Table des matières

  • Mercredi 27 octobre 1999
    • Nomination de rapporteur
    • Projet de loi de finances pour 2000 - Audition de M. Bernard Prévost, directeur général de la gendarmerie nationale
    • Affaires étrangères - Audition de M. Igor Ivanov, ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie
    • Projet de loi de finances pour 2000 - Audition du général Jean-Pierre Kelche, chef d'état-major des armées

Mercredi 27 octobre 1999

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Nomination de rapporteur

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord désigné M. Aymeri de Montesquiou comme rapporteur sur les projets de loi n° 15 (1999-2000) autorisant l'approbation des amendements à la convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution ; n° 16 (1999-2000) autorisant l'approbation des amendements au protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d'origine tellurique ; n° 17 (1999-2000) autorisant l'approbation des amendements au protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs ; et n° 18 (1999-2000) autorisant l'approbation du protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (ensemble trois annexes adoptées à Monaco le 24 novembre 1996).

Projet de loi de finances pour 2000 - Audition de M. Bernard Prévost, directeur général de la gendarmerie nationale

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Prévost, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2000.

Le directeur général de la gendarmerie nationale a d'abord relevé que le projet de budget de la gendarmerie progressait légèrement par rapport au budget voté de 1999 et qu'il donnait à l'Arme les moyens strictement nécessaires à l'exécution de ses missions traditionnelles de sécurité tout en amorçant le financement des mesures décidées par le conseil de sécurité intérieure. Il a souligné que les effectifs de la gendarmerie augmenteraient de 577 postes budgétaires avec, notamment, la création de 208 emplois d'officiers. Il a ajouté que 1.500 emplois de sous-officiers étaient supprimés et que le volume des emplois d'appelés et de volontaires augmentait de 1.227. M. Bernard Prévost a par ailleurs indiqué que les crédits du titre III progresseraient de 2 % par rapport à 1999. Commentant les crédits de fonctionnement hors rémunérations et charges sociales, il a noté que les crédits consacrés au fonctionnement des formations augmenteraient de 0,7 %, et que la dotation consacrée aux loyers ferait l'objet d'un ajustement de 25 millions de francs. Il a estimé, en outre, qu'avec 2,2 milliards de francs, les crédits du titre V, en hausse significative par rapport à l'an passé, permettraient non seulement d'achever le déploiement du système Rubis, mais aussi de financer les dépenses d'équipement supplémentaires induites par les décisions du conseil de sécurité intérieure.

M. Bernard Prévost a cependant fait état de plusieurs préoccupations. Il a relevé, en premier lieu, que la montée en puissance de gendarmes adjoints restait en retrait par rapport aux prévisions de la loi de programmation avec un déficit de 634 postes qui venaient s'ajouter aux 1.935 emplois non obtenus en 1999. Il a souligné, à cet égard, que l'augmentation des effectifs de la gendarmerie sur la période 1998-2001 reposait exclusivement sur le recrutement des volontaires et que l'insuffisance de cette ressource, si elle se confirmait, mettrait en cause les moyens opérationnels de la gendarmerie et sa capacité à réorganiser son dispositif territorial.

Par ailleurs, le directeur général de la gendarmerie nationale a observé que l'exercice budgétaire de l'année 1999 se révélait délicat car il devait supporter le financement de mesures nouvelles décidées en cours d'année par le conseil de sécurité intérieure, même si un décret d'avances et le collectif budgétaire devraient permettre de satisfaire les besoins. Il a relevé que le projet de loi de finances pour 2000 prévoyait, pour la mise en oeuvre de ces mesures, 50 millions de francs au titre III mais que toute mesure nouvelle prise dans le courant de l'année 2000 nécessiterait un financement complémentaire.

