AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DÉFENSE ET FORCES ARMÉES

Table des matières


Mercredi 24 mai 2000

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président, puis de M. Serge Vinçon, vice-président -

Défense - Avenir du groupe aéronaval - Communication

La commission a tout d'abord entendu la communication de M. André Boyer sur l'avenir du groupe aéronaval.

M. André Boyer
a cherché à répondre successivement à trois questions : le porte-avions est-il un outil pertinent dans le nouveau contexte géostratégique ? les moyens dont dispose aujourd'hui la France, avec le porte-avions Charles de Gaulle, sont-ils cohérents et suffisants ? et enfin, quelles seraient les caractéristiques d'un second porte-avions ?

Le rapporteur a tout d'abord rappelé que depuis les années 1960 et jusqu'à une période récente, la France avait disposé, avec le Clemenceau et le Foch, de deux porte-avions qui ont assuré à notre pays la permanence à la mer d'un groupe aérien embarqué. Malgré le changement radical du contexte international, M. André Boyer a estimé que le porte-avions demeurait l'un des équipements les mieux adaptés aux besoins opérationnels de nos forces : la projection de puissance et la projection de forces. Dans le conflit du Golfe en 1991, la France, a-t-il rappelé, s'était trouvée dépourvue de moyens adaptés à une telle opération, ce qui a contribué à la refonte de notre organisation de défense autour de la professionnalisation, correspondant aux exigences d'une nouvelle conception des opérations militaires fondées sur une réflexion par système de forces interarmées et interopérables avec nos alliés.

Au-delà de ses strictes capacités opérationnelles, le porte-avions apparaît également, a poursuivi M. André Boyer, rapporteur, comme un outil adapté à la gestion de crise. Premier sur zone, souvent plusieurs semaines avant le déclenchement possible des opérations, le porte-avions est à même d'établir une pression politique et de recueillir des informations. Si la crise se déclenche, il constitue l'un des éléments les plus réactifs. Après avoir rappelé le rôle tenu par le groupe aéronaval lors de la crise du Kosovo, M. André Boyer a ajouté que, jusqu'à présent, aucun autre équipement ne remplissait mieux que le porte-avions ce type de missions. Il a également précisé que, dans le cadre des coalitions, le porte-avions permettait de préserver l'indépendance de décision.

M. André Boyer s'est ensuite attaché à examiner les moyens dont la France dispose déjà pour apprécier les conditions dans lesquelles il pourrait être utile de les compléter. Il a estimé qu'avec le porte-avions Charles de Gaulle la France bénéficiait d'une capacité unique en Europe, les autres pays possédant des porte-aéronefs ne disposant pas des mêmes capacités d'actions. La France était également la seule, avec les Etats-Unis, à mettre en oeuvre un porte-avions à propulsion nucléaire, qui permet une très grande souplesse d'emploi, une plus grande autonomie et une vitesse de transit du groupe aéronaval nettement supérieure.

Pourtant, a rappelé M. André Boyer, malgré les performances du Charles de Gaulle, notre dispositif aéronaval manquait de cohérence, ce qui diminuait fortement le bénéfice que l'on pouvait légitimement attendre de l'investissement réalisé.

M. André Boyer a ainsi souligné que le Charles de Gaulle ne pourrait être pleinement opérationnel à la mer que 60 % du temps, l'entretien nucléaire étant exigeant. Des entretiens majeurs sont notamment prévus tous les sept ans et demi pour changer le coeur nucléaire, impliquant une période d'indisponibilité de quinze mois. Si l'énergie nucléaire a peu de limites, les personnels ne peuvent rester en mer plus de six mois et un grand nombre de matériels, comme les catapultes, doivent être régulièrement révisés.

La construction d'un second porte-avions, que préconise M. André Boyer, entraînerait une dépense évaluée entre 12 et 14 milliards de francs à comparer aux 70 milliards déjà engagés pour l'acquisition du groupe aérien et du premier porte-avions. Ce second porte-avions ne pourrait toutefois être lancé que si la Marine était dotée d'un budget d'investissement supérieur à celui dont elle dispose actuellement. M. André Boyer a estimé qu'un tel effort financier s'intégrerait dans la logique d'investissement interarmées par système de force qui sera le fondement de la prochaine loi de programmation.

Par ailleurs, M. André Boyer a expliqué que si la construction du second porte-avions devait être examinée dans le contexte d'une Europe de la défense qui a beaucoup progressé, il lui paraissait plus réaliste d'étendre, en progressant, le travail de coopération et d'interopérabilité en Europe sans, dès maintenant, envisager de partager un tel instrument de souveraineté. En tout état de cause, un ensemble aéronaval cohérent et efficace pourrait être mis à la disposition de la future défense européenne.

M. André Boyer a ensuite indiqué que la décision pour un second porte-avions serait largement déterminée par le choix, déjà réalisé, des avions embarqués et par les missions assignées au groupe aéronaval. Enfin, M. André Boyer a abordé le débat sur le mode de propulsion. Après avoir rappelé les avantages de la propulsion nucléaire, M. André Boyer a souligné ses deux inconvénients majeurs : son coût et la sensibilité croissante de l'opinion pour les questions environnementales. Il a estimé le surcoût, à l'achat, de l'ordre de 2 à 4 milliards de francs, auxquels s'ajoute un entretien plus lourd.

