Table des matières




Mardi 8 octobre 2002

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

Energie - Marchés énergétiques - Audition de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur le projet de loi relatif aux marchés énergétiques

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur le projet de loi n° 406 (2001-2002) relatif aux marchés énergétiques.

Mme Nicole Fontaine a tout d'abord rappelé que le projet de loi relatif aux marchés énergétiques avait pour principal objet de transposer en droit français la directive communautaire relative aux règles communes du marché intérieur du gaz naturel. Après avoir constaté à regret que la France détenait le record du plus important retard en matière de transposition du droit communautaire, elle a affirmé qu'elle souhaitait remédier à cette situation s'agissant des domaines dont elle avait la charge.

Puis elle a insisté sur la nécessité de transposer de manière urgente la directive de 1998, évoquant, d'une part, les procédures en cours contre la France devant la Cour de justice des communautés européennes en raison de son retard, d'autre part le handicap que constitue l'absence d'ouverture légale du marché français pour le développement de Gaz de France (GDG), qui se voit, de ce fait, refuser des prises de participation dans les entreprises nationales des autres Etats membres.

Ayant fait observer qu'une transposition par ordonnance aurait été envisageable, elle a mis l'accent sur la volonté du Gouvernement de respecter les prérogatives du Parlement, compte tenu du caractère à la fois symbolique et politique du dossier. Rendant, à cet égard, hommage aux travaux réalisés sur ce thème par le Sénat, elle a également remercié le rapporteur pour la diligence et l'efficacité avec laquelle il avait procédé à l'examen du projet de loi.

Abordant ensuite le contexte général du projet de loi, elle a expliqué qu'il s'inscrivait dans un ensemble plus vaste de réformes tendant à refonder la politique énergétique française, dans un contexte marqué, à la fois, par la libéralisation des marchés, par l'importance croissante des problèmes environnementaux et par les menaces permanentes pesant sur la sécurité des approvisionnements. Elle a alors rappelé que, face à cette situation, les objectifs du Gouvernement visaient à :

- poursuivre et encadrer la libéralisation des marchés de l'énergie, en veillant à une coexistence équilibrée entre concurrence et service public ;

- donner les moyens à Electricité de France (EDF) et à GDF de devenir deux grandes entreprises nationales, en procédant à une ouverture minoritaire de leur capital qui leur permettrait de lier des alliances et d'accéder à un financement moins risqué que l'endettement, sans pour autant remettre en cause le statut des agents et en offrant toutes les garanties nécessaires à leur système de retraites ;

- doter la France d'une loi d'orientation sur l'énergie, permettant de définir les grands axes de la politique énergétique en matière de nucléaire, d'énergies renouvelables, de maîtrise de la sécurité et d'approvisionnement de l'énergie. Le projet de loi relatif aux marchés énergétiques constitue, a-t-elle poursuivi, la première étape de ce programme.

Puis Mme Nicole Fontaine a détaillé le contenu du projet de loi. Indiquant que l'ouverture progressive à la concurrence du marché gazier français devait contribuer à la constitution d'un marché européen unique de l'énergie, elle a considéré que cette libéralisation devait s'accompagner d'une régulation. C'est en ce sens, a-t-elle expliqué, que le projet de loi, d'une part, impose des obligations de service public à tous les acteurs de la filière gazière, d'autre part, instaure une autorité de régulation dotée de pouvoirs étendus. Elle a précisé que les dispositions du projet de loi allaient, sur ces deux points, plus loin que ce qu'exige la directive.

Détaillant les trois dispositions principales du projet de loi, elle a, en premier lieu, évoqué le principe de la libéralisation progressive du marché de la fourniture de gaz naturel, qui prévoit :

- la reconnaissance aux clients dont la consommation excède un certain seuil -soit, en pratique, 450 sites industriels représentant 28 % de la consommation nationale- du droit de choisir librement leur fournisseur de gaz, droit qui sera étendu aux clients professionnels en 2004. Cette liberté de choix du fournisseur est également accordée à tous les cogénérateurs et à la majorité des 17 distributeurs non nationalisés S'agissant, en revanche, de l'ouverture du marché aux ménages, la position française est de n'y procéder qu'à condition qu'un bilan positif ait été, au préalable, tiré de l'ouverture aux professionnels, de sorte que la fourniture de gaz aux ménages reste assurée par GDF ou par les distributeurs non nationalisés ;

- l'ouverture de l'activité de fourniture à l'ensemble des entreprises européennes titulaires d'une autorisation délivrée par l'Etat en fonction de leurs capacités techniques, économiques et financières, sous réserve du respect d'obligations de service public ;

- l'obligation faite aux transporteurs de gaz de donner accès à leur réseau de transport, dans des conditions transparentes et non discriminatoires, et la suppression du monopole d'importation de GDF.

Abordant ensuite le deuxième grand point du projet de loi, Mme Nicole Fontaine a rappelé les obligations de service public s'imposant à tous les acteurs de la filière gazière. Elle a ainsi évoqué :

- la sécurité d'approvisionnement, qui impose aux fournisseurs de communiquer chaque année un plan prévisionnel d'approvisionnement, de disposer de sources suffisamment diversifiées et, enfin, de garantir une fourniture continue aux clients non éligibles et aux distributeurs ;

- la péréquation tarifaire, dont l'application conduira à interdire des différences de tarifs de vente de gaz supérieures aux différences de coûts de raccordement des distributions au réseau de transport du gaz naturel ;

- la solidarité envers les plus démunis, qui suppose de maintenir l'accès à l'énergie pour les personnes en difficulté, et peut également se traduire par des initiatives telles que l'instauration d'un dispositif gratuit de diagnostic des installations par les particuliers en difficulté, comme l'a prévu le contrat de groupe entre l'Etat et GDF ;

- des obligations générales en matière de protection de l'environnement, de sécurité des réseaux ainsi que de qualité et de sécurité des produits.

Puis, en troisième lieu, Mme Nicole Fontaine a indiqué que le projet de loi définissait les principes d'une régulation destinée à garantir le bon fonctionnement du marché et la coexistence harmonieuse du service public et de la concurrence :

- en reprenant une grande majorité des dispositions de la loi « électricité » ;

- en élargissant les compétences de l'actuelle commission de régulation de l'électricité au secteur gazier (CREG) ;

- en confiant à l'Etat la fixation des tarifs de vente de gaz aux clients non éligibles après avis de la CREG et celle des tarifs d'accès au réseau de transport sur proposition de la CREG ;

- en permettant d'accorder des dérogations à ces tarifs aux opérateurs désireux de développer de nouvelles infrastructures ;

- en imposant aux opérateurs l'obligation de procéder à une séparation comptable des activités de transport, de distribution et de stockage pour permettre à la CREG de vérifier l'absence de pratiques anti-concurrentielles ou de subventions croisées entre activités en monopole et celles en concurrence.

La ministre a ajouté qu'à la différence de la loi « électricité », le Gouvernement ne proposait pas de mettre en place chez les opérateurs gaziers l'équivalent du réseau de transport d'électricité (RTE), en raison de la situation véritablement concurrentielle du marché du gaz et des moyens dont disposerait la CREG de s'assurer que les transporteurs ne pourront utiliser le réseau de transport à des fins anti-concurrentielles.

Enfin, elle a signalé que le texte, au-delà de ses trois axes principaux, comportait également des dispositions de simplification administrative en matière de réglementation relative au stockage de gaz naturel et une disposition concernant les obligations d'achat imposées à EDF. A cet égard, elle a indiqué que si le Gouvernement, pour éviter toute confusion, n'avait pas souhaité introduire dans son projet des dispositions relatives à la loi « électricité », il s'en remettrait cependant à la sagesse du Sénat si celui-ci entendait étendre au secteur électrique certaines des dispositions nouvelles instituées pour le secteur gazier.

Elle a conclu son propos en espérant que le projet de loi contribuerait à démontrer la volonté de la France de participer activement à la construction européenne et de tirer les bénéfices d'une libéralisation maîtrisée en restant fidèle à ses principes d'égalité et de solidarité qui constituent le fondement même du service public.

Après que M. Gérard Larcher, président, a signifié sa satisfaction que la libéralisation maîtrisée du marché du gaz se conjugue avec le maintien des notions d'égalité et de solidarité apportées par le service public, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, s'est également réjoui des propos de la ministre quant aux obligations de service public, lesquelles devraient être de nature à calmer les inquiétudes exprimées ces derniers temps. Il a indiqué qu'il proposerait d'ailleurs de renforcer ces obligations. Puis, fustigeant le retard de deux ans pris par la France, mauvais élève de l'Europe, pour transposer la directive gazière, il a indiqué qu'il ne serait pas hostile à ce que le Gouvernement déclare l'urgence sur ce texte, compte tenu de la nécessité absolue d'aller très vite désormais. Il a ensuite interrogé la ministre sur les risques encourus par la France dans la procédure intentée par la Commission devant la Cour de justice européenne (CJE), sur l'état d'avancement du plan de desserte gazière, et enfin sur le dossier du stockage, abordé dans le cadre de la discussion relative à la seconde directive. Il a en outre indiqué qu'il ferait d'importantes propositions d'amendements dans le domaine électrique, considérant que, sur le fondement des travaux qu'il a menés avec MM. Gérard Larcher, président, Henri Revol et Jacques Valade, respectivement président et vice-président du groupe d'études de l'énergie, ce serait une erreur de prendre du retard en la matière.

En réponse, Mme Nicole Fontaine s'est tout d'abord déclarée fière des progrès que la France a contribué à faire accomplir à ses partenaires européens sur la notion de service public, et dont témoigne notamment l'article 3 du projet de seconde directive électrique qui lui est entièrement consacré. S'agissant de l'urgence, après avoir affirmé qu'une transposition rapide permettrait de démontrer aux partenaires de la France sa volonté d'avancer au moment où se négocie la seconde directive, elle a rappelé que le Premier ministre s'était engagé à ne jamais déclarer l'urgence mais s'est dite ouverte sur cette question dès lors que les parlementaires eux-mêmes suggéraient le recours à cette procédure, ce qui a suscité une réflexion ironique de la part de M. Bernard Piras.

En ce qui concerne la procédure en cours devant la CJE, Mme Nicole Fontaine, après avoir indiqué que la France serait sans doute condamnée d'ici la fin de l'année à une mise en demeure sous peine d'une condamnation ultérieure, en juin 2003, à des astreintes très élevées, avec un éventuel effet rétroactif, a estimé que l'adoption rapide du présent projet de loi devrait permettre d'éviter cette extrémité. S'agissant de l'état d'avancement de la seconde directive gazière, elle a rendu compte de la réunion du Conseil des ministres européens de l'énergie du 4 octobre 2002 en soulignant qu'elle s'était opposée à un accord politique et que le débat d'orientation générale avait démontré, sur le problème particulier du stockage, le relatif isolement de la France, en particulier sur l'importance qu'elle accorde à l'objectif de garantie de service public par rapport à celui de flexibilité économique. Enfin, observant que 1 169 communes étaient inscrites au plan de desserte gazière et que 550 d'entre elles avaient bénéficié d'un accès en 2001, la ministre a indiqué qu'un bilan global serait dressé au début de l'année 2003 avant qu'une seconde phase du plan soit engagée, en tirant notamment les conséquences de la libéralisation en cours. Elle a ajouté qu'en tout état de cause, les communes non encore inscrites pouvaient d'ores et déjà faire appel à l'opérateur de leur choix pour obtenir la desserte.

Un débat s'est ensuite ouvert.

Rappelant qu'il avait démissionné de ses fonctions de représentant du Sénat au Conseil supérieur de l'électricité et du gaz en raison du refus du précédent gouvernement de transposer la directive gaz, M. Dominique Braye s'est déclaré heureux que l'actuel gouvernement ait décidé cette transposition et qu'il ait choisi la voie législative sans déclaration d'urgence, témoignant ainsi de la confiance qu'il accordait aux travaux parlementaires. Il a ensuite interrogé la ministre sur les opportunités (occasions industrielles) que le retard pris avait pu faire perdre à Gaz de France, lui demandant en outre si le projet de loi était en l'état suffisant pour permettre à l'opérateur national de surmonter ses faiblesses.

M. Yves Coquelle, après avoir douté que le texte soit de nature, quoiqu'en dise le gouvernement, à répondre aux inquiétudes exprimées par les salariés et les usagers de Gaz de France lors de la manifestation du 3 octobre dernier, a regretté que les nombreuses auditions auxquelles a procédé le rapporteur n'aient pas été organisées en commission de manière à ce que tous ses membres entendent notamment les syndicats et les représentants des usagers.

Relevant que l'ouverture du capital de Gaz de France figurait dans les programmes électoraux des principaux candidats à l'élection présidentielle, M. Alain Fouché a estimé essentiels la réaffirmation de la notion de service public et le maintien du statut des personnels mais s'est interrogé sur l'avenir du régime de retraite des « gaziers ».

Après avoir remercié la ministre d'avoir entendu la demande des membres de la commission, qui l'avaient auditionnée en juillet dernier, et d'avoir renoncé à transposer la directive par ordonnance, M. Henri Revol, Président du groupe d'études de l'énergie, a demandé si le texte prévoyait, comme la loi « électricité », que le gouvernement puisse organiser la programmation annuelle des investissements afin de garantir la sécurité des approvisionnements, et quelles mesures pouvaient être envisagées, le cas échéant dans le cadre d'un texte ultérieur, pour assurer la sécurité des biens et des personnes, question qui deviendra essentielle lorsque plusieurs opérateurs auront accès au marché du gaz, matière première très utile mais également dangereuse.

Après que M. Gérard Larcher, président, a précisé que la commission des affaires économiques venait d'auditionner, notamment sur la question gazière, M. Marc Blondel, qu'elle devait prochainement entendre des représentants de la CFDT et de la CGT, et qu'il ne lui était en tout état de cause pas possible de procéder à des dizaines d'auditions sur chacun des textes qu'elle examine, Mme Nicole Fontaine a répondu aux intervenants.

Elle a indiqué à M. Dominique Braye que si l'opérateur Gaz de France n'avait pas été fragilisé par le retard pris dans la transposition de la directive, il avait en revanche certainement manqué des opportunités de se renforcer. Elle a toutefois estimé qu'il n'était pas trop tard, comme en témoignait l'intérêt pour une opération, une fois le capital de Gaz de France ouvert, manifesté récemment par son collègue espagnol. Elle a ajouté avoir toujours clairement affirmé que ce projet de loi n'était qu'une première étape et qu'il serait suivi, avant la fin de l'année, d'autres textes visant notamment à renforcer Gaz de France par une modification de ses statuts et à réussir les changements structurels dont la France a besoin dans le domaine de l'énergie.

Elle a assuré à M. Yves Coquelle que le gouvernement avait bien entendu le message des manifestants du 3 octobre comme en témoignaient ses engagements, qu'il avait rappelés aux représentants syndicaux dès avant cette manifestation, sur le caractère minoritaire de l'ouverture du capital d'EDF et de GDF, le maintien du statut des salariés ou encore l'affermissement de la notion de service public. S'agissant des retraites, elle a indiqué à M. Alain Fouché que le gouvernement faisait confiance à la qualité du dialogue social, dont il souhaitait l'ouverture immédiate, pour que soit conforté le régime actuel auquel sont légitimement attachés les personnels.

A M. Henri Revol, elle a confirmé que, le projet de loi imposant aux opérateurs l'établissement d'un plan de diversification de leurs approvisionnements, l'Etat serait en mesure de demander, le cas échéant, son élargissement sous peine de retrait de l'autorisation. Elle lui a également indiqué que la sécurité des installations était d'ores et déjà garantie par l'article 11 du texte, et qu'elle serait encore renforcée par des outils juridiques figurant dans d'autres cadres législatifs, tel le projet de loi de Mme Roselyne Bachelot sur la prévention des risques industriels.

Ouvrant une seconde série de questions, M. Daniel Raoul, après s'être déclaré étonné des interprétations successives données à la presse par la ministre sur la notion de service public et avoir rappelé l'importance qu'aurait à cet égard la directive-cadre sur le service public préparée actuellement par la Commission, a demandé des précisions sur la teneur de la réunion des ministres du 4 octobre dernier à Bruxelles, s'est interrogé sur la sécurité des transports et du stockage lorsque celui-ci serait ouvert aux tiers, et fait part de ses inquiétudes quant à la poursuite des activités de services d'EDF/GDF face à l'obligation de séparation comptable des activités imposée par le projet de loi.

S'appuyant sur des statistiques dont la validité a été corroborée par M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, M. Pierre-Yvon Trémel s'est étonné de l'importance des écarts existant chez les partenaires européens de la France entre le degré théorique d'ouverture de leur marché du gaz et la réalité constatée. Puis il a interrogé la ministre sur les moyens dont disposerait la puissance publique pour assurer réellement la péréquation tarifaire, obligation de service public, dans le cadre d'un marché ouvert, et sur les perspectives de reconduite du contrat de groupe entre l'Etat et Gaz de France qui arrive à échéance à la fin de l'année 2003.

S'agissant de l'autorité de régulation, Mme Marie-France Beaufils a demandé si sa composition serait modifiée pour tenir compte de l'extension de sa compétence au secteur du gaz et quels seraient les moyens dont elle disposerait pour garantir le respect du service public dans ce secteur.

Enfin, M. Alain Gérard a estimé qu'il serait opportun de généraliser le recours au support d'Electricité de France pour conforter les réseaux à hauts débits, équipements structurants très importants pour le développement local.

En réponse, Mme Nicole Fontaine a indiqué à M. Daniel Raoul que le gouvernement suivait avec attention l'élaboration de la directive-cadre sur les services d'intérêt général, elle-même s'étant d'ailleurs tout récemment longuement entretenue à ce propos avec M. Mario Monti, commissaire européen à la concurrence. S'agissant de la réunion des ministres du 4 octobre, elle a confirmé qu'elle s'était opposée à la volonté de la présidence danoise de conclure ce jour-là, mais reconnu que la directive serait néanmoins adoptée d'ici la fin de l'année, la France, qui paraît très isolée sur cette question, devant d'ici-là trouver des alliances pour que sa position d'ouverture sur le principe, mais de fermeté quant au contenu, soit satisfaite dans le cadre d'un compromis. Elle a toutefois affirmé que le démembrement de EDF/GDF services serait inacceptable et s'est déclarée optimiste sur la prise en compte par les partenaires de la France de sa conception originale du service public.

Puis, après être convenue avec M. Pierre-Yvon Trémel que l'Allemagne était un des Etats les plus fermés de l'Union bien que son marché du gaz soit en théorie totalement ouvert, la ministre a pris l'exemple de l'Espagne pour lui garantir qu'il n'existait pas de contradiction entre ouverture du marché et tarif péréqué, et lui a confirmé que le contrat de groupe avec GDF serait reconduit à son échéance de 2003.

Elle a ensuite assuré à Mme Marie-France Beaufils que la CREG, autorité administrative indépendante, serait garante de la qualité du service public dans le secteur du gaz sans qu'il soit nécessaire de modifier sa composition, avant de reconnaître avec M. Alain Gérard qu'Electricité de France pourrait être davantage mise à contribution pour assurer le développement des réseaux à hauts débits.

Bureau de la Commission - Communication

Puis M. Gérard Larcher, président, a rendu compte à la commission de la réunion de son Bureau tenue le mardi 2 octobre 2002.

Il a indiqué que le Bureau avait pris acte du programme de travail envisagé pour la commission au cours des prochains mois. Il a notamment précisé que pour le dernier trimestre 2003, celle-ci avait déjà en charge trois propositions de loi, deux propositions de résolution, un projet de loi, 23 avis budgétaires, trois missions d'information, un groupe de travail, une enquête sur la loi solidarité et renouvellement urbains (SRU), un colloque (vin, santé et alimentation) ainsi que les travaux de 18 groupes d'étude actifs, ceci entraînant d'ores et déjà la programmation de 18 réunions de commission. Il a ensuite fait part de l'état d'avancement de la constitution du Conseil scientifique et de prospective indiquant au passage que les derniers arbitrages devraient pouvoir être soumis à la réunion du Bureau de la commission du mois de novembre et que la première réunion du Conseil paraissait, en conséquence, pouvoir être envisagée pour fin décembre.