Enfin, M. Bernard Prévost a évoqué les efforts entrepris par la gendarmerie pour accroître son efficacité : la mise en place du contrôle de gestion et de la démarche de qualité, la poursuite de la réorganisation territoriale de la gendarmerie dans un esprit de concertation, le déploiement de 2.100 sous-officiers expérimentés sur trois années -1999, 2000 et 2001- et la fidélisation d'unités mobiles au profit des départements les plus sensibles, enfin, l'augmentation du nombre de brigades de prévention de la délinquance juvénile.

M. Bernard Prévost a ensuite répondu aux questions de M. Paul Masson, rapporteur pour avis du budget de la gendarmerie. Il a d'abord souligné que la fidélisation de forces mobiles dans les départements les plus sensibles à la suite des décisions du conseil de sécurité intérieure concernerait 1.500 fonctionnaires de police des compagnies républicaines de sécurité (CRS) et 1.500 militaires des escadrons de gendarmerie mobile sur la période 1999-2001. Il a précisé que 6 escadrons de gendarmerie mobile avaient été affectés depuis le 1er octobre 1999, pour une durée de 6 mois, dans les départements du Pas-de-Calais, de l'Oise, de la Loire-Atlantique, de la Gironde, du Bas-Rhin et de l'Isère. Il a relevé que la répartition des escadrons en 1999 se faisait à part égale entre zone de gendarmerie nationale et zone de police nationale et qu'à partir de 2000 elle serait de deux tiers en zone de police nationale et d'un tiers en zone de gendarmerie nationale. Il a précisé, à la demande de M. Paul Masson, rapporteur pour avis, que les escadrons obéissaient à leur propre hiérarchie. M. Bernard Prévost a par ailleurs noté que les unités avaient été choisies en fonction de la proximité entre le lieu de résidence et le lieu d'intervention et que les militaires concernés bénéficiaient d'une indemnité de déplacement (IJAT). Il a souligné en outre que ces escadrons s'étaient vu assigner une mission de sécurité publique mais n'avaient pas vocation à intervenir dans des opérations de maintien de l'ordre pour lesquelles le préfet ferait appel, le cas échéant, selon les procédures traditionnelles de réquisition, à d'autres unités mobiles.

M. Bernard Prévost a également précisé à l'intention de M. Paul Masson, rapporteur pour avis, que dix-huit brigades avaient été supprimées en 1999, dont quinze en zones de police d'Etat, la plupart ayant été transformées en unités spécialisées (PSIG, BPDJ). M. Paul Masson, rapporteur pour avis, a alors observé que le processus de redéploiement pouvait avancer grâce à une concertation approfondie avec les élus, sur la base de propositions alternatives telles que les substitutions évoquées par le directeur général. M. Bernard Prévost a poursuivi en soulignant que dans les zones les moins chargées, les effectifs étaient réduits, et les militaires professionnels, remplacés, en proportion limitée, par des gendarmes auxiliaires ; ces évolutions étaient nécessaires pour parvenir à dégager chaque année, entre 1999 et 2001, 700 militaires expérimentés pour renforcer les zones les plus difficiles. Le directeur général de la gendarmerie nationale a ajouté que les suppressions de commissariats envisagées ne s'étaient pas concrétisées mais que la gendarmerie se tenait prête à prendre en charge la sécurité des communes qui pourraient lui être confiées.

Evoquant alors, à la demande de M. Paul Masson, rapporteur pour avis, le recrutement des volontaires, M. Bernard Prévost a rappelé que le projet de loi de finances pour 2000 prévoyait la création de 4.300 postes de gendarmes adjoints au lieu des 4.934 prévus par la loi de programmation. Il a ajouté que, compte tenu du déficit déjà enregistré l'an passé, la gendarmerie ne disposerait en 2000 que de 7.300 volontaires au lieu des 9.869 attendus. Il a toutefois estimé que le format initialement prévu par la loi de programmation pourrait être atteint à l'échéance 2002. Il a précisé que seuls 55 % des gendarmes adjoints étaient bacheliers contre 80 % pour les gendarmes auxiliaires. Il a toutefois relevé que les gendarmes adjoints bénéficiaient d'une formation de quatre mois, qu'ils servaient dans le cadre d'un contrat d'un an renouvelable quatre fois et enfin qu'ils disposaient, à la différence des gendarmes auxiliaires, de la qualification d'agents de police judiciaire adjoints. Il a en outre relevé que les volontaires bénéficiaient d'une rémunération de 4.800 F nets à laquelle s'ajoutait l'hébergement.

