut pas faire que ce qui est faux soit vrai. Cela est très marqué dans le propos d'Henri Mazeaud qui oppose la décision de donner un effet rétroactif à la loi, laquelle entre dans les pouvoirs du législateur à l'affirmation que la loi est interprétative qui est au-delà même de la souveraineté.

A cet égard, le même auteur est fort cohérent quand il écarte tout appel à une règle constitutionnelle pour justifier le pouvoir de requalification du juge 57 ( * ) : une règle constitutionnelle est nécessaire pour borner la volonté du législateur ; elle ne l'est pas pour redresser ses erreurs, car il ne s'agit pas alors de lui opposer une règle mais de le ramener à la réalité. Pour le dire autrement, dans cette conception, le souverain lui-même est enchaîné par la rationalité juridique (il doit respecter les définitions de la science du droit, dira Roubier 58 ( * ) ) dont le juge est le gardien.

Résumons: si la qualification est une pure constatation de la nature juridique objective des choses, alors les qualifications légales sont de simples descriptions et il entre dans l'office du juge d'en contrôler l'exactitude sans s'opposer par là à la volonté du législateur qui est essentiellement étrangère à la question.

Que peut-on penser de cette construction ? Sa cohérence même la rend fragile : il suffit d'en détruire le fondement pour qu'elle s'écroule. Or, il faut bien l'avouer, cette destruction n'est pas très difficile : une abondante littérature juridique a montré (définitivement) que la conception de la qualification sur laquelle elle repose, c'est-à-dire l'idée d'une qualification comme pure constatation de la nature juridique objective des choses, est illusoire et cela pour deux raisons partiellement corrélatives : parce qu'il n'y a pas de nature juridique objective des choses et parce que la qualification n'est pas une pure opération de constatation (ou de description) 59 ( * ) .

Une démonstration complète du premier point appellerait, à la vérité, des développements raisonnablement qualifiables de longs. Force est de schématiser. Les qualités juridiques qu'il s'agit d'attribuer ou, si l'on préfère, les catégories sous lesquelles il s'agit de subsumer des objets sont instituées et, en général, définies par des règles de droit, qui peuvent elles-mêmes être légales ou jurisprudentielles 60 ( * ) . Il existe ainsi une définition ou des critères de la norme interprétative, de la distinction entre l'établissement public administratif et l'établissement public industriel et commercial ou encore du contrat administratif. Ces définitions ou critères ne sont bien sûr pas arbitraires ; mais ils sont essentiellement des constructions juridiques, le résultat d'un choix contingent. Par exemple, aucune nature des choses n'impose objectivement que le contrat administratif soit défini tel qu'il l'est aujourd'hui ; cette définition est le fruit d'une élaboration jurisprudentielle qui, pour être raisonnable (sans doute), n'en est pas moins le produit de certains choix. En conséquence, la qualification ne peut être présentée comme la recherche d'une nature juridique objective qui n'existe pas ; elle est seulement, la recherche de la présence dans un objet des critères d'attribution d'une qualité juridique tels qu'ils sont établis par le droit positif.

De ce point de vue, la terminologie classique qui oppose la qualité juridique appartenant « par nature » à un objet et celle qui lui appartient « par détermination de la loi » n'est pas des mieux venue 61 ( * ) . Ce n'est jamais de sa nature qu'une situation concrète reçoit une qualité juridique mais toujours par application d'une règle de droit, celle qui définit la notion sous laquelle la situation est subsumée parce qu'elle en réunit les éléments constitutifs.

Par ailleurs, il suit également de ce qui précède que les qualifications qui s'écartent des définitions reçues par le droit positif ne méconnaissent pas une quelconque nature juridique objective des choses, mais se bornent à déroger à une norme juridique. La question (on y reviendra) est alors de savoir si l'auteur de la qualification légale pouvait valablement décider cette dérogation.

A la vérité, cette présentation, grossièrement esquissée, n'est pas sans susciter une objection. Il est des définitions juridiques qui paraissent bien présenter un certain caractère de nécessité ou d'objectivité. Par exemple, qu'une disposition interprétative ne soit pas modificative (et réciproquement) ne semble pas vrai seulement par rapport à une notion jurisprudentielle contingente de la norme interprétative, mais rationnellement et, par suite, absolument. Dans ces conditions, appeler interprétative une disposition modificative n'est-ce pas, en effet, aller à l'encontre d'une réalité juridique objective ? On incline à le penser et c'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles la thèse d'Henri Mazeaud a précisément été présentée à propos de ce cas.