S'agissant de la désignation de candidats pour les organismes extra-parlementaires, le Bureau a rappelé son attachement au principe d'une désignation au sein de la commission des candidats qu'elle pouvait être amenée à proposer et a examiné les désignations à trois organismes extra-parlementaires, retenant un candidat à proposer à la commission pour chacun d'entre eux. M. Gérard Larcher, président, a enfin communiqué à la commission les éléments fournis au Bureau sur :

- l'information macro-économique des sénateurs ;

- la couverture de presse des travaux de la commission ;

- et la composition de son secrétariat, le poste de secrétaire créé ayant été pourvu au 1er octobre.

Syndicats - Audition de M. Jean-Marie Toulisse, secrétaire national de la CFDT, accompagné de M. Jacques Bass, secrétaire confédéral au service économie et société de la CFDT

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean-Marie Toulisse, secrétaire national de la CFDT, accompagné de M. Jacques Bass, secrétaire confédéral au service économie et société de la CFDT.

Après avoir souligné l'innovation que constituait l'invitation que lui avait adressée la commission des affaires économiques et en avoir remercié le président, M. Jean-Marie Toulisse a fait part de la grande importance qu'il attachait aux travaux des chambres parlementaires, notamment en raison de sa propre appartenance au Conseil économique et social.

Il a tout d'abord fait observer que l'action syndicale menée par la CFDT était largement influencée par son contexte. Décrivant ce contexte, il a déclaré qu'il était surtout marqué par l'incertitude. Il a estimé que les incertitudes pesant aujourd'hui sur les salariés, les syndicats et les employeurs étaient de trois ordres :

- les incertitudes internationales (perspective de conflit avec l'Irak, enlisement du conflit israélo-palestinien, sommet mondial sur le développement durable, convention européenne) ;

- les incertitudes économiques (faiblesse de la croissance annoncée, crise boursière, net recul de l'emploi intérimaire, dégradation des comptes publics, particulièrement de ceux des organismes sociaux...), lesquelles entretenaient l'attentisme et la prudence, voire l'inquiétude. Il a notamment relevé l'évolution des préoccupations des salariés, qui concernaient au mois d'avril la retraite et l'insécurité et qui se focalisaient aujourd'hui sur l'emploi ;

- les incertitudes par rapport à la lisibilité de l'action gouvernementale : s'il a convenu que le Gouvernement avait pris le soin de communiquer sur la tenue des promesses électorales relatives au SMIC et aux 35 heures, M. Jean-Marie Toulisse a déploré les maladresses venues brouiller la lisibilité de la politique du nouveau gouvernement. En guise d'exemple, il a évoqué le prélèvement de 830 millions d'euros opéré sur la Caisse nationale d'assurance vieillesse par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, à la veille de la réforme des retraites et de la concertation annoncée sur ce sujet.

M. Jean-Marie Toulisse a jugé que le soutien des syndicats aux réformes à venir ne s'obtiendrait que dans un climat de confiance. Pour sa part, la CFDT, a-t-il fait observer, se prononcera sur chaque dossier séparément. Ainsi, il a relevé que la méthode suivie pour le relèvement du SMIC -consultation du comité économique et social puis proposition gouvernementale tenant compte de cet avis- avait satisfait la CFDT. En revanche, il a estimé qu'approcher le dossier des 35 heures avec des formules incantatoires du type « remettre la France au travail » risquait de heurter la sensibilité des 78 % de salariés travaillant aujourd'hui moins de 36 heures. Il a déclaré qu'il ne lui paraissait pas pensable de faire revenir en arrière les entreprises ayant déjà basculé aux 35 heures et de dire aux dix millions de salariés ayant négocié, grâce aux militants syndicaux, la baisse du temps de travail, qu'ils avaient commis une erreur. Il a rappelé la légitimité des négociations qui avaient alors été engagées entre les syndicats et le patronat, les premiers négociant de la réduction du temps de travail et le second de la flexibilité et des réorganisations internes, l'absence d'inflation privant les deux interlocuteurs d'autre monnaie d'échange.

S'agissant des difficultés spécifiques rencontrées par les entreprises de moins de 20 salariés dans l'application des 35 heures, il s'est inquiété des assouplissements annoncés par le Gouvernement et de la possibilité qu'il en résulte une société à deux vitesses. Il a fait observer que, si l'on cherchait à créer des emplois dans les PME et à régler les problèmes de main-d'oeuvre auxquels beaucoup d'entre elles sont confrontées, il fallait à tout prix éviter d'avoir « des petits droits dans les petites entreprises ». Il a notamment remarqué que le marché du travail allait naturellement se tendre pour des raisons démographiques et que les postes de fonctionnaires libérés par les départs en retraite ainsi que les postes en grandes entreprises bénéficiant des 35 heures détourneraient des PME une main-d'oeuvre déjà insuffisante.

S'agissant de la convention PARE, M. Jean-Marie Toulisse a suggéré d'en dresser d'abord le bilan et d'en tirer des leçons d'efficacité.

Concernant le dialogue social, il a rappelé que la CFDT était prête à s'engager dans de grandes négociations interprofessionnelles mais il a jugé indispensable de redonner à cette fin de la légitimité à l'accord en faisant des délégués syndicaux de véritables élus.

Sur le dossier de l'emploi des jeunes, il a souligné que l'initiative gouvernementale instaurant les contrats-jeunes se devait d'avoir des contreparties négociées en matière de formation et de qualification.

Pour conclure, il a évoqué les autres thèmes de travail de la CFDT : les retraites, l'accompagnement des chômeurs, le télétravail et la décentralisation.

M. Gérard Larcher, président, a relevé le souci de M. Jean-Marie Toulisse de redonner la légitimité à l'accord. S'il a convenu que ce sujet ressortait au premier chef de la commission des affaires sociales, il a toutefois fait valoir qu'un bon accord social donnait du dynamisme économique à l'entreprise, ce qui justifiait l'intérêt de la commission des affaires économiques. Il a souhaité connaître les propositions de la CFDT afin de retrouver cette légitimité. Il a ensuite demandé à M. Jean-Marie Toulisse quelles étaient les propositions concrètes de la CFDT pour adapter les 35 heures aux PME-PMI. Il s'est également enquis de l'état du dialogue social dans les grandes entreprises. Enfin, il a interrogé M. Jean-Marie Toulisse sur le regard que portait la CFDT sur les services publics et sur la question du statut des entreprises publiques.

En réponse, M. Jean-Marie Toulisse a estimé que le mode actuel d'élection, sur lequel seront à nouveau calées -malheureusement- les prochaines élections prud'homales, ne pouvait assurer la légitimité des représentants syndicaux. Il a déploré que le vote soit organisé un mercredi, jour où les salariés étaient le plus nombreux à être absents, et dans une école ou une mairie éloignées du lieu de travail et a déclaré qu'on pouvait s'attendre, dans ces conditions, à un taux élevé d'abstentions. Il a suggéré que l'élection de représentativité, qui pourrait avoir lieu le même jour dans la même branche, ne soit pas l'élection prud'homale par laquelle les salariés votent pour des juges, mais une autre élection -celle des délégués du personnel ou celle des membres du comité d'entreprise- par laquelle les salariés choisiraient leur négociateur. Il a également considéré qu'une telle élection devrait être ouverte à tous les syndicats, mais exclusivement aux syndicats, et que le vote devrait s'exprimer en faveur de salariés syndiqués appartenant à l'entreprise et non sur des bulletins portant les sigles de syndicats ne présentant pas de candidat.

S'agissant des PME-PMI, M. Jean-Marie Toulisse a tout d'abord recommandé de ne pas considérer leurs salariés de manière homogène, mais d'adopter une approche branche par branche. Il a également préconisé de renforcer le dialogue entre les syndicats et les interlocuteurs patronaux. Ainsi, il a rappelé l'existence de l'accord sur le dialogue social dans l'artisanat qui avait été conclu avec l'Union professionnelle artisanale (UPA) et s'est déclaré favorable à son extension avant d'en tirer un bilan. Il a jugé qu'il convenait d'encourager l'existence des organisations patronales dans les PME, ce qui ne manquerait pas de donner un élan aux organisations syndicales dans ces mêmes entreprises. Il a de nouveau insisté sur son inquiétude face à la fréquence des départs de salariés de petites entreprises vers les plus grandes.

Au sujet du dialogue social dans les grandes entreprises, M. Jean-Marie Toulisse s'est félicité de ce que la CFDT en était un acteur essentiel, rappelant que ce syndicat réunissait majoritairement des salariés du secteur privé.

S'agissant du service public et du statut des grandes entreprises publiques,M. Jean-Marie Toulisse a noté tout d'abord la diversité des situations. Il a ensuite fortement insisté sur la nécessité de définir les missions du service public et la politique industrielle suivie avant de s'attacher aux questions statutaires et organisationnelles. Il a rappelé l'importance de la question des retraites dans le dossier des entreprises publiques, en insistant à nouveau sur la spécificité des différentes entreprises publiques. Il a mis en garde contre des démarches qui laisseraient penser aux salariés de ces entreprises que la remise en cause de leur situation personnelle constituait l'objectif principal de la réforme. Il en a conclu que, si la réforme de l'Etat, et donc des trois fonctions publiques, était indispensable, elle devait tenir compte de ces spécificités.

M. Dominique Braye a tenu à remercier M. Jean-Marie Toulisse pour son franc-parler et son pragmatisme. Il a estimé que le lien entre légitimité et suffrages reçus lors des élections syndicales avait toute sa pertinence. Il a appelé les responsables syndicaux à reconnaître une forme de crise de syndicalisme, que traduisait la forte abstention aux élections syndicales. Il a ensuite jugé que la critique des 35 heures était souvent venue des salariés eux-mêmes, qui n'avaient pas toujours reçu de contreparties réelles au développement de la flexibilité.

M. Pierre-Yvon Trémel a souhaité savoir quel était le regard de la CFDT sur la mondialisation, sur les modifications annoncées des dispositifs de lutte contre l'exclusion, et sur la relance de la décentralisation et l'expérimentation.

Mme Evelyne Didier, considérant que les salariés constituaient le plus souvent la variable d'ajustement des évolutions économiques, a exprimé le même intérêt que M. Pierre-Yvon Trémel pour la position de la CFDT sur la mondialisation.

S'agissant de la décentralisation, M. Jean-Marie Toulisse a répondu qu'elle était à la fois nécessaire et urgente. Il a souhaité que la réforme soit menée avec suffisamment d'habileté pour ne pas fédérer contre elles des oppositions hétéroclites qui compromettraient le projet. Il en a déduit la nécessité d'avancer progressivement dans ce domaine, notamment en recourant à l'expérimentation. Il a insisté sur l'importance de faire évoluer parallèlement la démocratie sociale. Il a écarté la dialectique associant la décentralisation au développement des inégalités territoriales. Il a précisé cependant que certains éléments devaient rester communs à l'ensemble du territoire national, tels le taux de contribution sociale généralisée (CSG) ou l'allocation personnalisée à l'autonomie (APA).

M. Jacques Bass a complété ces réponses, en précisant à M. Dominique Braye qu'il avait raison d'évoquer la crise de légitimité du syndicalisme, mais que celle-ci touchait surtout les petites entreprises. Il a estimé que l'organisation de la vie sociale en France ne favorisait pas la constitution de solides corps intermédiaires. Il a noté au contraire un phénomène de « passagers clandestins », de nombreux salariés se satisfaisant d'être protégés par les conventions sans s'engager eux-mêmes dans l'action syndicale, voire sans voter. Il a suggéré, comme procédure alternative, la solution de l'accord majoritaire sur la base d'une élection de proximité. Il a fait remarquer que cela déchargerait les pouvoirs publics de l'obligation fréquente de trancher en dernier ressort. S'agissant du SMIC, il a souhaité que soient mis à profit les trois ans à venir. Rappelant la formule cédétiste selon laquelle le scandale n'était pas le niveau du SMIC, mais d'y rester toute sa vie, il a jugé indispensable de mettre en place de véritables perspectives de carrière ouvrière, que le resserrement actuel de la moitié inférieure des salaires n'autorisait pas. Il a rappelé enfin que la CFDT n'avait pas été entièrement satisfaite de la mise en place des 35 heures.

S'agissant de la mondialisation, il a estimé que la réponse passait nécessairement par la capacité de l'Europe à définir son propre modèle social. A ce titre, il a exprimé la préoccupation actuelle de la CFDT devant le risque d'une politique économique déséquilibrée, la dégradation des finances publiques allant de pair avec durcissement excessif de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE).

S'agissant des risques de délocalisation et de restructuration que la mondialisation faisait peser sur les salariés, il a abondé dans le sens de Mme Evelyne Didier, en particulier sur les carences de l'accompagnement et du suivi des plans sociaux. Il a souhaité attirer l'attention de la commission sur la montée en puissance du thème de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), en réponse à une attente de la société civile.

M. Gérard Larcher, président, a émis le souhait que les grandes organisations syndicales informent la commission de l'évolution de leurs réflexions. Rappelant la vocation économique de la commission, il a souligné l'impossibilité d'évaluer l'économique indépendamment de toute référence au social, les deux champs étant étroitement liés. Il a indiqué, à ce titre, que le Bureau de la commission avait souhaité qu'un représentant de la CFDT siège au conseil scientifique et de prospective actuellement en cours de constitution auprès de la commission.

Mercredi 9 octobre 2002

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

Nomination d'un rapporteur

La commission a tout d'abord procédé à la nomination de M. Bruno Sido en qualité de rapporteur sur la proposition de loi n° 409 (2001-2002) de MM. Bruno Sido, Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy et Paul Girod, relative à la couverture territoriale en téléphonie mobile de deuxième génération par la mise en oeuvre prioritaire de prestations d'itinérance locale entre opérateurs.

Organismes extraparlementaires - Désignation de candidats proposés à la nomination du Sénat

Puis la commission a procédé à la désignation descandidats proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein des organismes extraparlementaires.

Ont été nommés :

- M. Yves Detraigne pour le Comité consultatif pour la gestion du fonds national pour le développement des adductions d'eau dans les communes rurales (en remplacement de M. Louis Moinard, démissionnaire) ;

- M. Pierre Hérisson pour le Conseil national de l'habitat (en remplacement de M. Louis Moinard, démissionnaire) ;

- M. Jean-Paul Alduy pour le Conseil d'administration de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette (en remplacement de M. Pierre André).

Energie - Marchés énergétiques - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Ladislas Poniatowski sur le projet de loi n° 406 (2001-2002) relatif aux marchés énergétiques.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur,
s'est tout d'abord félicité de ce que, conformément à ce qu'il avait demandé à de multiples reprises, le Gouvernement ait décidé de déclarer l'urgence sur ce texte. Il a ensuite rappelé divers éléments de contexte relatifs à la directive n° 98-30 sur la libéralisation du marché du gaz. Il a indiqué que ce document, négocié en 1997 sous présidence française, qui prévoit une ouverture progressive, est entré en vigueur le 10 août 2000, date avant laquelle elle aurait dû être transposée. Il a déploré que la France soit menacée d'être condamnée par la Cour de justice des communautés à une astreinte, pour carence dans la transposition, et que Gaz de France (GDF) soit bloqué aux frontières de l'Espagne, qui lui refuse l'accès à de nouveaux marchés.

A Bruxelles, a-t-il observé, les négociations relatives à la seconde directive sur la libéralisation des marchés progressent, tandis que lors du Conseil européen de Barcelone de mars 2002, les Etats sont convenus que les consommateurs européens autres que les ménages (pour l'essentiel les PME et les PMI) auront le libre choix de leur fournisseur d'électricité et de gaz à partir de 2004, ce qui représentera 60 % du marché.

Il a noté que les services de la Commission évoquent peu à peu des préoccupations chères à la France, telles que :

- les obligations de service public ;

- le renforcement de la sécurité d'approvisionnement ;

- la protection des régions les plus reculées et des groupes les plus vulnérables de la population.

Evoquant le contenu de la directive 98/30, M. Ladislas Poniatowski a indiqué qu'elle tend :

- à l'ouverture progressive du marché à la concurrence ;

- à l'adaptation aux situations nationales, grâce à la faculté d'imposer des obligations de service public et à la possibilité de préserver des contrats d'approvisionnement de long terme, dits aussi contrats « take or pay » ;

- et enfin à l'institution d'un droit d'accès au réseau pour les clients «éligibles », c'est-à-dire ceux qui jouiront du libre choix de leur fournisseur.

Présentant la situation du marché gazier, il a précisé que les réserves mondiales sont situées, environ pour les deux tiers, en Russie et au Proche-Orient, de même que la production gazière, la Russie détenant, à elle seule, plus de 40 % des stocks mondiaux. L'Europe, a-t-il ajouté, est autonome à hauteur de 40 %.

Observant que le coût du transport constituait la principale composante du coût de production du gaz, le rapporteur a estimé que la question des stockages gaziers était cruciale, puisque la consommation gazière intra-annuelle varie fortement en fonction de la température, ce qui explique que la première directive n'ait pas évoqué la question des stockages, qui fait actuellement l'objet de débats dans le cadre de la discussion de la seconde directive.

Evoquant la situation de la France en matière gazière, le rapporteur a ajouté que notre pays importe actuellement 96 % de sa consommation, l'essentiel de sa production étant issu du gisement de Lacq. Les importations françaises proviennent de Norvège (30 %), de Russie (29 %) et d'Algérie (29 %) dans le cadre d'une structure des importations très stable du fait de l'existence de contrats de long terme, quoiqu'une tendance à la diversification géographique des approvisionnements se fasse progressivement sentir.

Il a ajouté que la consommation gazière française était marquée par son caractère fortement cyclique, car on importe du gaz en été, pour le stocker et le consommer en hiver, les stockages assurant, aux jours les plus froids de l'année, 60 % de la demande.

Puis le rapporteur a rappelé qu'il existe deux réseaux gaziers français :

- le réseau de transport, qui compte 36.000 kilomètres de conduites possédées par Gaz de France pour 90 % et Gaz du Sud Ouest (filiale de Total Fina Elf et de GDF), pour environ 10 % ;

- le réseau de distribution qui s'étend sur 170.000 kilomètres, qui appartient aux collectivités locales. Ce dernier réseau est exploité par :

. Gaz de France (à 96 %) qui est en position de distributeur, y compris dans les zones où Gaz du Sud Ouest assure le transport ;

. les distributeurs non nationalisés (DNN) (4 %).

Ces « DNN », a-t-il indiqué, sont des régies communales, ou intercommunales ou des sociétés d'économie mixte locale, qui n'ont pas été nationalisées en 1946, car elles étaient détenues par des collectivités locales et constituaient des services publics locaux.

Il a enfin précisé que 75 % de la population française était desservie en gaz naturel et que, contrairement à ce qui est prévu pour l'électricité, le législateur n'a jamais institué une obligation de desserte gazière en tous points du territoire, la loi de 1998 ayant prévu une extension du réseau dans le cadre d'un « plan national de desserte », dans des conditions économiques qui assurent une rentabilité théorique minimale. En outre, a-t-il ajouté, le prix du gaz n'est pas totalement péréqué sur le territoire : si le coût du transport l'est en partie, les tarifs de vente varient en fonction d'une grille qui comporte six niveaux, laquelle est établie selon la distance de chacune des distributions par rapport au réseau national de transport à haute pression.

Evoquant le contenu du projet de loi, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a déclaré que ce texte comportait trois grandes parties :

- les titres 1er à 4 et 6 qui transposent le contenu de la directive ;

- le titre 5 qui homogénéise les dispositions relatives à tous les types de stockage souterrains (hydrocarbures, produits chimiques, gaz naturel) et l'insère dans le code minier ;

- enfin, le titre 7 qui comporte des dispositions diverses.