M. Bernard Prévost a par ailleurs observé que le dispositif de reconversion mis en place par la gendarmerie avait pour priorité la recherche de débouchés pour les gendarmes adjoints, dans la mesure où, seule, une minorité d'entre eux pouvait espérer poursuivre carrière dans la gendarmerie. La direction générale, a-t-il noté, table aujourd'hui sur une durée moyenne d'engagement des gendarmes adjoints de deux à trois ans. Il est convenu avec M. Paul Masson que, compte tenu des bassins de recrutement plutôt urbains, l'affectation de ces jeunes gens dans un milieu rural méritait une attention particulière. M. Bernard Prévost a précisé par ailleurs que la direction générale réfléchissait sur les moyens de mettre en place des formules adaptées d'hébergement pour les gendarmes adjoints qui seraient chargés de famille. Enfin, il a indiqué que les effectifs de la gendarmerie devraient compter, à terme, 10 % de femmes répartis de manière équilibrée entre les différentes unités.

M. Bernard Prévost a ensuite précisé, à l'intention de M. Aymeri de Montesquiou qui s'interrogeait sur les risques d'une recrudescence de la délinquance dans les zones rurales, que le maillage de la gendarmerie ne serait pas remis en cause, mais qu'il convenait de prendre en considération la disparité des charges entre les différentes brigades. Il a rappelé par ailleurs les efforts entrepris dans le cadre du commandement opérationnel de groupement (COG) et aussi, désormais, au niveau de la circonscription pour favoriser la coordination opérationnelle. Il a enfin souligné l'adaptation des structures de la gendarmerie, avec notamment la départementalisation des unités autoroutières et routières.

Le directeur général de la gendarmerie nationale a indiqué, à l'intention de M. André Dulait, que la gendarmerie avait cherché à alléger les tâches administratives en développant l'informatisation des brigades. Il a par ailleurs souligné que le nombre de civils devait passer sur la période de programmation de 1.200 à 2.200 mais que l'Arme connaissait actuellement un déficit de 330 civils.

M. André Rouvière a alors attiré l'attention du directeur général de la gendarmerie nationale sur la nécessité de ne pas confondre dans les zones rurales les unités peu chargées et celles qui, par un travail efficace, assuraient une véritable prévention de la délinquance. M. Jean Puech s'est fait l'écho de ces préoccupations en soulignant également les risques du développement de la criminalité dans de vastes zones à faible densité. Il s'est inquiété en particulier des délais d'intervention de la gendarmerie. M. Bernard Prévost a rappelé la volonté de la gendarmerie de préserver son maillage territorial. Il a ajouté que le délai d'intervention des brigades s'établissait en moyenne à 15 minutes.

Le directeur général de la gendarmerie a en outre indiqué à l'intention de M. Xavier de Villepin, président, que le programme Rubis pourrait être totalement déployé à la fin de l'année 2000 et que les premiers hélicoptères biturbines, prévus dans le cadre de la revue des programmes pour remplacer les hélicoptères Alouette III, étaient attendus pour 2001. Il a enfin ajouté que les missions à l'étranger mobilisaient 1.100 gendarmes, dont 400 dans des opérations de maintien de la paix. Il a indiqué à cet égard qu'un premier détachement militaire de la gendarmerie (qui avait déploré dans ses rangs 27 blessés) avait été relevé au Kosovo, le 25 octobre dernier, par un escadron de gendarmerie mobile. Enfin M. Bernard Prévost a fait état de rapprochements envisagés entre la gendarmerie et ses homologues italien et espagnol pour intervenir conjointement.

