Table des matières




Mardi 27 novembre 2001

- Présidence de M. Gérard Larcher, président.

IVe Conférence ministérielle de l'OMC - Audition de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur

La commission a procédé à l'audition, organisée conjointement avec la délégation pour l'Union Européenne, de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur la IVe Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce qui s'est tenue à Doha (Qatar), du 9 au 13 novembre 2001.

Evoquant les nombreux échos que la Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) continuait d'avoir dans la presse, M. François Huwart a jugé particulièrement nécessaire d'en dresser le bilan devant les sénateurs, deux semaines après son retour de Doha. Il a remercié pour leur participation active à la délégation française présente à Doha MM. Jacques Bellanger, Jean Bizet, Aymeri de Montesquiou et Claude Saunier. Il a également souligné que le Qatar s'était montré accueillant et efficace dans l'organisation de la Conférence, dans un contexte politique difficile.

Présentant le résultat de Doha comme le fruit du travail de tous ceux -dont l'Union européenne- qui avaient, depuis Seattle, oeuvré à la relance du multilatéralisme, M. François Huwart a souligné que l'accord de Doha portait sur l'ouverture d'un cycle large, porteur de développement et de régulation, et que la France pouvait se féliciter du succès de l'approche équilibrée qu'elle s'était attachée à défendre. Il a tenu également à saluer la détermination des négociateurs communautaires et, singulièrement, du commissaire Pascal Lamy. Le résultat de Doha, a-t-il jugé, est conforme aux objectifs de l'Union européenne, qui souhaitait une plus grande libéralisation, mais aussi une meilleure régulation du commerce international. Il a estimé que l'OMC s'en trouvait renforcée.

Il a souligné que « l'Agenda pour le développement », sur lequel les Etats membres de l'OMC se sont accordés à Doha, pouvait se lire comme un écho à l'initiative européenne pour un meilleur accès en faveur des pays les moins avancés (PMA). Cet Agenda pour le développement, a-t-il rappelé, a pris la forme de quatre textes : la déclaration sur la santé et les médicaments, la dérogation ACP (Pays Afrique/Caraïbes/Pacifique) une décision sur la mise en oeuvre des accords de Marrakech, et une série de dispositions spécifiques relatives aux programmes de travail et de négociation.

Il a déclaré que le texte assurant l'accès aux médicaments des pays les plus pauvres constituait l'un des plus grands motifs de satisfaction de la France, désireuse de résoudre le paradoxe cruel qui voulait que les médicaments soient au Nord et les malades, au Sud. Il s'est félicité de ce que l'accord final, tout en respectant les accords sur la propriété intellectuelle, autorise une interprétation du droit international des brevets conforme aux impératifs de santé publique.

Au sujet des pays ACP, le secrétaire d'Etat a salué la reconnaissance, par les membres de l'OMC, des préférences commerciales accordées par l'Union européenne à ces pays par la convention de Cotonou et le précieux crédit que l'Union européenne en avait retiré.

Evoquant ensuite les dispositions facilitant la mise en oeuvre des accords de Marrakech, il a précisé qu'elles s'accompagnaient d'un objectif d'accès sans restriction pour les produits des PMA et d'adhésion rapide des PMA candidats à l'OMC.

Enfin, s'agissant du texte relatif au programme de négociation, M. François Huwart a relevé qu'il prévoyait un traitement spécial et différencié pour les pays en développement (notamment dans le domaine agricole), des travaux sur des thèmes comme le lien entre commerce et dette ou entre commerce et transfert de technologies et sur la protection de savoirs traditionnels, une meilleure coopération technique et un renforcement du cadre intégré pour les PMA -lequel associe six organisations et agences internationales.

M. François Huwart a ensuite détaillé le cadre et le programme du nouveau cycle pluriannuel de négociations dont l'ouverture a été décidée à Doha.

Sur le dossier agricole, il a fait valoir que l'essentiel était préservé : ainsi, le rythme de réforme de la politique agricole commune (PAC) ne sera pas dicté par les négociations multilatérales et l'agriculture n'est pas assimilée à une marchandise ordinaire du fait qu'elle obéit à des impératifs de sécurité alimentaire, de développement rural, d'environnement et d'aménagement du territoire.

A propos des services, le secrétaire d'Etat s'est félicité de ce que le principe de négociation par listes positives permette de maîtriser leur ouverture. Il a souligné que le droit des Etats à réglementer les services publics était confirmé et que les services « sensibles » -éducation, santé, culture- se trouvaient préservés.

Enfin, au sujet des produits manufacturés, il a considéré que les PME exportatrices ou sous-traitantes des grands groupes exportateurs tireraient des bénéfices très directs de l'élimination d'un grand nombre de pics tarifaires qui subsistent.

M. François Huwart a ensuite attiré l'attention des sénateurs sur le renforcement des règles multilatérales programmé à Doha, qui permettra de rendre plus prévisible et plus sûr l'environnement juridique.

Les décisions prises sur l'investissement et la concurrence y contribuent, a-t-il estimé, et des travaux seront engagés dans le but de préparer la négociation d'un accord sur ces sujets à la 5e Conférence ministérielle. De même, il a noté que les accords sur l'anti-dumping et sur les subventions seraient soumis à réexamen. Il a, en outre, relevé que l'articulation entre l'OMC et la Convention sur la biodiversité, ainsi que la protection des savoirs traditionnels seraient examinées dans le cadre du Conseil des ADPIC (accords sur les droits de propriété intellectuelle dans le commerce). Evoquant l'établissement, par ce même Conseil, d'un registre mondial pour les vins et spiritueux, il a fait valoir que, conformément au souhait de l'Union européenne, l'extension de la protection des indications géographiques à d'autres produits serait mise à l'étude.

L'introduction des questions environnementales dans le texte adopté à Doha est apparue au secrétariat d'Etat comme une innovation et un réel succès pour l'Union européenne. Il a salué la nécessaire articulation, que de futures négociations vont devoir préciser, entre les règles de l'OMC et les obligations commerciales contenues dans les accords multilatéraux sur l'environnement (AME).

Dans cet esprit, M. François Huwart a appelé à une cohérence et à une coopération renforcée entre l'OMC et les organisations internationales concourant au développement durable ; à cet égard, si la déclaration de Doha encourage la coopération avec des institutions telles que celles de Bretton Woods, le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), les secrétariats des AME, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), il s'est dit déçu de sa timidité sur le dialogue entre l'OMC et l'Organisation internationale du travail (OIT), l'hostilité des pays en développement (PED) et des Etats-Unis ayant réduit l'OMC à seulement « prendre note » des travaux de l'OIT.

Evoquant le dialogue inter-institutionnel, il a estimé que son approfondissement supposait un renforcement et une plus grande légitimité de l'OMC dont ses membres étaient déjà convenus à Seattle. En la matière, il a enregistré trois progrès à Doha : l'universalité de l'OMC s'est trouvée renforcée par l'accession de la Chine et de Taïwan ; son efficacité aussi, grâce à l'amélioration du mécanisme de règlement des différends ; sa légitimité également, du fait de méthodes de travail renouvelées par rapport à Seattle et privilégiant la transparence.

Pour conclure, M. François Huwart a rappelé que, seul, un programme de travail avait été arrêté à Doha et que les résultats restaient à négocier. Il a relevé, à ce propos, que les ambiguïtés constructives et inévitables dans des déclarations du type de celle adoptée à Doha portaient en germe de futurs affrontements. Aussi a-t-il jugé que la cinquième conférence ministérielle, au second semestre 2003, représenterait une étape importante.

Si des accords anticipés sont possibles, il a précisé que, seul, l'engagement unique final, liant tous les sujets des négociations, garantirait leur cohérence globale. Estimant que l'évolution des rapports de force au sein de l'OMC orienterait les négociations futures, il a laissé entendre que l'isolement de l'Inde à Doha présageait le renforcement du rôle du Brésil, de l'Afrique du Sud et, désormais, de la Chine. Les pays africains, quant à eux, se rapprocheront plus encore du groupe des ACP et des PMA. Enfin, l'Union européenne est en mesure, selon lui, de faire progresser l'objectif d'une meilleure gouvernance commerciale. M. François Huwart s'est engagé à ce que la France continue de peser en ce sens au sein du Conseil.

M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, s'est réjoui de l'obtention d'un accord à l'issue de la Conférence de Doha, dans un contexte de ralentissement économique. Evoquant le séjour en Chine effectué par M. François Huwart à la suite de la Conférence de Doha, il lui a demandé s'il estimait que la Chine, riche de 1,3 milliard d'habitants dont 800 millions d'agriculteurs et profitant surtout de ses exportations, s'apprêtait à prendre des mesures afin de se préparer à la nouvelle donne issue de son accession à l'OMC.

M. François Huwart a précisé que l'adhésion de la Chine à l'OMC était vécue comme un événement majeur par ses autorités politiques, mais également par une grande majorité du peuple chinois. Il a souligné que l'accession à l'OMC constituait pour la Chine un véritable pari et avait été l'occasion d'un vrai débat politique. Il a rappelé que la première négociation en vue de cette adhésion avait échoué sous la présidence de M. Bill Clinton. Parvenus aujourd'hui à un accord sur les bienfaits d'une ouverture supplémentaire, les Chinois sont évidemment conscients, a-t-il noté, d'avoir à prendre des mesures. Il a fait valoir que la Chine représentait des perspectives de marché tout à fait importantes pour les entreprises françaises -en matière de services, de distribution...- et que la réciprocité commerciale ne serait pas chose facile pour la Chine.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, a souhaité poser quatre questions au secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Il lui a d'abord demandé s'il avait eu le sentiment que l'Union européenne avait existé à Doha et si ses quinze Etats membres, ou même les pays candidats à l'adhésion, étaient parvenus à afficher une position commune. Au sujet du textile, il a souhaité s'assurer que le secrétaire d'Etat au commerce extérieur avait le souci de ménager les intérêts de nos producteurs. Il a également tenu à aborder l'actualité du dossier culturel, rappelant que l'identité culturelle européenne avait peiné à s'affirmer à Seattle et occasionné de nombreux débats. Enfin, évoquant la réticence des pays en développement sur l'environnement, sujet dont il a souligné la complexité en raison du refus américain de ratifier le protocole de Kyoto, il a désiré savoir si M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, considérait qu'il y avait un espoir de voir rapidement progresser les aspects environnementaux, au-delà de leur très timide inscription dans la déclaration des pays membres de l'OMC à Doha.

