Mercredi 28 octobre 1998

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président

Nomination de rapporteurs

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a d'abord procédé à la nomination de rapporteurs. Elle a désigné :

- M. André Boyer sur le projet de loi n° 22 (1998-1999) autorisant l'approbation du cinquième protocole (services financiers) annexé à l'accord général sur le commerce des services ;

- M. Aymeri de Montesquiou sur le projet de loi n° 23 (1998-1999) autorisant la ratification de la convention sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé.

Projet de loi de finances pour 1999 : audition de M. Bernard Prévost, directeur général de la gendarmerie nationale

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Bernard Prévost, directeur général de la gendarmerie nationale.

M. Bernard Prévost
a d'abord souligné que le projet de budget pour 1999 accorde à la gendarmerie les moyens strictement nécessaires à l'exécution de ses missions. Il a relevé que l'évolution des effectifs est conforme aux orientations de la loi de programmation militaire (augmentation de 209 emplois d'officiers de gendarmerie, création au sein du nouveau corps de soutien de 22 postes d'officiers et de 525 postes de sous-officiers, création de 194 emplois de personnels civils, suppression de 1.094 emplois de sous-officiers, requalification de 140 emplois de gendarmes en autant d'emplois de gradés, création de 3.000 postes de volontaires avec, en contrepartie, la suppression de 2.168 postes d'appelés). Par ailleurs, le directeur général de la gendarmerie nationale a mentionné la création de 56 emplois de sous-officiers au titre de l'extension du réseau autoroutier. Ainsi les mouvements de créations et de suppressions d'emplois se traduiront-ils par un solde positif de 714 emplois.

M. Bernard Prévost a alors souligné que les crédits du titre III, hors rémunérations et charges sociales, sont réduits de 1 % ; cette réduction recouvre des évolutions contrastées : un renforcement des dotations de maintien de l'ordre, une meilleure prise en compte des besoins de la gendarmerie en matière de réserves, l'augmentation des fonds d'aide au départ, mais une baisse importante des crédits de fonctionnement.

S'agissant du titre V, le directeur général de la gendarmerie nationale a relevé une progression de 0,7 % des autorisations de programme et de 3 % des crédits de paiement. Il a souligné le double abattement imposé à la gendarmerie de 20 millions de francs par rapport aux dotations prévues par la loi de programmation et de 64 millions de francs au titre de la revue des programmes. Il a précisé que la priorité accordée au programme de télécommunications Rubis pourra être respectée, et que le renouvellement des hélicoptères de sauvetage et d'intervention se poursuivra par la commande d'un troisième appareil biturbine.

M. Bernard Prévost a ensuite fait part à la commission de quatre principaux sujets de préoccupation :

- au titre III, la baisse inquiétante des crédits de fonctionnement courant des unités résultant principalement d'un abattement de 60 millions de francs, qui pourrait affecter l'activité opérationnelle des unités ;

- au titre V, l'insuffisance des dotations qui ne permet pas, notamment, d'assurer un rythme de renouvellement optimal des hélicoptères de sauvetage et d'intervention, ni la livraison en nombre nécessaire d'équivalents unités-logements ;

- au titre VI, une sous-évaluation de l'enveloppe qui ne permet de couvrir que 50 % des besoins ;

- enfin, en matière d'effectifs, la nécessité de conforter, dans les années à venir, un rythme de montée en puissance des volontaires satisfaisant pour atteindre la cible de 16.232 à l'horizon 2002.