Toutefois, il ne s'ensuit pas que cette réalité s'imposerait nécessairement comme telle à l'auteur d'une qualification légale. En effet, une définition juridique, même empreinte de rationalité objective, a seulement la valeur de la norme qui la contient et toute la question est de savoir si cette norme s'impose à l'auteur de qualification légale ou si celui-ci peut valablement décider de s'y soustraire. Il ne pourrait en aller autrement que si l'exigence de rationalité était elle-même érigée en norme de droit positif : il serait alors soutenable qu'une qualification contraire à des critères rationnels méconnaît cette norme. Les objectifs constitutionnels d'intelligibilité et d'accessibilité au droit pourraient être exploités dans ce sens 62 ( * ) .

Il n'existe pas, ainsi, de nature juridique objective des choses mais seulement des définitions juridiques, exceptionnellement dotées d'une certaine objectivité.

Pour autant, la qualification ne se réduit pas à la simple constatation de la présence dans une situation concrète des éléments constitutifs d'une catégorie juridique. En partie au moins et notamment quand elle est effectuée par le juge, elle procède d'un choix qui dépend de considérations d'opportunité ; le juge se demande notamment si le régime lié à la qualification convient à l'objet qu'il s'agit de qualifier. Ainsi, parfois, telle qualification est déniée, alors que manifestement les critères en sont réunis, parce que le régime ne convient pas ou inversement 63 ( * ) . Toute la littérature consacrée à la qualification juridique atteste de telles « manipulations » 64 ( * ) .

En outre, cet aspect volontaire des qualifications juridiques semble plus marqué pour celles que décident des règles écrites que pour celles que le juge arrête 65 ( * ) . Pour le dire très vite, les premières se trouvent, plus directement que les secondes, sous l'influence de considérations politiques au sens large de l'expression ; le législateur a moins que le juge (surtout le juge suprême) le souci de la cohérence de l'ordre juridique 66 ( * ) et, partant, celui d'une certaine rigueur dans la mise en oeuvre des catégories qui structurent cet ordre. Ainsi, exemple topique, l'affirmation par le législateur du caractère interprétatif d'une disposition procède très généralement de la volonté de lui donner un effet rétroactif, afin de réaliser certains objectifs de nature politique (lato sensu), et non d'une vérification que la disposition qualifiée satisfait bien aux critères de la loi interprétative (même si cela peut bien sûr être le cas).

Cette critique des vues sous-jacentes au propos d'Henri Mazeaud laisse entrevoir une toute autre conception que celle défendue par ce dernier. Les trois éléments que l'on sait s'y retrouvent, certes, mais avec un sens radicalement différent. Si l'opération de qualification est le choix délibéré de la qualité juridique qui convient à une situation concrète, soit un acte de volonté, alors la qualification légale n'est plus une description mais une prescription, une norme par laquelle il est affirmé que tel objet doit être considéré comme ayant tel qualité juridique, lors même qu'il n'en remplirait pas les critères établis par le droit positif. Ainsi, en énonçant que la loi est interprétative, le législateur entend signifier qu'elle doit regardée comme telle, même si, en réalité, elle modifie l'état du droit. Enfin, dès lors que la qualification légale est bien une norme, le juge doit la traiter comme telle. Quelles conséquences en résulte-t-il pour la question qui nous occupe ?

En premier lieu, comme toute norme, la qualification légale est susceptible d'être interprétée par le juge, lors même qu'elle s'impose à lui et qu'il ne peut la remettre en cause ouvertement ; c'est même dans ce cas surtout que l'interprétation présente un intérêt.

Assez naturellement, l'exercice de ce premier pouvoir peut être influencé par le fait que la qualification légale s'écarte ou non des définitions posées par le droit positif et, en particulier, de celles qui résultent de la jurisprudence. Plus précisément, il est peu douteux que la tendance du juge est de donner une interprétation stricte aux qualifications légales dérogatoires. Les exemples ne manquent pas.

Conformément à une proposition doctrinale 67 ( * ) , la jurisprudence a parfois traité les lois interprétatives comme des lois rétroactives ordinaires 68 ( * ) , ce qui n'est pas sans intérêt car le régime de ces deux types de lois n'est pas exactement le même. Pour ce faire, elle a considéré qu'en usant du terme interprétatif le législateur avait entendu conférer aux dispositions en cause une portée rétroactive (ce qui correspond assez bien à la réalité, même si cela a pu être discuté 69 ( * ) ) ; en d'autres termes, selon un procédé d'interprétation classique, le juge a ici fait prévaloir la volonté du législateur (ou ce qu'il estimait être cette volonté) sur la lettre du texte, encore que celle-ci fût claire.