Abordant, enfin, les orientations générales de son travail, le rapporteur a dit sa conviction quant à la nécessité de transposer vite et bien la directive, et de conserver l'économie générale du projet de loi, tout en enrichissant son contenu tant en ce qui concerne les dispositions gazières que s'agissant de l'électricité.

Dans le domaine du gaz, il a suggéré à la commission de :

- réaffirmer la valeur du service public ;

- garantir la transparence des tarifs pratiqués aux clients non éligibles ;

- faciliter les échanges gaziers pour les clients éligibles ;

- renforcer la sécurité des personnes au-delà du compteur ;

- et de réaffirmer les droits des collectivités locales concédantes.

S'agissant de l'électricité, il a souhaité saisir l'occasion offerte par ce texte pour procéder à un « toilettage » des dispositions de la loi « électricité » du 10 février 2000. Il a indiqué qu'il avait, initialement, envisagé le dépôt d'une proposition de loi sur ces sujets, avec ses collègues les sénateurs Gérard Larcher, Henri Revol et Jacques Valade, ce qui s'était avéré impossible, eu égard au calendrier de travail de l'Assemblée nationale. Il a suggéré d'en insérer le contenu, sous la forme d'un titre 7, afin de :

- simplifier les modalités de financement du fonds du service public de la production d'électricité (FSPPE) ;

- modifier le mode de calcul de la taxe qui abonde ce fonds afin de ne pas pénaliser la compétitivité des entreprises qui consomment de l'électricité ;

- procéder à un « toilettage » électrique.

M. Daniel Reiner s'est interrogé sur l'incidence de la modification du régime des stockages gaziers sur les ressources des collectivités locales.

M. Daniel Raoul l'ayant questionné sur la question de l'accès des tiers au stockage, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a rappelé qu'il souscrivait à la position adoptée par la France dans la négociation de la seconde directive, en vertu de laquelle notre pays était hostile à une telle mesure. Il a ajouté qu'il avait prévu de se rendre, en compagnie du président Gérard Larcher, à Bruxelles pour faire état de ses vues à la Commission européenne. A une seconde question du même auteur concernant la sécurité, il a répondu que plusieurs de ses amendements répondaient à cette préoccupation.

M. Gérard Larcher, président, a également indiqué que les stockages gaziers constituaient une chance pour notre pays.

M. Dominique Braye s'est déclaré en accord avec les vues du rapporteur et s'est félicité de ce que la décision de déclarer l'urgence sur ce texte ait été prise.

Mme Marie-France Beaufils ayant déploré que le rapport n'ait pas été soumis aux commissaires avant la réunion de la commission, le président Gérard Larcher a déclaré qu'il n'était pas possible de procéder autrement, compte tenu des délais impartis pour la discussion de cette directive dont la transposition était pendante depuis plus de deux ans, le rapporteur indiquant, pour sa part, qu'il avait lui-même dû travailler en urgence.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi.

Avant l'article premier (dénomination de l'autorité de régulation), après l'intervention de M. Jean Besson, la commission a adopté un amendement afin de désigner, par cohérence avec l'intitulé du projet de loi, l'autorité de régulation de l'électricité et du gaz sous le nom de Commission de régulation de l'énergie.

A l'article premier (droit d'accès aux ouvrages de transport et de distribution et aux installations de gaz naturel liquéfié), après les interventions de MM. Daniel Raoul et Pierre-Yvon Trémel, la commission a adopté :

- un amendement tendant à permettre aux mandataires des clients éligibles de bénéficier d'un droit d'accès aux réseaux pour le compte de ceux-ci (alinéa additionnel après le quatrième alinéa) ;

- un amendement de précision qui concerne la définition des ouvrages et installations auxquels un droit d'accès est reconnu, en faisant référence aux « installations fournissant des services auxiliaires » qui figurent au 12°) de l'article 2 de la directive 98/30 (premier alinéa) ;

- et un amendement précisant que le droit d'accès aux réseaux ne pourrait faire obstacle à l'accomplissement des obligations de service public.

A l'article 2 (régime des clients éligibles), après les interventions de MM. Yves Coquelle, Henri Revol, Dominique Braye, Jean Besson et Mme Marie-France Beaufils, la commission a adopté, outre des amendements rédactionnels, des amendements destinés à :

- éviter un contournement des dispositions sur l'éligibilité par des opérateurs qui en profiteraient pour produire de l'électricité à partir de gaz pour acheter du gaz « en gros » et le revendre en dégageant une marge ;

- tenir compte des contraintes physiques auxquelles est soumis le réseau d'acheminement du gaz en cas de résiliation des contrats de fourniture ;

- assurer l'éligibilité de tous les distributeurs, sans distinction.

A l'article 3 (statut des fournisseurs de gaz naturel), après les interventions de MM. Daniel Raoul et Pierre-Yvon Trémel, la commission a, outre des amendements rédactionnels ou de coordination, adopté des amendements pour indiquer que :

- les autorisations de fournir du gaz sont délivrées de manière objective et non discriminatoire ;

- les modalités de délivrance des autorisations sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

- le ministre chargé de l'énergie peut imposer aux fournisseurs de lui communiquer leur plan prévisionnel d'approvisionnement.

A l'article 4 (refus de conclure un contrat d'accès à un ouvrage de transport, de distribution ou à une installation gazière), la commission a adopté, outre des amendements rédactionnels, deux amendements tendant à :

- faire référence dans la définition des ouvrages et installations auxquels un droit d'accès est reconnu, aux « installations fournissant des services auxiliaires », par coordination ;

- insérer dans la liste des critères susceptibles de motiver un refus d'accès au réseau, le texte du i) de l'article 25 de la directive qui vise l'incidence qu'aurait l'octroi d'une dérogation sur l'application correcte de la directive en ce qui concerne le fonctionnement du marché intérieur du gaz naturel.

A l'article 5 (tarifs d'utilisation des réseaux gaziers), après les interventions de MM. Pierre-Yvon Trémel, Hilaire Flandre, Dominique Braye, Daniel Raoul et Mme Marie-France Beaufils, la commission a adopté, outre des amendements rédactionnels ou de coordination, deux amendements pour :

- prévoir que la commission de régulation de l'énergie émettra ses avis et propositions après avoir consulté les acteurs du marché de l'énergie ;

- préciser qu'il sera tenu compte du coût des extensions de réseau restant à la charge des distributeurs lors de la fixation des tarifs et conditions commerciales d'utilisation des réseaux.

A l'article 6 (séparation comptable), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les entreprises intégrées font figurer dans leur comptabilité interne un bilan et un compte de résultats pour chaque activité et indiquent, dans l'annexe de leurs comptes annuels, toute opération d'une certaine importance effectuée avec les entreprises liées ; elle a, en outre, adopté des amendements rédactionnels ou de coordination au même article.

A l'article 7 (fonctionnement des réseaux gaziers, échanges d'informations), la commission a, outre des amendements rédactionnels ou de coordination, adopté des amendements pour :

- prévoir que la liste des informations commercialement sensibles que le service gestionnaire du réseau de transport et de distribution devra garder confidentielles sera fixée par décret en Conseil d'Etat ;

- permettre aux collectivités organisatrices de la distribution de gaz de disposer de toutes les informations utiles au contrôle du service public de distribution.

A l'article 10 (coordination avec les dispositions du code général des collectivités territoriales), après une intervention de M. Daniel Raoul, la commission a adopté un amendement pour faire référence aux services publics de l'électricité et du gaz.

Avant l'article 11 (rôle des collectivités locales en matière d'organisation du service public du gaz naturel), la commission a voté un amendement tendant à insérer un article additionnel qui prévoit que le service public du gaz naturel est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par les communes ou leurs établissements publics de coopération.

A l'article 11 (fixation d'obligations de service public par l'Etat), après des interventions de MM. Yves Coquelle, Gérard Le Cam, André Lejeune, Gérard Larcher et Mme Marie-France Beaufils, la commission a adopté des amendements tendant à :

- préciser que les obligations de service public sont imposées « dans l'intérêt économique général » ;

- viser la sûreté des installations et la sécurité des personnes ;

- indiquer que des conventions conclues entre les bailleurs publics et privés d'immeubles situés dans les immeubles sociaux ou vétustes et les opérateurs de distribution permettront d'améliorer la sécurité des installations intérieures de gaz naturel et favoriseront les actions de maîtrise de la demande de gaz ;

- insérer dans la liste des matières susceptibles de donner lieu à des obligations de service public « la transparence des conditions commerciales aux clients finaux » ;

- faire référence, dans les matières susceptibles de faire l'objet d'obligation de service public non seulement à la « fourniture de gaz » mais aussi aux services associés.

Elle a, en outre, adopté, au même article, un amendement rédactionnel.

Après l'article 11 (extension des compétences des observatoires régionaux du service public de l'électricité), la commission a adopté, après les interventions de Mme Marie-France Beaufils et de M. Jean Besson, des amendements tendant à insérer des articles additionnels afin :

- d'étendre les compétences des observatoires régionaux du service public de l'électricité ;

- de transformer l'observatoire de la diversification d'EDF et de GDF en observatoire des pratiques sur les marchés énergétiques.

A l'article 14 (contrôle des capacités techniques des opérateurs), la commission a adopté des amendements rédactionnels.

Après l'article 14, à l'issue des interventions de Mmes Marie-France Beaufils et Evelyne Didier, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel pour permettre la reconversion des oléoducs pour le transport de gaz.

A l'article 15 (régime des stockages souterrains), elle a adopté des amendements rédactionnels.

Avant l'article 20 (intitulé du titre VII du projet de loi), la commission a, outre des amendements tendant à insérer des articles additionnels, voté un amendement tendant à insérer un article additionnel pour modifier l'intitulé du titre VII du projet de loi, désormais consacré aux dispositions relatives au service public de l'électricité.

A l'article 20 (appréciation du seuil de puissance maximal des installations bénéficiant de l'obligation d'achat de courant électrique), la commission a adopté deux amendements destinés à :

- préciser que seules les installations qui ne peuvent trouver de clients éligibles dans des conditions économiques raisonnables bénéficieront de l'obligation d'achat ;

- remplacer, dans un souci de clarification rédactionnelle, la notion de « filiale contrôlée » par une référence à l'article 233-3 du code de commerce.

Après l'article 20, à l'issue des interventions de MM. Jean Besson, Henri Revol, Gérard Larcher, président, Roger Rinchet, Pierre-Yvon Trémel et Mme Marie-France Beaufils, la commission a adopté plusieurs articles additionnels.

Les trois premiers tendant à :

- permettre à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) de recueillir des avis ;

- modifier le régime des incompatibilités des membres de la CRE ;

- autoriser le président de cette commission à habiliter des tiers pour effectuer des contrôles.

Un autre amendement tend, dans un souci de simplification, à :

- asseoir les recettes du dispositif de financement du service public de l'électricité sur les kilowattheures livrés par les réseaux électriques aux consommateurs finals et non plus via les fournisseurs et les importateurs ;

- donner aux gestionnaires de réseaux un rôle central dans ce mécanisme de financement ;

- supprimer les déclarations préalablement demandées aux assujettis ;

- instituer un prélèvement additionnel respectivement aux tarifs d'accès aux réseaux pour les éligibles et aux tarifs de fourniture pour les non-éligibles, pour couvrir les charges ;

- intégrer dans le champ de la compensation les charges résultant des dispositifs sociaux ;

- prendre en compte, dans un souci d'équité et de compétitivité économique, la nature ou le volume de l'électricité consommée pour le calcul des contributions au mécanisme de péréquation, en instituant une exemption pour les kilowatt heures livrés dans le cadre du tarif social, ainsi qu'un barème dégressif de contribution, notamment pour les industries « électro-intensives » ;

- préciser les dispositions en matière de recouvrement des charges et de pénalités au titre du mécanisme de compensation des charges de service public.

Toujours après l'article 20, elle a adopté des amendements destinés à insérer des articles additionnels pour :

- supprimer par coordination le quatrième alinéa (2°) du II de l'article 5 de la loi n° 2000-108 précitée ;

- compenser les surcoûts pour EDF et les DNN, dus à la production de courant à la suite d'un appel d'offres ;

- fixer par décret la liste des informations confidentielles relatives à un appel d'offre dans le secteur électrique ;

- permettre que les surcoûts des installations de production entrant dans le champ de l'obligation d'achat et exploitées par EDF ou par les DNN fassent l'objet d'une compensation ;

- instaurer une obligation d'achat par EDF du surplus de production que les DNN ne peuvent écouler dans leur zone de desserte exclusive, au tarif de l'obligation d'achat ;

- instituer une commission chargée d'apprécier la compatibilité des fonctions qu'envisagent d'exercer au sein du secteur de l'électricité les agents du GRT avec celles assurées au sein de cette entité ;

- permettre un abaissement plus rapide du seuil d'éligibilité pour la consommation d'électricité ;

- étendre l'éligibilité des DNN au titre de leurs achats d'électricité destinés à compenser les pertes sur leurs réseaux ;

- supprimer la formalité inutile que constitue la publication de la liste des clients éligibles ;

- supprimer les limitations au négoce d'électricité qui résultent de l'article 22 - IV de la loi du 10 février 2000 ;

- opérer des coordinations.

La commission a, enfin, adopté l'ensemble du projet de loi ainsi amendé, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen votant contre, tout en ayant déclaré souscrire à l'esprit des propositions du rapporteur relatives à l'affirmation des droits des collectivités locales.


Table des matières




Mardi 8 octobre 2002

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

Energie - Marchés énergétiques - Audition de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur le projet de loi relatif aux marchés énergétiques

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur le projet de loi n° 406 (2001-2002) relatif aux marchés énergétiques.

Mme Nicole Fontaine a tout d'abord rappelé que le projet de loi relatif aux marchés énergétiques avait pour principal objet de transposer en droit français la directive communautaire relative aux règles communes du marché intérieur du gaz naturel. Après avoir constaté à regret que la France détenait le record du plus important retard en matière de transposition du droit communautaire, elle a affirmé qu'elle souhaitait remédier à cette situation s'agissant des domaines dont elle avait la charge.

Puis elle a insisté sur la nécessité de transposer de manière urgente la directive de 1998, évoquant, d'une part, les procédures en cours contre la France devant la Cour de justice des communautés européennes en raison de son retard, d'autre part le handicap que constitue l'absence d'ouverture légale du marché français pour le développement de Gaz de France (GDG), qui se voit, de ce fait, refuser des prises de participation dans les entreprises nationales des autres Etats membres.

Ayant fait observer qu'une transposition par ordonnance aurait été envisageable, elle a mis l'accent sur la volonté du Gouvernement de respecter les prérogatives du Parlement, compte tenu du caractère à la fois symbolique et politique du dossier. Rendant, à cet égard, hommage aux travaux réalisés sur ce thème par le Sénat, elle a également remercié le rapporteur pour la diligence et l'efficacité avec laquelle il avait procédé à l'examen du projet de loi.

Abordant ensuite le contexte général du projet de loi, elle a expliqué qu'il s'inscrivait dans un ensemble plus vaste de réformes tendant à refonder la politique énergétique française, dans un contexte marqué, à la fois, par la libéralisation des marchés, par l'importance croissante des problèmes environnementaux et par les menaces permanentes pesant sur la sécurité des approvisionnements. Elle a alors rappelé que, face à cette situation, les objectifs du Gouvernement visaient à :

- poursuivre et encadrer la libéralisation des marchés de l'énergie, en veillant à une coexistence équilibrée entre concurrence et service public ;

- donner les moyens à Electricité de France (EDF) et à GDF de devenir deux grandes entreprises nationales, en procédant à une ouverture minoritaire de leur capital qui leur permettrait de lier des alliances et d'accéder à un financement moins risqué que l'endettement, sans pour autant remettre en cause le statut des agents et en offrant toutes les garanties nécessaires à leur système de retraites ;

- doter la France d'une loi d'orientation sur l'énergie, permettant de définir les grands axes de la politique énergétique en matière de nucléaire, d'énergies renouvelables, de maîtrise de la sécurité et d'approvisionnement de l'énergie. Le projet de loi relatif aux marchés énergétiques constitue, a-t-elle poursuivi, la première étape de ce programme.

Puis Mme Nicole Fontaine a détaillé le contenu du projet de loi. Indiquant que l'ouverture progressive à la concurrence du marché gazier français devait contribuer à la constitution d'un marché européen unique de l'énergie, elle a considéré que cette libéralisation devait s'accompagner d'une régulation. C'est en ce sens, a-t-elle expliqué, que le projet de loi, d'une part, impose des obligations de service public à tous les acteurs de la filière gazière, d'autre part, instaure une autorité de régulation dotée de pouvoirs étendus. Elle a précisé que les dispositions du projet de loi allaient, sur ces deux points, plus loin que ce qu'exige la directive.

Détaillant les trois dispositions principales du projet de loi, elle a, en premier lieu, évoqué le principe de la libéralisation progressive du marché de la fourniture de gaz naturel, qui prévoit :

- la reconnaissance aux clients dont la consommation excède un certain seuil -soit, en pratique, 450 sites industriels représentant 28 % de la consommation nationale- du droit de choisir librement leur fournisseur de gaz, droit qui sera étendu aux clients professionnels en 2004. Cette liberté de choix du fournisseur est également accordée à tous les cogénérateurs et à la majorité des 17 distributeurs non nationalisés S'agissant, en revanche, de l'ouverture du marché aux ménages, la position française est de n'y procéder qu'à condition qu'un bilan positif ait été, au préalable, tiré de l'ouverture aux professionnels, de sorte que la fourniture de gaz aux ménages reste assurée par GDF ou par les distributeurs non nationalisés ;

- l'ouverture de l'activité de fourniture à l'ensemble des entreprises européennes titulaires d'une autorisation délivrée par l'Etat en fonction de leurs capacités techniques, économiques et financières, sous réserve du respect d'obligations de service public ;

- l'obligation faite aux transporteurs de gaz de donner accès à leur réseau de transport, dans des conditions transparentes et non discriminatoires, et la suppression du monopole d'importation de GDF.

Abordant ensuite le deuxième grand point du projet de loi, Mme Nicole Fontaine a rappelé les obligations de service public s'imposant à tous les acteurs de la filière gazière. Elle a ainsi évoqué :

- la sécurité d'approvisionnement, qui impose aux fournisseurs de communiquer chaque année un plan prévisionnel d'approvisionnement, de disposer de sources suffisamment diversifiées et, enfin, de garantir une fourniture continue aux clients non éligibles et aux distributeurs ;

- la péréquation tarifaire, dont l'application conduira à interdire des différences de tarifs de vente de gaz supérieures aux différences de coûts de raccordement des distributions au réseau de transport du gaz naturel ;

- la solidarité envers les plus démunis, qui suppose de maintenir l'accès à l'énergie pour les personnes en difficulté, et peut également se traduire par des initiatives telles que l'instauration d'un dispositif gratuit de diagnostic des installations par les particuliers en difficulté, comme l'a prévu le contrat de groupe entre l'Etat et GDF ;

- des obligations générales en matière de protection de l'environnement, de sécurité des réseaux ainsi que de qualité et de sécurité des produits.

Puis, en troisième lieu, Mme Nicole Fontaine a indiqué que le projet de loi définissait les principes d'une régulation destinée à garantir le bon fonctionnement du marché et la coexistence harmonieuse du service public et de la concurrence :

- en reprenant une grande majorité des dispositions de la loi « électricité » ;

- en élargissant les compétences de l'actuelle commission de régulation de l'électricité au secteur gazier (CREG) ;

- en confiant à l'Etat la fixation des tarifs de vente de gaz aux clients non éligibles après avis de la CREG et celle des tarifs d'accès au réseau de transport sur proposition de la CREG ;

- en permettant d'accorder des dérogations à ces tarifs aux opérateurs désireux de développer de nouvelles infrastructures ;

- en imposant aux opérateurs l'obligation de procéder à une séparation comptable des activités de transport, de distribution et de stockage pour permettre à la CREG de vérifier l'absence de pratiques anti-concurrentielles ou de subventions croisées entre activités en monopole et celles en concurrence.