En réponse à M. Hubert Haenel, M. François Huwart a confirmé que l'Europe avait donné à Doha un visage d'unité. Il a précisé que le Conseil Affaires générales siégeait plusieurs fois par jour et que le Commissaire européen faisait régulièrement état de l'avancement des négociations devant les Etats membres. Soulignant la flexibilité de certains pays et la fermeté de certains autres, il a estimé que la France avait contribué à ce que la ligne du mandat de négociation soit fermement tenue. Il s'est félicité des nombreux et fructueux contacts bilatéraux et du bon fonctionnement de l'ensemble du processus de négociations.

Au sujet du textile, il a dit ne pas ignorer l'émotion de la profession face aux difficultés qui auraient pu naître de la Conférence de Doha, pour un secteur riche en main-d'oeuvre et déjà frappé par des ouvertures successives. Rappelant que le problème des quotas était le plus sensible, il s'est félicité qu'il n'ait finalement pas été abordé à Doha et qu'il n'ait pas été question de prise en compte cumulative de l'évolution des quotas « growth and growth ». Il a tenu à garantir qu'il s'évertuerait à équilibrer par des accès supplémentaires aux marchés tout effort supplémentaire qui pourrait être demandé à ce secteur.

S'agissant de la culture, il a jugé que ce sujet était apaisé et que la France pouvait être pleinement rassurée sur l'agenda de négociations. Il a toutefois déclaré qu'il resterait vigilant, puisque cet apaisement pourrait être remis en cause, à terme, si un nombre important de pays offraient de libéraliser leur secteur culturel.

M. François Huwart a convenu que les résultats des négociations sur l'environnement étaient modestes, mais ils lui ont paru satisfaisants au regard de la situation prévalant avant Doha.

M. Michel Bécot, rapporteur pour avis sur le budget du commerce extérieur, a souligné qu'un acte majeur de la Conférence de Doha, dont l'Union européenne pouvait se féliciter, était d'avoir ouvert l'accès aux médicaments pour les pays en développement. Il s'est toutefois inquiété du risque persistant que ces pays réexportent les médicaments acquis avantageusement et a souhaité savoir par quels moyens ce risque pourrait être encadré efficacement.

Soulignant l'importance des investissements directs de la France à l'étranger, il a appelé à un renforcement rapide des règles visant à protéger l'investissement. Il s'est demandé si les négociations que l'accord de Doha prévoyait d'ouvrir sur ce sujet, d'ici deux ans, avait des chances d'aboutir, alors même que la négociation sur l'accord multilatéral pour l'investissement s'était soldée par un échec.

Enfin, évoquant l'opacité du fonctionnement de l'organe de règlement des différends et la véritable jurisprudence mondiale que ce dernier construisait progressivement, il s'est interrogé sur les raisons de la lenteur de sa réforme et sur la nature des obstacles qui l'empêchaient de fonctionner dans une plus grande transparence.

En réponse, M. François Huwart a convenu que l'accès aux médicaments représentait un acquis majeur de la Conférence de Doha, même s'il a rappelé que les questions de santé publique avaient déjà été abordées dans un panel portant sur l'amiante, prouvant ainsi qu'il existait à l'OMC une potentialité de régulation. Il a reconnu nécessaire de s'assurer que les médicaments fabriqués à bas prix iraient effectivement aux soins des populations qui en avaient besoin et a déclaré qu'il faudrait prévoir un financement public pour rendre effectif l'accompagnement des thérapies. N'ignorant pas le risque de réexportation, il s'est dit décidé à oeuvrer à sa meilleure maîtrise.

Au sujet des règles relatives à l'investissement et à la concurrence, il a expliqué que l'attitude de l'Inde à Doha avait nécessité un délai de deux ans, qui serait mis à profit pour convaincre les pays en développement de la nécessité de telles règles et pour leur fournir la capacité, par une assistance technique renforcée, d'affronter ces nouvelles réglementations. Convenant qu'il était essentiel de sécuriser nos investissements à l'étranger, il a aussi insisté sur l'intérêt que les pays en voie de développement trouveraient à se doter de moyens leur évitant d'être à la merci de multinationales trop puissantes.

Concernant l'organe de règlement des différends, M. François Huwart a tenu à souligner qu'il avait « l'immense mérite d'exister ». Il s'est ensuite déclaré convaincu de la nécessité de professionnaliser ses juges et de travailler à transformer sa construction essentiellement jurisprudentielle en des règles admises par consensus des pays membres.

M. Marcel Deneux a abordé plusieurs questions. Faisant allusion à l'accord négocié entre l'Union européenne et le Pakistan quelques jours avant la Conférence de Doha, il s'est dit moins rassuré sur le textile que M. François Huwart, et lui a fait part de l'inquiétude de la Fédération des industries textiles de son département de Picardie. En matière agricole, il a relevé que le consensus avait tenu aux six mots rajoutés à la déclaration finale et s'est félicité des progrès de l'idée de multifonctionnalité et de la reconnaissance de la spécificité de l'agriculture.

Il s'est également interrogé sur le fait de savoir si l'échec de l'inscription de la dimension sociale dans la déclaration de Doha signifiait une impasse pour toute la durée du cycle à venir. Relevant le changement de comportement de certaines organisations non gouvernementales (ONG), il a enfin demandé au secrétaire d'Etat au commerce extérieur s'il avait le sentiment que les thèses anti-mondialistes connaissaient un certain essoufflement.

M. Jean Bizet est intervenu pour confirmer l'excellente atmosphère dans laquelle s'étaient déroulées les négociations. Sur la question de l'accès aux médicaments, dont il s'est félicité pour des raisons humanistes, il a tenu à souligner l'importance de la réaffirmation à Doha de la notion de brevet et a salué les opportunités que la libéralisation ouvrait pour l'industrie pharmaceutique.

En matière agricole, il s'est interrogé sur le sens de la notion de « multifonctionnalité », clef de la loi d'orientation agricole votée l'an dernier, et sur celui du qualificatif « substantiel » retenu dans l'agenda élaboré à Doha. Il a enfin demandé au secrétaire d'Etat au commerce extérieur si les prochaines négociations conduiraient les Etats-Unis à mettre à plat leurs subventions déguisées à l'agriculture.

Après avoir souligné le caractère extraordinaire de l'OMC, dont les décisions reposaient sur le vote unanime de 142 pays, il a jugé important de développer la communication et l'information à l'adresse du Parlement comme de la société civile et déploré notamment que l'ORD soit le lieu de débats d'experts.

M. Gérard Larcher, président, a abondé dans ce sens et annoncé la relance des activités du groupe de travail sur l'OMC, commun à la commission des affaires économiques et à la délégation pour l'Union européenne.

Mme Hélène Luc a tenu à attirer l'attention sur plusieurs aspects de la conférence de Doha : elle a relevé combien laborieuse avait été l'obtention d'un accord à Doha pour libéraliser un peu plus le commerce mondial, deux ans après l'échec de Seattle, et a rappelé que les ONG avaient organisé en France, simultanément à la conférence de Doha, quelques manifestations. Si elle a reconnu que l'accès des pays pauvres aux médicaments constituait une ouverture importante, elle s'est inquiétée de l'évolution de plusieurs sujets : l'exception culturelle -à propos de laquelle elle a partagé les craintes exprimées par M. Hubert Haenel-, le secteur textile et l'agriculture. Sur ce dernier point, elle a mis l'accent sur l'intensité des débats entre les Etats-Unis et l'Europe et s'est félicitée de ce que l'Union européenne ait tenu bon, préservant le rythme de réforme fixé dans l'Agenda 2000, d'autant plus que le Royaume-Uni et l'Allemagne, a-t-elle précisé, ne refusaient pas la suppression des aides à l'exportation de produits agricoles. Se référant à la mauvaise volonté dont les Américains, soutenus par le groupe de Cairns, faisaient preuve -selon elle-, alors que le montant de leur soutien aux exportations agricoles avait été multiplié par six ces dernières années, elle a partagé l'inquiétude légitime des organisations agricoles, inquiétude que l'élargissement aux pays d'Europe de l'Est ne peut que renforcer.

En réponse aux intervenants, M. François Huwart a partagé l'analyse de Mme Hélène Luc sur la difficulté d'aboutir à un accord à 142 pays. Reprenant l'image utilisée par un journal anglo-saxon, il a estimé que l'exercice était aussi délicat que de «bâtir un château de cartes sur un cheval au galop ». Il a souhaité que la pugnacité de l'Union européenne se maintienne dans l'avenir. Après avoir évoqué les contacts réguliers qu'il avait entretenus à Bercy avec le Parlement et les ONG, il a annoncé la mise en place d'un comité plus institutionnalisé de suivi des négociations.

Au sujet du textile, il a fait part de son soulagement à l'issue de la conférence. Il a fait observer que l'accord avec le Pakistan, initié par la Commission européenne, n'avait pas encore été validé par les Etats membres et que cet accord, très spécifique, s'inscrivait dans un contexte international particulier, ce qui ne le rendait nullement transposable à d'autres pays.

Revenant sur l'agriculture, M. François Huwart a jugé que le résultat obtenu était protecteur puisque la phrase finalement retenue dans la déclaration de Doha -phrase complexe au demeurant- ne préjuge pas du rythme d'évolution de la politique agricole commune, n'imposant ni calendrier, ni résultats. Il a noté, en outre, que cette phrase s'appliquait désormais à l'accès au marché comme au montant des subventions et que deux inquiétudes se trouvaient ainsi levées. Après avoir rappelé que la question des soutiens internes américains, peu transparents et fortement croissants, avait été posée par la conférence de Doha, il a insisté sur l'aisance avec laquelle l'Union européenne se devait d'aborder le dossier, puisqu'elle avait appliqué, même au-delà, les accords de Marrakech -les subventions aux exportations agricoles, qui représentaient 50 % du budget communautaire, n'en représentant plus que 10 %. Il a toutefois convenu que l'agriculture européenne subissait aujourd'hui une double pression, en raison de l'élargissement de l'Union européenne et des crises relatives à la sécurité alimentaire.

Concernant les médicaments, M. François Huwart s'est rallié à la remarque de M. Jean Bizet, estimant qu'il n'aurait pas été souhaitable de démanteler les accords ADPIC relatifs à la propriété intellectuelle. A cet égard, il a précisé que l'avancée considérable obtenue par les PVD se limitait aux cas d'urgence et à une liste précisément définie de pandémies.