Le coût du second porte-avions, évalué entre 12 et 14 milliards de francs selon les performances retenues, supposerait d'avoir recours à des méthodes d'acquisition et de construction plus économiques basées sur une limitation de la durée de construction dans le cadre d'une enveloppe financière globale fixée dès le départ, une limitation des capacités du porte-avions à ce qui est strictement nécessaire au groupe aérien, un mode de construction plus économique favorisant d'importants progrès de productivité au sein de DCN, qui en resterait le maître d'oeuvre.

M. André Boyer a ensuite abordé l'éventuelle coopération avec le Royaume-Uni. Il a rappelé que les Britanniques avaient exprimé le souhait de se doter de deux porte-avions d'ici 2010-2015. Ils avaient, a-t-il poursuivi, engagé un processus d'acquisition mettant en concurrence deux consortiums industriels, conduits par British Aerospace et Thomson-CSF. M. André Boyer a précisé que le choix de l'avion de combat déterminerait le type de plate-forme (avec ou sans catapultes). La propulsion retenue par les Britanniques serait classique.

En conclusion, M. André Boyer a estimé que renoncer à la construction d'un second porte-avions au cours de la prochaine loi de programmation militaire, affecterait durablement la capacité de la France à tenir un rôle important dans des opérations de projection. Ce serait également, a-t-il estimé, adresser un signal négatif aux pays européens que nous encourageons par ailleurs à maintenir leur effort de défense.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé avec les commissaires.

M. Serge Vinçon a approuvé l'analyse du rapporteur qui lui a semblé particulièrement pertinente dans la phase actuelle de réflexion en vue de la prochaine loi de programmation. Le porte-avions lui apparaît comme un instrument important dans la gestion des crises, au service du pouvoir politique. Il reste un instrument de souveraineté mais peut être éventuellement mis à la disposition de l'Europe de la défense. La question de la construction d'un second porte-avions avait été esquissée dans l'actuelle loi de programmation militaire, sous la condition que la conjoncture économique le permette, condition qui semble aujourd'hui levée. Pour M. Serge Vinçon, il ne fallait pas tarder à prendre une décision afin de profiter des investissements réalisés dans le cadre du programme Charles de Gaulle. Il a indiqué qu'il lui semblerait très souhaitable que le second porte-avions soit construit plus rapidement et à moindre coût, en s'appuyant sur les efforts de restructuration engagés par la direction des constructions navales (DCN). Il a, enfin, souligné qu'un effort budgétaire devrait impérativement être consenti dans la prochaine loi de programmation, observant que les budgets militaires européens avaient tendance à décroître, contrairement à ce que l'on pouvait observer aux Etats-Unis.

M. André Boyer a précisé que l'investissement total programmé représentait environ 70 milliards de francs, dont 50 milliards pour le groupe aérien et 20 milliards pour le porte-avions lui-même. Des économies importantes pourront être réalisées si la restructuration de DCN tient ses promesses, si l'on parvient à éviter les surcoûts de prototypes et surtout, si, dès le départ, la durée de construction et le coût du nouveau bâtiment sont précisément circonscrits.

M. André Rouvière a souhaité connaître quelle serait l'activité du Charles de Gaulle dans les prochains mois. Il s'est inquiété de la sensibilité d'un certain nombre de pays, dont l'Australie, à l'énergie nucléaire et du risque environnemental que pourrait représenter un tel bâtiment en cas de dommage survenant en situation de combat. Enfin, il s'est demandé quelles pourraient être les solutions de rechange pendant les périodes d'indisponibilité du Charles de Gaulle.

M. André Boyer a apporté les précisions suivantes :

- des essais à la mer, à partir de Brest, se dérouleront de mai à juillet. La clôture d'armement interviendra en septembre 2000, enfin une traversée de longue durée marquera la dernière étape avant l'entrée au service actif à la fin de l'année 2000 ;

- l'évolution de la sensibilité de l'opinion publique internationale à l'égard du nucléaire est un élément de préoccupation. Elle conduit la Marine, parmi d'autres éléments, à ne pas faire, de la propulsion nucléaire, un impératif ;

- le porte-avions Foch sera désarmé à partir de septembre 2000, la Marine ayant renoncé, pour des raisons financières, au maintien du bâtiment en service actif ou même " sous cocon ".

En réponse à M. Xavier de Villepin, président, et à MM. Robert Del Picchia et Charles-Henri de Cossé-Brissac, le rapporteur a précisé que le Foch pouvait, théoriquement, naviguer encore cinq à dix ans, la France ayant cependant décidé de ne pas le conserver compte tenu des travaux nécessaires à son adaptation au Rafale, financièrement trop lourds par rapport à l'avantage opérationnel escompté. En tout état de cause, il n'aurait pu accueillir à son bord l'avion de guet " Hawkeye ".