La ministre a ajouté qu'à la différence de la loi « électricité », le Gouvernement ne proposait pas de mettre en place chez les opérateurs gaziers l'équivalent du réseau de transport d'électricité (RTE), en raison de la situation véritablement concurrentielle du marché du gaz et des moyens dont disposerait la CREG de s'assurer que les transporteurs ne pourront utiliser le réseau de transport à des fins anti-concurrentielles.

Enfin, elle a signalé que le texte, au-delà de ses trois axes principaux, comportait également des dispositions de simplification administrative en matière de réglementation relative au stockage de gaz naturel et une disposition concernant les obligations d'achat imposées à EDF. A cet égard, elle a indiqué que si le Gouvernement, pour éviter toute confusion, n'avait pas souhaité introduire dans son projet des dispositions relatives à la loi « électricité », il s'en remettrait cependant à la sagesse du Sénat si celui-ci entendait étendre au secteur électrique certaines des dispositions nouvelles instituées pour le secteur gazier.

Elle a conclu son propos en espérant que le projet de loi contribuerait à démontrer la volonté de la France de participer activement à la construction européenne et de tirer les bénéfices d'une libéralisation maîtrisée en restant fidèle à ses principes d'égalité et de solidarité qui constituent le fondement même du service public.

Après que M. Gérard Larcher, président, a signifié sa satisfaction que la libéralisation maîtrisée du marché du gaz se conjugue avec le maintien des notions d'égalité et de solidarité apportées par le service public, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, s'est également réjoui des propos de la ministre quant aux obligations de service public, lesquelles devraient être de nature à calmer les inquiétudes exprimées ces derniers temps. Il a indiqué qu'il proposerait d'ailleurs de renforcer ces obligations. Puis, fustigeant le retard de deux ans pris par la France, mauvais élève de l'Europe, pour transposer la directive gazière, il a indiqué qu'il ne serait pas hostile à ce que le Gouvernement déclare l'urgence sur ce texte, compte tenu de la nécessité absolue d'aller très vite désormais. Il a ensuite interrogé la ministre sur les risques encourus par la France dans la procédure intentée par la Commission devant la Cour de justice européenne (CJE), sur l'état d'avancement du plan de desserte gazière, et enfin sur le dossier du stockage, abordé dans le cadre de la discussion relative à la seconde directive. Il a en outre indiqué qu'il ferait d'importantes propositions d'amendements dans le domaine électrique, considérant que, sur le fondement des travaux qu'il a menés avec MM. Gérard Larcher, président, Henri Revol et Jacques Valade, respectivement président et vice-président du groupe d'études de l'énergie, ce serait une erreur de prendre du retard en la matière.

En réponse, Mme Nicole Fontaine s'est tout d'abord déclarée fière des progrès que la France a contribué à faire accomplir à ses partenaires européens sur la notion de service public, et dont témoigne notamment l'article 3 du projet de seconde directive électrique qui lui est entièrement consacré. S'agissant de l'urgence, après avoir affirmé qu'une transposition rapide permettrait de démontrer aux partenaires de la France sa volonté d'avancer au moment où se négocie la seconde directive, elle a rappelé que le Premier ministre s'était engagé à ne jamais déclarer l'urgence mais s'est dite ouverte sur cette question dès lors que les parlementaires eux-mêmes suggéraient le recours à cette procédure, ce qui a suscité une réflexion ironique de la part de M. Bernard Piras.

En ce qui concerne la procédure en cours devant la CJE, Mme Nicole Fontaine, après avoir indiqué que la France serait sans doute condamnée d'ici la fin de l'année à une mise en demeure sous peine d'une condamnation ultérieure, en juin 2003, à des astreintes très élevées, avec un éventuel effet rétroactif, a estimé que l'adoption rapide du présent projet de loi devrait permettre d'éviter cette extrémité. S'agissant de l'état d'avancement de la seconde directive gazière, elle a rendu compte de la réunion du Conseil des ministres européens de l'énergie du 4 octobre 2002 en soulignant qu'elle s'était opposée à un accord politique et que le débat d'orientation générale avait démontré, sur le problème particulier du stockage, le relatif isolement de la France, en particulier sur l'importance qu'elle accorde à l'objectif de garantie de service public par rapport à celui de flexibilité économique. Enfin, observant que 1 169 communes étaient inscrites au plan de desserte gazière et que 550 d'entre elles avaient bénéficié d'un accès en 2001, la ministre a indiqué qu'un bilan global serait dressé au début de l'année 2003 avant qu'une seconde phase du plan soit engagée, en tirant notamment les conséquences de la libéralisation en cours. Elle a ajouté qu'en tout état de cause, les communes non encore inscrites pouvaient d'ores et déjà faire appel à l'opérateur de leur choix pour obtenir la desserte.

Un débat s'est ensuite ouvert.

Rappelant qu'il avait démissionné de ses fonctions de représentant du Sénat au Conseil supérieur de l'électricité et du gaz en raison du refus du précédent gouvernement de transposer la directive gaz, M. Dominique Braye s'est déclaré heureux que l'actuel gouvernement ait décidé cette transposition et qu'il ait choisi la voie législative sans déclaration d'urgence, témoignant ainsi de la confiance qu'il accordait aux travaux parlementaires. Il a ensuite interrogé la ministre sur les opportunités (occasions industrielles) que le retard pris avait pu faire perdre à Gaz de France, lui demandant en outre si le projet de loi était en l'état suffisant pour permettre à l'opérateur national de surmonter ses faiblesses.

M. Yves Coquelle, après avoir douté que le texte soit de nature, quoiqu'en dise le gouvernement, à répondre aux inquiétudes exprimées par les salariés et les usagers de Gaz de France lors de la manifestation du 3 octobre dernier, a regretté que les nombreuses auditions auxquelles a procédé le rapporteur n'aient pas été organisées en commission de manière à ce que tous ses membres entendent notamment les syndicats et les représentants des usagers.

Relevant que l'ouverture du capital de Gaz de France figurait dans les programmes électoraux des principaux candidats à l'élection présidentielle, M. Alain Fouché a estimé essentiels la réaffirmation de la notion de service public et le maintien du statut des personnels mais s'est interrogé sur l'avenir du régime de retraite des « gaziers ».

Après avoir remercié la ministre d'avoir entendu la demande des membres de la commission, qui l'avaient auditionnée en juillet dernier, et d'avoir renoncé à transposer la directive par ordonnance, M. Henri Revol, Président du groupe d'études de l'énergie, a demandé si le texte prévoyait, comme la loi « électricité », que le gouvernement puisse organiser la programmation annuelle des investissements afin de garantir la sécurité des approvisionnements, et quelles mesures pouvaient être envisagées, le cas échéant dans le cadre d'un texte ultérieur, pour assurer la sécurité des biens et des personnes, question qui deviendra essentielle lorsque plusieurs opérateurs auront accès au marché du gaz, matière première très utile mais également dangereuse.

Après que M. Gérard Larcher, président, a précisé que la commission des affaires économiques venait d'auditionner, notamment sur la question gazière, M. Marc Blondel, qu'elle devait prochainement entendre des représentants de la CFDT et de la CGT, et qu'il ne lui était en tout état de cause pas possible de procéder à des dizaines d'auditions sur chacun des textes qu'elle examine, Mme Nicole Fontaine a répondu aux intervenants.

Elle a indiqué à M. Dominique Braye que si l'opérateur Gaz de France n'avait pas été fragilisé par le retard pris dans la transposition de la directive, il avait en revanche certainement manqué des opportunités de se renforcer. Elle a toutefois estimé qu'il n'était pas trop tard, comme en témoignait l'intérêt pour une opération, une fois le capital de Gaz de France ouvert, manifesté récemment par son collègue espagnol. Elle a ajouté avoir toujours clairement affirmé que ce projet de loi n'était qu'une première étape et qu'il serait suivi, avant la fin de l'année, d'autres textes visant notamment à renforcer Gaz de France par une modification de ses statuts et à réussir les changements structurels dont la France a besoin dans le domaine de l'énergie.

Elle a assuré à M. Yves Coquelle que le gouvernement avait bien entendu le message des manifestants du 3 octobre comme en témoignaient ses engagements, qu'il avait rappelés aux représentants syndicaux dès avant cette manifestation, sur le caractère minoritaire de l'ouverture du capital d'EDF et de GDF, le maintien du statut des salariés ou encore l'affermissement de la notion de service public. S'agissant des retraites, elle a indiqué à M. Alain Fouché que le gouvernement faisait confiance à la qualité du dialogue social, dont il souhaitait l'ouverture immédiate, pour que soit conforté le régime actuel auquel sont légitimement attachés les personnels.

A M. Henri Revol, elle a confirmé que, le projet de loi imposant aux opérateurs l'établissement d'un plan de diversification de leurs approvisionnements, l'Etat serait en mesure de demander, le cas échéant, son élargissement sous peine de retrait de l'autorisation. Elle lui a également indiqué que la sécurité des installations était d'ores et déjà garantie par l'article 11 du texte, et qu'elle serait encore renforcée par des outils juridiques figurant dans d'autres cadres législatifs, tel le projet de loi de Mme Roselyne Bachelot sur la prévention des risques industriels.

Ouvrant une seconde série de questions, M. Daniel Raoul, après s'être déclaré étonné des interprétations successives données à la presse par la ministre sur la notion de service public et avoir rappelé l'importance qu'aurait à cet égard la directive-cadre sur le service public préparée actuellement par la Commission, a demandé des précisions sur la teneur de la réunion des ministres du 4 octobre dernier à Bruxelles, s'est interrogé sur la sécurité des transports et du stockage lorsque celui-ci serait ouvert aux tiers, et fait part de ses inquiétudes quant à la poursuite des activités de services d'EDF/GDF face à l'obligation de séparation comptable des activités imposée par le projet de loi.

S'appuyant sur des statistiques dont la validité a été corroborée par M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, M. Pierre-Yvon Trémel s'est étonné de l'importance des écarts existant chez les partenaires européens de la France entre le degré théorique d'ouverture de leur marché du gaz et la réalité constatée. Puis il a interrogé la ministre sur les moyens dont disposerait la puissance publique pour assurer réellement la péréquation tarifaire, obligation de service public, dans le cadre d'un marché ouvert, et sur les perspectives de reconduite du contrat de groupe entre l'Etat et Gaz de France qui arrive à échéance à la fin de l'année 2003.

S'agissant de l'autorité de régulation, Mme Marie-France Beaufils a demandé si sa composition serait modifiée pour tenir compte de l'extension de sa compétence au secteur du gaz et quels seraient les moyens dont elle disposerait pour garantir le respect du service public dans ce secteur.

Enfin, M. Alain Gérard a estimé qu'il serait opportun de généraliser le recours au support d'Electricité de France pour conforter les réseaux à hauts débits, équipements structurants très importants pour le développement local.

En réponse, Mme Nicole Fontaine a indiqué à M. Daniel Raoul que le gouvernement suivait avec attention l'élaboration de la directive-cadre sur les services d'intérêt général, elle-même s'étant d'ailleurs tout récemment longuement entretenue à ce propos avec M. Mario Monti, commissaire européen à la concurrence. S'agissant de la réunion des ministres du 4 octobre, elle a confirmé qu'elle s'était opposée à la volonté de la présidence danoise de conclure ce jour-là, mais reconnu que la directive serait néanmoins adoptée d'ici la fin de l'année, la France, qui paraît très isolée sur cette question, devant d'ici-là trouver des alliances pour que sa position d'ouverture sur le principe, mais de fermeté quant au contenu, soit satisfaite dans le cadre d'un compromis. Elle a toutefois affirmé que le démembrement de EDF/GDF services serait inacceptable et s'est déclarée optimiste sur la prise en compte par les partenaires de la France de sa conception originale du service public.

Puis, après être convenue avec M. Pierre-Yvon Trémel que l'Allemagne était un des Etats les plus fermés de l'Union bien que son marché du gaz soit en théorie totalement ouvert, la ministre a pris l'exemple de l'Espagne pour lui garantir qu'il n'existait pas de contradiction entre ouverture du marché et tarif péréqué, et lui a confirmé que le contrat de groupe avec GDF serait reconduit à son échéance de 2003.

Elle a ensuite assuré à Mme Marie-France Beaufils que la CREG, autorité administrative indépendante, serait garante de la qualité du service public dans le secteur du gaz sans qu'il soit nécessaire de modifier sa composition, avant de reconnaître avec M. Alain Gérard qu'Electricité de France pourrait être davantage mise à contribution pour assurer le développement des réseaux à hauts débits.

Bureau de la Commission - Communication

Puis M. Gérard Larcher, président, a rendu compte à la commission de la réunion de son Bureau tenue le mardi 2 octobre 2002.

Il a indiqué que le Bureau avait pris acte du programme de travail envisagé pour la commission au cours des prochains mois. Il a notamment précisé que pour le dernier trimestre 2003, celle-ci avait déjà en charge trois propositions de loi, deux propositions de résolution, un projet de loi, 23 avis budgétaires, trois missions d'information, un groupe de travail, une enquête sur la loi solidarité et renouvellement urbains (SRU), un colloque (vin, santé et alimentation) ainsi que les travaux de 18 groupes d'étude actifs, ceci entraînant d'ores et déjà la programmation de 18 réunions de commission. Il a ensuite fait part de l'état d'avancement de la constitution du Conseil scientifique et de prospective indiquant au passage que les derniers arbitrages devraient pouvoir être soumis à la réunion du Bureau de la commission du mois de novembre et que la première réunion du Conseil paraissait, en conséquence, pouvoir être envisagée pour fin décembre.

S'agissant de la désignation de candidats pour les organismes extra-parlementaires, le Bureau a rappelé son attachement au principe d'une désignation au sein de la commission des candidats qu'elle pouvait être amenée à proposer et a examiné les désignations à trois organismes extra-parlementaires, retenant un candidat à proposer à la commission pour chacun d'entre eux. M. Gérard Larcher, président, a enfin communiqué à la commission les éléments fournis au Bureau sur :

- l'information macro-économique des sénateurs ;

- la couverture de presse des travaux de la commission ;

- et la composition de son secrétariat, le poste de secrétaire créé ayant été pourvu au 1er octobre.

Syndicats - Audition de M. Jean-Marie Toulisse, secrétaire national de la CFDT, accompagné de M. Jacques Bass, secrétaire confédéral au service économie et société de la CFDT

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean-Marie Toulisse, secrétaire national de la CFDT, accompagné de M. Jacques Bass, secrétaire confédéral au service économie et société de la CFDT.

Après avoir souligné l'innovation que constituait l'invitation que lui avait adressée la commission des affaires économiques et en avoir remercié le président, M. Jean-Marie Toulisse a fait part de la grande importance qu'il attachait aux travaux des chambres parlementaires, notamment en raison de sa propre appartenance au Conseil économique et social.

Il a tout d'abord fait observer que l'action syndicale menée par la CFDT était largement influencée par son contexte. Décrivant ce contexte, il a déclaré qu'il était surtout marqué par l'incertitude. Il a estimé que les incertitudes pesant aujourd'hui sur les salariés, les syndicats et les employeurs étaient de trois ordres :

- les incertitudes internationales (perspective de conflit avec l'Irak, enlisement du conflit israélo-palestinien, sommet mondial sur le développement durable, convention européenne) ;

- les incertitudes économiques (faiblesse de la croissance annoncée, crise boursière, net recul de l'emploi intérimaire, dégradation des comptes publics, particulièrement de ceux des organismes sociaux...), lesquelles entretenaient l'attentisme et la prudence, voire l'inquiétude. Il a notamment relevé l'évolution des préoccupations des salariés, qui concernaient au mois d'avril la retraite et l'insécurité et qui se focalisaient aujourd'hui sur l'emploi ;

- les incertitudes par rapport à la lisibilité de l'action gouvernementale : s'il a convenu que le Gouvernement avait pris le soin de communiquer sur la tenue des promesses électorales relatives au SMIC et aux 35 heures, M. Jean-Marie Toulisse a déploré les maladresses venues brouiller la lisibilité de la politique du nouveau gouvernement. En guise d'exemple, il a évoqué le prélèvement de 830 millions d'euros opéré sur la Caisse nationale d'assurance vieillesse par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, à la veille de la réforme des retraites et de la concertation annoncée sur ce sujet.

M. Jean-Marie Toulisse a jugé que le soutien des syndicats aux réformes à venir ne s'obtiendrait que dans un climat de confiance. Pour sa part, la CFDT, a-t-il fait observer, se prononcera sur chaque dossier séparément. Ainsi, il a relevé que la méthode suivie pour le relèvement du SMIC -consultation du comité économique et social puis proposition gouvernementale tenant compte de cet avis- avait satisfait la CFDT. En revanche, il a estimé qu'approcher le dossier des 35 heures avec des formules incantatoires du type « remettre la France au travail » risquait de heurter la sensibilité des 78 % de salariés travaillant aujourd'hui moins de 36 heures. Il a déclaré qu'il ne lui paraissait pas pensable de faire revenir en arrière les entreprises ayant déjà basculé aux 35 heures et de dire aux dix millions de salariés ayant négocié, grâce aux militants syndicaux, la baisse du temps de travail, qu'ils avaient commis une erreur. Il a rappelé la légitimité des négociations qui avaient alors été engagées entre les syndicats et le patronat, les premiers négociant de la réduction du temps de travail et le second de la flexibilité et des réorganisations internes, l'absence d'inflation privant les deux interlocuteurs d'autre monnaie d'échange.

S'agissant des difficultés spécifiques rencontrées par les entreprises de moins de 20 salariés dans l'application des 35 heures, il s'est inquiété des assouplissements annoncés par le Gouvernement et de la possibilité qu'il en résulte une société à deux vitesses. Il a fait observer que, si l'on cherchait à créer des emplois dans les PME et à régler les problèmes de main-d'oeuvre auxquels beaucoup d'entre elles sont confrontées, il fallait à tout prix éviter d'avoir « des petits droits dans les petites entreprises ». Il a notamment remarqué que le marché du travail allait naturellement se tendre pour des raisons démographiques et que les postes de fonctionnaires libérés par les départs en retraite ainsi que les postes en grandes entreprises bénéficiant des 35 heures détourneraient des PME une main-d'oeuvre déjà insuffisante.

S'agissant de la convention PARE, M. Jean-Marie Toulisse a suggéré d'en dresser d'abord le bilan et d'en tirer des leçons d'efficacité.

Concernant le dialogue social, il a rappelé que la CFDT était prête à s'engager dans de grandes négociations interprofessionnelles mais il a jugé indispensable de redonner à cette fin de la légitimité à l'accord en faisant des délégués syndicaux de véritables élus.

Sur le dossier de l'emploi des jeunes, il a souligné que l'initiative gouvernementale instaurant les contrats-jeunes se devait d'avoir des contreparties négociées en matière de formation et de qualification.

Pour conclure, il a évoqué les autres thèmes de travail de la CFDT : les retraites, l'accompagnement des chômeurs, le télétravail et la décentralisation.

M. Gérard Larcher, président, a relevé le souci de M. Jean-Marie Toulisse de redonner la légitimité à l'accord. S'il a convenu que ce sujet ressortait au premier chef de la commission des affaires sociales, il a toutefois fait valoir qu'un bon accord social donnait du dynamisme économique à l'entreprise, ce qui justifiait l'intérêt de la commission des affaires économiques. Il a souhaité connaître les propositions de la CFDT afin de retrouver cette légitimité. Il a ensuite demandé à M. Jean-Marie Toulisse quelles étaient les propositions concrètes de la CFDT pour adapter les 35 heures aux PME-PMI. Il s'est également enquis de l'état du dialogue social dans les grandes entreprises. Enfin, il a interrogé M. Jean-Marie Toulisse sur le regard que portait la CFDT sur les services publics et sur la question du statut des entreprises publiques.

