Actes du colloque : Tremplin Recherche - 2ème édition



Palais du Luxembourg - 21 février 2006

Table ronde n°2 : « La politique québécoise de soutien à l'innovation,
un exemple pour la France ? »

Modérateur :

Christian PICORY , Délégué Valorisation, Groupement des Écoles des Télécommunications

Participants :

Camille LIMOGES , Co-Président, Conseil des Partenaires de l'Innovation

Laurent BUISSON , Sous-directeur de l'Innovation et du Développement technologique, Ministère de la Recherche

Gilbert DROUIN , Président-directeur général, Valorisation Recherche Québec

Augustin BRAIS , Directeur, Bureau de la recherche et Centre de développement technologique - École Polytechnique de Montréal, Président des BLEUs

Claude CARRIERE , Président, Réseau Curie

Christian PICORY

J'ai le plaisir d'animer cette table ronde qui accueille nos amis québécois. Elle sera consacrée au dispositif d'innovation et de soutien mis en place par les autorités québécoises. Je propose à nos amis québécois de se présenter.

Augustin BRAY, Directeur du Bureau de la Recherche et du Centre de Développement Technologique de l'Ecole Polytechnique de Montréal

Je m'appelle Augustin Bray, Directeur du Bureau de la Recherche et du Centre de Développement Technologique de l'Ecole Polytechnique de Montréal. Je suis ingénieur de formation en mécanique. Je possède également une formation en génie nucléaire.

Camille LIMOGES, Co-Président du Conseil des Partenaires de l'Innovation

Je m'appelle Camille Limoges, coprésident du Conseil des Partenaires de l'Innovation. Cet organisme est responsable de la révision permanente de la politique du Québec en matière de recherche et d'innovation. Ma carrière a constamment évolué entre l'Université et l'Administration.

Gilbert DROUIN, Président-directeur général de Valorisation Recherche Québec

Je me nomme Gilbert Drouin, Président-directeur général de Valorisation Recherche Québec depuis 1999. Ma carrière s'est déroulée dans le milieu universitaire, à l'Ecole Polytechnique de Montréal.

Claude CARRIERE, responsable du Transfert de Technologie de l'Université d'Aix-Marseille 1 et Président du Réseau Curie

Je m'appelle Claude Carrière, responsable du Transfert de Technologie de l'Université d'Aix-Marseille 1 et Président du Réseau Curie. J'ai passé toute ma carrière dans l'ingénierie pétrolière.

Laurent BUISSON, sous-directeur chargé de l'Innovation et du Développement technologique à la Direction de la Technologie au Ministère de la Recherche

Je me nomme Laurent Buisson, sous-directeur chargé de l'Innovation et du Développement technologique à la Direction de la Technologie au Ministère de la Recherche. Je m'occupe de la valorisation de la recherche et de la création d'entreprises. Mon profil de base est celui d'un scientifique et informaticien. J'ai conduit des recherches dans le domaine de l'environnement, puis j'ai rejoint l'administration du Ministère de la Recherche. J'ai par ailleurs travaillé aux Etats-Unis.

Christian PICORY

Au-delà du potentiel qu'offre le transfert de technologies, nous allons réfléchir à l'originalité du système québécois de soutien à l'innovation. Le dispositif mis en place s'inscrit dans le cadre d'une réflexion amorcée dans les années 80. La première étape fut de pointer un certain nombre de forces et de faiblesses du tissu industriel québécois. Cette démarche a permis d'identifier le potentiel de la recherche publique ainsi que plusieurs secteurs stratégiques.

Une fois cette étape franchie, le dispositif a intégré tout un ensemble de mesures de soutien, de l'invention jusqu'à la mise sur le marché. Ainsi, le Québec offre un soutien financier important à la recherche, y compris dans sa dimension précompétitive. Ensuite, il existe des financements spécifiques en faveur de la recherche partenariale, accompagnés de mesures de soutien en faveur des transferts de technologies. Enfin, un outil original a été mis en place, Valorisation Recherche Québec. La mission de cet organisme est d'assurer le transfert de technologies dans ses phases opérationnelles et concrètes.