Le directeur général de la gendarmerie nationale a observé, en conséquence, que le contexte budgétaire contraint la gendarmerie à poursuivre dans la voie des réformes. Il a souligné à cet égard l'importance cruciale qui s'attache au projet de redéploiement des effectifs. Il a rappelé la décision du conseil de sécurité intérieure, en avril dernier, d'adapter la répartition des forces de sécurité à la carte de la population et de la délinquance, notamment dans les vingt-six départements prioritaires ; dans cette perspective, la gendarmerie doit prendre en charge de nouvelles zones et renforcer sa présence dans les secteurs péri-urbains de sa zone de compétence. M. Bernard Prévost a ensuite ajouté que la gendarmerie est prête à montrer, dans la méthode à suivre, beaucoup de souplesse et de pragmatisme. Il a précisé ainsi qu'un commissariat serait remplacé non seulement par une brigade territoriale, mais aussi par d'autres unités (brigade de recherches et peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie). Le directeur général de la gendarmerie nationale a observé que la dissolution d'une brigade n'entraînerait pas une diminution du niveau de sécurité et que des contrats locaux de sécurité pourraient être proposés aux collectivités locales.

Enfin, M. Bernard Prévost a évoqué les principales réformes qui permettront de réaliser des gains d'efficacité : l'allégement des tâches administratives, d'une part, l'utilisation dès le temps normal des réserves, d'autre part. Il a insisté sur les qualifications judiciaires conférées aux volontaires et sur la mise en place du corps militaire de soutien, qui s'inscrivent également dans la recherche d'une plus grande efficacité.

A la suite de l'exposé du directeur général de la gendarmerie nationale, un débat s'est ouvert avec les commissaires.

M. Paul Masson, rapporteur pour avis du budget de la gendarmerie, a d'abord évoqué le problème des redéploiements. Il a exprimé le sentiment qu'après l'annonce des différentes opérations de réorganisation, qui avait donné l'impression que l'essentiel paraissait décidé, une nouvelle étape paraît désormais ouverte, davantage tournée vers la concertation. Il s'est félicité, pour sa part, de cette réorientation en soulignant que la maladresse de la procédure initialement engagée pouvait compromettre une réforme d'intérêt public ; en effet, a-t-il ajouté, la carte de la sécurité doit correspondre à la carte de l'insécurité.

M. Paul Masson s'est interrogé sur le maintien d'une brigade par canton et sur le sort des infrastructures des brigades qui pourraient être dissoutes, en particulier lorsque la construction des locaux avait bénéficié d'une aide financière des collectivités territoriales. Il a par ailleurs souhaité obtenir des précisions sur les procédures qui seront engagées par le Gouvernement à la suite des conclusions de M. Guy Fougier, chargé de conduire les consultations relatives au redéploiement.

Enfin, revenant sur le volontariat, M. Paul Masson s'est demandé si les 800 postes qui ont pu être créés cette année s'ajoutent aux 3.000 emplois de volontaires prévus pour 1999 ou anticipent simplement sur les recrutements de l'année à venir.

M. André Boyer a également fait part de ses préoccupations relatives au maintien du principe d'une brigade par canton et sur le devenir des immeubles construits par les collectivités territoriales. Il a surtout regretté la méthode utilisée pour la mise en oeuvre des redéploiements. Il a observé que le ministre de la défense, lors de sa dernière audition devant la commission, le 9 septembre dernier, avait confirmé le principe d'une brigade par canton ; or, peu de temps après, la presse régionale s'était fait l'écho de la suppression de six brigades dans le département du Lot dont quatre concernant des cantons limitrophes ; cette mesure n'avait fait l'objet d'aucune consultation préalable ; elle suscitait une perplexité d'autant plus grande que les brigades concernées avaient déjà objecté, en d'autres circonstances, un surcroît de charges. M. André Boyer a précisé par ailleurs que deux de ces brigades avaient été inaugurées récemment. Il a ajouté que les élus, invités par le préfet à une réunion de concertation, s'étaient refusé à cautionner des mesures prises sans consultation.

