AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DÉFENSE ET FORCES ARMÉES

Table des matières


Mercredi 9 février 2000

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Affaires étrangères - Situation en Russie à la veille des élections présidentielles de mars 2000 - Audition de M. Jacques Sapir, professeur à l'École des hautes études en sciences sociales

La commission, élargie aux membres du groupe d'amitié France-Russie, a tout d'abord procédé à des auditions sur la situation en Russie à la veille des élections présidentielles de mars 2000. Elle a tout d'abord entendu M. Jacques Sapir, professeur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

M. Jacques Sapir a tout d'abord analysé la situation économique de la Russie. Il a indiqué que les résultats de 1999 seraient très vraisemblablement bien meilleurs que la plupart des prévisions ne l'avaient laissé envisager. En 1999, la croissance de l'économie russe devrait s'élever à 2 % du PIB, celle de la production industrielle à 8 %, avec une inflation de 35 %. L'un des points les plus positifs était le recouvrement des impôts, aux produits nettement supérieurs aux estimations. L'amélioration de la situation fiscale s'expliquait par la croissance de l'économie et par une meilleure discipline des paiements.

Toutefois, l'économie russe demeurait soumise à de fortes contraintes. La demande restait très déprimée en raison de la désorganisation du système financier et de l'absence de crédit à la consommation. Le système bancaire, dans son ensemble, restait fragile, et son apurement restait à faire. M. Jacques Sapir a évalué le potentiel de croissance de l'économie russe à plus de 20 % sur trois ans, sans investissements nouveaux, si toutefois les agents économiques pouvaient avoir accès au crédit. Ce problème était, en effet, essentiel, le degré de liquidité de l'économie russe étant très faible, de l'ordre de 15 %, à comparer au taux français de 60 %. Une grande partie des échanges se faisait par ailleurs encore sous forme de troc. L'évasion des capitaux était également mieux contrôlée ; celle-ci devait être, en 1999, moindre qu'en 1997 et 1998, où elle avait porté, annuellement, sur quelque 15 à 20 milliards de dollars, et n'atteindrait qu'environ 12 milliards en 1999. Enfin, le solde commercial devrait connaître un excédent de 28 milliards de dollars en raison de la forte dévaluation du rouble.

Selon M. Jacques Sapir, trois options étaient ouvertes au Gouvernement russe : soit le retour à la politique suivie avant août 1998, qui aboutirait à une nouvelle crise économique et sociale, soit la mise en place d'une économie mixte où le rôle de l'Etat serait important et où l'économie serait partiellement déconnectée des marchés internationaux de capitaux, soit, enfin, le développement d'une économie militarisée sous la pression de la guerre en Tchétchénie. L'option la plus probable, pour M. Jacques Sapir, semblait être celle de la constitution d'une économie mixte, offrant les meilleures occasions de croissance. M. Jacques Sapir a d'ailleurs fait remarquer que nombre de ses interlocuteurs russes se donnaient pour modèle la gestion économique de la France ou de l'Italie après la seconde guerre mondiale.

M. Jacques Sapir a ensuite abordé la situation politique en Russie. Il a indiqué que la population était sensible à une vague sécuritaire et à la résurgence du nationalisme. Le souci de sécurité, entendu au sens le plus large du terme, allait de la crainte d'un arbitraire politique au maintien de l'emploi, en passant par l'insécurité face aux crimes économiques ou crapuleux. L'opinion publique était également sensible à la menace extérieure et un sentiment de défiance se développait à l'encontre des Etats-Unis. Les relations entre les deux pays s'étaient d'ailleurs nettement dégradées, et M. Vladimir Poutine paraissait vouloir limiter l'influence des libéraux russes proches des Etats-Unis et contrecarrer toute forme d'influence américaine dans la région.

M. Jacques Sapir a enfin commenté le possible remplacement, à la tête du ministère de la défense, du maréchal Igor Sergueïev par le général Nicolaev qui avait soutenu M. Evgueni Primakov. Cette nomination pouvait être interprétée de trois façons : une reprise partielle de la politique menée par M. Evgueni Primakov, le souhait de mieux contrôler l'état-major de l'armée en Tchétchénie et enfin la volonté d'imposer une plus grande discipline aux troupes sur le terrain, qui constituait l'un des préalables à une solution politique en Tchétchénie.