Affaires étrangères - Audition de M. Igor Ivanov, ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie

Au cours d'une deuxième réunion tenue dans la matinée, la commission, élargie aux membres du groupe sénatorial d'amitié France-Russie, a procédé à l'audition de M. Igor Ivanov, ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie.

M. Igor Ivanov a tout d'abord évoqué la qualité de la coopération politique entre la France et la Russie et le caractère privilégié des relations entre les deux pays, à tous les niveaux des responsables politiques. Le ministre russe des affaires étrangères a cependant déploré que, sur le plan économique, les relations franco-russes ne connaissent pas un développement aussi heureux. Leur niveau actuel n'était pas satisfaisant et nécessitait des efforts énergiques pour activer les échanges commerciaux et les investissements.

En tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, et comme puissances nucléaires, la Russie et la France ne pouvaient, a rappelé M. Igor Ivanov, rester passifs devant les événements internationaux. Pour contrer les menaces actuelles, il convenait de promouvoir un monde multipolaire et démocratique. C'est en ce sens que le Président Eltsine était intervenu dans le cadre de la réunion du G8 à Cologne.

Il convenait ainsi, a poursuivi M. Igor Ivanov, de conforter l'ONU dans la gestion des affaires internationales. La coopération franco-russe dans ce domaine était d'ailleurs active et les intérêts mutuels des deux pays conduisaient à maintenir l'efficacité de cette organisation. Les Etats-Unis, a relevé le ministre russe des affaires étrangères, avaient pour leur part une approche simplifiée du recours à la force, fondée sur une domination dans les affaires internationales qui les conduisait à méconnaître l'ONU.

Les Européens, a poursuivi M. Igor Ivanov, se devaient de faire prévaloir une conception très claire des principes de souveraineté et d'intégrité territoriale. Toute ambiguïté sur ces questions contribuait à encourager les tenants d'un séparatisme agressif. Ces derniers ne devaient pas espérer que le recours à la force leur permettrait de parvenir à leurs fins. Cette forme de séparatisme était étroitement liée au terrorisme. Ce qui se passait actuellement au Kosovo provoquait en Russie une réaction aiguë. Les terroristes voyaient leurs positions consolidées : l'UCK n'avait pas été véritablement démilitarisée et la création d'un " corps de protection " ne faisait que légaliser les unités kosovares dont le seul objectif était la conquête du pouvoir. On se trouvait donc, a estimé M. Igor Ivanov, très loin des principes posés par la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU. La Russie était disposée à coopérer avec la France dans le cadre du Conseil de sécurité pour essayer de remédier à la situation actuelle. La menace d'une violation de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de la Yougoslavie n'avait pas disparu. Par-delà l'explosion survenue dans les Balkans, cette situation constituait -a-t-il estimé- un précédent très négatif en Europe.

Abordant alors la situation dans le nord-Caucase, M. Igor Ivanov a indiqué que la Russie voulait mettre un terme au terrorisme en Tchétchénie afin que celle-ci revienne dans le champ constitutionnel de la Russie. La Russie, attachée au règlement politique des problèmes, se trouvait confrontée à des séparatistes extrêmistes qui voulaient parvenir à leurs fins par la force, ce qui rendait impossible toute perspective de négociation. La situation dans le nord-Caucase n'était que l'expression d'un terrorisme qu'aucun pays démocratique ne pouvait tolérer sur son territoire. M. Igor Ivanov a indiqué que c'était contre de tels " bandits " que la Russie combattait et non contre la population civile pour laquelle tous les efforts étaient faits pour éviter des pertes en son sein. La Russie appréciait la position française en faveur de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de la Russie et sa disponibilité à combattre le terrorisme international.