Au sujet des droits sociaux, il a déclaré avoir espéré, comme M. Marcel Deneux, un meilleur résultat mais s'être heurté à l'hostilité farouche des PVD, qui y lisaient un protectionnisme déguisé. L'ambition affirmée des organisations syndicales françaises et européennes de faire progresser les droits sociaux, si elle s'accompagne d'un dialogue de ces organisations avec leurs partenaires internationaux, représente, à ses yeux, une chance de progrès pour ce dossier délicat.

Evoquant les ONG, il a fait valoir qu'elles étaient représentées à Doha, même si leur présence était assez encadrée. Il a déclaré avoir entretenu un dialogue quotidien avec les ONG, dont il a relevé l'évolution : depuis le sommet de Porto Alegre, il a cru noter que, délaissant la contestation en bloc, ces organisations avaient adopté une démarche nouvelle, prenant en considération le fait que les institutions internationales, sous réserve qu'elles s'améliorent, pouvaient être le lieu d'avancées substantielles.

A propos de l'exception culturelle, il a réaffirmé sa vigilance. S'il a confirmé que Doha n'avait pas donné lieu à une modification des règles dans le sens d'une « marchandisation » de la culture, il a toutefois fait observer que la donne pouvait changer du fait du fonctionnement par listes positives des négociations sur les services. Il lui a semblé, malgré tout, que l'idée de diversité culturelle avait progressé dans de nombreux pays africains ou asiatiques depuis la conférence de Seattle et s'est donc déclaré optimiste.

En réponse à Mme Hélène Luc, il a convenu que Doha signifiait, certes, l'ouverture d'un cycle de libéralisation supplémentaire, mais il a souligné deux inflexions lors de cette conférence ministérielle : une meilleure prise en compte des demandes des PVD et des PMA, et une avancée des thèmes de la régulation, désormais inscrits dans l'agenda de l'OMC (environnement, médicaments...). Ces inflexions lui ont paru concourir à un processus plus équilibré de mondialisation.

Mme Maryse Bergé-Lavigne est revenue sur le souci, exprimé par M. Jean Bizet, de mieux expliquer aux opinions publiques la nature et la fonction de l'OMC et s'est prononcée, à son tour, pour une information régulière. Se faisant l'écho des interrogations du public, elle s'est demandé dans quel but l'OMC cherchait à réguler le commerce mondial et si avait été fait un bilan des échanges commerciaux à travers le monde. Si l'objectif était de réduire les inégalités entre les pays, il lui a semblé loin d'être atteint.

M. Claude Saunier a exprimé son sentiment que des décisions de portée considérable pouvaient être prises dans des conférences comme celles de Doha et qu'elles n'étaient pas toujours les plus médiatisées, en raison de leur technicité. Ayant eu l'impression que « planait à Doha l'ombre du 11 septembre », il a fait observer que les conclusions de Doha auraient été certainement différentes sans l'interférence de cet événement politique et y a vu la preuve que le commerce ne pouvait se dissocier du politique, ce qui laissait anticiper un poids croissant des opinions publiques sur les négociations. Si l'Union européenne s'est voulue le fer de lance de la régulation à Doha, M. Claude Saunier a noté que cette ambition exigeait de lever quelques ambiguïtés dans les relations que l'Europe entretenait avec les PVD : ainsi, dans le domaine agricole, il a noté que le soutien européen aux exportations agricoles pénalisait indirectement l'accès des PVD au marché. Il a, en outre, fait part de son inquiétude face au risque majeur que présenterait un monde tributaire, pour son alimentation, de quelques rares ensembles régionaux. Globalement, la conférence de Doha lui a paru ouvrir des opportunités, mais il a insisté sur l'importance cruciale de chaque négociation à venir.

M. Jacques Bellanger a souhaité rappeler que l'acquis majeur de l'OMC était d'avoir substitué le multilatéralisme au bilatéralisme et d'avoir ainsi contribué à mettre fin à la loi du plus fort.

M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques, a interrogé le ministre sur la conception américaine du multilatéralisme et sur son évolution récente. Il l'a également prié de revenir sur les enjeux des négociations prochaines relatives aux services, sur lesquels le Conseil économique et social vient de se pencher, dans un avis présenté par M. Ailleret.

En réponse, M. François Huwart est revenu sur la place et le rôle de l'OMC. Il a jugé que l'importance de l'organisation tenait à la fois à son champ de compétences -les échanges commerciaux- et à son mécanisme original de règlement des différends. Il a déclaré refuser de confiner l'OMC dans son domaine, en se défendant toutefois de vouloir en faire une organisation omnipotente, et a estimé que l'avenir de la gouvernance mondiale passait par une plus grande cohérence des institutions internationales. Il a fait valoir que le développement ne pouvait se faire sans une ouverture commerciale, laquelle avait permis d'accroître la richesse mondiale et d'élever le niveau de vie de l'ensemble des pays, évalué selon les critères onusiens, mais avait également creusé les écarts entre les pays, l'Afrique se trouvant en voie de marginalisation dans le commerce mondial. Mais le développement, a-t-il souligné, exige aussi des initiatives en matière de gestion de la dette et d'aide au développement... En réponse à Mme Maryse Bergé-Lavigne, il a relevé que le bilan qu'elle souhaitait, tout juste esquissé, existait donc mais qu'il devait être « fait en marchant », dans une visée prospective. Une ouverture commerciale bien gérée devrait, a-t-il affirmé, profiter aux PVD.

Au sujet de l'agriculture, M. François Huwart a rejoint M. Claude Saunier en évoquant les critiques adressées par certains pays à l'Union européenne, qui contestent la légitimité des subventions européennes à l'exportation, jugées déloyales au regard de la concurrence. Sans méconnaître un certain fondement à de telles critiques, il les a considérées difficilement acceptables, au regard de notre propre agriculture. Relevant l'hétérogénéité du groupe de Cairns, qui réunit des pays pauvres et d'autres à agriculture intensive, il a espéré convaincre certains de ses membres des risques d'une « marchandisation » de l'agriculture.

Il a également confirmé son soutien à l'idée qu'il fallait expliquer l'OMC et souligné la capacité de relais que représentaient les parlements vers l'opinion publique. Il a toutefois noté qu'aucun des pays membres de l'OMC n'était prêt à substituer l'intervention d'une opinion publique non organisée à la souveraineté des Etats.

En réponse aux questions du président Gérard Larcher, M. François Huwart a confirmé que les événements du 11 septembre avaient modifié l'approche américaine du multilatéralisme. Il lui a semblé que les Etats-Unis, tout en conservant un esprit unilatéraliste, s'engageaient dans une pratique multilatéraliste, dont ils percevaient la nécessité, dès lors qu'ils souhaitaient rallier sur leur puissance économique un capital de sympathie.

Au sujet des services, il a rappelé l'importance de ce secteur pour la France, qui en est le troisième pays exportateur. Soulignant les vraies opportunités offertes en la matière par la conférence de Doha, il les a analysées comme un enjeu majeur des prochaines négociations. Il a jugé que les services publics ne se trouvaient pas menacés aujourd'hui à l'OMC, en raison du mode de fonctionnement des négociations y afférentes, et précisé que d'éventuelles inquiétudes sur nos services publics devaient nous amener à les défendre d'abord à l'échelon communautaire.

M. Gérard Larcher, président, a rapproché cette dernière assertion de M. François Huwart de la phrase finalement retenue à Doha au sujet de l'agriculture.

Mercredi 28 novembre 2001

- Présidence de M. Gérard Larcher, président.

PJLF pour 2002 - Crédits consacrés à la ville - Examen du rapport pour avis

La commission a examiné le rapport pour avis de M. Pierre André sur les crédits consacrés à la ville dans le projet de loi de finances pour 2002.

Après avoir rendu hommage aux travaux du président Gérard Larcher sur la politique de la ville, M. Pierre André, rapporteur pour avis, a indiqué que l'ensemble des fonds publics (Union européenne, Etat, collectivités locales et établissements publics), inscrits au « jaune » budgétaire s'élevaient à 7 milliards d'euros, en hausse de 4 %. Il a souligné que les crédits d'Etat ne dépassaient pas 3,57 milliards d'euros, soit moins de 50 % du budget total, avant d'observer que les collectivités locales assumaient, à elles seules, près de 16 % des dépenses en faveur de la politique de la ville. Il s'est interrogé sur l'équilibre entre les transferts de compétences et les transferts de charges opérés par l'Etat au fil des ans dans ce domaine très sensible.

Evoquant les dépenses qui correspondent à des exonérations fiscales et sociales, -dont le montant total se serait élevé à 655 millions d'euros en 2000 avant de s'établir aux alentours de 788 millions d'euros en 2001 et 2002-, le rapporteur pour avis s'est interrogé sur les modalités de calcul des évaluations soumises au Parlement. Les montants estimés, de façon prospective ou rétrospective, pour un même exercice, varient, a-t-il observé, de façon très importante, si bien que le Parlement ne connaît pas leur montant véritable.

Faisant état d'une enquête réalisée par la délégation interministérielle à la ville (DIV) selon laquelle « l'effet levier des crédits spécifiques de la politique de la ville [jouerait] pleinement son rôle sur ceux des collectivités locales », M. Pierre André, rapporteur pour avis, a estimé qu'un tel raisonnement était dangereux, car il impliquait que seules les communes les plus riches pourraient mener des opérations en partenariat avec l'Etat, au détriment de villes les plus défavorisées. Au total, a-t-il jugé, on pourrait considérer que l'Etat puise des ressources chez ses partenaires, ce qui conduit à s'interroger sur la « virtualité » ou la réalité des sommes inscrites au budget.

Abordant la situation des zones franches urbaines (ZRU), le rapporteur pour avis a considéré qu'elles s'étaient révélées particulièrement efficaces, car elles s'étaient inscrites dans une dynamique de développement et que les acteurs locaux avaient su mettre en place une stratégie globale d'accompagnement des entreprises, d'accès à l'emploi pour les habitants et de revitalisation des quartiers. Puis il a rappelé que, selon l'Association nationale des villes « zones franches », ces zones avaient permis de créer 50.000 emplois, de sorte que les objectifs fixés par le législateur, en 1996, étaient largement dépassés. Il a déploré que l'exécutif ne s'avère pas capable de fournir une situation précise du nombre d'emplois et d'entreprises créés.

