Les rencontres sénatoriales de la justice : "Justice de demain : quelles conditions pour une efficacité accrue?"



Colloque organisé par M. Christian PONCELET Président du Sénat le 24 septembre 2003

II. DEUXIÈME TABLE RONDE : MYTHES ET RÉALITÉS DU TRAVAIL DU JUGE :« LE JUGE DU XXIE SIÈCLE : DE L'ARTISAN AU CHEF D'ÉQUIPE ? »

M. Pierre RANCÉ , animateur, journaliste sur Europe 1 -

Après les moyens des juges qui ont été évoqués au cours de la table ronde de ce matin, considérons maintenant leurs méthodes de travail et leur amélioration : de l'artisan au chef d'équipe, tel est, en effet, le thème de cette première table ronde de l'après-midi. Elle traite d'un enjeu décisif dans une société qui s'est tellement judiciarisée depuis vingt ans, que l'intervention du magistrat peut perdre de sa signification. L'explosion des contentieux, tant au civil qu'au pénal, crée en effet un risque, celui que le juge ne puisse plus assurer sa mission première qui est de dire le droit. Quels sont les remèdes ?

Faut-il recruter plus de magistrats, les rémunérer au rendement puisque j'ai entendu tout récemment évoquer cette possibilité, déjudiciariser certains contentieux, comme on l'a fait pour les chèques, transférer des compétences aux greffiers, ou réfléchir sur les méthodes de travail ?

C'est sur cette dernière question que nous allons nous pencher. Elle consiste notamment à donner aux juges des assistants spécialisés ou pas, comme il en existe déjà dans les pôles spécialisés financiers et prochainement dans les pôles santé et les juridictions interrégionales créées dans la loi dite « Perben II ». Autant de points que nous allons sans doute évoquer après les témoignages de sénateurs qui ont effectué des stages en tribunal.

M. Bécot s'est dit surpris par le volume de travail des magistrats.

M. Michel BÉCOT , sénateur des Deux-Sèvres -

Oui effectivement. Je remercie tout d'abord tous les magistrats qui m'ont reçu à Evry.

Deux témoignages simplement : un magistrat du parquet financier d'Evry avait, lorsque je l'ai rencontrée, deux mois pour régler un dossier d'une grande société internationale qui représentait 70 volumes -70 volumes à étudier seule face à vingt avocats qui lui téléphonaient, lui demandaient des rendez-vous, passaient la voir, etc... J'ai été très impressionné par le travail qu'elle accomplissait. Mais, j'ai été très étonné aussi quand elle m'a dit qu'elle n'avait reçu aucune formation spécifique à l'Ecole nationale de la Magistrature pour traiter ces dossiers de grande délinquance financière. Voilà la vie quotidienne d'un magistrat au TGI d'Evry !

J'ai été impressionné, aussi, par l'après-midi passé auprès du substitut travaillant au service du traitement en temps réel. Quel sang froid ; quelle qualité d'écoute, quel esprit de décision ! Et l'on ne sait pas que nous avons des gens aussi extraordinaires. (Applaudissements) Je les remercie pour la qualité de leur travail et le chef d'entreprise que je suis est fier de la justice de son pays. (Mêmes mouvements)

M. Adrien GOUTEYRON, sénateur de la Haute-Loire, Vice-Président du Sénat -

J'aimerais bien être applaudi moi aussi (sourires) car mon impression rejoint exactement celle de M. Bécot. J'en avais d'ailleurs fait part au président et au procureur du TGI de Saint-Etienne, que je remercie à nouveau ainsi que leurs collègues, pour la qualité de leur accueil et le programme dense qu'ils m'avaient préparé.

J'ai partagé ma première matinée avec le magistrat de la cellule de traitement en temps réel : j'ai moi aussi été bluffé, parce que c'était un très jeune magistrat, qui faisait preuve d'un esprit de décision tout à fait remarquable. D'une manière générale, j'ai trouvé au Palais de Justice de Saint-Etienne à la fois beaucoup d'affairement et de sérénité.

J'ai également assisté à l'audience correctionnelle et à celle du tribunal pour enfants et, comparant les deux, je me suis demandé pourquoi il n'y avait pas des assesseurs citoyens en correctionnelle. Ne serait-ce pas un moyen d'aider, de soutenir les magistrats ? J'ai enfin visité la maison de la justice et du droit, et j'ai mesuré tout l'intérêt des procédures alternatives aux poursuites comme la médiation pénale -la formule mérite d'être encore étendue.

Aider le magistrat ? Sûrement, oui... Sans doute dans la préparation de la décision. Mais dans les cas les plus complexes, je crois que la formulation, la rédaction doit rester de la plume du magistrat, car elle l'engage. En tout cas, je suis prêt à un nouveau stage. (Applaudissements)

M. Pierre RANCÉ -

Vos témoignages sont très intéressants car ils balaient beaucoup de thèmes de la table ronde, notamment celui des assesseurs citoyens. Vous l'avez vu, les substituts du Procureur, au service du traitement en temps réel, sont jeunes et sont seuls. Nous sommes en plein dans notre sujet, l'isolement des magistrats, le magistrat artisan, le magistrat chef d'équipe. Mais un magistrat est-il capable de travailler en équipe ? Monsieur le Premier Président :