Il n'est pas rare qu'une disposition législative qualifie un établissement public d'industriel et commercial ou, au contraire, d'administratif. Parfois, cette qualification n'est pas en accord avec les critères jurisprudentiels de distinction entre ces deux sortes d'établissements. Par exemple, l'établissement dénommé industriel et commercial a pour mission principale la gestion d'un service public administratif, de sorte que, d'après les vues de la jurisprudence, une nature administrative aurait dû lui être reconnue. Législative, la qualification peut valablement se soustraire aux critères jurisprudentiels 70 ( * ) et s'impose de toute façon au juge ordinaire et, en particulier, au juge administratif. Néanmoins, ce dernier en limite la portée, soit en admettant qu'un établissement public gère pour partie des activités qui ne correspondent pas à sa nature (figure classique de l'établissement public à double visage), soit en jugeant, de façon plus radicale, que la mission exclusive de l'établissement n'est pas celle que suggère sa qualification 71 ( * ) . Dans ce dernier cas, il semble que le juge joue sur le fait qu'à rigoureusement parler la qualification législative vise l'établissement et non sa fonction ; en d'autres termes, à l'inverse de l'hypothèse précédente, il fait prévaloir une interprétation rigoureusement littérale de la loi.

Un autre exemple, purement doctrinal celui-là, d'exploitation de la manière dont la qualification est énoncée mérite d'être rapporté. Parfois, la qualification légale des contrats de l'administration est indirecte : elle s'opère par le biais d'une attribution de compétence juridictionnelle, soit au juge administratif, d'où il s'infère que le contrat est administratif, soit au juge judiciaire, et l'on en déduit que le contrat est de droit privé. De telles inférences, qui concluent du régime contentieux du contrat à sa nature juridique, sont déjà des interprétations, qui procèdent du principe selon lequel la compétence suit le fond. Mais il est concevable de repousser ces interprétations quand la qualification légale ne correspond pas aux critères jurisprudentiels du contrat administratif. En d'autres termes, lorsque, par exemple, le contrat dont le contentieux est attribué au juge administratif constitue, selon ces critères, un contrat de droit privé, il est soutenable que l'effet de la disposition en cause doit être borné à son objet littéral, la désignation du juge compétent ; pour le reste, celui-ci devra appliquer les règles de fond qui correspondent à la nature juridique du contrat, soit, dans l'hypothèse envisagée, les règles du droit privé. Cela revient en somme à considérer que le contrat en cause est un contrat de droit privé relevant par la volonté du législateur du juge administratif. C'est la position qui est défendue par A. de Laubadère, P. Delvolvé et F. Moderne 72 ( * ) à propos des contrats de vente d'immeubles de l'État, dont l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII attribuait le contentieux au juge administratif 73 ( * ) bien qu'ils fussent, au regard des critères jurisprudentiels, des contrats de droit privé, dans la mesure où ils portent sur des immeubles du domaine privé. La jurisprudence, tout en interprétant strictement le domaine d'application de ce texte, ne paraît pas avoir fait sien ce point de vue.

Comme le deuxième exemple donné ci-dessus le montre déjà, l'interprétation stricte peut assez facilement glisser vers l'interprétation neutralisante qui, vidant plus ou moins de sa substance la qualification légale, confine à une requalification. On peut en donner une illustration notoire qui, ancienne, conserve néanmoins l'intérêt d'être très révélatrice de la liberté d'interprétation du juge. Un décret du 11 juin 1806 (article 14) confiait le contentieux des marchés de fournitures de l'État au Conseil d'État. Par là, il reconnaissait à ces contrats un caractère administratif, comme la jurisprudence l'admît initialement 74 ( * ) . Or, à cette époque, l'application des critères jurisprudentiels de distinction entre contrat administratif et contrat de droit privé aurait conduit à ranger lesdits marchés dans l'une ou l'autre catégorie selon les cas. Puis le juge administratif s'avisa qu'il était excessif de considérer tous les marchés en cause comme administratifs et décida de leur appliquer les critères forgés par sa jurisprudence. Pour contourner l'obstacle du décret du 11 juin 1806, le Conseil d'État a tout bonnement dit que l'expression marchés de fournitures dans ce texte ne visait pas les marchés passés dans les conditions du droit commun 75 ( * ) . Voilà une interprétation totalement neutralisante : la qualification légale dérogatoire aux critères jurisprudentiels est interprétée comme les respectant.