Camille LIMOGES

Nous n'avons pas choisi le titre « Le système québécois, un exemple pour la France ». Il serait prétentieux de nous ériger en modèles. La situation québécoise est totalement différente. Le Ministre signalait dans son allocution que la France est un vieux pays de recherche. A contrario , le Québec est un jeune pays de recherche. Avant les années 60, à l'exception de l'Université McGill, la recherche québécoise restait notoirement sous-développée. De surcroît, le Québec est un Etat de petite taille, qui compte seulement 7,5 millions d'habitants. C'est pourquoi nous nous comparons plutôt à la Finlande ou à la Suède.

Au Québec, 60 % de la recherche est menée par les entreprises et 33 % par les Universités. Ces dernières ont consacré 2,5 milliards de dollars à la recherche l'année dernière. Par ailleurs, la recherche réalisée par les Universités sous contrat avec les entreprises représente 9 % de l'effort de recherche. C'est un taux considérable : aux Etats-Unis, il atteint à peine 6 %. L'Université québécoise est constituée de 18 établissements répartis sur l'ensemble du territoire. Ces facultés regroupent 8 200 enseignants et chercheurs, ainsi que 250 000 étudiants. Chaque année, notre système universitaire produit 1 100 à 1 200 PhD.

La recherche universitaire représente l'essentiel de la recherche publique. C'est une particularité québécoise, fruit d'un choix de son administration. Le Québec s'est donné comme ambition de consacrer 3 % de son PIB en dépenses de Recherche et Développement pour 2010. Les dernières statistiques confortent cet objectif : nous atteignons déjà un taux de 2,7 %.

Pour comprendre la réussite du Québec en matière de recherche, il faut s'attarder sur les spécificités de son système universitaire : les 18 établissements québécois sont parfaitement autonomes. Ils procèdent eux-mêmes au recrutement des professeurs et des chercheurs. Ils décident des conditions de travail. Quant au financement, il est défini via des concours. Les rentes de situation n'existent donc pas pour les chercheurs. Depuis quelques années, en sus des financements obtenus par les chercheurs sur concours, les établissements auxquels ils appartiennent obtiennent un remboursement partiel des coûts indirects générés par ces recherches. Cette subvention est attribuée à l'établissement sur la base des performances réalisées par ce dernier au cours des trois années antérieures.

C'est au tournant des années 70 que le Québec s'est doté de sa première agence de financement de la recherche. La première politique scientifique d'ensemble du gouvernement québécois date de 1980. Elle visait essentiellement à poursuivre la construction du potentiel de recherche en milieu universitaire et à faciliter les transferts entre le milieu universitaire et les entreprises. La notion de capital-risque a également été mise en place à l'initiative du gouvernement de l'Etat. Le tournant de l'an 2000 a été marqué par la mise à jour de la politique de la recherche et de l'innovation. Le gouvernement insiste particulièrement sur la valorisation des résultats en matière de recherche universitaire, même si les décideurs considèrent que le « produit » principal de la recherche est la main d'oeuvre très hautement qualifiée. Les entreprises et les organisations en ont effectivement grandement besoin.

C'est dans cette optique qu'a été créé le Conseil des Partenaires de l'Innovation que je copréside avec le Ministre du Développement économique. Cet organisme aura pour rôle d'explorer les dimensions de cette politique de recherche et de proposer les mises à jour nécessaires.

Gilbert DROUIN

Valorisation Recherche Québec a été créé en 1999 et doté de deux fonds de 100 et 120 millions de dollars canadiens. Les opérations seront terminées en mars 2006. En ce qui concerne la valorisation, nous avons créé des sociétés de valorisation, dirigées par une gouvernance privée. Les objectifs poursuivis sont doubles : augmenter la valeur marchande des innovations produites, et accroître les retombées pour la société québécoise. Un certain nombre d'éléments ont été examinés : le bassin de recherche (100 millions de dollars) a été évalué afin de rentabiliser ces structures. Etant donné que ces sociétés de valorisation se situent à distance des Universités, il est impératif d'assurer une collaboration étroite entre les différentes parties.

Quelles sont les missions dévolues à ces sociétés ? Elles entreprennent le repérage proactif des technologies qui se fait en collaboration avec les bureaux de liaison. Elles assurent la sensibilisation des chercheurs à la valeur économique de leurs recherches et la protection de la propriété intellectuelle, ainsi que le montage financier des projets, l'élaboration juridique des dossiers, la recherche de partenaires, l'analyse du marché, la réalisation des prototypes et la veille technologique.