A la suite de l'exposé de M. Jacques Sapir, un débat s'est engagé avec les commissaires.

M. Jacques Chaumont, président du groupe parlementaire d'amitié France-Russie, s'est interrogé sur la longévité politique probable de M. Vladimir Poutine, sur l'importance de l'enjeu des projets d'oléoducs à partir de la mer Caspienne, sur les raisons de l'amélioration des rentrées fiscales et enfin sur l'importance du rôle des entités constitutives de la Fédération dans l'embellie économique.

M. Claude Estier a souhaité obtenir des précisions sur le contenu de la politique suivie par M. Evgueni Primakov et que M. Vladimir Poutine serait susceptible de reprendre à son compte, ainsi que sur l'alliance tactique qui s'était nouée à la Douma entre la formation de M. Vladimir Poutine et le parti communiste.

M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur l'incidence que pourrait avoir, sur la suite du conflit, la récente disparition du vice-président tchétchène.

M. Aymeri de Montesquiou a demandé quelles améliorations pourraient être apportées au système fiscal. Il s'est interrogé sur l'évolution de la situation des retraités et sur les raisons de la brusque amélioration du solde commercial, enfin sur les modalités du financement de la guerre en Tchétchénie.

M. Maurice Blin a demandé si l'on constatait des disparités économiques importantes entre les différentes provinces de la Russie.

M. Jacques Legendre a souhaité obtenir des précisions sur les orientations de M. Vladimir Poutine en matière de défense.

M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur la personnalité de M. Vladimir Poutine, sur l'état des relations entre la Russie et les Etats-Unis, notamment en ce qui concerne les accords de désarmement nucléaire ou le débat sur le traité relatif aux missiles antibalistiques (ABM), et sur l'évolution des rapports de la Russie avec le FMI.

M. Jacques Sapir a alors apporté les précisions suivantes :

- le réveil économique est le résultat de la très forte dévaluation du rouble, de l'ordre de 50 %, qui a entraîné un phénomène de substitution aux importations. L'industrie textile a ainsi progressé de plus de 24 % en 1999. L'assouplissement de la politique monétaire par la banque centrale a eu également un rôle bénéfique. Ses moyens d'action sont toutefois limités car il n'existe pas de marché interbancaire en Russie, ni de mécanismes d'escompte et de réescompte ;

- le système fiscal russe intègre le troc et certains impôts locaux sont payés en nature. L'amélioration de la situation fiscale s'explique en grande partie par les contributions acquittées par les principales entreprises exportatrices, dont les activités sont facilement contrôlables ;

- M. Vladimir Poutine a tout d'abord été membre du KGB. Il a ensuite travaillé au sein de l'administration de la ville de Saint-Pétersbourg, avant d'être appelé à l'administration présidentielle. Son élection à la présidence le 26 mars est très probable et l'opposition libérale n'a pas forcément intérêt à entraver son action, ce qui risquerait de favoriser l'élection du candidat communiste, M. Ziouganov. Les récents événements à la Douma, qui ont conduit à l'élection de son président parmi les rangs communistes, ont constitué un avertissement à l'égard des libéraux. M. Vladimir Poutine a ainsi clairement marqué que ces derniers n'étaient pas en mesure de s'opposer à une alliance avec le parti communiste ;

- M. Vladimir Poutine reprendrait la politique suivie par M. Evgueni Primakov dans la mesure où il chercherait à promouvoir une économie mixte, où le rôle de l'Etat serait important, et où la reconstruction de l'Etat et la lutte contre la corruption seraient une priorité. Il s'agirait également de mieux défendre les intérêts russes à l'égard des autres puissances ;

- dans le Caucase du nord, la situation est particulièrement complexe. Le problème de l'acheminement du pétrole de la mer Caspienne est un sujet de grave tension entre les Etats-Unis et la Russie. Par ailleurs, les relations entre la Turquie et le Turkménistan sont mauvaises et l'assassinat du premier ministre arménien a affecté les possibilités de rapprochement de ce pays avec l'Azerbaïdjan. Enfin, la Géorgie est de plus en plus divisée par les conflits ethniques.