M. Charles-Henri de Cossé-Brissac s'est inquiété de l'insuffisance du budget de la Marine qui compromettait l'exercice de ses missions de service public, en particulier du fait d'un nombre insuffisant d'hélicoptères, dans l'attente du NH90. Il s'est également interrogé sur une éventuelle version navalisée de l'Eurofighter.

M. André Boyer a alors précisé que :

- selon les experts rencontrés au cours des auditions, la navalisation de l'Eurofighter semblait problématique ;

- le budget de la Marine devra nécessairement être augmenté pour pouvoir réaliser tous les programmes envisagés. Ceci étant, les enveloppes qui seront définies dans la prochaine loi de programmation militaire seront fondées sur une réflexion interarmées par système de force.

M. Xavier de Villepin, président, a alors insisté sur le fait qu'un examen approfondi des budgets militaires devra être mené au regard de cette nouvelle perspective interarmées et de l'augmentation des budgets militaires de grands pays comme les Etats-Unis, la Chine ou l'Inde.

M. Aymeri de Montesquiou a demandé quelles avaient été, à l'origine, les raisons qui avaient motivé le choix de la propulsion nucléaire. Il s'est ensuite interrogé sur l'utilité, pour la France, de garder une capacité autonome d'action, étant donné l'évolution du contexte géostratégique, de la construction de l'Europe de la défense, et notamment des perspectives de coopération avec le Royaume-Uni. Il a souhaité qu'une réflexion globale soit menée pour déterminer, avant d'investir à nouveau 12 milliards de francs, les priorités de l'action militaire de la France. M. Xavier Pintat s'est également interrogé sur l'utilité stratégique, pour la France, de disposer d'un deuxième porte-avions.

M. André Boyer, rapporteur, a expliqué que la décision d'avoir recours à la propulsion nucléaire avait été prise dans les années quatre-vingt, après que les deux chocs pétroliers eurent montré la dépendance énergétique de la France et la possible utilisation du pétrole comme arme politique. Il a également rappelé que la propulsion nucléaire avait des avantages opérationnels importants, permettant une plus grande autonomie et un déplacement plus rapide du groupe aéronaval dans son ensemble. L'espace libéré par la propulsion nucléaire permet également de disposer de capacités de ravitaillement supplémentaires pour l'escorte et l'aviation embarquée. Il permet aussi une meilleure ergonomie du pont d'envol et des installations aviation.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité qu'une réflexion sur l'avenir et les conséquences de l'Europe de la défense soit menée, pour essayer de déterminer dans quelle mesure certaines capacités pourraient être partagées.

M. André Boyer a alors fait remarquer que l'Europe de la défense avait connu récemment des progrès rapides. Toutefois, il lui a semblé que la France aurait intérêt, aussi bien pour elle-même que dans le cadre d'une Europe de la défense, à maintenir une capacité cohérente et autonome d'action. Les Etats-Unis incitent d'ailleurs l'Europe à prendre en charge la sécurité de son environnement proche.

M. Xavier de Villepin, président, a noté l'évolution positive de la position britannique, notamment après le choix des programmes Météor et A400M. Il s'est toutefois interrogé sur la volonté d'autres pays européens de consentir les efforts financiers nécessaires à une Europe de la défense disposant des moyens de son autonomie, sachant qu'elle pourrait être amenée à intervenir aussi bien au Proche-Orient qu'en Afrique.

M. Christian de La Malène a estimé que la construction du second porte-avions, pourrait justifier de s'affranchir du schéma budgétaire traditionnel. D'après lui, la priorité du second porte-avions devrait l'emporter sur les considérations strictement économiques.

M. André Boyer a alors précisé que l'impact financier ne concernait pas le seul porte-avions, mais aussi le groupe aéronaval dans son ensemble, les deux éléments étant indissociables.

M. Gérard Roujas a insisté sur le fait que la France ne serait vraisemblablement plus, sur le plan militaire, amenée à agir seule, mais dans le cadre d'une défense européenne dont il convenait de définir les priorités stratégiques.

M. Robert Del Picchia a ensuite estimé que la France pourrait mettre son groupe aéronaval à la disposition de capacités européennes, ce qui justifiait qu'elle puisse disposer d'un second porte-avions. Il a, par ailleurs, insisté sur les retombées industrielles positives qui pourraient être générées par la construction d'un tel bâtiment.

M. André Boyer a précisé que la construction d'un second porte-avions ne nécessiterait pas d'investir dans un groupe aérien supplémentaire.

M. Paul Masson a estimé que la France se trouvait devant une alternative entre une ambition planétaire, d'une part, et une approche plus régionale, d'autre part. Certains considèrent qu'il serait du devoir de la France de pouvoir continuer à participer à des missions de police internationale, notamment en Afrique. Espérer toucher les dividendes de la paix apparaît donc comme une illusion dans les vingt prochaines années puisqu'il faudra faire face à des guerres civiles ou à des famines, dans lesquelles l'Europe devra s'impliquer pour défendre ses intérêts et, surtout, ses principes inspirés des droits de l'homme. Ses missions iront alors au-delà des intérêts proprement commerciaux ou de la surveillance de ses propres frontières. Certes, la France n'interviendrait sans doute pas seule. L'Europe, l'OTAN ou l'ONU, n'étant pas, pour M. Paul Masson, les cadres les plus appropriés, il en a appelé à la constitution d'une " Europe maritime " en collaboration étroite avec le Royaume-Uni, avec lequel la France partage une tradition de puissance maritime et de nombreux intérêts. M. Paul Masson a indiqué que si c'était cette seconde analyse qui était retenue, alors la construction d'un deuxième porte-avions était nécessaire.