M. André Rouvière a observé que l'augmentation du budget de la gendarmerie pour 1999 aurait pu laisser espérer un renforcement de la présence de l'Arme dans les zones rurales ; si les redéploiements ne soulèvent pas d'opposition de principe, leurs modalités d'application apparaissent très contestables ; ils risquent en particulier de favoriser la création de zones d'insécurité et de remettre ainsi en cause le but recherché, à savoir l'égalité de tous les citoyens au droit à la sécurité. M. André Rouvière a relevé en outre que la logique des redéploiements, fondée sur les résultats des unités en matière de criminalité, revient à pénaliser les zones où l'insécurité avait pu être contenue. Il a insisté, à cet égard, sur le rôle dissuasif joué par les brigades de gendarmerie. Après s'être interrogé sur la portée réelle de la concertation engagée, il a indiqué, s'agissant des infrastructures, que la gendarmerie s'était engagée à utiliser au terme de leur amortissement les bâtiments construits grâce à l'aide des collectivités territoriales. Enfin, M. André Rouvière s'est inquiété de la sollicitation croissante des collectivités locales pour le logement des gendarmes en soulignant qu'il y a là un lourd transfert de charges.

M. André Dulait a indiqué qu'il partageait les préoccupations de ses collègues et il s'est demandé si une plus grande utilisation des emplois civils ne permettrait pas de dégager un nombre supplémentaire de militaires de la gendarmerie appelés à se consacrer à des emplois opérationnels.

M. Jean-Guy Branger, après avoir rendu hommage à la gendarmerie et à son efficacité, a fait part de sa vive inquiétude à la suite de la réduction des crédits de fonctionnement courant dans le projet de budget pour 1999. Il a observé que cette évolution n'est en aucun cas compatible avec l'accroissement des charges auquel l'Arme doit faire face. Il a ajouté que les collectivités locales seront de nouveau appelées à procurer aux unités les moyens nécessaires à leur activité et qu'une telle situation ne paraît pas acceptable.

M. Robert Del Picchia s'est étonné de la réduction du budget de fonctionnement de la gendarmerie au moment même où le gouvernement affichait une priorité pour la sécurité en France. Il s'est interrogé sur les conditions de recrutement des volontaires et sur les mesures incitatives qui ont été prises. Il a souhaité savoir si, dans ce cadre, la gendarmerie accepterait des jeunes Français établis à l'étranger.

M. Roger Husson, après avoir fait part de sa vive préoccupation concernant la présence de la gendarmerie dans les zones rurales, a demandé des précisions sur les conditions de logement des volontaires mariés ainsi que sur les conditions de formation des premiers volontaires qui ont été recrutés cette année. Il s'est interrogé enfin sur la possibilité d'affecter des gendarmes adjoints dans les unités de gendarmerie mobile.

M. Jean Puech a souligné qu'il convient de prendre en compte les différents risques auxquels peut être exposé le territoire national au regard de la sécurité ; il a noté, à cet égard, que le grand banditisme peut utiliser les zones rurales pour préparer certaines opérations. Il a rappelé la nécessité de préserver des services publics sur l'ensemble du territoire et il a souligné qu'une évaluation des besoins de sécurité doit reposer sur la consultation des élus concernés.

M. Xavier de Villepin, président, a soumis à M. Bernard Prévost une question soulevée par M. Daniel Goulet sur le partage des responsabilités de la gendarmerie et de l'armée de terre en matière de sécurité du territoire. M. Xavier de Villepin, président, a souhaité par ailleurs obtenir des précisions sur le programme Rubis et sur le renouvellement des hélicoptères.