M. Pierre VITTAZ , Premier Président de la Cour d'appel de Lyon -

Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour parler des magistrats du parquet. Mais, ce que je retiens de ces deux témoignages, c'est que c'est la décision, qui caractérise le métier de magistrat. Cette prise de décision est généralement assez solitaire, même si la chaîne de commandement permet au parquet de la préparer ou d'en débattre, lorsque la décision est un peu délicate. Le juge du siège est lui de plus en plus seul, parce que la collégialité disparaît progressivement. Le coeur du métier de juge c'est effectivement la décision et l'explication. Ce sont des choses qui, à mon avis, ne peuvent pas se déléguer. En revanche, il est possible d'entourer le juge d'une équipe afin de préparer la décision, que cette équipe soit constituée des collaborateurs habituels du juge que sont les greffiers, ou d'étudiants en droit que sont les assistants de justice.

Ceci étant, le juge est-il prêt à s'entourer d'une équipe, ce n'est pas si évident. Le juge, par nature, doute, il ne fait pas confiance aux éléments qu'on lui apporte. C'est son métier de douter. Il va donc lui falloir surmonter cette prévention habituelle pour accepter de faire confiance à ses collaborateurs, accepter par exemple que les recherches menées par les assistants de justices sont de qualité et ne pas tout recommencer lui-même. Il va falloir qu'il fasse confiance au dossier mis en état par un greffier. C'est une démarche qui n'est pas innée.

M. Pierre RANCÉ -

Jusqu'où cela peut-il aller ?

M. Pierre VITTAZ -

Cela dépend de la nature des collaborateurs. En l'état, il ne me paraît pas invraisemblable qu'on puisse confier la rédaction de jugements répétitifs et simples, j'insiste sur ce point, à des assistants de justice, voire à des greffiers formés à cette fin. Pour le reste, il est de la responsabilité du juge de motiver sa décision car c'est en la motivant qu'on peut apprécier sa pertinence. La rédaction est, à mon avis, inhérente à la fonction de juge.

M. Pierre RANCÉ -

Et les justiciables ? Il y en a beaucoup qui ne trouvent aucune motivation dans leur jugement.

M. Pierre VITTAZ -

Cela vaut surtout pour les jugements correctionnels qu'on a pris l'habitude -nécessité faisant loi- de ne motiver qu'en cas d'appel. C'est la massification du contentieux qui a conduit à ces errements. Je ne pense pas, en revanche, qu'il y ait beaucoup de jugements civils qui ne soient pas motivés.

M. Pierre RANCÉ -

Quelle assistance préconisez-vous pour le juge ?

M. Pierre VITTAZ -

Le collaborateur naturel du juge c'est le greffier. Le moment est venu, je crois, de passer d'une assistance jusque là plutôt matérielle (authentification et diffusion de nos décisions, convocations...), à une assistance intellectuelle. Un groupe de travail à la chancellerie a réfléchi à cette question. Mme Bussière vous en parlera. Le remarquable niveau de recrutement des greffiers le permet désormais car une grande majorité d'entre eux est pourvue d'une maîtrise en droit, ou même d'autres diplômes. Leur scolarité est passée de douze à dix-huit mois à l'Ecole des greffes.

Ce que je voudrais dire également, c'est que les greffiers participent déjà à la mise en état des dossiers : c'est en réalité seulement la systématisation de cette pratique qui se dessine.

La démarche doit être celle-ci : là où le magistrat n'apporte pas de valeur ajoutée, de plus-value, il faut que le travail soit fait par quelqu'un d'autre. Voilà quelle est ma position.

M. Pierre RANCÉ -

Avant de voir le rôle des différentes catégories d'assistants, M. Gouteyron a évoqué la question de l'échevinage, des assesseurs citoyens. Qu'en pensez-vous ?

M. Pierre VITTAZ -

La conférence des Premiers Présidents s'est déjà penchée sur cette question à plusieurs reprises et était assez partagée. La réflexion achoppait sur les modalités de choix de ces assesseurs. On ne saurait les tirer au sort ; on ne pourrait pas non plus les faire élire. Ce n'est pas notre culture.

Les choses ont évolué avec les juges de proximité. Autant je pense, à titre personnel, que créer un ordre de juridiction spécifique était une erreur, car nous allons être confrontés à toute une série de problèmes de compétences qui feront les délices de quelques avocats mais surtout la souffrance des justiciables, autant je pense que leur statut, qui offre des garanties, apporte une solution.

Je ne serais pas hostile à ce qu'ils deviennent des assesseurs en matière correctionnelle dans des affaires simples. Cela permettrait de tisser des liens plus étroits entre la société civile et la magistrature. Ce serait sain dans une société démocratique ; nous n'avons rien à cacher, les témoignages des sénateurs le montrent. Je suis partisan de cette ouverture, à travers les juges de proximité, si dans deux ans, leur recrutement s'avère de qualité.

M. Pierre RANCÉ -

Merci M. Vittaz. Parlons maintenant des assistants de justice. Le Sénat avait joué les précurseurs, en les créant en 1995. Un intérêt confirmé par votre rapport M. Hyest sur les métiers de la justice en 2002. Vous me disiez qu'à l'époque ils avaient été accueillis avec un certain scepticisme ?