En réponse, M. Jean-Marie Toulisse a estimé que le mode actuel d'élection, sur lequel seront à nouveau calées -malheureusement- les prochaines élections prud'homales, ne pouvait assurer la légitimité des représentants syndicaux. Il a déploré que le vote soit organisé un mercredi, jour où les salariés étaient le plus nombreux à être absents, et dans une école ou une mairie éloignées du lieu de travail et a déclaré qu'on pouvait s'attendre, dans ces conditions, à un taux élevé d'abstentions. Il a suggéré que l'élection de représentativité, qui pourrait avoir lieu le même jour dans la même branche, ne soit pas l'élection prud'homale par laquelle les salariés votent pour des juges, mais une autre élection -celle des délégués du personnel ou celle des membres du comité d'entreprise- par laquelle les salariés choisiraient leur négociateur. Il a également considéré qu'une telle élection devrait être ouverte à tous les syndicats, mais exclusivement aux syndicats, et que le vote devrait s'exprimer en faveur de salariés syndiqués appartenant à l'entreprise et non sur des bulletins portant les sigles de syndicats ne présentant pas de candidat.

S'agissant des PME-PMI, M. Jean-Marie Toulisse a tout d'abord recommandé de ne pas considérer leurs salariés de manière homogène, mais d'adopter une approche branche par branche. Il a également préconisé de renforcer le dialogue entre les syndicats et les interlocuteurs patronaux. Ainsi, il a rappelé l'existence de l'accord sur le dialogue social dans l'artisanat qui avait été conclu avec l'Union professionnelle artisanale (UPA) et s'est déclaré favorable à son extension avant d'en tirer un bilan. Il a jugé qu'il convenait d'encourager l'existence des organisations patronales dans les PME, ce qui ne manquerait pas de donner un élan aux organisations syndicales dans ces mêmes entreprises. Il a de nouveau insisté sur son inquiétude face à la fréquence des départs de salariés de petites entreprises vers les plus grandes.

Au sujet du dialogue social dans les grandes entreprises, M. Jean-Marie Toulisse s'est félicité de ce que la CFDT en était un acteur essentiel, rappelant que ce syndicat réunissait majoritairement des salariés du secteur privé.

S'agissant du service public et du statut des grandes entreprises publiques,M. Jean-Marie Toulisse a noté tout d'abord la diversité des situations. Il a ensuite fortement insisté sur la nécessité de définir les missions du service public et la politique industrielle suivie avant de s'attacher aux questions statutaires et organisationnelles. Il a rappelé l'importance de la question des retraites dans le dossier des entreprises publiques, en insistant à nouveau sur la spécificité des différentes entreprises publiques. Il a mis en garde contre des démarches qui laisseraient penser aux salariés de ces entreprises que la remise en cause de leur situation personnelle constituait l'objectif principal de la réforme. Il en a conclu que, si la réforme de l'Etat, et donc des trois fonctions publiques, était indispensable, elle devait tenir compte de ces spécificités.

M. Dominique Braye a tenu à remercier M. Jean-Marie Toulisse pour son franc-parler et son pragmatisme. Il a estimé que le lien entre légitimité et suffrages reçus lors des élections syndicales avait toute sa pertinence. Il a appelé les responsables syndicaux à reconnaître une forme de crise de syndicalisme, que traduisait la forte abstention aux élections syndicales. Il a ensuite jugé que la critique des 35 heures était souvent venue des salariés eux-mêmes, qui n'avaient pas toujours reçu de contreparties réelles au développement de la flexibilité.

M. Pierre-Yvon Trémel a souhaité savoir quel était le regard de la CFDT sur la mondialisation, sur les modifications annoncées des dispositifs de lutte contre l'exclusion, et sur la relance de la décentralisation et l'expérimentation.

Mme Evelyne Didier, considérant que les salariés constituaient le plus souvent la variable d'ajustement des évolutions économiques, a exprimé le même intérêt que M. Pierre-Yvon Trémel pour la position de la CFDT sur la mondialisation.

S'agissant de la décentralisation, M. Jean-Marie Toulisse a répondu qu'elle était à la fois nécessaire et urgente. Il a souhaité que la réforme soit menée avec suffisamment d'habileté pour ne pas fédérer contre elles des oppositions hétéroclites qui compromettraient le projet. Il en a déduit la nécessité d'avancer progressivement dans ce domaine, notamment en recourant à l'expérimentation. Il a insisté sur l'importance de faire évoluer parallèlement la démocratie sociale. Il a écarté la dialectique associant la décentralisation au développement des inégalités territoriales. Il a précisé cependant que certains éléments devaient rester communs à l'ensemble du territoire national, tels le taux de contribution sociale généralisée (CSG) ou l'allocation personnalisée à l'autonomie (APA).

M. Jacques Bass a complété ces réponses, en précisant à M. Dominique Braye qu'il avait raison d'évoquer la crise de légitimité du syndicalisme, mais que celle-ci touchait surtout les petites entreprises. Il a estimé que l'organisation de la vie sociale en France ne favorisait pas la constitution de solides corps intermédiaires. Il a noté au contraire un phénomène de « passagers clandestins », de nombreux salariés se satisfaisant d'être protégés par les conventions sans s'engager eux-mêmes dans l'action syndicale, voire sans voter. Il a suggéré, comme procédure alternative, la solution de l'accord majoritaire sur la base d'une élection de proximité. Il a fait remarquer que cela déchargerait les pouvoirs publics de l'obligation fréquente de trancher en dernier ressort. S'agissant du SMIC, il a souhaité que soient mis à profit les trois ans à venir. Rappelant la formule cédétiste selon laquelle le scandale n'était pas le niveau du SMIC, mais d'y rester toute sa vie, il a jugé indispensable de mettre en place de véritables perspectives de carrière ouvrière, que le resserrement actuel de la moitié inférieure des salaires n'autorisait pas. Il a rappelé enfin que la CFDT n'avait pas été entièrement satisfaite de la mise en place des 35 heures.

S'agissant de la mondialisation, il a estimé que la réponse passait nécessairement par la capacité de l'Europe à définir son propre modèle social. A ce titre, il a exprimé la préoccupation actuelle de la CFDT devant le risque d'une politique économique déséquilibrée, la dégradation des finances publiques allant de pair avec durcissement excessif de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE).

S'agissant des risques de délocalisation et de restructuration que la mondialisation faisait peser sur les salariés, il a abondé dans le sens de Mme Evelyne Didier, en particulier sur les carences de l'accompagnement et du suivi des plans sociaux. Il a souhaité attirer l'attention de la commission sur la montée en puissance du thème de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), en réponse à une attente de la société civile.

M. Gérard Larcher, président, a émis le souhait que les grandes organisations syndicales informent la commission de l'évolution de leurs réflexions. Rappelant la vocation économique de la commission, il a souligné l'impossibilité d'évaluer l'économique indépendamment de toute référence au social, les deux champs étant étroitement liés. Il a indiqué, à ce titre, que le Bureau de la commission avait souhaité qu'un représentant de la CFDT siège au conseil scientifique et de prospective actuellement en cours de constitution auprès de la commission.

Mercredi 9 octobre 2002

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

Nomination d'un rapporteur

La commission a tout d'abord procédé à la nomination de M. Bruno Sido en qualité de rapporteur sur la proposition de loi n° 409 (2001-2002) de MM. Bruno Sido, Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy et Paul Girod, relative à la couverture territoriale en téléphonie mobile de deuxième génération par la mise en oeuvre prioritaire de prestations d'itinérance locale entre opérateurs.

Organismes extraparlementaires - Désignation de candidats proposés à la nomination du Sénat

Puis la commission a procédé à la désignation descandidats proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein des organismes extraparlementaires.

Ont été nommés :

- M. Yves Detraigne pour le Comité consultatif pour la gestion du fonds national pour le développement des adductions d'eau dans les communes rurales (en remplacement de M. Louis Moinard, démissionnaire) ;

- M. Pierre Hérisson pour le Conseil national de l'habitat (en remplacement de M. Louis Moinard, démissionnaire) ;

- M. Jean-Paul Alduy pour le Conseil d'administration de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette (en remplacement de M. Pierre André).

Energie - Marchés énergétiques - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Ladislas Poniatowski sur le projet de loi n° 406 (2001-2002) relatif aux marchés énergétiques.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur,
s'est tout d'abord félicité de ce que, conformément à ce qu'il avait demandé à de multiples reprises, le Gouvernement ait décidé de déclarer l'urgence sur ce texte. Il a ensuite rappelé divers éléments de contexte relatifs à la directive n° 98-30 sur la libéralisation du marché du gaz. Il a indiqué que ce document, négocié en 1997 sous présidence française, qui prévoit une ouverture progressive, est entré en vigueur le 10 août 2000, date avant laquelle elle aurait dû être transposée. Il a déploré que la France soit menacée d'être condamnée par la Cour de justice des communautés à une astreinte, pour carence dans la transposition, et que Gaz de France (GDF) soit bloqué aux frontières de l'Espagne, qui lui refuse l'accès à de nouveaux marchés.

A Bruxelles, a-t-il observé, les négociations relatives à la seconde directive sur la libéralisation des marchés progressent, tandis que lors du Conseil européen de Barcelone de mars 2002, les Etats sont convenus que les consommateurs européens autres que les ménages (pour l'essentiel les PME et les PMI) auront le libre choix de leur fournisseur d'électricité et de gaz à partir de 2004, ce qui représentera 60 % du marché.

Il a noté que les services de la Commission évoquent peu à peu des préoccupations chères à la France, telles que :

- les obligations de service public ;

- le renforcement de la sécurité d'approvisionnement ;

- la protection des régions les plus reculées et des groupes les plus vulnérables de la population.

Evoquant le contenu de la directive 98/30, M. Ladislas Poniatowski a indiqué qu'elle tend :

- à l'ouverture progressive du marché à la concurrence ;

- à l'adaptation aux situations nationales, grâce à la faculté d'imposer des obligations de service public et à la possibilité de préserver des contrats d'approvisionnement de long terme, dits aussi contrats « take or pay » ;

- et enfin à l'institution d'un droit d'accès au réseau pour les clients «éligibles », c'est-à-dire ceux qui jouiront du libre choix de leur fournisseur.

Présentant la situation du marché gazier, il a précisé que les réserves mondiales sont situées, environ pour les deux tiers, en Russie et au Proche-Orient, de même que la production gazière, la Russie détenant, à elle seule, plus de 40 % des stocks mondiaux. L'Europe, a-t-il ajouté, est autonome à hauteur de 40 %.

Observant que le coût du transport constituait la principale composante du coût de production du gaz, le rapporteur a estimé que la question des stockages gaziers était cruciale, puisque la consommation gazière intra-annuelle varie fortement en fonction de la température, ce qui explique que la première directive n'ait pas évoqué la question des stockages, qui fait actuellement l'objet de débats dans le cadre de la discussion de la seconde directive.

Evoquant la situation de la France en matière gazière, le rapporteur a ajouté que notre pays importe actuellement 96 % de sa consommation, l'essentiel de sa production étant issu du gisement de Lacq. Les importations françaises proviennent de Norvège (30 %), de Russie (29 %) et d'Algérie (29 %) dans le cadre d'une structure des importations très stable du fait de l'existence de contrats de long terme, quoiqu'une tendance à la diversification géographique des approvisionnements se fasse progressivement sentir.

Il a ajouté que la consommation gazière française était marquée par son caractère fortement cyclique, car on importe du gaz en été, pour le stocker et le consommer en hiver, les stockages assurant, aux jours les plus froids de l'année, 60 % de la demande.

Puis le rapporteur a rappelé qu'il existe deux réseaux gaziers français :

- le réseau de transport, qui compte 36.000 kilomètres de conduites possédées par Gaz de France pour 90 % et Gaz du Sud Ouest (filiale de Total Fina Elf et de GDF), pour environ 10 % ;

- le réseau de distribution qui s'étend sur 170.000 kilomètres, qui appartient aux collectivités locales. Ce dernier réseau est exploité par :

. Gaz de France (à 96 %) qui est en position de distributeur, y compris dans les zones où Gaz du Sud Ouest assure le transport ;

. les distributeurs non nationalisés (DNN) (4 %).

Ces « DNN », a-t-il indiqué, sont des régies communales, ou intercommunales ou des sociétés d'économie mixte locale, qui n'ont pas été nationalisées en 1946, car elles étaient détenues par des collectivités locales et constituaient des services publics locaux.

Il a enfin précisé que 75 % de la population française était desservie en gaz naturel et que, contrairement à ce qui est prévu pour l'électricité, le législateur n'a jamais institué une obligation de desserte gazière en tous points du territoire, la loi de 1998 ayant prévu une extension du réseau dans le cadre d'un « plan national de desserte », dans des conditions économiques qui assurent une rentabilité théorique minimale. En outre, a-t-il ajouté, le prix du gaz n'est pas totalement péréqué sur le territoire : si le coût du transport l'est en partie, les tarifs de vente varient en fonction d'une grille qui comporte six niveaux, laquelle est établie selon la distance de chacune des distributions par rapport au réseau national de transport à haute pression.

Evoquant le contenu du projet de loi, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a déclaré que ce texte comportait trois grandes parties :

- les titres 1er à 4 et 6 qui transposent le contenu de la directive ;

- le titre 5 qui homogénéise les dispositions relatives à tous les types de stockage souterrains (hydrocarbures, produits chimiques, gaz naturel) et l'insère dans le code minier ;

- enfin, le titre 7 qui comporte des dispositions diverses.

Abordant, enfin, les orientations générales de son travail, le rapporteur a dit sa conviction quant à la nécessité de transposer vite et bien la directive, et de conserver l'économie générale du projet de loi, tout en enrichissant son contenu tant en ce qui concerne les dispositions gazières que s'agissant de l'électricité.

Dans le domaine du gaz, il a suggéré à la commission de :

- réaffirmer la valeur du service public ;

- garantir la transparence des tarifs pratiqués aux clients non éligibles ;

- faciliter les échanges gaziers pour les clients éligibles ;

- renforcer la sécurité des personnes au-delà du compteur ;

- et de réaffirmer les droits des collectivités locales concédantes.

S'agissant de l'électricité, il a souhaité saisir l'occasion offerte par ce texte pour procéder à un « toilettage » des dispositions de la loi « électricité » du 10 février 2000. Il a indiqué qu'il avait, initialement, envisagé le dépôt d'une proposition de loi sur ces sujets, avec ses collègues les sénateurs Gérard Larcher, Henri Revol et Jacques Valade, ce qui s'était avéré impossible, eu égard au calendrier de travail de l'Assemblée nationale. Il a suggéré d'en insérer le contenu, sous la forme d'un titre 7, afin de :

- simplifier les modalités de financement du fonds du service public de la production d'électricité (FSPPE) ;

- modifier le mode de calcul de la taxe qui abonde ce fonds afin de ne pas pénaliser la compétitivité des entreprises qui consomment de l'électricité ;

- procéder à un « toilettage » électrique.

M. Daniel Reiner s'est interrogé sur l'incidence de la modification du régime des stockages gaziers sur les ressources des collectivités locales.

M. Daniel Raoul l'ayant questionné sur la question de l'accès des tiers au stockage, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a rappelé qu'il souscrivait à la position adoptée par la France dans la négociation de la seconde directive, en vertu de laquelle notre pays était hostile à une telle mesure. Il a ajouté qu'il avait prévu de se rendre, en compagnie du président Gérard Larcher, à Bruxelles pour faire état de ses vues à la Commission européenne. A une seconde question du même auteur concernant la sécurité, il a répondu que plusieurs de ses amendements répondaient à cette préoccupation.

M. Gérard Larcher, président, a également indiqué que les stockages gaziers constituaient une chance pour notre pays.

M. Dominique Braye s'est déclaré en accord avec les vues du rapporteur et s'est félicité de ce que la décision de déclarer l'urgence sur ce texte ait été prise.

Mme Marie-France Beaufils ayant déploré que le rapport n'ait pas été soumis aux commissaires avant la réunion de la commission, le président Gérard Larcher a déclaré qu'il n'était pas possible de procéder autrement, compte tenu des délais impartis pour la discussion de cette directive dont la transposition était pendante depuis plus de deux ans, le rapporteur indiquant, pour sa part, qu'il avait lui-même dû travailler en urgence.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi.

Avant l'article premier (dénomination de l'autorité de régulation), après l'intervention de M. Jean Besson, la commission a adopté un amendement afin de désigner, par cohérence avec l'intitulé du projet de loi, l'autorité de régulation de l'électricité et du gaz sous le nom de Commission de régulation de l'énergie.

A l'article premier (droit d'accès aux ouvrages de transport et de distribution et aux installations de gaz naturel liquéfié), après les interventions de MM. Daniel Raoul et Pierre-Yvon Trémel, la commission a adopté :

- un amendement tendant à permettre aux mandataires des clients éligibles de bénéficier d'un droit d'accès aux réseaux pour le compte de ceux-ci (alinéa additionnel après le quatrième alinéa) ;

- un amendement de précision qui concerne la définition des ouvrages et installations auxquels un droit d'accès est reconnu, en faisant référence aux « installations fournissant des services auxiliaires » qui figurent au 12°) de l'article 2 de la directive 98/30 (premier alinéa) ;

- et un amendement précisant que le droit d'accès aux réseaux ne pourrait faire obstacle à l'accomplissement des obligations de service public.

A l'article 2 (régime des clients éligibles), après les interventions de MM. Yves Coquelle, Henri Revol, Dominique Braye, Jean Besson et Mme Marie-France Beaufils, la commission a adopté, outre des amendements rédactionnels, des amendements destinés à :

- éviter un contournement des dispositions sur l'éligibilité par des opérateurs qui en profiteraient pour produire de l'électricité à partir de gaz pour acheter du gaz « en gros » et le revendre en dégageant une marge ;

- tenir compte des contraintes physiques auxquelles est soumis le réseau d'acheminement du gaz en cas de résiliation des contrats de fourniture ;

- assurer l'éligibilité de tous les distributeurs, sans distinction.

A l'article 3 (statut des fournisseurs de gaz naturel), après les interventions de MM. Daniel Raoul et Pierre-Yvon Trémel, la commission a, outre des amendements rédactionnels ou de coordination, adopté des amendements pour indiquer que :

- les autorisations de fournir du gaz sont délivrées de manière objective et non discriminatoire ;

- les modalités de délivrance des autorisations sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

- le ministre chargé de l'énergie peut imposer aux fournisseurs de lui communiquer leur plan prévisionnel d'approvisionnement.

A l'article 4 (refus de conclure un contrat d'accès à un ouvrage de transport, de distribution ou à une installation gazière), la commission a adopté, outre des amendements rédactionnels, deux amendements tendant à :

- faire référence dans la définition des ouvrages et installations auxquels un droit d'accès est reconnu, aux « installations fournissant des services auxiliaires », par coordination ;

- insérer dans la liste des critères susceptibles de motiver un refus d'accès au réseau, le texte du i) de l'article 25 de la directive qui vise l'incidence qu'aurait l'octroi d'une dérogation sur l'application correcte de la directive en ce qui concerne le fonctionnement du marché intérieur du gaz naturel.

A l'article 5 (tarifs d'utilisation des réseaux gaziers), après les interventions de MM. Pierre-Yvon Trémel, Hilaire Flandre, Dominique Braye, Daniel Raoul et Mme Marie-France Beaufils, la commission a adopté, outre des amendements rédactionnels ou de coordination, deux amendements pour :

- prévoir que la commission de régulation de l'énergie émettra ses avis et propositions après avoir consulté les acteurs du marché de l'énergie ;

- préciser qu'il sera tenu compte du coût des extensions de réseau restant à la charge des distributeurs lors de la fixation des tarifs et conditions commerciales d'utilisation des réseaux.

A l'article 6 (séparation comptable), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les entreprises intégrées font figurer dans leur comptabilité interne un bilan et un compte de résultats pour chaque activité et indiquent, dans l'annexe de leurs comptes annuels, toute opération d'une certaine importance effectuée avec les entreprises liées ; elle a, en outre, adopté des amendements rédactionnels ou de coordination au même article.