En présentant l'état d'avancement de la restructuration des quartiers en difficulté, le rapporteur pour avis a, tout d'abord, mentionné la démolition puis la reconstruction de 6.107 logements en 2000. Il a précisé que l'objectif était de démolir 10.000 logements en 2001, grâce à une enveloppe de 500 millions de francs, et 15.000 autres en 2002. Puis il a souhaité que le Gouvernement rende public un échéancier des démolitions envisagées dans les années à venir, ainsi qu'une évaluation du coût total de ces opérations.

Evoquant ensuite l'activité de l'établissement public de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), M. Pierre André, rapporteur pour avis, a rappelé les vicissitudes qui avaient marqué les débuts de cet organisme. En comparant le montant total cumulé des charges de personnel et celui des investissements réalisés, il a estimé que le bilan d'activité de l'EPARECA était médiocre, d'autant que le nombre des dossiers traités demeurait insuffisant. Il a souhaité savoir pourquoi cet établissement public ne parvenait pas à répondre à la mission confiée par le législateur, ainsi que les mesures que le Gouvernement entendait prendre, en qualité d'autorité de tutelle, pour remédier à une situation inacceptable que le Parlement critiquait depuis plusieurs années.

Puis le rapporteur pour avis s'est intéressé aux diverses politiques sectorielles qui sous-tendent la politique de la ville.

Rappelant que la préservation de la sécurité constituait « une mission fondamentale de l'Etat », il a fait état des dernières décisions prises par le Conseil de sécurité intérieure afin de renforcer les effectifs destinés à la mise en oeuvre des contrats locaux de sécurité (en ce qui concerne tant les « adultes-relais » affectés dans des espaces publics, que les adjoints de sécurité employés par la police nationale ou les agents de médiation sociale affectés notamment dans les transports). Il a considéré que si cet accroissement constituait un complément utile à l'action des services de police, il ne saurait pallier le manque de moyens dont souffre la police nationale. Aussi est-il nécessaire, a-t-il déclaré, de procéder à un renforcement rapide de ces moyens, notamment dans les quartiers sensibles où des agents chevronnés doivent être affectés.

Insistant sur la nécessité de lutter contre la délinquance juvénile, il a réclamé que des moyens suffisants soient dévolus à la justice, qu'il s'agisse du nombre de magistrats ou de celui des personnels chargés de la protection judiciaire de la jeunesse.

Il s'est enfin intéressé à la dimension sociale de la politique de la ville, et notamment aux programmes d'aide aux chômeurs de longue durée et à ceux concernant les jeunes.

S'agissant des mesures en faveur des chômeurs de longue durée, il a insisté sur la nécessité de remédier au handicap que constitue la faible « employabilité » de ces personnes dont les conditions de vie sont souvent précarisées. Il a fait le point sur les résultats des programmes « nouveaux services », « nouveaux emplois », et sur ceux des contrats « emploi-solidarité » et « emploi consolidé » ainsi que sur l'activité des entreprises d'insertion. En ce qui concerne la lutte contre le chômage des jeunes, il a déploré -sans méconnaître leur intérêt- que les « emplois jeunes » n'aient pas permis de créer des emplois durables, sauf à ce que ceux-ci soient financés par l'Etat.

Evoquant enfin la politique de l'éducation, il a souligné que celle-ci passait par un renforcement des moyens de l'éducation nationale dans les quartiers en difficulté et par une plus grande concertation tous les partenaires intéressés, seule de nature à obtenir une plus grande efficacité.

Après avoir félicité le rapporteur pour avis, M. Dominique Braye a évoqué la situation dans les zones franches urbaines, créées pour être un outil de reconquête des quartiers sensibles en permettant à leurs habitants de se réinsérer dans la vie professionnelle. Ces zones ont permis, a-t-il estimé, « une vraie réussite », à l'instar de celle de Mantes-la-Jolie où 50 % des nouveaux emplois sont occupés par des jeunes issus de quartiers en difficulté. Ainsi, a-t-il ajouté, que l'apaisement des tensions sociales au Val Fourré procède, pour une large part, de l'amélioration de la situation économique de ses habitants. Evoquant la situation du logement, M. Dominique Braye a indiqué que dans certaines tours, le taux de vacance des appartements atteignait 40 %, nul ne voulant y habiter. C'est pourquoi, a-t-il ajouté, il est souhaitable d'accroître le nombre de démolitions de logements afin de permettre aux futurs occupants de logements reconstruits de s'insérer dans un « parcours résidentiel ascendant ».

Il a souligné qu'il ne saurait y avoir de mixité sociale sans sécurité, ce qui posait, à côté de problèmes très concrets (tels que la nécessité de créer des garages pour y abriter les voitures au pied des immeubles) celui des moyens dévolus à la police et surtout à la justice.

Evoquant la mise en oeuvre des contrats de ville, il s'est insurgé contre la confusion des crédits de fonctionnement et d'investissement sur laquelle reposent ces contrats avant de signaler que le département des Yvelines avait, de ce fait, refusé de conclure un tel contrat avec l'Etat.

Puis il a fait part de sa vive préoccupation relative à la carence de l'Etat qui ne fait pas face à ses obligations en matière de financement des plans locaux d'insertion par l'économique. Sur ce sujet, a-t-il observé, l'Union Européenne a des exigences moins strictes que l'exécutif, qui n'accepte de verser de subventions qu'une fois les actions menées à bien, ce qui contraint les collectivités locales à préfinancer l'ensemble des dépenses relatives à ces plans.

Il a enfin critiqué les conditions dans lesquelles les crédits du Fonds européen de développement régional (FEDER, « objectif 3 ») ont parfois été distribués, plus en fonction des sympathies que des besoins réels.

En réponse, M. Pierre André, rapporteur pour avis s'est à nouveau dit convaincu de l'intérêt des zones franches urbaines, et a en outre souligné les limites d'une évaluation qui s'intéresserait exclusivement à des aspects économiques, à l'exclusion de toute considération sociale. Il a fait état de l'attitude soupçonneuse des services chargés du recouvrement des cotisations sociales et fiscales à l'encontre des entreprises installées en ZFU. S'agissant de la politique contractuelle, il a déploré que l'Etat impose aux collectivités locales, par ce biais, le financement de politiques qui relèvent, en réalité, de sa seule compétence , à l'instar du maintien de la sécurité.

Après s'être associé aux compliments adressés au rapporteur pour avis, M. Jean-Paul Alduy a estimé que le postulat qui sous-tendait les zones franches, selon lequel l'exclusion économique entraînait l'exclusion sociale, gardait toute sa validité, de même que la politique de « discrimination positive ». Ayant déploré l'attitude des URSSAF à l'encontre des entreprises installées dans les ZFU, il a rappelé que si un « emploi-jeune », dont le caractère précaire est avéré, coûtait 90.000 francs par an, un contrat à durée indéterminée conclu dans une de ces zones était estimé à 60.000 francs.

Il s'est enfin associé aux critiques du rapporteur pour avis sur les politiques contractuelles, tout en nuançant celles émises par un précédent intervenant au sujet de la fongibilité des crédits d'investissement et de fonctionnement. Il est regrettable, a-t-il noté, que les diverses procédures de planification (schémas de cohérence territoriale, plans locaux de l'habitat) et de contractualisation (contrats d'agglomération, contrats de ville, grands projets urbains) soient caractérisées par une série d'incohérences majeures, voire par des procédures de sélection quasi « clandestines ». En concluant, il a souscrit aux observations de M. Dominique Braye au sujet des plans locaux d'insertion par l'économique.

M. Pierre Hérisson s'est, d'une part, déclaré préoccupé des conditions dans lesquelles les URSSAF interprètent la loi et, d'autre part, des problèmes qui surviennent dans les collectivités locales qui sont astreintes à verser une contribution au titre du non-respect des objectifs fixés par la loi « SRU », alors même que le manque de foncier les met parfois dans l'impossibilité de construire de nouveaux logements sociaux.

M. Pierre André, rapporteur pour avis, s'est déclaré particulièrement attaché au maintien de la « mixité économique » dans les quartiers en difficulté, avant de souligner que la création des ZFU avait aussi, en suscitant une activité économique, donné lieu à des rentrées fiscales pour l'Etat. S'agissant de l'attitude des URSSAF, il a souhaité que des dispositions soient prises pour qu'elles appliquent effectivement la loi. Il a enfin déploré que les procédures contractuelles négligent les centres villes, même lorsqu'ils sont en voie de paupérisation.

Déclarant ne pas s'associer aux conclusions du rapporteur pour avis, M. Daniel Reiner s'est étonné des critiques adressées à la politique de la ville qui suppose, a-t-il estimé, une coopération de tous les acteurs intéressés et qui leur impose de ne prendre que des positions mesurées et modestes sur ces sujets. Si les problèmes en suspens étaient faciles à résoudre, a-t-il souligné, il y a longtemps que les gouvernements qui se sont succédé y seraient parvenus.

En réponse au précédent orateur, M. Dominique Braye a souligné que c'est le Gouvernement au pouvoir qui avait, le premier, critiqué les ZFU et qui souhaitait, par le biais des politiques contractuelles, faire porter aux collectivités locales une part de responsabilité dans la faillite de la politique de lutte contre l'insécurité.

Après avoir constaté le caractère sensible et passionné du débat sur la politique de la ville, M. Gérard Larcher, président, a estimé que celle-ci était passée par trois phases distinctes depuis la fin des années 70, à savoir :

- la préoccupation relative au logement avec les opérations « habitat et vie sociale » (1978) ;

- le souci de l'animation sur le terrain avec les Assises de Bron (1989) ;

- la volonté de favoriser l'insertion par l'économique qui caractérisait le pacte de relance pour la ville (1996).

Il a souligné que désormais les problèmes de sécurité revêtaient une importance toute particulière, ajoutant que l'attitude des URSSAF et les difficultés rencontrées pour obtenir une évaluation des résultats des zones franches urbaines mériteraient une analyse plus approfondie, que le Sénat devrait mener. En concluant, il a indiqué qu'il convenait, en outre, de ne pas se désintéresser du sort de très petites communes qui rencontrent des difficultés spécifiques en matière d'insertion et de logement des populations précarisées qui sont rejetées par la ville.

Puis la commission a, suivant la proposition de son rapporteur pour avis,émis un avis défavorable sur les crédits de la ville inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002, les membres du groupe socialiste et ceux du groupe républicain et citoyen votant pour leur adoption.