M. Jean-Jacques HYEST , sénateur de Seine-et-Marne, Vice-Président de la Commission des Lois -

Oui. Sur l'idée de M. Fauchon, la loi de 1995 a créé les assistants de justice. Mais certains éminents magistrats nous disaient qu'ils ne serviraient à rien. Le succès est pourtant là, toutes les juridictions ou presque en demandent, même si les conditions de leur intervention et leur statut restent, ô combien !, perfectibles. L'idée est désormais acquise. L'Allemagne va d'ailleurs plus loin que nous en ce sens : le juge dispose de collaborateurs qui constituent une vraie profession, qui fait un certain nombre de travaux préparatoires pour le juge, ce qui ne retire rien à la décision de celui-ci.

Il y a deux types d'assistants de justice et leur situation et leur rôle ne sont pas du tout les mêmes. Pour le magistrat du siège, l'assistant de justice peut réunir de la documentation, préparer des éléments de rédaction, comme le font les administrateurs pour les sénateurs et nous n'avons pas le sentiment d'être dépossédés de notre décision ni de notre motivation. Même un juge du siège peut apprendre à travailler avec un collaborateur qui exécuterait un certain nombre de tâches, sous son contrôle. Cela lui ferait gagner beaucoup de temps. Pour le magistrat du parquet, l'assistant de justice, sous l'autorité du magistrat, peut préparer sans doute encore davantage de travaux. Mais pour moi, c'est un passage, çà ne doit pas devenir un corps.

Deuxième point, les assistants spécialisés : le parquet comme les juges d'instruction devraient en être pourvus dans différents domaines comme les douanes, la fiscalité, l'expertise comptable..., et ils devraient participer ainsi à un véritable travail d'équipe, en tout cas dans les pôles spécialisés. L'expérience, qui a vu le jour dans plusieurs juridictions, est souvent bonne, mais les carrières des assistants de justice ne sont pas valorisées, car ils sont mis à disposition par leur corps d'origine et ne sont pas récompensés.

Comme M. Vittaz, je voudrais parler des greffiers. L'évolution des métiers des greffes débouche aujourd'hui sur une crise d'identité des greffiers. Je crois pourtant qu'ils feraient les meilleurs des assistants. Leur niveau juridique aujourd'hui permettrait à beaucoup d'entre eux d'être de bons collaborateurs du juge, d'aider à la décision, de faire certains travaux de rédaction.

Pour terminer, je dirai ceci : chacun ici se rappelle le précédent des conseillers référendaires. Au départ, ils n'étaient qu'une aide à la décision. Je ne veux pas les comparer, mais je crois que le mécanisme est un peu le même. Si l'on veut augmenter les rémunérations et améliorer la carrière des assistants, on pourrait s'en inspirer de manière à permettre aux juges de se décharger d'un certain nombre de tâches, en donnant bien sûr des instructions précises aux assistants ou greffiers, afin de se concentrer sur l'essentiel de leurs missions.

Une chose encore. Je reviens d'une mission en Nouvelle-Calédonie et là-bas, il y a des assesseurs non professionnels en matière correctionnelle et cela marche bien, de l'avis même des chefs de Cour. Quant aux juges de proximité, je suis un peu d'accord avec vous, M. le Premier Président. La mission sénatoriale d'ailleurs, je le précise, n'avait pas préconisé la création de juridiction de proximité, elle avait seulement demandé la création de juges de proximité, ce qui n'est pas la même chose. Nous avons un peu corrigé les choses entre la loi organique et la loi ordinaire. Çà évoluera. Je crois que les juges de proximité pourront être des aides très utiles, comme assesseurs dans les tribunaux correctionnels. L'idée de la mission du Sénat était surtout d'en faire des « juges délégués » auprès des juges d'instance. Çà n'a pas été fait exactement comme cela. Je pense que çà évoluera pour que çà soit efficace.

M. Pierre RANCÉ -

Merci M. Hyest. Parlons maintenant des assistants spécialisés M. Pons. Je sais qu'au pôle financier vous en avez, mais en avez-vous en nombre suffisant pour parler de travail en équipe ?

M. Henri PONS , vice-président au TGI de Paris, chargé de l'instruction -

Je répondrai clairement : aujourd'hui, nous comptons trois assistants spécialisés pour vingt-cinq juges d'instruction. Il est manifeste que cela crée une dimension collective dans le travail du juge d'instruction mais non un travail d'équipe : il ne s'agit que d'un embryon d'un tel travail, dans la procédure de mise en état des affaires pénales. Ce n'est en aucun cas un point d'aboutissement.

Pour être précis sur la manière dont nous travaillons au pôle, je voudrais faire un bref historique : les pôles financiers ont été mis en place parce que certains collègues de la galerie financière de Paris au milieu des années 90, dont Eva Joly, à laquelle je tiens à rendre hommage ici, ont dressé un constat accablant des moyens qui leur étaient dévolus pour traiter de manière correcte les dossiers très lourds dont ils étaient saisis. A la suite des études faites à la chancellerie et ailleurs sur ce problème, un changement de locaux et une amélioration sensible des moyens matériels ont été décidés. Puis, à l'occasion de ce changement de locaux, on a pensé à apporter à ces magistrats une amélioration qualitative. C'est ainsi que sont nés les assistants spécialisés. Le pôle financier de Paris a été inauguré le 1 er mars 1999 ; Marseille, Lyon et Bastia en comptent également un.