M. Bernard Prévost a d'abord souligné, en réponse à ces interventions, que les redéploiements visent à répondre à un double objectif incontestable : l'égalité des citoyens au regard du droit à la sécurité, la nécessité de faire face à la délinquance dans les meilleures conditions. Il a souhaité dissiper un certain nombre de malentendus en indiquant d'abord que les moyens dévolus à la sécurité se renforcent et que le rapport entre les effectifs de sécurité et la population se trouve à un niveau plus favorable en France que dans la plupart des autres pays européens. Il a précisé, par ailleurs, que la concertation ne fait que débuter et que les conclusions de M. Guy Fougier doivent être remises à la fin de l'année après une période d'expertise et de consultation. Il a ajouté que, contrairement à certaines rumeurs, l'examen de la situation de chaque brigade de gendarmerie ne se confond pas avec le projet de dissoudre ces unités, les suppressions ne devant toucher que certaines d'entre elles. Il a observé que le nombre des dissolutions citées constitue un maximum qui a été utilisé par certaines organisations syndicales pour dramatiser la situation. Il a noté également que l'effectif de 1.200 gendarmes prévu pour les zones qui passeraient de la compétence de la police à celle de la gendarmerie viendrait en renfort d'unités de gendarmerie déjà présentes.

M. Bernard Prévost a souligné que la réorganisation du maillage territorial de la gendarmerie s'inscrit dans un plan global. Il a souhaité que la consultation nécessaire procède à un examen de la situation département par département. Il a rappelé enfin la disponibilité de la gendarmerie pour conclure des contrats locaux de sécurité dans les zones rurales ou pour envisager des solutions alternatives, telles que la mise en place de postes à effectif réduit dans les cantons les moins peuplés.

Le directeur général de la gendarmerie nationale a apporté en outre les précisions suivantes :

- le principe d'une brigade par canton constitue une règle générale qui peut faire l'objet d'un réexamen en fonction du niveau de criminalité ; le maintien d'un poste à effectif réduit constitue de ce point de vue un aménagement possible ;

- s'agissant des locaux des brigades menacées d'une dissolution, il convient de distinguer entre les logements domaniaux et les infrastructures appartenant aux collectivités territoriales ; pour ces dernières, la gendarmerie dispose du droit de dénoncer le bail dans un délai de six mois, mais elle veillera d'abord à examiner toutes les possibilités de réutilisation des locaux, notamment par des services municipaux ;

- au terme de la consultation conduite par M. Guy Fougier, il reviendra au gouvernement d'arrêter le calendrier et la méthode adaptée pour mettre en oeuvre les redéploiements ;

- les 800 volontaires recrutés dès 1998 devraient s'ajouter, comme l'a rappelé récemment le premier ministre, aux 3.000 volontaires prévus pour 1999 ; les premiers recrutements ont fait apparaître un niveau satisfaisant de la ressource -75 % des intéressés sont bacheliers et 95 % d'entre eux ont fait acte de candidature pour devenir gendarmes professionnels ; les Français de l'étranger pourront naturellement être accueillis parmi les volontaires ; la capacité des écoles apparaît suffisante, dans la mesure, notamment, où quatre centres de formation dépendant des autres armées doivent revenir à la gendarmerie dans le cadre de la restructuration des armées ;

- seul l'hébergement des volontaires et non leur logement a été prévu, ce qui peut poser un problème pour les gendarmes adjoints ayant une conjointe qui choisiraient de renouveler leur contrat sur plusieurs années ;

- l'allégement des tâches administratives est rendu possible par l'accroissement du nombre de civils (de 1.200 à 2.200 sur la période de programmation) et par la mise en place du corps de soutien ;

- au titre III, la contraction des crédits de fonctionnement contraindra à des efforts d'économie importants, même si des ajustements peuvent être espérés dans le cadre du collectif budgétaire ;

- les volontaires ont d'abord vocation à remplacer les gendarmes auxiliaires dans les brigades territoriales et dans les pelotons de sécurité et d'intervention de la gendarmerie, puis à assurer le renfort des unités dans les zones périurbaines ; la présence de gendarmes adjoints au sein des escadrons de gendarmerie mobile ne constitue pas aujourd'hui une priorité ;

- le partage des responsabilités entre gendarmerie et armée de terre en matière de sécurité du territoire a fait l'objet d'une réflexion dans le cadre de la loi de programmation et il trouve à s'appliquer dans de nombreuses occasions, notamment pour la mise en oeuvre du plan Vigipirate ;

- la poursuite du programme Rubis permettra de couvrir l'ensemble du territoire d'ici à la fin de l'an 2000 ;

- le remplacement des hélicoptères de la gendarmerie soulève un problème particulier, dans la mesure où les appareils monoturbines doivent être remplacés par des hélicoptères biturbines, en raison de la modification de la réglementation communautaire ; 8 hélicoptères de ce type apparaissent nécessaires, 2 ont pu être commandés en 1998 et un autre au titre du projet de budget pour 1999.