Table des matières




Mardi 27 novembre 2001

- Présidence de M. Gérard Larcher, président.

IVe Conférence ministérielle de l'OMC - Audition de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur

La commission a procédé à l'audition, organisée conjointement avec la délégation pour l'Union Européenne, de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur la IVe Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce qui s'est tenue à Doha (Qatar), du 9 au 13 novembre 2001.

Evoquant les nombreux échos que la Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) continuait d'avoir dans la presse, M. François Huwart a jugé particulièrement nécessaire d'en dresser le bilan devant les sénateurs, deux semaines après son retour de Doha. Il a remercié pour leur participation active à la délégation française présente à Doha MM. Jacques Bellanger, Jean Bizet, Aymeri de Montesquiou et Claude Saunier. Il a également souligné que le Qatar s'était montré accueillant et efficace dans l'organisation de la Conférence, dans un contexte politique difficile.

Présentant le résultat de Doha comme le fruit du travail de tous ceux -dont l'Union européenne- qui avaient, depuis Seattle, oeuvré à la relance du multilatéralisme, M. François Huwart a souligné que l'accord de Doha portait sur l'ouverture d'un cycle large, porteur de développement et de régulation, et que la France pouvait se féliciter du succès de l'approche équilibrée qu'elle s'était attachée à défendre. Il a tenu également à saluer la détermination des négociateurs communautaires et, singulièrement, du commissaire Pascal Lamy. Le résultat de Doha, a-t-il jugé, est conforme aux objectifs de l'Union européenne, qui souhaitait une plus grande libéralisation, mais aussi une meilleure régulation du commerce international. Il a estimé que l'OMC s'en trouvait renforcée.

Il a souligné que « l'Agenda pour le développement », sur lequel les Etats membres de l'OMC se sont accordés à Doha, pouvait se lire comme un écho à l'initiative européenne pour un meilleur accès en faveur des pays les moins avancés (PMA). Cet Agenda pour le développement, a-t-il rappelé, a pris la forme de quatre textes : la déclaration sur la santé et les médicaments, la dérogation ACP (Pays Afrique/Caraïbes/Pacifique) une décision sur la mise en oeuvre des accords de Marrakech, et une série de dispositions spécifiques relatives aux programmes de travail et de négociation.

Il a déclaré que le texte assurant l'accès aux médicaments des pays les plus pauvres constituait l'un des plus grands motifs de satisfaction de la France, désireuse de résoudre le paradoxe cruel qui voulait que les médicaments soient au Nord et les malades, au Sud. Il s'est félicité de ce que l'accord final, tout en respectant les accords sur la propriété intellectuelle, autorise une interprétation du droit international des brevets conforme aux impératifs de santé publique.

Au sujet des pays ACP, le secrétaire d'Etat a salué la reconnaissance, par les membres de l'OMC, des préférences commerciales accordées par l'Union européenne à ces pays par la convention de Cotonou et le précieux crédit que l'Union européenne en avait retiré.

Evoquant ensuite les dispositions facilitant la mise en oeuvre des accords de Marrakech, il a précisé qu'elles s'accompagnaient d'un objectif d'accès sans restriction pour les produits des PMA et d'adhésion rapide des PMA candidats à l'OMC.

Enfin, s'agissant du texte relatif au programme de négociation, M. François Huwart a relevé qu'il prévoyait un traitement spécial et différencié pour les pays en développement (notamment dans le domaine agricole), des travaux sur des thèmes comme le lien entre commerce et dette ou entre commerce et transfert de technologies et sur la protection de savoirs traditionnels, une meilleure coopération technique et un renforcement du cadre intégré pour les PMA -lequel associe six organisations et agences internationales.

M. François Huwart a ensuite détaillé le cadre et le programme du nouveau cycle pluriannuel de négociations dont l'ouverture a été décidée à Doha.

Sur le dossier agricole, il a fait valoir que l'essentiel était préservé : ainsi, le rythme de réforme de la politique agricole commune (PAC) ne sera pas dicté par les négociations multilatérales et l'agriculture n'est pas assimilée à une marchandise ordinaire du fait qu'elle obéit à des impératifs de sécurité alimentaire, de développement rural, d'environnement et d'aménagement du territoire.

A propos des services, le secrétaire d'Etat s'est félicité de ce que le principe de négociation par listes positives permette de maîtriser leur ouverture. Il a souligné que le droit des Etats à réglementer les services publics était confirmé et que les services « sensibles » -éducation, santé, culture- se trouvaient préservés.

Enfin, au sujet des produits manufacturés, il a considéré que les PME exportatrices ou sous-traitantes des grands groupes exportateurs tireraient des bénéfices très directs de l'élimination d'un grand nombre de pics tarifaires qui subsistent.

M. François Huwart a ensuite attiré l'attention des sénateurs sur le renforcement des règles multilatérales programmé à Doha, qui permettra de rendre plus prévisible et plus sûr l'environnement juridique.

Les décisions prises sur l'investissement et la concurrence y contribuent, a-t-il estimé, et des travaux seront engagés dans le but de préparer la négociation d'un accord sur ces sujets à la 5e Conférence ministérielle. De même, il a noté que les accords sur l'anti-dumping et sur les subventions seraient soumis à réexamen. Il a, en outre, relevé que l'articulation entre l'OMC et la Convention sur la biodiversité, ainsi que la protection des savoirs traditionnels seraient examinées dans le cadre du Conseil des ADPIC (accords sur les droits de propriété intellectuelle dans le commerce). Evoquant l'établissement, par ce même Conseil, d'un registre mondial pour les vins et spiritueux, il a fait valoir que, conformément au souhait de l'Union européenne, l'extension de la protection des indications géographiques à d'autres produits serait mise à l'étude.

L'introduction des questions environnementales dans le texte adopté à Doha est apparue au secrétariat d'Etat comme une innovation et un réel succès pour l'Union européenne. Il a salué la nécessaire articulation, que de futures négociations vont devoir préciser, entre les règles de l'OMC et les obligations commerciales contenues dans les accords multilatéraux sur l'environnement (AME).

Dans cet esprit, M. François Huwart a appelé à une cohérence et à une coopération renforcée entre l'OMC et les organisations internationales concourant au développement durable ; à cet égard, si la déclaration de Doha encourage la coopération avec des institutions telles que celles de Bretton Woods, le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), les secrétariats des AME, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), il s'est dit déçu de sa timidité sur le dialogue entre l'OMC et l'Organisation internationale du travail (OIT), l'hostilité des pays en développement (PED) et des Etats-Unis ayant réduit l'OMC à seulement « prendre note » des travaux de l'OIT.

Evoquant le dialogue inter-institutionnel, il a estimé que son approfondissement supposait un renforcement et une plus grande légitimité de l'OMC dont ses membres étaient déjà convenus à Seattle. En la matière, il a enregistré trois progrès à Doha : l'universalité de l'OMC s'est trouvée renforcée par l'accession de la Chine et de Taïwan ; son efficacité aussi, grâce à l'amélioration du mécanisme de règlement des différends ; sa légitimité également, du fait de méthodes de travail renouvelées par rapport à Seattle et privilégiant la transparence.

Pour conclure, M. François Huwart a rappelé que, seul, un programme de travail avait été arrêté à Doha et que les résultats restaient à négocier. Il a relevé, à ce propos, que les ambiguïtés constructives et inévitables dans des déclarations du type de celle adoptée à Doha portaient en germe de futurs affrontements. Aussi a-t-il jugé que la cinquième conférence ministérielle, au second semestre 2003, représenterait une étape importante.

Si des accords anticipés sont possibles, il a précisé que, seul, l'engagement unique final, liant tous les sujets des négociations, garantirait leur cohérence globale. Estimant que l'évolution des rapports de force au sein de l'OMC orienterait les négociations futures, il a laissé entendre que l'isolement de l'Inde à Doha présageait le renforcement du rôle du Brésil, de l'Afrique du Sud et, désormais, de la Chine. Les pays africains, quant à eux, se rapprocheront plus encore du groupe des ACP et des PMA. Enfin, l'Union européenne est en mesure, selon lui, de faire progresser l'objectif d'une meilleure gouvernance commerciale. M. François Huwart s'est engagé à ce que la France continue de peser en ce sens au sein du Conseil.

M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, s'est réjoui de l'obtention d'un accord à l'issue de la Conférence de Doha, dans un contexte de ralentissement économique. Evoquant le séjour en Chine effectué par M. François Huwart à la suite de la Conférence de Doha, il lui a demandé s'il estimait que la Chine, riche de 1,3 milliard d'habitants dont 800 millions d'agriculteurs et profitant surtout de ses exportations, s'apprêtait à prendre des mesures afin de se préparer à la nouvelle donne issue de son accession à l'OMC.

M. François Huwart a précisé que l'adhésion de la Chine à l'OMC était vécue comme un événement majeur par ses autorités politiques, mais également par une grande majorité du peuple chinois. Il a souligné que l'accession à l'OMC constituait pour la Chine un véritable pari et avait été l'occasion d'un vrai débat politique. Il a rappelé que la première négociation en vue de cette adhésion avait échoué sous la présidence de M. Bill Clinton. Parvenus aujourd'hui à un accord sur les bienfaits d'une ouverture supplémentaire, les Chinois sont évidemment conscients, a-t-il noté, d'avoir à prendre des mesures. Il a fait valoir que la Chine représentait des perspectives de marché tout à fait importantes pour les entreprises françaises -en matière de services, de distribution...- et que la réciprocité commerciale ne serait pas chose facile pour la Chine.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, a souhaité poser quatre questions au secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Il lui a d'abord demandé s'il avait eu le sentiment que l'Union européenne avait existé à Doha et si ses quinze Etats membres, ou même les pays candidats à l'adhésion, étaient parvenus à afficher une position commune. Au sujet du textile, il a souhaité s'assurer que le secrétaire d'Etat au commerce extérieur avait le souci de ménager les intérêts de nos producteurs. Il a également tenu à aborder l'actualité du dossier culturel, rappelant que l'identité culturelle européenne avait peiné à s'affirmer à Seattle et occasionné de nombreux débats. Enfin, évoquant la réticence des pays en développement sur l'environnement, sujet dont il a souligné la complexité en raison du refus américain de ratifier le protocole de Kyoto, il a désiré savoir si M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, considérait qu'il y avait un espoir de voir rapidement progresser les aspects environnementaux, au-delà de leur très timide inscription dans la déclaration des pays membres de l'OMC à Doha.