M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que deux exemples récents venaient illustrer ces réflexions : l'intervention britannique, en Sierra Leone, destinée à sauver des soldats de l'ONU, ou notre intervention au Timor oriental, très positivement perçue en Australie.

M. Jean-Guy Branger s'est inquiété de la difficulté qu'il y avait aujourd'hui à apprécier réellement les évolutions de l'Europe de la défense et la volonté réelle des pays européens à la construire.

Répondant à une interrogation de M. Xavier de Villepin, président, M. André Boyer a expliqué que les Etats-Unis maintenaient leur choix en faveur de la propulsion nucléaire pour leurs porte-avions. Ces derniers sont, en effet, plus de deux fois plus importants et doivent parcourir de grandes distances, liées aux responsabilités mondiales des Etats-Unis.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin évoqué le débat sur le nucléaire civil. Il a notamment relevé les évolutions des opinions publiques et des responsables américains et même australiens sur cette question.

La commission a ensuite autorisé la publication de la communication de M. André Boyer sous la forme d'un rapport d'information.

Traités et conventions - Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Xavier Pintat sur le projet de loi n° 305 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes).

Le rapporteur a tout d'abord présenté les facteurs qui ont motivé l'adoption du protocole de Kyoto. En premier lieu, l'aggravation de l'effet de serre, phénomène naturel, résultant principalement de la concentration d'oxyde de carbone, qui a enregistré une augmentation de l'ordre de 30 % depuis l'ère préindustrielle en raison du développement des activités industrielles - production d'énergie, transports, agriculture ou déforestation. Le renforcement de cette tendance résulte notamment de la diffusion d'autres gaz à effet de serre qui ne sont pas naturellement présents dans l'atmosphère, tels que les chlorofluorocarbones tenus pour responsables du trou dans la couche d'ozone.

Si l'élévation de la température est un fait avéré au cours du XXe siècle, la présomption d'une modification du climat consécutive à l'accumulation du gaz à effet de serre est avancée par les instances scientifiques parmi lesquelles le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

M. Xavier Pintat a également souligné que les perspectives de réchauffement climatique d'ici 2100 pourraient avoir de graves conséquences, parmi lesquelles une hausse générale du niveau des océans, menaçant à terme les espaces côtiers, voire la superficie globale de certains Etats. Il a également évoqué la recrudescence de la morbidité, favorisée par le réchauffement climatique durable de certaines régions.

Le rapporteur a ensuite exposé les quatre principales raisons qui ont conduit la communauté internationale à prendre conscience de sa responsabilité commune pour lutter contre le réchauffement climatique : l'approbation, en 1995, par plus de cent cinquante gouvernements, des projections climatologiques conçues par le GIEC ; l'irréversibilité de certains dommages provoqués par les changements climatiques, plaidant pour l'application concrète du principe de précaution consacré lors du Sommet de la terre à Rio en 1992 ; l'inertie des phénomènes climatiques, exigeant d'apporter aujourd'hui des réponses aux questions suscitées par les perspectives de long terme ; et enfin l'obligation morale de transmettre aux générations futures un environnement de qualité.

M. Xavier Pintat a précisé que la finalité du protocole de Kyoto était de remédier aux engagements trop généraux de la convention-cadre de 1992 sur le climat en fixant un objectif de réduction des gaz à effet de serre et des obligations chiffrées pour les pays industrialisés. Fondé sur un certain pragmatisme, ce protocole qui vise à l'efficacité, ouvre la possibilité à certains Etats de dépasser leur quota d'émission de gaz à effet de serre, pour autant que l'objectif global de réduction des émissions ne soit pas remis en cause, plutôt que de fixer des quotas intangibles qui risqueraient de ne pas être respectés. M. Xavier Pintat a précisé les trois mécanismes de dérogations aux obligations chiffrées fixées pour chaque Etat : l'échange de permis d'émission négociables entre les pays qui ont pris des engagements chiffrés ; la mise en oeuvre du protocole qui permet à un pays industrialisé d'obtenir des droits supplémentaires d'émission s'il finance, dans un pays en transition, un projet permettant une réduction des émissions de gaz ; et enfin, le mécanisme de développement propre qui permet à un pays industrialisé de gagner des quotas d'émission en finançant des projets de réduction d'émission dans des pays en développement, sous la surveillance d'experts indépendants.