Depuis quatre ans, nous constatons que le facteur clé de succès d'une recherche est la gouvernance à dominante privée de ces sociétés à distance des Universités. Toutefois, la proximité avec les Universités reste forte. Les équipes compétentes recrutées possèdent la maîtrise technique des outils, et savent de surcroît valoriser le fruit de recherches scientifiques.

Nous avons par ailleurs mis en place un programme de maturation technico-commerciale. Ce programme mis en place par VRQ avec un apport de dix millions de dollars est uniquement accessible aux quatre sociétés créées. Dans le processus, il permet de pourvoir aux premiers financements des projets de recherche. Un des éléments primordiaux repose sur la définition des fenêtres d'opportunités offertes à l'innovation. L'analyse terminée, nous disposons d'un certain nombre de questions auxquelles il convient de répondre.

Le projet est donc conçu conjointement par le chercheur et par la société de valorisation. Lorsqu'il arrive à maturité, il nous est présenté. Nous finançons un projet à hauteur de 50 % de sa valeur. En général, notre contribution se situe entre 50 000 et 250 000 dollars canadiens.

Les résultats globaux de Valorisation Recherche Québec montrent que 1 200 dossiers ont été évalués dans une perspective de commercialisation. Par ailleurs, 36 entreprises ont été crées et 253 demandes de brevet ont été déposées. Nous en avons obtenu 70. Les décaissements de VRQ atteignent 60 millions de dollars canadiens, alors que la valeur du portefeuille global de valorisation a été portée à 180 millions de dollars.

Les résultats sont donc tout à fait à la hauteur des espérances, mais il ne faut pas concevoir ce mécanisme comme une source d'enrichissement des Universités. Je pense au contraire que la valeur créée par ce biais doit être dévolue au transfert de l'innovation vers l'industrie.

Christian PICORY

Vous constatez que le dispositif VRQ est d'abord conçu comme un outil de développement économique. Quels rapports entretenez-vous avec les Universités ? Comment avez-vous identifié les responsabilités de chacun ?

Augustin BRAY

BLEU est un terme générique : Bureau de Liaison Entreprises-Universités. Il recouvre une réalité à géométrie variable selon les Universités. Je souhaiterais tout d'abord revenir sur le fait que la valorisation dépasse le simple cadre de la commercialisation à laquelle nous nous intéressons cependant beaucoup. Les Universités considèrent en effet comme particulièrement important de former des professionnels hautement qualifiés et d'assurer leur transfert dans le monde de l'entreprise. Les contrats et les partenariats conclus, la publication des résultats et les services offerts relèvent également de la valorisation de la recherche. Quant à la commercialisation des résultats, elle relève davantage des sociétés de valorisation de la recherche.

Ceci étant, j'entame une description du BLEU. Nous évoluons au sein de la bulle universitaire, en relation étroite avec les chercheurs et avec les professeurs. Il est important de remplir notre mission en totale immersion dans le monde universitaire. Le premier BLEU fut créé à l'Ecole Polytechnique au début des années 1970. Le bureau de la recherche de cette Ecole s'occupe de deux grands volets :

· les subventions (depuis la demande jusqu'à la négociation) ainsi que l'administration de la propriété intellectuelle,

· la promotion et le développement des relations avec le monde de l'entreprise en matière de Recherche et Développement et de transfert de technologies.

Le BLEU est le mandataire officiel pour transmettre les demandes engageant la responsabilité de l'Ecole Polytechnique. Par ailleurs, il négocie et produit des facteurs. Nous administrons les aspects politiques et financiers des projets. Enfin, nous participons à la négociation de projets particuliers. Globalement, nous représentons la courroie de transmission vers la société de valorisation de l'Ecole Polytechnique.