- En réponse à M. Xavier de Villepin, président, qui s'interrogeait sur l'importance de la question religieuse dans la guerre de Tchétchénie, M. Jacques Sapir a indiqué que la Russie avait divisé la communauté musulmane en misant sur les oppositions entre le courant wahabite, soutenu par l'Arabie saoudite et le courant Soufi, traditionnel dans cette partie du Caucase. Par ailleurs, la Russie paraît pouvoir s'appuyer sur la coopération iranienne pour freiner le développement de l'islamisme en Asie centrale. Enfin, la Russie ne souhaite pas tirer bénéfice des conflits religieux. La Russie reconnaît d'ailleurs trois religions officielles : la religion orthodoxe, l'islam et le bouddhisme ;

- la disparition du vice-président tchétchène ne modifierait pas la situation à court terme, mais elle souligne la difficulté, pour les autorités russes, à trouver des interlocuteurs qui lui permettent d'élaborer une solution politique ;

- le financement de la guerre, du côté tchétchène, est en partie assuré par les prises d'otages, les trafics divers et les prédations en nature ;

- les relations entre la Russie et les Etats-Unis traversent une passe difficile. La remise en cause du traité ABM par les projets américains de défense antimissiles est un important sujet de différend. Pour l'armée russe, la question de la parité technique avec l'OTAN est un souci constant, et on peut s'attendre à une prochaine augmentation du budget militaire.

M. Jacques Sapir a alors précisé, en réponse à M. Xavier de Villepin, président, que les principaux investissements français se situaient dans l'automobile, dans l'agriculture et l'agroalimentaire. Il a relevé que la dévaluation devait inciter les opérateurs à investir pour produire en Russie. En outre, le soutien des investissements étrangers devrait s'appuyer plus sur une meilleure sécurité juridique que sur l'octroi d'avantages fiscaux.

Affaires étrangères - Situation en Russie à la veille des élections présidentielles de mars 2000 - Audition de Mme Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie française

Puis la commission a entendu Mme Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie française.

Mme Hélène Carrère d'Encausse
a d'abord présenté la situation politique actuelle de la Russie. Elle a souligné que, malgré l'influence exercée pendant soixante-quinze ans par le pouvoir soviétique sur la population russe, et l'absence de véritables partis politiques, liée au discrédit qui avait pesé sur le parti communiste, les institutions démocratiques s'étaient établies dans ce pays de manière sans doute irréversible. Celles-ci, a-t-elle précisé, sont fondées sur la Constitution, le bicaméralisme et l'organisation régulière d'élections. L'opinion russe, a-t-elle estimé, a tout à fait pris la mesure de la responsabilité que représentait le choix d'élire des représentants du pouvoir politique aux niveaux local et fédéral. Mme Hélène Carrère d'Encausse a observé que la démission volontaire du Président Boris Eltsine avait en fait bénéficié à la fonction présidentielle, en démontrant que le pouvoir pouvait changer de mains autrement que sous l'effet de la contrainte. Elle a toutefois estimé que la transition politique ne s'était pas accompagnée d'une reconstitution de l'Etat ; en effet, l'effondrement du régime soviétique avait marqué la fin d'un système où les fonctions traditionnelles de l'Etat étaient assurées par le parti communiste. Dès lors, comme elle l'a noté, le pouvoir politique se réorganisait dans un cadre régional autour de fortes personnalités. Mme Hélène Carrère d'Encausse a estimé, par ailleurs, que l'éducation politique de la société russe justifiait peut-être de discipliner l'extrême liberté des médias.

Abordant ensuite le contexte préélectoral en Russie, Mme Hélène Carrère d'Encausse a souligné que la victoire des forces russes en Tchétchénie n'empêcherait vraisemblablement pas le maintien d'une guérilla dans les zones rurales, dont les incidences régionales pourraient toutefois être circonscrites, compte tenu des difficiles relations entre les Tchétchènes et les républiques voisines. Elle a ajouté que l'opinion russe s'était convaincue que la conjonction d'une détermination politique et de la force militaire pouvait permettre d'aboutir à un règlement de la question tchétchène sur la base d'une autonomie contrôlée qui serait reconnue à cette république.