Abordant l'évolution de l'Europe, M. Igor Ivanov a estimé qu'elle traversait l'un des moment les plus cruciaux de son histoire. Elle se trouvait en effet devant les termes suivants d'une alternative : soit un grand ensemble paneuropéen se réaliserait, soit on risquait d'assister à une confrontation due à l'action de groupes militaro-politiques. La Russie souhaitait une Europe plus libre, rassemblant la totalité des pays démocratiques du continent, faute de quoi elle ne parviendrait pas à contrebalancer les puissances économiques américaines et asiatiques.

Pour M. Igor Ivanov, c'est à l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) que devait revenir le premier rôle pour construire l'Europe future. Le prochain sommet de cette organisation à Istanbul serait à cet égard essentiel et devrait permettre de signer trois textes très importants : la Charte de la sécurité européenne, l'adaptation du traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE), enfin le document de Vienne sur les mesures de confiance.

Sur de telles bases, il serait possible de relancer le partenariat OTAN-Russie. Cette relance -a toutefois estimé M. Igor Ivanov- ne serait pas facile compte tenu de l'action conduite par l'OTAN dans les Balkans, qui avait fragilisé le potentiel de relations entre l'Alliance atlantique et la Russie. Pour le ministre russe des affaires étrangères, lors de la signature de l'Acte fondateur sur les relations OTAN-Russie, il n'avait pas imaginé que l'organisation atlantique allait, quelques mois plus tard, transgresser ainsi les principes contenus dans ce document. Tout devait cependant être fait, a indiqué M. Igor Ivanov, pour restaurer la confiance et, en particulier, favoriser la reconstruction du Kosovo.

S'agissant des relations entre la Russie et l'Union européenne, le ministre russe a rappelé que l'accord de partenariat et de coopération constituait une base juridique solide. La stratégie adoptée par l'Union européenne en juin dernier à l'égard de son pays constituait pour M. Igor Ivanov un élément prometteur. Pour la Russie, l'Union européenne était un partenaire important sur les plans économique et politique. Elle était consciente des efforts européens en faveur de l'identité européenne de sécurité et de défense et ouverte à un partenariat dans ce domaine.

M. Igor Ivanov a ensuite souligné que la sauvegarde du traité ABM (anti balistic missile) revêtait une importance cruciale. Ce traité avait permis de réaliser pendant trente ans les conditions de la stabilité stratégique. Dans ce contexte, le système antimissiles que les Etats-Unis tentaient de mettre au point contribuerait à fragiliser ce traité et, au-delà, l'ensemble des accords en matière de désarmement nucléaire. M. Igor Ivanov a enfin déploré que le Sénat américain n'ait pas accepté de ratifier le traité d'interdiction totale des essais nucléaires (CTBT). Ce vote -a-t-il conclu- démontrait qu'une partie de l'élite politique des Etats-Unis n'était pas prête au désarmement et faisait fi de l'opinion internationale.

A la suite de cet exposé, un débat s'est engagé avec les membres de la commission et du groupe sénatorial d'amitié France-Russie.

M. Jacques Chaumont, président du groupe d'amitié, a d'abord souligné que le Sénat avait engagé une action de coopération étroite avec le Conseil de la fédération de Russie, notamment en matière de formation du personnel, et que des jumelages se développaient, à l'image de celui établi entre le département du Cher et la République fédérée de Mordovie, à l'initiative de M. Serge Vinçon.

M. Jacques Chaumont a ensuite demandé à M. Igor Ivanov des précisions sur la situation militaire en Tchétchénie et sur la situation des populations civiles confrontées aux combats et aux bombardements. Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur l'usage qui avait été réellement fait en Russie des concours financiers du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.

M. Aymeri de Montesquiou a interrogé le ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie sur les perspectives de coopération franco-russe en vue de faire aboutir des positions différentes de celles de " l'hyperpuissance " américaine, notamment en ce qui concerne l'embargo sur l'Irak. Il a ensuite cherché à savoir quels pouvaient être les liens entre les événements de Tchétchénie et les organisations terroristes internationales.