A l'article 7 (fonctionnement des réseaux gaziers, échanges d'informations), la commission a, outre des amendements rédactionnels ou de coordination, adopté des amendements pour :

- prévoir que la liste des informations commercialement sensibles que le service gestionnaire du réseau de transport et de distribution devra garder confidentielles sera fixée par décret en Conseil d'Etat ;

- permettre aux collectivités organisatrices de la distribution de gaz de disposer de toutes les informations utiles au contrôle du service public de distribution.

A l'article 10 (coordination avec les dispositions du code général des collectivités territoriales), après une intervention de M. Daniel Raoul, la commission a adopté un amendement pour faire référence aux services publics de l'électricité et du gaz.

Avant l'article 11 (rôle des collectivités locales en matière d'organisation du service public du gaz naturel), la commission a voté un amendement tendant à insérer un article additionnel qui prévoit que le service public du gaz naturel est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par les communes ou leurs établissements publics de coopération.

A l'article 11 (fixation d'obligations de service public par l'Etat), après des interventions de MM. Yves Coquelle, Gérard Le Cam, André Lejeune, Gérard Larcher et Mme Marie-France Beaufils, la commission a adopté des amendements tendant à :

- préciser que les obligations de service public sont imposées « dans l'intérêt économique général » ;

- viser la sûreté des installations et la sécurité des personnes ;

- indiquer que des conventions conclues entre les bailleurs publics et privés d'immeubles situés dans les immeubles sociaux ou vétustes et les opérateurs de distribution permettront d'améliorer la sécurité des installations intérieures de gaz naturel et favoriseront les actions de maîtrise de la demande de gaz ;

- insérer dans la liste des matières susceptibles de donner lieu à des obligations de service public « la transparence des conditions commerciales aux clients finaux » ;

- faire référence, dans les matières susceptibles de faire l'objet d'obligation de service public non seulement à la « fourniture de gaz » mais aussi aux services associés.

Elle a, en outre, adopté, au même article, un amendement rédactionnel.

Après l'article 11 (extension des compétences des observatoires régionaux du service public de l'électricité), la commission a adopté, après les interventions de Mme Marie-France Beaufils et de M. Jean Besson, des amendements tendant à insérer des articles additionnels afin :

- d'étendre les compétences des observatoires régionaux du service public de l'électricité ;

- de transformer l'observatoire de la diversification d'EDF et de GDF en observatoire des pratiques sur les marchés énergétiques.

A l'article 14 (contrôle des capacités techniques des opérateurs), la commission a adopté des amendements rédactionnels.

Après l'article 14, à l'issue des interventions de Mmes Marie-France Beaufils et Evelyne Didier, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel pour permettre la reconversion des oléoducs pour le transport de gaz.

A l'article 15 (régime des stockages souterrains), elle a adopté des amendements rédactionnels.

Avant l'article 20 (intitulé du titre VII du projet de loi), la commission a, outre des amendements tendant à insérer des articles additionnels, voté un amendement tendant à insérer un article additionnel pour modifier l'intitulé du titre VII du projet de loi, désormais consacré aux dispositions relatives au service public de l'électricité.

A l'article 20 (appréciation du seuil de puissance maximal des installations bénéficiant de l'obligation d'achat de courant électrique), la commission a adopté deux amendements destinés à :

- préciser que seules les installations qui ne peuvent trouver de clients éligibles dans des conditions économiques raisonnables bénéficieront de l'obligation d'achat ;

- remplacer, dans un souci de clarification rédactionnelle, la notion de « filiale contrôlée » par une référence à l'article 233-3 du code de commerce.

Après l'article 20, à l'issue des interventions de MM. Jean Besson, Henri Revol, Gérard Larcher, président, Roger Rinchet, Pierre-Yvon Trémel et Mme Marie-France Beaufils, la commission a adopté plusieurs articles additionnels.

Les trois premiers tendant à :

- permettre à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) de recueillir des avis ;

- modifier le régime des incompatibilités des membres de la CRE ;

- autoriser le président de cette commission à habiliter des tiers pour effectuer des contrôles.

Un autre amendement tend, dans un souci de simplification, à :

- asseoir les recettes du dispositif de financement du service public de l'électricité sur les kilowattheures livrés par les réseaux électriques aux consommateurs finals et non plus via les fournisseurs et les importateurs ;

- donner aux gestionnaires de réseaux un rôle central dans ce mécanisme de financement ;

- supprimer les déclarations préalablement demandées aux assujettis ;

- instituer un prélèvement additionnel respectivement aux tarifs d'accès aux réseaux pour les éligibles et aux tarifs de fourniture pour les non-éligibles, pour couvrir les charges ;

- intégrer dans le champ de la compensation les charges résultant des dispositifs sociaux ;

- prendre en compte, dans un souci d'équité et de compétitivité économique, la nature ou le volume de l'électricité consommée pour le calcul des contributions au mécanisme de péréquation, en instituant une exemption pour les kilowatt heures livrés dans le cadre du tarif social, ainsi qu'un barème dégressif de contribution, notamment pour les industries « électro-intensives » ;

- préciser les dispositions en matière de recouvrement des charges et de pénalités au titre du mécanisme de compensation des charges de service public.

Toujours après l'article 20, elle a adopté des amendements destinés à insérer des articles additionnels pour :

- supprimer par coordination le quatrième alinéa (2°) du II de l'article 5 de la loi n° 2000-108 précitée ;

- compenser les surcoûts pour EDF et les DNN, dus à la production de courant à la suite d'un appel d'offres ;

- fixer par décret la liste des informations confidentielles relatives à un appel d'offre dans le secteur électrique ;

- permettre que les surcoûts des installations de production entrant dans le champ de l'obligation d'achat et exploitées par EDF ou par les DNN fassent l'objet d'une compensation ;

- instaurer une obligation d'achat par EDF du surplus de production que les DNN ne peuvent écouler dans leur zone de desserte exclusive, au tarif de l'obligation d'achat ;

- instituer une commission chargée d'apprécier la compatibilité des fonctions qu'envisagent d'exercer au sein du secteur de l'électricité les agents du GRT avec celles assurées au sein de cette entité ;

- permettre un abaissement plus rapide du seuil d'éligibilité pour la consommation d'électricité ;

- étendre l'éligibilité des DNN au titre de leurs achats d'électricité destinés à compenser les pertes sur leurs réseaux ;

- supprimer la formalité inutile que constitue la publication de la liste des clients éligibles ;

- supprimer les limitations au négoce d'électricité qui résultent de l'article 22 - IV de la loi du 10 février 2000 ;

- opérer des coordinations.

La commission a, enfin, adopté l'ensemble du projet de loi ainsi amendé, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen votant contre, tout en ayant déclaré souscrire à l'esprit des propositions du rapporteur relatives à l'affirmation des droits des collectivités locales.


Table des matières




Mardi 8 octobre 2002

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

Energie - Marchés énergétiques - Audition de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur le projet de loi relatif aux marchés énergétiques

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur le projet de loi n° 406 (2001-2002) relatif aux marchés énergétiques.

Mme Nicole Fontaine a tout d'abord rappelé que le projet de loi relatif aux marchés énergétiques avait pour principal objet de transposer en droit français la directive communautaire relative aux règles communes du marché intérieur du gaz naturel. Après avoir constaté à regret que la France détenait le record du plus important retard en matière de transposition du droit communautaire, elle a affirmé qu'elle souhaitait remédier à cette situation s'agissant des domaines dont elle avait la charge.

Puis elle a insisté sur la nécessité de transposer de manière urgente la directive de 1998, évoquant, d'une part, les procédures en cours contre la France devant la Cour de justice des communautés européennes en raison de son retard, d'autre part le handicap que constitue l'absence d'ouverture légale du marché français pour le développement de Gaz de France (GDG), qui se voit, de ce fait, refuser des prises de participation dans les entreprises nationales des autres Etats membres.

Ayant fait observer qu'une transposition par ordonnance aurait été envisageable, elle a mis l'accent sur la volonté du Gouvernement de respecter les prérogatives du Parlement, compte tenu du caractère à la fois symbolique et politique du dossier. Rendant, à cet égard, hommage aux travaux réalisés sur ce thème par le Sénat, elle a également remercié le rapporteur pour la diligence et l'efficacité avec laquelle il avait procédé à l'examen du projet de loi.

Abordant ensuite le contexte général du projet de loi, elle a expliqué qu'il s'inscrivait dans un ensemble plus vaste de réformes tendant à refonder la politique énergétique française, dans un contexte marqué, à la fois, par la libéralisation des marchés, par l'importance croissante des problèmes environnementaux et par les menaces permanentes pesant sur la sécurité des approvisionnements. Elle a alors rappelé que, face à cette situation, les objectifs du Gouvernement visaient à :

- poursuivre et encadrer la libéralisation des marchés de l'énergie, en veillant à une coexistence équilibrée entre concurrence et service public ;

- donner les moyens à Electricité de France (EDF) et à GDF de devenir deux grandes entreprises nationales, en procédant à une ouverture minoritaire de leur capital qui leur permettrait de lier des alliances et d'accéder à un financement moins risqué que l'endettement, sans pour autant remettre en cause le statut des agents et en offrant toutes les garanties nécessaires à leur système de retraites ;

- doter la France d'une loi d'orientation sur l'énergie, permettant de définir les grands axes de la politique énergétique en matière de nucléaire, d'énergies renouvelables, de maîtrise de la sécurité et d'approvisionnement de l'énergie. Le projet de loi relatif aux marchés énergétiques constitue, a-t-elle poursuivi, la première étape de ce programme.

Puis Mme Nicole Fontaine a détaillé le contenu du projet de loi. Indiquant que l'ouverture progressive à la concurrence du marché gazier français devait contribuer à la constitution d'un marché européen unique de l'énergie, elle a considéré que cette libéralisation devait s'accompagner d'une régulation. C'est en ce sens, a-t-elle expliqué, que le projet de loi, d'une part, impose des obligations de service public à tous les acteurs de la filière gazière, d'autre part, instaure une autorité de régulation dotée de pouvoirs étendus. Elle a précisé que les dispositions du projet de loi allaient, sur ces deux points, plus loin que ce qu'exige la directive.

Détaillant les trois dispositions principales du projet de loi, elle a, en premier lieu, évoqué le principe de la libéralisation progressive du marché de la fourniture de gaz naturel, qui prévoit :

- la reconnaissance aux clients dont la consommation excède un certain seuil -soit, en pratique, 450 sites industriels représentant 28 % de la consommation nationale- du droit de choisir librement leur fournisseur de gaz, droit qui sera étendu aux clients professionnels en 2004. Cette liberté de choix du fournisseur est également accordée à tous les cogénérateurs et à la majorité des 17 distributeurs non nationalisés S'agissant, en revanche, de l'ouverture du marché aux ménages, la position française est de n'y procéder qu'à condition qu'un bilan positif ait été, au préalable, tiré de l'ouverture aux professionnels, de sorte que la fourniture de gaz aux ménages reste assurée par GDF ou par les distributeurs non nationalisés ;

- l'ouverture de l'activité de fourniture à l'ensemble des entreprises européennes titulaires d'une autorisation délivrée par l'Etat en fonction de leurs capacités techniques, économiques et financières, sous réserve du respect d'obligations de service public ;

- l'obligation faite aux transporteurs de gaz de donner accès à leur réseau de transport, dans des conditions transparentes et non discriminatoires, et la suppression du monopole d'importation de GDF.

Abordant ensuite le deuxième grand point du projet de loi, Mme Nicole Fontaine a rappelé les obligations de service public s'imposant à tous les acteurs de la filière gazière. Elle a ainsi évoqué :

- la sécurité d'approvisionnement, qui impose aux fournisseurs de communiquer chaque année un plan prévisionnel d'approvisionnement, de disposer de sources suffisamment diversifiées et, enfin, de garantir une fourniture continue aux clients non éligibles et aux distributeurs ;

- la péréquation tarifaire, dont l'application conduira à interdire des différences de tarifs de vente de gaz supérieures aux différences de coûts de raccordement des distributions au réseau de transport du gaz naturel ;

- la solidarité envers les plus démunis, qui suppose de maintenir l'accès à l'énergie pour les personnes en difficulté, et peut également se traduire par des initiatives telles que l'instauration d'un dispositif gratuit de diagnostic des installations par les particuliers en difficulté, comme l'a prévu le contrat de groupe entre l'Etat et GDF ;

- des obligations générales en matière de protection de l'environnement, de sécurité des réseaux ainsi que de qualité et de sécurité des produits.

Puis, en troisième lieu, Mme Nicole Fontaine a indiqué que le projet de loi définissait les principes d'une régulation destinée à garantir le bon fonctionnement du marché et la coexistence harmonieuse du service public et de la concurrence :

- en reprenant une grande majorité des dispositions de la loi « électricité » ;

- en élargissant les compétences de l'actuelle commission de régulation de l'électricité au secteur gazier (CREG) ;

- en confiant à l'Etat la fixation des tarifs de vente de gaz aux clients non éligibles après avis de la CREG et celle des tarifs d'accès au réseau de transport sur proposition de la CREG ;

- en permettant d'accorder des dérogations à ces tarifs aux opérateurs désireux de développer de nouvelles infrastructures ;

- en imposant aux opérateurs l'obligation de procéder à une séparation comptable des activités de transport, de distribution et de stockage pour permettre à la CREG de vérifier l'absence de pratiques anti-concurrentielles ou de subventions croisées entre activités en monopole et celles en concurrence.

La ministre a ajouté qu'à la différence de la loi « électricité », le Gouvernement ne proposait pas de mettre en place chez les opérateurs gaziers l'équivalent du réseau de transport d'électricité (RTE), en raison de la situation véritablement concurrentielle du marché du gaz et des moyens dont disposerait la CREG de s'assurer que les transporteurs ne pourront utiliser le réseau de transport à des fins anti-concurrentielles.

Enfin, elle a signalé que le texte, au-delà de ses trois axes principaux, comportait également des dispositions de simplification administrative en matière de réglementation relative au stockage de gaz naturel et une disposition concernant les obligations d'achat imposées à EDF. A cet égard, elle a indiqué que si le Gouvernement, pour éviter toute confusion, n'avait pas souhaité introduire dans son projet des dispositions relatives à la loi « électricité », il s'en remettrait cependant à la sagesse du Sénat si celui-ci entendait étendre au secteur électrique certaines des dispositions nouvelles instituées pour le secteur gazier.

Elle a conclu son propos en espérant que le projet de loi contribuerait à démontrer la volonté de la France de participer activement à la construction européenne et de tirer les bénéfices d'une libéralisation maîtrisée en restant fidèle à ses principes d'égalité et de solidarité qui constituent le fondement même du service public.

Après que M. Gérard Larcher, président, a signifié sa satisfaction que la libéralisation maîtrisée du marché du gaz se conjugue avec le maintien des notions d'égalité et de solidarité apportées par le service public, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, s'est également réjoui des propos de la ministre quant aux obligations de service public, lesquelles devraient être de nature à calmer les inquiétudes exprimées ces derniers temps. Il a indiqué qu'il proposerait d'ailleurs de renforcer ces obligations. Puis, fustigeant le retard de deux ans pris par la France, mauvais élève de l'Europe, pour transposer la directive gazière, il a indiqué qu'il ne serait pas hostile à ce que le Gouvernement déclare l'urgence sur ce texte, compte tenu de la nécessité absolue d'aller très vite désormais. Il a ensuite interrogé la ministre sur les risques encourus par la France dans la procédure intentée par la Commission devant la Cour de justice européenne (CJE), sur l'état d'avancement du plan de desserte gazière, et enfin sur le dossier du stockage, abordé dans le cadre de la discussion relative à la seconde directive. Il a en outre indiqué qu'il ferait d'importantes propositions d'amendements dans le domaine électrique, considérant que, sur le fondement des travaux qu'il a menés avec MM. Gérard Larcher, président, Henri Revol et Jacques Valade, respectivement président et vice-président du groupe d'études de l'énergie, ce serait une erreur de prendre du retard en la matière.

En réponse, Mme Nicole Fontaine s'est tout d'abord déclarée fière des progrès que la France a contribué à faire accomplir à ses partenaires européens sur la notion de service public, et dont témoigne notamment l'article 3 du projet de seconde directive électrique qui lui est entièrement consacré. S'agissant de l'urgence, après avoir affirmé qu'une transposition rapide permettrait de démontrer aux partenaires de la France sa volonté d'avancer au moment où se négocie la seconde directive, elle a rappelé que le Premier ministre s'était engagé à ne jamais déclarer l'urgence mais s'est dite ouverte sur cette question dès lors que les parlementaires eux-mêmes suggéraient le recours à cette procédure, ce qui a suscité une réflexion ironique de la part de M. Bernard Piras.

En ce qui concerne la procédure en cours devant la CJE, Mme Nicole Fontaine, après avoir indiqué que la France serait sans doute condamnée d'ici la fin de l'année à une mise en demeure sous peine d'une condamnation ultérieure, en juin 2003, à des astreintes très élevées, avec un éventuel effet rétroactif, a estimé que l'adoption rapide du présent projet de loi devrait permettre d'éviter cette extrémité. S'agissant de l'état d'avancement de la seconde directive gazière, elle a rendu compte de la réunion du Conseil des ministres européens de l'énergie du 4 octobre 2002 en soulignant qu'elle s'était opposée à un accord politique et que le débat d'orientation générale avait démontré, sur le problème particulier du stockage, le relatif isolement de la France, en particulier sur l'importance qu'elle accorde à l'objectif de garantie de service public par rapport à celui de flexibilité économique. Enfin, observant que 1 169 communes étaient inscrites au plan de desserte gazière et que 550 d'entre elles avaient bénéficié d'un accès en 2001, la ministre a indiqué qu'un bilan global serait dressé au début de l'année 2003 avant qu'une seconde phase du plan soit engagée, en tirant notamment les conséquences de la libéralisation en cours. Elle a ajouté qu'en tout état de cause, les communes non encore inscrites pouvaient d'ores et déjà faire appel à l'opérateur de leur choix pour obtenir la desserte.

Un débat s'est ensuite ouvert.

Rappelant qu'il avait démissionné de ses fonctions de représentant du Sénat au Conseil supérieur de l'électricité et du gaz en raison du refus du précédent gouvernement de transposer la directive gaz, M. Dominique Braye s'est déclaré heureux que l'actuel gouvernement ait décidé cette transposition et qu'il ait choisi la voie législative sans déclaration d'urgence, témoignant ainsi de la confiance qu'il accordait aux travaux parlementaires. Il a ensuite interrogé la ministre sur les opportunités (occasions industrielles) que le retard pris avait pu faire perdre à Gaz de France, lui demandant en outre si le projet de loi était en l'état suffisant pour permettre à l'opérateur national de surmonter ses faiblesses.

M. Yves Coquelle, après avoir douté que le texte soit de nature, quoiqu'en dise le gouvernement, à répondre aux inquiétudes exprimées par les salariés et les usagers de Gaz de France lors de la manifestation du 3 octobre dernier, a regretté que les nombreuses auditions auxquelles a procédé le rapporteur n'aient pas été organisées en commission de manière à ce que tous ses membres entendent notamment les syndicats et les représentants des usagers.

Relevant que l'ouverture du capital de Gaz de France figurait dans les programmes électoraux des principaux candidats à l'élection présidentielle, M. Alain Fouché a estimé essentiels la réaffirmation de la notion de service public et le maintien du statut des personnels mais s'est interrogé sur l'avenir du régime de retraite des « gaziers ».

Après avoir remercié la ministre d'avoir entendu la demande des membres de la commission, qui l'avaient auditionnée en juillet dernier, et d'avoir renoncé à transposer la directive par ordonnance, M. Henri Revol, Président du groupe d'études de l'énergie, a demandé si le texte prévoyait, comme la loi « électricité », que le gouvernement puisse organiser la programmation annuelle des investissements afin de garantir la sécurité des approvisionnements, et quelles mesures pouvaient être envisagées, le cas échéant dans le cadre d'un texte ultérieur, pour assurer la sécurité des biens et des personnes, question qui deviendra essentielle lorsque plusieurs opérateurs auront accès au marché du gaz, matière première très utile mais également dangereuse.