Mme Hélène Carrère d'Encausse a relevé que la Russie, après la grave crise d'août 1998, connaissait une situation économique plus favorable, même si une corruption récurrente et la mainmise d'un petit groupe de personnes sur les leviers de l'économie interdisaient pour l'heure un véritable redressement et créaient, au sein de la population, une aspiration certaine au changement. Elle a observé, par ailleurs, que l'intégrité territoriale de la Fédération restait un sujet de préoccupation, dans la mesure où le mode de fonctionnement de certaines entités, comme le Tatarstan ou la Bachkirie, les conduisait à s'éloigner du pouvoir central.

Dressant alors un portrait du Premier ministre et Président par intérim, M. Vladimir Poutine, Mme Hélène Carrère d'Encausse a souligné que cette personnalité avait été formée au sein du KGB, organisation qui avait longtemps contribué à procurer à l'ancienne Union soviétique des cadres de grande qualité. M. Vladimir Poutine, a-t-elle précisé, avait reçu une excellente formation juridique, expliquant l'intérêt du Président par intérim pour un retour à la légalité, la mise en place d'un véritable Etat et la lutte contre la corruption, aussi bien dans le domaine politique que dans le domaine économique ; M. Vladimir Poutine souhaitait notamment redonner une place à l'Etat dans la vie économique. Ces orientations s'accordaient tout à fait aux aspirations actuelles de l'opinion russe. En matière de politique étrangère, M. Vladimir Poutine, selon Mme Hélène Carrère d'Encausse, entendait redonner à la Russie toute sa capacité d'initiative. Elle a conclu en rappelant que la principale difficulté, pour la Russie, résidait dans le passage du système marxiste à une économie capitaliste.

A l'issue de cet exposé, M. Jacques Chaumont a souhaité savoir si l'indépendance prise par M. Vladimir Poutine à l'égard de ceux qui l'avaient porté au pouvoir avait des précédents dans l'histoire russe. Il s'est également interrogé sur la péréquation des ressources économiques entre les nombreuses entités constitutives de la Fédération.

M. Robert Del Picchia a demandé quelles seraient les conditions de mise en place d'un véritable système fiscal et d'instauration d'un Etat de droit. Il s'est interrogé sur la position de M. Vladimir Poutine en matière de politique extérieure ainsi que sur les appuis dont l'actuel Premier ministre pourrait disposer.

M. Christian de La Malène a interrogé Mme Hélène Carrère d'Encausse sur la capacité de M. Vladimir Poutine à prendre son autonomie par rapport aux forces qui l'avaient placé au pouvoir.

Mme Josette Durrieu a insisté sur l'attachement véritable de la population russe à l'institution de la démocratie. Elle a observé que les partis politiques n'avaient pas de réel programme, et que la désignation de M. Vladimir Poutine n'était pas le fruit d'une démarche démocratique. Elle a ajouté que l'actuel Premier ministre bénéficiait à la fois de la popularité acquise à la faveur de la guerre en Tchétchénie et de la maîtrise de l'information télévisée. Elle s'est démarquée de l'appréciation portée par Mme Hélène Carrère d'Encausse sur la personnalité de M. Boris Eltsine, en indiquant que celui-ci avait montré peu de scrupules en de nombreuses occasions et qu'il s'était révélé un redoutable stratège. Elle a estimé que l'avenir de la Russie reposait sur l'institution parlementaire, mais qu'aucune législation solide n'avait, pour l'heure, été adoptée dans aucun domaine. Elle a souhaité obtenir des précisions sur les progrès possibles de la démocratie, notamment dans la vie parlementaire, ainsi que sur l'équilibre entre les pouvoirs locaux et l'autorité centrale. Elle a demandé enfin dans quelle mesure la Russie était disposée à respecter la souveraineté des Etats voisins.

M. Maurice Blin s'est demandé si la Russie n'avait jamais, dans son histoire, connu un véritable Etat, et si l'autorité ne s'était pas seulement résumée à l'exercice d'un pouvoir personnel.

M. André Rouvière a souhaité obtenir des précisions sur l'appréciation de Mme Hélène Carrère d'Encausse concernant la personnalité de M. Boris Eltsine. Il s'est par ailleurs demandé si le développement économique bénéficiait à l'ensemble de la population russe.