Je souhaiterais souligner le fait que nous évoluons dans un univers différent de la société de valorisation. Celle-ci se focalise davantage sur l'aspect commercial. Ce partage des rôles s'est opéré dans la plus grande transparence et dans un souci de pragmatisme. En effet, les missions considérées touchent des domaines très différents. Pour ma part, j'ignore tout de la protection des résultats de la recherche, des spin-offs, et du financement des entreprises. Ce n'est pas mon métier. En revanche, les tâches incombant aux Universités (négociation des contrats, recherche des partenariats...) relèvent de notre compétence. De surcroît, nous connaissons nos chercheurs. En termes de commercialisation, il est impératif de découpler les intérêts de nos Universités, de leurs chercheurs et de leurs professeurs, et les intérêts des intervenants commerciaux.

Enfin, sous l'égide de la CREPUQ (Conférence des Recteurs et Principaux des Universités du Québec), un groupe de travail des responsables de BLEU s'est constitué il y a une vingtaine d'années. Un véritable réseau s'est élaboré et les échanges se sont multipliés entre les membres. Cet organisme a contribué à bâtir des outils de formation à destination de confrères moins bien lotis. Le réseau CREPUQ travaille en collaboration avec les bureaux de liaison au sein de l'ACCT (Alliance Canadienne pour la Commercialisation de la Technologie) qui regroupe les grands réseaux des provinces canadiennes.

Christian PICORY

Vous venez d'évoquer les tâches dévolues à un BLEU et le réseau que les bureaux de liaison constituent. En France, il existe le réseau Curie. Comment peut-on le positionner par rapport au réseau des BLEU ?

Claude CARRIERE

Le Réseau Curie a été créé en 1993, sur l'initiative personnelle de plusieurs responsables de valorisation dans les Universités. En 2003, les statuts ont changé pour ouvrir l'accès de ce réseau à de nouveaux membres : les organismes de recherche et les Grandes Ecoles, mais aussi des structures privées gravitant autour de ce thème de la valorisation. L'objectif du réseau Curie est double. En premier lieu, le réseau vise à conforter les compétences des personnels des structures de valorisation via des échanges. En second lieu, il nourrit l'ambition de promouvoir une facilitation des rapports publics-privés.

Le premier objectif se traduit par l'organisation de nombreux congrès, des forums et des journées techniques. C'est un mélange d'informations et d'ateliers. Nous organisons également des formations pour améliorer le niveau professionnel de nos membres. Quant à l'ambition de rapprocher la sphère publique et la sphère privée, nous avons participé à l'élaboration d'un cahier de laboratoire, mis prochainement sur le marché. Nous avons de surcroît travaillé à la mise en place d'indicateurs de valorisation. Enfin, nous avons engagé deux chantiers : l'établissement d'un contrat de bonnes pratiques unique et une offre unique de technologies issues de l'ensemble des acteurs de la recherche en France. Il s'agit d'instituer des portails de spécialisation.

Nous avons mis l'accent sur les relations avec nos amis québécois. En effet, nous admirons le dispositif qu'ils ont élaboré en matière de valorisation de la recherche. Autant il est facile d'entretenir des échanges entre chercheurs, autant il est ardu d'échanger la valorisation des recherches entreprises.

Les membres du réseau Curie défendent les intérêts des Universités. Ils s'occupent des contrats de collaboration, de la négociation et de la promotion des brevets et enfin de la commercialisation.

Christian PICORY

J'ai trouvé ces interventions extrêmement intéressantes. L'accent a été mis par nos amis québécois sur les aspects financiers et organisationnels. La répartition des tâches mobilisent leur attention, afin d'assurer au mieux chacune des missions. Chaque organisme possède une sphère d'intervention définie. En effet, ces métiers impliquent des compétences spécifiques. Globalement, nous avons conscience de l'importance que prend la maturation des projets dans la chaîne de transfert de technologies.

Ce dispositif calqué sur les méthodes américaines conduit à se poser la question de son efficacité. Le récent rapport Fortier publié au Québec souligne l'impérieuse nécessité de poursuivre la structuration de la recherche, d'amplifier le dialogue entre les différents organismes (BLEU, sociétés de valorisation, Universités) et de continuer à financer l'intégralité du dispositif. D'après mes informations, VRQ a été financé via des excédents budgétaires publics.

Qu'en est-il des futures dispositions qui pourraient être prises à la suite de ce rapport ?