Le rapporteur a ensuite exposé les faiblesses du protocole de Kyoto, en soulignant l'insuffisance des conditions de contrôle des émissions et l'absence d'un mécanisme efficace de sanctions. Ainsi, les mécanismes de flexibilité soulèvent plusieurs questions : les allocations initiales des droits d'émission semblent avant tout relever d'une solution de compromis, à l'instar du choix de 1990 comme année de référence en matière d'émissions, avantageant certaines économies en transition qui bénéficient aujourd'hui d'une marge appréciable d'augmentation de leurs émissions.

M. Xavier Pintat a encore souligné que les principaux gisements futurs d'émission de gaz à effet de serre se trouvent dans les pays du sud qui ne seront pas concernés par des engagements chiffrés. Il a tenu à préciser que la réticence du Congrès américain à ratifier le protocole est une source de fragilité pour le dispositif, dont l'efficacité requiert l'aval de la totalité des pays industrialisés. Enfin, la prochaine conférence, qui se tiendra en novembre prochain à La Haye, permettra de clarifier certains points du protocole jusqu'à présent seulement évoqués : la définition de règles encadrant les mécanismes de flexibilité ; la mise en place de contrôle et de sanctions ; la ratification par le plus grand nombre d'Etats du protocole qui demeure la condition du respect des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le rapporteur a également présenté la position de la France dans la lutte contre l'effet de serre : si la France a obtenu des résultats encourageants dans la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre -elle parviendra en effet à maintenir pour 2000 ses émissions au niveau de 1990, conformément à l'objectif fixé à Rio en 1992-, un tel bilan est, certes, lié à la prédominance du nucléaire dans notre production énergétique, mais aussi au ralentissement enregistré par la croissance de 1992-1993. La notable amélioration de la conjoncture implique l'adoption de nouvelles mesures à mettre en oeuvre dans le cadre d'une politique spécifique et volontariste afin que les objectifs définis à l'horizon 2010 soient honorés. Le Gouvernement a en ce sens adopté au début de cette année un " programme national de lutte contre les changements climatiques " qui définit trois orientations : le renforcement de certaines réglementations contenues dans le premier programme national de lutte contre l'effet de serre en 1995, la création de mesures incitatives -concernant notamment le rail dans le XIIe Plan-, le recours à la taxation à l'instar de la taxe générale sur les activités polluantes de 1999.

M. Xavier Pintat a enfin précisé le rôle de la France au sein de l'Union européenne, dont elle assurera bientôt la présidence. Il reviendra à notre pays de préserver le front uni rassemblant les Quinze et de promouvoir des initiatives communes de réduction plus efficace des émissions de gaz à effet de serre, comme l'harmonisation des fiscalités, afin de prévenir les distorsions de concurrence entre les entreprises européennes.

Insistant sur l'étape remarquable que représente le protocole de Kyoto qui fixe pour la première fois des objectifs précis de réduction de gaz à effet de serre, M. Xavier Pintat a souligné la responsabilité particulière de la France pour favoriser et encourager ce processus.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est instauré entre les commissaires.

M. Xavier de Villepin, président, a souligné l'apparente contradiction entre l'importance des enjeux soulevés par l'aggravation de l'effet de serre -comme l'évolution de la situation des Etats du Pacifique en cas de réchauffement climatique accentué- et la faiblesse des dispositions du protocole. Les différents problèmes posés par la position des Etats-Unis ainsi que par l'absence de réelles sanctions constituent de sérieuses lacunes, auxquelles s'ajoute l'absence d'une réelle obligation de ratifier le protocole.

M. Xavier Pintat a reconnu que ces interrogations concernaient le coeur du problème posé par le protocole de Kyoto. L'efficacité du protocole requiert l'encadrement des mécanismes de flexibilité ainsi qu'un dispositif de sanctions, laissé à la disposition d'une autorité de surveillance indépendante.

M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur la position de la Chine et sur la possibilité de financer des installations nucléaires dans le cadre des opérations conjointes prévues par le protocole de Kyoto.

Le rapporteur a rappelé que la Chine avait déjà signé le protocole et que les dispositions relatives aux opérations conjointes font encore l'objet de négociations.

M. Robert Del Picchia a demandé des précisions sur l'état de la coopération européenne en matière de lutte contre les gaz à effet de serre. Il s'est également interrogé sur les conditions d'allocation des droits d'émission de gaz à effet de serre et sur la portée des engagements chiffrés prenant comme référence l'année 1990.

M. Xavier Pintat a souligné que les Européens présentaient un front uni lors des différentes négociations internationales consacrées à ce problème. Quant aux éventuelles disparités concernant la répartition des droits d'émissions, celles-ci peuvent s'expliquer par les différences parfois considérables entre les niveaux d'émission des gaz à effet de serre enregistrés en 1990 dans les pays industrialisés et en transition.

M. Paul Masson a rappelé une contradiction, présente dans certains discours sur l'environnement, qui attribuent à la lutte contre l'effet de serre la valeur d'une priorité absolue, tout en condamnant le développement du nucléaire. Il s'est interrogé quant aux conséquences sur l'effet de serre d'un éventuel abandon par la France, la Grande Bretagne et l'Allemagne, de l'énergie nucléaire, tout en soulignant la nécessité de mieux expliquer à l'opinion publique les conditions dans lesquelles peuvent être conciliées l'énergie nucléaire et la protection de l'environnement.