Au-delà de l'interprétation (dont les effets, on le voit, peuvent être drastiques), comment, dès lors que la qualification légale est une norme, se présente la question du pouvoir du juge de la censurer, de l'écarter purement et simplement, la question, en d'autres termes, du pouvoir de requalification du juge ?

C'est sur ce point, il faut l'avouer, que la synthèse est le plus difficile ; on peine tout particulièrement à enfermer la diversité des cas que présente le droit positif dans quelques propositions générales. Ce n'est donc pas sans hésitation que l'on en énoncera néanmoins quelques unes.

Certes, l'idée de départ est assez simple : dès lors que la qualification légale est bien une norme, un type particulier de normes, elle ne peut être censurée par un juge, comme toute norme, que si deux conditions sont réunies : la compétence du juge pour contrôler la validité de la norme qui énonce la qualification ; l'invalidité de celle-ci.

Les conséquences de la première condition sont si évidentes qu'il est inutile d'insister : possibilité pour le juge administratif d'écarter toute qualification réglementaire (si elle est illégale) ; impossibilité pour lui, comme pour le juge judiciaire, de censurer une qualification législative (sauf inconventionalité) ; possibilité pour le Conseil constitutionnel de censurer une qualification législative (comportant une inconstitutionnalité).

La seconde condition appelle davantage de précisions. Il faut en effet répondre à la question suivante : à quoi peut tenir l'invalidité d'une qualification légale ?

Il semble bien que trois cas principaux puissent se présenter.

En premier lieu, une qualification légale peut être entachée d'incompétence. Peu importe alors, il convient de le souligner, son contenu : lors même que la qualification serait juste, d'après les définitions du droit positif, elle ne serait pas valable, dès lors que son auteur était sans pouvoir pour l'édicter. Ainsi, la répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions est, on le sait, matière législative. En conséquence, dès lors qu'une qualification commande ou affecte ce partage, elle ne peut être donnée que par le législateur : le pouvoir réglementaire, incompétent, n'a pas voix à ce chapitre. Cela n'est pas rien : la plupart des notions fondamentales du droit administratif commandent la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire. Par exemple, seule une disposition législative peut attribuer à une catégorie de contrats la qualité de contrats administratifs ou, au contraire, celle de contrats de droit privé ; une qualification décrétale serait illégale lors même qu'elle serait conforme aux critères jurisprudentiels de distinction entre les deux types de contrats considérés 76 ( * ) .

Supposons maintenant que la qualification émane de l'autorité compétente pour la donner. Son invalidité tiendra ordinairement à son contenu même : de l'appréciation du juge, elle ne s'est pas conformée aux définitions du droit positif, alors que celles-ci s'imposaient à l'auteur de la qualification. Pour qu'il en soit ainsi, la définition doit être contenue dans une norme de valeur supérieure à celle qui énonce la qualification et de portée non pas supplétive, mais impérative.

On touche par là à la question délicate de la liberté de qualification de l'autorité compétente : si le respect d'une définition ou de critères s'impose, le pouvoir de qualification n'est pas discrétionnaire mais lié. Dès lors que ces notions là entrent en jeu, bien des nuances peuvent apparaître : c'est ici sans doute que la synthèse devient la plus ardue. Distinguons au moins quelques cas.

Il peut arriver qu'un texte d'une valeur suffisante pour s'imposer à l'auteur de qualification énonce une définition impérative: la qualification qui, selon l'appréciation du juge, s'en écarterait, serait assurément illégale. Par exemple, la définition du domaine public immobilier est aujourd'hui fixée par l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques; une décision administrative qui rangerait dans le domaine public un immeuble ne répondant pas à cette définition serait assurément illégale. Au demeurant, d'après une jurisprudence des plus classiques, aujourd'hui codifiée à l'article L. 2111-3 du même code, les décisions de classement d'un bien dans le domaine public ne peuvent avoir d'autre effet que d'en constater la domanialité publique; relatives à un bien ne satisfaisant aux conditions d'appartenance au domaine public, elles sont illégales 77 ( * ) .

L'absence de définition textuelle impérative peut être palliée par la formulation d'une définition jurisprudentielle ; discrétionnaire au regard du droit écrit, le pouvoir de qualification se trouve alors lié par le juge.