En quoi cette nouvelle structure a permis l'émergence d'une dimension collective du travail ? Le premier point que vous avez déjà abordé mais dont je tiens à souligner l'importance, ce sont les assistants de justice. Les assistants de justice, qui sont antérieurs aux pôles financiers, apportent une aide indispensable, même s'ils ne travaillent que soixante heures par mois et si nous n'avons pas tous la chance d'en avoir un pour soi. Ils réalisent des recherches de jurisprudence, des inventaires de dossiers -le plus gros que j'ai dans mon cabinet compte 90 tomes-, voire des notes d'analyse juridique. Ces assistants sont des étudiants de haut niveau. Nous les voyons régulièrement partir avec un peu de regrets quand ils ont la chance de réussir des concours.

Nous avons aussi des assistants spécialisés dont la création est l'oeuvre de la loi de 1998. C'est l'innovation fondamentale mise en oeuvre par la création des pôles financiers. Ce sont des fonctionnaires de haut niveau qui prêtent serment et qui sont donc tenus au secret professionnel. Ce sont des personnes qui ont des compétences certaines, qui ne sont pas celles du juge, puisque je souscris à ce qu'a dit M. le Sénateur Hyest : nous ne sommes ni experts comptables, ni spécialistes des marchés dérivés, ni banquiers d'affaires. Ce sont par exemple des inspecteurs des impôts, des inspecteurs de la DGCCRF, des adjoints de direction de la Banque de France, des agents de la COB et des personnels des douanes.

M. Pierre RANCÉ -

Vos collègues de Genève ont des analystes financiers à leurs côtés. Est-ce votre souhait d'en avoir aussi ?

M. Henri PONS -

Oui, absolument. Nous allons fréquemment à Genève compte tenu de la direction des flux financiers. Mes collègues genevois n'ont pas d'assistants spécialisés émanant d'autres administrations, mais des analystes financiers qui leur sont dévolus, attachés à leur cabinet, qui travaillent sur tous les dossiers et se déplacent avec eux, y compris à l'étranger. Ce sont donc de véritables collaborateurs avec lesquels on peut vraiment parler de travail en équipe. Par comparaison, nos assistants de justice sont plutôt des prestataires de services qui ne nous sont pas rattachés en propre.

M. Pierre RANCÉ -

Très bien. Madame Escolano, le parquet ne travaille-t-il pas traditionnellement en équipe ?

Mme Véronique ESCOLANO , vice-procureur placé auprès du Procureur général près la Cour d'appel de Grenoble -

Le principe de l'indivisibilité du parquet garde toute son importante face au phénomène du « toujours plus » qui caractérise ce début du 21 ème siècle : « toujours plus technique », « toujours plus rapide », « toujours plus complexe ».

Face à ce phénomène, la justice doit s'adapter.

Le parquet est en première ligne et doit répondre à tout, à tous les stades de la procédure.

Interchangeables, les membres du parquet travaillent en équipe. Le législateur l'a d'ailleurs voulu ainsi depuis sa création.

Mais la culture du travail en équipe dont le parquet est marqué structurellement, a évolué pour s'adapter au phénomène du « toujours plus » que je décrivais à l'instant.

Ainsi sous la pression des nouveaux phénomènes de criminalité toujours plus complexes, le parquet a été amené à ouvrir plus largement et à diversifier la voie du travail en équipe. Je pense aux cellules opérationnelles de lutte contre le proxénétisme et le trafic de stupéfiants qui permettent une approche pluridisciplinaire de l'enquête.

Il faut noter, sur ce point, certaines innovations procédurales qui vont dans le même sens, comme l'attribution d'un pouvoir d'enquête judiciaire aux douanes (article 28-1 du code de procédure pénale) sous le contrôle du parquet.

Quant au COLTI (comité opérationnel de lutte contre le travail illégal), il cherche, pour sa part, à décloisonner le travail d'enquête entre le parquet et les services concernés (et aussi entre les services eux-mêmes, URSSAF, douanes, fisc, inspection du travail, ASSEDIC...), pour revêtir désormais, grâce à la coordination des agents verbalisateurs intervenant dans des zones géographiques ou des secteurs professionnels variés, des formes plurielles, faciliter l'échange des informations et déboucher sur la mise au jour de dossiers comportant plusieurs volets complexes.

Une troisième voie du travail en équipe est née du « toujours plus de contentieux ». C'est ainsi qu'entre le tout et le rien, c'est-à-dire entre la poursuite pénale et le classement sans suite pur et simple, depuis une dizaine d'années, ont été mises en place des mesures dites « alternatives aux poursuites », en l'occurrence des mesures d'avertissement judiciaire, de classement sous condition, de médiation pénale, de délégué du Procureur pour les mineurs.

Au-delà de la réparation, de la remise en état des lieux, du rappel à la loi, ces dispositions ont permis d'avoir une nouvelle approche des procédures, une approche que je qualifierais de dynamique du fait :

- de leur bref délai d'application indispensable à la crédibilité de la justice notamment vis-à-vis des mineurs. A Grenoble, par exemple, les mineurs non récidivistes sont convoqués une semaine après les faits ;

- du nouveau regard que l'auteur porte sur ses propres faits très peu de temps après l'infraction ;

- l'apaisement d'une victime indemnisée et rassurée.