M. Xavier Pintat a évoqué l'absence d'étude scientifique récente concernant les conséquences d'un abandon de l'énergie nucléaire sur l'effet de serre. Il a rappelé par ailleurs la nécessité d'un partenariat entre les puissances nucléaires depuis l'accident de Tchernobyl, alors que l'Union européenne milite vainement en faveur de la fermeture de la centrale ukrainienne.

La commission a alors, à l'initiative de son rapporteur, adopté le projet de loi.

Jeudi 25 mai 2000

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président-

Audition de M. Alain Richard, ministre de la défense

M. Alain Richard, ministre de la défense, s'est d'abord félicité des progrès accomplis par l'Europe de la défense sur la base des mandats fixés successivement, l'an passé, par le Conseil européen de Cologne et celui d'Helsinki. Evoquant en premier lieu les aspects institutionnels de ce processus, il a indiqué que le Comité politique et de sécurité et l'organe militaire intérimaire -destiné à devenir le Comité militaire- avaient été mis en place en mars dernier, tout en relevant que ces structures n'avaient pas pour l'heure de capacité en matière de gestion de crise. Le ministre a également observé que le service juridique du Conseil, consulté par le Comité politique, avait estimé que ce dispositif pouvait être mis en oeuvre sans qu'il soit juridiquement nécessaire de modifier le traité de l'Union, alors qu'une telle modification s'avérerait en revanche indispensable dans l'hypothèse où le pouvoir de décision du Conseil serait transféré à un organe composé de fonctionnaires.

Abordant ensuite les relations avec les pays européens non membres de l'Union européenne, M. Alain Richard a souligné que ce sujet, à la suite d'une initiative franco-britannique, avait fait l'objet, au début de cette semaine, d'un compromis reposant notamment sur l'organisation d'une structure de concertation associant les quinze Etats candidats aux Etats membres de l'Union européenne. Un accord avait également pu être obtenu, a ajouté le ministre, sur les relations avec l'OTAN, sur la base de trois principes auxquels la France attachait une grande importance : le respect de l'autonomie de décision de l'Union européenne par rapport à l'OTAN, la coopération sur un pied d'égalité et dans le respect de la différence de nature entre les deux organes, la non-discrimination entre les membres de l'Union européenne au regard de leur statut vis-à-vis de l'OTAN. Quatre domaines de travail, a poursuiviM. Alain Richard, ont pu ainsi être déterminés : définition d'un accord de sécurité entre l'OTAN et l'Union européenne ; utilisation, le cas échéant, de l'expertise de l'OTAN pour le développement des objectifs de capacité ; mise en oeuvre des accords de Berlin et de Washington sur l'utilisation par l'Union européenne des moyens de l'OTAN, définition d'arrangements permanents de concertation.

Le ministre de la défense a alors évoqué la mise en place des capacités militaires européennes. Il a relevé que l'organe militaire intérimaire, réuni le 11 mai, avait trouvé un accord sur la méthodologie ainsi que sur les scénarios d'emploi de ces capacités. Il a ajouté qu'un séminaire se tenait actuellement à Bruxelles pour avancer sur la nouvelle étape que constituerait la définition plus précise d'un catalogue de capacités correspondant à ces scénarios. M. Alain Richard a relevé que la consultation de l'OTAN sur ces travaux, souhaitée par nos partenaires, ne devait pas remettre en cause l'autonomie de décision de l'Union européenne. Il a enfin précisé qu'il conviendrait d'obtenir les engagements de contribution des quinze Etats membres pour constituer ensuite la future force européenne.

M. Alain Richard a alors évoqué les objectifs de la présidence française dans le domaine de la défense européenne. Il a rappelé le calendrier des prochaines réunions qui se tiendraient sur ce sujet : les chefs d'état-major devraient faire le point dès juillet, les ministres de la défense pourraient définir fin septembre un catalogue de forces adopté par les Quinze et, le 20 novembre, les Etats membres seraient alors invités à faire connaître leur contribution dans une conférence d'engagement avalisée le même jour par un Conseil affaires générales élargi aux ministres de la défense. Le ministre de la défense n'a pas exclu que ce processus puisse être ralenti par les hésitations de certains Etats membres, mais il s'est déclaré confiant dans la dynamique politique aujourd'hui enclenchée et que pouvait encourager par ailleurs l'expérience retirée du rôle dévolu au corps européen pour diriger la Kfor.

Le ministre de la défense a observé que les prochains engagements de contribution des quinze Etats membres de l'Union européenne pourraient révéler certaines lacunes, notamment en matière de commandement commun, de renseignement, de capacité de projection navale, de capacité de frappe de précision à distance et en tout temps. Il a souligné l'importance d'un constat commun de ces déficits de capacité qui permettrait de parvenir à un accord pour les combler. Il a estimé que cette prochaine étape, indispensable dans la perspective de la mise en place de capacités militaires, pourrait se révéler complexe. Il a ajouté que les trois scénarios d'emploi de la force européenne, approuvés à ce jour, pourraient représenter les prémices d'un livre blanc de la défense à l'échelle européenne, mais mériteraient d'être complétés, à l'avenir.