M. Aymeri de Montesquiou a interrogé Mme Hélène Carrère d'Encausse sur les relations entre la Russie et les républiques du Caucase, ainsi que sur l'éventualité du recours à la force par la Russie pour prévenir, ailleurs qu'en Tchétchénie, les velléités d'indépendance au sein de la Fédération. Il a souhaité connaître, en outre, la situation des relations entre le général Alexandre Lebed et M. Vladimir Poutine. Enfin, il a demandé des précisions sur l'organisation du système fiscal russe.

M. Emmanuel Hamel s'est demandé si un conflit entre l'Occident et la Russie restait envisageable et si l'absence de véritable réaction des Etats européens à l'égard de l'opération militaire en Tchétchénie n'encourageait pas la volonté de puissance de la Russie.

M. Xavier de Villepin, président, a relevé les risques que pouvait présenter une humiliation éventuelle de l'armée russe en Tchétchénie. Il a, par ailleurs, demandé à Mme Hélène Carrère d'Encausse son appréciation sur la montée de l'islamisme politique dans la Fédération et sur sa périphérie et sur les relations entre la Russie et les Etats musulmans voisins.

En réponse aux commissaires, Mme Hélène Carrère d'Encausse a apporté les précisions suivantes :

- M. Boris Eltsine est crédité aujourd'hui d'une appréciation plutôt favorable de la part de l'opinion russe qui se reconnaissait dans cette personnalité, avec ses qualités et ses faiblesses ; l'ancien président a montré beaucoup d'intuition politique dans les moments difficiles, même s'il n'a pas été en mesure d'assurer le redressement économique de la Russie ; si ses proches ont pu être soupçonnés de corruption, lui-même paraît être resté en dehors de ces pratiques ;

- la richesse nationale a été captée par un groupe restreint de personnes, notamment à la faveur du processus de privatisation ; cette " oligarchie " tente d'utiliser sa puissance financière comme instrument de pression sur le pouvoir politique ;

- M. Boris Eltsine a été confronté à la difficulté de nommer au sein du gouvernement des personnalités politiques qui ne s'identifient pas à l'ancien pouvoir communiste tout en bénéficiant d'une véritable expérience politique ;

- même si le système politique russe n'apparaît pas encore soumis aux règles habituelles d'une démocratie classique, il demeure placé, en dernier ressort, sous le contrôle des électeurs ; le refus de certaines personnalités de se présenter aux élections de crainte d'essuyer un revers constitue une source de fragilité et d'instabilité ; M. Vladimir Poutine apparaît, pour sa part, assez différent des responsables politiques auxquels l'opinion s'est habituée ;

- la Russie a principalement connu, dans son histoire, l'autorité d'un pouvoir personnel, hérité notamment de trois siècles de domination mongole ; toutefois, la société russe apparaît aujourd'hui hautement éduquée et montre notamment une grande prédilection pour la culture écrite ; doté de telles ressources, le pays présente de véritables capacités de renaissance ; la Russie a une aptitude certaine à la démocratie, même si elle manque en la matière d'une réelle expérience qui soit inscrite dans la durée ;

- la notion de partage et de solidarité s'est affaiblie au sein de la Fédération et les régions les plus prospères sont réticentes à participer à un système de redistribution des richesses au niveau de l'ensemble de la Fédération ;

- la situation dans le Caucase paraît très instable ; la Géorgie, en particulier, s'expose au ressentiment des autorités de Moscou en défendant un circuit d'acheminement des ressources énergétiques de la Caspienne qui s'écarte de la Russie ; le niveau réel des réserves pétrolières dans la région demeure par ailleurs un sujet d'interrogation ;

- l'agitation dans certaines républiques islamistes peut produire des effets inquiétants sur l'unité de la Fédération ; l'Islam constitue pour la Russie un problème de politique intérieure mais aussi de politique étrangère, dans la mesure où, des confins de la Chine à ceux du Caucase, se dessine un arc de crise qui peut donner à la Russie un sentiment d'encerclement ; le retour à l'Islam, exprimant un besoin d'affirmation identitaire, a bénéficié d'un appui financier de l'Arabie Saoudite ; le mouvement des Talibans constitue un ferment d'instabilité sur le flanc sud de la Russie ; les progrès des mouvements islamistes sont considérés en Russie comme le signe d'un renforcement de l'influence américaine dans la région ;

- M. Vladimir Poutine souhaite, à terme, imposer de nouveau la Russie comme l'interlocuteur privilégié des Etats-Unis dans un ordre international qui serait ainsi rééquilibré ;

- le général Alexandre Lebed ne bénéficie pas de la même expérience que M. Vladimir Poutine ; ce dernier sera jugé par l'opinion russe sur sa capacité à satisfaire son aspiration à un véritable changement.