Je reste, dès lors, persuadée que nous sommes au début du développement du travail en équipe qui touche structurellement le parquet et qui, sous la pression du « toujours plus », s'étendra aux magistrats exerçant d'autres fonctions.

M. Pierre RANCÉ -

Je me tourne vers la salle, y a-t-il des premières questions ?

Dans la salle :

M. Jean-François KRIEGK , président du TGI de Nîmes -

Je pense que les assistants de justice ont fait leur trou dans l'institution. Ce sont des gens généralement de qualité et il serait même intéressant de les intégrer à plein temps comme assistants et leur faire faire certaines tâches comme les secrétariats des CDAD. Je sais que les syndicats de greffiers sont vigilants. Mais moi je suis partisan de leur confier la préparation de jugements simples, sous le contrôle du juge. Les deniers publics y trouveraient aussi leur compte car çà éviterait sans doute de multiplier des créations de postes..

M. Pierre VITTAZ -

La difficulté de « l'utilisation » des assistants, c'est leur taux de rotation. Parce qu'il s'agit d'étudiants brillants, ce taux est élevé : une fois bien formés, ils s'en vont parce qu'ils ont réussi un concours. C'est un peu la désespérance des utilisateurs. C'est ce que disait M. Hyest, il y a bien un problème de ce côté-là. On pourrait donc peut-être confier cette mission à d'autres.

Dans la salle :

M. Jacques BEAUME , procureur de la République du TGI de Marseille -

Au pôle financier de Marseille, nous avons deux assistants spécialisés : une douanière et une fiscaliste. Avec le parquet, ils ont un véritable sentiment d'équipe. Une grande entreprise de la région est en difficulté financière : les assistants spécialisés nous préparent une note avant la rencontre avec le président du tribunal de commerce sur le type de mesure susceptible d'être prise. Nous disposons systématiquement de notes thématiques sur les plans de sauvegarde ou de cession de l'ensemble des entreprises qui sont devant le tribunal de commerce, que les assistants spécialisés rédigent avant les audiences. Ils ont d'ailleurs pu nous accompagner en Russie avec un juge d'instruction dans le cadre d'une commission rogatoire internationale sur une affaire de blanchiment d'argent. L'assistant nous avait fait une longue note sur l'organisation de la chaîne des sociétés qui blanchissaient l'argent russe.

Mais, il faut en voir les limites :

Première observation : sur sept postes d'assistants spécialisés, deux seulement sont pourvus. Pourquoi ? D'une part, parce qu'ils n'ont pas de statut ! Ils sont seulement mis à disposition par leur administration d'origine. Comment convaincre ces administrations de se priver de leurs meilleurs éléments ? D'autre part, nous n'assumons pas leur rémunération. Je me souviens qu'à Bordeaux, un expert comptable souhaitait, pour des raisons personnelles, nous rejoindre : nous n'avons jamais pu le recruter, parce que la chancellerie ne trouvait pas de ligne budgétaire pour rémunérer un professionnel libéral, par définition non mis à disposition par une administration.

Deuxième observation : quel est leur pouvoir ? Les assistants spécialisés ne seront jamais coopérateurs de l'action judiciaire, si nous ne leur donnons pas une part de pouvoir judiciaire. Il conviendrait que certaines auditions, certaines assistances à des perquisitions puissent être procéduralement actées par des assistants spécialisés. Sinon il n'y aura pas d'avenir majeur avec les assistants spécialisés.

M. Henri PONS -

Je prends acte avec beaucoup d'intérêt qu'un assistant spécialisé a pu se déplacer en commission rogatoire internationale. Je le retiens pour des missions à venir. Sur la dévolution de certains pouvoirs aux assistants spécialisés, je pense qu'en effet, leur statut procédural doit être clarifié. La chambre de l'instruction de la cour d'Appel de Paris l'a un peu fait en validant la pratique de certains juges consistant à verser au dossier les notes des assistants. Je suis en revanche beaucoup plus réservé sur la possibilité de leur déléguer le pouvoir de procéder à des auditions. Le besoin que nous avons n'est d'ailleurs pas là me semble-t-il. Je suis par contre favorable à l'officialisation de leur assistance dans une perquisition ou celle de leur intervention dans un examen de scellés. Leur présence et assistance seraient très utiles tant pour le magistrat que pour l'officier de police judiciaire, lorsque ces actes d'instruction ont lieu dans des endroits spécialisés comme des banques, des sociétés de bourses ou des entreprises d'investissement

M. Pierre RANCÉ -

Il semble que la loi Perben II déverrouillerait leur statut. Nous verrons bien.

Mme Bussière, vous avez participé à un groupe de travail à la chancellerie, relatif aux greffiers assistants. Dites-nous de quoi il s'agit.

Mme Chantal BUSSIÈRE, présidente du TGI de Valence -

Il est certain que le juge du siège est attaché par tradition quasi culturelle à un mode de fonctionnement individuel, ce qui peut s'expliquer par la spécificité de sa mission qui est d'appliquer une loi par essence très générale à des situations très particulières. Et même si on a pu dégager ces dernières années des notions de contentieux de masse, le justiciable, lorsqu'il s'adresse au juge, attend clairement de lui un travail sur mesure, car son dossier c'est bien souvent l'affaire de sa vie. Donc, le travail artisanal existe par nature chez le juge du siège.