M. Alain Richard a conclu son exposé en évoquant le retrait de l'armée israélienne du sud Liban. Il a d'abord indiqué que la France, qui avait appelé les différentes parties en présence à observer un engagement de modération et de retenue, avait jusqu'à présent été entendue. Notre pays, a-t-il ajouté, a réaffirmé la prééminence des Nations unies pour fixer le cadre de la mission qui pourrait être confiée à une force internationale dans le prolongement, le cas échéant, du mandat confié à la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban) sur la base de la résolution 425 du Conseil de sécurité. Il a estimé que la situation actuelle n'est pas exempte de dangers ; les conditions de sécurité au sud Liban dont la responsabilité incombe aux autorités libanaises ne paraissent pas encore réunies ; il n'est pas possible, par ailleurs, de préjuger des initiatives que prendraient certains groupes armés dotés de capacités d'action dans la région ; Israël a en outre marqué sa résolution de riposter par la force à toute action qui menacerait son territoire.

Le ministre de la défense a estimé qu'une force des Nations unies pourrait se trouver dès lors confrontée à des risques qu'il était difficile aujourd'hui d'évaluer. Notre pays, a-t-il ajouté, pourrait participer à une telle force, mais ne devrait pas être le seul pays occidental à s'engager. Enfin, le mandat confié à cette force devrait inciter l'ensemble des parties en présence à favoriser une stabilisation durable de la région.

Un débat s'est ensuite engagé avec les membres de la commission.

M. Serge Vinçon, se réjouissant des progrès réalisés par l'idée de défense européenne, a demandé des précisions sur la notion de force européenne conjointe et sur l'évolution de l'attitude de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Evoquant l'insuffisance des capacités européennes en matière, notamment de renseignement et de système de commandement, il s'est demandé si le niveau actuel des budgets de défense des pays de l'Union permettrait réellement de résorber ces lacunes.

M. André Boyer a souhaité connaître l'état d'avancement des réflexions sur la construction d'un second porte-avions et les perspectives de coopération avec la Grande-Bretagne. Il a souhaité savoir si la construction du quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins serait lancée cette année. Il a également interrogé le ministre sur les récentes protestations de sursitaires réclamant une cessation anticipée du service national.

M. Aymeri de Montesquiou a considéré que la question de la définition d'une véritable stratégie en matière de défense européenne mériterait de précéder le débat sur les capacités. Il a souhaité connaître les objectifs majeurs de la présidence française en matière de défense européenne. Il s'est par ailleurs interrogé sur les raisons du retrait précipité des forces israéliennes du sud Liban et a demandé si la France en avait été préalablement informée.

M. Hubert Durand-Chastel a évoqué le projet américain de défense antimissiles du territoire et s'est interrogé sur ses répercussions internationales, en particulier sa compatibilité avec le traité russo-américain ABM.

M. André Rouvière a demandé des précisions sur les futures relations qu'entretiendraient les structures de la défense européenne et l'Alliance atlantique. Il a notamment souhaité savoir si les capacités dédiées à la défense européenne s'ajouteraient à celles actuellement détenues par l'Alliance atlantique.

M. Philippe de Gaulle s'est demandé si le choix déjà opéré en faveur du Rafale ne limitait pas les options possibles pour la construction d'un second porte-avions. Il s'est interrogé sur la fiabilité de l'avion de transport proposé par Antonov. Rappelant les nombreuses difficultés ayant, par le passé, affecté les relations entre la France et le Liban, il a jugé inopportun l'engagement de forces françaises dans le cadre d'une éventuelle opération internationale à la suite du retrait des troupes israéliennes.

M. Xavier de Villepin, président, a interrogé le ministre sur les conséquences pour la France d'un éventuel déploiement d'une défense antimissiles du territoire aux Etats-Unis ; il s'est inquiété de la déclaration effectuée lors de la conférence d'examen du traité de non-prolifération par les cinq puissances nucléaires aux termes de laquelle ces dernières s'engageaient à renoncer à la dissuasion nucléaire. Il a également demandé des précisions sur la possibilité de définir, au niveau européen, des critères de convergence en matière d'effort de défense, sur la décision que prendra la France après l'annonce par la Grande-Bretagne, de son ralliement au choix de l'avion de transport militaire européen A400M et sur les évolutions en préparation en Allemagne en matière de professionnalisation des armées. Evoquant la situation au sud Liban, il a regretté que l'armée libanaise n'ait pas été en mesure de contrôler le terrain abandonné par les forces israéliennes et a souligné les nombreux risques qu'impliquerait pour nos troupes un éventuel engagement qui, d'après M. Xavier de Villepin, président, devrait être précédé par un débat au Parlement.

