Les quatrièmes et cinquièmes rencontres sénatoriales de la justice



Colloques organisés par M. Christian Poncelet, président du Sénat - Palais du Luxembourg - 20 juin 2006 et 5 juillet 2007

Clôture par M. Christian Poncelet, président du Sénat

M. Christian PONCELET .- Mesdames et messieurs les Sénateurs, mes chers collègues, mesdames et messieurs les magistrats et fonctionnaires de justice, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, les 4 èmes rencontres sénatoriales de la justice sont sur le point de s'achever et je souhaite vous dire combien je suis fier, au nom de toutes les sénatrices et de tous les sénateurs, de cette initiative prise en 2002.

Ces rencontres ont permis une fois encore à tous les sénateurs qui l'ont souhaité une vingtaine cette année de découvrir l'institution judiciaire dans son fonctionnement quotidien grâce à un stage de trois jours effectué au sein de tribunaux de grande instance ou de cours d'appel, où magistrats et fonctionnaires de justice se sont mobilisés pour leur réserver, comme mes collègues me l'ont dit et comme ils l'ont confirmé tout à l'heure, le meilleur accueil. Trois jours au cours desquels, grâce à une grande transparence et une réelle mobilisation institutionnelle, les sénateurs peuvent voir fonctionner des juridictions, s'entretenir avec leurs acteurs, constater les conditions parfois difficiles dans lesquelles ils travaillent, mais aussi la grandeur et la noblesse de leur mission.

Je souhaite en remercier ici l'ensemble des magistrats, des fonctionnaires et des auxiliaires de justice qui, comme chaque année, ont « joué le jeu » en nous ouvrant leur palais et en nous consacrant du temps.

Au moment où la justice n'a jamais autant été sous les feux de l'actualité, je souhaite vous dire combien je crois à l'utilité de ces rencontres qui permettent aux sénatrices et aux sénateurs de cultiver une connaissance réelle et profonde de l'institution judiciaire.

Sans vouloir présumer d'éventuelles réformes, je crois pouvoir affirmer que le Sénat demeurera vigilant, au-delà des aspects purement juridiques, à la pertinence et la cohérence des évolutions qui seront proposées, s'appuyant pour cela sur une bonne, voire une excellente connaissance de l'institution judiciaire acquise grâce à notre travail, d'abord séparé puis collectif à travers les Rencontres sénatoriales de la justice.

C'est une véritable révolution à laquelle cette institution a été, est et sera confrontée cette année et les années suivantes. Cette révolution, rares sont ceux qui en parlent. Aucune commission ne lui a été dédiée. Elle n'a pas fait les gros titres de la presse nationale et nous mesurons mal à quel point elle a nécessité, nécessite et nécessitera des efforts d'adaptation et des évolutions profondes. Je veux parler de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finance qui, pour la première fois, a été mise en oeuvre cette année par l'Etat et l'ensemble des administrations. Au début, chacun se demandait comment s'appliqueraient ces nouvelles dispositions financières.

Je ne reviendrai pas sur les trois objectifs essentiels poursuivis qui ont pour but une meilleure lisibilité permettant la mise en oeuvre d'un contrôle parlementaire plus efficace devant conduire à une meilleure maîtrise des dépenses (ne perdons pas de vue la dette de la France).

Il ne s'agit en fait de rien d'autre que de redonner un peu de vigueur à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Permettez-moi, devant un public constitué essentiellement de juristes, de le citer : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».

Comme la justice n'est pas une administration comme les autres, il m'a paru utile que nous échangions sur cette question cette année. Je sais que cette mise en oeuvre a été préparée avec le plus grand soin possible tant par l'administration centrale et le Directeur des services judiciaires, M. Bernard de Gâtinais, ici présent, auquel je présente mes respects et que je tiens à remercier, que par les cours et juridictions. A cet égard, les témoignages qu'ont bien voulu nous en donner MM. Delmas-Goyon et Legras, Mme Bussière et M. Fèvre nous ont été précieux. Chacun a apporté sa contribution et sa réflexion au travail collectif que nous voulions faire ce matin.

Je sais aussi qu'elle a suscité et suscite encore des interrogations et des inquiétudes. C'est parce que cette réforme a été faite par et pour le Parlement qu'il m'a paru normal que le Sénat s'inquiète de sa mise en oeuvre par l'institution judiciaire. En effet, la justice n'est pas une administration comme les autres je l'ai souligné et la LOLF a su, comme nos débats l'ont montré, en tenir compte dans une mesure importante.

Cette réforme est à la croisée de deux logiques, de deux cultures et de deux systèmes profondément différents : la logique budgétaire, d'une part, et l'institution judiciaire, d'autre part. Il a fallu que chacun fasse un effort pour reconnaître l'autre. Ainsi, le principe de la diarchie à la tête des juridictions, président et procureur, a-t-il été respecté, et j'en remercie Philippe Josse, Directeur du budget, qui fut, à l'inspection des finances du Sénat, un excellent collaborateur et qui a eu l'obligeance de se joindre à nous et de nous faire part de sa science qui ne se dément pas.

Cette notion n'était pas particulièrement familière aux budgétaires, mais ils ont pourtant fini par l'adopter. De même, c'est le niveau de la cour d'appel qui a été retenu comme étant le plus opératoire au plan budgétaire.

En contrepartie, les adaptations que la justice doit mettre en oeuvre sont nombreuses, profondes et parfois difficiles. Les premières sont des adaptations matérielles et d'organisation : le renseignement et la formation des services administratifs régionaux, et l'utilisation de nouveaux outils informatiques.

De nouvelles responsabilités pèsent désormais sur les épaules des chefs de cour en tant qu'ordonnateurs secondaires. De nouveaux concepts sont apparus avec leur horde de barbarismes : les BOP (budgets opérationnels de programme), les PAP (projets annuels de performance) et les RAP (rapports annuels de performance).

Il y a aussi, ce que vous n'avez pas manqué d'évoquer ce matin, les frais de justice, qui sont passés de crédits évaluatifs à crédits limitatifs, avec cette ardente obligation de prévoir l'imprévisible. Mon collègue du Luart, qui préside votre table ronde, en sait quelque chose : son rapport sur le sujet fait date et vous l'avez entendu vous donner ce matin le résumé de l'expérience qu'il a vécue auprès de vous. Je pense qu'il n'y avait pas meilleur avocat que lui pour votre cause ce matin en présence du ministre.

A l'heure où -mais faut-il y croire ?- on envisage, ô combien à juste titre, de donner à la justice d'importants moyens, je crois profondément que la LOLF constitue l'outil indispensable et adéquat pour qu'elle puisse l'utiliser de manière lisible et optimale. Je forme le souhait que la matinée que nous venons de passer ensemble y aura un peu contribué, tout au moins ai-je la faiblesse de le penser. Merci de m'avoir écouté.

(Applaudissements.)

La séance est levée à 12 h 55.

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