A la suite de l'exposé du directeur général de la gendarmerie nationale, M. Paul Masson a suggéré que la commission puisse entendre M. Guy Fougier sur les redéploiements. Il a, par ailleurs, proposé que la méthode suivie en 1993 au moment de la première étape de la restructuration des armées serve de référence pour les projets actuels de redéploiement : les élus des régions concernées par les réorganisations pourraient être reçus par le Premier ministre et discuter des compensations éventuelles accordées en contrepartie des suppressions d'unités.

Projet de loi de finances pour 1999 : audition de l'Amiral Jean-Charles Lefebvre, chef d'état-major de la marine

La commission a ensuite procédé à l'audition de l'amiral Jean-Charles Lefebvre, chef d'état-major de la marine.

M. Xavier de Villepin, président
, a d'abord rappelé que, conformément à la tradition de la commission, les auditions des chefs d'états-majors militaires, qui visent à une information aussi complète que possible des membres de la commission, demeureront confidentielles et ne feront pas l'objet de communiqués à la presse.

L'amiral Jean-Charles Lefebvre a présenté l'évolution du budget de la marine qui s'élèvera, pour 1999, à 33,9 milliards de francs, soit 4 % de plus qu'en 1998, dont 12,9 milliards de francs au titre des dépenses ordinaires du titre III, en diminution de 1,4 %, et 21 milliards de francs au titre des dépenses en capital des titres V et VI, en progression de 7,5 %.

A la suite de cet exposé, M. André Boyer, rapporteur pour avis des crédits de la marine, a interrogé l'amiral Lefebvre sur les possibilités de pourvoir tous les postes de personnels civils inscrits au budget, dont une partie importante est actuellement vacante, faute d'un volontariat suffisant au sein des personnels de la direction des constructions navales (DCN) et de l'interdiction de recourir à des recrutements externes. Il a souhaité connaître les premières conclusions tirées du recrutement d'engagés sur contrat court et il s'est interrogé sur l'origine et le montant d'un éventuel "surcoût" de la professionnalisation.

M. André Boyer a également demandé au chef d'état-major de la marine quelle appréciation il portait sur les conséquences de la "revue de programmes" sur les capacités de la marine. Il a particulièrement évoqué la décision de retirer définitivement du service le porte-avions Foch dès l'admission au service actif du Charles de Gaulle, décision qui a des conséquences directes sur la disponibilité du groupe aéronaval et sur les réflexions relatives à la commande d'un second porte-avions, au moment où les Britanniques étudient la constitution d'un groupe aéronaval composé de deux bâtiments.

M. André Boyer a abordé la question de la gestion de plus en plus tendue de l'entretien programmé des matériels, se demandant si l'on pouvait espérer une diminution des coûts d'entretien et quels enseignements pouvaient être tirés de la récente réparation d'un bâtiment de la marine par un chantier civil. Enfin, il a souhaité connaître les solutions envisagées pour maintenir un bâtiment-école lors du retrait de la Jeanne d'Arc, prévu en 2006.

M. Serge Vinçon a demandé des précisions sur les réflexions concernant la construction éventuelle d'un second porte-avions.

M. Emmanuel Hamel s'est inquiété des propos prêtés par la presse au chef d'état-major de la marine, selon lesquels la présence permanente sur les théâtres d'activité n'était pas garantie. Il a demandé à l'amiral Lefebvre quelles conclusions il pourrait être tenté de tirer d'une telle situation.