En réponse à ces différentes interventions, M. Alain Richard, ministre de la défense, a apporté les précisions suivantes :

- la Grande-Bretagne apporte un concours très substantiel à l'édification d'une défense européenne qui constituerait pour elle un cadre utile à l'exercice de ses responsabilités internationales ;

- les Etats-Unis, bien que toujours attentifs aux avantages procurés par leur leadership sur l'Alliance atlantique, considèrent désormais plus favorablement le renforcement des capacités européennes de défense dans la mesure où il permettrait un meilleur partage de l'effort militaire ;

- le projet de défense antimissiles du territoire envisagé par l'administration américaine vise à permettre une protection contre le lancement d'un nombre limité de missiles et pourrait rester compatible avec le traité ABM de 1972, sous réserve que ce dernier soit en partie amendé. Alors que l'opposition républicaine souhaite un système beaucoup plus ambitieux, il n'est pas certain que le Président Clinton soit en mesure de prendre une décision de déploiement d'ici la fin de son mandat. La France, pour sa part, a exprimé ses préoccupations face à un projet dont l'efficacité n'est pas démontrée et qui engendre un certain nombre de risques de déséquilibre en matière de contrôle des armements et de sécurité internationale ;

- la déclaration effectuée à New York par les cinq puissances nucléaires n'est pas en contradiction avec la position traditionnelle de la France qui s'est toujours prononcée en faveur d'une réduction progressive des arsenaux nucléaires ;

- l'édification de l'Europe de la défense relève du champ intergouvernemental et doit donc s'effectuer pas à pas, par rapprochement progressif et volontaire des pays membres. Cette démarche ne pourrait qu'être entravée par la résurgence du débat sur la supranationalité en matière de défense ;

- la mise en place des structures politiques et militaires définitives d'une part, et l'obtention d'engagements de contribution des différents pays membres aux capacités militaires européennes d'autre part, sont les deux objectifs majeurs que s'est fixés la France, pour sa présidence, en matière de défense européenne ;

- le gouvernement allemand mène actuellement, sur la base d'un certain nombre de documents préparatoires, une réflexion sur l'adaptation de ses forces armées et devrait prendre avant la fin du mois de juillet une décision sur le maintien ou non de la conscription. En tout état de cause, et même si elle devait conserver une composante issue de la conscription, l'armée allemande se rapprochera très vraisemblablement des concepts de défense déjà adoptés par la Grande-Bretagne, la France, l'Espagne et l'Italie ;

- il est légitime de s'interroger sur la force de l'esprit de défense dans les différents pays de l'Union européenne et il serait souhaitable d'instaurer, en matière d'effort militaire, sinon des critères de convergence, du moins des indicateurs de cohérence permettant de définir le niveau de forces communes que les Européens souhaitent pouvoir déployer ;

- si elle était confirmée par la prochaine loi de programmation militaire, la construction d'un second porte-avions, dont le coût peut être estimé à 13 ou 14 milliards de francs, devrait nécessairement retenir un modèle de bâtiment comparable au Charles de Gaulle afin de pouvoir accueillir le même groupe aérien embarqué et notamment le Rafale ;

- la Grande-Bretagne doit, quant à elle, clarifier, dans l'année qui vient, son choix entre un porte-aéronefs et un porte-avions doté de catapultes et de brins d'arrêt. Si cette dernière option était retenue, il y aurait alors une possibilité de coopération franco-britannique, sous une forme qui reste à définir ;

- la construction du quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération devrait être lancée comme prévu cette année ;

- s'agissant de l'avion de transport européen, six des sept pays qui s'étaient engagés à acquérir l'appareil en commun ont fait connaître leur préférence pour l'Airbus A400M. La position de l'Allemagne qui, pour des raisons financières mais aussi politiques, demeure intéressée par l'appareil russo-ukrainien Antonov, sera donc déterminante pour l'avenir de ce programme ;

- dans le prolongement de la lettre d'intention signée en 1998 par les six principaux pays européens producteurs d'armement, un accord est en voie d'être conclu en vue de définir un cadre juridique accompagnant les restructurations européennes de l'industrie de défense, en particulier en ce qui concerne la sécurité des approvisionnements et le régime des autorisations d'exportations ;

- l'Union européenne ne disposera pas plus que l'OTAN de forces propres, chaque pays s'engageant simplement à fournir, le cas échéant, les capacités nécessaires. En revanche, il faudra que l'Europe se dote de moyens communs de commandement, de renseignement et de coordination. Enfin, les deux organisations se concerteront pour décider d'un commun accord si l'une plutôt que l'autre doit intervenir dans le règlement d'une crise internationale, cette procédure permettant d'ailleurs aux Etats-Unis de ne pas être automatiquement engagés s'ils ne le souhaitent pas ;

- de nombreuses voix s'expriment au sein de l'Organisation des Nations unies pour renforcer la présence internationale au Liban à la suite du retrait de l'armée israélienne. L'idée d'une force de réaction rapide, venant en complément de la FINUL, pour le moment dotée de capacités insuffisantes, a été avancée. La France, pour sa part, souhaite que les risques inhérents à une telle intervention soient appréciés le plus précisément possible. Aussi tient-elle, en tout état de cause, à ce que la durée du mandat et son terme soient mûrement réfléchis, en vue notamment de permettre, le cas échéant, un réexamen de l'opportunité du maintien d'une présence internationale.