La détermination du caractère des établissements publics en offre un bon exemple 78 ( * ) . Elle relève du pouvoir réglementaire 79 ( * ) auquel les textes laissent une grande liberté d'appréciation 80 ( * ) . Néanmoins, quand un décret qualifie un établissement public d'industriel et commercial ou d'administratif, le Conseil d'État et le Tribunal des conflits se reconnaissent le pouvoir de vérifier la pertinence de cette qualification au regard des critères jurisprudentiels applicables à cette matière 81 ( * ) . Si ces derniers ont été méconnus, le juge procède à une requalification. Comme E. Fatôme l'a bien vu, cette jurisprudence implique logiquement que les critères en cause ne jouent plus seulement à titre supplétif pour qualifier un établissement public dont le texte institutif n'a pas déterminé la nature, mais « constituent...désormais également des éléments qui s'imposent à l'administration » 82 ( * ) .

Le troisième cas annoncé concerne une espèce particulière de qualification légale. Parfois, une disposition définit sa propre nature juridique et non pas celle d'un objet extérieur à elle. L'exemple type de cette « auto-qualification » est donné par la norme qui s'affirme interprétative. Le juge peut vérifier la pertinence de cette qualification et, le cas échéant, l'écarter quand la validité de la disposition qualifiée en dépend.

Par exemple, en vertu d'un principe général du droit, les décisions administratives ne peuvent légalement comporter d'effet rétroactif. Toutefois, ce principe ne va pas sans exceptions et, notamment, les décisions administratives interprétatives rétroagissent valablement à la date de l'acte interprété. Il arrive qu'une décision administrative se déclare interprétative afin de s'appliquer dans le passé. Cette affirmation conditionne évidemment la validité de la décision sur laquelle elle porte : ou bien elle est exacte et cette décision a valablement rétroagi ou elle ne l'est pas et la même décision comporte une rétroactivité illégale. Le juge administratif est donc nécessairement amené à contrôler cette qualification et, le cas échéant, à l'écarter: s'il ne le faisait pas, il suffirait à une autorité administrative d'affirmer le caractère interprétatif de ses décisions pour échapper au principe de non rétroactivité 83 ( * ) .

Les mêmes principes doivent gouverner le pouvoir du juge à l'égard des lois qui se proclament interprétatives. Quoique législative, cette qualification peut être contrôlée et, éventuellement, censurée si elle conditionne la validité de la loi, c'est-à-dire sa conformité à un principe supérieur dont il entre dans les attributions du juge de vérifier le respect par le législateur.

On s'explique ainsi que, pourtant sollicité par les saisissants, le Conseil constitutionnel se soit toujours refusé à contrôler la qualification de loi interprétative et à en censurer l'abus 84 ( * ) : cet abus, en lui-même, n'entache pas la loi d'inconstitutionnalité. En effet, dès lors que le principe de non rétroactivité de la loi n'a pas valeur constitutionnelle en matière non répressive, la circonstance qu'une loi déclarée interprétative modifie en réalité l'état du droit ne saurait être, à elle seule, un motif d'inconstitutionnalité, puisque le législateur détient précisément le pouvoir de changer rétroactivement le Droit.

Quant au juge ordinaire, il est susceptible de se pencher sur la qualification considérée si elle comporte une incidence sur la conventionalité de la loi. Ainsi, dans des litiges de TVA, certaines juridictions administratives ayant estimé que les principes communautaires de sécurité juridique et de confiance légitime interdisaient en principe les lois rétroactives mais non les lois interprétatives ont nécessairement été conduites à vérifier la justesse de la qualification législative de loi interprétative 85 ( * ) . Au contraire, quand la conventionalité d'une disposition est subordonnée aux mêmes exigences qu'elle comporte une rétroactivité ordinaire ou soit interprétative, la pertinence de cette dernière qualification n'importe pas 86 ( * ) .

On termine ainsi par la question d'où l'on était parti, mais un peu éclairé, on l'espère, par les propos qui précédent. La substance de ces derniers est finalement fort simple. L'opération de qualification étant un acte dans lequel il entre, pour le moins, une part de volonté, les dispositions légales qui attribuent une qualité juridique sont pleinement normatives et doivent être traitées comme telles par le juge, auxquelles les ressources de l'interprétation offrent d'ailleurs une grande latitude de décision.