Est-ce à dire pour autant que l'on ne peut pas développer chez lui le travail en équipe ? Je parle des juges du siège pur car les juges spécialisés ont depuis longtemps l'habitude de travailler en équipe. Au siège pur, les juges ont connu les assistants de justice et quelques expériences ponctuelles entre greffiers et magistrats qui ont pu exister dans certaines juridictions. Mais face à cette diversité, le législateur a décidé d'aller plus loin. C'est ce qu'il a fait dans la LOPJ.

Cette loi recentre en effet le magistrat sur son pouvoir juridictionnel. Elle le fait non seulement par une redéfinition des missions à confier au juge ou par une redéfinition des modes de saisine du juge, mais elle le fait aussi par un mode d'organisation différent de son travail. Le législateur fait du greffier l'assistant du juge en des termes repris par le décret de 2003 portant statut des greffiers.

C'est très important pour les greffiers, -Mme Villa pourra vous en parler plus en détail-, compte tenu notamment du fait que leur niveau de formation est beaucoup plus élevé qu'auparavant, ce qui ne peut pas nous laisser indifférents sur les tâches à leur confier. Sinon on risque de conduire certains de nos collaborateurs à une forme de désespérance.

Mais nous sommes bien conscients que cette réforme, comme toute réforme, suscite des interrogations, des angoisses. Quelle sera la place de ces nouveaux greffiers par rapport aux autres greffiers ? Elle suscite le scepticisme aussi parce que certains peuvent dire qu'après avoir demandé aux magistrats de dactylographier leurs décisions, on va maintenant demander au greffier de les motiver. (On applaudit) La formule serait réductrice et caricaturale car, comme on l'a dit tout à l'heure, l'institution judiciaire ne peut vivre totalement repliée sur elle-même, même si elle a sa spécificité. Elle doit regarder autour d'elle. Et dans les autres grands corps de l'Etat, les décideurs sont entourés d'assistants, de rédacteurs et je pense que l'expérience mérite d'être tentée. Elle va commencer en matière pénale à entrer en vigueur le 30 septembre prochain. M. Haenel évoquait ce matin l'importance du recours à l'expérimentation. C'est la formule retenue pour cette réforme puisqu'elle entrera en vigueur dans douze juridictions sur la base du volontariat du côté des magistrats comme des greffiers. L'évaluation se fera en juin 2004 par les services de l'Inspection des Services judiciaires. Il faut espérer que les volontaires auront pu convaincre d'ici-là les plus dubitatifs.

M. Pierre RANCÉ -

Merci Madame. Mme Villa, vous qui êtes greffière en chef, dites-nous si les greffiers d'aujourd'hui sont volontaires pour rédiger des jugements ou des réquisitions ?

Mme Martine VILLA , greffier en chef, chef de greffe du CPH de Nanterre -

Leur nouveau statut, qui est en application depuis le 1 er juin 2003, reconnaît la technicité des greffiers dans la procédure et l'assistance renforcée au juge. Ils conservent leurs fonctions traditionnelles mais il est aussi prévu qu'ils procèdent à une recherche de documentation, à une mise en état des dossiers, et à la rédaction de projets de décisions et de réquisitoires sous les instructions du juge.

Cette réforme implique une séparation entre les fonctions administratives et juridictionnelles du greffier. Un nouveau corps va être créé, celui des secrétaires administratifs qui vont prendre fonction en 2004 et qui auront le statut des greffiers précédents. Les nouveaux greffiers sont d'autant plus demandeurs pour effectuer des travaux juridiques qu'ils sont de plus en plus diplômés (bac + 4, voire au-delà) et que leur formation initiale passe à dix-huit mois, et elle se prolongera dix jours par an pendant cinq ans.

Mme Chantal BUSSIÈRE -

Je voudrais ajouter que les greffiers assistants ne remettent pas en cause les assistants de justice, mais ceux-ci se repositionneront par rapport aux greffiers, davantage sur le travail de recherche documentaire. Le greffier assistant apportera une assistance pour laquelle il aura été formé dès le départ, avec une stabilité réelle, contrairement aux assistants.

Dans la salle :

M. Marc ROBERT , procureur général à Riom -

Juste une réaction d'humeur : je ne suis pas du tout hostile à des greffiers rédacteurs ou assistants, d'autant plus que les assistants de justice ont ouvert la voie. Mais notre priorité est que les greffes soient en état de faire leur travail. Au niveau pénal, notre problème c'est l'état des greffes correctionnels, avec une insuffisance véritable de fonctionnaires de catégorie B. Nous avons six ou neuf mois de retard en dactylographie, en frappe des jugements, en édition de pièces d'exécution. Alors je veux bien qu'on nous parle d'aide à la décision, mais d'abord que les jugements sortent et qu'ils puissent être exécutés !

Mme Martine VILLA -

Mais la frappe dépend d'agents administratifs et non de greffiers. En fait, ce sont les adjoints et agents administratifs qui manquent.

Dans la salle :

Mme Anne-Rose FLORENCHIE , vice-présidente au TGI de Montpellier -

Nous sommes tous favorables à une aide, à une assistance des greffiers qui sont de qualité, etc..., mais nous manquons de personnel pour audiencier les affaires, traiter les pièces d'exécution, les jugements en l'état. A quoi nous sert l'aide puisque nous ne pouvons même pas audiencer les affaires ? Il nous faudrait plus de fonctionnaires. Ce qui nous tue c'est le déficit de fonctionnaires !