En réponse à M. Hubert Haenel, M. François Huwart a confirmé que l'Europe avait donné à Doha un visage d'unité. Il a précisé que le Conseil Affaires générales siégeait plusieurs fois par jour et que le Commissaire européen faisait régulièrement état de l'avancement des négociations devant les Etats membres. Soulignant la flexibilité de certains pays et la fermeté de certains autres, il a estimé que la France avait contribué à ce que la ligne du mandat de négociation soit fermement tenue. Il s'est félicité des nombreux et fructueux contacts bilatéraux et du bon fonctionnement de l'ensemble du processus de négociations.

Au sujet du textile, il a dit ne pas ignorer l'émotion de la profession face aux difficultés qui auraient pu naître de la Conférence de Doha, pour un secteur riche en main-d'oeuvre et déjà frappé par des ouvertures successives. Rappelant que le problème des quotas était le plus sensible, il s'est félicité qu'il n'ait finalement pas été abordé à Doha et qu'il n'ait pas été question de prise en compte cumulative de l'évolution des quotas « growth and growth ». Il a tenu à garantir qu'il s'évertuerait à équilibrer par des accès supplémentaires aux marchés tout effort supplémentaire qui pourrait être demandé à ce secteur.

S'agissant de la culture, il a jugé que ce sujet était apaisé et que la France pouvait être pleinement rassurée sur l'agenda de négociations. Il a toutefois déclaré qu'il resterait vigilant, puisque cet apaisement pourrait être remis en cause, à terme, si un nombre important de pays offraient de libéraliser leur secteur culturel.

M. François Huwart a convenu que les résultats des négociations sur l'environnement étaient modestes, mais ils lui ont paru satisfaisants au regard de la situation prévalant avant Doha.

M. Michel Bécot, rapporteur pour avis sur le budget du commerce extérieur, a souligné qu'un acte majeur de la Conférence de Doha, dont l'Union européenne pouvait se féliciter, était d'avoir ouvert l'accès aux médicaments pour les pays en développement. Il s'est toutefois inquiété du risque persistant que ces pays réexportent les médicaments acquis avantageusement et a souhaité savoir par quels moyens ce risque pourrait être encadré efficacement.

Soulignant l'importance des investissements directs de la France à l'étranger, il a appelé à un renforcement rapide des règles visant à protéger l'investissement. Il s'est demandé si les négociations que l'accord de Doha prévoyait d'ouvrir sur ce sujet, d'ici deux ans, avait des chances d'aboutir, alors même que la négociation sur l'accord multilatéral pour l'investissement s'était soldée par un échec.

Enfin, évoquant l'opacité du fonctionnement de l'organe de règlement des différends et la véritable jurisprudence mondiale que ce dernier construisait progressivement, il s'est interrogé sur les raisons de la lenteur de sa réforme et sur la nature des obstacles qui l'empêchaient de fonctionner dans une plus grande transparence.

En réponse, M. François Huwart a convenu que l'accès aux médicaments représentait un acquis majeur de la Conférence de Doha, même s'il a rappelé que les questions de santé publique avaient déjà été abordées dans un panel portant sur l'amiante, prouvant ainsi qu'il existait à l'OMC une potentialité de régulation. Il a reconnu nécessaire de s'assurer que les médicaments fabriqués à bas prix iraient effectivement aux soins des populations qui en avaient besoin et a déclaré qu'il faudrait prévoir un financement public pour rendre effectif l'accompagnement des thérapies. N'ignorant pas le risque de réexportation, il s'est dit décidé à oeuvrer à sa meilleure maîtrise.

Au sujet des règles relatives à l'investissement et à la concurrence, il a expliqué que l'attitude de l'Inde à Doha avait nécessité un délai de deux ans, qui serait mis à profit pour convaincre les pays en développement de la nécessité de telles règles et pour leur fournir la capacité, par une assistance technique renforcée, d'affronter ces nouvelles réglementations. Convenant qu'il était essentiel de sécuriser nos investissements à l'étranger, il a aussi insisté sur l'intérêt que les pays en voie de développement trouveraient à se doter de moyens leur évitant d'être à la merci de multinationales trop puissantes.

Concernant l'organe de règlement des différends, M. François Huwart a tenu à souligner qu'il avait « l'immense mérite d'exister ». Il s'est ensuite déclaré convaincu de la nécessité de professionnaliser ses juges et de travailler à transformer sa construction essentiellement jurisprudentielle en des règles admises par consensus des pays membres.

M. Marcel Deneux a abordé plusieurs questions. Faisant allusion à l'accord négocié entre l'Union européenne et le Pakistan quelques jours avant la Conférence de Doha, il s'est dit moins rassuré sur le textile que M. François Huwart, et lui a fait part de l'inquiétude de la Fédération des industries textiles de son département de Picardie. En matière agricole, il a relevé que le consensus avait tenu aux six mots rajoutés à la déclaration finale et s'est félicité des progrès de l'idée de multifonctionnalité et de la reconnaissance de la spécificité de l'agriculture.

Il s'est également interrogé sur le fait de savoir si l'échec de l'inscription de la dimension sociale dans la déclaration de Doha signifiait une impasse pour toute la durée du cycle à venir. Relevant le changement de comportement de certaines organisations non gouvernementales (ONG), il a enfin demandé au secrétaire d'Etat au commerce extérieur s'il avait le sentiment que les thèses anti-mondialistes connaissaient un certain essoufflement.

M. Jean Bizet est intervenu pour confirmer l'excellente atmosphère dans laquelle s'étaient déroulées les négociations. Sur la question de l'accès aux médicaments, dont il s'est félicité pour des raisons humanistes, il a tenu à souligner l'importance de la réaffirmation à Doha de la notion de brevet et a salué les opportunités que la libéralisation ouvrait pour l'industrie pharmaceutique.

En matière agricole, il s'est interrogé sur le sens de la notion de « multifonctionnalité », clef de la loi d'orientation agricole votée l'an dernier, et sur celui du qualificatif « substantiel » retenu dans l'agenda élaboré à Doha. Il a enfin demandé au secrétaire d'Etat au commerce extérieur si les prochaines négociations conduiraient les Etats-Unis à mettre à plat leurs subventions déguisées à l'agriculture.

Après avoir souligné le caractère extraordinaire de l'OMC, dont les décisions reposaient sur le vote unanime de 142 pays, il a jugé important de développer la communication et l'information à l'adresse du Parlement comme de la société civile et déploré notamment que l'ORD soit le lieu de débats d'experts.

M. Gérard Larcher, président, a abondé dans ce sens et annoncé la relance des activités du groupe de travail sur l'OMC, commun à la commission des affaires économiques et à la délégation pour l'Union européenne.

Mme Hélène Luc a tenu à attirer l'attention sur plusieurs aspects de la conférence de Doha : elle a relevé combien laborieuse avait été l'obtention d'un accord à Doha pour libéraliser un peu plus le commerce mondial, deux ans après l'échec de Seattle, et a rappelé que les ONG avaient organisé en France, simultanément à la conférence de Doha, quelques manifestations. Si elle a reconnu que l'accès des pays pauvres aux médicaments constituait une ouverture importante, elle s'est inquiétée de l'évolution de plusieurs sujets : l'exception culturelle -à propos de laquelle elle a partagé les craintes exprimées par M. Hubert Haenel-, le secteur textile et l'agriculture. Sur ce dernier point, elle a mis l'accent sur l'intensité des débats entre les Etats-Unis et l'Europe et s'est félicitée de ce que l'Union européenne ait tenu bon, préservant le rythme de réforme fixé dans l'Agenda 2000, d'autant plus que le Royaume-Uni et l'Allemagne, a-t-elle précisé, ne refusaient pas la suppression des aides à l'exportation de produits agricoles. Se référant à la mauvaise volonté dont les Américains, soutenus par le groupe de Cairns, faisaient preuve -selon elle-, alors que le montant de leur soutien aux exportations agricoles avait été multiplié par six ces dernières années, elle a partagé l'inquiétude légitime des organisations agricoles, inquiétude que l'élargissement aux pays d'Europe de l'Est ne peut que renforcer.

En réponse aux intervenants, M. François Huwart a partagé l'analyse de Mme Hélène Luc sur la difficulté d'aboutir à un accord à 142 pays. Reprenant l'image utilisée par un journal anglo-saxon, il a estimé que l'exercice était aussi délicat que de «bâtir un château de cartes sur un cheval au galop ». Il a souhaité que la pugnacité de l'Union européenne se maintienne dans l'avenir. Après avoir évoqué les contacts réguliers qu'il avait entretenus à Bercy avec le Parlement et les ONG, il a annoncé la mise en place d'un comité plus institutionnalisé de suivi des négociations.

Au sujet du textile, il a fait part de son soulagement à l'issue de la conférence. Il a fait observer que l'accord avec le Pakistan, initié par la Commission européenne, n'avait pas encore été validé par les Etats membres et que cet accord, très spécifique, s'inscrivait dans un contexte international particulier, ce qui ne le rendait nullement transposable à d'autres pays.

Revenant sur l'agriculture, M. François Huwart a jugé que le résultat obtenu était protecteur puisque la phrase finalement retenue dans la déclaration de Doha -phrase complexe au demeurant- ne préjuge pas du rythme d'évolution de la politique agricole commune, n'imposant ni calendrier, ni résultats. Il a noté, en outre, que cette phrase s'appliquait désormais à l'accès au marché comme au montant des subventions et que deux inquiétudes se trouvaient ainsi levées. Après avoir rappelé que la question des soutiens internes américains, peu transparents et fortement croissants, avait été posée par la conférence de Doha, il a insisté sur l'aisance avec laquelle l'Union européenne se devait d'aborder le dossier, puisqu'elle avait appliqué, même au-delà, les accords de Marrakech -les subventions aux exportations agricoles, qui représentaient 50 % du budget communautaire, n'en représentant plus que 10 %. Il a toutefois convenu que l'agriculture européenne subissait aujourd'hui une double pression, en raison de l'élargissement de l'Union européenne et des crises relatives à la sécurité alimentaire.

Concernant les médicaments, M. François Huwart s'est rallié à la remarque de M. Jean Bizet, estimant qu'il n'aurait pas été souhaitable de démanteler les accords ADPIC relatifs à la propriété intellectuelle. A cet égard, il a précisé que l'avancée considérable obtenue par les PVD se limitait aux cas d'urgence et à une liste précisément définie de pandémies.