D'après ces vues, l'arrêt Mme Pavie semble assez fragile (quoique l'on pense d'ailleurs de son opportunité) : la Cour de cassation n'y invoque aucune inconventionalité de nature à justifier juridiquement qu'elle s'oppose à la volonté du législateur. M. Michel Charasse n'avait ainsi pas tout à fait tort sur le fond, même si la forme de son propos était bien peu conforme à la modération que l'on prête d'ordinaire aux membres de la Haute assemblée.

Intervention du Président Jacques MOREAU

Je remercie Jacques Petit de son intervention. Comme c'est le plus brillant de mes élèves, je vois apparaître à chaque fois des nouveautés que je crois ne lui avoir jamais apprises. Il commence par la synthèse, il énonce une thèse et il termine par l'antithèse, ce qui fait que la salle et tous les auditeurs ont tous les choix possibles. Est-ce que la qualification est un constat ? Ou est-ce qu'elle est plus qu'un constat, est-ce qu'elle est le choix du juge ? Est-ce que, pour les qualifications légales les normes sont des normes ou des normes qui ont perdu toute normativité ? Le juge a-t-il ou non le pouvoir de faire ce que M. Charras lui reprochait d'avoir fait ? Vous voyez que nous sommes en pleine incertitude, et nous sommes donc probablement assez proches de la vérité. Je laisse à la salle le soin de poser quelques questions aux orateurs, étant entendu que, il me semble que la pause café nous attend, et que vous avez un choix difficile à faire entre l'utile et l'agréable.

Présidence et introduction de M. Jacques FOYER, Professeur émérite de droit privé, Université de Paris II Panthéon-Assas.

Mesdames, Messieurs, si vous le voulez bien, nous allons reprendre ce passionnant colloque qui a été parfaitement ouvert comme vous avez pu vous en apercevoir. Dans la première partie, le programme indiquait qu'il serait question de « réflexions, de problèmes et de théories ». En réalité, il s'est agi en grande partie de poser des questions. Et je ne sais pas si mon ami Michel Troper est encore là, mais il rappelait dans un de ses écrits la parole d'un religieux qui se promenait dans les rues en disant « qui a des questions, j'ai les réponses ». Nous avons des questions, mais je ne suis pas sûr que les réponses soient toutes acquises. Toutefois, nous sommes sur le chemin de la vérité. Je voudrais aussi ajouter qu'en tant que modeste privatiste, j'ai été dans l'admiration devant les propos tenus par mon ami Jean-Louis Bergel. Il est vrai que j'étais en terrain de connaissance. Nous parlons l'un et l'autre la langue du droit privé. Le droit privé est en effet un langage qui nous est commun. Dans cette première partie consacrée principalement à la liberté de l'interprète, je n'ai pas bien vu l'importance de l'intervention de la loi. Mais, je dois avoir une idée de la hiérarchie des normes un peu simplette qui consiste à penser que la loi est supérieure au juge. Le grand Portalis disait « le juge a précédé la loi ». Historiquement, il est vrai que le juge a précédé la loi. Aujourd'hui, l'exemple de l'affaire Perruche et de la loi anti-Perruche démontre que c'est le législateur qui a le dernier mot. Ainsi, cette matinée a permis d'ouvrir un grand nombre de questions intéressantes, livrées à notre méditation et que nous relirons avec plaisir quand les travaux seront parus. Il nous faut maintenant porter des « regards » sur cette question de l'interprétation, pour illustrer les problèmes que nous avons rencontrés. Sans plus tarder, je vais donner de suite la parole à ma collègue Mme Ghica le Marchand qui va affronter cette question de l'interprétation de la loi, en revenant sur le terrain du droit pénal.

* 43 Bull., IV, n° 150, p. 105, JCP 1992, II, 21339, note David, DF 1992, 30, 1547, note Tixier et Lamulle, RJF 5/92, n° 758.

* 44 Intervention ou plutôt exclamation lors du colloque sur « Les lois fiscales rétroactives face au principe de sécurité juridique », organisé au Sénat le 10 novembre 1995 et publié dans DF nov. 1996 (n° spécial) (V. p. 21).

* 45 Article 10-II de la loi de finances pour 1990.

* 46 Pour un exemple récent : CE 29 déc. 2004, M. Almayrac et autres, Rec., 465, AJDA 2005, p. 427, chron. Landais et Lénica, Dr. adm. 2005, n° 42, RFDA 2005, p. 586, concl. Sthal.

* 47 Par exemple, dans son article 1er, l'ordonnance du 17 juin 2004 qualifie de contrats administratifs les contrats de partenariat qu'elle institue.