Dans la salle :

M. Michel VALET , procureur de la République du TGI de Clermont-Ferrand -

Pourrait-on me réexpliquer la différence entre le futur greffier assistant et l'assistant de justice, par exemple auprès d'un parquet ?

Mme Chantal BUSSIÈRE -

Je ne suis pas très autorisée pour parler du parquet, mais le tribunal de Valence est site expérimental, donc je peux vous dire ce que l'on va faire à partir du 30 septembre, puisque l'expérience commence en matière pénale au parquet et au siège.

Au parquet, deux greffiers assistants iront au bureau d'ordre pour prétraiter le courrier, comme cela se pratique déjà dans certains tribunaux. Cela évitera des navettes entre le bureau d'ordre, les substituts, etc...On va mettre également un greffier assistant pour la mise en place des ordonnances pénales délictuelles. Il va prendre en charge tout le service de ces ordonnances pénales, à la fois côté parquet et côté siège.

Et puis on va aussi faire une expérimentation à l'audiencement. Actuellement, les présidents de l'audience correctionnelle se plaignent beaucoup dans les procédures sur convocation par OPJ ou sur citation directe, de ne pas avoir des dossiers classés. Je sais que dans certains tribunaux, actuellement, le greffier à l'audiencement fait ce classement, mais ce n'est pas le cas partout. C'est un travail de synthèse qui pourra ainsi être fait, pour préparer le dossier quand il y a beaucoup de parties civiles par exemple, faire des tableaux, etc... Voilà ce que nous allons mettre en oeuvre.

Mais après, ce sera à nous de faire vivre l'expérimentation.

Dans la salle :

M. Jacques HOSSAERT , procureur de la République du TGI de Nanterre -

J'aimerais revenir sur un aspect qui n'a pas encore été évoqué : c'est la différence entre les fonctions de greffe côté siège et les fonctions de greffe côté parquet. Au siège, le greffe dispose d'une véritable autonomie et de responsabilités propres détachables de celles des magistrats. Au parquet, en revanche, il s'agit non pas d'un greffe, mais de secrétaires du parquet comme on disait autrefois, dont le travail est très proche de celui du parquetier en ce sens qu'ils font véritablement équipe et qu'un bon secrétaire en chef de parquet doit adapter sa politique d'emploi des fonctionnaires aux façons de travailler des parquetiers...

M. Pierre RANCÉ -

C'est une sorte de secrétaire général ?

M. Jacques HOSSAERT -

Non, pas du tout. C'est un secrétariat de tous les instants. M. le Procureur général de Riom évoquait tout à l'heure l'enregistrement des affaires. Il faut savoir que dans de nombreux parquets il y a jusqu'à six mois de retard pour l'enregistrement des procédures. Vous êtes victime dans une affaire, vous écrivez au parquet pour savoir ce qu'il en est advenu, on vous répond : réécrivez plus tard car pour l'instant la procédure n'est pas enregistrée. On parle actuellement de choses très intéressantes qui sont l'aide à la décision, alors que nous avons beaucoup plus besoin, dans les parquets surtout, de personnes qui vont faire le travail d'enregistrement, de suivi, d'envoi des décisions aux huissiers pour signifier, etc... Je crois honnêtement que plutôt que de faire des recherches expérimentables, au siège peut-être, d'aide à la décision et de recherche documentaire, et alors que de toute façon les assistants de justice nous rendent déjà des services, il faut véritablement que nos problèmes matériels, quotidiens, d'enregistrement du courrier, de suivi des procédures, de frappe des réquisitoires pour les magistrats qui n'utilisent pas encore l'ordinateur, soient réglés. Après on pourra avoir un débat sur les collaborateurs divers.

M. Michel GAGET , président du TGI de Saint-Etienne -

Je crois que nous sommes à un carrefour de ce que doit faire le juge. M. Hyest a évoqué l'exemple allemand mais nos assistants de justice procèdent d'un autre système. Le « Retchfleger » allemand a une compétence propre, il n'est pas l'assistant du juge. On peut contester sa décision devant le juge. Dans notre système français, l'assistant de justice est possible avec le juge unique. En Angleterre, il y a beaucoup de décisions qui ne sont pas motivées contrairement à ce que l'on croit. Il y a même des décisions que le juge motive oralement à l'audience. Si les avocats veulent la motivation, le juge la leur dicte verbalement. Je l'ai d'ailleurs fait en référé. Quand on est spécialiste d'un contentieux, on peut recourir à un collaborateur, car il y a des choses répétitives, et on ne peut pas changer la jurisprudence tous les jours. Là, il rend un vrai service. Mais dans une collégialité, on étudie la décision à trois. Comment faire intervenir les assistants de justice ?

Il faut savoir quelle justice on veut. Si on veut une justice collégiale, il est très difficile d'avoir des assistants de justice. Veut-on supprimer la collégialité en première instance ? Quant à la recherche documentaire, c'est très difficile de la confier à un assistant. Voilà quatre ans que j'en fais l'expérience. Je préfère qu'il me fasse un projet de jugement.

M. Pierre RANCÉ -

Merci. Nous allons maintenant parler des juges de proximité. Mme Coleno, leur création a été beaucoup critiquée. Comment pourrait-on les faire évoluer, par exemple en les faisant devenir des assistants d'autres juges ?