M. Jean-Guy Branger a manifesté des inquiétudes sur l'insuffisance persistante des crédits de fonctionnement du titre III. Il a déploré l'abandon par la marine de ses implantations à Rochefort, et plus particulièrement du déplacement à Cherbourg de l'école des fourriers, en s'interrogeant sur le devenir du patrimoine immobilier important qui serait ainsi inutilisé.

M. Michel Caldaguès a demandé des précisions sur les contraintes engendrées, pour la construction du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, par le renforcement des normes de radio-protection, sur les autorités compétentes pour définir ces normes et sur les pratiques américaines en la matière.

M. Philippe de Gaulle, après avoir considéré que la marine avait fait de son mieux pour élaborer ce budget sous une forte contrainte, a interrogé le chef d'état-major de la marine sur le projet de sous-marin d'attaque futur, sur l'avenir de la dissuasion compte tenu des incertitudes planant, à moyen terme, sur la production d'énergie nucléaire, sur les relations entre la force de dissuasion française et l'OTAN, sur le coût des opérations extérieures et sur la mise en oeuvre de la politique de recrutement des engagés.

M. Xavier de Villepin, président, a alors interrogé le chef d'état major de la marine sur les principales caractéristiques du sous-marin d'attaque futur, se demandant notamment si le mode de propulsion nucléaire faisait obstacle à la conduite d'un tel programme en coopération. Il a enfin demandé à l'amiral Lefebvre son appréciation de l'état actuel du moral des personnels de la marine.

Projet de loi de finances pour 1999 : audition Général Philippe Mercier, chef d'état-major de l'armée de terre

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a d'abord entendu le général Philippe Mercier, chef d'état-major de l'armée de terre.

Après s'être livré à un bilan des très profondes réformes en cours dans l'armée de terre (professionnalisation, restructuration de l'implantation territoriale et réorganisation du commandement), dont l'année 1999 constituera, selon lui, une "étape charnière", le général Philippe Mercier a commenté la dotation de l'armée de terre inscrite au projet de budget de la défense pour 1999. Il a estimé que les crédits d'équipement (18,5 milliards de francs) pouvaient susciter une "satisfaction lucide", le titre V de l'armée de terre étant conforme aux conclusions de la revue des programmes et permettant la poursuite des objectifs d'équipement des forces terrestres. S'agissant des crédits de fonctionnement (30,7 milliards de francs), le général Philippe Mercier a exprimé une "inquiétude raisonnée" en raison des tensions pesant sur les postes destinés au fonctionnement des forces et à leurs activités.

Le chef d'état-major de l'armée de terre a ensuite répondu aux questions des commissaires.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis des crédits des forces terrestres, a tout d'abord relevé que la revue des programmes avait constitué une révision de la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 sans recours à l'approbation du Parlement. Il a rappelé que les réductions de crédits d'équipement décidées conformément aux conclusions de la revue des programmes revenaient en réalité à aggraver la portée de "l'encoche" opérée dans le titre V de la défense en 1998.

Puis M. Serge Vinçon est revenu sur les tensions constatées en matière de crédits de fonctionnement, l'adaptation aux personnels militaires des augmentations de rémunérations décidées pour la fonction publique revenant à limiter les crédits disponibles pour les activités des forces. Il a ensuite souhaité connaître les enseignements tirés de la "convention" de l'armée de terre du 27 octobre 1998, s'agissant du moral des personnels.

M. Serge Vinçon a ensuite demandé au chef d'état-major de l'armée de terre de commenter les effectifs consacrés par l'armée de terre à ses différentes missions de projection extérieure (participation aux opérations extérieures, forces stationnées en Afrique) et intérieure (participation de l'armée de terre au plan Vigipirate). Il a constaté que l'importance relative de ces effectifs illustrait le poids déterminant de l'armée de terre dans la nouvelle stratégie d'action et d'emploi qui a justifié la professionnalisation. M. Serge Vinçon a également estimé que la participation de personnels militaires de l'armée de terre à la direction du service national ne saurait demeurer aussi importante quantitativement, compte tenu de la réforme du service national (appel de préparation à la défense d'une journée et volontariats dans les armées).