Camille LIMOGES

Le Conseil des Partenaires de l'Innovation va se saisir de ce rapport Fortier et élaborer des propositions à l'attention du Ministre. VRQ a certes été créé pour recycler des surplus budgétaires, mais cet organisme constituait par ailleurs une expérimentation à grande échelle. Gilbert Drouin, de par son expérience universitaire et professionnelle dans le monde de l'entreprise, nous paraissait la personne idoine pour conduire ce nouveau projet. Nous aurions pu confier la responsabilité des sommes engagées à des représentants du Ministère. Cependant, il nous semblait que la réactivité de ce type d'institution était insuffisante par rapport aux enjeux considérés.

En effet, la rapidité de décision est primordiale. De surcroît, il s'agissait de dédier une somme de 260 millions de dollars canadiens à une recherche visant l'innovation. Désormais, ce montant a été engagé, et la commission Fortier a été mise en place pour étudier les retombées du projet VRQ. Le financement de la maturation technico-commerciale doit être maintenu. C'est l'une des principales conclusions de ce rapport Fortier.

Pour évaluer le succès de pareilles entreprises, il faut embrasser un panorama de plusieurs décennies. Toutefois, nous avons déjà identifié plusieurs problèmes : le capital-risque semble peu intéressé par une intervention dans la phase de maturation ou même après, du moins en Amérique du Nord. Manifestement, les investisseurs tendent à agir tels des banquiers et à intervenir plus en aval par rapport à la situation antérieure. A contrario , un des points positifs soulignés par le rapport est la stricte démarcation observée entre le rôle des BLEU et celui des sociétés de valorisation.

Christian PICORY

Laurent Buisson, avez-vous des commentaires sur le dispositif mis en place au Québec ?

Laurent BUISSON

Je souhaite tout d'abord remercier mes collègues québécois pour leur témoignage. Certes, il est impossible d'appliquer en France l'intégralité du modèle québécois. Les premières démarches engagées par le Ministère de la Recherche en France ont également été initiées dans les années 80. A cette époque ont été mis en place le crédit d'impôts recherche, les conventions CIFRE et les CRITT (Centre Régionaux d'Innovation et de Transfert de Technologie). L'autre point d'orgue en matière de politique de promotion de la recherche a été la loi Allègre en faveur de l'innovation. Cette loi visait à encourager la création d'entreprises, la recherche collaborative via la constitution de réseaux et la valorisation de la recherche grâce à un cadre juridique nouveau.

Le Sénat et l'Assemblée Nationale travaillent actuellement sur un pacte pour la recherche, qui aborde de nombreux aspects portant sur la recherche, l'innovation et le partenariat entre la recherche publique et les entreprises. Grâce à la création de l'Agence Nationale de la Recherche, le soutien aux réseaux de recherche et d'innovation technologique a pu être renouvelé. L'ANR a également lancé un appel à projets concernant les Instituts Carnot. Cette initiative consiste à identifier et à soutenir des organismes de recherche publique qui travaillent en étroite collaboration avec les entreprises.

Nous avons par ailleurs soumis au Parlement des mesures d'amélioration législative en faveur des partenariats public-privé. Le pacte pour la recherche donne à ces organismes la possibilité de travailler en toute liberté avec des structures privées. En effet, la souplesse organisationnelle est un réel atout pour ces organismes de recherche.

Nous souhaitons en outre une simplification du statut fiscal des activités de valorisation de la recherche. Nous constatons grâce à l'exemple québécois que les activités de transferts technologiques et de valorisation de la recherche ne s'équilibrent pas à court terme financièrement. Nous avons besoin d'un financement public. C'est pourquoi nous avons lancé un appel à projets avec l'ANR destiné à aider les établissements publics à mettre en commun leurs moyens. Cette collaboration favorisera les transferts de technologies et la valorisation de la recherche. En effet, la dispersion constatée en France ne doit pas conduire à une perte d'efficacité. Notre ambition est donc incitative. Les établissements évoqués atteindront ainsi la taille critique nécessaire à la valorisation de leur recherche : moyens financiers, recrutement des compétences et prise en charge de la maturation des projets de transfert.

En guise de conclusion, je remercie le Sénat d'avoir organisé cette édition du colloque « Tremplin Recherche ». Cet événement rassemble des chercheurs et des spécialistes du transfert de technologies et de la valorisation de la recherche.