Mme Danielle Bidard-Reydet a alors interrogé le ministre sur trois points :

- la situation économique difficile de la Russie et les attentes de ce pays vis-à-vis de l'Union européenne et de la France ;

- les mesures concrètes qui avaient été ou qui seraient prises pour aboutir à une solution politique en Tchétchénie, dans la mesure où, a-t-elle estimé, seule une solution politique serait seule à même d'apporter une solution véritable à une crise de cette nature ;

- et enfin les positions russes concernant la charte de l'OSCE sur la sécurité en Europe, qui devrait être adoptée lors du prochain sommet d'Istanbul.

M. Serge Vinçon s'est interrogé, en premier lieu, sur les conséquences que pourrait avoir la non-ratification par le Sénat américain du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBT). En second lieu, il a demandé au ministre quelle était l'appréciation que portait la Russie sur les tensions actuelles entre l'Inde et le Pakistan.

M. Xavier de Villepin, président, a également marqué son inquiétude sur l'avenir du processus de désarmement nucléaire à la suite de la non-ratification du CTBT et de la position des Etats-Unis quant au maintien en l'état du traité limitant les dispositifs antimissiles (ABM). Il a souhaité avoir des précisions sur la position de la Russie face à ces évolutions qu'il a jugées préoccupantes.

En réponse à ces différentes interventions, M. Igor Ivanov a d'abord apporté les précisions suivantes au sujet de la situation en Tchétchénie. Il a affirmé que seul un accord politique serait à même d'apporter une solution définitive à la crise et que le Gouvernement russe agissait déjà dans ce but. Pour aboutir à une solution politique, il fallait toutefois que plusieurs éléments soient réunis. Il était notamment nécessaire d'avoir un interlocuteur représentatif qui puisse prendre des engagements et les tenir. Or, a-t-il estimé, cette condition était particulièrement délicate en Tchétchénie puisque M. Maskhadov, Président de la Tchétchénie depuis trois ans, et qui pourrait être à ce titre un des interlocuteurs, n'était cependant pas à même de maîtriser le développement du terrorisme comme l'avaient montré les événements récents.

M. Igor Ivanov a ensuite insisté sur le fait que le conflit en Tchétchénie n'était ni ethnique, ni religieux. La république fédérée de Tchétchénie était multiéthnique et multireligieuse comme toutes les autres entités de la Fédération de Russie. Au début des années 1990, sur une population d'environ 1 million de personnes, 50 % n'étaient pas d'origine tchétchène et 20 % de la population était russe. Par ailleurs, a-t-il poursuivi, un grand nombre de Tchétchènes vivaient en dehors des frontières de la République en raison des déportations de Tchétchénie ordonnées par Staline à la fin de la seconde guerre mondiale en représailles à la collaboration de certains d'entre eux avec l'occupant allemand.

M. Igor Ivanov a insisté sur le fait que la population tchétchène était citoyenne à part entière de la Russie et qu'en conséquence, le Gouvernement russe faisait tout son possible pour la protéger. Dans les régions sous contrôle fédéral, la situation redevenait normale. M. Igor Ivanov a également rappelé que la zone sous contrôle fédéral restait ouverte aux journalistes et aux organisations humanitaires internationales avec lesquelles la Russie coopérait.

M. Igor Ivanov a enfin souligné le rôle très important des médias et leur influence sur les opinions publiques et les gouvernements. Il a, à ce propos, regretté que les informations soient parfois incomplètes ou inexactes et qu'elles conduisent à des jugements trop rapides.