Au sujet des droits sociaux, il a déclaré avoir espéré, comme M. Marcel Deneux, un meilleur résultat mais s'être heurté à l'hostilité farouche des PVD, qui y lisaient un protectionnisme déguisé. L'ambition affirmée des organisations syndicales françaises et européennes de faire progresser les droits sociaux, si elle s'accompagne d'un dialogue de ces organisations avec leurs partenaires internationaux, représente, à ses yeux, une chance de progrès pour ce dossier délicat.

Evoquant les ONG, il a fait valoir qu'elles étaient représentées à Doha, même si leur présence était assez encadrée. Il a déclaré avoir entretenu un dialogue quotidien avec les ONG, dont il a relevé l'évolution : depuis le sommet de Porto Alegre, il a cru noter que, délaissant la contestation en bloc, ces organisations avaient adopté une démarche nouvelle, prenant en considération le fait que les institutions internationales, sous réserve qu'elles s'améliorent, pouvaient être le lieu d'avancées substantielles.

A propos de l'exception culturelle, il a réaffirmé sa vigilance. S'il a confirmé que Doha n'avait pas donné lieu à une modification des règles dans le sens d'une « marchandisation » de la culture, il a toutefois fait observer que la donne pouvait changer du fait du fonctionnement par listes positives des négociations sur les services. Il lui a semblé, malgré tout, que l'idée de diversité culturelle avait progressé dans de nombreux pays africains ou asiatiques depuis la conférence de Seattle et s'est donc déclaré optimiste.

En réponse à Mme Hélène Luc, il a convenu que Doha signifiait, certes, l'ouverture d'un cycle de libéralisation supplémentaire, mais il a souligné deux inflexions lors de cette conférence ministérielle : une meilleure prise en compte des demandes des PVD et des PMA, et une avancée des thèmes de la régulation, désormais inscrits dans l'agenda de l'OMC (environnement, médicaments...). Ces inflexions lui ont paru concourir à un processus plus équilibré de mondialisation.

Mme Maryse Bergé-Lavigne est revenue sur le souci, exprimé par M. Jean Bizet, de mieux expliquer aux opinions publiques la nature et la fonction de l'OMC et s'est prononcée, à son tour, pour une information régulière. Se faisant l'écho des interrogations du public, elle s'est demandé dans quel but l'OMC cherchait à réguler le commerce mondial et si avait été fait un bilan des échanges commerciaux à travers le monde. Si l'objectif était de réduire les inégalités entre les pays, il lui a semblé loin d'être atteint.

M. Claude Saunier a exprimé son sentiment que des décisions de portée considérable pouvaient être prises dans des conférences comme celles de Doha et qu'elles n'étaient pas toujours les plus médiatisées, en raison de leur technicité. Ayant eu l'impression que « planait à Doha l'ombre du 11 septembre », il a fait observer que les conclusions de Doha auraient été certainement différentes sans l'interférence de cet événement politique et y a vu la preuve que le commerce ne pouvait se dissocier du politique, ce qui laissait anticiper un poids croissant des opinions publiques sur les négociations. Si l'Union européenne s'est voulue le fer de lance de la régulation à Doha, M. Claude Saunier a noté que cette ambition exigeait de lever quelques ambiguïtés dans les relations que l'Europe entretenait avec les PVD : ainsi, dans le domaine agricole, il a noté que le soutien européen aux exportations agricoles pénalisait indirectement l'accès des PVD au marché. Il a, en outre, fait part de son inquiétude face au risque majeur que présenterait un monde tributaire, pour son alimentation, de quelques rares ensembles régionaux. Globalement, la conférence de Doha lui a paru ouvrir des opportunités, mais il a insisté sur l'importance cruciale de chaque négociation à venir.

M. Jacques Bellanger a souhaité rappeler que l'acquis majeur de l'OMC était d'avoir substitué le multilatéralisme au bilatéralisme et d'avoir ainsi contribué à mettre fin à la loi du plus fort.

M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques, a interrogé le ministre sur la conception américaine du multilatéralisme et sur son évolution récente. Il l'a également prié de revenir sur les enjeux des négociations prochaines relatives aux services, sur lesquels le Conseil économique et social vient de se pencher, dans un avis présenté par M. Ailleret.

En réponse, M. François Huwart est revenu sur la place et le rôle de l'OMC. Il a jugé que l'importance de l'organisation tenait à la fois à son champ de compétences -les échanges commerciaux- et à son mécanisme original de règlement des différends. Il a déclaré refuser de confiner l'OMC dans son domaine, en se défendant toutefois de vouloir en faire une organisation omnipotente, et a estimé que l'avenir de la gouvernance mondiale passait par une plus grande cohérence des institutions internationales. Il a fait valoir que le développement ne pouvait se faire sans une ouverture commerciale, laquelle avait permis d'accroître la richesse mondiale et d'élever le niveau de vie de l'ensemble des pays, évalué selon les critères onusiens, mais avait également creusé les écarts entre les pays, l'Afrique se trouvant en voie de marginalisation dans le commerce mondial. Mais le développement, a-t-il souligné, exige aussi des initiatives en matière de gestion de la dette et d'aide au développement... En réponse à Mme Maryse Bergé-Lavigne, il a relevé que le bilan qu'elle souhaitait, tout juste esquissé, existait donc mais qu'il devait être « fait en marchant », dans une visée prospective. Une ouverture commerciale bien gérée devrait, a-t-il affirmé, profiter aux PVD.

Au sujet de l'agriculture, M. François Huwart a rejoint M. Claude Saunier en évoquant les critiques adressées par certains pays à l'Union européenne, qui contestent la légitimité des subventions européennes à l'exportation, jugées déloyales au regard de la concurrence. Sans méconnaître un certain fondement à de telles critiques, il les a considérées difficilement acceptables, au regard de notre propre agriculture. Relevant l'hétérogénéité du groupe de Cairns, qui réunit des pays pauvres et d'autres à agriculture intensive, il a espéré convaincre certains de ses membres des risques d'une « marchandisation » de l'agriculture.

Il a également confirmé son soutien à l'idée qu'il fallait expliquer l'OMC et souligné la capacité de relais que représentaient les parlements vers l'opinion publique. Il a toutefois noté qu'aucun des pays membres de l'OMC n'était prêt à substituer l'intervention d'une opinion publique non organisée à la souveraineté des Etats.

En réponse aux questions du président Gérard Larcher, M. François Huwart a confirmé que les événements du 11 septembre avaient modifié l'approche américaine du multilatéralisme. Il lui a semblé que les Etats-Unis, tout en conservant un esprit unilatéraliste, s'engageaient dans une pratique multilatéraliste, dont ils percevaient la nécessité, dès lors qu'ils souhaitaient rallier sur leur puissance économique un capital de sympathie.

Au sujet des services, il a rappelé l'importance de ce secteur pour la France, qui en est le troisième pays exportateur. Soulignant les vraies opportunités offertes en la matière par la conférence de Doha, il les a analysées comme un enjeu majeur des prochaines négociations. Il a jugé que les services publics ne se trouvaient pas menacés aujourd'hui à l'OMC, en raison du mode de fonctionnement des négociations y afférentes, et précisé que d'éventuelles inquiétudes sur nos services publics devaient nous amener à les défendre d'abord à l'échelon communautaire.

M. Gérard Larcher, président, a rapproché cette dernière assertion de M. François Huwart de la phrase finalement retenue à Doha au sujet de l'agriculture.

Mercredi 28 novembre 2001

- Présidence de M. Gérard Larcher, président.

PJLF pour 2002 - Crédits consacrés à la ville - Examen du rapport pour avis

La commission a examiné le rapport pour avis de M. Pierre André sur les crédits consacrés à la ville dans le projet de loi de finances pour 2002.

Après avoir rendu hommage aux travaux du président Gérard Larcher sur la politique de la ville, M. Pierre André, rapporteur pour avis, a indiqué que l'ensemble des fonds publics (Union européenne, Etat, collectivités locales et établissements publics), inscrits au « jaune » budgétaire s'élevaient à 7 milliards d'euros, en hausse de 4 %. Il a souligné que les crédits d'Etat ne dépassaient pas 3,57 milliards d'euros, soit moins de 50 % du budget total, avant d'observer que les collectivités locales assumaient, à elles seules, près de 16 % des dépenses en faveur de la politique de la ville. Il s'est interrogé sur l'équilibre entre les transferts de compétences et les transferts de charges opérés par l'Etat au fil des ans dans ce domaine très sensible.

Evoquant les dépenses qui correspondent à des exonérations fiscales et sociales, -dont le montant total se serait élevé à 655 millions d'euros en 2000 avant de s'établir aux alentours de 788 millions d'euros en 2001 et 2002-, le rapporteur pour avis s'est interrogé sur les modalités de calcul des évaluations soumises au Parlement. Les montants estimés, de façon prospective ou rétrospective, pour un même exercice, varient, a-t-il observé, de façon très importante, si bien que le Parlement ne connaît pas leur montant véritable.

Faisant état d'une enquête réalisée par la délégation interministérielle à la ville (DIV) selon laquelle « l'effet levier des crédits spécifiques de la politique de la ville [jouerait] pleinement son rôle sur ceux des collectivités locales », M. Pierre André, rapporteur pour avis, a estimé qu'un tel raisonnement était dangereux, car il impliquait que seules les communes les plus riches pourraient mener des opérations en partenariat avec l'Etat, au détriment de villes les plus défavorisées. Au total, a-t-il jugé, on pourrait considérer que l'Etat puise des ressources chez ses partenaires, ce qui conduit à s'interroger sur la « virtualité » ou la réalité des sommes inscrites au budget.

Abordant la situation des zones franches urbaines (ZRU), le rapporteur pour avis a considéré qu'elles s'étaient révélées particulièrement efficaces, car elles s'étaient inscrites dans une dynamique de développement et que les acteurs locaux avaient su mettre en place une stratégie globale d'accompagnement des entreprises, d'accès à l'emploi pour les habitants et de revitalisation des quartiers. Puis il a rappelé que, selon l'Association nationale des villes « zones franches », ces zones avaient permis de créer 50.000 emplois, de sorte que les objectifs fixés par le législateur, en 1996, étaient largement dépassés. Il a déploré que l'exécutif ne s'avère pas capable de fournir une situation précise du nombre d'emplois et d'entreprises créés.