A la demande de M. Serge Vinçon, le chef d'état-major de l'armée de terre a présenté le dispositif de préparation militaire qui sera proposé aux jeunes Français à l'issue de leur participation à l'appel de préparation à la défense, et qui contribuera non seulement au lien "armée-Nation", mais aussi au recrutement des futurs réservistes et volontaires du service national.

M. Serge Vinçon a enfin interrogé le général Philippe Mercier sur le taux souhaitable de féminisation des forces terrestres parallèlement à leur professionnalisation.

M. Emmanuel Hamel a souhaité savoir quel bilan pouvait être tiré des premières sessions d'appel de préparation à la défense. A la demande de M. Robert Del Picchia, le chef d'état-major de l'armée de terre a également précisé les effectifs accueillis au cours de ces premières sessions.

M. Michel Barnier a alors commenté, à la suite d'un déplacement à Mostar, les difficultés liées à la cohabitation de militaires originaires de différents pays pour la constitution de forces multinationales. Il s'est interrogé sur la possibilité de constituer des unités européennes permanentes et cohérentes, susceptibles de contribuer à l'émergence concrète d'une Europe de la défense.

M. Xavier de Villepin, président, est alors revenu sur les difficultés liées aux nouveaux reports d'incorporation prévus par la loi d'octobre 1997 portant réforme du service national (art. L. 5 bis A du code du service national) en faveur des jeunes gens incorporables titulaires d'un contrat de travail. Il a rappelé les préoccupations et l'inquiétude exprimées par le Sénat du fait du déficit, imputable à ces dispositions, en personnel appelé. Il a souhaité connaître la jurisprudence des commissions régionales de dispense, compétentes pour attribuer ces nouveaux reports.

M. Xavier de Villepin, président, s'est enfin inquiété d'une éventuelle dérive des coûts de la professionnalisation qui affecterait in fine le titre V du budget de la défense.

Projet de loi de finances pour 1999 : audition Général Jean-Philippe Kelche, chef d'état-major des armées

Enfin, la commission a entendu le général Jean-Pierre Kelche, chef d'état-major des armées.

Le général Jean-Pierre Kelche a rappelé les caractéristiques principales du budget du ministère de la défense. Il a successivement analysé les dotations concernant les crédits d'équipement du titre V ainsi que les principales décisions contenues dans la revue des programmes. Le chef d'état-major des armées a ensuite décrit l'évolution des crédits de fonctionnement du titre III et précisé enfin les conditions dans lesquelles se déroulait la professionnalisation des armées.

Puis les commissaires ont interrogé le chef d'état-major des armées.

M. André Dulait a interrogé le général Jean-Pierre Kelche sur les perspectives concernant les écoles militaires, leurs éventuelles restructurations et sur l'évolution des conditions de formation dispensée par les armées à leurs futurs cadres.

M. Emmanuel Hamel a demandé au chef d'état-major des armées quel serait, selon lui, le budget de la défense idéal pour permettre à la France d'exercer son influence dans le monde.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin questionné le général Jean-Pierre Kelche :

- sur l'avenir de la dissuasion nucléaire française, compte tenu de l'opposition croissante qu'elle suscitait chez certains de nos voisins ;

- sur l'appréciation que portait le chef d'état-major des armées sur le développement de la réflexion concernant le concept américain de "révolution dans les affaires militaires" ;

- et sur les perspectives d'une véritable défense européenne à la veille du cinquantième anniversaire de l'Alliance atlantique et au moment où les responsables britanniques semblent amorcer une certaine évolution quant à la position du Royaume-Uni à l'égard d'une identité européenne de défense.