M. Igor Ivanov a enfin apporté les précisions suivantes :

- au sujet des problèmes de corruption, le ministre a indiqué que, malheureusement, ce problème n'était ni nouveau, ni spécifique à la Russie. Il a toutefois reconnu que la corruption avait pu se développer au début des années 1990 en raison d'une libéralisation très rapide de l'économie, et notamment les privatisations de masse, sans que la législation financière ait été adaptée. Il a toutefois insisté sur le fait que, si des abus avaient été commis dans le passé, tel n'était plus le cas aujourd'hui, comme l'avaient confirmé le FMI et la Banque mondiale pour les derniers concours financiers ;

- à propos de la situation économique en Russie depuis la dernière crise financière, un redressement s'amorçait, qui devrait se poursuivre ;

- une résolution conjointe avait été proposée par la Russie et la Chine en vue de la suspension des sanctions à l'égard de l'Irak en échange d'un nouveau système de contrôle du réarmement éventuel de ce pays ;

- la Russie souhaitait donner à la réunion de l'OSCE à Istanbul une importance comparable à celle qu'avait eue en son temps le sommet d'Helsinki ;

- au sujet de la décision du Sénat américain concernant le CTBT, il convenait d'être très attentif aux risques d'une reprise de la course aux armements. Il a indiqué que la Russie -comme la Chine- avait proposé la ratification rapide du CTBT et que la Russie souhaitait poursuivre le travail de ratification des accords Start de limitation et de réduction des armements nucléaires. Il a, enfin, rappelé que le traité ABM avait été la base durant trente ans de la stabilité stratégique. La position américaine risquerait de relancer la course aux armements en conduisant au développement de systèmes propres à rendre inefficace un système antimissile américain.

Projet de loi de finances pour 2000 - Audition du général Jean-Pierre Kelche, chef d'état-major des armées

Au cours d'une troisième réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition du général Jean-Pierre Kelche, chef d'état-major des armées.

M. Xavier de Villepin, président, a d'abord rappelé que, conformément à la tradition de la commission, les auditions des chefs d'états-majors militaires, qui visent à une information aussi complète que possible des membres de la commission, demeureraient confidentielles et ne feraient pas l'objet de communiqué à la presse.

Le général Jean-Pierre Kelche a d'abord effectué un point de la situation des opérations dans lesquelles étaient engagées les forces armées françaises en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et au Timor Oriental.

A l'issue de cet exposé, M. Xavier de Villepin, président, a interrogé le général Jean-Pierre Kelche sur la signification qu'il fallait donner aux propos tenus devant une commission du Congrès des Etats-Unis par le général Short et critiquant notamment le rôle joué par la France dans la détermination des cibles lors de la campagne aérienne durant le conflit du Kosovo. Il a également demandé des précisions sur l'évaluation des dommages infligés aux forces serbes.

M. André Rouvière a souhaité connaître la part qu'avaient prise la France et les autres alliés dans l'acceptation des cibles lors de la campagne aérienne, qu'il s'agisse de celles prévues dans la planification commune ou de celles arrêtées dans la planification strictement américaine. Il a également demandé des précisions sur les capacités actuelles de l'armée serbe.

M. Paul Masson s'est interrogé sur la portée des positions exprimées par les autorités françaises lors de la planification des cibles de la campagne aérienne.

Après avoir répondu à ces questions, le général Jean-Pierre Kelche a ensuite évoqué avec les sénateurs le projet de budget de la défense pour 2000.

Après avoir constaté que les budgets militaires de la France et de ses principaux partenaires européens ne semblaient pas traduire une réelle prise de conscience de la nécessité de la construction d'une Europe de la défense, M. Xavier de Villepin, président, a demandé au chef d'état-major des armées des précisions sur les points suivants :

- le financement en 2000 de la commande globale de deux années de développement du missile M51, qui représente un coût de 7 milliards de francs mais pour laquelle les autorisations de programme inscrites au budget se limitent à 5 milliards de francs ;

- les perspectives de coopération européenne dans le domaine des satellites d'observation et le déroulement du programme Hélios II ;

- les perspectives de lancement du programme d'avion de transport futur (ATF) ;

- l'éventualité de la commande d'un second porte-avions.

Le général Jean-Pierre Kelche a alors répondu à ces différentes questions, puis a évoqué avec MM. Xavier de Villepin, président, et Paul Masson, les conséquences des positions américaines en ce qui concerne le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBT) et le développement envisagé des systèmes de défense antimissile.