Nomination d'un rapporteur

Puis la commission a désigné M. Hubert Durand-Chastel comme rapporteur sur leprojet de loi n° 191 (1999-2000) autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la Constitution de l'Organisation internationale du travail (O.I.T.).

Défense - Volontariats civils - Examen des amendements

Enfin, la commission a procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 179 (1999-2000), modifié par l'Assemblée nationale en première lecture, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national.

Elle a émis un avis favorable sur l'amendement n° 1 du Gouvernement tendant, à l'article 6, à supprimer la période probatoire d'un mois au cours de laquelle le volontaire civil pourrait résilier unilatéralement et sans préavis son engagement.

Elle a ensuite émis un avis favorable aux amendements n°s 2, 3 et 4 du Gouvernement, portant respectivement sur les articles 11, 13 et 16, et visant à clarifier les conditions d'application du volontariat civil aux territoires d'Outre-mer, aux collectivités territoriales de Mayotte et de St Pierre et Miquelon et à la Nouvelle-Calédonie.

Elle a enfin examiné l'amendement n° 5 du Gouvernement, tendant à insérer un article additionnel après l'article 17, ainsi que l'amendement n° 6 du Gouvernement tendant à modifier en conséquence l'intitulé du projet de loi.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a précisé que ces amendements, sans lien direct avec le volontariat civil, visaient à substituer la notion d'officier sous contrat à celle d'officiers de réserve en situation d'activité (ORSA), appelée à disparaître avec la suspension de la conscription. Le rapporteur a ajouté que le Gouvernement était conduit à proposer cette mesure par voie d'amendement au projet de loi relatif aux volontariats civils, faute d'avoir pu obtenir en temps utile l'inscription d'un projet de loi spécifique à l'ordre du jour du Parlement, alors que les mesures concernées revêtent une certaine urgence, à quelques mois de la suspension de la conscription.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a précisé que l'amendement visait à instaurer un statut d'officier sous contrat, inspiré de celui des ORSA, mais plus favorable en matière de protection sociale. Ces officiers seraient recrutés parmi les aspirants, c'est-à-dire parmi les engagés ou les volontaires ayant suivi une formation d'élève officier. Une meilleure prise en compte, pour la retraite, des années d'activité, leur serait accordée en contrepartie de la suppression du pécule auquel peuvent aujourd'hui prétendre les ORSA. Par ailleurs, une période transitoire est prévue pour les officiers servant actuellement sous statut d'ORSA.

Après avoir signalé les réserves qu'appelait le dépôt d'un tel amendement en deuxième lecture, sur un projet de loi relatif aux volontaires civils, et précisé que le Gouvernement avait rectifié son texte pour tenir compte des diverses remarques qu'il lui avait adressées, le rapporteur a reconnu que cet amendement répondait à un besoin incontestable. Il a donc recommandé à la commission de l'accepter dans le seul souci de ne pas pénaliser les armées.

M. Serge Vinçon, sans contester l'utilité de l'amendement, a estimé qu'il aurait été préférable de rassembler dans un projet de loi spécifique l'ensemble des modifications législatives rendues nécessaires par la mise en oeuvre de la professionnalisation.

M. Christian de La Malène a demandé des précisions sur les effectifs d'ORSA.

M. Xavier de Villepin, président, est convenu que la procédure choisie par le Gouvernement pour faire discuter cette mesure n'était pas la meilleure, mais il a confirmé la nécessité, pour les armées, de l'adoption rapide d'un texte législatif pour le recrutement d'officiers sous contrat.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a précisé que le nombre d'ORSA présents dans les armées s'élevait actuellement à plus de 5.400.

La commission a alors émis un avis favorable sur les amendements n°s 5 et 6 du Gouvernement.