Après que M. Gérard Larcher, président, a précisé que la commission des affaires économiques venait d'auditionner, notamment sur la question gazière, M. Marc Blondel, qu'elle devait prochainement entendre des représentants de la CFDT et de la CGT, et qu'il ne lui était en tout état de cause pas possible de procéder à des dizaines d'auditions sur chacun des textes qu'elle examine, Mme Nicole Fontaine a répondu aux intervenants.

Elle a indiqué à M. Dominique Braye que si l'opérateur Gaz de France n'avait pas été fragilisé par le retard pris dans la transposition de la directive, il avait en revanche certainement manqué des opportunités de se renforcer. Elle a toutefois estimé qu'il n'était pas trop tard, comme en témoignait l'intérêt pour une opération, une fois le capital de Gaz de France ouvert, manifesté récemment par son collègue espagnol. Elle a ajouté avoir toujours clairement affirmé que ce projet de loi n'était qu'une première étape et qu'il serait suivi, avant la fin de l'année, d'autres textes visant notamment à renforcer Gaz de France par une modification de ses statuts et à réussir les changements structurels dont la France a besoin dans le domaine de l'énergie.

Elle a assuré à M. Yves Coquelle que le gouvernement avait bien entendu le message des manifestants du 3 octobre comme en témoignaient ses engagements, qu'il avait rappelés aux représentants syndicaux dès avant cette manifestation, sur le caractère minoritaire de l'ouverture du capital d'EDF et de GDF, le maintien du statut des salariés ou encore l'affermissement de la notion de service public. S'agissant des retraites, elle a indiqué à M. Alain Fouché que le gouvernement faisait confiance à la qualité du dialogue social, dont il souhaitait l'ouverture immédiate, pour que soit conforté le régime actuel auquel sont légitimement attachés les personnels.

A M. Henri Revol, elle a confirmé que, le projet de loi imposant aux opérateurs l'établissement d'un plan de diversification de leurs approvisionnements, l'Etat serait en mesure de demander, le cas échéant, son élargissement sous peine de retrait de l'autorisation. Elle lui a également indiqué que la sécurité des installations était d'ores et déjà garantie par l'article 11 du texte, et qu'elle serait encore renforcée par des outils juridiques figurant dans d'autres cadres législatifs, tel le projet de loi de Mme Roselyne Bachelot sur la prévention des risques industriels.

Ouvrant une seconde série de questions, M. Daniel Raoul, après s'être déclaré étonné des interprétations successives données à la presse par la ministre sur la notion de service public et avoir rappelé l'importance qu'aurait à cet égard la directive-cadre sur le service public préparée actuellement par la Commission, a demandé des précisions sur la teneur de la réunion des ministres du 4 octobre dernier à Bruxelles, s'est interrogé sur la sécurité des transports et du stockage lorsque celui-ci serait ouvert aux tiers, et fait part de ses inquiétudes quant à la poursuite des activités de services d'EDF/GDF face à l'obligation de séparation comptable des activités imposée par le projet de loi.

S'appuyant sur des statistiques dont la validité a été corroborée par M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, M. Pierre-Yvon Trémel s'est étonné de l'importance des écarts existant chez les partenaires européens de la France entre le degré théorique d'ouverture de leur marché du gaz et la réalité constatée. Puis il a interrogé la ministre sur les moyens dont disposerait la puissance publique pour assurer réellement la péréquation tarifaire, obligation de service public, dans le cadre d'un marché ouvert, et sur les perspectives de reconduite du contrat de groupe entre l'Etat et Gaz de France qui arrive à échéance à la fin de l'année 2003.

S'agissant de l'autorité de régulation, Mme Marie-France Beaufils a demandé si sa composition serait modifiée pour tenir compte de l'extension de sa compétence au secteur du gaz et quels seraient les moyens dont elle disposerait pour garantir le respect du service public dans ce secteur.

Enfin, M. Alain Gérard a estimé qu'il serait opportun de généraliser le recours au support d'Electricité de France pour conforter les réseaux à hauts débits, équipements structurants très importants pour le développement local.

En réponse, Mme Nicole Fontaine a indiqué à M. Daniel Raoul que le gouvernement suivait avec attention l'élaboration de la directive-cadre sur les services d'intérêt général, elle-même s'étant d'ailleurs tout récemment longuement entretenue à ce propos avec M. Mario Monti, commissaire européen à la concurrence. S'agissant de la réunion des ministres du 4 octobre, elle a confirmé qu'elle s'était opposée à la volonté de la présidence danoise de conclure ce jour-là, mais reconnu que la directive serait néanmoins adoptée d'ici la fin de l'année, la France, qui paraît très isolée sur cette question, devant d'ici-là trouver des alliances pour que sa position d'ouverture sur le principe, mais de fermeté quant au contenu, soit satisfaite dans le cadre d'un compromis. Elle a toutefois affirmé que le démembrement de EDF/GDF services serait inacceptable et s'est déclarée optimiste sur la prise en compte par les partenaires de la France de sa conception originale du service public.

Puis, après être convenue avec M. Pierre-Yvon Trémel que l'Allemagne était un des Etats les plus fermés de l'Union bien que son marché du gaz soit en théorie totalement ouvert, la ministre a pris l'exemple de l'Espagne pour lui garantir qu'il n'existait pas de contradiction entre ouverture du marché et tarif péréqué, et lui a confirmé que le contrat de groupe avec GDF serait reconduit à son échéance de 2003.

Elle a ensuite assuré à Mme Marie-France Beaufils que la CREG, autorité administrative indépendante, serait garante de la qualité du service public dans le secteur du gaz sans qu'il soit nécessaire de modifier sa composition, avant de reconnaître avec M. Alain Gérard qu'Electricité de France pourrait être davantage mise à contribution pour assurer le développement des réseaux à hauts débits.

Bureau de la Commission - Communication

Puis M. Gérard Larcher, président, a rendu compte à la commission de la réunion de son Bureau tenue le mardi 2 octobre 2002.

Il a indiqué que le Bureau avait pris acte du programme de travail envisagé pour la commission au cours des prochains mois. Il a notamment précisé que pour le dernier trimestre 2003, celle-ci avait déjà en charge trois propositions de loi, deux propositions de résolution, un projet de loi, 23 avis budgétaires, trois missions d'information, un groupe de travail, une enquête sur la loi solidarité et renouvellement urbains (SRU), un colloque (vin, santé et alimentation) ainsi que les travaux de 18 groupes d'étude actifs, ceci entraînant d'ores et déjà la programmation de 18 réunions de commission. Il a ensuite fait part de l'état d'avancement de la constitution du Conseil scientifique et de prospective indiquant au passage que les derniers arbitrages devraient pouvoir être soumis à la réunion du Bureau de la commission du mois de novembre et que la première réunion du Conseil paraissait, en conséquence, pouvoir être envisagée pour fin décembre.

S'agissant de la désignation de candidats pour les organismes extra-parlementaires, le Bureau a rappelé son attachement au principe d'une désignation au sein de la commission des candidats qu'elle pouvait être amenée à proposer et a examiné les désignations à trois organismes extra-parlementaires, retenant un candidat à proposer à la commission pour chacun d'entre eux. M. Gérard Larcher, président, a enfin communiqué à la commission les éléments fournis au Bureau sur :

- l'information macro-économique des sénateurs ;

- la couverture de presse des travaux de la commission ;

- et la composition de son secrétariat, le poste de secrétaire créé ayant été pourvu au 1er octobre.

Syndicats - Audition de M. Jean-Marie Toulisse, secrétaire national de la CFDT, accompagné de M. Jacques Bass, secrétaire confédéral au service économie et société de la CFDT

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean-Marie Toulisse, secrétaire national de la CFDT, accompagné de M. Jacques Bass, secrétaire confédéral au service économie et société de la CFDT.

Après avoir souligné l'innovation que constituait l'invitation que lui avait adressée la commission des affaires économiques et en avoir remercié le président, M. Jean-Marie Toulisse a fait part de la grande importance qu'il attachait aux travaux des chambres parlementaires, notamment en raison de sa propre appartenance au Conseil économique et social.

Il a tout d'abord fait observer que l'action syndicale menée par la CFDT était largement influencée par son contexte. Décrivant ce contexte, il a déclaré qu'il était surtout marqué par l'incertitude. Il a estimé que les incertitudes pesant aujourd'hui sur les salariés, les syndicats et les employeurs étaient de trois ordres :

- les incertitudes internationales (perspective de conflit avec l'Irak, enlisement du conflit israélo-palestinien, sommet mondial sur le développement durable, convention européenne) ;

- les incertitudes économiques (faiblesse de la croissance annoncée, crise boursière, net recul de l'emploi intérimaire, dégradation des comptes publics, particulièrement de ceux des organismes sociaux...), lesquelles entretenaient l'attentisme et la prudence, voire l'inquiétude. Il a notamment relevé l'évolution des préoccupations des salariés, qui concernaient au mois d'avril la retraite et l'insécurité et qui se focalisaient aujourd'hui sur l'emploi ;

- les incertitudes par rapport à la lisibilité de l'action gouvernementale : s'il a convenu que le Gouvernement avait pris le soin de communiquer sur la tenue des promesses électorales relatives au SMIC et aux 35 heures, M. Jean-Marie Toulisse a déploré les maladresses venues brouiller la lisibilité de la politique du nouveau gouvernement. En guise d'exemple, il a évoqué le prélèvement de 830 millions d'euros opéré sur la Caisse nationale d'assurance vieillesse par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, à la veille de la réforme des retraites et de la concertation annoncée sur ce sujet.

M. Jean-Marie Toulisse a jugé que le soutien des syndicats aux réformes à venir ne s'obtiendrait que dans un climat de confiance. Pour sa part, la CFDT, a-t-il fait observer, se prononcera sur chaque dossier séparément. Ainsi, il a relevé que la méthode suivie pour le relèvement du SMIC -consultation du comité économique et social puis proposition gouvernementale tenant compte de cet avis- avait satisfait la CFDT. En revanche, il a estimé qu'approcher le dossier des 35 heures avec des formules incantatoires du type « remettre la France au travail » risquait de heurter la sensibilité des 78 % de salariés travaillant aujourd'hui moins de 36 heures. Il a déclaré qu'il ne lui paraissait pas pensable de faire revenir en arrière les entreprises ayant déjà basculé aux 35 heures et de dire aux dix millions de salariés ayant négocié, grâce aux militants syndicaux, la baisse du temps de travail, qu'ils avaient commis une erreur. Il a rappelé la légitimité des négociations qui avaient alors été engagées entre les syndicats et le patronat, les premiers négociant de la réduction du temps de travail et le second de la flexibilité et des réorganisations internes, l'absence d'inflation privant les deux interlocuteurs d'autre monnaie d'échange.

S'agissant des difficultés spécifiques rencontrées par les entreprises de moins de 20 salariés dans l'application des 35 heures, il s'est inquiété des assouplissements annoncés par le Gouvernement et de la possibilité qu'il en résulte une société à deux vitesses. Il a fait observer que, si l'on cherchait à créer des emplois dans les PME et à régler les problèmes de main-d'oeuvre auxquels beaucoup d'entre elles sont confrontées, il fallait à tout prix éviter d'avoir « des petits droits dans les petites entreprises ». Il a notamment remarqué que le marché du travail allait naturellement se tendre pour des raisons démographiques et que les postes de fonctionnaires libérés par les départs en retraite ainsi que les postes en grandes entreprises bénéficiant des 35 heures détourneraient des PME une main-d'oeuvre déjà insuffisante.

S'agissant de la convention PARE, M. Jean-Marie Toulisse a suggéré d'en dresser d'abord le bilan et d'en tirer des leçons d'efficacité.

Concernant le dialogue social, il a rappelé que la CFDT était prête à s'engager dans de grandes négociations interprofessionnelles mais il a jugé indispensable de redonner à cette fin de la légitimité à l'accord en faisant des délégués syndicaux de véritables élus.

Sur le dossier de l'emploi des jeunes, il a souligné que l'initiative gouvernementale instaurant les contrats-jeunes se devait d'avoir des contreparties négociées en matière de formation et de qualification.

Pour conclure, il a évoqué les autres thèmes de travail de la CFDT : les retraites, l'accompagnement des chômeurs, le télétravail et la décentralisation.

M. Gérard Larcher, président, a relevé le souci de M. Jean-Marie Toulisse de redonner la légitimité à l'accord. S'il a convenu que ce sujet ressortait au premier chef de la commission des affaires sociales, il a toutefois fait valoir qu'un bon accord social donnait du dynamisme économique à l'entreprise, ce qui justifiait l'intérêt de la commission des affaires économiques. Il a souhaité connaître les propositions de la CFDT afin de retrouver cette légitimité. Il a ensuite demandé à M. Jean-Marie Toulisse quelles étaient les propositions concrètes de la CFDT pour adapter les 35 heures aux PME-PMI. Il s'est également enquis de l'état du dialogue social dans les grandes entreprises. Enfin, il a interrogé M. Jean-Marie Toulisse sur le regard que portait la CFDT sur les services publics et sur la question du statut des entreprises publiques.

En réponse, M. Jean-Marie Toulisse a estimé que le mode actuel d'élection, sur lequel seront à nouveau calées -malheureusement- les prochaines élections prud'homales, ne pouvait assurer la légitimité des représentants syndicaux. Il a déploré que le vote soit organisé un mercredi, jour où les salariés étaient le plus nombreux à être absents, et dans une école ou une mairie éloignées du lieu de travail et a déclaré qu'on pouvait s'attendre, dans ces conditions, à un taux élevé d'abstentions. Il a suggéré que l'élection de représentativité, qui pourrait avoir lieu le même jour dans la même branche, ne soit pas l'élection prud'homale par laquelle les salariés votent pour des juges, mais une autre élection -celle des délégués du personnel ou celle des membres du comité d'entreprise- par laquelle les salariés choisiraient leur négociateur. Il a également considéré qu'une telle élection devrait être ouverte à tous les syndicats, mais exclusivement aux syndicats, et que le vote devrait s'exprimer en faveur de salariés syndiqués appartenant à l'entreprise et non sur des bulletins portant les sigles de syndicats ne présentant pas de candidat.

S'agissant des PME-PMI, M. Jean-Marie Toulisse a tout d'abord recommandé de ne pas considérer leurs salariés de manière homogène, mais d'adopter une approche branche par branche. Il a également préconisé de renforcer le dialogue entre les syndicats et les interlocuteurs patronaux. Ainsi, il a rappelé l'existence de l'accord sur le dialogue social dans l'artisanat qui avait été conclu avec l'Union professionnelle artisanale (UPA) et s'est déclaré favorable à son extension avant d'en tirer un bilan. Il a jugé qu'il convenait d'encourager l'existence des organisations patronales dans les PME, ce qui ne manquerait pas de donner un élan aux organisations syndicales dans ces mêmes entreprises. Il a de nouveau insisté sur son inquiétude face à la fréquence des départs de salariés de petites entreprises vers les plus grandes.

Au sujet du dialogue social dans les grandes entreprises, M. Jean-Marie Toulisse s'est félicité de ce que la CFDT en était un acteur essentiel, rappelant que ce syndicat réunissait majoritairement des salariés du secteur privé.

S'agissant du service public et du statut des grandes entreprises publiques,M. Jean-Marie Toulisse a noté tout d'abord la diversité des situations. Il a ensuite fortement insisté sur la nécessité de définir les missions du service public et la politique industrielle suivie avant de s'attacher aux questions statutaires et organisationnelles. Il a rappelé l'importance de la question des retraites dans le dossier des entreprises publiques, en insistant à nouveau sur la spécificité des différentes entreprises publiques. Il a mis en garde contre des démarches qui laisseraient penser aux salariés de ces entreprises que la remise en cause de leur situation personnelle constituait l'objectif principal de la réforme. Il en a conclu que, si la réforme de l'Etat, et donc des trois fonctions publiques, était indispensable, elle devait tenir compte de ces spécificités.

M. Dominique Braye a tenu à remercier M. Jean-Marie Toulisse pour son franc-parler et son pragmatisme. Il a estimé que le lien entre légitimité et suffrages reçus lors des élections syndicales avait toute sa pertinence. Il a appelé les responsables syndicaux à reconnaître une forme de crise de syndicalisme, que traduisait la forte abstention aux élections syndicales. Il a ensuite jugé que la critique des 35 heures était souvent venue des salariés eux-mêmes, qui n'avaient pas toujours reçu de contreparties réelles au développement de la flexibilité.

M. Pierre-Yvon Trémel a souhaité savoir quel était le regard de la CFDT sur la mondialisation, sur les modifications annoncées des dispositifs de lutte contre l'exclusion, et sur la relance de la décentralisation et l'expérimentation.

Mme Evelyne Didier, considérant que les salariés constituaient le plus souvent la variable d'ajustement des évolutions économiques, a exprimé le même intérêt que M. Pierre-Yvon Trémel pour la position de la CFDT sur la mondialisation.

S'agissant de la décentralisation, M. Jean-Marie Toulisse a répondu qu'elle était à la fois nécessaire et urgente. Il a souhaité que la réforme soit menée avec suffisamment d'habileté pour ne pas fédérer contre elles des oppositions hétéroclites qui compromettraient le projet. Il en a déduit la nécessité d'avancer progressivement dans ce domaine, notamment en recourant à l'expérimentation. Il a insisté sur l'importance de faire évoluer parallèlement la démocratie sociale. Il a écarté la dialectique associant la décentralisation au développement des inégalités territoriales. Il a précisé cependant que certains éléments devaient rester communs à l'ensemble du territoire national, tels le taux de contribution sociale généralisée (CSG) ou l'allocation personnalisée à l'autonomie (APA).

M. Jacques Bass a complété ces réponses, en précisant à M. Dominique Braye qu'il avait raison d'évoquer la crise de légitimité du syndicalisme, mais que celle-ci touchait surtout les petites entreprises. Il a estimé que l'organisation de la vie sociale en France ne favorisait pas la constitution de solides corps intermédiaires. Il a noté au contraire un phénomène de « passagers clandestins », de nombreux salariés se satisfaisant d'être protégés par les conventions sans s'engager eux-mêmes dans l'action syndicale, voire sans voter. Il a suggéré, comme procédure alternative, la solution de l'accord majoritaire sur la base d'une élection de proximité. Il a fait remarquer que cela déchargerait les pouvoirs publics de l'obligation fréquente de trancher en dernier ressort. S'agissant du SMIC, il a souhaité que soient mis à profit les trois ans à venir. Rappelant la formule cédétiste selon laquelle le scandale n'était pas le niveau du SMIC, mais d'y rester toute sa vie, il a jugé indispensable de mettre en place de véritables perspectives de carrière ouvrière, que le resserrement actuel de la moitié inférieure des salaires n'autorisait pas. Il a rappelé enfin que la CFDT n'avait pas été entièrement satisfaite de la mise en place des 35 heures.

S'agissant de la mondialisation, il a estimé que la réponse passait nécessairement par la capacité de l'Europe à définir son propre modèle social. A ce titre, il a exprimé la préoccupation actuelle de la CFDT devant le risque d'une politique économique déséquilibrée, la dégradation des finances publiques allant de pair avec durcissement excessif de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE).

S'agissant des risques de délocalisation et de restructuration que la mondialisation faisait peser sur les salariés, il a abondé dans le sens de Mme Evelyne Didier, en particulier sur les carences de l'accompagnement et du suivi des plans sociaux. Il a souhaité attirer l'attention de la commission sur la montée en puissance du thème de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), en réponse à une attente de la société civile.

M. Gérard Larcher, président, a émis le souhait que les grandes organisations syndicales informent la commission de l'évolution de leurs réflexions. Rappelant la vocation économique de la commission, il a souligné l'impossibilité d'évaluer l'économique indépendamment de toute référence au social, les deux champs étant étroitement liés. Il a indiqué, à ce titre, que le Bureau de la commission avait souhaité qu'un représentant de la CFDT siège au conseil scientifique et de prospective actuellement en cours de constitution auprès de la commission.