Mme Catherine COLENO , vice-présidente au TGI de Toulouse , chargée du tribunal d'instance de Toulouse -

La justice de proximité a ouvert ses portes il y a quelques jours. A Toulouse, ce sont les juges d'instance qui, comme dans beaucoup d'autres juridictions, font office de juges de proximité, en l'absence des nouveaux juges de proximité. Cette réforme, je dois le dire d'emblée, se met en oeuvre dans des conditions qui ne sont pas faciles car la logistique n'a pas suivi : faute de logiciels, le traitement du contentieux pénal est suspendu et celui du contentieux civil se fait avec des fichiers manuels. Cela met à nouveau l'accent sur l'accompagnement des réformes. D'autant plus qu'à brève échéance, la juridiction d'instance va aussi voir arriver la faillite civile.

La compétence de la justice de proximité a été prélevée sur le tribunal d'instance, notamment en matière civile. En matière pénale, elle vide presque sa compétence. La loi prévoit une mutualisation des moyens entre la juridiction de proximité et la juridiction d'instance, c'est-à-dire une mutualisation du greffe et des locaux de l'instance, sans augmentation des moyens existants. Mais, tous les magistrats ne disposent pas d'un bureau et les greffiers sont déjà entassés dans les leurs. Enfin, c'est le président du tribunal d'instance qui organise l'activité des juges de proximité. Sur le plan fonctionnel, il a été prévu diverses passerelles du juge de proximité vers le juge d'instance.

Mais, cette position, aux côtés du tribunal d'instance, ne tient pas ses promesses. Ce n'est pas, me semble-t-il un apport de force significatif pour le tribunal d'instance en l'état des textes, pour des raisons qui tiennent à leurs compétences, à leur statut et aux règles d'organisation judiciaire : la compétence concerne des actions en paiement et non du contentieux dit de voisinage.

M. Pierre RANCÉ -

Mme Coleno, ne refaisons pas le débat. La loi a été votée. Que peut-on faire pour améliorer les choses et intégrer ces juges de proximité dans la juridiction d'instance ?

M. Jean-Jacques HYEST -

Mais c'est une critique en règle !

Mme Catherine COLENO -

Il m'incombe tout de même de faire part, M. le Sénateur, des difficultés que nous rencontrons. La difficulté qui se pose est la suivante : la juridiction de proximité est une juridiction à part entière donc distincte du tribunal d'instance. Le juge de proximité ne peut pas intervenir au sein du tribunal d'instance. Il n'y a aucune perméabilité, en l'état des textes, entre les deux. De même, il ne fait pas partie du TGI, il ne pourra pas non plus y intervenir.

M. Pierre RANCÉ -

Pour conclure ?

Mme Catherine COLENO -

Le tribunal de Toulouse a mis la loi en oeuvre. Pourquoi, Monsieur le sénateur, vivre les difficultés d'application que j'ai énumérées comme une critique de la loi ? Les difficultés sont réelles. Au fond le problème est le suivant : les juges de proximité sont des juges non professionnels, néanmoins, ils sont dotés d'une compétence propre si bien qu'au tribunal d'instance, et nous le regrettons, nous ne pourrons pas utiliser l'expérience qu'ils auront acquise dans leur vie professionnelle antérieure, pour nous assister. Nous ne pouvons pas les placer dans une position de subordination. La lueur d'espoir serait d'aménager la loi pour que la juridiction de proximité prenne sa place dans le concert des juridictions de première instance. (Applaudissements prolongés)

M. Jean-Jacques HYEST -

Je l'ai dit.

M. Pierre RANCÉ -

Nous allons demander à M. le Sénateur Hyest de conclure. Les interventions de la salle montrent que les magistrats attendent autre chose que des assistants.

M. Jean-Jacques HYEST -

Il est vrai que la France a l'habitude de créer de nouvelles choses plutôt que de regarder ce qui existe et ce, au risque de créer des nids à nullité de procédure.

Néanmoins, je crois que la modernisation du fonctionnement de la justice passe par de nouvelles méthodes de travail. On doit réfléchir sur une modernisation du travail. Il y a eu d'ailleurs beaucoup d'expériences réussies et des efforts faits en juridiction, qui ont permis de pallier l'augmentation du contentieux. Je suis d'accord aussi sur le fait qu'il faut plus de personnels et surtout du personnel d'exécution. Je partage sur ce point les interventions des magistrats dans la salle.

Madame la Présidente, pardonnez-moi d'avoir été un peu vif. Mais vous avez rappelé toutes les objections que nous nous étions faites à propos du juge de proximité !

Il y a les magistrats à titre temporaire qui existent. Ils auraient pu être un apport, mais ils ont été rejetés par le corps judiciaire. Ils n'ont jamais pu être vraiment mis en place. Je pense que c'était une erreur de les rejeter. Mais je crois que vouloir ressusciter le juge de paix serait aussi une erreur car le véritable juge de proximité c'est le juge d'instance. Par contre, que le juge d'instance ait auprès de lui un juge de proximité pourrait permettre, non pas de libérer le juge d'instance, mais de traiter un contentieux qui ne l'est pas aujourd'hui, c'est un peu le sens de la réforme. (Applaudissements)

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