Claude CARRIERE

J'émets trois souhaits. En premier lieu, il serait nécessaire de distinguer les facettes de la recherche incombant à l'autorité publique de celles qui relèvent du secteur privé. En second lieu, il faut revenir sur le statut des personnels de valorisation de la recherche. Je prône enfin l'émergence d'un interlocuteur unique dans le processus de valorisation de la recherche.

Christian PICORY

Pourrais-tu nous donner un exemple d'un ou deux mesures phares ? Peux-tu revenir sur le financement des coûts indirects de la recherche ? Tu as souligné le nécessaire travail de perfectionnement concernant la distinction à effectuer entre l'outil de développement économique que représente la société de valorisation mais aussi l'outil de développement de la recherche que représentent les BLEUs ou la non confusion des rôles. Peux-tu évoquer ces aspects ?

Camille LIMOGES

Au Québec, la question des coûts indirects s'est posée avec d'autant plus d'acuité que les Universités ne reçoivent pas d'allocation de crédits qui sont spécifiquement dédiés à la recherche. En effet, ce sont les chercheurs, en concurrence avec leurs collègues dans le cadre de concours, qui obtiennent ou pas les crédits pour mener leurs recherches. Si nous ne prenions pas en compte les coûts indirects des recherches, plus une Université disposerait de chercheurs excellents et plus elle verrait sa situation devenir intenable. C'est pourquoi il existe un programme à Québec et à Ottawa, qui attribue à chaque établissement universitaire des crédits, au prorata des subventions obtenues par concours auprès des agences du gouvernement fédéral, d'une part, auprès des agences du gouvernement du Québec, d'autre part, le tout selon un pourcentage identique au Québec et au Canada.

Le système est donc très différent du système américain, dans lequel chaque subvention versée est accompagnée d'une majoration destinée à prendre en charge les coûts indirects. Cela exige des comptabilités très complexes. D'ici à trois ans, les gouvernements visent un objectif de 40 % de remboursement des coûts indirects ; les établissements universitaires sont pour leur part plutôt unanimes pour dire que la part de ces coûts est plutôt de l'ordre de 65 %. Le consensus n'est donc pas parfait sur ce point.

Concernant la séparation des rôles entre l'Université, le BLEU et la société de valorisation,

Par ailleurs, il apparaît que plus l'expérience des sociétés de valorisation s'approfondit et plus notre conviction se généralise qu'il s'agit de structures totalement différentes des BLEUs. Leurs compétences et leurs expertises ne sont pas les mêmes et leur logique d'intervention est distincte : en effet, un BLE demeure un service de l'Université, alors qu'une société de valorisation doit suivre une logique commerciale.

De la salle

En quoi la politique québécoise de soutien à l'innovation peut-elle être un exemple pour la France ?

Camille LIMOGES

C'est à vous de déterminer quels sont les éléments qui sont transposables. Pour autant, je pense que l'histoire des deux systèmes, ainsi que la taille des deux Etats, font qu'il n'est pas possible d'importer cette politique dans sa totalité.

Laurent BUISSON

Dans son intervention, notre collègue a indiqué que, lorsque la recherche québécoise a été développée, le pari a été pris de concentrer l'essentiel des moyens dans les Universités. Or l'organisation de la recherche française est différente : des sommes importantes sont attribuées aux Universités, ainsi qu'aux organismes de recherche ; parallèlement, les écoles d'ingénieurs jouent également un rôle important. Les intervenants sont donc plus dispersés qu'au Canada et au Québec. L'organisation du transfert de technologie doit tenir compte de cette réalité.

Je pense que nous devons nous inspirer des principes, en cherchant à les adapter à la réalité française. Il s'agit des principes de souplesse, de proximité, de répartition entre le public et le privé ; il faut également tenir compte de la taille critique, de l'importance du financement public. Au Québec, même dans les Universités les plus réputées, la part du financement de la recherche par les entreprises n'est pas si élevée que cela. De même, les brevets ne peuvent pas permettre à eux seuls à la recherche française, américaine et canadienne de se financer ; le taux est ainsi de 4 % aux Etats-Unis.

Au final, il faut effectuer un travail d'échanges quotidiens entre les cellules de transfert françaises et québécoises, afin de mettre en évidence les bonnes pratiques qui sont utilisées.

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