En présentant l'état d'avancement de la restructuration des quartiers en difficulté, le rapporteur pour avis a, tout d'abord, mentionné la démolition puis la reconstruction de 6.107 logements en 2000. Il a précisé que l'objectif était de démolir 10.000 logements en 2001, grâce à une enveloppe de 500 millions de francs, et 15.000 autres en 2002. Puis il a souhaité que le Gouvernement rende public un échéancier des démolitions envisagées dans les années à venir, ainsi qu'une évaluation du coût total de ces opérations.

Evoquant ensuite l'activité de l'établissement public de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), M. Pierre André, rapporteur pour avis, a rappelé les vicissitudes qui avaient marqué les débuts de cet organisme. En comparant le montant total cumulé des charges de personnel et celui des investissements réalisés, il a estimé que le bilan d'activité de l'EPARECA était médiocre, d'autant que le nombre des dossiers traités demeurait insuffisant. Il a souhaité savoir pourquoi cet établissement public ne parvenait pas à répondre à la mission confiée par le législateur, ainsi que les mesures que le Gouvernement entendait prendre, en qualité d'autorité de tutelle, pour remédier à une situation inacceptable que le Parlement critiquait depuis plusieurs années.

Puis le rapporteur pour avis s'est intéressé aux diverses politiques sectorielles qui sous-tendent la politique de la ville.

Rappelant que la préservation de la sécurité constituait « une mission fondamentale de l'Etat », il a fait état des dernières décisions prises par le Conseil de sécurité intérieure afin de renforcer les effectifs destinés à la mise en oeuvre des contrats locaux de sécurité (en ce qui concerne tant les « adultes-relais » affectés dans des espaces publics, que les adjoints de sécurité employés par la police nationale ou les agents de médiation sociale affectés notamment dans les transports). Il a considéré que si cet accroissement constituait un complément utile à l'action des services de police, il ne saurait pallier le manque de moyens dont souffre la police nationale. Aussi est-il nécessaire, a-t-il déclaré, de procéder à un renforcement rapide de ces moyens, notamment dans les quartiers sensibles où des agents chevronnés doivent être affectés.

Insistant sur la nécessité de lutter contre la délinquance juvénile, il a réclamé que des moyens suffisants soient dévolus à la justice, qu'il s'agisse du nombre de magistrats ou de celui des personnels chargés de la protection judiciaire de la jeunesse.

Il s'est enfin intéressé à la dimension sociale de la politique de la ville, et notamment aux programmes d'aide aux chômeurs de longue durée et à ceux concernant les jeunes.

S'agissant des mesures en faveur des chômeurs de longue durée, il a insisté sur la nécessité de remédier au handicap que constitue la faible « employabilité » de ces personnes dont les conditions de vie sont souvent précarisées. Il a fait le point sur les résultats des programmes « nouveaux services », « nouveaux emplois », et sur ceux des contrats « emploi-solidarité » et « emploi consolidé » ainsi que sur l'activité des entreprises d'insertion. En ce qui concerne la lutte contre le chômage des jeunes, il a déploré -sans méconnaître leur intérêt- que les « emplois jeunes » n'aient pas permis de créer des emplois durables, sauf à ce que ceux-ci soient financés par l'Etat.

Evoquant enfin la politique de l'éducation, il a souligné que celle-ci passait par un renforcement des moyens de l'éducation nationale dans les quartiers en difficulté et par une plus grande concertation tous les partenaires intéressés, seule de nature à obtenir une plus grande efficacité.

Après avoir félicité le rapporteur pour avis, M. Dominique Braye a évoqué la situation dans les zones franches urbaines, créées pour être un outil de reconquête des quartiers sensibles en permettant à leurs habitants de se réinsérer dans la vie professionnelle. Ces zones ont permis, a-t-il estimé, « une vraie réussite », à l'instar de celle de Mantes-la-Jolie où 50 % des nouveaux emplois sont occupés par des jeunes issus de quartiers en difficulté. Ainsi, a-t-il ajouté, que l'apaisement des tensions sociales au Val Fourré procède, pour une large part, de l'amélioration de la situation économique de ses habitants. Evoquant la situation du logement, M. Dominique Braye a indiqué que dans certaines tours, le taux de vacance des appartements atteignait 40 %, nul ne voulant y habiter. C'est pourquoi, a-t-il ajouté, il est souhaitable d'accroître le nombre de démolitions de logements afin de permettre aux futurs occupants de logements reconstruits de s'insérer dans un « parcours résidentiel ascendant ».

Il a souligné qu'il ne saurait y avoir de mixité sociale sans sécurité, ce qui posait, à côté de problèmes très concrets (tels que la nécessité de créer des garages pour y abriter les voitures au pied des immeubles) celui des moyens dévolus à la police et surtout à la justice.

Evoquant la mise en oeuvre des contrats de ville, il s'est insurgé contre la confusion des crédits de fonctionnement et d'investissement sur laquelle reposent ces contrats avant de signaler que le département des Yvelines avait, de ce fait, refusé de conclure un tel contrat avec l'Etat.

Puis il a fait part de sa vive préoccupation relative à la carence de l'Etat qui ne fait pas face à ses obligations en matière de financement des plans locaux d'insertion par l'économique. Sur ce sujet, a-t-il observé, l'Union Européenne a des exigences moins strictes que l'exécutif, qui n'accepte de verser de subventions qu'une fois les actions menées à bien, ce qui contraint les collectivités locales à préfinancer l'ensemble des dépenses relatives à ces plans.

Il a enfin critiqué les conditions dans lesquelles les crédits du Fonds européen de développement régional (FEDER, « objectif 3 ») ont parfois été distribués, plus en fonction des sympathies que des besoins réels.

En réponse, M. Pierre André, rapporteur pour avis s'est à nouveau dit convaincu de l'intérêt des zones franches urbaines, et a en outre souligné les limites d'une évaluation qui s'intéresserait exclusivement à des aspects économiques, à l'exclusion de toute considération sociale. Il a fait état de l'attitude soupçonneuse des services chargés du recouvrement des cotisations sociales et fiscales à l'encontre des entreprises installées en ZFU. S'agissant de la politique contractuelle, il a déploré que l'Etat impose aux collectivités locales, par ce biais, le financement de politiques qui relèvent, en réalité, de sa seule compétence , à l'instar du maintien de la sécurité.

Après s'être associé aux compliments adressés au rapporteur pour avis, M. Jean-Paul Alduy a estimé que le postulat qui sous-tendait les zones franches, selon lequel l'exclusion économique entraînait l'exclusion sociale, gardait toute sa validité, de même que la politique de « discrimination positive ». Ayant déploré l'attitude des URSSAF à l'encontre des entreprises installées dans les ZFU, il a rappelé que si un « emploi-jeune », dont le caractère précaire est avéré, coûtait 90.000 francs par an, un contrat à durée indéterminée conclu dans une de ces zones était estimé à 60.000 francs.

Il s'est enfin associé aux critiques du rapporteur pour avis sur les politiques contractuelles, tout en nuançant celles émises par un précédent intervenant au sujet de la fongibilité des crédits d'investissement et de fonctionnement. Il est regrettable, a-t-il noté, que les diverses procédures de planification (schémas de cohérence territoriale, plans locaux de l'habitat) et de contractualisation (contrats d'agglomération, contrats de ville, grands projets urbains) soient caractérisées par une série d'incohérences majeures, voire par des procédures de sélection quasi « clandestines ». En concluant, il a souscrit aux observations de M. Dominique Braye au sujet des plans locaux d'insertion par l'économique.

M. Pierre Hérisson s'est, d'une part, déclaré préoccupé des conditions dans lesquelles les URSSAF interprètent la loi et, d'autre part, des problèmes qui surviennent dans les collectivités locales qui sont astreintes à verser une contribution au titre du non-respect des objectifs fixés par la loi « SRU », alors même que le manque de foncier les met parfois dans l'impossibilité de construire de nouveaux logements sociaux.

M. Pierre André, rapporteur pour avis, s'est déclaré particulièrement attaché au maintien de la « mixité économique » dans les quartiers en difficulté, avant de souligner que la création des ZFU avait aussi, en suscitant une activité économique, donné lieu à des rentrées fiscales pour l'Etat. S'agissant de l'attitude des URSSAF, il a souhaité que des dispositions soient prises pour qu'elles appliquent effectivement la loi. Il a enfin déploré que les procédures contractuelles négligent les centres villes, même lorsqu'ils sont en voie de paupérisation.

Déclarant ne pas s'associer aux conclusions du rapporteur pour avis, M. Daniel Reiner s'est étonné des critiques adressées à la politique de la ville qui suppose, a-t-il estimé, une coopération de tous les acteurs intéressés et qui leur impose de ne prendre que des positions mesurées et modestes sur ces sujets. Si les problèmes en suspens étaient faciles à résoudre, a-t-il souligné, il y a longtemps que les gouvernements qui se sont succédé y seraient parvenus.

En réponse au précédent orateur, M. Dominique Braye a souligné que c'est le Gouvernement au pouvoir qui avait, le premier, critiqué les ZFU et qui souhaitait, par le biais des politiques contractuelles, faire porter aux collectivités locales une part de responsabilité dans la faillite de la politique de lutte contre l'insécurité.

Après avoir constaté le caractère sensible et passionné du débat sur la politique de la ville, M. Gérard Larcher, président, a estimé que celle-ci était passée par trois phases distinctes depuis la fin des années 70, à savoir :

- la préoccupation relative au logement avec les opérations « habitat et vie sociale » (1978) ;

- le souci de l'animation sur le terrain avec les Assises de Bron (1989) ;

- la volonté de favoriser l'insertion par l'économique qui caractérisait le pacte de relance pour la ville (1996).

Il a souligné que désormais les problèmes de sécurité revêtaient une importance toute particulière, ajoutant que l'attitude des URSSAF et les difficultés rencontrées pour obtenir une évaluation des résultats des zones franches urbaines mériteraient une analyse plus approfondie, que le Sénat devrait mener. En concluant, il a indiqué qu'il convenait, en outre, de ne pas se désintéresser du sort de très petites communes qui rencontrent des difficultés spécifiques en matière d'insertion et de logement des populations précarisées qui sont rejetées par la ville.

Puis la commission a, suivant la proposition de son rapporteur pour avis,émis un avis défavorable sur les crédits de la ville inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002, les membres du groupe socialiste et ceux du groupe républicain et citoyen votant pour leur adoption.