* 48 La distinction entre qualification et définition est claire dans son principe. Une chose est d'énoncer les éléments constitutifs d'une catégorie, autre chose d'affirmer l'appartenance de tel objet à cette catégorie. Mais il se rencontre des cas limites. Par exemple, certaines dispositions, renonçant à déterminer la substance d'une notion, se bornent à énumérer les objets qu'elle comprend; ainsi, cas topique, l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle qui dresse une liste de biens devant être considérés comme « oeuvres de l'esprit », susceptibles d'être protégées par le droit d'auteur. On peut voir dans cette sorte de prescription une qualification des objets en cause ou un type de définition par énumération ou « en extension ». M. Van HOECKE,  Définitions légales et interprétation de la loi, Droit et société, 1988, n° 8, p. 95.

* 49 V. notamment, G. CORNU, Les définitions dans la loi, in Mélanges dédiés à Jean Vincent, Paris, Dalloz 1981, p. 77 ; G. CORNU, Les définitions dans la loi et les textes réglementaires, in RRJ 2005, n° spéc., p. 2173 ; M. Van HOECKE, Définitions légales et interprétation de la loi, préc. ; D. TRUCHET, Les définitions législatives, in La confection de la loi, PUF, 2005, p. 193.

* 50 De l'interprétation des lois par le législateur, RDP 1908, p. 456, spéc., p. 476.

* 51 La non-rétroactivité des lois et l'interprétation des lois, RDP 1910, p. 764, spéc., p. 772

* 52 V. notemment les études précitées de J. BARTHELEMYet L. DUGUIT ainsi que les références données par P. ROUBIER, Le droit transitoire (conflits des lois dans le temps), Dalloz et Sirey 1960, pp. 252-253.

* 53 Cf. E. FATôME et J. MOREAU, note sous CE, 4 juil. 1986, Berger, D., 1986, p. 1990 ; E. FATôME, A propos de la distinction entre les établissements publics à caractère administratif et les établissements publics à caractère industriel et commercial, in Mélanges René Chapus, Montchrestien 1992, p. 171.

* 54 Compte rendu sténotypique in Travaux de la commission de réforme du Code civil, 1948-1949, Sirey 1950, p. 277 et s.

* 55 Travaux de la commission de réforme du Code civil, 1948-1949, op. cit., p. 296.

* 56 CE, sect. 18 déc. 2002, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, 15ème éd. 2005, n° 118.

* 57 Travaux de la commission de réforme du code civil, 1948-1949, op. cit., p. 297.

* 58 Op. cit., p. 252.

* 59 Sur ces questions v. l'ensemble du numéro 18 de la revue Droits consacré à la qualification et, tout spécialement, l'ouverture de O. CAYLA, ainsi que la thèse celui-ci, La notion de signification en droit. Contribution à une théorie du droit naturel de la communication, Paris II, 1992.

* 60 G. CORNU a justement insisté sur la normativité des définitions légales : « Toute définition légale a, par origine, une valeur positive. En elle-même, la définition légale est une règle de droit ; elle constitue une norme juridique, un énoncé de droit positif ». in Les définitions dans la loi, art. préc., n° 21. Cela est d'ailleurs tout aussi vrai des définitions jurisprudentielles.

* 61 Par exemple, on oppose classiquement les lois interprétatives « par nature » à celles qui le sont par la volonté du législateur.

* 62 V. esquissant cette perspective à propos de la qualification législative des établissements publics, E. FATôME, La détermination du caractère des établissements publics, AJDA 2001, p. 222, spéc. p. 225.

* 63 La dénégation jurisprudentielle de la qualité d'ouvrage public aux pistes de ski (CE, sect., 12 déc. 1986, Rebora, Rec. p. 281 ; AJDA, 1987, p. 354, concl. BONICHOT ; CJEG 1987, p. 601, concl., note RICHER ; D 1987, somm., p. 343 ; Petites affiches 6 mars 1987, p. 4, note Moderne ; Rev. adm. 1987, p. 35, note TERNEYRE) en donne un exemple topique, qui ne peut s'expliquer que par la volonté de ne pas appliquer aux accidents de ski le régime de la responsabilité pour dommages de travaux publics.

* 64 Le mot est de Ph. JESTAZ, La qualification en droit civil , Droits, n° 18, 1993, p. 45

* 65 Pour en être tout à fait sûr, il faudrait se livrer à une étude un peu systématique de l'élaboration des qualifications légales ; cela n'est possible que pour celles qui résultent de la loi, les seules pour lesquelles on dispose de travaux préparatoires.