Mercredi 9 octobre 2002

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

Nomination d'un rapporteur

La commission a tout d'abord procédé à la nomination de M. Bruno Sido en qualité de rapporteur sur la proposition de loi n° 409 (2001-2002) de MM. Bruno Sido, Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy et Paul Girod, relative à la couverture territoriale en téléphonie mobile de deuxième génération par la mise en oeuvre prioritaire de prestations d'itinérance locale entre opérateurs.

Organismes extraparlementaires - Désignation de candidats proposés à la nomination du Sénat

Puis la commission a procédé à la désignation descandidats proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein des organismes extraparlementaires.

Ont été nommés :

- M. Yves Detraigne pour le Comité consultatif pour la gestion du fonds national pour le développement des adductions d'eau dans les communes rurales (en remplacement de M. Louis Moinard, démissionnaire) ;

- M. Pierre Hérisson pour le Conseil national de l'habitat (en remplacement de M. Louis Moinard, démissionnaire) ;

- M. Jean-Paul Alduy pour le Conseil d'administration de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette (en remplacement de M. Pierre André).

Energie - Marchés énergétiques - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Ladislas Poniatowski sur le projet de loi n° 406 (2001-2002) relatif aux marchés énergétiques.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur,
s'est tout d'abord félicité de ce que, conformément à ce qu'il avait demandé à de multiples reprises, le Gouvernement ait décidé de déclarer l'urgence sur ce texte. Il a ensuite rappelé divers éléments de contexte relatifs à la directive n° 98-30 sur la libéralisation du marché du gaz. Il a indiqué que ce document, négocié en 1997 sous présidence française, qui prévoit une ouverture progressive, est entré en vigueur le 10 août 2000, date avant laquelle elle aurait dû être transposée. Il a déploré que la France soit menacée d'être condamnée par la Cour de justice des communautés à une astreinte, pour carence dans la transposition, et que Gaz de France (GDF) soit bloqué aux frontières de l'Espagne, qui lui refuse l'accès à de nouveaux marchés.

A Bruxelles, a-t-il observé, les négociations relatives à la seconde directive sur la libéralisation des marchés progressent, tandis que lors du Conseil européen de Barcelone de mars 2002, les Etats sont convenus que les consommateurs européens autres que les ménages (pour l'essentiel les PME et les PMI) auront le libre choix de leur fournisseur d'électricité et de gaz à partir de 2004, ce qui représentera 60 % du marché.

Il a noté que les services de la Commission évoquent peu à peu des préoccupations chères à la France, telles que :

- les obligations de service public ;

- le renforcement de la sécurité d'approvisionnement ;

- la protection des régions les plus reculées et des groupes les plus vulnérables de la population.

Evoquant le contenu de la directive 98/30, M. Ladislas Poniatowski a indiqué qu'elle tend :

- à l'ouverture progressive du marché à la concurrence ;

- à l'adaptation aux situations nationales, grâce à la faculté d'imposer des obligations de service public et à la possibilité de préserver des contrats d'approvisionnement de long terme, dits aussi contrats « take or pay » ;

- et enfin à l'institution d'un droit d'accès au réseau pour les clients «éligibles », c'est-à-dire ceux qui jouiront du libre choix de leur fournisseur.

Présentant la situation du marché gazier, il a précisé que les réserves mondiales sont situées, environ pour les deux tiers, en Russie et au Proche-Orient, de même que la production gazière, la Russie détenant, à elle seule, plus de 40 % des stocks mondiaux. L'Europe, a-t-il ajouté, est autonome à hauteur de 40 %.

Observant que le coût du transport constituait la principale composante du coût de production du gaz, le rapporteur a estimé que la question des stockages gaziers était cruciale, puisque la consommation gazière intra-annuelle varie fortement en fonction de la température, ce qui explique que la première directive n'ait pas évoqué la question des stockages, qui fait actuellement l'objet de débats dans le cadre de la discussion de la seconde directive.

Evoquant la situation de la France en matière gazière, le rapporteur a ajouté que notre pays importe actuellement 96 % de sa consommation, l'essentiel de sa production étant issu du gisement de Lacq. Les importations françaises proviennent de Norvège (30 %), de Russie (29 %) et d'Algérie (29 %) dans le cadre d'une structure des importations très stable du fait de l'existence de contrats de long terme, quoiqu'une tendance à la diversification géographique des approvisionnements se fasse progressivement sentir.

Il a ajouté que la consommation gazière française était marquée par son caractère fortement cyclique, car on importe du gaz en été, pour le stocker et le consommer en hiver, les stockages assurant, aux jours les plus froids de l'année, 60 % de la demande.

Puis le rapporteur a rappelé qu'il existe deux réseaux gaziers français :

- le réseau de transport, qui compte 36.000 kilomètres de conduites possédées par Gaz de France pour 90 % et Gaz du Sud Ouest (filiale de Total Fina Elf et de GDF), pour environ 10 % ;

- le réseau de distribution qui s'étend sur 170.000 kilomètres, qui appartient aux collectivités locales. Ce dernier réseau est exploité par :

. Gaz de France (à 96 %) qui est en position de distributeur, y compris dans les zones où Gaz du Sud Ouest assure le transport ;

. les distributeurs non nationalisés (DNN) (4 %).

Ces « DNN », a-t-il indiqué, sont des régies communales, ou intercommunales ou des sociétés d'économie mixte locale, qui n'ont pas été nationalisées en 1946, car elles étaient détenues par des collectivités locales et constituaient des services publics locaux.

Il a enfin précisé que 75 % de la population française était desservie en gaz naturel et que, contrairement à ce qui est prévu pour l'électricité, le législateur n'a jamais institué une obligation de desserte gazière en tous points du territoire, la loi de 1998 ayant prévu une extension du réseau dans le cadre d'un « plan national de desserte », dans des conditions économiques qui assurent une rentabilité théorique minimale. En outre, a-t-il ajouté, le prix du gaz n'est pas totalement péréqué sur le territoire : si le coût du transport l'est en partie, les tarifs de vente varient en fonction d'une grille qui comporte six niveaux, laquelle est établie selon la distance de chacune des distributions par rapport au réseau national de transport à haute pression.

Evoquant le contenu du projet de loi, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a déclaré que ce texte comportait trois grandes parties :

- les titres 1er à 4 et 6 qui transposent le contenu de la directive ;

- le titre 5 qui homogénéise les dispositions relatives à tous les types de stockage souterrains (hydrocarbures, produits chimiques, gaz naturel) et l'insère dans le code minier ;

- enfin, le titre 7 qui comporte des dispositions diverses.

Abordant, enfin, les orientations générales de son travail, le rapporteur a dit sa conviction quant à la nécessité de transposer vite et bien la directive, et de conserver l'économie générale du projet de loi, tout en enrichissant son contenu tant en ce qui concerne les dispositions gazières que s'agissant de l'électricité.

Dans le domaine du gaz, il a suggéré à la commission de :

- réaffirmer la valeur du service public ;

- garantir la transparence des tarifs pratiqués aux clients non éligibles ;

- faciliter les échanges gaziers pour les clients éligibles ;

- renforcer la sécurité des personnes au-delà du compteur ;

- et de réaffirmer les droits des collectivités locales concédantes.

S'agissant de l'électricité, il a souhaité saisir l'occasion offerte par ce texte pour procéder à un « toilettage » des dispositions de la loi « électricité » du 10 février 2000. Il a indiqué qu'il avait, initialement, envisagé le dépôt d'une proposition de loi sur ces sujets, avec ses collègues les sénateurs Gérard Larcher, Henri Revol et Jacques Valade, ce qui s'était avéré impossible, eu égard au calendrier de travail de l'Assemblée nationale. Il a suggéré d'en insérer le contenu, sous la forme d'un titre 7, afin de :

- simplifier les modalités de financement du fonds du service public de la production d'électricité (FSPPE) ;

- modifier le mode de calcul de la taxe qui abonde ce fonds afin de ne pas pénaliser la compétitivité des entreprises qui consomment de l'électricité ;

- procéder à un « toilettage » électrique.

M. Daniel Reiner s'est interrogé sur l'incidence de la modification du régime des stockages gaziers sur les ressources des collectivités locales.

M. Daniel Raoul l'ayant questionné sur la question de l'accès des tiers au stockage, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a rappelé qu'il souscrivait à la position adoptée par la France dans la négociation de la seconde directive, en vertu de laquelle notre pays était hostile à une telle mesure. Il a ajouté qu'il avait prévu de se rendre, en compagnie du président Gérard Larcher, à Bruxelles pour faire état de ses vues à la Commission européenne. A une seconde question du même auteur concernant la sécurité, il a répondu que plusieurs de ses amendements répondaient à cette préoccupation.

M. Gérard Larcher, président, a également indiqué que les stockages gaziers constituaient une chance pour notre pays.

M. Dominique Braye s'est déclaré en accord avec les vues du rapporteur et s'est félicité de ce que la décision de déclarer l'urgence sur ce texte ait été prise.

Mme Marie-France Beaufils ayant déploré que le rapport n'ait pas été soumis aux commissaires avant la réunion de la commission, le président Gérard Larcher a déclaré qu'il n'était pas possible de procéder autrement, compte tenu des délais impartis pour la discussion de cette directive dont la transposition était pendante depuis plus de deux ans, le rapporteur indiquant, pour sa part, qu'il avait lui-même dû travailler en urgence.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi.

Avant l'article premier (dénomination de l'autorité de régulation), après l'intervention de M. Jean Besson, la commission a adopté un amendement afin de désigner, par cohérence avec l'intitulé du projet de loi, l'autorité de régulation de l'électricité et du gaz sous le nom de Commission de régulation de l'énergie.

A l'article premier (droit d'accès aux ouvrages de transport et de distribution et aux installations de gaz naturel liquéfié), après les interventions de MM. Daniel Raoul et Pierre-Yvon Trémel, la commission a adopté :

- un amendement tendant à permettre aux mandataires des clients éligibles de bénéficier d'un droit d'accès aux réseaux pour le compte de ceux-ci (alinéa additionnel après le quatrième alinéa) ;

- un amendement de précision qui concerne la définition des ouvrages et installations auxquels un droit d'accès est reconnu, en faisant référence aux « installations fournissant des services auxiliaires » qui figurent au 12°) de l'article 2 de la directive 98/30 (premier alinéa) ;

- et un amendement précisant que le droit d'accès aux réseaux ne pourrait faire obstacle à l'accomplissement des obligations de service public.

A l'article 2 (régime des clients éligibles), après les interventions de MM. Yves Coquelle, Henri Revol, Dominique Braye, Jean Besson et Mme Marie-France Beaufils, la commission a adopté, outre des amendements rédactionnels, des amendements destinés à :

- éviter un contournement des dispositions sur l'éligibilité par des opérateurs qui en profiteraient pour produire de l'électricité à partir de gaz pour acheter du gaz « en gros » et le revendre en dégageant une marge ;

- tenir compte des contraintes physiques auxquelles est soumis le réseau d'acheminement du gaz en cas de résiliation des contrats de fourniture ;

- assurer l'éligibilité de tous les distributeurs, sans distinction.

A l'article 3 (statut des fournisseurs de gaz naturel), après les interventions de MM. Daniel Raoul et Pierre-Yvon Trémel, la commission a, outre des amendements rédactionnels ou de coordination, adopté des amendements pour indiquer que :

- les autorisations de fournir du gaz sont délivrées de manière objective et non discriminatoire ;

- les modalités de délivrance des autorisations sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

- le ministre chargé de l'énergie peut imposer aux fournisseurs de lui communiquer leur plan prévisionnel d'approvisionnement.

A l'article 4 (refus de conclure un contrat d'accès à un ouvrage de transport, de distribution ou à une installation gazière), la commission a adopté, outre des amendements rédactionnels, deux amendements tendant à :

- faire référence dans la définition des ouvrages et installations auxquels un droit d'accès est reconnu, aux « installations fournissant des services auxiliaires », par coordination ;

- insérer dans la liste des critères susceptibles de motiver un refus d'accès au réseau, le texte du i) de l'article 25 de la directive qui vise l'incidence qu'aurait l'octroi d'une dérogation sur l'application correcte de la directive en ce qui concerne le fonctionnement du marché intérieur du gaz naturel.

A l'article 5 (tarifs d'utilisation des réseaux gaziers), après les interventions de MM. Pierre-Yvon Trémel, Hilaire Flandre, Dominique Braye, Daniel Raoul et Mme Marie-France Beaufils, la commission a adopté, outre des amendements rédactionnels ou de coordination, deux amendements pour :

- prévoir que la commission de régulation de l'énergie émettra ses avis et propositions après avoir consulté les acteurs du marché de l'énergie ;

- préciser qu'il sera tenu compte du coût des extensions de réseau restant à la charge des distributeurs lors de la fixation des tarifs et conditions commerciales d'utilisation des réseaux.

A l'article 6 (séparation comptable), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les entreprises intégrées font figurer dans leur comptabilité interne un bilan et un compte de résultats pour chaque activité et indiquent, dans l'annexe de leurs comptes annuels, toute opération d'une certaine importance effectuée avec les entreprises liées ; elle a, en outre, adopté des amendements rédactionnels ou de coordination au même article.

A l'article 7 (fonctionnement des réseaux gaziers, échanges d'informations), la commission a, outre des amendements rédactionnels ou de coordination, adopté des amendements pour :

- prévoir que la liste des informations commercialement sensibles que le service gestionnaire du réseau de transport et de distribution devra garder confidentielles sera fixée par décret en Conseil d'Etat ;

- permettre aux collectivités organisatrices de la distribution de gaz de disposer de toutes les informations utiles au contrôle du service public de distribution.

A l'article 10 (coordination avec les dispositions du code général des collectivités territoriales), après une intervention de M. Daniel Raoul, la commission a adopté un amendement pour faire référence aux services publics de l'électricité et du gaz.

Avant l'article 11 (rôle des collectivités locales en matière d'organisation du service public du gaz naturel), la commission a voté un amendement tendant à insérer un article additionnel qui prévoit que le service public du gaz naturel est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par les communes ou leurs établissements publics de coopération.

A l'article 11 (fixation d'obligations de service public par l'Etat), après des interventions de MM. Yves Coquelle, Gérard Le Cam, André Lejeune, Gérard Larcher et Mme Marie-France Beaufils, la commission a adopté des amendements tendant à :

- préciser que les obligations de service public sont imposées « dans l'intérêt économique général » ;

- viser la sûreté des installations et la sécurité des personnes ;

- indiquer que des conventions conclues entre les bailleurs publics et privés d'immeubles situés dans les immeubles sociaux ou vétustes et les opérateurs de distribution permettront d'améliorer la sécurité des installations intérieures de gaz naturel et favoriseront les actions de maîtrise de la demande de gaz ;

- insérer dans la liste des matières susceptibles de donner lieu à des obligations de service public « la transparence des conditions commerciales aux clients finaux » ;

- faire référence, dans les matières susceptibles de faire l'objet d'obligation de service public non seulement à la « fourniture de gaz » mais aussi aux services associés.

Elle a, en outre, adopté, au même article, un amendement rédactionnel.

Après l'article 11 (extension des compétences des observatoires régionaux du service public de l'électricité), la commission a adopté, après les interventions de Mme Marie-France Beaufils et de M. Jean Besson, des amendements tendant à insérer des articles additionnels afin :

- d'étendre les compétences des observatoires régionaux du service public de l'électricité ;

- de transformer l'observatoire de la diversification d'EDF et de GDF en observatoire des pratiques sur les marchés énergétiques.

A l'article 14 (contrôle des capacités techniques des opérateurs), la commission a adopté des amendements rédactionnels.

Après l'article 14, à l'issue des interventions de Mmes Marie-France Beaufils et Evelyne Didier, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel pour permettre la reconversion des oléoducs pour le transport de gaz.

A l'article 15 (régime des stockages souterrains), elle a adopté des amendements rédactionnels.

Avant l'article 20 (intitulé du titre VII du projet de loi), la commission a, outre des amendements tendant à insérer des articles additionnels, voté un amendement tendant à insérer un article additionnel pour modifier l'intitulé du titre VII du projet de loi, désormais consacré aux dispositions relatives au service public de l'électricité.

A l'article 20 (appréciation du seuil de puissance maximal des installations bénéficiant de l'obligation d'achat de courant électrique), la commission a adopté deux amendements destinés à :

- préciser que seules les installations qui ne peuvent trouver de clients éligibles dans des conditions économiques raisonnables bénéficieront de l'obligation d'achat ;

- remplacer, dans un souci de clarification rédactionnelle, la notion de « filiale contrôlée » par une référence à l'article 233-3 du code de commerce.

Après l'article 20, à l'issue des interventions de MM. Jean Besson, Henri Revol, Gérard Larcher, président, Roger Rinchet, Pierre-Yvon Trémel et Mme Marie-France Beaufils, la commission a adopté plusieurs articles additionnels.

Les trois premiers tendant à :

- permettre à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) de recueillir des avis ;

- modifier le régime des incompatibilités des membres de la CRE ;

- autoriser le président de cette commission à habiliter des tiers pour effectuer des contrôles.

Un autre amendement tend, dans un souci de simplification, à :

- asseoir les recettes du dispositif de financement du service public de l'électricité sur les kilowattheures livrés par les réseaux électriques aux consommateurs finals et non plus via les fournisseurs et les importateurs ;

- donner aux gestionnaires de réseaux un rôle central dans ce mécanisme de financement ;

- supprimer les déclarations préalablement demandées aux assujettis ;

- instituer un prélèvement additionnel respectivement aux tarifs d'accès aux réseaux pour les éligibles et aux tarifs de fourniture pour les non-éligibles, pour couvrir les charges ;

- intégrer dans le champ de la compensation les charges résultant des dispositifs sociaux ;

- prendre en compte, dans un souci d'équité et de compétitivité économique, la nature ou le volume de l'électricité consommée pour le calcul des contributions au mécanisme de péréquation, en instituant une exemption pour les kilowatt heures livrés dans le cadre du tarif social, ainsi qu'un barème dégressif de contribution, notamment pour les industries « électro-intensives » ;

- préciser les dispositions en matière de recouvrement des charges et de pénalités au titre du mécanisme de compensation des charges de service public.

Toujours après l'article 20, elle a adopté des amendements destinés à insérer des articles additionnels pour :

- supprimer par coordination le quatrième alinéa (2°) du II de l'article 5 de la loi n° 2000-108 précitée ;

- compenser les surcoûts pour EDF et les DNN, dus à la production de courant à la suite d'un appel d'offres ;

- fixer par décret la liste des informations confidentielles relatives à un appel d'offre dans le secteur électrique ;

- permettre que les surcoûts des installations de production entrant dans le champ de l'obligation d'achat et exploitées par EDF ou par les DNN fassent l'objet d'une compensation ;

- instaurer une obligation d'achat par EDF du surplus de production que les DNN ne peuvent écouler dans leur zone de desserte exclusive, au tarif de l'obligation d'achat ;

- instituer une commission chargée d'apprécier la compatibilité des fonctions qu'envisagent d'exercer au sein du secteur de l'électricité les agents du GRT avec celles assurées au sein de cette entité ;

- permettre un abaissement plus rapide du seuil d'éligibilité pour la consommation d'électricité ;

- étendre l'éligibilité des DNN au titre de leurs achats d'électricité destinés à compenser les pertes sur leurs réseaux ;

- supprimer la formalité inutile que constitue la publication de la liste des clients éligibles ;

- supprimer les limitations au négoce d'électricité qui résultent de l'article 22 - IV de la loi du 10 février 2000 ;

- opérer des coordinations.

La commission a, enfin, adopté l'ensemble du projet de loi ainsi amendé, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen votant contre, tout en ayant déclaré souscrire à l'esprit des propositions du rapporteur relatives à l'affirmation des droits des collectivités locales.