* 66 Relative aux définitions légales, l'assertion de G. CORNU (op.cit., n°20) selon laquelle « le législateur... n'est pas nécessairement en communication - ni en souci de coordination - avec l'ensemble de l'univers juridique » est aussi pertinente (peut-être même plus encore) pour les qualifications légales.

* 67 Pour exemple, ROUBIER, op. cit., pp. 252-253

* 68 Dans ce sens, p. ex., semble-t-il., CE, ass., 7 juil. 1989, Soc. Cofiroute, RJF 10/89, n° 1170, DF 1990, 11, 553, concl. P. MARTIN (l'arrêt relève qu'il ressort des travaux préparatoires qu'en usant du terme interprétatif le législateur a entendu conférer aux dispositions en cause un effet rétroactif).

* 69 V. T. BONNEAU, La Cour de cassation et l'application de la loi dans le temps, PUF 1990, qui note (p. 265) : « Qu'est ce qui permet... d'affirmer que le législateur n'a voulu qu'une rétroactivité simple alors qu'il a qualifié la loi d'interprétative ? ».

* 70 V. toutefois suscitant un doute à cet égard, CC décision n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001 et l'étude de E. FATôME, La détermination du caractère des établissements publics, préc. note 20.

* 71 CE, sect. 9 juil. 1997, Agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction, AJDA 1997, p. 701, concl. ARRIGHI de CASANOVA (bien que la loi ait qualifié cette agence d'établissement public industriel et commercial, l'arrêt reconnaît un caractère administratif au service public qu'elle gère).

* 72 Traité des contrats administratifs, LGDJ 1983, n° 91 et 99.

* 73 Abrogée par l'article 7 de l'ordonnance du 21 avril 2006 édictant la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, cette disposition est aujourd'hui reprise en substance par l'article L. 3331-1 dudit code.

* 74 V. A. de LAUBADERE, P. DELVOLVE, F. MODERNE, Traité des contrats administratifs, LGDJ 1983, n° 211.

* 75 V. Traité des contrats administratifs, LGDJ 1983, op. cit., loc. cit. et la jurisprudence citée.

* 76 Par exemple, L. RICHER, Droit des contrats administratifs, LGDJ, 5ème éd. 2006, n° 145 et la jurisprudence citée.

* 77 Par exemple, R. CHAPUS, Droit administratif général, tome 2, Montchrestien, 15ème éd. 2001, n° 485 et s.

* 78 Pour un exposé complet de la question, v. E. FATôME, A propos de la distinction entre les établissements publics à caractère administratif et les établissements publics à caractère industriel et commercial, op. cit., p. 185 et s.

* 79 V. notamment, CC, déc. n° 876150 L du 17 mars 1987, Rec., p.32 ; déc. n° 89-162 L du 5 déc. 1989, Rec., p.100.

* 80 V. E. FATÔME, op. cit., p. 186.

* 81 CE, 4 juil. 1986, Berger, D. 1988, p. 1990, note J. MOREAU et E. FATôME ; CE , 6 févr. 1987, Maurice, JCP 1988.II.20971, note C. GUETTIER; TC, 26 oct. 1987, Centre français du commerce extérieur, JCP 1988.II.21042, note J. DUFAU; TC 23 oct. 1989, M. Marescaux, Dr. adm. 1990, n° 5 ; TC, 19 févr. 1990, Espie, AJDA 1990, p. 468, concl. B. STIRN.

* 82 Op.cit., p. 188.

* 83 Sur cette question, on se permettra de renvoyer le lecteur, pour de plus amples développements, à J. PETIT, Les conflits de lois dans le temps en droit public interne, LGDJ 2002, n° 651 et s.

* 84 V. notamment la décision n° 91-98 DC du 24 juil. 1991, Rec., p. 82.

* 85 TA Strasbourg, 9 avr. 1997, Caisse régionale de Crédit agricole Mutuel d'Alsace, DF 1997, 50, 1303, concl. J. MIET ; CAA Bordeaux, 22 févr. 1994, Banque populaire Centre-Atlantique, RJF 4/94, n° 398 ; CAA Lyon, 17 mai 1995, Caisse régionale de crédit agricole de Savoie, DF 1995, 28, 1501.

* 86 Par exemple, à propos de la compatibilité d'une loi interprétative avec l'article 6 ConvEDH, Cass., Ass. Plén., 23 janv. 2004, Bull. 2004, III, n° 2, p. 2.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page